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Rapport de la Commission de l'application des normes

Discussion en plénière
Rapport général


 

Convention no 87: Liberté syndicale et protection du droit syndical, 1948

Argentine (ratification:1960). Un représentant gouvernemental a remercié, au nom de son gouvernement, la commission d'experts de son analyse de la loi no 23551 régissant l'activité syndicale et a souhaité dresser un bilan des résultats obtenus au terme de dix années d'application de cet instrument. En 1992, la commission d'experts, tout en se réjouissant de la promulgation de cette loi et de son décret réglementaire, en a fait une analyse exhaustive et a formulé quelques observations sur certains de ses articles. Répondant à la demande de la commission d'experts, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale de l'Argentine a réalisé une étude exhaustive de deux volumes relative aux associations syndicales qui existent en Argentine, cette analyse reflétant leur importance et leur diversité et conduisant à des conclusions intéressantes quant à l'application de la loi, dans la perspective des observations formulées par la commission d'experts.

La commission d'experts avait salué l'adoption de la loi no 23551 en premier lieu parce qu'elle remplaçait un instrument imposé par la dictature qui a marqué le pays entre 1976 et 1983 et qui, avec cet instrument, avait réduit à sa plus simple expression l'activité syndicale indépendante et persécutait sans relâche le mouvement ouvrier argentin. Cette nouvelle loi avait en outre le mérite d'être le produit d'un vaste consensus politique et social, attesté par la très large majorité par laquelle le parlement argentin l'a adoptée, recueillant le soutien des représentants des principaux partis politiques, de la majorité comme de l'opposition. Enfin, cette loi reflétait pleinement les obligations que le pays avait souscrites en ratifiant la convention no 87.

La loi no 23551 s'inscrit dans le cadre constitutionnel de l'Argentine qui garantit la liberté d'expression, la libre représentation syndicale et les droits des minorités. Cet ordre ne soumet à aucune condition non plus la constitution de syndicats ou la reconnaissance de la personnalité juridique des associations de travailleurs. La meilleure preuve en est le nombre très important de syndicats ayant la personnalité juridique (2.776), dont 915 ont été constitués au cours des dix dernières années, c'est-à-dire depuis que la loi est en vigueur. Il existe en outre 540 associations revêtant la forme de syndicats d'entreprises, de profession, de catégorie ou de branche, ce qui démontre suffisamment que les travailleurs ne se heurtent à aucune restriction quant au choix de la forme de leur organisation. La loi n'institue aucune condition excessive ou discriminatoire pour l'obtention du statut d'organisation la plus représentative, le seul critère, indéniablement objectif, étant celui du plus grand nombre d'adhérents. C'est ainsi qu'il existe aujourd'hui 1.317 syndicats ayant cette qualité et que 334 autres associations ont demandé leur incorporation dans cette catégorie, ce qui dénote la grande diversité des formes d'association et leur pluralisme. Les associations ayant la personnalité juridique ont autorité pour négocier collectivement de manière exclusive dans leur domaine d'action. La loi reconnaît en outre aux associations simplement enregistrées, sans avoir la qualité d'association la plus représentative, le droit de représenter les intérêts individuels et collectifs de leurs adhérents, celui de revendiquer sur des d'intérêts collectifs, de même que celui d'exercer toute activité propre à une association de branche. La loi reconnaît ces droits sans autre condition que le simple enregistrement de l'association concernée. Ces facultés et les possibilités de les exercer sont si larges qu'il existe actuellement dans le pays 1.436 associations de ce type et 332 associations ayant demandé leur enregistrement en cette qualité. La loi garantit l'exercice normal des droits syndicaux et définit les procédures judiciaires de recours devant les tribunaux compétents, que les représentants des travailleurs appartiennent à des organismes ayant la qualité de syndicat de branche ou à des associations n'étant pas les plus représentatives de leur catégorie. En vertu de l'article 47 de la loi, travailleurs et syndicats, sans exception aucune, peuvent demander l'application de la procédure extraordinaire que constitue le référé, moyen le plus rapide que prévoit notre législation pour parvenir, dans la forme la plus immédiate, à une décision de justice tendant à faire cesser tout comportement antisyndical, notamment toute pratique déloyale et contraire à l'éthique des relations du travail.

Aussi bien dans ses termes que dans son application pratique, la loi no 23551 a permis de garantir aux travailleurs argentins l'exercice des droits prévus par la convention et, en particulier, de ceux concernant la représentation pluraliste dans la négociation collective et la reconnaissance de l'organisation la plus représentative. Cela tient au fait que, dans son élaboration, il a été tenu compte des expériences de plusieurs pays, ce qui a permis d'éviter que ce nouvel instrument ne favorise les divisions syndicales inutiles et une fragmentation de la représentation syndicale entraînant inévitablement une érosion du pouvoir de négociation des travailleurs.

Selon l'appréciation de la commission d'experts, confirmée par dix années de pratique, cette loi ménage un équilibre entre les droits importants reconnus aux associations seulement enregistrées et le souci d'éviter un excès de représentations minoritaires générant une atomisation de la capacité de négocier. Il convient de ne pas oublier à cet égard que le principe de l'association la plus représentative a été consacré par l'OIT, du fait qu'il permet de concilier liberté syndicale et efficacité pratique, garantissant ainsi l'existence d'organisations sociales libres et fortes. On évoquera à cet égard, comme le fait ressortir le rapport de la commission d'experts, les quelque 2.776 associations actuellement en exercice, qui comptent plus de 4.400.000 adhérents. Compte tenu des estimations concernant la population économiquement active, nous sommes en présence de l'un des taux de syndicalisation les plus élevés du monde. Cette situation illustre la clairvoyance des législateurs de 1988, qui ont tenu à ce que le mouvement syndical ait un poids réel sur la vie économique et sociale argentine, conformément à une tradition de défense des intérêts des travailleurs établie de longue date.

Certes, comme tout texte normatif, cette loi est perfectible et le gouvernement argentin a pris note avec intérêt des observations formulées en son temps par la commission d'experts. Dans sa réponse à ces observations, il s'est efforcé de promouvoir les points de vue exprimés par la commission à travers la conception de la loi, les modalités de son application par l'autorité de tutelle, et notamment un projet de réforme de cette même loi présenté en son temps devant le parlement, comme en atteste le rapport de la commission d'experts de cette année. Cette conduite de la part du gouvernement de même que la pratique suivie par les partenaires sociaux ont eu pour effet de resserrer progressivement le fossé qui pouvait exister entre certains articles de la loi et le point de vue de la commission d'experts à ce sujet. C'est ainsi que, par exemple, l'observation majeure tient à la préoccupation exprimée par la commission d'experts quant au fait qu'il existe des travailleurs ne pouvant exercer les droits de représentation des intérêts collectifs propres aux associations majoritaires ayant la personnalité juridique. L'étude réalisée par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale démontre cependant que, par le mécanisme de liaison des associations n'ayant pas un tel statut avec des associations du deuxième degré qui en jouissent, 98,1 pour cent des adhérents des associations syndicales argentines, toutes catégories confondues, sont en mesure d'exercer les droits reconnus aux adhérents d'une association ayant la personnalité juridique.

Sur la base de ces observations, en réponse à la demande formulée par la commission d'experts cette année, le gouvernement argentin a établi un rapport qu'il présente aujourd'hui à cette commission. Ce rapport a été conçu dans le seul objectif de répondre aux observations formulées par la commission et nécessitera une analyse pour laquelle cette dernière sera sans doute plus qualifiée. De même, le gouvernement espère pouvoir toujours compter sur le concours de l'OIT pour l'amélioration de sa législation du travail et se déclare, en ce sens, ouvert à toute possibilité de coopération qui lui sera offerte dans le domaine spécifique de cet aspect de sa législation du travail.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations fournies, et surtout pour l'étude qui a été transmise; ils y voient les signes d'une possible évolution favorable de ce cas. La commission d'experts se montre critique depuis de nombreuses années à l'égard de l'application de la convention dans ce pays, et notamment des dispositions de la loi no 23551 de 1988. De multiples plaintes en instance devant le Comité de la liberté syndicale concernent également la convention no 87. Dans son observation de cette année, la commission d'experts regrette une nouvelle fois que le gouvernement n'apporte aucun élément nouveau en réponse aux questions qu'elle soulève depuis de nombreuses années. Elle doit donc rependre les huit points sur lesquels elle relève une contradiction entre la loi et la convention et constate que, bien que le gouvernement dispose d'un projet de loi élaboré avec le concours d'une mission consultative du BIT, il ne fournit aucune explication sur les raisons qui empêchent ou retardent l'adoption de ce projet. La commission exprime donc l'espoir que ce projet de loi soit prochainement adopté et que les autres dispositions contraires à la convention seront rapidement modifiées afin d'éviter tout risque de partialité ou d'abus dans la détermination du degré de représentativité des organisations syndicales, ainsi que les conséquences d'une telle éventualité. Plutôt que de revenir sur chacun des huit points identifiés de longue date par la commission d'experts, il convient d'insister pour que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires afin de surmonter les obstacles qui s'opposent depuis des années à tout progrès dans ce cas. Le représentant gouvernemental a déclaré que le gouvernement était disposé à recourir à l'assistance du BIT pour procéder à l'harmonisation de la législation avec les dispositions de la convention. C'est sans délai qu'il devrait s'attacher à trouver une solution en coopération avec le Bureau. En outre, eu égard à la nature du problème, il devrait associer à la recherche de cette solution l'ensemble des organisations syndicales, y compris les organisations enregistrées qui ne disposent pas du statut syndical. L'étude qui a été mentionnée, mais dont on ne peut encore juger le contenu, comporte peut-être des éléments utiles à cet égard. Les résultats concrets qui pourront être obtenus devront être évalués par la commission d'experts afin que la présente commission soit en mesure de vérifier que la situation évolue bien dans le sens du respect intégral des dispositions de la convention.

Les membres employeurs se sont félicités de la position équilibrée du représentant gouvernemental sur le sujet en cours d'examen. L'étude à laquelle il a fait référence à plusieurs reprises devrait être examinée par la commission d'experts dont les conclusions pourraient ainsi constituer une base de discussion par la Commission de la Conférence. Cela fait maintenant un certain nombre d'années que la commission d'experts critique les dispositions de la loi no 23551 de 1988, notamment en ce qui concerne les critères à appliquer pour l'obtention du statut syndical. Les critères applicables sont d'ordinaire fixés par la législation syndicale. Quant à la question de la représentativité des syndicats qu'aborde la Constitution de l'OIT elle-même, la commission d'experts a souligné qu'elle pouvait avoir une incidence importante sur l'efficacité de la négociation collective. C'est pourquoi les critères retenus pour l'octroi du statut de syndicat doivent être objectifs et fixés à l'avance. L'un des critères appliqués dans le pays pour qu'une association revendique ou conteste le statut syndical est de compter un nombre considérablement supérieur d'adhérents que sa rivale; il est prévu qu'il en est ainsi lorsqu'elle compte au moins 10 pour cent d'adhérents qui cotisent de plus que cette dernière. Il n'est pas possible de déterminer si un tel critère est acceptable ou non en vertu de la convention. La commission d'experts a énuméré d'autres critères prévus par la loi et a fait observer que des conditions excessives sont prévues pour obtenir le statut syndical, lequel confère des privilèges considérables, y compris l'avantage de la participation à la négociation collective, des avantages fiscaux et le fait que seules les organisations qui jouissent du statut syndical peuvent prélever directement les cotisations sur les salaires. Ce qui est ici en cause c'est le principe d'égalité de traitement entre les organisations syndicales dûment enregistrées et celles qui ne le sont pas. Ainsi que le demande la commission d'experts, le gouvernement devrait être prié de faire rapidement des progrès pour établir des critères clairs en matière de représentativité syndicale, pour éviter le risque d'incertitude et d'abus que des critères trop vagues peuvent entraîner. Le gouvernement devrait également se voir exhorter à examiner les problèmes qui se posent avec les organisations d'employeurs et de travailleurs afin qu'une solution pleinement conforme à la convention soit trouvée.

Le membre travailleur de l'Argentine, en sa qualité de Secrétaire général de la CGT, a tenu à rendre hommage à la mission de la commission d'experts attachée à garantir la pleine application de la liberté syndicale. Dans le système syndical argentin, il n'existe pas de restrictions au droit de constituer des organisations de travailleurs, comme en atteste le nombre de syndicats existant actuellement: quelque 2.776 entre syndicats enregistrés et syndicats les plus représentatifs. Dans le pluralisme politique le plus absolu, il n'y a pas non plus de restrictions à la constitution de syndicats ou de fédérations, ni d'obstacles à l'affiliation internationale. Rien ne vient entraver non plus l'organisation interne des syndicats, qui s'opère dans des conditions de liberté et de démocratie, en toute indépendance par rapport au gouvernement ou aux entreprises. La protection juridique contre les persécutions antisyndicales dirigées contre des délégués ou des militants ne fait pas défaut non plus.

Devant les fortes pressions des groupes ayant un intérêt dans l'affaiblissement des organisations syndicales, le système de relations du travail, grâce à une régulation démocratique du droit syndical et à la législation sur les conventions collectives, a réussi à réduire les effets les plus pernicieux de l'inégalité de répartition des revenus contre les menées de la politique de concentration économique et d'exploitation sociale. Plus de 45 pour cent des travailleurs restent couverts par des conventions collectives et se trouvent syndiqués dans le secteur primaire, dans le secteur industriel, dans celui des services et dans le secteur public, et l'on a pu éviter la fragmentation et l'individualisation des relations du travail malgré les pressions des centres financiers internationaux.

Les syndicats enregistrés ont la faculté de prendre, pour la défense des intérêts des travailleurs, les initiatives suivantes: saisir le gouvernement et les employeurs de revendications; représenter les intérêts de leurs adhérents; définir leurs statuts et élire leurs représentants en toute liberté; définir leur programme d'action et organiser leur administration; décider des mesures d'action directe; promouvoir l'amélioration de la législation; et négocier collectivement lorsqu'il n'existe pas une organisation plus représentative.

Le pluralisme syndical en faveur duquel l'OIT milite est la liberté permettant à des syndicats forts et efficaces de défendre les intérêts de tous les travailleurs face aux politiques néolibérales qui leur sont imposées. Ce pluralisme syndical est une réalité de la pratique du travail en Argentine.

Pour pouvoir continuer de renforcer la défense des intérêts véritables des travailleurs, la CGT reste à l'écoute des observations et conseils que pourront formuler le Bureau, les équipes multidisciplinaires et les organes de contrôle de l'OIT dans le cadre de la politique d'association active que prône aujourd'hui l'Organisation. Pour cette raison, l'intervenant appuie la proposition du porte-parole des travailleurs, qui recommande l'envoi d'une mission technique pour parvenir à l'application de la convention en instaurant un dialogue entre gouvernement et travailleurs.

Le membre employeur de l'Argentine s'est rallié sans réserve à la déclaration des membres employeurs. Il a tenu à apporter certaines précisions techniques permettant de mieux apprécier le contexte politique, économique et social. Une démocratie politique stable ne peut mettre en doute le respect des conventions portant sur les droits fondamentaux de l'homme au travail. L'Argentine a ratifié les sept conventions relatives aux droits fondamentaux, y compris la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973. Les employeurs argentins ont à cœur de faire respecter dans leurs entreprises les conventions portant sur les droits fondamentaux et appliquent les mécanismes de consultation tripartite prévus par la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, elle aussi ratifiée par l'Argentine. La réforme constitutionnelle de 1994 confère un caractère supralégal aux conventions relatives aux droits fondamentaux de l'homme qui ont été ratifiées, ce qui permet d'en invoquer les dispositions devant les tribunaux.

Les questions techniques soulevées dans l'observation de la commission d'experts méritent d'être analysées et il convient d'évoquer à ce titre l'étude que le gouvernement a présentée au Bureau. Il y aurait sans doute lieu de procéder à un tel examen dans le cadre des réformes du travail en cours de discussion, en recourant éventuellement à l'assistance technique de l'OIT, dans une perspective tripartite, mais on peut admettre qu'un tel processus comprend des institutions individuelles et collectives du travail; dans ces domaines, il y a, cependant, des aspects qui ne concernent pas seulement l'organisation interne des syndicats mais aussi les relations professionnelles dans les entreprises, telles que la qualité de celui qui négocie collectivement, le niveau de la négociation (activité ou entreprise), les avancées de la protection aux représentants des travailleurs. Les employeurs sont prêts au dialogue dans ce domaine compte tenu du fait que la pleine application des conventions nos 87 et 98 importe autant pour les organisations d'employeurs que pour les organisations de travailleurs. A ce titre, la collaboration pleine et entière des employeurs argentins pour le respect total des conventions fondamentales est indéniablement acquise.

Le membre travailleur de l'Espagne a rappelé que tant le Comité de la liberté syndicale que la commission d'experts avaient débattu des notions d'unité et de pluralité syndicales. Ce que la convention no 87 aussi bien que la convention no 98 garantissent en premier lieu, c'est la liberté syndicale. Sans la liberté de constituer des syndicats défendant les intérêts des travailleurs, l'unité et la pluralité syndicales n'ont pas de sens. Le respect de la liberté syndicale ne signifie toutefois pas que des mesures légales appropriées ne doivent pas être adoptées pour éviter la fragmentation des syndicats. En Espagne, la législation prévoit d'ailleurs que des élections syndicales soient organisées tous les quatre ans pour déterminer le degré de représentativité syndicale. Ailleurs, le critère retenu à cet effet est celui du nombre des affiliés. Ces deux critères sont acceptés par les organes de contrôle de l'OIT.

Le membre travailleur de l'Uruguay a indiqué que le gouvernement de l'Argentine avait privilégié l'économie par rapport au social. Au nom de la lutte contre l'inflation, on a vu augmenter la marginalisation sociale et les violations des droits syndicaux, comme en témoigne le licenciement des dirigeants syndicaux d'une entreprise privatisée du secteur de l'électricité. Le gouvernement de l'Argentine demeure insensible aux demandes sociales en matière de salaires, et notamment celles du personnel enseignant. L'orateur fait sien l'avis exprimé par le porte-parole des membres travailleurs selon lequel, dans le cas d'une mission de l'OIT, l'ensemble des secteurs concernés seraient consultés afin de garantir le droit de constituer des syndicats et de s'y affilier à toutes les organisations argentines de travailleurs.

Le membre travailleur de l'Equateur a signalé que ce cas a été examiné à plusieurs reprises et que les observations de la commission d'experts concernent plusieurs points en relation avec la loi no 23551 qui ne serait pas en conformité avec la convention. Il est convaincu que les analyses de la commission d'experts prennent en considération l'unité du mouvement syndical argentin qui a su défendre avec fermeté les intérêts des travailleurs dans des moments difficiles. Les représentants des travailleurs argentins ont adopté, dans cette commission et à l'occasion d'autres forums internationaux, une position ferme de défense de la liberté syndicale et du droit syndical. Il convient de souligner l'importance de la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle il est de la préoccupation du gouvernement d'éviter la division et l'atomisation du mouvement syndical. Les réformes techniques et de fond qui seront réalisées devront toujours avoir à l'esprit de ne pas fragiliser le mouvement syndical argentin, et le gouvernement devrait accepter toute collaboration que pourrait fournir le BIT. Il partage l'idée exprimée par le porte-parole des travailleurs selon laquelle il convient d'accepter une mission d'assistance technique et selon laquelle toute réforme entreprise devra revêtir un caractère tripartite. Finalement, l'orateur exprime l'espoir que des progrès seront accomplis dans un futur proche pour résoudre ces problèmes.

Le membre travailleur de la Colombie a déclaré qu'il est complexe d'analyser l'application d'une convention quand se présentent des situations impliquant non seulement les employeurs et le gouvernement mais aussi le mouvement syndical. Le syndicalisme argentin constitue indéniablement une référence pour le mouvement syndical d'Amérique latine et, pour renforcer les propos du porte-parole des travailleurs, il y a lieu de croire que les divergences entre la situation concrète et la convention pourront être résolues par la voie du dialogue, dans le respect mutuel.

L'unité syndicale ne peut être le résultat d'une loi, d'un décret ou d'une résolution; elle ne peut être que le fruit d'une communion d'idées qui se sont épanouies grâce à la démocratie et à la liberté, toujours dans la perspective de la défense des intérêts des travailleurs face aux politiques néolibérales, aux yeux desquelles le meilleur syndicat est celui qui n'existe pas. Pour conclure, l'intervenant a exprimé l'espoir que le BIT ne manquerait pas de fournir son appui pour résoudre le problème.

Le membre travailleur du Guatemala a déclaré se rallier au point de vue exprimé par le porte-parole des membres de son groupe. Le cas d'espèce démontre bien que ce qui importe n'est pas tant la ratification que l'application pratique et concrète des conventions. La persistance du gouvernement de l'Argentine dans son attitude est préoccupante, du fait que les problèmes soulevés dans l'observation de la commission d'experts n'ont pas été résolus. Le gouvernement devrait faire preuve de cohérence par rapport à la convention no 87, tant dans sa lettre que dans son esprit, et mettre un terme à ses ingérences qui constituent une violation de cet instrument.

Le membre travailleur du Pakistan a rendu hommage à la lutte de la population et des travailleurs d'Argentine pour mettre un terme à un régime dictatorial et arriver à la démocratie. Les principes de liberté syndicale fixés par la convention sont des droits de l'homme fondamentaux que consacrent à la fois la Constitution de l'OIT et la Déclaration de Philadelphie. Alors qu'on célèbre le cinquantième anniversaire de l'adoption de la convention, un pays aussi important que l'Argentine se doit de déployer de grands efforts pour éliminer toute contradiction entre ses lois et la convention afin de donner plein effet aux dispositions de cette dernière dans la pratique. Cela fait un certain nombre d'années que la commission d'experts relève les restrictions excessives mises à l'obtention du statut syndical. Ce qui est en cause ici c'est la liberté des travailleurs argentins de constituer des organisations représentatives de leur choix et le manque de transparence des règles qui s'appliquent à cet égard. Le gouvernement devrait donc être exhorté à avoir recours à l'assistance technique du BIT pour mettre les dispositions de la loi no 23551 de 1988 en conformité avec la convention en ce qui concerne les points soulevés par la commission d'experts.

Le représentant gouvernemental de l'Argentine a accueilli favorablement les commentaires des différents intervenants et s'est déclaré en accord avec les membres travailleurs du Guatemala et du Pakistan sur le point que ce qui importe le plus, ce n'est pas la simple ratification d'une convention mais son application dans la pratique. Le rapport présenté par le gouvernement tendait à démontrer que, dans la pratique, l'autorité de tutelle, qui est le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, s'est efforcé de réduire les divergences entre la pratique nationale et les différents points soulevés dans l'observation de la commission d'experts. L'intervenant s'est également rallié au point de vue du membre travailleur de la Colombie sur le point que l'Argentine peut s'enorgueillir de la force de son mouvement syndical qui fait référence pour les travailleurs d'Amérique latine. L'essor de ce mouvement syndical est également à porter au crédit de la manière dont la loi no 23551 a été appliquée. Comme l'a relevé le membre travailleur de l'Equateur, le gouvernement argentin a évité une atomisation du mouvement syndical. L'intervenant ne peut cependant souscrire à certains avis exprimés par le membre travailleur de l'Uruguay: il convient de ne pas oublier qu'en 1989 le taux d'inflation en Argentine avait atteint 3.470 pour cent, alors qu'il n'est plus aujourd'hui que de 1,3 pour cent. La charge inflationniste pénalisait au premier chef les salariés. En faisant disparaître l'inflation à plusieurs chiffres, ce sont les intérêts des travailleurs et de leurs familles qui ont été sauvegardés. Pour ce qui est des cas de licenciement signalés par le membre travailleur de l'Uruguay, il n'est pas possible de savoir si les travailleurs en question sont allés en justice pour demander leur réintégration. Cette question fait, de toute façon, l'objet de l'examen du Comité de la liberté syndicale. A cet égard, il convient de signaler que le Comité de la liberté syndicale n'a été saisi que de sept plaintes concernant l'Argentine, dont quatre portant sur la convention. Trois de ces plaintes ont été résolues, deux moyennant un mécanisme de suite, tandis qu'un cas reste en instance. Il n'y a donc pas lieu de parler, comme l'a fait le porte-parole des membres travailleurs, de «nombreuses» plaintes devant le Comité de la liberté syndicale sur le fondement de la convention.

Dans l'observation de la commission d'experts, il est fait référence à l'adoption souhaitée d'un texte modificateur de la loi no 23551. Le Congrès de la nation serait mieux placé pour donner des indications à ce sujet. Néanmoins, il est notoire que ce projet, comportant de nombreux éléments destinés à réduire les divergences entre l'instrument en cause et les commentaires de la commission d'experts, a été discuté sans avoir été adopté, compte tenu des transformations qu'il subit depuis plusieurs années. La discussion du projet de loi modificatrice a été interrompue en raison des conséquences que la réforme constitutionnelle, évoquée par le membre employeur de l'Argentine, ne manquera pas d'avoir sur la législation du travail.

Le porte-parole des membres employeurs a évoqué le pourcentage de 10 pour cent à propos du critère de plus grande représentativité d'un syndicat. A cet égard, le représentant gouvernemental rappelle que la convention ne fixe pas de critère objectif, de sorte qu'il paraît logique que c'est à l'Etat qu'il appartient d'en fixer. Il s'est déclaré sur ce point en accord total avec le membre travailleur de l'Espagne sur le point qu'il importe tout d'abord d'assurer pleinement la liberté syndicale avant de décider des critères de pluralité ou, éventuellement, d'unicité syndicale. La loi no 23551 est justement l'expression de ce principe puisqu'elle garantit une liberté syndicale absolue dans le pays. Les préoccupations exprimées par le porte-parole des membres employeurs, quant à la manière dont peuvent fonctionner les organismes qui n'ont pas le statut de syndicat, trouvent assurément une réponse dans les conclusions du rapport du gouvernement. Rien ne s'oppose en effet à ce que, par le moyen de conventions collectives, les employeurs perçoivent des cotisations syndicales auprès de groupements n'ayant pas le statut syndical.

Pour conclure, le représentant gouvernemental a rappelé combien son gouvernement espère que la commission d'experts examinera avec attention le rapport détaillé qu'il a présenté afin de démontrer de quelle manière, en pratique, la loi no 23551 répond aux points soulevés dans l'observation de la commission d'experts. Le gouvernement est disposé à poursuivre sa collaboration avec le Bureau pour résoudre les problèmes techniques qui pourraient subsister. La proposition des membres travailleurs est assurément constructive et le gouvernement est disposé à l'accepter.

La commission a pris note des informations présentées oralement par le représentant gouvernemental et de la discussion ayant eu lieu en son sein. Elle a noté que, d'après l'observation de la commission d'experts, celle-ci prie depuis plusieurs années le gouvernement de modifier certaines dispositions de la loi no 23551 de 1988 concernant les associations syndicales et le décret d'application qui comportent des conditions d'attribution du statut syndical qui ne sont pas compatibles avec la convention. La commission a souligné l'importance qu'elle attache au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s'y affilier, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières dans le but de promouvoir et défendre leurs intérêts. Notant que le gouvernement est disposé à recourir à l'assistance technique du Bureau, elle a exprimé l'espoir que cette assistance facilitera l'application complète de la convention en droit comme en pratique. Elle veut croire que le gouvernement consultera à cet effet les organisations d'employeurs et de travailleurs, y compris les organisations de travailleurs ayant été enregistrées mais n'étant pas encore dotées du statut syndical. Elle veut croire également que la commission d'experts sera très prochainement en mesure de constater de substantiels progrès dans le sens de la pleine application de la convention.

Bolivie (ratification: 1965). Un représentant gouvernemental, ministre du Travail, a déclaré que c'est peu de jours après avoir été investi de la responsabilité de diriger le pays que le gouvernement a reçu la mission de contacts directs chargée de revoir l'application des conventions nos 87 et 98. Les partenaires sociaux ont été convoqués et le processus de modernisation de la législation du travail, programme de vingt-trois mois financé par l'Etat et la Banque interaméricaine de développement, a été relancé. C'est dans ce cadre, de préférence mais non exclusivement, que doivent être abordées toutes les questions soulevées par les conventions, de même que les autres aspects fondamentaux d'une conception réactualisée, assurant la protection des travailleurs et des employeurs.

De la date de cette mission à ce jour, la Centrale ouvrière bolivienne (COB) a changé trois fois de dirigeants, ce qui a suscité des difficultés quant au traitement de ces questions de modernisation des relations du travail. A l'heure actuelle, quelques progrès ont été enregistrés, en concertation avec ces dirigeants, sur l'ensemble des revendications. Cependant, le point commun des trois comités exécutifs de la COB aura été de refuser toute participation dans le mécanisme désigné par le vocable de «dialogue social». Les syndicalistes boliviens n'acceptent pas les dispositions de la convention visant la liberté syndicale et permettant la constitution de plus d'un syndicat dans l'entreprise. Le gouvernement poursuit sa politique de dialogue et de concertation, raison pour laquelle il n'a pas usé de son pouvoir en adoptant les instruments juridiques pertinents, considérant que, s'il agissait ainsi, sans consensus, il compromettrait l'objectif principal qui est l'adoption d'une nouvelle loi générale du travail.

En évoquant certaines positions du gouvernement, l'intervenant a précisé que le droit, pour les fonctionnaires, de se syndiquer n'affecte qu'un petit groupe des travailleurs de l'Etat, puisque les travailleurs des secteurs publics de l'éducation, de la santé, du pétrole et les autres domaines ont des syndicats pleinement opérationnels. Ne sont pas exclus non plus de cet avantage les fonctionnaires de l'administration centrale, c'est-à-dire ceux qui travaillent dans les ministères ou autres établissements et pour lesquels l'exercice de ce droit n'a pas d'incidence sur leurs tâches fondamentales.

Il s'agit cependant de savoir dans quelle mesure le secteur public serait affecté par une syndicalisation des fonctionnaires publics qui revendiquent ce droit. Le gouvernement, tout en reconnaissant qu'il serait justifié de permettre l'existence de plus d'un syndicat par entreprise, par des instruments juridiques appropriés, évite cet extrême et recherche, en concertation avec la COB, des solutions sur les divergences. Cependant, il existe actuellement un grave problème dans le secteur des travailleurs de la sécurité sociale, qui ont élu, lors d'un congrès national, des autorités qui ne sont pas reconnues par la COB. Il est probable qu'un congrès d'unité résoudra ce problème. Si tel n'est pas le cas, il en ressortira un nouvel organisme syndical, fruit des divergences internes du mouvement syndical.

Le ministère du Travail n'a pas saisi le Conseil des ministres d'un texte de réforme parce que, depuis le 15 février, le processus de dialogue social est en marche, avec la désignation d'un coordinateur qui, avec une équipe de techniciens, procède aux premières démarches tripartites. Il faut espérer que ces démarches, qui touchent tous les secteurs, sur l'ensemble du territoire, aboutiront à une proposition de modification de la législation du travail. Les questions spécifiques appelant un consensus et devant être traitées d'urgence seront abordées ponctuellement par le gouvernement. Le gouvernement reconnaît également qu'il est nécessaire de modifier les règles accordant des pouvoirs excessifs aux inspecteurs du travail en matière d'activités syndicales (article 101 de la loi générale du travail). Il conviendrait également d'abroger l'article 129 du décret réglementaire de la loi générale du travail, qui permet de dissoudre des organisations syndicales par voie administrative. Il conviendrait enfin d'incorporer des dispositions protégeant les travailleurs syndiqués mais n'exerçant pas de fonctions dirigeantes dans leur organisation contre les actes de discrimination antisyndicale. Sans tenir compte de la norme précitée, le ministère du Travail a veillé à assurer constamment cette protection.

Le représentant gouvernemental convient de la nécessité d'incorporer dans la législation des dispositions de protection contre tout acte d'ingérence des organisations d'employeurs dans les organisations de travailleurs, et inversement. Dans ce domaine également, des dispositions ont été prises. Le gouvernement ne permet pas que des sanctions pénales soient prononcées en cas de grève générale ou de grève de solidarité. En Bolivie, la qualification juridique de l'acte pénal relève du Code pénal et non du droit du travail. Les travailleurs agricoles salariés ne sont désormais plus exclus du champ d'application de la loi générale du travail. Un article de la loi de l'Institut national de réforme agraire a abrogé cette discrimination, exprimée à l'article 1 de la loi générale du travail. Récemment, un séminaire tripartite réunissant les organisations les plus représentatives et les experts de l'OIT a permis de discuter d'un projet de décret réglementaire de la disposition légale incluant les salariés du secteur agricole dans la législation du travail. En Bolivie, à la suite de la Révolution nationale de 1952, les travailleurs agricoles sont en majorité propriétaires de leurs terres et sont donc autonomes, n'ayant pas de relations professionelles.

Se référant aux questions soulevées dans la commission d'experts, à savoir: le déni du droit de se syndiquer aux fonctionnaires; la possibilité de constituer plus d'un syndicat par entreprise; les conditions requises pour pouvoir être élu dirigeant syndical; certaines restrictions au droit de grève; l'illégalité des grèves générales et de solidarité; l'illégalité de la grève dans les banques; la possibilité, pour le pouvoir exécutif, d'imposer l'arbitrage pour mettre un terme à la grève, le représentant gouvernemental a déclaré que toutes ces questions seront étudiées dans le cadre du processus de dialogue social, en vue de parvenir à un consensus et d'incorporer ces réformes dans le texte de la nouvelle loi générale du travail.

Il a rappelé qu'il continuerait de travailler avec les experts de l'OIT et qu'il resterait à l'écoute de la commission d'experts. Il a également souligné que les syndicats sont constitués sans aucune autorisation préalable et que le débat principal concerne les grèves sur les marchés publics. Il existe dans ce secteur des syndicats pleinement opérationnels, dont le droit de grève est entièrement respecté par le gouvernement.

Pour conclure, le gouvernement a pris note des observations concernant des conventions collectives et déploie une politique d'élargissement de ce mode de négociation, qui devrait s'étendre au secteur agricole et qui ne devrait pas se réduire à la seule fixation des taux de rémunération, mais englober au contraire la définition des autres conditions d'emploi.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour sa déclaration qui reflète des évolutions positives d'autant plus appréciables que l'application de la convention par son pays a déjà été l'objet de discussions de la commission en 1993, 1995 et 1997. Dans son précédent rapport, la commission relevait 11 points de non-conformité de la législation avec la convention. Cette année, la commission d'experts constate que, sur cinq de ces points, un consensus s'est dégagé entre le gouvernement et les partenaires sociaux pour mettre en œuvre les recommandations de la mission de contacts directs d'octobre 1997. Cette mission semble donc être un succès et les modifications nécessaires de la législation devraient être effectuées prochainement. Parmi les problèmes qui demeurent figure celui de la liberté syndicale des travailleurs agricoles. Le gouvernement s'emploie toutefois à parvenir à un consensus sur ce point, et la commission d'experts indique qu'il existe déjà des syndicats de travailleurs agricoles dans certaines entreprises. Certains aspects du droit de grève sont encore débattus. On peut ne pas partager l'avis de la commission d'experts en ce qui concerne, notamment, certaines restrictions au droit de grève (l'exigence d'un vote à la majorité des trois quarts pour déclencher une grève): il ne s'agit là, en fin de compte, que de la traduction du principe démocratique qui veut que les décisions les plus graves requièrent une majorité qualifiée. Dans l'ensemble, le gouvernement fait preuve d'une volonté de négocier dont on n'a pas de raison de mettre en doute la sincérité. La Centrale ouvrière bolivienne (COB), elle, reste attachée à la limitation à un syndicat par entreprise, ce qui est compréhensible de son point de vue: il s'agit d'un conflit classique entre les principes et les intérêts. Il n'y a pas lieu de s'étendre sur l'interdiction du droit de grève dans les marchés publics d'approvisionnement, qui sont considérés comme des services essentiels, car la COB ne la conteste pas et la commission d'experts n'émet aucune critique. La commission devrait donc constater les évolutions favorables en cours dans le cadre d'un dialogue tripartite animé et d'une collaboration fructueuse avec l'OIT. Le gouvernement devrait être invité à continuer dans cette voie et à tenir informés les organes de contrôle des progrès accomplis.

Les membres travailleurs ont remercié le ministre pour sa présence et les explications fournies. La commission d'experts relevait depuis 1967 de graves divergences entre la législation et la convention et la question a été discutée par la présente commission en 1993, 1995 et 1997. En 1993, le gouvernement avait indiqué qu'un avant-projet de loi avait été préparé en coopération avec le BIT pour mettre la législation en conformité. En 1995, l'état de siège s'est traduit par une vague de représailles massives contre les syndicalistes. En 1997, la présente commission a pu noter que le gouvernement sollicitait l'envoi d'une mission de contacts directs. Cette mission s'est effectuée en octobre 1997 et la commission d'experts note avec intérêt, dans ses commentaires sur l'application des conventions nos 87 et 98, que cette mission a permis d'identifier les solutions à chacun des problèmes qu'elle soulevait. Toutefois, dans la pratique, le gouvernement a déclaré que les partenaires sociaux n'étaient pas parvenus à un consensus en ce qui concerne le droit pour les fonctionnaires de se syndiquer et l'admission de l'existence de plus d'un syndicat par entreprise. Un consensus s'est dégagé sur la nécessité d'adapter la législation s'agissant de cinq des points soulevés par la commission d'experts: les possibilités d'ingérence des autorités dans les activités syndicales; la possibilité de dissolution des syndicats par voie administrative; l'insuffisance des dispositions assurant la protection contre la discrimination antisyndicale; l'absence de disposition garantissant l'indépendance des organisations syndicales et patronales les unes à l'égard des autres; et les sanctions pénales en cas de grève générale ou de solidarité. La commission d'experts note également que la reconnaissance des organisations de travailleurs agricoles fait l'objet d'un consensus de principe. Elle observe toutefois que, sur huit points de divergence avec la convention qu'elle avait identifiés, les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à une position commune. Il s'agit: du droit de se syndiquer des agents de la fonction publique; de l'impossibilité de créer plus d'un syndicat par entreprise; des conditions de nationalité et de lieu de résidence à remplir pour être dirigeant syndical; de certaines restrictions au droit de grève; du caractère illicite des grèves de solidarité; du caractère illicite des grèves dans le secteur bancaire; et de l'arbitrage obligatoire comme moyen de mettre fin à la grève. La commission d'experts insiste sur la nécessité de modifier la législation sur chacun de ces points, y compris en ce qui concerne le droit de grève, sur lequel elle a exposé dans son étude d'ensemble de 1994 une position que partagent pleinement les membres travailleurs. On constate donc un début de progrès, mais également la persistance de divergences substantielles avec la convention dans un certain nombre de domaines. La déclaration du ministre, l'observation de la commission d'experts et le rapport de la mission de contacts directs montrent l'engagement du gouvernement à continuer les consultations des partenaires sociaux pour rechercher par le dialogue une solution à chacun de ces problèmes. Il faut espérer que les difficultés pourront être surmontées grâce au dialogue social et que de nouvelles modifications de la législation pourront être envisagées. La commission doit donc inviter le gouvernement, d'une part, à indiquer les réformes qui auront abouti à l'adoption d'une législation conforme à la convention et, d'autre part, à prendre les mesures nécessaires à la mise en conformité de la législation dans les autres domaines.

Le membre travailleur de la Bolivie a félicité la commission d'experts pour son travail excellent et a indiqué que, selon les déclarations du représentant gouvernemental, la Bolivie serait un paradis. Le gouvernement rencontre des difficultés à respecter les principes de la convention, et, bien que les fonctionnaires publics représentent une minorité des travailleurs, ils doivent bénéficier du droit de constituer des organisations tant dans les ministères que dans les préfectures municipales.

De grandes ressources économiques provenant de la Banque interaméricaine de développement sont destinées à moderniser les relations professionnelles. Cependant, une modernisation qui limite les droits acquis du travail est rejetée par les travailleurs et donne lieu à des conflits. A titre d'exemple, des paysans ont été emprisonnés, blessés et tués dans la région de Chaparé. La proposition de dialogue de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) est restée lettre morte face à la violence employée par le gouvernement. Un tel climat n'est pas propice à la concertation. L'emprisonnement de dirigeants syndicaux de la COB et des paysans de la région de Chaparé doit cesser pour permettre un véritable dialogue sur les relations professionnelles. En ce sens, les procès de syndicalistes doivent également cesser. En vue d'un progrès, il est nécessaire de résoudre les cinq points soulevés dans l'observation de la commission d'experts, car il ne semble pas qu'un accord puisse être conclu avec le gouvernement pour modifier la législation générale du travail. Les travailleurs s'opposeront à ces modifications et l'OIT doit veiller au bien-être général des travailleurs.

Le membre travailleur de la Colombie a indiqué que l'application des dispositions de la convention dans n'importe quel pays en développement revêt une importance particulière car elle concerne la liberté, la démocratie et la protection des droits fondamentaux de l'homme. Le gouvernement doit faire davantage d'efforts pour mettre la législation en conformité avec les dispositions de la convention et en fonction des commentaires de la commission d'experts à ce sujet. S'agissant du droit de grève, le gouvernement n'applique pas la convention dès que des services essentiels sont concernés. De plus, aucun dialogue démocratique et tripartite n'a été mené sur l'étendue de ce droit et cette absence permet aux autorités administratives de reconnaître ou non l'exercice du droit de grève de manière totalement arbitraire.

Le gouvernement doit communiquer des informations sur les progrès réalisés en vue d'inclure les travailleurs agricoles dans le cadre de la loi générale sur le travail en tenant compte du grand nombre de travailleurs dans ce secteur. N'importe quelle restriction au droit de constituer des organisations, à la négociation collective et au droit de grève ne peut être acceptée par la présente commission, et le gouvernement ne peut prétendre à une attitude compréhensive même s'il prétend agir en faveur d'un intérêt public ou général comme il le fait dans le cas des fonctionnaires publics.

Le membre travailleur de l'Argentine a déclaré que la mission de contacts directs de l'OIT a souligné la nécessité de modifier les textes législatifs qui violent les principes de la convention, notamment en ce qui concerne l'ingérence indue des autorités dans les activités des syndicats; la dissolution des organisations syndicales par voie administrative; l'absence de protection des travailleurs contre les actes de discrimination syndicale et l'absence de dispositions interdisant l'ingérence des employeurs dans les activités des syndicats. A toutes ces violations de la liberté syndicale s'ajoutent la pénalisation de l'exercice du droit de grève, et, en particulier, la pénalisation des grèves générales et de solidarité.

Il est indispensable que le gouvernement bolivien fournisse à la commission des informations détaillées sur les mesures prises pour modifier sa législation. Récemment, lors du Sommet des peuples de l'Amérique à Santiago du Chili, la Coordination des centrales syndicales du Cône Sud réunissant les centrales de l'Argentine, du Brésil, de la Bolivie, du Chili, du Paraguay et de l'Uruguay a envoyé un message de protestation au Président de la Bolivie relatif aux mesures de répression subies par les paysans et les enseignants qui ont participé à des grèves.

Le déni du droit de se syndiquer pour les agents de la fonction publique fait obstacle à ce qu'un secteur de travail important puisse exercer ses droits syndicaux et participer à la négociation des salaires et de meilleures conditions de travail. La répression constante de l'exercice du droit de grève pour une large gamme d'activités prive de nombreux travailleurs de ce droit inaliénable. A ce contexte général de répression s'ajoute l'exclusion des travailleurs agricoles de la protection de la législation générale du travail. L'OIT doit absolument exiger que les dispositions de la convention soient appliquées afin de protéger les travailleurs des pays en développement des ajustements économiques qui paupérisent chaque fois davantage les travailleurs. En conclusion, l'orateur signale qu'il appuie les déclarations du porte-parole des travailleurs demandant à la Bolivie de mettre sa législation en conformité avec les dispositions de la convention dans un proche avenir.

Le membre travailleur de l'Espagne a déclaré qu'il venait de rentrer de Bolivie où il avait participé dans la ville de Santa Cruz de la Sierra à un séminaire auquel avait fait référence le représentant gouvernemental dans sa déclaration. Ce séminaire s'est conclu le 10 juin 1998 par la signature d'une déclaration. Deux éléments sont pour lui très clairs. Tout d'abord, au lieu de recourir au dialogue, le gouvernement recourt fréquemment à la répression; plusieurs travailleurs ont été blessés à Chaparé et, il y a un mois, à La Paz, suite à cette répression. En outre, on ne constate pas une culture du dialogue. L'absence d'une culture du tripartisme peut s'expliquer par le manque de moyens matériels, mais la commission d'experts a mentionné dans son rapport que 1.143 conventions collectives ont été conclues; toutefois, celles-ci se contentent de fixer les taux de salaire sans réglementer d'autres conditions de travail. La signature de la Déclaration de Santa Cruz où les parties se sont engagées au dialogue symbolise le début d'une nouvelle ère. Il faut croire en la volonté de négocier du gouvernement, de la COB et, également, des employeurs. En conclusion, l'orateur indique que l'OIT, ainsi que l'Eglise catholique, réalisent un travail louable destiné à lancer une nouvelle ère de dialogue qui permettra de dépasser les désaccords dans l'application de la convention.

Le membre travailleur du Guatemala a déclaré que, à l'heure de la mode de la doctrine de la sécurité nationale en Amérique latine, le mouvement syndical était combattu de pleine face pour être désarticulé. L'application des conventions sur la liberté syndicale était un rêve lointain. L'instauration des démocraties représentatives avait nourri l'espoir de la reconnaissance des droits fondamentaux des travailleurs; tel n'est pas le cas. La liberté syndicale est l'un des droits qui, en Bolivie, continue à être systématiquement violé par les autorités de l'Etat.

En référence aux déclarations du représentant gouvernemental, il est regrettable de constater que le gouvernement n'ait pas maintenu, après la mission de contacts directs, l'attitude réceptive et constructive des autorités à laquelle la commission d'experts a fait allusion dans son rapport. De même, le gouvernement n'a pas profité des opportunités politiques qui se sont présentées pour résoudre les cinq points mentionnés dans les commentaires de la commission d'experts et, en particulier, les cas spécifiques des agents publics et du mouvement paysan.

L'orateur demande au représentant gouvernemental d'expliquer clairement si le gouvernement est disposé au dialogue dans la mesure où il affirme, d'une part, qu'il n'existe pas de possibilité de dialogue avec la COB et, d'autre part, que les désaccords seront résolus à travers la négociation tripartite. Les problèmes d'application de la convention sont déjà anciens et, malgré la visite d'une mission technique du BIT, aucun progrès n'est enregistré.

Le représentant gouvernemental a souhaité répondre aux observations formulées par certains membres de la commission. Il a déclaré qu'en pratique son pays a fait de grands progrès en matière de relations du travail et que les autorités publiques ne s'ingèrent pas dans les affaires syndicales. Il n'y a pas eu non plus de dissolution de syndicats par voie administrative ni de tentative d'ingérence; les dirigeants syndicaux présents n'ont pas contesté ce fait. Le droit des dirigeants syndicaux de défendre les intérêts de leurs mandants est protégé, sauf en cas d'intervention du pouvoir judiciaire pour cause d'infraction de droit commun. Ceci répond à l'intervention du membre travailleur selon laquelle plusieurs dirigeants syndicaux du secteur agricole auraient comparu en justice, cette procédure tenant au fait que les intéressés, loin de faire l'objet de pressions antisyndicales, auraient commis des infractions de droit commun. Le pouvoir exécutif n'a pas compétence pour s'ingérer dans le pouvoir judiciaire, si bien que ces dirigeants ont été appelés à répondre de leurs actes devant des juges et non devant la police.

L'orateur a souligné que le ministère du Travail n'est pas intervenu lui non plus dans les relations entre travailleurs et employeurs, lors des négociations collectives. Quant aux grèves générales, elles ont été protégées, comme en atteste le fait que, entre le 1er mars et le 13 avril de cette année, la COB a déclaré une grève illimitée, qui a pu se conclure par le dialogue et non par la violence. Cette grève n'a d'ailleurs donné lieu à aucune suite pénale. Le gouvernement ne prend, dans le domaine du travail, aucune initiative qui ne soit pleinement concertée avec les partenaires sociaux. Pour répondre à certaines observations concernant les travailleurs agricoles et les enseignants, l'intervenant a souligné que c'est le gouvernement qui a engagé les premières consultations avec les enseignants et, pour ce qui est des travailleurs agricoles, comme il l'a dit antérieurement, l'article 4 de la loi no 1715 de l'Institut national de réforme agraire inclut les salariés agricoles dans le champ d'application de la loi générale du travail. Un séminaire a été organisé en juin 1998 à Santa Cruz de la Sierra avec l'assistance technique de l'OIT et la participation des organisations les plus représentatives de travailleurs et d'employeurs, y compris les organisations paysannes. Dans ces conclusions, il a été demandé de poursuivre l'assistance technique de l'OIT pour aider la Commission technique tripartite à rédiger le projet de décret réglementaire du travail salarié dans le secteur agricole, ce qui constitue un élément notable du processus de concertation et de dialogue en Bolivie.

Le gouvernement recherche un consensus et espère pouvoir, à travers le dialogue, parvenir à une nouvelle législation du travail. Il est disposé à modifier, dans les limites de ses compétences, ce qui peut l'être par voie de décret du pouvoir exécutif. Il s'engage à modifier toutes les dispositions qui seraient en contradiction avec la convention. Si ce processus n'a pas été mené à bien plus tôt, c'est parce que le gouvernement doit agir dans le cadre du dialogue social afin de parvenir à des décisions concertées. Le gouvernement ne peut cependant s'engager à modifier des dispositions législatives qui relèvent naturellement de la compétence du parlement. Il existe des contradictions entre les travailleurs boliviens qui ne sont pas disposés à discuter avec le gouvernement des réformes de la législation du travail, en particulier de la modification de cette législation tendant à permettre l'existence de plus d'un syndicat par entreprise. La seule contradiction qui concerne le gouvernement vise la reconnaissance du droit de se syndiquer aux fonctionnaires, encore que ce problème ne touche guère que les travailleurs des ministères et des préfectures. Quant à la nécessité de réunir une majorité des deux tiers pour déclarer la grève, pour le gouvernement cette disposition est ancienne et c'est aux syndicats plutôt qu'à lui-même qu'il appartient de trouver une solution. Pour ce qui est des grèves sur les marchés, l'intervenant a précisé que les travailleurs sont normalement propriétaires de leurs points de vente et ne se heurtent à aucune restriction pratique.

Le représentant gouvernemental a rappelé qu'en 1993 un projet de loi générale du travail avait été élaboré sans connaître de suite parce qu'il s'agissait d'un projet gouvernemental élaboré sans concertation. Ceci confirme la nécessité d'instaurer un programme de dialogue social. C'est sous le gouvernement précédent, en 1995, que les travailleurs ont fait l'objet de représailles et que des dirigeants syndicaux ont été arrêtés en vertu d'une loi d'exception mais, quand le gouvernement actuel a essuyé les revendications syndicales contre la politique salariale découlant du budget national, en mars de cette année, la solution a été trouvée par le dialogue et c'est la première fois depuis des années que des problèmes ont été résolus sans recourir à l'état de siège, comme il était de coutume. Pour ce qui est de l'agitation sociale dans la région de Chaparé, il convient de préciser qu'il s'agit de cultivateurs de coca qui, pour des raisons traditionnelles, réalisent leurs cultures en dehors des juridictions où elles sont permises. Les autorités agissent dans le sens de la préservation de l'ordre public et interviennent du fait que la culture de cette plante est interdite dans certaines régions en vertu d'une loi de 1988, parce qu'elle est exploitée par des trafiquants qui manipulent ces catégories sociales. La violence qui sévit dans cette région et que plusieurs orateurs ont évoquée ne tient pas à des aspects syndicaux mais procède de conflits ayant leur origine dans la production de cocaïne. Pour conclure, le représentant gouvernemental a déclaré que la Bolivie, sans être un paradis, a accompli de grands progrès dans le domaine des libertés syndicales et que la modernisation de la législation du travail est dictée par le souci d'améliorer la capacité agricole et industrielle du pays, dans le but de créer de l'emploi. Pour renforcer ce qui a déjà été dit, la Bolivie a besoin de se montrer apte au dialogue et le gouvernement est disposé à travailler avec les partenaires sociaux afin de consacrer la primauté du dialogue et de la raison.

La commission a pris note des informations présentées oralement par le ministre du Travail et de la discussion qui a eu lieu en son sein. Elle note que ce cas a été discuté à de nombreuses reprises par la Commission de la Conférence. Elle rappelle que la commission d'experts formule depuis plusieurs années des observations sur les divergences entre la législation nationale et les articles 2, 3, 4 et 10 de la convention, telles que le déni de se syndiquer pour les fonctionnaires, l'impossibilité de constituer plus d'un syndicat au niveau de l'entreprise, l'obligation d'être bolivien pour pouvoir être élu délégué syndical, l'étendue des pouvoirs de contrôle des autorités sur les affaires des syndicats, les graves restrictions au droit des organisations de travailleurs de formuler leur programme d'action sans intervention des autorités publiques et la faculté de dissoudre des syndicats par voie administrative. La commission a noté avec intérêt qu'une mission de contacts directs a eu lieu en octobre 1997 pour aider le gouvernement à améliorer l'application de la convention et qu'à cet égard quelques progrès ont été réalisés dans le sens de l'élaboration d'un projet de législation portant sur cinq points importants soulevés par la commission d'experts, en vue de rendre la législation plus conforme à la convention. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement communiquera pour la prochaine session de la commission d'experts un rapport détaillé sur les mesures concrètes qui auront été prises pour adopter et mettre en œuvre les instruments modificateurs de la législation élaborés lors de la mission de l'OIT. Elle exprime également l'espoir que le gouvernement poursuivra le dialogue avec toutes les parties concernées et que des mesures seront prises pour adapter la législation de manière à en supprimer toutes les autres divergences par rapport à la convention no 87.

Cameroun (ratificiation: 1960). Un représentant gouvernemental (ministre du Travail) a rappelé que son pays avait été interpellé et s'était vu reprocher l'insuffisance de l'application de la convention no 87 relative au libre exercice par les travailleurs et les employeurs de leurs droits et à la défense de leurs intérêts professionnels. Il souligne que les dispositions de la convention sont évidemment claires à cet égard: les travailleurs et les employeurs ont le droit de constituer et de s'affilier à des organisations de leur choix en vue de défendre et de promouvoir lesdits intérêts. Ces organisations ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlement, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leurs programmes d'action. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Elles ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. Il s'est référé à la manière dont le Cameroun applique ces importantes dispositions de la convention no 87, et plus spécifiquement les efforts déjà fournis pour faire aboutir le projet de la loi sur les syndicats des fonctionnaires.

L'orateur rappelle que le Cameroun a ratifié 44 conventions de l'OIT parmi lesquelles la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que 6 (six) autres conventions sur les droits fondamentaux. Son pays s'est donc engagé à respecter les dispositions qu'édictent ces instruments de l'OIT. Il souligne que l'adéquation totale entre les normes nationales et la norme internationale ne peut être atteinte que progressivement. Il déclare qu'il ne saurait s'agir là d'une volonté délibérée de bafouer les droits de l'homme et rappelle que le représentant du gouvernement de la République du Cameroun avait déjà eu à l'établir lors des précédentes sessions. Il le réaffirme avec force aujourd'hui. C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'une réforme de la législation sur la syndicalisation des fonctionnaires a été annoncée: un projet de loi a été préparé par le ministère du Travail à cet effet, et la procédure prévoit, après son réexamen au niveau des services du Premier ministre et de la présidence de la République, sa transmission au bureau de l'Assemblée nationale en vue de son adoption. Les principales étapes de ce cheminement ont déjà été amorcées et l'aboutissement imminent de ce texte ne fait aucun doute. Ce texte n'est pas le seul ni à avoir à franchir les étapes énumérées ci-dessus, ni à être en cours de finalisation. C'est un vaste mouvement de réforme des textes fondamentaux que le Cameroun a amorcé, à commencer par la Constitution elle-même adoptée en 1996. Cette nouvelle loi fondamentale, résolument progressiste et libérale qui met l'homme au centre de ses préoccupations, oriente de façon décisive l'ensemble des autres textes déjà en application ou en cours de finalisation quel qu'en soit le volet: qu'il s'agisse des relations de travail, de la liberté de la presse, de la communication, des libertés fondamentales, etc. L'orateur déclare qu'il n'y a donc aucun obstacle d'aucune nature s'opposant à l'adoption de cette loi et il confirme que la Haute Hiérarchie accélérera sa transmission pour examen et adoption à l'Assemblée nationale, au cours d'une de ses trois sessions annuelles.

Il confirme une fois de plus les bonnes dispositions du gouvernement camerounais vis-à-vis d'une libéralisation définitive du secteur syndical, et précise que le fait que le texte sur le syndicat des fonctionnaires ne soit pas encore prêt ne relève non pas d'une stratégie de blocage, ou d'une quelconque mauvaise foi, mais plutôt d'un souci du respect scrupuleux des procédures mises en place qui permettent une marche résolue vers la démocratie, le respect des droits de l'homme et le développement. Encore que, sur ce plan, les syndicats fonctionnent normalement, sans que les pouvoirs publics fassent peser une inquiétude quelconque sur leurs membres. Ces syndicats tiennent ainsi leurs assemblées générales, leurs séminaires, bref, leurs activités statutaires, cela parce que le gouvernement a toujours fait preuve de souplesse à cet égard, appliquant ainsi de facto les dispositions de la convention no 87, par ailleurs ratifiée par le Cameroun.

Enfin, il mentionne qu'il existe dans son pays plus de 200 syndicats de base regroupant les travailleurs de la même branche d'activité, plus de 50 unions régionales de syndicats regroupant des syndicats de base de branches d'activité différentes, 17 fédérations syndicales au niveau national regroupant des syndicats de la même branche d'activité, des syndicats nationaux, 2 confédérations syndicales nationales. Dans la fonction publique, une dizaine de syndicats de fonctionnaires exercent librement, les dispositions de la loi de 1968, en cours de réajustement, ne l'interdisant pas.

Les membres travailleurs ont rappelé que la commission d'experts formule des observations à ce sujet depuis de nombreuses années et que la Commission de la Conférence a examiné ce cas en 1986, 1994 et 1996. Le Comité de la liberté syndicale a été saisi de plaintes concernant les ingérences du gouvernement dans les activités syndicales. S'il existe actuellement, dans le secteur privé du Cameroun, deux confédérations constituées de fédérations, les dispositions légales permettent toujours au gouvernement de s'ingérer dans les affaires des syndicats. Dans le secteur public, ces ingérences dans les affaires internes des syndicats sont réelles. En 1994, la représentante du gouvernement devant cette commission l'avait implicitement reconnu. Elle avait notamment déclaré que le gouvernement avait constitué des syndicats pour les fonctionnaires. Par ailleurs, le gouvernement refuse systématiquement, depuis 1991, de reconnaître le Syndicat national des professeurs de l'enseignement supérieur (SYNES).

Les membres travailleurs ont également rappelé qu'en 1994 le gouvernement a fourni des indications selon lesquelles une loi sur le droit syndical des fonctionnaires était en voie d'élaboration. Cette année, le ministre du Travail du Cameroun réitère que la procédure est en cours. Toutefois, depuis 1994, la commission d'experts n'a constaté aucun progrès. Au contraire, le Comité de la liberté syndicale a été saisi de plaintes concernant les ingérences du gouvernement dans les activités syndicales.

Les membres travailleurs soulignent en outre que les principes en question dans les présents cas sont des éléments essentiels pour le fonctionnement d'un syndicalisme réellement autonome et indépendant. Il s'agit de principes qui ont commencé à se faire jour dans un certain nombre de pays à partir des événements de 1989. La commission d'experts y fait référence aux paragraphes 43 à 47 de son rapport général, à propos du cinquantenaire de la convention no 87. Malheureusement, au Cameroun ce n'est pas le cas. L'existence juridique d'un syndicat, et en particulier dans le secteur public, dépend d'un agrément préalable du ministère de l'Administration territoriale. Les fondateurs et promoteurs d'un syndicat non encore enregistré, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, s'exposent à des poursuites judiciaires sur la base de l'article 6 du Code du travail, tel que modifié par la loi de 1992. Enfin, l'affiliation internationale reste soumise à autorisation préalable.

Les membres travailleurs insistent pour que la loi et la pratique soient fondamentalement modifiées, de sorte que l'indépendance du mouvement syndical, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, soit garantie. Ils jugent les lenteurs du gouvernement dans ce domaine inquiétantes et l'exhortent à agir sans tarder, tout en évoquant l'éventualité d'une assistance technique pour accélérer le processus.

Les membres employeurs ont noté les informations fournies par le représentant gouvernemental, lesquelles ont été, néanmoins, décevantes. Ils déclarent que, malgré les commentaires de la commission d'experts sur ce cas depuis 1991, les faits sont demeurés inchangés depuis le dernier examen du cas. Ils se réfèrent à la déclaration des membres travailleurs concernant les détails du cas. Des problèmes peuvent être décelés concernant les deux points suivants. L'existence juridique de syndicats ou d'associations professionnelles d'agents publics est soumise à l'approbation préalable de l'administration territoriale, ce qui pose problème, notamment dans le secteur de l'enseignement. De même, une approbation préalable est requise pour l'affiliation à une organisation internationale. Déjà en 1994, le représentant gouvernemental avait déclaré que la situation avait profondément changé et qu'il y avait seulement une carence de suivi administratif à cet égard. Le représentant gouvernemental avait déclaré que tous les efforts seraient progressivement accomplis pour assurer la conformité avec les exigences de la convention no 87, ainsi que les autres conventions. Toutefois, les membres employeurs considèrent que ces mesures n'ont pas été suffisantes ou satisfaisantes. Tout en notant l'information générale fournie par le représentant gouvernemental, ils estiment que les problèmes antérieurs demeurent tant dans la législation que dans la pratique. Il appartient au gouvernement de fixer un cadre approprié; ce qui n'est apparemment pas fait. En conclusion, le gouvernement devrait être instamment prié de prendre les mesures nécessaires. Etant donné que des mesures législatives avaient déjà été annoncées en 1994, le gouvernement doit être prié de fournir d'urgence un rapport écrit détaillé. En outre, l'assistance technique pourrait être utile afin de réaliser, dans un proche avenir, des progrès substantiels dans le domaine de la liberté syndicale et de la protection du droit syndical dans le pays.

Le membre travailleur de la France a déclaré qu'au moment de la célébration du cinquantenaire de la convention no 87, le fait que certains pays n'appliquent toujours pas les dispositions de cette convention est un problème d'ordre politique et non d'ordre technique. Il rappelle qu'une coopération entre la France et le Cameroun sur le plan syndical existe depuis trente-cinq ans, ayant pour but notamment de faire progresser la démocratie. Il estime qu'il existe un sérieux paradoxe entre le fait que le Cameroun ait ratifié la convention no 87 en 1960 et que, déjà en 1969, il adoptait une loi qui apportait de sérieuses restrictions à la liberté syndicale. L'orateur estime que trente-huit ans après la ratification de la convention no 87 par le Cameroun, deux problèmes majeurs subsistent. Le premier est qu'il demeure toujours impossible de constituer un syndicat sans autorisation préalable. Le second est que, lorsqu'un syndicat est reconnu, l'ingérence du gouvernement est notoire, allant même jusqu'à provoquer des scissions à l'intérieur des syndicats. Enfin, l'orateur insiste pour que les déclarations du gouvernement se traduisent par des actes concrets.

Le représentant gouvernemental a souligné tout d'abord l'inconsistance des allégations concernant les ingérences du gouvernement dans les affaires syndicales. Il estime que, puisque aucun exemple concret d'ingérence n'a pu être apporté, il s'agit d'un procès d'intention. En ce qui concerne les fractures et scissions à l'intérieur du mouvement syndical, elles ne sont pas le résultat de manœuvres du gouvernement mais bien de l'évolution normale de tout syndicalisme vers le pluralisme syndical. A cet égard, il précise que le gouvernement n'est jamais intervenu pour créer de nouvelles centrales syndicales. Il ajoute que les centrales syndicales actuelles fonctionnent librement quant à leurs élections, leur gestion, et qu'aucune ingérence alléguée n'a été démontrée. S'agissant de la ratification de la convention no 87, l'orateur estime que l'évolution de chaque pays doit être adaptée en fonction de ses priorités et aucun délai ne devrait être imposé. En effet, les conditions diffèrent de pays à pays et une certaine souplesse est nécessaire. Il rappelle qu'aucun délai n'est prescrit dans les textes de l'OIT et que les délais encourus dans son pays sont conformes à sa pratique habituelle. En ce qui concerne les plaintes en violation de la liberté syndicale, l'orateur déclare que la nature et le contenu de ces plaintes n'ont jamais été communiqués au gouvernement. Par ailleurs, il rappelle, une fois de plus, l'adoption prochaine d'une nouvelle législation sur la syndicalisation des fonctionnaires en conformité avec la nouvelle Constitution de 1996. Toutefois, de nombreux autres textes sont en cours d'adoption et ce texte n'est pas la seule priorité à laquelle doit faire face le Cameroun. Enfin, il précise que, malgré l'absence de législation à l'heure actuelle, une dizaine de syndicats dans la fonction publique exercent déjà leurs activités, et que l'adoption de la prochaine loi dans ce domaine ne fera que légaliser ce qui se passe déjà en pratique.

La commission a pris note de la déclaration du ministre du Travail du Cameroun et des discussions ayant eu lieu en son sein. Elle a rappelé que la commission d'experts formule, depuis de nombreuses années, des commentaires sur le manque d'application des articles 2 et 5 de la convention en droit comme en pratique. Elle a insisté sur la nécessité de modifier la loi no 68/LF/19 de 1968 subordonnant l'existence juridique d'un syndicat ou d'une association professionnelle de fonctionnaires à l'agrément préalable de l'Administration. Elle a insisté également sur la nécessité d'abroger l'article 6 (2) du Code du travail, qui permet de poursuivre les personnes faisant partie d'un syndicat ayant agi en cette qualité sans avoir encore été enregistré. La commission a regretté profondément que, malgré les discussions qu'elle a consacrées précédemment à ce cas, le gouvernement se borne à donner l'assurance que la législation et la pratique seront rendues conformes à la convention une fois la nouvelle loi sur les syndicats de fonctionnaires adoptée. Notant avec préoccupation qu'aucun progrès tangible n'a été enregistré, elle a prié instamment le gouvernement de prendre sans délai des mesures effectives, de manière à lever les obstacles à la liberté syndicale résultant de l'obligation d'une autorisation préalable pour constituer une organisation syndicale, et de garantir à tous les travailleurs, y compris les fonctionnaires, le droit de constituer les organisations de leur choix. La commission a rappelé au gouvernement qu'il pourrait être utile d'avoir recours à l'assistance technique de l'OIT. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement communiquera à la commission d'experts un rapport détaillé sur les mesures prises afin de rendre la législation et la pratique conformes à la convention.

Colombie (ratification: 1976). Le représentant gouvernemental, ministre du Travail, a souligné que son gouvernement approuve et fait siennes les observations de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. Toutefois, son gouvernement estime pertinent d'apporter quelques précisions sur la législation du travail en vigueur en Colombie, ce qui conduit à évoquer certaines dispositions constitutionnelles et les conventions de l'OIT.

Depuis 1991, date à laquelle a été adoptée la nouvelle Constitution colombienne par l'Assemblée nationale constituante, laquelle est éminemment pluraliste, on enregistre des progrès sans précédent pour tout ce qui a trait au monde du travail. Il convient de mentionner que, sur le plan constitutionnel, les conventions internationales du travail que le Congrès a dûment ratifiées font partie du droit interne. Ainsi, les 51 conventions ratifiées par la Colombie peuvent être appliquées directement et, en vertu de la Constitution colombienne, elles priment dans le droit interne car il s'agit d'instruments du domaine des droits de l'homme. C'est le cas des conventions nos 87 et 96 de l'OIT. L'article 53 de la Constitution, dans son paragraphe 4, dispose que les conventions internationales du travail qui ont été dûment ratifiées font partie du droit interne. L'article 93 de la Constitution dispose que les traités et conventions internationaux qui consacrent les droits de l'homme et qui interdisent la restriction de ces droits pendant tout état d'exception priment dans le droit interne. Les droits et devoirs prévus dans la Constitution sont interprétés conformément aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par la Colombie. Les principes du droit du travail sont également garantis par le mécanisme judiciaire appelé «action de tutelle». En vertu de ce mécanisme, quiconque estime que l'un de ces droits fondamentaux est violé peut solliciter la protection de toute autorité judiciaire au moyen d'une procé- dure courte et rapide. De nombreux cas de violation de la liberté syndicale ont pu ainsi être résolus, et la protection du droit de libre association, notamment celui d'exercer les droits du travail, a été garantie.

Le gouvernement reste convaincu de l'importance que revêt l'activité normative de l'OIT et de l'avantage, sur le plan social, pour les travailleurs, les employeurs et la société, qu'il y a à intégrer les normes internationales du travail dans le droit interne. Ainsi, au cours de la dernière période, le Congrès a examiné et a approuvé les conventions (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, (no 161) sur les services de santé au travail, (no 162) sur l'amiante, et (no 174) sur la prévention des accidents industriels majeurs. Ces conventions sont en cours de ratification. On peut affirmer qu'avant la Constitution de 1991 l'exercice de la liberté syndicale faisait l'objet d'entraves en Colombie. Ce n'est plus le cas actuellement et ce droit, qui est consacré par la convention no 87, a désormais rang constitutionnel. De même, le droit qu'ont les travailleurs et les employeurs de former des syndicats ou des associations sans l'intervention de l'Etat -- ces syndicats ou associations étant alors reconnus immédiatement du point de vue juridique -- est consacré dans l'article 38 de la Constitution.

Le représentant gouvernemental indique que des mesures ont été prises pour tenir compte des observations formulées par la commission d'experts dans son rapport III (partie 1) et des commentaires relatifs à la convention no 87, notamment en ce qui concerne les difficultés d'ordre législatif qui persistent. En 1996, une mission d'assistance technique sur la liberté syndicale s'est rendue en Colombie. En collaboration avec cette mission, on a élaboré divers projets de loi destinés à adapter la législation nationale relative au travail aux conventions qui ont été ratifiées. Ces projets de loi ont été soumis au Congrès. S'il est vrai qu'ils n'ont pas été adoptés au cours de cette procédure législative, ils ont servi de point de départ pour l'adoption de diverses mesures administratives, pour répondre aux besoins les plus immédiats et pour élaborer un projet de décret réglementaire portant sur les lois 26 et 27 de 1976, lois en vertu desquelles ont été ratifiées les conventions no 87 et no 98. A l'évidence, il convient de signaler à la commission que, même si ces lois, qui, selon les observations susmentionnées, vont à l'encontre des conventions no 87 et no 98, continuent d'exister, le gouvernement estime qu'elles ont été dérogées et, à cette fin, on demandera qu'une action en inconstitutionnalité soit entamée chaque fois que cela sera nécessaire. Comme on le voit, tout est mis en œuvre: la présentation d'un projet de loi visant à adapter la législation aux observations de la commission d'experts, l'adoption d'un décret réglementaire et, même, une action en inconstitutionnalité devant la Cour.

A propos des observations de la commission d'experts sur la convention no 87, l'orateur rappelle que, dans le rapport de la commission d'experts, il est indiqué que les normes du travail colombiennes qui ne sont pas conformes à la convention no 87 sont les suivantes:

La loi 100 de 1993, article 4, qui porte sur le système général de sécurité sociale en matière de santé et sur le système général de pensions. Ces systèmes ont un caractère essentiel en ce qui concerne les activités qui ont directement trait à l'attribution et au versement de pensions; les articles 1 et 4 de la loi 142 de 1994 portent sur les services publics apportés aux particuliers (eau, égouts, installations sanitaires, électricité, gaz, téléphone fixe et téléphone mobile en milieu rural); l'article 11 du décret 407 de 1994 définit les fonctions du corps national de protection et de surveillance pénitentiaire et des prisons; l'article 125 de la loi 270 de 1996 établit que l'administration de la justice est un service public essentiel; le décret 336 de 1996 fixe les modalités des transports publics aériens, maritimes, ferroviaires et terrestres. Le droit de grève est consacré par la Constitution, et la législation du travail fait progressivement l'objet d'adoptions, de telle sorte que certaines dispositions de la législation en vigueur sont inapplicables et qu'il est possible de déroger à celles qui sont contraires à la Constitution.

Compte tenu du fait que, actuellement, la législation prévoit que les conventions internationales l'emportent sur le droit interne et qu'elles sont immédiatement applicables, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a créé un groupe de juristes dirigé par un spécialiste du droit du travail et des normes de l'OIT. Ce groupe est chargé d'entamer des actions devant la Cour constitutionnelle afin que celle-ci déclare anticonstitutionnelles les normes du Code substantif du travail et les dispositions de la législation du travail qui seraient contraires à l'esprit et à la lettre des conventions de l'OIT ratifiées par la Colombie. Ainsi, on évite, par la voie constitutionnelle, une procédure législative trop longue et le risque que, une fois pris le décret réglementaire susmentionné, des obstacles juridiques en empêchent l'application à l'avenir. La situation n'est toujours pas idéale au niveau de la législation, et pour cette raison le gouvernement tentera, avec les organisations de travailleurs, de tomber d'accord sur des dispositions plus acceptables.

Au sujet des actes de violence qui se produisent en Colombie, le représentant a indiqué que les violations des droits de l'homme qui se produisent ne sont ni voulues ni recherchées par le gouvernement, les travailleurs et les entrepreneurs, et qu'elles s'inscrivent dans le cadre de conflits armés qui perdurent et qui touchent les catégories sociales les plus diverses, soit l'ensemble de la société, les travailleurs et les dirigeants syndicaux. Face à cette situation complexe et extrêmement délicate, le gouvernement colombien a élaboré et mis en œuvre une politique structurelle en vue de la paix et du respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Cette politique vise à la fois à rechercher une solution négociée pour les conflits armés, à garantir et à promouvoir le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire, pour que la population civile ne soit pas victime de ces violations. Au sujet de la politique de paix, il convient de mentionner la création du Conseil national pour la paix qui est composé d'organisations de l'Etat et d'organisations issues de la société civile, en particulier de l'église catholique. Le Conseil est respecté et reconnu par les forces en présence. Le gouvernement a apporté son appui à une série d'initiatives de la part des citoyens pour la paix et contre la guerre. Ainsi, lors des dernières élections, le gouvernement a proposé aux électeurs un «bulletin pour la paix», et 10 millions de Colombiens ont placé ce bulletin dans les urnes. Conscient de l'importance qu'il y a à coopérer avec la communauté internationale pour faire face au problème de la violence, le gouvernement colombien a demandé la création en Colombie d'un bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme. Ce bureau a ouvert ses portes en avril 1997.

Le représentant gouvernemental a souligné que la Commission des droits de l'homme, qui est l'organe le plus important des Nations Unies pour la protection des droits de l'homme, a déclaré, lors de sa cinquante-quatrième session qui vient de se terminer alors que l'on célèbre le cinquantenaire de la Déclaration des droits de l'homme, qu'elle prend bonne note, d'une part, de l'ensemble des politiques et mesures importantes que le gouvernement colombien a adoptées et mises en œuvre pour la protection et la défense des droits de l'homme, d'autre part, de la volonté du gouvernement de coopérer avec le bureau du Haut Commissaire pour les droits de l'homme à Bogotá, avec les rapporteurs spéciaux et avec les groupes de travail de la commission, et, enfin, de la disponibilité du gouvernement pour poursuivre et renforcer ces politiques et mesures. Ni la communauté internationale, ni la Colombie ne pourraient comprendre, à ce sujet, que soit prise une décision différente de celle qui a été adoptée au sein de la Commission des droits de l'homme, cela après une longue période d'examen et de concertation.

Au sujet des droits de l'homme des travailleurs, le gouvernement colombien et, en particulier, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale se sont engagés à promouvoir le respect des droits fondamentaux relatifs à la vie, à la liberté individuelle et à la liberté d'association. Le gouvernement colombien a attaché une importance particulière à ce sujet parce que l'image du pays à l'étranger en dépend. Il a aussi pris des dispositions véritables et a manifesté sa volonté politique de remédier à une situation qui, il le reconnaît, est inacceptable et qui n'est pas compatible avec le caractère démocratique et citoyen des institutions colombiennes. A été créé le groupe consultatif en matière de droits de l'homme qui dépend directement des services du ministère. Ce groupe a notamment pour fonction de fournir des services consultatifs et d'appui à la Commission interinstitutionnelle des droits des travailleurs. De la sorte, on a progressé dans l'élaboration d'un système d'information sur les actes de violence dont sont victimes les dirigeants syndicaux. Ce système servira de base au gouvernement pour élaborer un mécanisme de suivi et de lutte contre l'impunité. Néanmoins, des assassinats et d'autres crimes odieux ont eu lieu contre des dirigeants syndicaux, et des menaces continuent d'être proférées à l'endroit des dirigeants syndicaux et de leurs activités. Le gouvernement condamne ces actes et offre de prendre des mesures afin de punir les auteurs de ces crimes. Le gouvernement considère que les organisations syndicales occupent une place importante dans la société et que la poursuite d'une paix réelle et d'une justice sociale devrait se poursuivre. Enfin, il indique qu'il s'identifie à la juste cause des organisations syndicales.

Les membres travailleurs ont déclaré que le cas de la Colombie est extrêmement préoccupant. La Commission de la Conférence a discuté de ce cas en 1989, 1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995 et 1997. Ce cas a été mentionné dans un paragraphe spécial en 1989 et 1990. En outre, les observations de la commission d'experts renvoient également aux problèmes soulevés à propos de la convention no 98. En 1996, une mission de contacts directs s'est rendue en Colombie. A ce jour, cinq plaintes sont en instance devant le Comité de la liberté syndicale.

Les membres travailleurs ont rappelé que l'année précédente, lors de l'examen de ce cas, deux préoccupations majeures ont été soulevées: d'une part, le gouvernement avait élaboré, avec le concours du BIT, deux projets de loi allant dans le sens des observations des experts. Ces observations, reprises dans le rapport de cette année, portaient sur les divergences du droit et de la pratique avec les conventions nos 87 et 98. D'autre part, la Commission de la Conférence s'était déclarée vivement préoccupée par le climat de violence et d'impunité régnant dans le pays et visant en particulier les travailleurs et les syndicalistes.

La commission d'experts note que le gouvernement déclare dans son rapport que le Congrès de la République a décidé d'écarter le projet de loi et recherche d'autres solutions pour répondre aux exigences de la convention. De plus, le deuxième projet de loi, concernant les services publics essentiels, ne semble pas, non plus, avoir connu de suite.

En ce qui concerne la deuxième préoccupation, c'est-à-dire les intentions du gouvernement devant la situation de violence visant les travailleurs et les syndicalistes, aucune information n'est relayée par la commission d'experts, ce qui mène à conclure que le gouvernement n'a pas fourni de telles informations dans son rapport. Or les nouvelles parvenant par des syndicalistes colombiens à cette session même témoignent encore de la gravité extrême de la situation. La semaine précédente, 26 travailleurs ont été enlevés et assassinés. Selon les informations de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, 127 syndicalistes ont été assassinés en 1997 pour des raisons politiques. Plusieurs syndicalistes ont été enlevés et sont portés disparus. Le Haut Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme a condamné l'appareil judiciaire, et en particulier les tribunaux régionaux, ces tribunaux ayant entériné l'arrestation de syndicalistes sans respecter la procédure judiciaire, et purement et simplement pour avoir exercé leurs droits syndicaux.

Cette situation conduit les membres travailleurs à insister de nouveau sur l'interaction nécessaire et indispensable des instruments de l'OIT et des principes énoncés dans sa Constitution afin de créer, pour reprendre les termes du mandat de la mission de contacts directs de 1996, «un climat de paix sociale et d'élimination progressive des conditions sociales qui impliquent l'injustice, la misère et les privations».

Les membres travailleurs ont constaté que, sur le plan de la mise en conformité de la législation avec la convention, aucun projet n'a été constaté et même que le processus devrait apparemment être recommencé. S'agissant des violences antisyndicales, le gouvernement reste muet quant à l'action entreprise pour mettre fin à ce climat de violence et, en particulier, aux agressions de syndicalistes.

Compte tenu de cette double lacune, les membres travailleurs proposent que, dans ses conclusions, la commission invite le gouvernement à accepter une mission de contacts directs afin: 1) d'assister le gouvernement et les autres organes politiques de décision, comme le Congrès de la République, en vue d'éliminer à court terme les obstacles s'opposant à l'adoption de normes de nature à rendre la législation conforme à la convention; 2) de s'informer sur la situation de violence antisyndicale et définir, avec les autorités compétentes et les organisations de travailleurs et d'employeurs, les mesures à prendre pour mettre un terme aux violences antisyndicales, pour instaurer un climat de paix sociale, et établir et garantir l'état de droit.

Les membres employeurs ont rappelé que ce cas a été examiné huit fois au cours des dix dernières années. En 1996, une mission de l'OIT sur la liberté syndicale avait abouti à l'élaboration d'un projet de loi qui, pour finir, n'a pas été adopté par le Congrès. L'adoption de ce projet de loi aurait apporté dans une large mesure une réponse satisfaisante aux douze points constituant la matière du rapport de la commission d'experts. S'agissant des critiques formulées par la commission d'experts quant à la disposition législative relative au droit de grève, les membres employeurs ont rappelé qu'en la matière leur position n'est pas la même que celle de la commission d'experts et que, par ailleurs, l'obligation pour l'Etat de prendre des mesures de protection s'impose à un stade antérieur. Abstraction faite de cette divergence d'opinions, les autres points soulevés par la commission d'experts montrent à l'évidence que la liberté syndicale est loin d'être respectée. Quant à la suggestion du représentant gouvernemental d'examiner si les propositions formulées dans le cadre du projet de loi précité pourraient être introduites dans la Constitution du pays, les membres employeurs estiment que cette procédure n'aurait pas de résultat positif puisqu'il n'a pas été adopté un seul projet de loi. Les membres employeurs ont noté que le représentant gouvernemental a donné d'abondantes informations sur les nombreuses questions soulevées dans le rapport de la commission d'experts, et qu'il a déclaré qu'une fois ratifiées les conventions sont directement applicables au niveau national et ont la prééminence sur les autres lois. Or la convention no 87 consacre des principes qui devraient être adoptés dans l'ordre juridique national et devraient être respectés dans la pratique, ce qui s'est révélé particulièrement aléatoire. S'agissant de l'intention du gouvernement d'examiner les dispositions juridiques contraires aux dispositions de la convention no 87 et de les déclarer inconstitutionnelles, les membres employeurs doutent que l'exécutif ait la faculté de procéder ainsi. Ils ont fait observer que le problème concerne non seulement la convention no 87 mais encore l'ensemble de la société, en proie à un climat de violence généralisé. Militants syndicaux et chefs d'entreprise sont victimes de discriminations, d'enlèvements ou d'assassinats, situation qui prouve que la liberté syndicale n'existe pas dans ce pays. Les membres employeurs souhaitent que, dans ses conclusions, la commission exprime sa profonde préoccupation, sans y mentionner pour autant des éléments individuels soulignés par la commission d'experts, dans le but d'illustrer la gravité de la situation dans son ensemble. Enfin, le gouvernement devrait être instamment prié de prendre des mesures appropriées et de présenter un rapport dans un proche avenir.

Le membre travailleur de la Colombie a déclaré que ce n'est pas la première fois qu'un ministre donne sa parole et que, un an plus tard, rien n'est fait. Le membre travailleur espère que, cette fois-ci, les promesses qui concernent les travailleurs et la communauté internationale seront tenues. Il déclare, avec beaucoup de tristesse, que la situation des droits de l'homme ne s'est pas améliorée en Colombie. La violence frappe l'ensemble de la société colombienne, en particulier les travailleurs et la population civile. Ces actes de violence, et l'impunité qui les caractérise, sont de plus en plus préoccupants. La politique constante de menaces et d'attentats à l'encontre des défenseurs des droits sociaux fait partie d'une stratégie visant à démobiliser et à démoraliser les organisations de travailleurs. Plus de 98 pour cent de la population colombienne est composée de personnes bonnes, pacifiques, travailleuses, limpides. Tout ce qu'elles veulent, c'est vivre dans un pays en paix, libre, démocratique et développé dans lequel tous les Colombiens auront accès à l'éducation, au logement, à la santé, aux loisirs, à la sécurité sociale, et à l'emploi. Il est donc essentiel de souligner que plus d'un million de personnes sont déplacées en raison de la violence. On sait d'ores et déjà que la situation empirera encore et qu'il y aura davantage de sacrifices. La liberté syndicale est étroitement liée aux droits de l'homme. Le rapport très précis de la commission d'experts porte notamment sur les violations de la convention no 87. S'il est vrai que le ministre du Travail actuel a pris ses fonctions il y a quelques mois seulement, il lui incombe aujourd'hui de se porter garant de ceux qui, de manière irresponsable, s'étaient engagés à harmoniser la législation du travail avec les conventions et les recommandations de l'OIT et qui n'ont pas tenu parole. Les fonctionnaires de l'Etat sont toujours privés du droit à la négociation collective. Le projet de loi dont il a été question précédemment n'a été suivi d'aucun effet et il place les fonctionnaires de l'Etat dans une situation très défavorable. Il est donc très important que le gouvernement de la Colombie dise s'il est véritablement en mesure de tenir des engagements. Par ailleurs, le rapport de la commission d'experts indique de nouveau que, depuis de nombreuses années, la Colombie annonce une modification de la législation du travail. Il est question aujourd'hui, pour garantir la liberté syndicale, de consacrer le statut du travail, comme le prévoit la Constitution. Or les travailleurs colombiens n'ont connaissance ni d'un projet de statut ni de l'issue qui a été donnée à un projet présenté par les travailleurs et qui avait recueilli plus d'un million de signatures. De plus, les travailleurs colombiens se disent préoccupés par la manière dont certaines entreprises suppriment littéralement les travailleurs et leurs organisations en les soumettant à des persécutions, en prévoyant des programmes de retraite «volontaire», en ayant recours à des contrats temporaires et en prévoyant ce que l'on appelle désormais le «statut du travailleur non syndiqué». Cet instrument est extrêmement dangereux pour le mouvement syndical car il établit des garanties et des droits différents pour les travailleurs non syndiqués et parce qu'il vise à diminuer le taux de syndicalisation, comme c'est le cas à Avianca, et dans d'autres entreprises où des pratiques inacceptables sont perpétrées. Par exemple, dans certaines organisations sociales où il existe des syndicats, on a l'habitude, aberrante, de faire pression sur les travailleurs pour qu'ils renoncent à leur emploi et pour qu'ils constituent de petites coopératives susceptibles de fournir des services aux entreprises. De la sorte, on dénature la relation capital-travail, on diminue le volume de l'activité syndicale et on prive les travailleurs de protection syndicale et de sécurité sociale. A ce sujet, il est très important que le gouvernement s'engage à défendre la liberté syndicale et à empêcher que se développent des pratiques allant à l'encontre de la liberté syndicale, comme l'ont signalé les travailleurs de Bavaria, entité où les dirigeants syndicaux ne peuvent exercer leurs activités sur le lieu de travail. De plus, le membre travailleur ne croit pas aux informations selon lesquelles des progrès significatifs auraient été accomplis dans la législation du travail, dans les systèmes de protection de la santé et dans les systèmes de pension. La réalité est tout autre. Le membre travailleur demande que le ministre dise clairement ce que l'on fera des dizaines de milliers de travailleurs qui ont été licenciés ces dernières années. Ces travailleurs ont été licenciés par des maires et des gouverneurs sans qu'aucune sanction n'ait été prise. L'orateur demande également à la commission d'accepter qu'une commission d'enquête soit dépêchée, ce qui pourrait être très utile dans les circonstances actuelles.

Un autre membre travailleur de la Colombie a exposé l'une des principales raisons pour lesquelles il est demandé au gouvernement colombien de rendre des comptes: les violations des droits de l'homme en Colombie sont graves. Plus de 2.500 syndicalistes ont été assassinés au cours des dix dernières années sans qu'aucun responsable de ces crimes n'ait été arrêté. Le nombre extrêmement élevé de personnes déplacées et de réfugiés dans des pays amis et, par conséquent, la destruction du tissu social, la rupture des liens qui existaient dans le monde du travail et au sein des familles montrent à quel point la situation est grave. Par ailleurs, la commission s'est émue des plaintes que les représentants des travailleurs de Colombie ont formulées et qui font état de la «pénalisation» de la lutte sociale. Il s'est avéré que la législation qui vise à réprimer le terrorisme et le trafic de stupéfiants est finalement utilisée contre les dirigeants syndicaux, sociaux et politiques. Cette législation ne permet pas d'engager les actions nécessaires. En effet, la procédure prévue par telle législation est effectuée par des juges «sans visage»; les preuves sont tenues secrètes; des témoins sont entendus plusieurs fois contre une même personne et leur identité n'est pas dévoilée -- on les appelle «témoins clonés»; surtout, cette procédure permet de prononcer, après négociation, des peines dérisoires à l'encontre des véritables coupables, et, bien souvent, des innocents se disent coupables pour ne pas être soumis à des procédures interminables. Si ces derniers n'agissent pas ainsi, ils sont condamnés à des peines arbitraires et injustes. Certes, des débats ont lieu sur l'application de ce type de justice. De plus en plus de personnes s'y opposent. Toutefois, les travailleurs s'inquiètent du fait que, tant que ce type de justice sera appliqué, elle servira, par des moyens illégitimes, à «justifier» ou à prétendre «justifier» toute action contraire à la liberté ou à l'intégrité des dirigeants syndicaux et sociaux et aux membres d'organisations non gouvernementales qui s'occupent des droits de l'homme et des droits politiques.

Mme Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme, a fait d'importantes déclarations au cours de la séance plénière à propos des droits de l'homme et du droit légitime de les défendre. Ces déclarations s'appliquent pleinement au rapport sur la Colombie qui a été présenté à la 54e réunion de la Commission des droits de l'homme, il y a à peine deux mois. Se fondant sur des informations émanant de sa déléguée en Colombie, Mme Robinson a indiqué que, selon des organismes de sécurité de l'Etat colombien, 15 guérilleros sur 100 sont militairement actifs et 85 sur 100 apportent un appui logistique ou politique aux insurgés. Ces guérilleros sont intégrés dans des organisations sociales et syndicales, dans des mouvements politiques légaux et dans des organisations de défense des droits de l'homme. On peut imaginer les conséquences qu'ont, dans un pays comme la Colombie, des allégations aussi absurdes de la part des organismes de sécurité.

Il y a environ un mois et demi, a été assassiné à Bogotá M. Eduardo Umaña Mendoza, défenseur reconnu des droits de l'homme et des droits syndicaux, qui a dénoncé avec véhémence l'impunité et le manque de garanties pour exercer les activités syndicales en Colombie. Il défendait à ce moment-là les dirigeants syndicaux du secteur pétrolier.

Les travailleurs colombiens constatent et saluent la préoccupation que manifestent depuis plus de dix ans le Comité de la liberté syndicale, la commission d'experts et la Commission de l'application des normes. De même, ils se félicitent des mesures qu'ont prises les divers organes de l'OIT pour que la Colombie s'acquitte de son obligation de garantir et de respecter les droits relatifs à la liberté syndicale. Tant de syndicalistes ont été assassinés, déplacés de force ou victimes d'autres violations de leurs droits, et si grave est l'impunité qu'il est vain de citer des statistiques. Il est temps que la communauté internationale, et l'OIT en particulier, prenne des mesures plus concrètes pour aider le peuple colombien à résoudre le grave problème de la situation des droits de l'homme en Colombie. Le membre travailleur appuie la demande, formulée par l'autre membre travailleur de la Colombie, en vue de la création d'une commission d'enquête sur la liberté syndicale en Colombie. Enfin, il a demandé qu'à la mémoire des plus de 2.000 syndicalistes qui ont été assassinés en Colombie au cours des dix dernières années la commission observe une minute de silence.

Le membre travailleur de l'Argentine a déclaré que sa centrale avait dû assurer, à la demande de l'Organisation régionale interaméricaine des Travailleurs (ORIT), la protection de certains syndicalistes contraints de quitter leur pays en raison de menaces de mort réitérées. Il a souligné que le rapport de la commission d'experts signale que le Congrès de la République de Colombie a décidé de mettre en sommeil une réforme législative tendant à modifier la législation en vigueur pour la rapprocher des normes de l'OIT et garantir la liberté syndicale des syndicalistes colombiens. La situation est d'autant plus grave qu'aujourd'hui travailleurs et dirigeants syndicaux sont totalement dépourvus de protection. En 1997, 156 travailleurs et dirigeants syndicaux ont été assassinés et une centaine ont dû abandonner leur foyer en raison des menaces dont ils faisaient l'objet. Les autorités ne font pas preuve d'une volonté marquée d'enquêter sur ces innombrables meurtres, enlèvements et autres attentats. On ne constate pas non plus de progrès notables quant au fonctionnement de la Commission pour la protection des droits de l'homme, que le gouvernement colombien s'était engagé à constituer. On ne constate pas d'évolution quant à la législation relative à la négociation collective dans le secteur public. Les syndicats qui revendiquent légitimement contre les abus des employeurs font l'objet d'une répression de la justice. Les entreprises exercent des poursuites au pénal contre les dirigeants syndicaux, avec une certaine complaisance de la justice. Le droit de grève est bafoué, bien qu'il soit inscrit dans la Constitution. Des dirigeants syndicaux sont licenciés en cas de participation à une grève, et ne jouissent d'aucune protection. Le ministère du Travail, investi de pouvoirs excessifs dont il fait usage de manière discrétionnaire et arbitraire, peut qualifier une grève d'illégale. A l'évidence, le gouvernement ne se soucie pas de modifier la législation, contrairement à ce qu'il s'était engagé à faire, ni de protéger la vie, la sécurité et l'activité des travailleurs et de leurs dirigeants syndicaux. L'intervenant se rallie donc à la démarche des travailleurs colombiens et demande instamment qu'il soit mis fin aux violences et aux diverses atteintes aux droits de l'homme en Colombie et qu'une commission d'enquête soit acceptée par le gouvernement.

Le membre travailleur de l'Allemagne a déclaré ne pas vouloir entrer dans les détails des cas individuels puisque ce cas concernait la situation générale en Colombie. Il souligne que les dirigeants syndicaux ont été assassinés ou sont victimes de toutes sortes de discrimination et qu'en conséquence cette commission se doit d'exprimer sa plus profonde préoccupation concernant la situation dans ce pays. Il souligne que non seulement les syndicalistes font l'objet de persécution, mais également les avocats qui les représentent. Ce climat de violence est illustré notamment par le cas du Dr Mendoza, avocat réputé dans le domaine des droits de l'homme, qui a été assassiné dans son bureau de Bogotá le 18 avril 1998. En ce qui a trait à la déclaration du délégué gouvernemental, il fait remarquer qu'aucune mesure concrète n'a été prise et que le délégué gouvernemental s'est limité à qualifier les actes décrits ci-dessus comme «terribles et criminels». Ainsi, le délégué gouvernemental devrait indiquer quelles mesures concrètes ont été prises afin de remédier à la situation qui prévaut dans ce pays.

Le membre travailleur de l'Islande, s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques, a déclaré que le gouvernement colombien semble déterminé à célébrer le cinquantenaire de la convention no 87 en ne prenant aucune mesure de nature à assurer l'application adéquate de cet instrument dans le pays. A nouveau, la commission est appelée à connaître d'une situation de violence épouvantable à l'encontre de syndicalistes, dont on évoque quelques aspects: en 1997, non moins de 156 travailleurs et dirigeants syndicaux ont été assassinés dans le pays. Ce climat de violence ne semble pas s'être modifié cette année. Le gouvernement peut dire que ces meurtres sont des incidents isolés ou bien le fait de bandes criminelles et qu'il ne peut en être tenu responsable, mais, pour accepter une telle explication, cette commission devrait avoir la preuve que le gouvernement fait effectivement quelque chose pour remédier à la situation. Malheureusement, rien n'indique que ce soit le cas, bien au contraire; certains faits donnent à croire que les moyens de l'Etat sont utilisés pour saper l'activité syndicale. En mars, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a prononcé une condamnation à l'égard de l'appareil judiciaire colombien, considérant que celui-ci violait les garanties du respect des procédures, et Amnesty International a exprimé, dans son récent rapport, des préoccupations du même ordre. Le problème réel qui se pose, devant la démission du gouvernement face aux obligations que lui impose la ratification de la convention no 87, est apparemment l'absence totale de volonté politique. De par le monde, les forces démocratiques et le respect des droits de l'homme amènent un renversement pacifique des dictatures et l'instauration d'une société meilleure pour tous. Pour qu'une telle évolution se produise, il faut du courage. Il faut du courage pour faire table rase de l'ancien système de répression sociale et encore du courage pour permettre au peuple d'un pays de jouir des droits fondamentaux de l'homme. Il est évident que de tels progrès, c'est-à-dire qu'une telle évolution démocratique ne peut avoir lieu dans les conditions qui règnent actuellement en Colombie.

Le membre travailleur de la France a d'abord souligné la forte émotion qui touche ce cas et qui justifie le nombre élevé d'interventions. Il note que les propos du gouvernement se veulent rassurants mais que les faits et l'actualité contredisent ces propos. Il estime qu'à la base le problème est l'absence d'un état de droit et des moyens classiques de faire respecter la loi. L'orateur rappelle que la démarche prometteuse en 1996 avec le concours de l'OIT tendant à modifier diverses mesures contenues dans le Code substantif du travail a été rejetée par le Congrès. Le ministère du Travail étudie la possibilité de soumettre au Congrès le statut du travail qui reprendrait les amendements précités. Mais l'orateur demande quelle crédibilité peut-on attacher à cette démarche si le Congrès de la République a déjà rejeté le premier projet. L'orateur rappelle ensuite certains chiffres tels que 156 dirigeants syndicaux assassinés en 1997. Il note que, de ce nombre, 61 sont des enseignants en plus des quatre qui sont portés disparus, ce qui représente plus de 50 pour cent des syndicalistes assassinés. Il cite par exemple les événements du 7 mars 1996 où le secrétaire général de la FENSUAGRO fut abattu dans son bureau. Il mentionne également que, le 26 mars, le ministère public a menacé d'arrêter huit dirigeants syndicaux pour falsification de documents et fraude. A cet égard, l'orateur estime que la non-application de la convention no 87 ne peut que conforter les groupes paramilitaires qui s'attaquent aux syndicalistes puisque même les pouvoirs publics ne semblent pas respecter les dispositions de la convention no 87.

Le membre travailleur de l'Espagne a souligné que les problèmes essentiels ne se situent pas au niveau de la législation ou de la Constitution, mais ont leur racine dans l'impunité des crimes commis. Il a été signalé qu'aucun responsable de ces crimes n'a été jugé. La commission d'enquête proposée lors de la discussion peut, si elle engage sa tâche avec valeur, générosité et courage, contribuer à rendre la paix possible. L'OIT et les Nations Unies ne peuvent rester impassibles face à la situation de violence en Colombie. Après avoir déploré les récents assassinats massifs des syndicalistes, il rend hommage à la CUT pour sa lutte en faveur des droits de l'homme et des droits syndicaux.

Le membre gouvernemental de la Norvège, s'exprimant au nom des douze pays suivants: l'Allemagne, l'Autriche, le Canada, le Danemark, les Etats-Unis, la Finlande, l'Irlande, l'Islande, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse, a déclaré que la situation de la Colombie avait été discutée au cours de la dernière session de la présente commission. La commission avait exprimé de profonds regrets quant au climat de violence qui menaçait la vie et l'intégrité physique des syndicalistes. Au cours de ces dernières années, l'aggravation de la situation des droits de l'homme a de plus en plus capté l'attention de la communauté internationale. Le gouvernement n'a toujours pas adopté les mesures législatives nécessaires sur la liberté syndicale et la négociation collective, ainsi que la commission d'experts le relève dans son rapport. Les représentants gouvernementaux des douze Etats susvisés soutiennent l'appel lancé par la commission d'experts pour que le gouvernement fournisse un rapport clarifiant la situation dans ce domaine. Toutefois, aussi sérieuses que soient ces restrictions, elles interviennent dans un contexte global d'extrême violence, qui comprend parmi ses victimes des syndicalistes. L'orateur a exprimé le ferme espoir d'être en mesure, dans un proche avenir, de noter des progrès substantiels dans le domaine des droits civils et politiques qui sont essentiels à l'exercice des droits syndicaux, entre autres grâce à la coopération avec le bureau du représentant du Haut Commissaire des droits de l'homme à Bogotá et à l'assistance du BIT. Enfin, l'orateur a exprimé l'espoir que le gouvernement de la Colombie prenne prochainement les mesures nécessaires pour mettre sa législation et sa pratique pleinement en conformité avec la convention.

Le membre travailleur du Guatemala a signalé qu'il est triste et préoccupant de constater que l'année où est célébré le 50e anniversaire de la convention no 87 et de la Déclaration universelle des droits de l'homme, ces instruments restent lettre morte en Colombie. Le gouvernement ne garantit pas la protection de la vie des citoyens alors que ceci est sa responsabilité première. A cet égard, il convient de condamner la répression et les persécutions systématiques que subit le mouvement syndical colombien. L'impunité et l'injustice sociale prévalent en Colombie sans aucune perspective d'amélioration. Les travailleurs sont fatigués par les fausses promesses. Le représentant gouvernemental doit préciser quelles politiques il entend mener pour résoudre les problèmes mentionnés et garantir l'application effective de la convention no 87, la paix ainsi que la démocratie.

Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré qu'étant donné les violations systématiques, structurelles et chroniques de la liberté syndicale en Colombie et considérant les violations massives et barbares contre l'intégrité physique des syndicalistes en Colombie, la délégation des travailleurs américains se joint à la délégation des travailleurs colombiens ainsi qu'aux autres délégations de travailleurs pour demander l'établissement d'une commission d'enquête. Toute mesure moindre serait totalement inadéquate.

Le représentant gouvernemental de la Colombie a remercié tous les orateurs ayant participé à la discussion. Il a déclaré soutenir les déclarations de solidarité des travailleurs de tous les pays avec le peuple colombien, après les assassinats de travailleurs récemment perpétrés par des groupes paramilitaires. Il a également été reconnaissant de la minute de silence demandée par les travailleurs en protestation contre la violence en Colombie. Il a déclaré que, si des inexactitudes ont pu être formulées par certains orateurs à propos des problèmes législatifs, il ne souhaitait pas en faire mention, considérant que la question de fond est tout autre. Pour ce qui est des violations des droits de l'homme, l'organe spécialisé des Nations Unies dans ce domaine a reconnu l'ensemble des importantes mesures politiques adoptées et mises en œuvre par le gouvernement en matière de protection des droits de l'homme. Compte tenu de cette déclaration, il convient de considérer que ce sont les organes spécialisés dans ce domaine qui doivent s'exprimer à cet égard. L'orateur ne nie pas cependant qu'il existe des violations des droits de l'homme en Colombie. Les agents de l'Etat s'étant rendus coupables de tels actes ont été sanctionnés. Cependant, devant tant de violence de la part des formations paramilitaires, de la guérilla, etc., on peut se demander si d'autres peuples auraient pu préserver leurs institutions et l'ordre constitutionnel, comme c'est le cas en Colombie. Pour ce qui est de la possibilité de déclarer inconstitutionnelles certaines dispositions du Code du travail, l'intervenant considère qu'il s'agit là d'une marque d'intérêt de la part d'un gouvernement soucieux de faire droit aux observations de la commission d'experts. En ce qui concerne la demande d'une commission d'enquête en Colombie, l'intervenant a déclaré souhaiter que s'achève la procédure pertinente devant le Conseil d'administration de l'OIT et que, dans le cas ou ce dernier déciderait, après avoir examiné la réponse du gouvernement, d'envoyer une mission d'enquête, celui-ci se montrerait pleinement coopératif.

Le représentant du Secrétaire général a répondu à la demande d'information formulée par les membres travailleurs concernant la commission d'enquête. Après la lecture des dispositions pertinentes de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, il précise que la plainte doit être présentée par écrit ou, dans le cas présent, par un délégué à la Conférence; une déclaration pouvant être faite à la séance plénière de la Conférence. Le Conseil d'administration soumettra ensuite la plainte au bureau du Conseil d'administration puis au Conseil d'administration afin qu'il se prononce sur son admissibilité, et qu'il statue sur l'adoption de mesures qu'il jugerait utiles ou nécessaires. La plainte doit dans tous les cas identifier clairement les faits et indiquer les dispositions de la convention ou des conventions dont le non-respect est invoqué. Il convient de signaler que, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, la présente commission n'est pas compétente pour se prononcer sur l'admissibilité des plaintes.

La commission a pris note des informations orales communiquées par le ministre du Travail, ainsi que du long débat qui s'en est suivi. La commission a rappelé, avec une grande préoccupation, que les divergences majeures et persistantes entre la législation et la pratique et les dispositions de la convention ont fait, à maintes occasions, l'objet de discussions à la Commission de la Conférence. Elle a profondément déploré que les cas soumis au Comité de la liberté syndicale laissent apparaître une persistance de la violence antisyndicale, y compris la mort d'un grand nombre de dirigeants et militants syndicaux. La commission a exprimé sa profonde préoccupation concernant la violation des droits relatifs à la liberté syndicale dans leurs aspects les plus essentiels. Elle a noté, avec regret, qu'aucun progrès n'avait été réalisé dans le sens d'une plus grande conformité avec la convention, malgré l'assistance fournie en 1996 par une mission du BIT sur la liberté syndicale. La commission a rappelé que par la suite un projet de loi avait été préparé pour abroger et modifier un certain nombre de dispositions non compatibles avec les exigences de la convention, mais que ledit projet de loi a été mis en veilleuse par le Congrès. La commission a de nouveau instamment prié le gouvernement de prendre des mesures concrètes, afin de mettre en conformité avec les exigences de la convention les dispositions du Code substantif du travail et les décrets correspondants contraires à l'application des articles 2, 3 et 10. Elle a insisté, en particulier, sur: la nécessité de lever les pouvoirs de contrôle étendus sur les affaires syndicales accordés aux autorités administratives; l'interdiction de constituer plus d'un syndicat au niveau de l'entreprise; l'exigence d'un nombre excessivement élevé de travailleurs colombiens pour constituer un syndicat; la restriction importante qui pèse sur l'éligibilité des agents syndicaux et sur le droit des organisations de travailleurs d'organiser leurs activités et d'élaborer leurs programmes pour la promotion et la défense de leurs intérêts professionnels. La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournirait un rapport détaillé à la commission d'experts sur les progrès concrets qui ont été réalisés, tant en droit qu'en pratique, pour assurer l'application de cette convention fondamentale, ratifiée il y a plus de vingt ans. La commission a pris note de la déclaration faite par le représentant gouvernemental, manifestant sa disposition à communiquer avec le Conseil d'administration au cas où une plainte écrite pour une commission d'enquête lui serait soumise.

Pendant la discussion, la commission a observé une minute de silence à la mémoire des syndicalistes assassinés en Colombie.

Equateur (ratification: 1959). Un représentant gouvernemental, ministre du Travail, s'est félicité de l'occasion qui lui est donnée de s'adresser à la commission. Il déclare qu'en Equateur il n'existe pas de problèmes de violation des droits des travailleurs. L'Etat respecte et garantit les droits syndicaux, et l'existence de réunions de concertation démontre que la liberté syndicale est respectée. A propos des projets de loi élaborés par la mission d'assistance technique qui s'est rendue en Equateur en 1997, projets dont il est question dans le rapport de la commission d'experts, il a déclaré ce qui suit:

Les membres employeurs ont remarqué que le représentant gouvernemental a essayé, de manière étrange, de faire croire à la commission que la législation était en conformité avec les exigences de la convention no 87. En ce qui concerne le rapport de la commission d'experts, ils ont remarqué que le représentant du gouvernement n'a pas réussi à démontrer la conformité de la législation nationale. Lors d'une mission du BIT en 1997, deux projets de loi, comprenant des amendements ou l'abrogation des textes législatifs, conformément aux commentaires de la commission d'experts, ont été préparés. Ceux-ci constituent une approche positive afin de mettre la législation en conformité avec les dispositions de la convention. Le contenu de ces projets a fait l'objet d'un commentaire détaillé dans le rapport de la commission d'experts; il porte essentiellement sur la création et l'enregistrement des syndicats, mais aussi sur la liberté de créer son propre syndicat, de le gérer et d'exprimer de manière pacifique ses opinions sur la politique économique et sociale du gouvernement. Ils ont également remarqué qu'un système de contrôle aurait dû être établi.

La question du droit de grève ayant déjà fait l'objet de discussions, un débat supplémentaire n'était pas nécessaire dans la mesure où la position des employeurs était différente de celle de la commission. Toutefois, ils n'ont pas contesté le droit de l'Etat d'adopter la position de la commission d'experts en la matière. Il est évident que la législation doit être modifiée, et il est surprenant que ces projets de loi ne sont plus mentionnés dans le rapport du gouvernement. En revanche, le représentant du gouvernement a voulu montrer qu'il n'était pas nécessaire de modifier la législation qui, aux yeux des membres employeurs, représente une amélioration. Ils ont exprimé leur accord avec la position de la commission d'experts, excepté le droit de grève, qui est que la liberté syndicale et le droit d'organisation n'existent pas dans ce pays et que des modifications législatives sont nécessaires. Ils ont conclu que la commission doit se montrer ferme envers le gouvernement. Par conséquent, le gouvernement devrait être incité à revoir la législation en vigueur afin d'y apporter, de manière urgente, des modifications.

Les membres travailleurs, remerciant le représentant gouvernemental pour les informations communiquées, ont rappelé que ce cas a été examiné par la Commission de la Conférence en 1985, 1987, 1988, 1992 et 1993 et que plusieurs des points soulevés par la commission d'experts sont évoqués depuis longtemps dans son rapport et ont même fait l'objet de paragraphes spéciaux par le passé (1988 et 1989). Entre-temps, plusieurs missions de contacts directs et missions techniques de l'OIT ont été effectuées dans le pays pour tenter de rendre la législation conforme à la convention. Quelques progrès avaient été accomplis en 1991, avec l'adoption de la loi no 133 portant modification du Code de travail, mais des disparités importantes subsistaient entre la législation et la convention, raison pour laquelle la commission a repris l'examen de ce cas en 1993. Depuis, une nouvelle mission d'assistance technique de l'OIT s'est rendue dans le pays, du 4 au 8 septembre 1997. Elle a contribué à l'élaboration de deux projets de loi tendant à améliorer la conformité de la législation avec la convention mais, depuis lors, les membres travailleurs constatent, comme la commission d'experts, que le gouvernement n'en fait plus mention. Qui plus est, celui-ci signale que des projets de loi datant de 1989 sont réactivés et soumis au Congrès, ce qui constitue un grand pas en arrière. Les membres travailleurs voient dans une telle attitude une absence de volonté politique réelle de collaboration avec les organes de contrôle, attitude contre laquelle la commission, dans son ensemble, s'est toujours insurgée. L'assistance technique et les missions de contacts directs de l'OIT ne doivent pas être utilisées pour gagner du temps. Ces mécanismes ont été conçus pour promouvoir l'application des conventions par une analyse approfondie des problèmes et par la recherche de solutions efficaces. Les membres travailleurs ont rappelé les points sur lesquels portent les divergences de la législation et de la pratique par rapport à la convention no 87: le déni de la liberté syndicale aux fonctionnaires et aux travailleurs civils des forces armées; l'absence de voies de recours efficaces et indépendantes contre le refus d'enregistrement d'un syndicat; le nombre élevé de membres nécessaires pour pouvoir constituer un syndicat, situation particulièrement préoccupante dans un système de syndicats d'entreprise; les restrictions très importantes entravant l'action syndicale des fédérations et confédérations, notamment le droit de recourir à la grève; la dissolution de syndicats par voie administrative. A moins que la commission d'experts ne constate de réels progrès, notamment l'adoption par le Congrès national des projets de loi élaborés en septembre 1997 et de textes complémentaires, les membres travailleurs estiment que la commission devra réexaminer ce cas l'an prochain et que, à cette occasion, les conclusions devront être rédigées en d'autres termes et refléter leurs préoccupations. Les membres travailleurs demandent également que les conclusions prennent en compte les positions et préoccupations déjà exprimées.

Le membre travailleur de l'Equateur s'est déclaré en plein accord avec les observations de la commission d'experts et a remercié le ministre du Travail de son pays de sa présence. Depuis plusieurs années, des observations, commentaires et demandes directes ont été adressés par la commission et les organes de contrôle au gouvernement de l'Equateur afin qu'il mette la législation et la pratique en conformité avec la convention no 87. Face à ces demandes, le gouvernement a promis à plusieurs occasions de prendre les mesures nécessaires pour mener à bien les réformes légales nécessaires. Les observations de la commission d'experts se référaient jusqu'en 1990 aux dispositions légales suivantes: interdiction pour les agents de la fonction publique de constituer des syndicats, négocier des conventions collectives et déclarer la grève; interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans le domaine de la politique partisane ou religieuse; obligation d'être Equatorien pour participer à la direction des comités d'entreprise; dissolution par voie administrative des comités d'entreprise; imposition de peines de prison aux auteurs de débrayages ou grèves; et la négation implicite du droit de grève aux fédérations et confédérations. Le non-respect par le gouvernement de ses engagements a donné lieu à l'inscription de l'Equateur dans des paragraphes spéciaux en 1983, 1988 et 1989. De son côté, l'OIT a fourni la collaboration demandée par le gouvernement à travers l'envoi de missions de contacts directs en 1985 et 1989 et à travers la mission d'assistance technique mentionnée par la commission d'experts dans son rapport. Le gouvernement n'a fait aucun cas des recommandations formulées par les missions et, contrairement aux progrès attendus, les nouvelles dispositions législatives adoptées ont aggravé la situation, et mettent en cause le sérieux et la crédibilité du gouvernement devant la Commission de la Conférence. Dans son rapport de 1991, le gouvernement a signalé que six projets de loi avaient été présentés au Congrès, parmi lesquels les projets visant la modification de la législation afin de la mettre en conformité avec la convention no 87. Toutefois, peu de mois après avoir envoyé son rapport, le gouvernement a adopté la loi no 133 contenant des dispositions qui violent les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Les dispositions de cette loi ont donné lieu aux commentaires de la Commission de la Conférence en 1992. Concrètement, ces commentaires se réfèrent à l'augmentation du nombre de travailleurs nécessaires pour constituer des syndicats d'entreprises, qui passe de 20 à 30 (en Equateur, 60 pour cent des entreprises ont un nombre de travailleurs inférieur à 30); l'exigence de notification de la déclaration de la grève vingt jours à l'avance; et l'obligation que, dans ces entreprises, un nombre minimum de travailleurs continue à travailler, nombre qui sera fixé par le ministère du Travail si les parties ne parviennent pas à un accord, ce qui implique que dans le secteur public le ministère du Travail est à la fois juge et partie. Alors que dans ses rapports successifs, le gouvernement indique qu'il a insisté pour que le Congrès donne suite au projet de loi mentionné, au cours des mois de janvier, juin et juillet 1996, les restrictions imposées aux agents de la fonction publique pour la constitution de syndicats et la négociation de conventions collectives et la déclaration de grèves ont été incorporées à la Constitution. Ainsi, une disposition stipulant que «aux fins des relations professionnelles dans les entités du secteur public, les travailleurs seront représentés par une seule organisation syndicale». En outre, au mois de septembre 1997, le ministère du Travail a de nouveau demandé au Congrès d'étudier les six projets présentés en 1990, parmi lesquels un projet prévoit l'abrogation du décret no 105 précité. Contrairement à ce qu'a déclaré le ministre du Travail, le décret no 105 a été appliqué aux dirigeants syndicaux en novembre 1997. De plus, le 21 novembre de cette même année, ce décret qui permet d'imposer des peines de prison en cas de paralysie de l'activité a été élevé au rang de disposition constitutionnelle. Tous ces faits montrent l'absence de volonté politique du gouvernement visant à respecter la convention no 87 malgré les recommandations, commentaires et observations de la Conférence. Au lieu de progrès, ce sont des reculs qui ont été constatés; ceci alors que le Bureau international du Travail a investi des ressources humaines sans obtenir les résultats escomptés. La Commission de la Conférence a fait preuve d'une patience et d'une tolérance illimitées, et la persistance d'une telle situation pourrait porter préjudice à l'efficacité des systèmes et organes de contrôle de l'OIT. L'orateur a demandé que des mesures adéquates soient prises pour que le gouvernement de l'Equateur modifie la Constitution et les lois qui sont en contradiction avec les dispositions de la convention no 87.

Le membre travailleur de l'Argentine a déclaré que le rapport de la commission d'experts fait une analyse détaillée des projets de loi visant à modifier la loi du service civil et le Code du travail. Si, d'une part, le gouvernement dans son rapport souligne qu'il a réactivé le traitement de ces projets de loi, d'autre part, en novembre dernier, une session extraordinaire du Congrès a adopté un amendement à la Constitution interdisant le droit de grève dans des secteurs publics essentiels, y compris les écoles. Si l'on rajoute à cela le fait que les agents publics ne peuvent pas constituer des syndicats et que ceux qui en ont la possibilité ont vu le nombre minimum de travailleurs nécessaires pour en constituer un modifié par la loi de 1991; le fait de priver de stabilité les travailleurs qui participent à une grève de solidarité, et la négation implicite d'exercice du droit de grève pour les fédérations et confédérations, on est en mesure d'affirmer qu'il n'y a pas de progrès dans la modification d'une législation qui entrave le plein exercice de la liberté syndicale. A cet effet, il souscrit aux réclamations légitimes des travailleurs de l'Equateur et de leurs représentants syndicaux.

Le membre travailleur des Etats-Unis a relevé que l'Equateur a été mentionné par la commission dans des paragraphes spéciaux pour violations des conventions nos 87, 98 et 105 en 1987, 1988 et 1989, et que le BIT a envoyé des missions de contacts directs en Equateur en 1985 et 1989. Ainsi que l'a indiqué le rapport le plus récent de la commission d'experts, une autre mission du BIT s'est rendue en septembre 1997 en Equateur, concernant le problème de la conformité avec la convention no 87. En faisant globalement le point, les violations de la convention no 87 semblent persister, et la situation pourrait même s'empirer si l'on considère certains aspects du dispositif équatorien du droit du travail. La commission d'experts indique dans son rapport que deux projets de loi avaient été élaborés en septembre 1997 en Equateur. Le premier devait apporter des améliorations aux droits syndicaux des agents de la fonction publique, tout en leur accordant le droit de grève par la modification de certains articles de la loi sur le service civil et la carrière administrative. Le second devait supprimer l'exigence selon laquelle il faut être Equatorien pour pouvoir faire partie d'un organe de direction d'un syndicat, de même qu'il devait supprimer les peines individuelles prévues en cas de mouvements de grève supposés illégaux.

Toutefois, aucun desdits projets de loi n'a été adopté, et la commission a déjà manifesté sa surprise à l'égard du fait que le gouvernement ait même manqué de faire référence à ces propositions dans un rapport. En outre, dans sa déclaration devant la commission, le représentant gouvernemental n'a pas fait référence à l'adoption d'une quelconque nouvelle législation. De toute façon, même dans le cas d'adoption de ces deux projets de loi dans un proche avenir, il n'y aurait toujours pas de solution quant aux violations les plus fondamentales des principes de la liberté syndicale. Plus particulièrement, le premier projet de loi destiné à modifier la loi sur le service civil et la carrière administrative maintient toujours une très large et vague définition des services essentiels où le droit de grève peut être interdit. En outre, la modification de l'article 443 (11) du Code du travail par le second projet de loi -- qui avait pour objet de permettre aux organisations syndicales et à leurs dirigeants d'exprimer paisiblement leurs opinions sur la politique économique et sociale du gouvernement, tout en ne leur permettant pas de s'impliquer dans des campagnes politiques -- aurait privé les travailleurs de l'une des formes les plus essentielles de liberté d'expression et d'association. Enfin, même en cas d'adoption, les deux projets auraient été supplantés par d'autres dispositions constitutionnelles et statutaires reniant entièrement les droits syndicaux. Par exemple, en novembre 1997, la section législative du gouvernement équatorien avait, au cours d'une session extraordinaire du Congrès, fait adopter des amendements constitutionnels interdisant les grèves dans les services publics clés, y compris les écoles. Par ailleurs, l'article 49 de la Constitution équatorienne a spécifiquement interdit les mouvements de grève dans les secteurs de l'énergie, de l'eau, de la santé, de l'informatique, du transport et de la distribution de combustibles, de l'éducation, des transports publics et des télécommunications. De plus, rien dans la législation proposée n'aurait directement changé la loi de 1991 qui a fait passer de 15 à 30 le nombre minimum de travailleurs juridiquement nécessaire pour constituer des syndicats et des conseils de travail. A l'évidence, cette loi avait été adoptée pour rendre encore plus difficile la syndicalisation dans les petites et moyennes entreprises. L'orateur a conclu en priant instamment le gouvernement de prendre dûment en considération ce qui a été déclaré dans la commission, ainsi que d'opérer les modifications nécessaires à la Constitution et la législation afin de remédier aux violations de la liberté syndicale qui ont été mentionnées.

Le membre travailleur de l'Espagne, remerciant le ministre de sa présence et des explications présentées, a fait valoir que le rapport de la commission fait ressortir que des projets de loi contenant des améliorations sur le plan de la conformité de la législation de l'Equateur à la convention no 87 avaient été élaborés, mais que le gouvernement n'en a pas fait état dans son rapport et évoque au contraire d'autres projets, ayant décidé de laisser de côté les projets initiaux pour d'autres qui ne font qu'aggraver la situation. Cette attitude fait injure à l'intelligence et marque une régression considérable. De l'avis de l'intervenant, le cas devrait faire l'objet d'un paragraphe spécial.

Le membre travailleur de la Colombie s'est déclaré profondément préoccupé par la grave situation à laquelle doivent faire face les travailleurs de l'Equateur en matière de liberté syndicale. Malgré les efforts déployés par le ministre, il est évident que la situation demeure obscure et que la législation de ce pays n'est pas en conformité avec les conventions de l'OIT en la matière. Il est toutefois utile que le Bureau international du Travail fournisse l'assistance technique nécessaire pour éviter que cette situation se poursuive ou empire dans un proche avenir. Il n'est pas juste d'affirmer en ce lieu que la législation de l'Equateur est conforme à la convention quand au même moment sont évoqués des projets de loi; ceci amène obligatoirement à penser qu'il n'existe pas une politique cohérente de la part du gouvernement dans ce cas. L'orateur s'associe à la déclaration du porte-parole des travailleurs en ce qui concerne un réexamen de ce cas l'année prochaine.

Le membre travailleur de la France a déclaré que le discours du délégué gouvernemental de l'Equateur ne l'avait pas convaincu du tout, et il demeure persuadé que la convention no 87 se doit d'être appliquée dans sa totalité en Equateur. Il souligne que le mot «paro» existe bien dans la Constitution équatorienne et estime que le ton méprisant utilisé par le ministre du Travail constitue un affront à cette commission. Il juge que la déclaration du ministre démontre que les violations à la convention no 87 sont bien réelles et qu'elles semblent aller en s'aggravant. Il en voit une cause dans la logique des privatisations qui prévaut en Equateur. Enfin, il était tenté de demander l'inscription d'un paragraphe spécial sur ce cas, mais se rallie au porte-parole des travailleurs qui a exprimé le souhait de voir ce cas discuté à nouveau l'année prochaine si aucun progrès n'était réalisé.

Le représentant gouvernemental de l'Equateur s'est déclaré reconnaissant des interventions faites dans le cadre des débats. Certains orateurs ont fait référence à la disposition constitutionnelle relative à l'interdiction du droit de grève. De son point de vue, la Constitution doit être appréciée dans sa totalité, ce qui permet de constater qu'il n'y est pas question de grève mais de paralysie des activités. Il n'est donc pas question de violation du droit de grève. L'Equateur connaît la division des pouvoirs, le gouvernement exerçant le pouvoir exécutif. A cet égard, en mai 1998, le pouvoir exécutif a demandé au Congrès d'examiner les projets de loi sus-mentionnés en vue de rendre la législation conforme aux conventions en matière de liberté syndicale. C'est cette démarche, et non celle de légiférer, qui rentre dans les obligations du pouvoir exécutif. En ce qui concerne les projets de loi élaborés au cours de la mission d'assistance technique de 1997, le membre gouvernemental considère qu'ils ne tiennent pas compte de la réalité juridique de l'Equateur. Enfin, il a déclaré que son gouvernement est attaché à toutes les suggestions que l'OIT peut formuler dans l'intérêt des travailleurs et qu'il n'existe pas de problème dans les relations entre travailleurs et employeurs.

La commission a pris note de la déclaration verbale du ministre du Travail et de la discussion qui s'en est suivie. La commission a rappelé sa profonde préoccupation au sujet des commentaires que la commission d'experts avait formulés sur les divergences importantes entre la législation nationale et la convention: notamment, la dénégation des droits syndicaux pour les fonctionnaires et les membres civils des forces armées; le nombre élevé de personnes requises afin de créer un syndicat; l'interdiction pour les syndicats de participer à toutes formes d'activités politiques; l'exigence de la nationalité équatorienne pour être élu dirigeant d'un syndicat; des restrictions sévères sur le droit des organisations de travailleurs de formuler un programme d'action afin de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs, ceci sous peine d'emprisonnement; et la dissolution administrative des syndicats. La commission a rappelé que ce cas a été discuté par la Commission de la Conférence à plusieurs reprises, et qu'une mission technique du BIT s'est rendue à nouveau en Equateur en septembre 1997 afin d'assister à la rédaction des projets de loi en vue d'améliorer l'application de la convention. Elle a regretté profondément qu'aucune mention des projets précités ne figure dans le dernier rapport du gouvernement, et qu'aucun progrès n'ait été réalisé. La commission a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures afin de mettre sa législation en conformité avec la convention dans les meilleurs délais. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournira, à la prochaine session de la commission d'experts, un rapport détaillé concernant les mesures prises à cet effet.

Ethiopie (ratification: 1963). Un représentant gouvernemental de l'Ethiopie a indiqué que son gouvernement avait répondu à toutes les questions et tous les commentaires de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale. Le représentant gouvernemental ne s'exprimera donc que sur certains points des réponses de son gouvernement. La commission d'experts a demandé des précisions sur la manière dont les associations d'enseignants, les fonctionnaires de l'Etat, les juges, les procureurs et d'autres catégories d'employés jouissent du droit de constituer des organisations pour la défense de leurs intérêts professionnels et d'y adhérer. Le gouvernement éthiopien a clairement dit dans ses précédents rapports que d'autres lois que la législation du travail s'appliquent aux fonctionnaires de l'Etat. De plus, la Constitution éthiopienne garantit aux fonctionnaires de l'Etat le droit d'organisation et le droit de conclure des accords avec leurs employeurs. A cet effet, des programmes de réformes du service public et une législation spécifique sont à l'examen.

La commission d'experts a également évoqué les cas nos 1888 et 1908 dont est actuellement saisi le Comité de la liberté syndicale. Le gouvernement, en réponse au comité, a indiqué, à propos du cas no 1908, que le comité directeur de la Fédération des syndicats du commerce et des syndicats du secteur technique et de l'imprimerie (FCTP) a demandé au ministère du Travail et des Affaires sociales de délivrer des cartes d'identification aux dirigeants récemment élus qui ont remplacé ceux ayant quitté de leur plein gré la FCTP. Le ministère, qui est responsable de l'enregistrement et de l'homologation des syndicats et de leurs dirigeants, a délivré ces cartes d'identification, après examen des documents pertinents. Les allégations présentées au Comité de la liberté syndicale sont donc infondées. La fédération a fourni d'amples explications au Comité de la liberté syndicale afin d'éclaircir la situation et a demandé qu'il ne soit pas tenu compte de ces allégations. Il convient aussi de mentionner que la FCTP est l'une des huit fédérations qui composent la CETU et qu'aucun cas n'est en cours de discussion à ce sujet devant les tribunaux. Il ne s'agit donc que d'allégations inventées de toutes pièces par les anciens dirigeants de la fédération. A ce propos, la cour a rejeté l'appel dont s'était pourvu l'ancien président de la CETU devant la Chambre du travail de la Haute Cour fédérale, à propos de l'annulation de l'enregistrement de l'ancienne CETU. Le gouvernement a déjà adressé la traduction en anglais de la décision de la cour au Comité de la liberté syndicale. Au sujet du cas no 1888, le gouvernement a également fait part de ses observations sur l'ensemble des commentaires du Comité de la liberté syndicale. A cette occasion, le gouvernement a indiqué que l'ancien président de l'Association des enseignants éthiopiens (ETA) et cinq autres personnes ont été détenus non en raison de leur appartenance à l'ETA ou d'autres activités syndicales, mais parce qu'ils étaient accusés d'avoir créé une organisation terroriste clandestine, le «Front patriotique national de l'Ethiopie», et mené une insurrection armée et des activités terroristes visant le gouvernement et des étrangers, afin de semer la terreur et de fomenter l'anarchie dans le pays. Ils ont été arrêtés et déférés en justice, conformément à la loi, et la Haute Cour centrale est en train d'examiner leurs cas. A propos de l'ETA, la Constitution éthiopienne prévoit que quiconque peut jouir du droit de liberté syndicale pour quelque motif ou objectif que ce soit. Les organisations qui violent les lois applicables, qui visent à troubler l'ordre constitutionnel ou qui prônent des activités de ce type sont interdites. La Constitution prévoit également que tous les citoyens, organismes publics, organisations politiques ou autres associations, ainsi que leurs dirigeants, ont le devoir et la responsabilité de garantir le respect de la Constitution. Toutefois, les associations clandestines qui sont créées à des fins antisociales et illégales ne sont pas acceptées.

La situation en question a été d'autant plus regrettable que la profession et l'association ont été trompées par certains membres de l'ETA, comme le docteur Taye Woldesmiate. Etant donné que les dirigeants de l'ETA estiment que l'ETA est la seule organisation de ce type et qu'ils préfèrent préparer et mener des activités terroristes, à l'évidence, des mesures judiciaires doivent être prises. Le gouvernement éthiopien n'a pas le droit de se mêler des affaires intérieures de syndicats ou d'autres organisations, pas plus qu'il n'a intérêt à le faire. En outre, la question des fonds et du patrimoine de l'ETA est examinée par le tribunal compétent, et le gouvernement informera la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale de toute décision à ce sujet. De même, l'allégation selon laquelle d'anciens membres de l'ETA auraient été démis de leurs fonctions est privée de tout fondement. En fait, les enseignants éthiopiens ont pris l'initiative de reconstituer une association et d'élire de nouveaux dirigeants. Normalement, lorsque des dirigeants récemment élus prennent leurs fonctions au sein d'une association, les anciens dirigeants ont le droit de retrouver leur emploi. Or les anciens dirigeants de l'ETA ont choisi de faire autrement, comme ils en ont le droit. On ne saurait blâmer le gouvernement de décisions que des particuliers ont prises de leur plein gré.

A propos des allégations, le représentant gouvernemental a indiqué que les institutions éducatives fonctionnent de manière autonome et exercent leurs facultés et responsabilités. Ainsi, les universités et les collèges peuvent engager et, le cas échéant, licencier leur personnel enseignant, si ces derniers ne s'acquittent pas de leurs tâches ou s'ils sont incapables de le faire. Les institutions éducatives sont entièrement libres et elles établissent leurs propres barèmes de salaire. Ni le ministère de l'Education ni un autre organisme ne peuvent s'immiscer dans des décisions prises par les conseils d'administration des universités et des collèges. De plus, le personnel enseignant a pleinement le droit d'adhérer ou de participer à des organes de direction de l'ETA. La sécurité de leur emploi est assurée tant qu'ils s'acquittent de leurs devoirs et satisfont à leurs responsabilités. Enfin, le représentant gouvernemental réitère que son gouvernement s'engage à promouvoir et à respecter pleinement les droits fondamentaux et les libertés consacrées par la constitution éthiopienne et par les traités internationaux que l'Ethiopie a ratifiés.

Les membres travailleurs ont souligné que le cas de l'Ethiopie, pour ce qui est de l'application de la convention no 87, a été examiné la dernière fois par la commission en 1992. A cette occasion, le représentant du gouvernement de transition avait annoncé que son pays vivait une nouvelle ère de paix et de démocratie, ce dont on s'était félicité. Le gouvernement de transition avait établi une charte de la démocratie qui garantissait, entre autres, la liberté syndicale, et un nouveau Code du travail était en cours de préparation. Un projet qui avait été élaboré prévoyait que les travailleurs pouvaient se syndiquer sans ingérence de la part des pouvoirs publics. En particulier, le système de syndicat unique avait été aboli et le droit de grève était reconnu. Toutefois, comme l'avait fait alors observer la commission d'experts dans son rapport, les enseignants étaient exclus de la portée de la Proclamation no 42 de 1993 sur la main-d'œuvre. En outre, une nouvelle loi régissant les fonctionnaires, les juges, les procureurs et d'autres catégories devait entrer en vigueur. Elle n'a pas encore été introduite.

Dans le même temps, la nouvelle législation applicable ayant été adoptée en 1993, un espace s'ouvrait pour les libertés démocratiques, mais la liberté syndicale en Ethiopie a aussitôt fait l'objet de graves entraves. Tout d'abord, avant la fin de 1994, le ministère du Travail a annulé l'enregistrement de la Confédération des syndicats éthiopiens (CETU), au motif que la confédération s'opposait à la rigoureuse politique d'ajustement structurel du gouvernement. Les bureaux de la CETU ont été fermés, ses comptes bancaires gelés, et ses véhicules confisqués. Alors que la Haute Cour avait prononcé deux décisions obligeant le gouvernement à rouvrir les bureaux et les comptes bancaires de la CETU et à rendre ses biens à la confédération, le gouvernement n'a pas tenu compte de ces décisions. Le gouvernement a commencé alors à accorder son soutien à un groupe factieux de la confédération afin d'en faire un groupe qui lui soit favorable et il y est parvenu. Par ailleurs, au début de 1993, l'Association des enseignants éthiopiens (ETA) a fait l'objet de pressions et d'ingérences graves de la part du gouvernement. Ce dernier a enregistré et reconnu un groupe dissident de l'ETA et il a pu le contrôler. De la sorte, l'ETA n'a pu poursuivre ses activités. Le gouvernement a fermé le compte bancaire de l'ETA et les comptes bancaires de ses bureaux régionaux. Il a fermé aussi les bureaux régionaux. Le gouvernement a fait transférer les biens de l'ETA au groupe factieux susmentionné. Vingt membres de l'ETA, dont tous ses dirigeants, ont perdu leur emploi. Des centaines d'enseignants ont été mutés. En décembre 1994, le gouvernement n'a pas tenu compte d'une décision de justice qui ordonnait de reconnaître l'ETA au motif que cette association avait été constituée de manière démocratique. Le juge qui a pris cette décision a été démis de ses fonctions peu de temps après. Le gouvernement a fait appel de cette décision, dont l'application a été ajournée jusqu'en juillet 1998. Le 19 mars 1996, les forces de sécurité ont fouillé le siège de l'ETA. Un membre du comité directeur, M. Abata Angore, a été frappé et détenu pendant plus d'un mois. Le président, le docteur Taye Woldesmiate, a été arrêté le 29 mai 1996. Son domicile a été fouillé et ses biens ont été confisqués. Le docteur Woldesmiate a été mis au secret et, pendant plusieurs mois, on ne lui a pas ôté ses menottes. Il n'a pas été autorisé à rencontrer un avocat ou sa famille jusqu'en août 1997 et, à ce moment-là, il a été accusé de conspiration contre de hauts fonctionnaires du gouvernement. Le docteur Woldesmiate est toujours emprisonné alors que deux des accusations les plus graves qui pèsent contre lui n'ont pas été retenues par la Haute Cour en février 1997. On l'accuse par ailleurs, à tort, d'incitation au soulèvement armé. Lors du procès du docteur Woldesmiate en juillet 1997, deux autres personnes contre lesquelles pesaient d'autres accusations ont déclaré que la police avait essayé de les forcer à accuser le docteur Woldesmiate. En octobre 1997, une autre personne a dit qu'on l'avait torturée pour la forcer à accuser le docteur Woldesmiate. Le 8 mai 1997, la police a tué M. Assefa Maru, un des membres du comité directeur de l'ETA, au moment où elle tentait de l'arrêter. Le gouvernement a refusé de mener une enquête publique sur le meurtre. Peu après, le bureau de l'ETA à Addis-Abeba a été fouillé par la police et les forces de sécurité. Trente-quatre membres du syndicat ont été détenus. La télévision publique prétend que les membres du comité directeur de l'ETA sont liés à une organisation terroriste illégale. Le secrétaire général de l'ETA a quitté le pays car il craignait pour sa vie. Les jours suivants, quelque 70 membres de l'ETA et d'autres enseignants ont été détenus dans tout le pays pour avoir paraphé une pétition dénonçant la répression du gouvernement contre les organisations syndicales et les organisations de défense des droits de l'homme. Dans sa réponse au Comité de la liberté syndicale, qui a examiné deux plaintes contre le gouvernement éthiopien en novembre 1997, le gouvernement n'a pas été en mesure d'apporter des précisions sur un certain nombre d'allégations graves au sujet de l'ETA, en particulier sur celles selon lesquelles M. Assefa Maru aurait été tué par la police.

Par ailleurs, on constate une ingérence de la part du gouvernement dans la Fédération des syndicats du commerce, du secteur technique et de l'imprimerie. Cette fédération est membre de la CETU. Ce syndicat a fait l'objet de tracasseries et d'ingérences constantes de la part des autorités qui souhaitent réduire au silence ce syndicat et d'autres fédérations membres de la confédération nationale. En novembre 1996, des membres de la fonction publique, avec l'aide de la police et des forces de sécurité, se sont introduits de force dans les bureaux du syndicat. Le trésorier du syndicat, M. Mulatu Gurmu, a été brutalement agressé. Les dirigeants élus de la fédération ont dû quitter de force leurs fonctions en 1996. Le vice-secrétaire du syndicat a dû quitter le pays en mars 1997 après avoir fait l'objet de quatre attentats et après plusieurs descentes de police à son domicile en pleine nuit. En 1997, la CETU a été reconstituée et elle a tenu un congrès du 22 au 24 avril. Son siège et ses comptes bancaires ont été réouverts. Le gouvernement a enregistré la nouvelle organisation en mai 1997. Chose curieuse, le 24 avril 1997, c'est-à-dire le dernier jour du congrès de la CETU, la Haute Cour a confirmé la décision que le ministère du Travail avait prise en 1994 d'annuler l'enregistrement de la CETU. L'ancien président de la CETU et d'autres membres de sa direction ont quitté le pays en avril 1997 pour sauver leur vie.

Les membres travailleurs se disent extrêmement préoccupés à ce sujet. Ce cas porte sur plusieurs aspects du droit, notamment sur le fait que la loi semble conférer au ministère du Travail des pouvoirs importants, sur l'application de la loi et, enfin, sur les actions violentes et répressives du gouvernement.

Les membres travailleurs souhaitent donc que ce cas fasse l'objet de conclusions exprimées dans les termes les plus vigoureux afin que l'on puisse y revenir l'année prochaine si des progrès importants ne sont pas accomplis. Ce cas a trait à des manquements constants à l'obligation de mettre en œuvre les dispositions de la convention. Ils demandent au gouvernement d'indiquer s'il souhaite bénéficier d'une assistance du Bureau dans les domaines susmentionnés.

Les membres employeurs ont souligné que ce cas présentait des problèmes en droit et en pratique. La Proclamation sur le travail de 1993 excluait les enseignants de son champ d'application. En conséquence, les associations d'enseignants ne peuvent promouvoir ou défendre les intérêts de leurs membres. De plus, à plusieurs reprises dans le passé, le gouvernement a annoncé qu'une nouvelle législation sur les employés de l'Etat, les juges et les procureurs serait adoptée dans un proche avenir. Toutefois, le représentant gouvernemental n'a fourni aucune information sur le moment où cette législation serait adoptée. Concernant l'exercice de la liberté syndicale, les membres employeurs notent que les dirigeants syndicaux ont été remplacés et que le gouvernement a fait appel de la décision de la Haute Cour soutenant que l'Association des enseignants d'Ethiopie représente les enseignants éthiopiens. Ces informations illustrent le non-respect des principes consacrés dans la convention no 87. La législation nationale devrait par conséquent être révisée et modifiée de manière à appliquer les dispositions de la convention no 87. Le gouvernement devrait en outre être instamment prié de fournir des informations complètes et détaillées en réponse aux questions posées dans le rapport de la commission d'experts.

Le membre travailleur du Swaziland a déclaré qu'il s'agissait là d'un cas de graves violations des droits de l'homme où les procédures judiciaires sont entravées, la loi est bafouée par le gouvernement, la vie humaine n'a aucune valeur, la sécurité de l'emploi n'a aucune signification, le droit de propriété n'est pas respecté, la liberté syndicale est inexistante, et où l'unique choix est de «s'adapter ou mourir». Le représentant gouvernemental a lui-même admis la culpabilité du gouvernement lorsqu'il a déclaré que les fonds et les biens du CETU avaient été mis sous tutelle par les autorités compétentes. Cette situation n'est tout simplement pas acceptable. Lorsque le CETU a attaqué devant la Haute Cour la décision de confiscation de ses biens meubles et immeubles ainsi que la mise sous scellés de ses locaux, il a obtenu une décision en sa faveur. Cette décision n'a pas été respectée par le gouvernement. Par conséquent, l'orateur demande que le gouvernement soit fermement condamné par la présente commission dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés.

Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande a souhaité s'exprimer sur le traitement infligé à l'Association éthiopienne des enseignants (ETA), organisation affiliée à l'Internationale de l'éducation. L'expérience de l'ETA est similaire à celle qu'ont vécu la Fédération des syndicats du commerce, des industries techniques et de la presse (FCTP) et l'ancienne Confédération des syndicats éthiopiens (CETU). Elle confirme le caractère systématique de l'ingérence dans les activités syndicales ainsi que l'utilisation de la force contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes qui remettent en cause la politique du gouvernement éthiopien.

Au cours de l'année dernière, la répression contre l'ETA s'est intensifiée. Par exemple, le 8 mai 1997, la police éthiopienne a tué M. Assefa Maru, secrétaire adjoint de l'ETA. Cela s'est passé à 8 heures 20, alors qu'il se rendait au travail. Il n'était pas armé, n'a opposé aucune résistance et n'a pas tenté de s'enfuir. Le gouvernement a refusé d'ouvrir un enquête publique sur ce meurtre. On peut également citer le cas du président de l'ETA, le docteur Taye Woldesmiate, qui a été emprisonné pendant deux ans. Deux plus graves charges pesant sur lui ont été rejetées par la Haute Cour fédérale, le 28 février 1997. Toutefois, il est resté en prison en attendant la décision finale sur l'accusation d'utilisation d'arme. Le docteur Taye Woldesmiate a toujours clamé son innocence. Dans ce cas, lors de la plus récente audience, deux de ses coaccusés ont témoigné que la police s'est employée, en utilisant des moyens tels que la torture, à les convaincre d'accuser le président de l'ETA.

En outre, une organisation rivale, encouragée par le gouvernement, a fait appel de la décision de la Cour reconnaissant que le docteur Woldesmiate et la direction actuelle de l'ETA sont les dirigeants légitimement élus de l'ETA et autorisant l'accès à ses biens et à ses comptes bancaires. Cet appel a constamment été ajourné, sans qu'une décision soit prise. En outre, le juge qui a rendu le jugement initial en faveur de l'ETA a été démis de ses fonctions peu de temps après avoir rendu sa décision. Ainsi, les autres juges essaient d'éviter d'avoir à traiter ce cas, au moins jusqu'au moment où l'ETA aura été complètement écrasée. Il y a deux mois, les comptes bancaires de l'ETA ont été transmis à l'organisation rivale. Les membres de l'ETA ont subi d'autres actes de harcèlement, tels que l'utilisation d'un système d'évaluation du travail des enseignants en classe par des non-professionnels et des membres du parti au pouvoir assistant aux cours. Le refus de dialoguer avec l'ETA, de les consulter ou de négocier sur ce problème montre l'étendue de l'ingérence politique à travers le système scolaire. En dépit de ces difficultés, l'ETA reçoit un large soutien de la part des enseignants à travers tout le pays. En février 1998, une réunion de la direction et un séminaire regroupant l'ensemble des représentants élus de toutes les provinces éthiopiennes, à l'exception de deux, se sont tenus avec beaucoup de succès. Il convient de souligner que l'ETA n'a le soutien d'aucune organisation terroriste, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement. Elle souhaite simplement être en mesure de survivre, de permettre à ses membres de s'affilier et de négocier avec les autorités compétentes aux niveaux fédéral et provincial.

En conclusion, l'orateur demande à la commission de prier instamment le gouvernement, en tout premier lieu, de condamner le meurtre de M. Assefa Maru par la police et d'ouvrir une enquête publique et indépendante sur les circonstances de sa mort. De plus, il conviendrait de prier instamment le gouvernement de reconnaître la direction élue de l'ETA, de réintégrer, en leur versant leur salaire, les membres de l'ETA licenciés, de donner à l'ETA accès à ses comptes bancaires et de rendre les fonds qui ont été versés à l'organisation rivale, et, enfin, de cesser de harceler l'ETA, ses dirigeants et ses membres. Enfin, la commission devrait instamment prier le gouvernement de renouer le dialogue avec l'ETA, ainsi que le Premier ministre l'a proposé. Il convient également de proposer l'assistance technique du BIT pour l'application de la convention n° 87.

Un membre travailleur de l'Allemagne a souscrit aux interventions déjà faites dans ce cas. Se référant à la discussion générale sur le rapport conjoint du Comité mixte BIT/UNESCO sur l'application des recommandations concernant le statut des enseignants, l'orateur déclare qu'un cas en question -- en l'occurrence le cas no 1888 du Comité de la liberté syndicale -- a également été présenté dans ledit rapport. Reprenant les principales conclusions du Comité d'experts BIT/UNESCO, il a demandé au représentant gouvernemental comment un système éducatif pourrait se développer alors que ses représentants -- c'est-à-dire les enseignants -- ont été licenciés, persécutés, enlevés et assassinés.

Le membre travailleur des Pays-Bas a indiqué qu'il était en Ethiopie du 18 au 22 mai 1998 afin de participer à une conférence internationale chargée d'établir une commission éthiopienne des droits de l'homme et de nommer un Ombudsman, obligation imposée au gouvernement par la nouvelle Constitution éthiopienne. Après avoir fait des remarques générales, l'orateur a attiré l'attention de cette conférence sur les conclusions et recommandations sur les violations des droits syndicaux en Ethiopie, adoptées par le Comité de la liberté syndicale à sa session de novembre 1997 concernant les cas nos 1888 et 1908 sur l'Ethiopie. Malheureusement, le président de cette conférence, qui était aussi le porte-parole du parlement éthiopien, a répondu en rejetant les conclusions et en les qualifiant de mensonges, et ce même après avoir appris par la suite que ces conclusions émanaient d'un rapport du Coneil d'administration de l'OIT et non d'un rapport d'une organisation syndicale. L'orateur était curieux de savoir ce que le représentant gouvernemental avait à dire à ce sujet.

Le membre travailleur de l'Ethiopie a souligné que les travailleurs éthiopiens ont eu à traverser une série de hauts et de bas depuis plusieurs années afin de défendre leurs droits et bénéfices, particulièrement dans le domaine de la liberté syndicale et du droit à la négociation collective. Néanmoins, le gouvernement n'a jamais accepté de porter une quelconque attention à ces problèmes avant l'effondrement du régime militaire et l'établissement d'un nouveau gouvernement en 1991. Des nouvelles lois sur les relations professionnelles ont alors été adoptées et la nouvelle déclaration sur le travail de 1993 a permis aux travailleurs de constituer des syndicats librement et sans ingérence. Malheureusement, les dirigeants de la Confédération éthiopienne des syndicats (CETU) de l'époque ont échoué immédiatement après sa création. Une des raisons expliquant cette crise est les malentendus et le manque de confiance qui existent entre les dirigeants de l'ancienne CETU. Mais la raison la plus importante est que les dirigeants de l'époque n'ont pas respecté l'autonomie de ces fédérations affiliées. Les présidents, secrétaires généraux et trésoriers de six de ces neuf fédérations ont été illégalement suspendus du Conseil général par le président de la CETU et quelques-uns de ses collaborateurs. Ainsi, la raison principale de l'échec des dirigeants de l'ancienne CETU était sa nature dictatoriale. Des décisions portant sur plusieurs questions touchant les relations professionnelles ont été prises sans consultation suite aux sérieux problèmes rencontrés par les dirigeants de la CETU, et les travailleurs éthiopiens ont donc dû se passer d'un centre national pendant presque trois ans. Toutefois, huit des neuf fédérations ont par la suite formé un comité de coordination afin de réorganiser la CETU, et ce comité a mené une série de campagnes à travers le pays pour établir un contact avec tous les membres au niveau de la base. De plus, le comité de coordination a organisé une conférence pour tous les représentants syndicaux afin d'examiner les causes des problèmes de la confédération et de les résoudre. Suite à ces discussions, les dirigeants syndicaux et les membres ont décidé de réorganiser la confédération. Le comité de coordination a convoqué le huitième Congrès général en avril 1997. A cette occasion, le congrès a adopté une constitution révisée et la confédération a été réorganisée de façon démocratique et indépendante en présence, entre autres, de représentants de l'OIT, de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et du secrétaire général de l'Organisation des syndicats africains unis (OATUU). Cette nouvelle confédération des syndicats éthiopiens a préparé une série de programmes de formation et a organisé des séminaires afin de sensibiliser les travailleurs à leurs droits et bénéfices. Elle a également essayé d'organiser ses membres afin qu'ils puissent négocier des conventions collectives avec les employeurs. De plus, ces séminaires ont permis aux membres de la nouvelle confédération de proposer des amendements aux lois du travail existantes. En particulier, la confédération a préparé une importante proposition en vue d'amender la proclamation de 1993 sur les relations professionnelles afin d'accorder la liberté syndicale aux enseignants et aux fonctionnaires. Ainsi, le gouvernement a été prié d'améliorer les lois actuelles sur les relations professionnelles avec la pleine participation des travailleurs. La nouvelle confédération essaie également de protéger les travailleurs contre les licenciements abusifs de certaines compagnies. En conclusion, la nouvelle confédération des syndicats éthiopiens a travaillé et continuera de travailler afin de sauvegarder les intérêts de ses membres. A cet effet, elle continuera de coopérer avec l'OIT jusqu'à ce que les droits des travailleurs soient totalement respectés et que les conventions de l'OIT soient pleinement appliquées en Ethiopie.

Le représentant gouvernemental a remercié tous les orateurs qui étaient intervenus bien que seuls quelques-uns aient présenté un reflet réel de la situation en Ethiopie. En ce qui concerne les charges existant contre le docteur Woldesmiate, il indique que la décision du tribunal à cet égard sera communiquée à l'OIT dès qu'elle sera rendue. En ce qui concerne l'incident allégué entre la police et M. Assefa Maru, il explique que ce dernier a refusé de se rendre et qu'il est décédé suite à un échange de coups de feu. Les circonstances de cet incident n'ont pas été correctement établies par les orateurs précédents. La vérité est que la situation des droits de l'homme s'est améliorée en Ethiopie. Il conclut en affirmant que son gouvernement accorde de l'importance au respect des normes de l'OIT et se dit prêt à accueillir toute assistance future de l'OIT en Ethiopie.

Le représentant du gouvernement a tenu à assurer au membre travailleur du pays que la déclaration imputée à une fonctionnaire du gouvernement à propos d'un rapport d'un organe de contrôle de l'OIT ne reflétait certainement pas l'opinion du gouvernement éthiopien.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a ensuite eu lieu. Elle rappelle que la commission d'experts s'est déclarée préoccupée par les allégations dont le Comité de la liberté syndicale a été saisi à propos du retrait forcé de dirigeants syndicaux élus et de la désignation directe par les autorités administratives des membres des comités exécutifs de ces syndicats, ainsi que de l'annulation de l'enregistrement d'une confédération syndicale. Elle déplore en outre que, selon ce qu'il ressort des discussions, le gouvernement n'a toujours pas rétabli la reconnaissance de la direction de l'association des enseignants malgré la décision de justice dans ce sens; elle rappelle que la commission d'experts a demandé des informations sur la manière dont les associations d'enseignants peuvent défendre leurs intérêts professionnels compte tenu de leur exclusion du champ d'application de la proclamation sur le travail. La Commission de la Conférence exprime le ferme espoir que le gouvernement réengagera le dialogue avec l'Association des enseignants éthiopiens. Elle note en outre avec une profonde préoccupation que les rapports du Comité de la liberté syndicale font également état d'incarcérations de dirigeants syndicaux sans jugements. Elle prie instamment le gouvernement de prendre sans retard toutes les mesures nécessaires afin que les associations de travailleurs soient en mesure d'élire leurs représentants et d'organiser leur administration et leurs activités à l'abri de toute ingérence des pouvoirs publics, conformément aux prescriptions de l'article 3 de la convention. Elle le prie enfin de communiquer pour la prochaine session de la commission d'experts un rapport détaillé sur les mesures concrètes qui auront été prises pour assurer la pleine conformité de la législation et de la pratique avec la convention.

Myanmar (ratification:1955). Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Ce rapport est destiné à remplir l'obligation de rapport concernant la présente convention pour les périodes antérieures se terminant au 1er septembre 1997. S'agissant de la présente convention, le gouvernement informe la commission d'experts que les projets de lois sur les syndicats ont été examinés au cours de plusieurs sessions de l'Organe central d'examen des lois. D'autres mesures seront prises une fois que le projet de législation sera renvoyé au ministère du travail avec les avis et recommandations de l'organe central. Le processus actuel de révision des lois doit être totalement dissocié de celui de l'ère socialiste de 1962 à 1988.

En outre, un représentant gouvernemental a appelé l'attention de la commission sur le rapport d'étape présenté par sa délégation à la 85e session de la Conférence. Il a indiqué que, conformément aux remarques et recommandations formulées par l'Organe central d'examen des lois à propos du projet de loi sur les syndicats dont le Département du travail l'avait saisi, la Commission d'examen de la législation du ministère du Travail a procédé, dans le courant de l'an dernier, aux modifications et à la nouvelle rédaction nécessaires. En outre, comme recommandé par l'Organe central d'examen des lois, le Département du travail a largement sollicité, sur la nouvelle rédaction de la loi sur les syndicats, les avis et commentaires des parties concernées, y compris des associations de protection des intérêts des travailleurs et des organisations des employeurs, telles que l'Union des chambres de commerce et d'industrie de Myanmar et plusieurs représentants des entreprises publiques et privées. Les nombreux points techniques de la version révisée de la loi sur les syndicats exigent naturellement un examen approfondi de la part des parties concernées. Les réponses qui ont été reçues de certaines de ces organisations ont été compilées et collationnées. Lorsque les réponses de toutes les organisations seront parvenues, un projet révisé sera soumis par la Commission d'examen de la législation à l'Organe central d'examen des lois. Le processus de révision et de refonte rédactionnelle a été entrepris en attendant l'apparition d'une nouvelle Constitution de l'Etat qui garantira la protection des travailleurs par l'adoption de la législation du travail nécessaire. Toutefois, le processus d'adoption de la législation prend du temps, spécialement dans le cas de la législation du travail, qui nécessite des consultations tripartites. A cet égard, les travailleurs du pays sont à l'heure actuelle bien protégés par la législation en vigueur, qui a été adoptée voici plusieurs décennies et reflète toujours les dispositions des conventions de l'OIT ratifiées par le pays. Même si, comme le souligne la commission d'experts, il existe quelques divergences entre la convention et la législation nationale, celles-ci pourront être rectifiées avec la nouvelle législation. En ce qui concerne le droit syndical, il existe plus de 2.000 associations de protection des intérêts des travailleurs dans le pays, qui sont des entités de base s'occupant des intérêts généraux des travailleurs. Pour conclure, l'intervenant a déclaré que les travaux de révision et de refonte rédactionnelle de la législation du travail existante sont axés sur la conformité de ces textes aux dispositions des conventions ratifiées par le pays.

Les membres travailleurs ont constaté avec regret que le nouvel examen de ce cas, coïncidant avec le cinquantenaire de la convention, illustre dramatiquement le chemin qu'il reste à parcourir dans de nombreux pays du monde avant que la liberté syndicale ne soit véritablement respectée, en droit comme en pratique. Il est difficile de croire que la commission a jugé nécessaire de réexaminer douze fois au cours des dix-sept dernières années et aujourd'hui pour la huitième année consécutive le cas du non-respect, par le Myanmar, de cette convention. A cinq reprises, la commission a dû inscrire ses conclusions dans un paragraphe spécial du rapport. En outre, en 1996 et 1997, elle a cité le cas du Myanmar dans un paragraphe spécial pour défaut continu d'application de la convention. Il convient de rappeler que le Myanmar a également justifié trois autres paragraphes spéciaux depuis 1982 pour non-respect d'autres conventions ratifiées, qu'en 1993 le Conseil d'administration a jugé recevable une réclamation pour travail forcé au Myanmar sur le fondement de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, et qu'une commission d'enquête a été constituée en 1997 pour examiner sur le fondement de l'article 26 une plainte concernant le recours généralisé au travail forcé au Myanmar. Ce triste record fait du Myanmar l'un des plus remarquables et des plus anciens contempteurs des droits fondamentaux des travailleurs et des normes internationales du travail dans l'histoire de l'OIT. De plus, le gouvernement persiste à afficher son mépris pour le mécanisme d'application des normes en refusant de soumettre des rapports à la commission d'experts malgré des demandes réitérées. La commission d'experts a exprimé «son profond regret» de n'avoir pas reçu un seul rapport du gouvernement depuis plus de trois ans. En outre, une mission de contacts directs qui devait avoir lieu en mai 1996 a été annulée en dernière minute par le gouvernement sans réelle explication. Le gouvernement ne s'est nullement empressé pour reporter cette mission. Il a fait montre du même manque de coopération au début de cette année en refusant à la commission d'enquête l'accès à son territoire pour enquêter sur les allégations de travail forcé. Enfin, le mépris persistant du Myanmar pour la procédure des organes de contrôle apparaît à nouveau aujourd'hui, à travers l'absence totale de sincérité comme de substance dans les remarques du représentant gouvernemental, lesquelles se bornent à une simple répétition de ce qui a été dit par le passé.

La commission d'experts a noté que, depuis quarante ans, elle presse le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit des travailleurs de constituer, sans autorisation préalable, les syndicats de premier niveau, fédérations et confédérations de leur choix et de s'y affilier pour défendre leurs intérêts, et de garantir que ces structures syndicales aient le droit de s'affilier à des organisations internationales. Mais tout ceci reste vain. La réalité est que, nonobstant les déclarations du représentant gouvernemental, il n'existe au Myanmar ni loi sur les syndicats ni structure juridique protégeant le droit de se syndiquer. Même si l'adoption de la législation nécessaire demande naturellement du temps, comme le déclare le représentant gouvernemental, aucun progrès n'a été constaté à cet égard au cours des quarante dernières années. En 1988, la junte militaire, peu après avoir massacré plusieurs milliers de nationaux, a pris un décret appelé loi sur la formation des associations et des organisations, en vertu duquel les syndicats doivent obtenir l'autorisation du ministère des Affaires intérieures et religieuses pour pouvoir être constitués. Cette loi prévoit que les associations et autres organisations auxquelles elle s'applique seront dissoutes si elles tentent, incitent, encouragent ou aident à saper la prééminence de la loi et de l'ordre, de la paix et de la sécurité locale ainsi que le fonctionnement harmonieux et sûr des transports et des communications. Il en est résulté, pour les travailleurs du pays, une absence totale de toute protection juridique concernant la liberté syndicale. Le fait est qu'en juin 1997, à quelques jours de l'examen de ce cas par la commission, deux membres du comité exécutif de la Fédération des syndicats pour la Birmanie -- Myo Aung Thant et Khin Kyaw -- ont été arrêtés dans le pays. L'un et l'autre sont considérés par Amnesty International comme prisonniers politiques. Le premier, membre de la All Burma Petro-Chemical Corporation Union, constituée en 1988 par le mouvement prodémocratique, a été arrêté à l'aéroport de Rangoon avec sa femme et ses enfants. Amnesty International déclare ne pas savoir s'ils sont toujours incarcérés. Myo Aung Thant est accusé de haute trahison, entre autres. Au terme d'un procès secret organisé en août dernier, il a été condamné à la déportation à vie, plus dix ans dont trois pour infraction à la loi sur la formation des associations et des organisations. Un autre syndicaliste, Khin Kyaw, du Syndicat clandestin des gens de mer de Birmanie, n'a pas été vu depuis son arrestation, voici un an, par sa famille ou son avocat, et l'on ne sait pas où il est. Amnesty International déclare craindre pour sa sécurité, compte tenu de la rigueur des conditions de détention dans le pays et de la fréquence de la torture. Les membres travailleurs demandent au représentant gouvernemental de donner à la commission des précisions sur la situation de Khin Kyaw. Depuis des années, ils soulèvent la question des gens de mer au Myanmar et demandent au gouvernement de confirmer que ceux-ci ne sont désormais plus contraints de signer des contrats les obligeant à ne pas contacter des organisations internationales de travailleurs et qu'ils ne seront plus persécutés ou intimidés lorsqu'ils exercent leurs droits, conformément à la convention. La réponse du gouvernement est illustrée par l'arrestation de Khin Kyaw.

Selon certaines sources, le pays connaîtrait une agitation sociale croissante en raison de la détérioration continuelle de l'économie et du refus persistant du gouvernement de permettre aux travailleurs de constituer des syndicats plutôt que des associations de défense de leurs intérêts, comme évoqué par le représentant gouvernemental. Des tentatives de constitution de syndicats ont été faites sur un certain nombre de lieux de travail, et les membres travailleurs ont vu une liste de travailleurs qui ont été licenciés pour cette raison. Cependant, ces informations ne peuvent être portées à la connaissance de la commission pour des raisons de sécurité concernant ces courageux travailleurs. En conclusion, les membres travailleurs tiennent à faire savoir au gouvernement que ce n'est pas en baptisant la junte militaire dirigeant le pays Conseil national pour la paix et le développement au lieu de Conseil national de rétablissement du droit et de l'ordre, en stipendiant de coûteuses sociétés de relations publiques pour améliorer leur image à l'extérieur ou attirer l'attention de personnalités influentes bien connues à Washington ou ailleurs que le pays se défera de son statut de paria et cessera d'être désigné comme l'un des pays affichant le plus profond mépris pour les droits de l'homme et des travailleurs. Ce que l'on attend désormais, c'est un changement radical, sans atermoiements, qui reconnaisse la volonté du peuple birman, telle qu'elle s'est exprimée dans les élections parlementaires de 1990, et qui respecte une fois pour toutes le droit, pour les travailleurs, de constituer les syndicats de leur choix, conformément à la convention. Toute proposition en retrait serait purement et simplement inacceptable et les membres travailleurs invitent la commission, comme par le passé, à exprimer cette opinion dans les termes les plus vifs possibles.

Les membres employeurs se sont dits d'accord avec les membres travailleurs pour constater l'absence de tout progrès sur un cas déjà discuté à de nombreuses reprises, qui a plusieurs fois fait l'objet d'un paragraphe spécial du rapport de la commission et qu'elle a cité l'année dernière parmi les cas de défaut continu d'application. Les faits sont toujours les mêmes et le rapport du gouvernement se fait de plus en plus laconique, à supposer qu'un rapport soit fourni, ce qui n'est plus le cas depuis trois ans. Le gouvernement manifeste ainsi clairement son refus de coopérer avec les organes de contrôle; il a d'ailleurs mis en échec la mission de contacts directs qui était prévue. La situation reste inchangée en droit et en pratique: les cas cités par les membres travailleurs démontrent amplement que le gouvernement n'est pas disposé à permettre aux travailleurs de s'affilier à l'organisation de leur choix, ni à celle-ci de s'organiser en fédérations nationales ou internationales. Et, lorsqu'on lui rappelle ses obligations aux termes de la convention, le gouvernement répond par le mépris. Le représentant gouvernemental se réfère à un projet de loi qui aurait été transmis à toutes sortes d'instances pour recueillir leurs commentaires. Il prétendait déjà les années précédentes qu'un projet de loi devait modifier la situation; il est devenu bien difficile d'y croire. La commission doit donc une nouvelle fois constater que la situation reste très éloignée des obligations en vertu de la convention et regretter de ne pouvoir constater aucun progrès. Elle doit à nouveau exiger que des mesures soient enfin prises pour que le gouvernement honore ses engagements.

Le membre gouvernemental du Royaume-Uni, s'exprimant également au nom des gouvernements de l'Allemagne, de l'Autriche, du Canada, du Danemark, de la Finlande, de l'Islande, de l'Italie, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal et de la Suède, a déclaré que les informations sur l'application de la convention, récemment transmises par le gouvernement, n'étaient pas du tout satisfaisantes. La transmission aussi tardive d'informations de la sorte ne peut être considérée que comme une tentative d'entraver les travaux de la commission d'experts et de la Commission de la Conférence et de retarder l'échéance d'un examen complet et précis de la situation actuelle. Ce comportement reflète le manque de respect total du gouvernement envers ses engagements internationaux et constitue une preuve supplémentaire de l'absence de réforme démocratique et de respect pour les droits de l'homme dans le pays. A cet égard, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a récemment adopté une résolution (no 1998/63) soulignant l'étendue de l'utilisation du travail forcé et du travail des enfants à travers le pays. Par conséquent, il convient de prier instamment le Conseil national de la paix et du développement de pleinement coopérer et de permettre à l'OIT de se rendre dans le pays pour y évaluer la situation en matière de travail et apporter son assistance. L'orateur appuie fermement les conclusions de la commission d'experts selon lesquelles les autorités nationales doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir l'existence d'une véritable liberté syndicale. Compte tenu du paragraphe spécial dont ce cas a fait l'objet dans le rapport de l'année dernière de la présente commission, l'orateur prie le représentant gouvernemental d'expliquer pour quelles raisons le gouvernement persiste à ne pas appliquer cette convention fondamentale.

Le membre travailleur de la France a estimé qu'il était permis d'être bref sur le thème de la liberté syndicale au Myanmar puisqu'elle est inexistante, comme toutes les autres libertés. Le régime militaire organise une répression extrêmement préoccupante des travailleurs. Il organise le pillage du pays et l'exploitation systématique des personnes. Ses méthodes sont le travail forcé, l'emprisonnement, la torture, les disparitions. Dans pareil contexte, le représentant gouvernemental peut bien évoquer la consultation par le gouvernement, depuis un an et demi, de personnes qu'il a lui même désignées pour l'élaboration d'une nouvelle constitution. Les élus des élections de 1990 sont les seuls représentants légitimes en droit d'adopter une constitution, et l'argument des militaires au pouvoir selon lequel un processus législatif serait en cours pour respecter les conventions ratifiées ne trompera personne. La déclaration du représentant gouvernemental est vague et ne contient aucun élément concret. Au regard des pratiques du pouvoir telles qu'elles ressortent du rapport de la commission d'experts, elle n'est pas sincère. Face aux violations massives et systématiques des droits de l'homme et à l'autisme du gouvernement, il faut sans doute quitter le registre du droit pour exprimer sa solidarité avec un peuple courageux et pacifique, l'aider à recouvrer la liberté qui lui a été confisquée et à mettre fin à son martyre.

Le membre travailleur de l'Italie a souligné qu'aucun changement, aussi minime qu'il soit, n'est intervenu dans le pays mis à part le changement de nom du Conseil. Les syndicats nationaux et internationaux sont préoccupés par les constantes violations des droits des travailleurs. Il est inadmissible qu'un membre de l'OIT refuse d'envoyer des rapports sur l'application des conventions fondamentales sur la liberté syndicale. Les persécutions, arrestations et tortures de travailleurs sont autant de violations d'autres droits fondamentaux de l'homme. Les autorités nationales devraient prendre des mesures immédiates pour corriger cette situation inacceptable. Les syndicats européens et internationaux qui font pression pour que des mesures pratiques soient adoptées ont obtenu le retrait du bénéfice du système préférentiel européen applicable au pays. Les gouvernements et les employeurs du monde entier devraient adopter une position semblable à celle de la présente commission et interrompre leurs échanges commerciaux et autres relations avec le pays. La Communauté européenne devrait maintenir la suspension du bénéfice du système préférentiel.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis s'est ralliée sans réserve à la déclaration du membre gouvernemental du Royaume-Uni, réaffirmant les préoccupations de longue date de son gouvernement devant la situation de la liberté syndicale au Myanmar. Dire que ce cas est grave est une litote. Depuis des années, les membres de la commission entendent le gouvernement birman s'engager à défendre les principes de l'OIT, à réviser sa législation du travail pour la rendre conforme à la convention ou, en d'autres occasions, demander l'assistance de l'OIT. Malheureusement, ces engagements ne se concrétisent pas, les déclarations d'intention ne sont jamais traduites dans la réalité et ce gouvernement se soustrait essentiellement au contrôle et à l'assistance de l'OIT. Une fois de plus, comme à de nombreuses reprises par le passé, force est de constater avec regret qu'il n'existe aucune réelle liberté syndicale dans le pays. Ceux qui s'aventurent à exercer des activités syndicales indépendantes s'exposent à la surveillance constante de la police et de l'armée et vivent en permanence dans la crainte d'une arrestation et de la torture. Il est déplorable de constater que le pays témoigne d'une absence fondamentale de tout respect des droits de l'homme, allant bien au-delà des droits syndicaux. Dans ces circonstances, la conclusion inévitable est que les autorités birmanes foulent aux pieds leurs obligations internationales au titre de la convention et n'ont aucun égard non plus pour les recommandations de l'OIT, de l'Assemblée générale des Nations Unies ni de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et, le plus grave, affichent un mépris absolu pour les droits de leurs citoyens. Il est difficile de concevoir une conclusion qui puisse inciter le gouvernement à prendre sincèrement des mesures concrètes qui sont recommandées depuis plus de quarante ans. L'intervenante veut donc croire que la commission ne manquera pas de relever dans les termes les plus vifs possibles ses profondes préoccupations devant la regrettable persistance du gouvernement à ne pas respecter, en droit comme en pratique, le droit fondamental de la liberté syndicale.

Le membre travailleur du Japon a noté que le représentant gouvernemental n'a, comme de coutume, fourni aucune nouvelle information ni aucun exemple démontrant qu'une action était engagée. Ses déclarations illustrent un mépris du système de contrôle de l'OIT. Les mouvements syndicaux ne peuvent exercer librement leurs activités dans le pays et la Fédération des syndicats du Myanmar, constituée en 1991, se trouve dans l'obligation d'exercer ses activités hors du pays. Amnesty International et la Confédération internationale des syndicats libres confirment que les délégués syndicaux sont constamment surveillés par la police et les services secrets de l'armée, et qu'ils vivent sous la menace d'arrestation et de torture. Lors des discussions sur l'adoption de la convention, il y a de cela cinquante ans, le gouvernement était membre de la Commission de préparation de la convention et a joué un rôle dont il devrait être fier. Au contraire, le gouvernement est actuellement un des contrevenants les plus sérieux aux normes internationales. Il a besoin de retrouver sa fierté d'antan et, à cet égard, de nombreux changements devront être apportés à la situation, le plus rapidement possible.

Le membre travailleur du Pakistan a rappelé que le Myanmar est un magnifique pays dont le peuple travaille dur. Malheureusement, son développement est entravé par le refus du gouvernement de respecter les droits syndicaux et les droits de l'homme fondamentaux. Au cours des nombreuses fois où la commission a examiné ce cas, le représentant gouvernemental a déclaré que des mesures spécifiques étaient en voie d'adoption pour donner effet aux conventions. Toutefois, ces déclarations sont à replacer dans le contexte de ce pays où persistent par ailleurs de graves violations d'autres conventions fondamentales, comme la convention no 29 sur le travail forcé, et dont le gouvernement ne fournit même pas les rapports nécessaires. Par ailleurs, l'année dernière, le représentant gouvernemental a exprimé l'espoir que la législation concernée serait modifiée, mais des syndicalistes sont toujours emprisonnés et leurs droits bafoués. Il n'est plus possible qu'à la fin du XXe siècle des Etats se moquent de l'opinion publique et refusent d'instaurer la démocratie. Par conséquent, il convient de prier instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un système démocratique qui permettrait au peuple de ce pays de participer à son développement social et économique.

Le représentant gouvernemental a déclaré avoir écouté avec une grande patience les opinions qui ont été exprimées. Il prie les membres de la commission de faire preuve de compréhension. L'adoption de la législation adéquate nécessite du temps, en particulier lorsque des consultations tripartites sont nécessaires, comme c'est le cas ici. Les lois adoptées dans la précipitation ne résistent pas à l'épreuve du temps ou à l'évolution des circonstances. Ainsi que l'orateur l'a déjà mentionné, le projet de loi sur les syndicats a été soumis à l'Organe central d'examen des lois. Le processus législatif normal suit donc son cours, comme dans n'importe quel autre pays. Une fois adoptée, la nouvelle loi tiendra compte des dispositions de la convention et des principes énoncés par la future constitution actuellement en cours d'élaboration. Si le gouvernement n'avait pas eu l'intention de se conformer aux dispositions de la convention, il n'aurait pas entrepris l'élaboration d'une telle loi, en consultation avec les parties concernées. S'agissant des cas particuliers dont ont fait état les membres de la présente commission, comme dans n'importe quel autre pays, lorsque la loi n'est pas respectée, les mesures nécessaires doivent être prises en application du Code pénal, texte qui a été adopté au XIXe siècle, soit avant l'indépendance. Par ailleurs, les questions relatives aux marins ont été résolues en 1996. Il faut par conséquent bien comprendre que le gouvernement fait de son mieux, dans les limites fixées par les procédures nationales, pour suivre les recommandations formulées et devrait donc se voir accorder le bénéfice du doute. Il met actuellement en œuvre de grands chantiers, comme l'élaboration d'une nouvelle constitution, en consultation avec les représentants de toutes les couches de la société. Enfin, l'orateur rappelle que le nom officiel de son pays, ainsi que l'a reconnu les Nations Unies, est l'Union du Myanmar.

La commission a pris note des informations écrites communiquées par le gouvernement, de la déclaration faite par le représentant gouvernemental et de la discussion qui s'en est suivie. Elle rappelle que ce cas est discuté de manière continue depuis plus d'une décennie et a ainsi été examiné en 1987, 1989, 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997. Elle ne peut que déplorer que la commission d'experts n'ait reçu, depuis plus de trois ans, aucun rapport du gouvernement sur l'application de cette convention fondamentale, malgré les appels répétés qu'elle lui a adressés et malgré la mention, ces deux dernières années, de ce cas dans un paragraphe spécial pour défaut persistant d'application de cet instrument. La commission se voit à nouveau dans l'obligation d'exprimer le profond regret de voir persister de graves divergences entre, d'une part, la législation et la pratique nationales, et, d'autre part, les dispositions de la convention, de même que de déplorer l'absence de toute coopération à cet égard de la part du gouvernement. Extrêmement préoccupée par l'absence totale de tout progrès quant à l'application de la convention, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre d'urgence les mesures nécessaires pour garantir, en droit comme en pratique, que tous les travailleurs et employeurs, sans distinction aucune, aient le droit de s'affilier, sans autorisation préalable, aux organisations de leur choix pour la défense de leurs intérêts et que ces organisations aient elles-mêmes le droit de s'affilier à des fédérations, confédérations et organisations internationales, sans intervention des autorités publiques. En outre, la commission prie instamment le gouvernement de démontrer dans un très proche avenir que de substantiels progrès ont été accomplis dans le sens de l'application de la convention et de communiquer cette année un rapport détaillé à la commission d'experts. En accord avec les membres employeurs et travailleurs, la commission décide à nouveau que ses conclusions seront inscrites dans un paragraphe spécial de son rapport et que ce cas sera mentionné parmi les cas de défaut persistant d'application de la convention no 87.

Pakistan (ratification: 1951). Un représentant gouvernemental a indiqué que le Pakistan est un pays en développement qui connaît d'innombrables problèmes. Sa situation économique est extrêmement difficile, en raison de multiples facteurs, y compris une situation géopolitique difficile. Malgré ces obstacles profondément enracinés, le gouvernement a fait tout son possible pour mettre en œuvre les obligations qu'il a contractées en ratifiant des conventions de l'OIT. Le gouvernement souhaite continuer de coopérer avec la commission d'experts et la Commission de l'application des normes et prendre en compte leurs observations pour améliorer l'application des lois en vigueur. A propos des commentaires de la commission d'experts sur la convention, le représentant gouvernemental a formulé les observations suivantes: afin d'aligner les lois du travail sur la convention, par le biais de la consultation et de la recherche d'un consensus entre les partenaires sociaux, une commission est en cours de création pour mener à bien cette tâche importante. De plus, comme l'a fait observer la commission d'experts à propos du droit de constituer des syndicats et de s'y affilier pour les employés de la Pakistan Television Corporation (PTCV) et de la Civil Aviation Authority, la Cour suprême du Pakistan a rendu un arrêt le 2 juillet 1997 à l'effet d'autoriser les activités syndicales au sein de la PTCV. En conformité avec l'arrêt de la Cour suprême, la PTCV est en train d'élaborer un cadre juridique similaire au cadre fixé par l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles (ORP) afin de réglementer de manière équitable les relations entre employeur et employés. En outre, bien que la Pakistan Broadcasting Corporation (PBC) ait été exclue de la portée de l'ORP en 1979, le gouvernement est persuadé que cette restriction devrait être supprimée. Ce point sera probablement résolu dans une nouvelle politique du travail. De plus, la Civil Aviation Authority a également défini des réglementations qui tiennent compte de l'arrêt de la Cour suprême. Ces réglementations sont en cours d'adoption. Une consultation a été organisée au sein de la Civil Aviation Authority en attendant l'adoption de ces réglementations. Au sujet des modifications qui ont été apportées à l'ordonnance de 1986 sur les banques (tribunaux spéciaux), l'intervenant souligne que cette question a fait l'objet d'un profond débat. Certains syndicats d'employés de banque ont contesté l'article 27-B devant des Hautes Cours. En vertu de cet article, un travailleur ne peut pas devenir membre ou dirigeant d'un syndicat dans une banque s'il n'est pas employé par cette banque. Deux de ces demandes ont été examinées par les Hautes Cours. La Haute Cour de Lahore a estimé, d'une part, que l'on ne peut faire valoir que l'utilisation de véhicules et de téléphones appartenant à une banque est un droit fondamental, au titre de l'article 17 de la Constitution, et, d'autre part, que l'article 27-B ne peut donc être considéré comme anticonstitutionnel. Par conséquent, il ne peut pas être déclaré non valide. La Haute Cour du Balochistan a rejeté la demande portant sur l'article 27-B et a estimé que la modification susmentionnée n'était pas contraire à la Constitution. Il n'a pas encore été rendu de jugement sur les autres demandes et la question n'est donc pas encore tranchée. Toutefois, le gouvernement a été saisi de la question. A la suite d'une récente réunion entre les ministres du Travail et des Finances et les représentants des travailleurs, on a conclu qu'il faudrait trois mois pour évaluer le rendement du secteur bancaire au Pakistan. La question sera donc réexaminée dans le cadre d'une procédure tripartite d'ici trois mois. A propos du déni de certains droits garantis par la convention aux travailleurs dans les zones franches d'exportation, le gouvernement a entrepris de supprimer toutes les restrictions imposées par l'ordonnance sur les relations professionnelles d'ici l'an 2000. Au sujet de l'exclusion des fonctionnaires, à partir de la classe 16, des effets de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles et les restrictions au droit de grève, l'intervenant a souligné que les fonctionnaires sont exclus de la définition du terme «travailleurs» contenue dans l'ORP. Les fonctionnaires sont donc régis par une autre législation. Les syndicats minoritaires ne font pas l'objet de discrimination et jouissent de leurs droits, conformément aux principes démocratiques. Il incombe à l'agent de la négociation collective d'exercer le droit à la négociation collective et le droit de formuler des réclamations. La commission d'experts a formulé une observation sur l'exclusion des employés exerçant des responsabilités d'administration et percevant un salaire supérieur à 800 roupies par mois (quand le salaire minimum national était fixé à 1.500 en 1995) de la définition de «travailleurs» contenue dans l'ORP. Ces employés sont par conséquent privés du droit de s'affilier à un syndicat. Cette modification a été apportée en 1972 pour inclure, dans la définition de «travailleurs», le personnel d'encadrement d'un grade inférieur. Quiconque répond à cette définition jouit pleinement de ses droits syndicaux, quel que soit leur niveau de salaire. A propos des promotions artificielles utilisées comme tactique antisyndicale dans les secteurs de la banque et des finances, la State Bank of Pakistan a confirmé qu'il n'y avait pas de promotion artificielle dans les cinq principales banques, à savoir la National Bank of Pakistan, la Habib Bank Ltd., l'United Bank Limited, la Muslim Commercial Bank et l'Allied Bank Limited, ainsi que dans les banques que l'on prévoit de créer dans le secteur privé. Toutes les banques ont confirmé qu'elles suivent la politique de promotion qui a été établie. En outre, selon les réglementations, un travailleur qui a bénéficié d'une promotion artificielle a le droit de refuser cette promotion si elle viole son droit syndical. Pour des raisons de sécurité publique, les agents de santé et de surveillance des hôpitaux des secteurs public et privé se sont vu refuser le droit de constituer des syndicats. Le gouvernement envisage de supprimer ces restrictions. Des modifications devraient être apportées à la loi une fois que les consultations tripartites en cours se seront achevées. Quant aux travailleurs du secteur forestier, le gouvernement a décidé de réexaminer toutes les lois en vigueur, dans le cadre d'une commission tripartite, afin de les simplifier et de les renforcer. Au sujet des employés des chemins de fer, l'intervenant a souligné que seules 20 lignes ferroviaires sont attribuées au ministère de la Défense, que ce soit en temps de paix ou de guerre. Le personnel des autres lignes jouit pleinement de son droit syndical, conformément aux dispositions de l'ordonnance sur les relations professionnelles.

Enfin, en ce qui concerne l'application de la loi de 1952 sur le maintien des services essentiels du Pakistan, l'intervenant a précisé que la portée de cette loi a été réduite pour qu'elle s'applique à neuf puis à cinq services seulement, alors que la loi couvrait initialement 15 services dans le pays. Il s'agit là d'un progrès remarquable. Ces cinq services sont: i) la Pakistan Security Printing Corporation et Security Papers Limited, Karachi; ii) la Karachi Electric Supply Company; iii) l'entreprise assurant la production, la distribution et la fourniture d'électricité; iv) la Kot Addu Power Company et v) la Kahuta Research Laboratories. A l'évidence, trois de ces cinq entreprises s'occupent de la production d'électricité et toutes les cinq assurent des services essentiels. L'interruption de ces services mettrait en danger la vie, la sécurité, la santé ou le bien-être des personnes.

L'intervenant espère avoir répondu aux préoccupations de la commission à propos de la mise en œuvre de la convention. Il a souligné que son gouvernement a le souci de garantir la protection et la promotion des droits du travail au Pakistan.

Les membres travailleurs ont noté qu'il s'agit d'un cas connu qui a été examiné à six reprises au cours des dix dernières années. Au cours de cette période, la présente commission a entamé le dialogue avec plusieurs gouvernements différents, mais à chaque fois le résultat a été le même et les promesses faites n'ont pas été tenues. Il est regrettable que les rapports du gouvernement à la commission d'experts contiennent si peu d'informations. Il convient de relever la pratique étrange du gouvernement qui consiste à envoyer des rapports qui répètent, d'une fois sur l'autre, les mêmes informations presque mot pour mot. La situation concernant les droits syndicaux dans le pays a été discutée par le Comité de la liberté syndicale, la commission d'experts et dans le cadre d'une mission de contacts directs qui s'est déroulée en 1994. Suite à la dernière discussion de ce cas devant la présente commission, en 1995, le gouvernement a exprimé sa volonté d'un véritable changement, mais n'a rien entrepris depuis. Le gouvernement est parfaitement conscient que la situation n'est pas conforme à la convention, mais c'est la volonté politique qui lui fait défaut. La commission d'experts a noté que le rapport du gouvernement répétait simplement les informations fournies dans son précédent rapport, mais a été en mesure de relever deux nouveaux éléments apportés par les organisations de travailleurs: d'une part, la décision de la Cour suprême relative au droit d'organisation et de négociation collective des employés de la Pakistan Television Corporation et de la Civil Aviation Authority, et, d'autre part, les amendements à l'ordonnance sur les banques (tribunaux spéciaux). C'est le gouvernement qui aurait dû fournir ces informations. Il aurait été facile de le faire, dans la mesure où il s'agissait seulement de transmettre la copie de l'arrêt de la Cour suprême. A propos des commentaires formulés pendant la discussion sur le rapport général de la commission d'experts, commentaires qui portaient sur les difficultés dans la soumission des rapports en raison du manque de capacités techniques dans certaines administrations, les membres travailleurs estiment que, dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'avoir des compétences particulières pour soumettre de nouvelles informations à la commission d'experts. Si le gouvernement ne dispose pas d'un exemplaire de l'arrêt de la Cour suprême pour le transmettre au Bureau, il peut prendre contact avec les autorités qui pourraient alors le lui transmettre immédiatement par voie de télécopie. A propos du premier point de l'observation, les membres travailleurs rappellent que les restrictions au droit d'organisation et au droit de négociation collective des employés de la Pakistan Television Corporation et de la Civil Aviation Authority ont été examinées en 1994 et en 1995. Cette année, les membres travailleurs prennent note du fait que la Cour suprême a rétabli ces droits mais à deux conditions: d'une part, il faut mettre en place un cadre réglementaire nécessaire et, d'autre part, le gouvernement doit prévoir des restrictions raisonnables pour ce qui est de l'action revendicative. La présente commission devrait se ranger à la position de la commission d'experts sur ce point et prier instamment le gouvernement d'indiquer les mesures concrètes qui sont été prises pour garantir aux travailleurs le plein exercice de leurs droits prévus par la convention. A propos des restrictions qui s'appliquent aux syndicats du secteur des banques, les membres travailleurs rappellent que la présente commission et la commission d'experts ont précédemment conclu que ces dispositions allaient à l'encontre de la convention. La loi de 1986 n'est pas en conformité avec l'article 3 de la convention et elle porte atteinte au droit d'élire librement des représentants. La présente commission devrait faire sienne la demande que la commission avait formulée en vue d'une modification de la législation applicable.

A propos de la deuxième partie de l'observation, les membres travailleurs ont pris note des sept cas de divergences entre la législation nationale et la convention énumérés par la commission d'experts. Le représentant gouvernemental n'a pas apporté d'informations supplémentaires. En 1995, la commission avait prié le gouvernement de prendre des mesures concrètes pour donner suite à la mission de contacts directs. La situation n'ayant pas changé, la présente commission pourrait adopter les mêmes conclusions aujourd'hui. Les membres travailleurs demandent que, dans les conclusions, il soit indiqué qu'il s'agit d'un cas grave, que l'on n'enregistre pas de progrès et que l'on presse le gouvernement de répondre aux questions précises qui ont été posées plutôt que transmettre des rapports répétitifs. Dans les conclusions, on pourrait également faire état de l'absence d'informations supplémentaires sur les sept cas susmentionnés et approuver les commentaires de la commission d'experts sur l'arrêt de la Cour suprême et sur la législation qui régit le secteur des banques. Les membres travailleurs expriment l'espoir que les conclusions demanderont au gouvernement de procéder rapidement à des consultations tripartites, en conformité avec la convention no 144, afin de parvenir à des propositions de modifications concrètes et de façon à ce qu'un rapport soit présenté pour examen à la 87e session de la Conférence.

Les membres employeurs ont déclaré que le rapport de la commission d'experts avait fait mention de plusieurs points démontrant des restrictions dans la législation et la pratique concernant le droit à la liberté syndicale et la protection du droit d'organisation. Bien qu'une mission de contacts directs ait eu lieu en 1994 et qu'un comité tripartite ait été établi avec un mandat sur les questions de travail et de relations professionnelles, aucune information n'a été fournie pouvant indiquer si ce comité avait travaillé sur ces questions et, le cas échéant, quel était le résultat de ces travaux. Les membres employeurs ont noté la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle toutes les restrictions légales dans les zones franches d'exportation seraient éliminées en l'an 2000. Bien que ceci semble être une approche positive qui doit être approuvée dans les conclusions de la commission, ils soulignent que des déclarations similaires ont eu lieu dans le passé lorsque ce cas fut examiné. Ainsi, il est difficile de juger s'il existe une réelle volonté politique de la part du gouvernement afin de remédier au problème juridique qui se pose dans ce cas. Suite aux déclarations des membres travailleurs qui ont déjà décrit la situation dans le pays, les membres employeurs notent qu'aucune amélioration n'est intervenue au cours des années. Les remarques du gouvernement selon lesquelles le nombre de domaines où la grève était interdite par la loi a été réduit ne représentent en fait qu'un progrès minimal. En conséquence, les conclusions devraient refléter le fait que la situation n'a pas évolué depuis plusieurs années. De plus, le gouvernement doit être prié instamment de fournir un rapport détaillé décrivant toutes les mesures prises ou envisagées dans ce domaine.

Le membre travailleur du Pakistan a pris bonne note de la promesse du représentant gouvernemental selon laquelle la législation du travail en cours ferait l'objet de modifications. Toutefois, comme les membres travailleurs l'ont souligné, ce genre de promesses sont faites depuis 1988. Par ailleurs, une mission de contacts directs a eu lieu en 1994 et un groupe de travail tripartite sur des questions du travail a été créé peu de temps après. Toutefois, le gouvernement n'a pas pris de mesures pour modifier sa législation en tenant compte des recommandations de la mission et du groupe de travail. En outre, le représentant gouvernemental a déclaré que les disparités qui existent dans la législation seraient supprimées, mais cela n'a jamais été fait. Au contraire, le gouvernement a imposé de nouvelles restrictions dans le secteur bancaire en adoptant l'article 27-B de l'ordonnance de 1986 sur les banques (tribunaux spéciaux). Cette modification permet au gouvernement d'intervenir dans l'élection de représentants syndicaux. Enfin, au titre de l'article 2-A de la loi sur les fonctionnaires, les employés que la loi vise ne peuvent pas recourir aux tribunaux du travail. L'orateur a indiqué que les organisations de travailleurs ont eu recours à la Cour suprême et à la Haute Cour, raison pour laquelle les droits syndicaux des travailleurs de la télévision et de l'aviation civile ont été restaurés. Il a également indiqué que le mouvement syndical a fait pression sur le gouvernement en faisant une journée de protestation le 1er mai et en appelant à une «grève des bras croisés» le 5 mai pour appuyer ses revendications. Le gouvernement a convoqué une réunion interministérielle avec les représentants des syndicats le 20 janvier 1998 sur la réforme du droit du travail, qui doit faire l'objet d'un suivi. L'orateur a exprimé l'espoir que les assurances données par le représentant gouvernemental se traduiront par des mesures concrètes et la modification des lois contraires aux conventions pertinentes ratifiées, le plus rapidement possible, afin d'éliminer tout trouble dans la société. L'amendement en question est non seulement en contradiction avec l'article 3 de la convention, mais il est aussi contraire au principe énoncé dans l'Etude d'ensemble de la commission d'experts de 1994. L'orateur s'est déclaré préoccupé de cet amendement rétrospectif qui aurait permis à l'employeur de mettre fin au contrat de travail des travailleurs dans les banques au motif de leurs activités syndicales, et de les empêcher, par là même, de devenir dirigeants syndicaux. C'est pourquoi l'abrogation immédiate de cet amendement a été demandée. L'orateur a également attiré l'attention sur les règlements contraires aux conventions ratifiées qui s'appliquent dans les zones franches d'exportation, dans les chemins de fer, les hôpitaux, la radio et pour le personnel qualifié de supervision qui gagne 500 roupies par mois, ces dispositions étant contraires à la convention.

Le membre travailleur du Zimbabwe a fait observer que la Cour suprême du Pakistan a rendu un arrêt en juillet 1997 à l'effet de rétablir le droit de se syndiquer et de négocier collectivement pour les travailleurs de la Pakistan Television Corporation et de la Civil Aviation Authority. Il a exhorté le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour mettre en conformité la législation avec l'arrêt de la Cour suprême. Il a aussi demandé au gouvernement de modifier l'ordonnance de 1986 sur les banques en vertu de laquelle tous les candidats à des responsabilités syndicales dans une banque doivent être employés dans la banque en question. Cela est contraire à l'article 3 de la convention no 87 car il s'agit là d'une intervention dans les affaires intérieures d'un syndicat. Enfin, se référant à d'autres violations de la convention no 87 que la commission d'experts a relevées dans son observation, l'intervenant a également demandé au gouvernement de faire en sorte de mettre un terme à ces violations en modifiant la législation nationale et la pratique en conséquence. Il a demandé au gouvernement de tenir la commission d'experts informée de tout fait nouveau à ce sujet.

Le membre travailleur du Swaziland a déclaré que la législation du travail pakistanaise, au lieu de promouvoir la liberté syndicale, viole, de manière flagrante, les dispositions de la convention et rend son application impossible à certains égards. Par exemple, les employés du secteur bancaire ne bénéficient pas du droit d'association, les travailleurs des zones franches d'exportation n'ont pas le droit de constituer des organisations et de s'y affilier, les montants des salaires sont utilisés comme moyen de discrimination entre les travailleurs, et les travailleurs du secteur de la santé ne bénéficient pas de la protection accordée par la législation sur les relations professionnelles. En outre, selon une enquête réalisée par la CISL, le droit de grève est pénalement sanctionné, le gouvernement peut, de manière discrétionnaire, classer n'importe quel travailleur dans la catégorie des travailleurs employés dans les services essentiels, les autorités disposent de moyens importants de s'ingérer dans les affaires des syndicats, et le gouvernement a le droit d'imposer une injonction dans le cas d'une grève qui dure plus de trente jours. En 1995, le ministère du Travail a affirmé à une délégation de la CISL que l'Union Awami du travail qui avait déposé une demande d'enregistrement serait enregistré dans les deux semaines suivantes. A ce jour, cet enregistrement n'a toujours pas eu lieu. Dans la mesure où ce cas concerne des violations particulièrement graves de la convention, l'orateur requiert la plus forte condamnation possible, dans le cadre des pouvoirs conférés à la présente commission, afin d'obliger le gouvernement à se conformer aux exigences de cette convention fondamentale.

Le représentant gouvernemental a souligné que son gouvernement, qui avait ratifié cinq des sept conventions fondamentales de l'OIT, n'était pas un Etat délinquant. Le gouvernement s'est efforcé de respecter les exigences de toutes ces conventions, et il ne mérite pas une condamnation aussi sévère pour les quelques violations qui peuvent se produire çà et là. Il est regrettable que, lorsqu'un cas est examiné, seules les violations de la convention soient prises en compte, et non les circonstances dans lesquelles elles ont eu lieu. Il est vrai que les recommandations du groupe de travail tripartite sur la main-d'œuvre n'ont pas été entièrement suivies d'effet dans la législation, mais il y a une bonne raison à cela. En effet, depuis la création de ce groupe de travail, il s'est produit de nombreux changements au sein du gouvernement. Quand un nouveau gouvernement arrive au pouvoir, il passe en revue tous les programmes initiés par son prédécesseur, notamment dans le domaine de la politique du travail. Cet état de fait ne peut être ignoré. De toute façon, les recommandations du groupe de travail font actuellement l'objet d'un réexamen par le gouvernement, et une commission chargée de mettre la législation du travail en conformité avec les conventions de l'OIT, en consultation avec les partenaires sociaux, est actuellement en train d'être constituée. Pour répondre aux commentaires de certains orateurs, il convient de souligner que la déclaration que l'orateur a faite ne reprend pas les déclarations prononcées devant la présente commission par les représentants gouvernementaux pakistanais au cours des dernières années. En ce qui concerne le secteur bancaire, l'ordonnance de 1986 a dû être modifiée pour interdire à des travailleurs qui n'étaient pas employés de la banque d'exercer des activités syndicales à l'intérieur de cette banque, car le fonctionnement des banques avait été perturbé par la participation aux activités syndicales de travailleurs extérieurs. Toutefois, si la situation s'améliore dans les mois qui viennent, le gouvernement réexaminera sa position. Enfin, s'agissant des prétendues promotions artificielles, il convient de souligner que seules des déclarations générales ont été faites sur ce sujet et qu'aucun exemple concret n'a été fourni.

Les membres travailleurs ont réagi à la déclaration du membre gouvernemental, qui a déclaré que le traitement de cas était injuste. La commission d'experts avait elle-même noté dans son observation que le rapport du gouvernement ne faisait que reprendre précisément l'information fournie dans les rapports précédents. L'information nouvelle fournie par le représentant du gouvernement à cette commission est arrivée trop tard; il aurait été plus utile pour le travail de la commission d'experts ainsi qu'à cette commission d'avoir fourni ces éléments plus tôt. Cette approche du gouvernement ne peut que frustrer le travail de cette commission. Concernant la déclaration selon laquelle il y a eu de nombreux changements de gouvernement, les membres travailleurs rappellent qu'ils ont déjà entendu de tels arguments à maintes reprises et peuvent donc difficilement accepter de telles excuses pour justifier le manque de progrès. Le représentant gouvernemental a admis qu'il existait quelques violations de la convention, mais les membres travailleurs insistent sur le fait que ce cas implique de nombreuses violations d'une convention fondamentale qui a fait l'objet d'attention depuis longtemps. Ils soulignent que de nombreuses promesses ont été faites de la part du gouvernement au cours des années et qu'elles n'ont jamais été tenues.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui s'en est suivie. Elle rappelle que ce cas a fait l'objet de discussions devant la présente commission à plusieurs reprises au cours de cette décennie. Elle partage les profondes préoccupations exprimées par la commission d'experts et soutient son observation en ce qui concerne les nombreuses divergences de la législation et de la pratique quant au droit de plusieurs catégories de travailleurs, dont les salariés des secteurs hospitaliers public et privé, les fonctionnaires à partir de la classe 16, les travailleurs du secteur forestier, les employés des chemins de fer, les travailleurs des zones franches d'exportation et les employés exerçant des responsabilités d'administration et de gestion, de se syndiquer, en violation de l'article 2 de la convention. La commission d'experts a en outre noté les restrictions apportées au droit des syndicats d'organiser leurs activités, en contradiction avec l'article 3 de la convention. La présente commission constate avec un profond regret qu'aucun progrès n'a été réalisé dans ce cas, et réitère en conséquence ses conclusions de 1995. La commission a dûment pris note de la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle les divergences de la législation quant au droit des travailleurs des zones franches d'exportation disparaîtraient d'ici l'an 2000. La commission recommande instamment au gouvernement de faire des propositions concrètes et, dans un très proche avenir, de prendre des mesures nécessaires en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs pour rendre sa législation et sa pratique pleinement conformes à la convention qu'il a ratifiée voici quarante-cinq ans. La commission recommande instamment au gouvernement de communiquer cette année à la commission d'experts un rapport détaillé sur les progrès décisifs réalisés à cet égard.

Le membre travailleur du Pakistan a indiqué qu'il aurait préféré voir incluse dans les conclusions une référence à la récente modification de la législation dans le secteur bancaire qui a eu un impact dans les activités internes des organisations syndicales, ceci contrairement à l'article 3 de la convention.

Swaziland (ratification: 1978). Un représentant gouvernemental a réaffirmé que, en tant que Membre de l'OIT depuis 1975, le Swaziland souscrit aux principes sur lesquels se fonde l'Organisation et qui sont énoncés dans le Préambule de la Constitution de l'OIT. Le Swaziland respecte également les mécanismes établis par l'OIT, notamment le mécanisme d'élaboration des normes et le système de contrôle de leur application. Il reconnaît en outre le mérite des structures telles que les équipes multidisciplinaires et les bureaux régionaux, qui jouent un rôle important dans la réalisation des objectifs de l'OIT en matière de justice sociale et de dignité humaine.

Devant la Commission de la Conférence de 1997, son gouvernement a pris l'engagement de traiter en urgence les divergences -- perçues ou réelles -- entre, d'une part, la législation et la pratique nationales et, d'autre part, la convention. Un programme d'action a été discuté avec de hauts fonctionnaires du BIT. Depuis lors, un certain nombre de mesures ont été prises pour dégager un consensus. Peu après la Conférence, le Conseil consultatif du travail, structure tripartite, s'est réuni pour examiner la loi de 1996 sur les relations professionnelles. Il a ensuite organisé une table ronde entre détenteurs de capitaux, organisations d'employeurs et de travailleurs, dirigeants gouvernementaux, universitaires, représentants des petites entreprises et de la Chambre de commerce et d'industrie, pour parvenir à un accord sur un type de législation du travail adapté aux réalités du pays. Un comité de rédaction a été constitué pour établir, avec le concours d'un expert de l'OIT, un document adapté, fondé sur les normes de l'OIT et notamment la convention no 87, pour réglementer les relations professionnelles ainsi que l'évolution économique et sociale du pays. En mars 1998, ce document a été présenté par le conseil au ministre responsable des relations du travail sous la forme d'un projet de loi qui a ensuite été transmis à la chancellerie avant d'être soumis au cabinet, qui en a saisi le gouvernement. D'une manière générale, ce projet devrait être acceptable et devrait donc répondre aux commentaires de la commission d'experts concernant la convention. On peut déplorer que la procédure n'ait pas été plus rapide. Il est cependant manifeste que le gouvernement maintient ses engagements et redécouvre les vertus du tripartisme. Le fait est que, bien que le gouvernement ait eu l'intention, comme il l'a déclaré l'année précédente à la commission, de soumettre les amendements à la loi de 1996 avant août 1997, la consultation des partenaires sociaux a fait apparaître que tant de changements étaient nécessaires qu'il a été jugé préférable de repartir de zéro.

Le projet de loi est de nature à rendre la législation du Swaziland en matière de relations professionnelles étroitement conforme aux normes internationales par l'abrogation de la loi de 1996 et une orientation décisive dans le sens de la promotion de relations professionnelles harmonieuses, de la loyauté et de l'équité, de la liberté syndicale, de l'instauration de nouveaux mécanismes de règlement des conflits, de la protection de la négociation collective et de la transposition des normes internationales du travail dans la loi et dans la pratique du pays. Dans le cadre de l'élaboration de ce texte, on a par ailleurs veillé à apporter une réponse aux commentaires de la commission d'experts sur les points suivants: le retrait des personnels pénitentiaires de la catégorie des services n'ayant pas le droit de se syndiquer et de négocier collectivement; l'acceptation du pluralisme syndical; la faculté, pour les employeurs comme pour les travailleurs, de mener des actions pacifiques de protestation; l'extension des activités des fédérations au-delà de la simple activité de conseil auprès de leurs membres; le pouvoir du ministre compétent de requérir des tribunaux une injonction dans l'intérêt national seulement lorsque cet intérêt se définit comme la nécessité de préserver la vie ou la santé des administrés ainsi que les biens. Ce projet de loi n'interdit pas les grèves de solidarité. De plus, il répond aux préoccupations de la commission d'experts en prévoyant que les modalités du vote de la grève ne doivent pas être de nature à interdire l'exercice de ce droit. Ce texte décriminalise les relations professionnelles dans une large mesure et révise les règles limitant les activités non professionnelles des organisations ou fédérations, conformément aux observations de ladite commission. Une fois que ce texte aura été adopté, les tribunaux ne devraient plus avoir l'occasion d'annuler ou suspendre l'enregistrement d'organisations pour certaines violations.

S'agissant des préoccupations selon lesquelles le décret de 1973 sur les réunions et les manifestations limiterait le droit des organisations professionnelles d'organiser des manifestations pacifiques, l'intervenant réaffirme que ce décret n'est pas applicable à de telles organisations, dont les droits et garanties ont été élargis dans la législation qui a été adoptée en 1980 et en 1996. Dans l'un et l'autre cas, l'intention du législateur a été de séparer les questions d'ordre professionnel des questions purement politiques. Aucune loi ni aucune politique n'interdit à un membre d'une organisation de travailleurs ou d'une autre organisation d'en appeler à l'abrogation du décret. Pour ce qui est de l'abrogation de ce décret de 1973 ou de l'introduction d'une législation sur les arrangements politiques du pays, le Roi a nommé une commission de révision de la Constitution, dans laquelle toutes les composantes de la société sont représentées et qui bénéficie de l'appui de la communauté internationale, qui finance ses travaux. Il est donc erroné de croire que ce décret de 1973 interdit les activités syndicales.

Pour conclure, l'intervenant s'est déclaré convaincu que son pays s'achemine vers une application pleine et entière de la convention et ne ménage aucun effort pour promouvoir le projet de loi devant le parlement. Il veut croire que l'OIT continuera d'apporter son soutien dans ce sens et que la question de l'application de la convention par son pays ne devrait plus désormais faire l'objet d'un paragraphe spécial dans le rapport de la commission. Comme bien d'autres pays, le Swaziland n'est sans doute pas parfait mais son gouvernement fait de son mieux pour concilier les exigences d'une population en expansion, aux aspirations multiples et diverses. L'intervenant exprime sa reconnaissance aux employeurs et aux travailleurs du Swaziland pour la persévérance dont ils ont fait preuve dans l'instauration de relations professionnelles harmonieuses et conformes avec les normes internationales. Leur coopération est grandement appréciée et elle devrait se poursuivre jusqu'à l'adoption finale du projet de loi.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour son discours. La présente commission est malheureusement habituée à ce genre de discours qu'elle a déjà entendu lors des examens du cas en 1996 et en 1997, où il a été mentionné dans un paragraphe spécial du rapport de la commission. En 1997, le gouvernement avait pris l'engagement de consulter les partenaires sociaux en juin sur les modifications à apporter à la loi sur les relations professionnelles de 1996 qui contenait de nombreuses dispositions contrevenant à la convention. Il s'était en outre engagé à faire adopter cette réforme législative au mois d'août 1997. Aucune mesure n'a été adoptée malgré cet engagement. Cependant, un nouveau projet de loi sur les relations professionnelles a été préparé avec l'assistance technique du BIT et en consultation avec les partenaires sociaux qui le trouvent acceptable. Cela fait espérer que le gouvernement souhaite sincèrement changer la législation du travail, marquant ainsi peut-être le signal d'une nouvelle attitude de celui-ci vis-à-vis du respect des droits et des libertés démocratiques au Swaziland.

La loi sur les relations professionnelles de 1996 qui est encore en vigueur impose des restrictions excessives au droit de grève et interdit le droit de grève des fédérations sous peine d'emprisonnement. Elle interdit au personnel pénitentiaire de faire grève et confère au Commissaire du travail le pouvoir de refuser d'enregistrer un syndicat si un autre syndicat a déjà été enregistré dans le même secteur. La loi donne un large pouvoir de contrôle des syndicats aux autorités publiques, limite les activités des fédérations à l'octroi de conseils et de services, et impose l'obligation de consulter le ministre du Travail avant de procéder à une affiliation internationale. La loi confère également au tribunal le pouvoir d'ordonner la dissolution d'une organisation syndicale ou d'une fédération qui a plus consacré de temps à des activités intéressant des questions publiques qu'à la protection et à la promotion des intérêts de ses membres. En bref, la loi ne respecte ni les droits d'organisation et de grève ni la convention et les recommandations du Comité de la liberté syndicale.

D'autres dispositions législatives violent les exigences de la convention à l'exemple de l'article 12 du décret de 1973 sur les réunions et manifestations qui limite le droit des organisations syndicales d'organiser des réunions et des manifestations publiques et restreint la liberté d'opinion. Malgré les déclarations du représentant gouvernemental, la loi de 1963 sur l'ordre public, que la commission a déjà examinée l'année passée, est un autre instrument qui peut être utilisé pour sanctionner des grèves pacifiques et légitimes. Depuis la dernière Conférence et devant les engagements non tenus du gouvernement, la Fédération des syndicats du Swaziland (SFTU) a engagé un vaste programme d'action pour accélérer la réforme de la loi sur les relations professionnelles tout en continuant à soutenir ses revendications sociales, économiques et démocratiques. On en connaît les résultats. La police et l'armée ont été déployées et 17 dirigeants et délégués syndicaux ont été licenciés de la fabrique de sucre Simunyane, entreprise semi-publique, pour avoir participé à une grève «stayaway». Pour toute réponse, des troupes et des véhicules armés ont été déployés autour et dans la fabrique. Les membres de la SFTU, les associations professionnelles, ainsi que des parents et étudiants ont organisé des manifestations massives dont l'une s'est déroulée dans un aéroport à l'occasion du retour du Roi après le Sommet du Commonwealth. Les forces de sécurité ont alors ouvert le feu et lancé des gaz lacrymogènes sur la foule et ont ainsi sérieusement blessé de nombreuses personnes. Bien que le degré de violence, de harcèlement et de représailles à l'encontre des membres de la SFTU ne soit plus aussi élevé que celui qui a prévalu pendant la période précédant la discussion du cas en 1997, les membres travailleurs restent préoccupés par l'absence de libertés civiles au Swaziland et plus particulièrement par la violence dont fait preuve la police.

C'est dans ce contexte que le Comité de révision constitutionnelle mis en place en 1996 pour décider de l'avenir du pays a refusé d'associer les organisations syndicales à ses travaux et a été rejeté par le peuple du Swaziland. La nécessité d'abroger le décret de 1973 sur les réunions et manifestations, qui constitue une menace permanente pour tous les processus de consultation de groupes d'intérêt, se fait par ailleurs de plus en plus sentir. Le gouvernement a décidé d'organiser des élections dans le cadre d'un système non représentatif plutôt que de réfléchir aux raisons pour lesquelles ce processus ne fonctionne pas. Plusieurs secteurs de la société, parmi lesquels les syndicats et les églises, ont décidé de boycotter ces élections. Il est grand temps de faire des progrès sur des questions qui sont discutées depuis deux ans à la présente commission, et c'est en ce sens que la nouvelle législation du travail doit impérativement être adoptée. Le gouvernement a cependant indiqué que le parlement serait dissous à la fin du mois de juillet en vue des élections prévues en octobre. Bien que la dissolution semble curieusement avancée par rapport à la pratique habituelle, il reste néanmoins du temps pour adopter ce projet de loi. Ceci implique toutefois une certaine volonté politique car ce projet doit tout d'abord être adopté par le cabinet dans le courant du mois, à la suite de quoi il doit être rendu public trente jours avant sa soumission au parlement. Il est nécessaire que le gouvernement s'engage à faire adopter cette nouvelle législation avant la dissolution du parlement en juillet. Il est également nécessaire d'abroger l'article 12 du décret de 1973, de modifier la loi de 1963 sur l'ordre public, d'arrêter de recourir au harcèlement et à des représailles à l'encontre de syndicalistes et à la force lors des marches et manifestations pacifiques. Des négociations doivent être engagées de bonne foi avec les partenaires sociaux sur les revendications non satisfaites de la SFTU en ce qui concerne la liberté de la presse et d'expression en général, l'ouverture d'enquêtes sur les incidents non résolus qui se sont déroulés au cours des dernières années et le plein respect des droits démocratiques et des libertés civiles.

Pour conclure, il faut rappeler que le Swaziland est membre du Conseil d'administration. Il est logique et essentiel que les membres du Conseil d'administration fassent respecter la Constitution de l'OIT. Lors de la discussion générale, le membre travailleur s'est justement interrogé sur les raisons pour lesquelles les gouvernements seraient encouragés à appliquer les dispositions de la convention no 87 alors qu'un membre du Conseil d'administration ne le faisait pas. En conséquence, le gouvernement doit s'engager fermement à faire adopter le projet de loi sur les relations professionnelles avant la dissolution du parlement.

Les membres employeurs ont rappelé que ce cas avait déjà été examiné à deux reprises et estimé que les interventions précédentes en avaient suffisamment identifié les principaux aspects. Comme la commission d'experts, la présente commission a eu l'occasion de constater de multiples divergences entre les dispositions de la loi sur les relations professionnelles et la convention. Ces divergences tiennent aux limitations considérables qui sont apportées à la liberté syndicale par, entre autres, la limitation de l'affiliation à la branche d'activité, des restrictions à l'enregistrement des syndicats, de multiples possibilités d'ingérence des autorités, ou la nécessité d'une autorisation préalable pour l'affiliation internationale. Les restrictions apportées au droit de grève sont un problème distinct qu'il n'y a pas lieu d'approfondir dans la mesure où le droit de grève ne peut se déduire des dispositions de la convention. Comme dans bien d'autres cas familiers à la commission, le représentant gouvernemental déploie tous les arguments propres à démontrer que le gouvernement est d'une parfaite bonne volonté et sur le point de mettre en conformité la législation avec la convention: des consultations tripartites se sont tenues, il est pleinement tenu compte des recommandations de la mission de contacts directs, et un projet de loi qui satisferait aux exigences de la convention est près d'aboutir. Les membres travailleurs confirment que ce projet serait acceptable et apporterait des améliorations significatives. Soumis au ministère du Travail en mars, ce projet est en cours d'examen au cabinet. Il conviendrait que le gouvernement précise à quelle étape en est exactement ce projet de loi car de nouvelles élections vont prochainement mettre fin à la législature. Le représentant gouvernemental espère que le projet puisse aboutir avant qu'intervienne la dissolution du parlement. Mais il reste évasif sur les perspectives d'adoption dans un proche avenir. L'absence de divergence d'opinion sur la nécessité de modifier la législation est un point positif qu'il convient de relever. Ce que doit souhaiter la commission, c'est que cette modification intervienne rapidement avec l'adoption du projet de loi.

Le membre travailleur du Swaziland s'est déclaré reconnaissant de l'assistance fournie par l'OIT pour l'élaboration du nouveau projet de loi sur les relations professionnelles. Ce texte, bien qu'il doive encore se concrétiser par une loi, semble répondre aux préoccupations soulevées par la commission d'experts. Ainsi, il décriminalise les relations professionnelles, institue la liberté syndicale du niveau de l'entreprise jusqu'aux niveaux national et international, reconnaissant incidemment ce droit au personnel pénitentiaire comme à celui de la radiodiffusion. Le droit de grève est reconnu à tous, sauf dans les services essentiels, et le gouvernement n'a désormais plus de droit unilatéral d'injonction en matière de grève ou de lock-out. Les fédérations peuvent négocier collectivement et les marches de protestation sur des questions économiques et sociales sont autorisées. L'intervenant souligne toutefois que les réformes envisagées n'abordent pas des questions plus vastes des libertés civiles que soulève l'application de l'article 12 du décret de 1973 sur les réunions et manifestations. Avec cet instrument toujours en vigueur, les voix de l'opposition ne peuvent se faire entendre. Le gouvernement reste sourd aux demandes de réformes des articles du décret entravant la liberté d'expression, d'association, d'assemblée et de choix. Loin de faire comme il l'avait promis l'année précédente devant la commission, le gouvernement n'a pas rendu sa législation et sa pratique conformes à la convention et intensifie les répressions contre les travailleurs. Les 27, 28 et 29 octobre 1997, les marches de protestation des travailleurs, du personnel enseignant, des étudiants et des parents ont été accueillies par les gaz lacrymogènes, les tirs et les matraques. La première avait pour destination les bureaux de la présidence et la seconde l'arrivée du Roi swazi de retour du Sommet des chefs d'Etats du Commonwealth. Le 29 octobre, les manifestants ont tenté de manifester contre l'arrivée du Prince Charles du Royaume-Uni. Un véhicule acheminant des dirigeants syndicaux et des délégués d'entreprises a été pris en chasse par la police et intercepté et ses passagers ont été fouillés et soumis à interrogatoire. Des documents ont été saisis. Les forces armées sont intervenues pour assurer la surveillance des examens pendant la grève des enseignants. Le maintien en vigueur de l'article 12 du décret de 1973, conjugué aux dispositions de la loi de 1963 sur l'ordre public, continue d'entraver les droits syndicaux et civils ainsi que tout processus de démocratisation qui pourrait être mis en œuvre.

Le pays est plongé dans une profonde crise de confiance à cause des promesses non tenues. Plusieurs concernaient directement les résultats des négociations tripartites. Ces négociations avaient abouti en 1994 à un rapport et des recommandations du groupe de travail tripartite puis, en mars 1995, à un rapport et des recommandations d'une commission parlementaire spéciale. Elles avaient été suivies, en juillet 1995, d'un protocole bipartite puis, en octobre 1995, d'un protocole tripartite et, enfin, en mars 1996, de propositions d'amendements à la loi sur les relations du travail de 1996 -- autant de résultats laissés sans suite par le gouvernement. De même, un projet de loi modificatrice de la loi de 1996 précitée avait été annoncé à la commission pour août 1997. Les promesses et les procédures sans suite, notamment celles faites sous l'égide du tripartisme, ne peuvent plus être acceptées. Il a été annoncé récemment que le parlement du Swaziland serait dissous à la fin du mois de juillet 1998. On doit y voir le signe précurseur de l'échec de l'adoption d'une nouvelle législation d'ici à la fin de l'année. Cette annonce prend tout son sens lorsque l'on considère que, normalement, le parlement est dissous en octobre avant les élections. Il y a lieu de craindre que, si le projet de loi n'est pas adopté au cours de la présente session parlementaire, la nouvelle assemblée ne sera pas en mesure d'apprécier les délicats équilibres que ce projet de texte incarne pour ménager les intérêts tripartites. Cette éventualité fait peser une hypothèque encore plus lourde sur l'adoption finale de ce texte. Le gouvernement a ratifié la convention, reçu une assistance technique et n'a cessé de promettre de prendre les mesures nécessaires. Le Swaziland siège par ailleurs au Conseil d'administration, et la commission tiendra compte, dans ses conclusions, du message qui en résultera pour les autres Etats si des termes assez vifs sont employés. Il est attendu un engagement sans équivoque comportant la garantie que le projet de loi sera adopté avant la dissolution du parlement.

Le membre employeur du Swaziland s'est félicité des progrès accomplis jusqu'en juin 1997: un consensus tripartite a pu être dégagé sur le projet de loi sur les relations professionnelles, texte qui se révèle conforme aux prescriptions des conventions nos 87 et 98. Il convient de remercier le gouvernement et les syndicats de leur collaboration pour parvenir à cet accord, ainsi que le BIT pour avoir fourni l'assistance technique nécessaire. Le gouvernement a été fortement incité à coopérer sous la menace d'une pétition de l'AFL-CIO pour le retrait du traitement préférentiel accordé au Swaziland dans les relations commerciales avec les Etats-Unis. L'intervenant se déclare toutefois profondément préoccupé par la situation dans laquelle se trouve son pays. Les employeurs du pays considèrent que la menace de la perte du traitement préférentiel est inacceptable et espèrent donc vivement que le projet de loi sera adopté. A cet égard, il convient de noter que ce texte constitue l'aboutissement de négociations tripartites fructueuses et a donc réuni les suffrages des travailleurs et des employeurs.

Le membre travailleur de la Norvège, s'exprimant au nom du groupe des travailleurs des pays nordiques (Norvège, Finlande, Suède, Danemark et Islande), a rappelé que, en 1997, la commission avait noté avec une profonde indignation la violation flagrante de la convention no 87, ainsi que les persécutions de travailleurs, le déni du droit fondamental des travailleurs de constituer des syndicats de leur choix et de s'y affilier, de faire grève et de participer aux activités politiques. Un paragraphe spécial avait été consacré à ce cas. Le gouvernement s'était engagé à modifier la législation avant août 1997, mais cette promesse n'a pas été tenue. Un nouveau projet de loi sur les relations professionnelles a été élaboré avec l'assistance technique de l'OIT et était sur le point d'être adopté, mais il doit toujours être adopté par le parlement. Les perspectives de cette adoption paraissent des plus aléatoires puisque, apparemment, le parlement sera exceptionnellement dissous à la fin du mois de juillet et non en octobre comme il est de coutume, ce qui fait que le texte ne pourra sans doute pas être adopté en 1998. Dans une telle éventualité, les syndicats n'auraient pas la possibilité de participer aux préparatifs des élections. Une réponse claire est attendue de la part du gouvernement quant au destin réservé à cette législation. La situation est des plus graves, compte tenu notamment du fait que le pays siège au Conseil d'administration. Il est attendu du gouvernement une confirmation sans détour sur l'adoption de la loi sur les relations du travail et sur le droit, pour les travailleurs du pays, de se constituer en organisations démocratiques.

Le membre travailleur du Botswana a renoncé à faire des commentaires sur le cas en examen puisque d'autres orateurs soit avaient déjà abordé les questions qu'il avait l'intention de soulever, soit allaient le faire.

Le membre employeur de l'Afrique du Sud, après avoir remarqué que des progrès avaient bien été faits, a demandé que ceux-ci soient maintenant concrétisés par une législation obligatoire. Vu les conséquences négatives des troubles au Swaziland sur les pays voisins, un terme doit leur être mis par l'adoption du projet de loi sur les relations professionnelles. La commission se doit d'adopter la conclusion qui s'impose en demandant au ministre d'user de tous ses pouvoirs pour accélérer le passage de ce projet devant le parlement avant la dissolution de ce dernier.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a exprimé des doutes à propos de la procédure que la commission était censée suivre dans ce cas. Alors qu'aucun nouveau rapport n'a été fourni par le gouvernement à la commission d'experts depuis l'examen du cas l'an passé, ses membres sont maintenant appelés à analyser un rapport verbal détaillé du représentant gouvernemental. La commission n'est guère bien placée pour le faire. Il convient de souligner que le projet de loi élaboré par les partenaires sociaux ne manquerait pas de traiter des besoins du pays en matière de relations professionnelles. Bien que le représentant gouvernemental n'ait fait aucune promesse ferme à ce sujet, le gouvernement devrait cependant être exhorté à s'efforcer d'adopter le projet dans un futur proche afin de libérer le pays d'un régime féodal et de mettre sa législation en conformité avec la convention. En garantissant les droits fondamentaux que recouvre la liberté syndicale, le gouvernement pourrait mettre un terme au passé de défiance des travailleurs à son égard.

Le membre travailleur des Etats-Unis a confirmé que, comme le membre employeur du Swaziland l'a indiqué, l'AFL-CIO avait remis une pétition au gouvernement américain demandant que certains avantages accordés au Swaziland au terme du système de préférences généralisées (GSP) lui soient retirés pour le moment en raison de la violation systématique des droits fondamentaux des travailleurs par le gouvernement de ce pays. Cette demande est conforme au statut du GSP qui conditionne l'octroi d'avantages commerciaux au respect des droits fondamentaux des travailleurs, tels qu'ils sont définis par les conventions fondamentales de l'OIT sur les droits de l'homme. Il ressort clairement de la pétition que l'adoption du projet de loi dans l'année sera primordiale pour déterminer si le Swaziland se dirige bien dans la voie du respect des droits des travailleurs et doit donc conserver ses avantages en vertu du GSP. On ne peut qu'espérer et attendre qu'une nouvelle loi soit adoptée cette année pour que le Swaziland se conforme aux dispositions de la convention.

Le membre employeur du Lesotho a approuvé les déclarations précédemment faites par les membres employeurs et le membre employeur du Swaziland selon lesquelles des progrès avaient été réalisés dans ce cas. Il convient de noter avec un profond intérêt que le projet de loi accepté par les partenaires sociaux est soumis au cabinet pour approbation avant d'être soumis au parlement qui doit être dissous dans deux mois. L'orateur prie instamment le représentant du gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la soumission du projet de loi au parlement avant sa dissolution. Les apports significatifs des partenaires sociaux doivent être consacrés par l'adoption du projet de loi dans la mesure où celui-ci pourrait être affecté par une position différente du nouveau gouvernement.

Le représentant gouvernemental a remercié tous les intervenants de l'intérêt qu'ils ont manifesté pour la situation de son pays et de leurs suggestions constructives, qui seront assurément transmises au gouvernement pour considération et action. Quant aux différents points soulevés, le représentant considère qu'ils ont été examinés dans sa précédente intervention. Tout en admettant que les promesses faites par le passé paraissent ne pas avoir été tenues, il a souligné qu'un nouveau climat règne dans le pays en ce qui concerne les revendications des travailleurs et qu'une position commune a pu être trouvée par les partenaires sociaux. Toutefois, ne pouvant se subroger au parlement, l'intervenant est en mesure de dire seulement qu'il fera de son mieux pour promouvoir l'adoption du projet de loi, comme les travailleurs et les employeurs de son pays peuvent en témoigner. Pour répondre aux observations formulées à propos du décret de 1973, cet instrument n'a jamais eu pour objectif d'étouffer les activités des travailleurs. En outre, l'ordonnance de 1963 sur l'ordre public a été adoptée à une époque où régnait le multipartisme et où le syndicalisme était de règle; elle n'avait donc pas non plus pour objectif d'étouffer les syndicats, mais constituait simplement un élément nécessaire de la législation en matière de sécurité. A cet égard, l'intervenant a déploré les incidents survenus au cours de diverses manifestations et autres marches, tout en rappelant que, lorsque des personnalités importantes sont concernées, les mesures de sécurité doivent être prises et il existe toujours des risques de «dérapage». Il y aurait sans doute lieu d'examiner les autres cas évoqués par les membres travailleurs de la commission. Une ère nouvelle s'ouvre au Swaziland en matière de relations du travail et aucun effort ne doit être ménagé pour garantir que ce processus aboutisse.

En réponse à un certain nombre de commentaires des membres travailleurs concernant la dissolution inopportune du parlement et leur attente d'un ferme engagement à ce que le projet de loi sur les relations du travail soit adopté avant cette dissolution, le représentant gouvernemental a déclaré ne pas être certain que le parlement serait dissous en juillet. Cette mesure n'a pas été officiellement annoncée et, en tout état de cause, il existe des possibilités de le réunir à nouveau pour aborder une question aussi importante que l'adoption de ce projet de loi. L'intervenant a déclaré qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour que ce texte soit soumis au parlement dans le courant de l'année.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a fait suite. Elle a rappelé que la commission d'experts s'est déclarée préoccupée par de nombreuses dispositions de la loi de 1996 sur les relations du travail limitant considérablement le droit, pour les organisations de travailleurs, d'exercer leurs activités sans intervention des autorités publiques, conformément aux articles 2 et 3 de la convention. Elle regrette qu'aucune modification de cette législation n'ait été adoptée. Elle déplore en outre que, comme l'a fait observer la commission d'experts, le décret de 1973 sur les réunions et manifestations fait peser d'importantes restrictions sur le droit, pour les organisations, de tenir des réunions et des manifestations pacifiques et que l'ordonnance de 1963 sur l'ordre public ait été utilisée pour entraver des activités syndicales légitimes. Elle se félicite de ce que le gouvernement indique qu'un nouveau projet de loi sur les relations du travail a été élaboré, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l'assistance de l'OIT, en vue de rendre la législation conforme à la convention. Elle prie instamment le gouvernement de veiller à ce que ce nouveau projet de loi soit adopté avant une éventuelle dissolution du parlement et de veiller à l'application pleine et entière de la convention. En outre, elle prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que ni le décret de 1973 ni la loi de 1963 sur l'ordre public n'affecte le droit, pour les organisations de travailleurs, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action. La commission prie instamment le gouvernement de respecter pleinement les libertés civiles essentielles à la mise en œuvre de la convention et d'appliquer sans délai les recommandations de la mission de contacts directs, notamment celles qui ont déjà été acceptées par les partenaires sociaux. Elle exprime l'espoir que le gouvernement diligentera une enquête indépendante sur l'enlèvement du secrétaire général de la SFTU et le meurtre d'un enfant au cours d'une manifestation. Elle veut croire que le gouvernement communiquera cette année à la commission d'experts un rapport détaillé sur les mesures concrètes qui auront été prises pour assurer la pleine conformité de la législation et de la pratique avec la convention.

DEUXIEME PARTIE (cont.)


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.