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Groupes de discussion - Groupe de discussion académique sur le travail décent et l'économie informelle

Présidé par Stephen Pursey, Cabinet du Directeur général

Alice Sindzingre, chargé de recherche principal, Centre National de la Recherche Scientifique, Paris, chercheur associé et conférencier itinérant de la School of Oriental and African Studies, University of London.
La débat académique sur le concept de l'informalité a été centré sur la définition et sur la dichotomie entre les secteurs formel et informel. Il y a des problèmes conceptuels en raison du caractère vague et du nombre des définitions de l'économie informelle, ainsi que du fait qu'il est parfois difficile de déterminer l'importance de ce secteur qui est mal défini, d'où les différences d'évaluations.

Il y a également des illogismes du point de vue de la hiérarchie et de l'unicité. Par exemple, le secteur informel est souvent défini d'après un critère de forme qui coexiste simultanément avec une série de critères de fond. Il s'ensuit que la forme est définie comme un ensemble de caractéristiques, ce qui est une source de problèmes logiques. De plus, les caractéristiques du secteur informel ne sont pas forcément suffisantes pour qu'un phénomène puisse être attribué sans ambiguïté à la catégorie formelle ou informelle. De surcroît, les statisticiens du travail reconnaissent combien il est difficile d'établir une dichotomie entre les secteurs formel et informel.

Un autre problème logique provient du fait que les activités informelles peuvent être définies comme un secteur, qui est à la fois le motif et le résultat d'une analyse macroéconomique et de la structure des comptes nationaux. Par informel, on peut également se référer à divers types ou caractéristiques d'entreprises. On peut se référer au chômage. De plus, le terme informel peut servir à définir une activité ou un type d'activité.

Le dualisme formel-informel représente une partition du monde en deux et seulement en deux catégories, le formel étant défini par défaut, par ce qui n'est pas informel et vice-versa. Les deux catégories sont résiduelles l'une de l'autre. Etant donné qu'il n'y a que deux catégories dans ce système dualiste, si la première catégorie perd des travailleurs, ces travailleurs arriveront forcément dans la seconde catégorie, car ils ne peuvent pas aller ailleurs.

Certaines caractéristique qui différencient le formel de l'informel sont notamment:

  • la capacité discriminatoire des critères - différences entre les entreprises du niveau macroéconomique et les entreprises hétérogènes;
  • la dichotomie formel-informel cache la dynamique des processus d'emploi;
  • la réponse endogène à la régulation gouvernementale (le secteur informel disparaît si la régulation devient moins stricte);
  • le caractère non enregistré de ses activités, qui est un continuum plutôt qu'une dichotomie;
  • la flexibilité du travail - certaines activités peuvent être basées à la fois sur des contrats formels et informels;
  • barrières d'accès peu importantes (qualifications, capital, crédit, réseaux);
  • faible degré d'organisation;
  • niveaux de revenus parfois plus bas, mais des études font apparaître de grandes variations de revenus;
  • qualifié - non qualifié est un critère plus utile étant donné que la mondialisation a un impact négatif sur les travailleurs non qualifiés.

La signification et la pertinence du concept d'économie formelle ont été beaucoup influencées par des facteurs déterminants pour l'élaboration des politiques. Les donateurs considèrent l'économie formelle comme une économie politique et un concept de gouvernance. Pour les gouvernements, il y a un lien entre l'économie formelle et les comptes nationaux. Dans les pays en développement, l'économie formelle est l'objet de réformes économiques et elle peut éventuellement être influencée par le rôle des nouvelles politiques qui sont conçues et mises en œuvre. Les organisations internationales ont contribué à la définition du concept, et l'intérêt des institutions de Bretton Woods pour le secteur informel est lié à l'exactitude des calculs du PIB et de la croissance, ainsi qu'au renforcement des services statistiques et fiscaux.

Le concept de l'informalité est moins un dualisme qu'un continuum à plus d'un égard:

  • contrats, y compris les arrangements et les transactions informels;
  • institutions (contraintes qui existent automatiquement dans le secteur informel et dispositions réglementaires formelles dans le secteur formel);
  • niveau individuel (avantages et inconvénients des normes selon les situations, respect des règles selon leur crédibilité);
  • au sein des activités (emplois multiples, chefs d'entreprises travaillant dans les deux secteurs, ménages dont des membres sont occupés tant dans le secteur formel que dans le secteur informel);
  • entre les activités (délimitations peu claires, effets d'entraînement entre les marchés, corruption, chaînes de valorisation).

L'impact de la mondialisation est fonction du type d'activité et du type d'économie. Il s'agit moins d'aspects formels et informels que de questions concernant les travailleurs qualifiés et non qualifiés. La mondialisation touchera plus durement les travailleurs non qualifiés.

Il y aussi des règles non écrites, informelles qui peuvent être plus contraignantes et plus complexes que les règles formelles, tout particulièrement si l'Etat n'est pas crédible. Néanmoins, ces règles peuvent aussi être plus efficaces parce qu'elles correspondent à des normes locales.

Le débat actuel résulte du fait que l'économie informelle couvre des objectifs et des complexités très différentes. Il y a autant de concepts qu'il y a de situations et pourtant nous utilisons les mêmes termes pour parler de réalités et de problèmes très différents.

Kristina Flodman Becker, consultant de l'Agence suédoise de coopération internationale au développement (ASDI), auteur de "The Informal Economy" (L'économie informelle), publié par l'ASDI en 2004.
Mme Flodman Becker a dit dans l'introduction à son exposé que son expérience était basée sur ce que l'on peut observer sur le terrain dans les milieux informels, principalement dans les villes, où les responsables d'entreprises de l'économie informelle sont privés de tous les droits économiques fondamentaux et n'ont pas la possibilité de se faire entendre. Bien que tous les pauvres ne travaillent pas dans le secteur informel, tous ceux qui travaillent dans le secteur informel sont pauvres.

Elle a observé que des préjugés existent à l'encontre de l'économie informelle, tels que: les activités de ce secteur sont exclusivement des activités de survie et ne sont pas intéressantes, l'économie informelle ne peut jamais réellement contribuer à la croissance économique, les gens choisissent de travailler dans l'économie informelle, ou qu'ils sont impliqués dans des activités criminelles.

En réalité le potentiel de l'esprit d'entreprise des personnes travaillant dans l'économie informelle est considérable. L'économie informelle, qui ne peut compter sur aucun cadre d'appui et qui déploie des activités dans l'insécurité, représente plus de 40% du PIB en Afrique subsaharienne.

A titre d'exemples, elle a mentionné les villes de Harare, Lusaka, Nairobi et d'Addis-Abeba où des baraquements de travailleurs informels ont été détruits - une des conséquences extrêmes de l'attitude des gouvernements et du système économique envers les personnes travaillant dans l'économie informelle. Bien que ces personnes offrent leurs services à des communautés informelles qui sont parfaitement légales, elles sont invisibles. Elles sont exclues de tout mécanisme de prise de décisions. D'innombrables obstacles les empêchent d'utiliser pleinement leur potentiel économique; elles sont privées de tout droit économique ainsi que d'autres droits fondamentaux.

Mais la reconnaissance de droits économiques va de pair avec l'acquisition d'un pouvoir économique. Des négociations avec les gouvernements impliqueraient par conséquent un changement de la structure du pouvoir. Les gouvernements doivent être prêts à accepter un changement de situation. Les menaces doivent devenir des possibilités. L'alternative est l'exclusion.

L'ASDI accorde maintenant la priorité au secteur informel dans le cadre de sa politique de développement du secteur privé; l'économie informelle devient de plus en plus une zone d'intervention cible dans les stratégies qui sont basée sur une approche de reconnaissance des droits. Un grand potentiel peut devenir une réalité si l'on reconnaît les droits des gens.

Il n'y a toutefois pas de droits sans responsabilités. Le potentiel de l'économie informelle est énorme. Il faudra une évolution à long terme, mais peu coûteuse, pour que les personnes travaillant dans l'économie informelle puissent acquérir un pouvoir, cesser d'être des bénéficiaires passifs et devenir des collaborateurs actifs.

Il ne faut pas donner dans le romanesque et considérer le secteur informel comme un élément permanant de l'économie ou comme un bassin de réception de la main-d'œuvre devenue excédentaire. Cela reviendrait à vouloir perpétuer un système dans lequel la dualité économie formelle - économie informelle permet à une minorité de bénéficier d'un accès disproportionné aux ressources tandis que la grande majorité, bien qu'elle ne cherche qu'à collaborer activement est exclue à cause d'une politique fondée sur des préjugés depuis des décennies. (passage extrait de "Supporting the informal Sector", Sandra Yu, 1994).

M. Dwight Justice, CISL, Unité des entreprises multinationales.
M. Justice a rappelé que nous parlons de gens qui existent réellement, qui sont marginalisés et exploités et que nous devons savoir pourquoi ils se trouvent dans une telle situation. Il y a un certain nombre de problèmes économiques et sociaux très réels qu'il faut aborder dans le cadre du concept d'"économie informelle". Le terme "économie informelle" a été inventé pour interpréter une réalité et pour donner un sens à un certain nombre de choses. En fait, il englobe aujourd'hui bien des choses disparates. Divers problèmes et la nécessité de trouver diverses solutions sont regroupés sous ce terme unique. Ce n'est pas une bonne idée intellectuelle et elle ne conduit pas à de bonnes politiques.

L'idée d'un continuum n'est toutefois pas utile non plus, car elle a tendance à réunir plusieurs choses qui ne sont pas liées les unes aux autres. Les travailleurs préfèrent l'approche de déficits de travail décent.

L'informalité est essentiellement une question de gouvernance. Au BIT nous appelons cela l'application des normes. Nous avons besoin d'une approche tripartite et nous devons centrer notre attention sur les changements qui doivent être apportés aux cadres juridiques et institutionnels. Le BIT établit des normes et les gouvernements doivent les faire respecter. Ce n'est qu'ainsi que le BIT parviendra à changer les choses.

Rafael Diez de Medina, économiste principal, Département de l'Intégration des Politiques, BIT
M. Diez de Medina a déclaré à son tour que le terme économie informelle a été beaucoup critiqué et négligé en tant que concept dans les milieux académiques. Il pense toutefois que cela est dû à un manque de clarté des concepts et des données empiriques qui les étayent. Si vous cherchez avec Google, 89% des résultats viennent du BIT. Alors comment abordons-nous ce thème? Nous devons être pragmatiques. L'économie informelle existe, elle est en expansion et est une caractéristique importante des marchés du travail. Nous devons par conséquent aborder cette question de manière cohérente et efficace, en donnant des réponses aux responsables politiques et aux divers acteurs...

L'idée d'une dichotomie n'est pas vraiment acceptée en tant que concept, bien que le BIT et d'autres institutions aient été très actifs pour essayer de déterminer l'importance du secteur informel aussi bien que possible, mais nous avons besoin de moyens plus complexes pour déterminer l'importance de ce secteur étant donné sa complexité.

L'orateur a également déclaré que l'idée d'un continuum est encore très pertinente en tant que concept général, en dépit de ses limites et des critiques qu'il peut éventuellement susciter. Ce concept tient compte du large éventail de questions et fournit un moyen d'aborder ces questions dans diverses perspectives et dans le cadre de diverses politiques. Le BIT a une grande expérience de ces questions et a utilisé ce concept en tant que base pour concevoir un modèle de changement. Le modèle sert de plan de campagne pour la façon dont ces questions complexes doivent être abordées dans une perspective plus large que celle des activités déployées uniquement par le BIT. Il reconnaît également la nécessité d'obtenir la collaboration de partenaires dans ce contexte. Et il centre l'attention sur la pauvreté, tout en reconnaissant l'existence de clandestins dans l'économie. L'objectif est de faire passer les hommes et les femmes au continuum du travail décent. Nous devrions examiner les facteurs de vulnérabilité dans l'économie informelle, en essayant d'arriver à un niveau formel, mais en ne perdant pas de vue qu'il peut être très difficile de se centrer uniquement sur ces problèmes. La prévention est le thème principal. Le Modèle de changement est un outil pour essayer de recenser les mesures concrètes pouvant être prises pour accorder plus de droits, offrir de meilleurs emplois et de meilleures conditions de travail dans l'économie informelle. Ce Modèle est exposé sous la forme d'une présentation multimédias dans le cadre du Forum des connaissances sur le travail décent et l'économie informelle.


 
Dernière mise à jour: 3 Septembre 2005
Evénement organisé par Département de l'Intégration des politiques
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