Groupes de discussion - Forum de discussion sur le travail décent et l'économie informelle: centré sur les initiatives pratiques
Présidé par Anne Trebilcock, Département de l'intégration des politiques
L'objectif du travail décent a contribué à une vision commune de l'approche devant être adoptée envers la diversité de l'économie informelle. Avec son grand potentiel pour la création d'emplois, l'économie informelle doit offrir des emplois décents - ainsi que des droits, une protection sociale, une représentation et un dialogue allant de pair avec le dynamisme et la créativité observée dans le secteur informel.
Au cours des trois dernières années, des efforts ont été déployés par les mandants dans tous les secteurs et toutes les régions de l'OIT pour atteindre ces objectifs. Le forum a pour objet de présenter les initiatives prises par l'ensemble du Bureau pour aborder les problèmes de l'économie informelle. Les quatre secteurs du Bureau ainsi que le Bureau de l'égalité entre hommes et femmes ont présenté des exposés, qui ont été suivis d'une discussion.
Secteur du dialogue social
M. Henrik Molle (Bureau des activités pour les employeurs) a pris la parole en premier et a déclaré que la Discussion de la Conférence internationale du Travail en 2002 consacrée à l'économie informelle et la Résolution concernant le travail décent et l'économie informelle sont actuellement le "document" de référence pour les interventions de l'OIT, mais ce document comporte également des passages spécifiques sur le rôle des organisations d'employeurs. Les organisations d'employeurs devraient notamment avoir pour priorités et objectif central d'influencer les politiques de manière à les orienter vers la "formalisation"; elles devraient également promouvoir des dispositions législatives et des politiques qui créent un environnement porteur pour les entreprises de tous les niveaux; enfin, elles devraient accroître la représentation dans l'ensemble de l'économie informelle et/ou agir comme des intermédiaires permettant d'établir des liens entre les unités de l'économie informelle et les entreprises formelles.
Il a mentionné certains exemples d'activités qui sont entreprises au Belize, en République dominicaine, à la Grenade, en Jamaïque, au Suriname, au Saint-Kitts-et-Nevis( pour la promotion des PME et de l'environnement d'exploitation), en Mongolie (sur les liens entre les secteurs formel et informel), la Bulgarie (sur l'offre de services aux PME dans l'économie informelle) et au Kenya (sur les liens entre les entreprises formelles et informelles).
Serjus Clovackas (Confédération internationale des syndicats libres, Europe centrale et orientale) a déclaré qu'environ 10 millions de personnes travaillent dans l'économie informelle en Europe centrale et orientale. Les caractéristiques de l'économie informelle dans cette région sont notamment des niveaux d'éducation élevés, une organisation interne au sein des sociétés, l'emploi à temps partiel tant dans l'économie formelle qu'informelle, des migrations saisonnières, des partenaires sociaux indéterminés, l'association de syndicats avec des institutions d'Etat (parmi les employés), des séparations vagues entre les économies informelles et illégales et des structures syndicales non adaptées ou manquant d'expérience en matière d'emploi informel.
Les activités déployées dans la région sont notamment des campagnes de sensibilisation, d'organisation (parmi les chauffeurs de minibus, les vendeurs ambulants, les coiffeurs/euses, les esthéticiennes, les vendeurs de marché, les pharmaciens, les agriculteurs, les agents chargés de percevoir les taxes de stationnement, les travailleurs du vêtement, les voyagistes), et la promotion du dialogue social.
M. José Lui Daza (Programme focal pour le renforcement du dialogue social) a exposé la situation juridique des personnes travaillant dans l'économie informelle. Il a expliqué qu'il est nécessaire de définir le concept du caractère informel de la main-d'œuvre, de reconnaître les différents types de travailleurs et leurs besoins. Il convient également de recenser les activités qui sont déployées pour aider les gouvernements à étendre la protection des travailleurs du secteur informel et aux micro- et petites entreprises. Il a relevé que les pays en développement ont adopté des mesures pour appliquer les lois du travail à tous les travailleurs et a expliqué que l'OIT lancera des projets pilotes dans ce domaine.
Secteur de l'emploi
Kees van der Ree a fait un exposé au nom de l'ensemble du Secteur de l'emploi. Le secteur est chargé des interventions dans le domaine de la micro-finance, de l'infrastructure à forte densité de main-d'œuvre, de l'esprit d'entreprise, de la promotion des associations et des coopératives et du perfectionnement de la main-d'œuvre. L'objectif du Secteur de l'emploi dans les activités qu'il déploie en faveur du secteur informel est la création d'emplois et la valorisation des emplois; il accorde une attention toute particulière au renforcement des organisations d'employeurs et de travailleurs dans l'économie informelle.
Il a cité les trois exemples de projets suivant.
- La formation pour le renforcement des capacités économiques (Economic Empowerment - TREE) au Pakistan et aux Philippines. Ce projet recense les possibilités et les besoins économiques, organise la formation pratique basée sur cette analyse et offre des services de perfectionnement afin que les personnes formées puissent créer elles-mêmes des emplois. Les activités sont déployées au niveau de la communauté et encouragent la création de conseils de partenariats locaux, de groupes de sociétés de la communauté et de coopératives d'épargne et de crédit.
- Gestion durable des ressources forestières au Mali. Ce projet cherche à améliorer les conditions de vie des personnes en luttant contre la dégradation environnementale. A cette fin, il demande aux intéressés de participer à la gestion des ressources forestières, à promouvoir la création d'organisations et d'une infrastructure à forte intensité de main-d'œuvre. Jusqu'ici, 800 emplois permanents ont été créés et plusieurs associations de type différent ont été créées.
- Gestion des risques financiers en Asie. L'objectif de ce projet est d'aider les pauvres à atténuer les fluctuations de revenus et à survivre à des situations de crise. Les services financiers fournis par le projet génèrent de nouveaux moyens de subsistance et consolident celles qui existent en abaissant les dépenses et en réduisant la dépendance économique et sociale.
- Coopération avec des syndicats de dinanderie à Moradabad en Inde. Ce projet améliore la productivité et le revenu en établissant des liens entre les conditions de travail et les pratiques commerciales. Au total, 858 travailleurs et 110 entrepreneurs ont été formés et 600-700 travailleurs ont été organisés.
- Organisations des travailleurs de l'économie informelle au moyen d'une collaboration avec les syndicats/coopératives en Afrique occidentale et australe. L'objectif de ce projet est de renforcer la capacité des syndicats et des coopératives à organiser les travailleurs de l'économie informelle, de réduire la pauvreté en améliorant les conditions de travail, et d'incorporer les problèmes de l'économie informelle dans le processus national de stratégie pour la réduction de la pauvreté. Les syndicats et les coopératives ont aidé 650 jeunes chômeurs à créer des emplois décents en leur offrant des possibilités de formation et en leur apportant un appui de micro-crédit; ces jeunes ont ainsi pu organiser des PME et des coopératives appartenant aux travailleurs. En 2004, 2500 travailleurs de l'économie informelle ont été organisés et 24 nouveaux groupes ont été créés.
Parité hommes-femmes
M. Sunmonu (Secrétaire général de l'Organisation de l'unité syndicale africaine) a relevé que selon les personnes le terme "économie informelle" a un sens différent. Pour certaines personnes, il s'agit d'activités économiques "non règlementées, non conformes aux dispositions légales et non enregistrées" que déploient de petites unités familiales sans tenir compte des normes internationales du travail. Pour ceux qui travaillent dans ce secteur, c'est la nécessité de survivre qui les pousse à surmonter les difficultés socio-économiques imprévisibles. Au début des années 80 et jusqu'en l'an 2000, les compressions d'effectifs massives intervenues dans l'économie formelle durant la mise en œuvre des programmes d'ajustement structurel en Afrique ont conduit à une croissance phénoménale du secteur informel de l'économie. Ce secteur a absorbé la plupart des travailleurs devenus excédentaires et a ensuite été salué par les institutions financières internationales comme la solution aux problèmes économiques de l'Afrique.
Il a cité un projet conjoint OIT OUSA en faveur de 6 pays africains (Ethiopie, Ghana, Guinée, Mali, Soudan et Tanzanie) pour une politique intégrée de promotion de l'égalité entre hommes et femmes. Ce projet accorde une attention toute particulière sur les problèmes des femmes en matière de VIH/SIDA, d'enseignement de base, de travail dans l'économie informelle, et de pauvreté. Les succès remportés par ce projet sont notamment:
- La plupart des syndicats africains ont aujourd'hui un service chargé de la mise en œuvre d'une politique intégrée de l'égalité entre hommes et femmes;
- Des changements constitutionnels sont intervenus dans les centrales syndicales africaines et dans les organisations régionales;
- Les travailleuses ont plus de moyens d'action et occupent des postes de responsabilités dans le mouvement syndical;
- Pour la première fois une dirigeante syndicale africaine a été élue au Conseil d'administration;
- Les syndicats organisent maintenant, avec un succès considérable, des entreprises employant des personnes dans le secteur informel dans certains pays africains tels que le Ghana, le Bénin et le Burkina Faso.
Secteur du protection sociale
Philippe Marcadent a parlé du lien qui existent entre la pauvreté et la protection sociale. En Afrique, 80-85% de la population n'est pas couverte par le système de protection sociale. Il a présenté trois expériences différentes qui ont été faites en utilisant la micro-assurance. Il s'agit de systèmes volontaires qui pour la plupart couvrent les soins de santé et versent des prestations en cas de décès.
- En Inde, le système Yeshasvini couvre 2,1 millions de membres de coopératives pour les interventions chirurgicales. Ces membres doivent payer une cotisation de 1 à 2 euros par an et par personne. Il s'agit d'un partenariat public/privé qui peut compter sur la participation de 114 hôpitaux.
- Au Bangladesh, le système Grammen Kaylan couvre 260.000 membres pour 99% des soins primaires et secondaires. Ce système est basé sur ses prestataires de services et allie le micro-crédit et la micro-assurance.
- Au Sénégal, l'Union des Mutuelles de Santé de la Région de Dakar regroupe 32 assurances-maladie mutuelles et couvre 180.000 travailleurs des secteurs formel et informel tant dans des zones rurales qu'urbaines. Le même type d'union est en train d'être institué dans une autre région avec des objectifs similaires.
Odile Frank a décrit les activités qui sont déployées dans l'économie informelle au Ghana. Le groupe-cible se compose de propriétaires de garages, d'apprentis et de mécaniciens ainsi que de vendeurs de produits alimentaires qui sont parrainés par les propriétaires de garages. Le projet a utilisé une approche de pairs et a formé des éducateurs pour les pairs afin de faire passer le message. Les résultats démontrent que des interventions ciblées peuvent être couronnées de succès dans l'économie informelle. Des interventions similaires peuvent être conçues pour atteindre d'autres groupes de l'économie informelle.
Michelle Nahmias a présenté le Programme d'amélioration du travail grâce au développement de la communauté qui a été lancé pour la première fois au Viet Nam et qui est actuellement aussi mis en oeuvre au Sénégal, en Ethiopie, au Kirghzistan et en Moldavie. Il s'agit d'une méthode participative qui aide de petits exploitants agricoles à améliorer leurs conditions de travail et à réduire les accidents liés au travail. Rien qu'au Viet Nam, 170.000 petits exploitants agricoles ont profité des possibilités de formation et ont amélioré leurs conditions.
Secteur des normes et des principes et droits fondamentaux au travail
Lee Swepston (Secteur des normes et des principes et droits fondamentaux au travail) a parlé des peuples indigènes et tribaux, environ 350.000.000 personnes, qui travaillent souvent en dehors de l'économie formelle. Les défis qu'il faut relever pour aborder les problèmes des peuples indigènes et tribaux varient d'un pays à un autre, et même au sein d'un pays donné. L'OIT essaie d'intégrer les besoins de développement de ces groupes dans les stratégies globales d'élimination de la pauvreté.
Il a mentionné plusieurs défis que le programme d'élimination de la pauvreté de l'OIT doit relever en soutenant l'autonomie des peuples indigènes et tribaux pour la création d'activités génératrices au moyen de coopératives et d'organisations d'auto-assistance. Parmi ces défis se trouvent beaucoup de problèmes allant de groupes soumis au travail forcé au manque de moyens d'intervenir auprès des gouvernements. Il a également mis l'accent sur l'importance que revêt l'évaluation du rôle de l'économie informelle et sur le défi qui doit être relevé pour que l'on parvienne à s'occuper de l'invisibilité des peuples indigènes.
Carolin O'Reilly (Programme pour la promotion de la Déclaration relative aux principes et droits au travail) a parlé de la servitude pour dette et a notamment mentionné un projet au Pakistan qui apporte un appui national aux zones rurales pour promouvoir l'agriculture et créer des camps temporaires. Elle a mis l'accent sur la nécessité d'aider les personnes souffrant de la contrainte pour dette et leur famille et de créer des moyens de subsistance durable afin que ces personnes puissent reconstruire leur vie. En général, les travailleurs asservis appartiennent à des groupes minoritaires, se caractérisent par un niveau d'analphabétisme élevé, ont un accès limité aux services sociaux et connaissent mal leurs droits socio-économiques.
Elle a présenté un projet de 4-5 ans, qui englobe une analyse de la situation, examine la nécessité de fournir des services de santé gratuits pour redonner confiance aux familles asservies et de passer à des ensembles de mesures intégrés pour les hommes et les femmes. Elle a reconnu les problèmes liés à l'absence de crédit et la nécessité de mobiliser l'épargne pour faire face aux vicissitudes de la vie.
Plusieurs composantes du projet portent sur les problèmes de l'application des lois et du renforcement des capacités.
Le rôle important de la micro-finance a été reconnu dans ce contexte. Elle a également relevé qu'il est nécessaire d'offrir des possibilités de perfectionnement professionnel, notamment en ce qui concerne:
- la gestion de la situation financière d'un ménage
- le renforcement des capacités économiques
- le développement de l'environnement rural
- le perfectionnement professionnel des agriculteurs
- la formation technique des agriculteurs
L'accent a été mis sur l'importance du rôle de l'identité, notamment sur les possibilités d'obtenir des documents d'identité, ainsi que de celui de l'enregistrement des terres.
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