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86e session
Genève, juin 1998


 

Rapport de la Commission de l'application des normes

Discussion en plénière
Observations et informations
concernant certains pays

RAPPORT GÉNÉRAL

A. Introduction

1. Conformément à l'article 7 de son Règlement, la Conférence a institué une commission pour examiner et présenter un rapport sur la troisième question à l'ordre du jour: «Informations et rapports sur l'application des conventions et recommandations.» La commission était composée de 214 membres (105 membres gouvernementaux, 26 membres employeurs et 83 membres travailleurs). Elle com-prenait également 22 membres gouvernementaux adjoints, 39 membres employeurs adjoints et 92 membres travailleurs adjoints(1). En outre, 48 organisations non gouvernementales internationales étaient représentées par des observateurs.

2. La commission a élu son bureau comme suit:

Président: M. P. van der Heijden, membre gouvernemental (Pays-Bas).

Vice-présidents: M. A. Wisskirchen, membre employeur (Allemagne) et M. W. Peirens, membre travailleur (Belgique).

Rapporteur: Mme C. Aguessy, membre gouvernemental (Bénin).

3. La commission a tenu 19 séances.

4. Dans le cadre de son mandat, la commission a examiné les questions suivantes: i) informations sur la soumission aux autorités compétentes des conventions et recommandations adoptées par la Conférence, fournies en application de l'article 19 de la Constitution; ii) rapports sur l'application des conventions ratifiées fournis conformément aux articles 22 et 35 de la Constitution; iii) rapports demandés par le Conseil d'administration au titre de l'article 19 de la Constitution au sujet de la convention (no 159) et de la recommandation (no 168) sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983(2). Conformément à une décision du Conseil d'administration et de la Conférence, la commission a aussi été appelée à examiner le rapport de la quatrième session spéciale (septembre 1997) du Comité conjoint OIT/UNESCO d'experts sur l'application de la Recommandation concernant la condition du personnel enseignant.

5. Suivant sa pratique habituelle, la commission a ouvert ses travaux par une discussion sur les questions générales se rapportant à l'application des conventions (notamment les conventions ratifiées) et des recommandations et sur la manière dont les Etats Membres s'acquittent de leurs obligations normatives en vertu de la Constitution de l'OIT. Elle a ensuite procédé à un échange de vues sur le rapport du Comité conjoint OIT/UNESCO d'experts. La dernière partie de la discussion générale a porté sur l'étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations consacrée à la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées. Enfin, et comme à l'accoutumée, la commission a débattu d'un certain nombre de cas individuels concernant l'application des conventions ratifiées, de l'obligation de présenter des rapports et de celle de soumettre les conventions et recommandations aux autorités nationales compétentes.

6. L'examen de ces cas, qui a constitué l'essentiel des travaux de la commission, s'est fondé principalement sur les observations contenues dans le rapport de la commission d'experts, ainsi que sur les explications, écrites ou orales, fournies par les gouvernements intéressés. La commission s'est également appuyée sur ses discussions des années précédentes, sur les commentaires reçus des organisations d'employeurs et de travailleurs, ou encore, le cas échéant, sur les rapports des autres organes de contrôle de l'OIT et d'autres organisations internationales. Les contraintes de temps ont amené la commission à opérer un choix parmi l'ensemble des observations de la commission d'experts et à se limiter, en conséquence, à discuter d'un nombre limité de cas. La commission veut croire, en conséquence, que les gouvernements concernés prêteront une attention particulière aux demandes de la commission d'experts et ne manqueront pas de prendre les mesures requises pour assurer le respect de leurs obligations. La deuxième partie du présent rapport contient un résumé des informations fournies par les gouvernements et des discussions tenues à la commission, ainsi que les conclusions de celle-ci.

7. Les membres employeurs ont indiqué que la commission utilisait les mêmes méthodes de travail depuis longtemps et qu'elle devait continuer ses travaux de la même manière puisque ces méthodes avaient prouvé leur efficacité par le passé. L'établissement d'une liste de cas individuels fait également partie des méthodes de travail de la commission, même si elle n'est jamais entièrement satisfaisante ou juste à tous égards, ce qui pose un dilemme pour les membres employeurs. Tous les pays mentionnés dans le rapport de la commission d'experts ne peuvent cependant être inclus dans cette liste qui doit se limiter à quelque 20 à 30 pays. Au cours de la discussion préalable de cette liste, référence a été faite à un équilibre géographique. On peut toutefois se demander pourquoi une telle importance devrait être accordée à l'équilibre géographique alors qu'il importe d'examiner la manière dont tous les Etats Membres respectent leurs obligations individuelles en vertu des conventions qu'ils ont ratifiées. En conséquence, les membres employeurs estiment que la liste devrait être approuvée telle que présentée.

8. Les membres travailleurs ont approuvé le projet de liste des cas individuels, après des discussions approfondies et difficiles. Ils ont tout d'abord rappelé que l'approbation de la liste et le choix des cas prioritaires pour la discussion sont toujours des exercices difficiles vu les contraintes de temps, d'une part, et le grand nombre de problèmes d'application, d'autre part. De plus, le raccourcissement de la durée de la Conférence a des conséquences très importantes pour cette commission. Avant les réaménagements apportés à la durée de la Conférence, la liste contenait plus de 30 pays pour plus de 50 conventions. Depuis le raccourcissement, le nombre de cas se situe autour de 27 pays pour une trentaine de conventions et, cette année, la liste a été restreinte à une convention par pays. Pour le choix des cas individuels, les membres travailleurs ont rappelé l'ensemble des critères utilisés: la nature des observations de la commission d'experts; les notes de bas de page dans le rapport de la Conférence; la portée et la qualité des réponses des gouvernements reprises dans le rapport; les discussions et conclusions des sessions des années précédentes; les commentaires reçus de la part des organisations d'employeurs et de travailleurs; les rapports des autres organes de contrôle de l'OIT et d'autres organisations internationales; les derniers développements sur le terrain; les déclarations du groupe des travailleurs pendant l'adoption de la liste l'année dernière; et, pour cette année, le cinquantième anniversaire de la convention no 87.

9. Les membres travailleurs ont également souligné la recherche d'un équilibre entre les régions et les conventions et ont rappelé que la discussion porterait non seulement sur les conventions fondamentales mais également sur des problèmes d'application et de nouveaux développements et évolutions par rapport aux conventions dites techniques. Bien que les membres travailleurs aient approuvé le projet de liste, ils ont formulé certains commentaires importants à la fois pour la commission d'experts, l'OIT, les gouvernements concernés et pour cette commission. Le fait que certains pays ne figurent pas sur la liste, bien que la commission d'experts ait formulé des observations dans la deuxième partie de son rapport, ne signifie pas que les pays concernés devraient attendre pour mettre leur législation et pratique en conformité avec la convention. En outre, les membres travailleurs tiennent à indiquer dès à présent qu'ils voudraient pouvoir discuter l'année prochaine de certains cas s'il n'y a pas de progrès réel entre-temps. C'est pourquoi ils insistent pour que la commission d'experts inclue dans son prochain rapport des commentaires sur les cas suivants. Premièrement, la République islamique d'Iran pour la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958: la Commission de la Conférence a eu une discussion approfondie l'année dernière et a fait figurer ses conclusions dans un paragraphe spécial vu la gravité et la persistance des violations et, surtout, vu le refus du gouvernement de prendre une décision devant la Conférence d'accepter une mission de contacts directs; une telle mission aurait permis à la commission d'experts de disposer d'informations complètes et vérifiées sur la situation réelle en matière de discrimination et de formuler des recommandations précises et opérationnelles; la commission d'experts a elle aussi insisté dans son rapport sur l'importance d'accepter une mission de contacts directs et les membres travailleurs ont insisté pour que le gouvernement accepte une mission de contacts directs avant la prochaine réunion de la commission d'experts, c'est-à-dire avant novembre 1998; une telle mission permettrait à la commission d'experts d'analyser la situation réelle et de compléter les informations fournies par le gouvernement dans ses rapports et permettrait également à cette commission de discuter du cas sur la base d'informations rassemblées et analysées par une instance neutre et indépendante; l'acceptation d'une mission de contacts directs serait la preuve concrète de l'engagement réel du gouvernement par rapport aux normes internationales du travail, comme l'a déclaré le représentant gouvernemental pendant la session de cette commission l'année dernière; par contre, un nouveau refus d'accepter une mission de contacts directs aurait des conséquences inévitables sur la nature des conclusions que le groupe des travailleurs présenterait devant la Commission de la Conférence l'année prochaine. Deuxièmement, le Guatemala en ce qui concerne la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, vu la détérioration de la situation dans la pratique malgré la signature du traité de paix dans ce pays. Troisièmement, le Costa Rica pour la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, vu la persistance des syndicats «jaunes» et solidaristes, l'ingérence des employeurs dans les affaires internes des syndicats et la persistance des discriminations antisyndicales. Quatrièmement, le Pakistan en ce qui concerne la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, vu les conclusions fermes de cette commission pendant la session de l'année 1997. Les membres travailleurs ont insisté pour que ces éléments soient repris dans le rapport de cette commission, comme ce fut le cas dans le paragraphe 7 du rapport de la commission de 1997.

10. Les membres employeurs ont noté que la discussion sur les cas individuels a été cette année parfois très longue. Ils ont considéré comme essentiel le droit à la parole au sein de la commission. Toutefois, dans le groupe employeur, il est de tradition, dans la plupart des cas, de faire une seule déclaration, reflétant les opinions de tous les membres employeurs. Ceci permet de gagner beaucoup de temps. Les membres employeurs vont réfléchir si, à l'avenir, le nombre des cas individuels à examiner ne devrait pas être limité à 20, en raison de contraintes de temps.

11. Les membres travailleurs ont partagé les préoccupations des membres employeurs quant à la longueur des débats sur les cas individuels. Cependant, ils ne veulent pas empêcher un membre de la commission de prendre la parole. Les membres travailleurs ont invité tous les membres de la commission à éviter des déclarations répétitives.

B. Questions générales relatives aux normes

internationales du travail

Introduction: Aspects généraux des procédures de contrôle

12. La commission a souhaité la bienvenue à Sir William Douglas, président de la commission d'experts. Sir William a remercié la commission, au nom de la commission d'experts, de l'avoir invité à nouveau pour assister à la discussion en qualité d'observateur. Il a attiré l'attention sur plusieurs aspects du rapport de la commission d'experts. Le cinquantième anniversaire de la convention no 87 a fourni l'occasion de constater que la convention n'est pas encore ratifiée par des pays comptant plus de la moitié des travailleurs de la planète; la commission d'experts a donc lancé un appel aux gouvernements pour qu'ils ratifient cet instrument; les progrès réalisés sont le résultat du travail effectué par la commission d'experts, le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration et la Commission de la Conférence. Deuxièmement, dans son rapport, la commission d'experts a, une fois encore, souligné l'importance de l'inspection du travail -- y compris par rapport au travail forcé et au travail des enfants -- et de la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964: la commission d'experts est consciente des difficultés accrues que rencontrent les gouvernements dans l'application de la convention à une époque de mondialisation de l'économie et a relevé les liens entre les politiques d'emploi et les politiques macroéconomiques nationales. Troisièmement, la commission apprécierait de recevoir plus d'informations de la part des organisations d'employeurs et de travailleurs au sujet de la question du travail dans les prisons examinée dans le cadre de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, étant donné que ces informations s'avèrent toujours utiles pour clarifier la situation en droit et en pratique dans chaque pays. Quatrièmement, le manquement par les Etats de respecter leur obligation de faire rapport pose un sérieux problème, auquel le Bureau s'efforce de faire face par l'intermédiaire des spécialistes des normes dans les équipes multidisciplinaires (EMD) et par l'assistance organisée par le Département des normes internationales du travail. Il est important d'assurer qu'un nombre suffisant de spécialistes qualifiés soient sur le terrain afin que les équipes puissent jouer leur rôle, tout en maintenant la capacité nécessaire du département au Siège pour assister les organes de contrôle. Cinquièmement, l'étude d'ensemble de la commission examine l'application de la convention (no 159) et de la recommandation (no 168), sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983: l'étude a noté que la convention avant recueilli 59 ratifications et qu'il était souhaitable qu'elle en recueille davantage, étant donné son caractère promotionnel et la souplesse de ses dispositions ainsi que le rôle particulier que peuvent jouer les organisations, spécialement celles composées par des handicapés ou qui s'occupent des handicapés, de même que les organisations d'employeurs et de travailleurs. Sir William fera rapport à la commission d'experts sur les débats de la présente commission; il a espéré continuer le dialogue, en particulier dans les domaines abordés ci-dessus qui appellent un examen approfondi.

13. La commission a noté les indications en guise d'introduction données par le représentant du Secrétaire général au sujet des différents point à l'ordre du jour et sur les évolutions y relatives au sein de l'Organisation. Alors que le nombre de nouvelles ratifications progresse régulièrement -- notamment en ce qui concerne les sept conventions fondamentales (nos 29 et 105 sur le travail forcé; 87 et 98 sur la liberté syndicale; 100 et 111 sur l'égalité dans l'emploi et la profession; et 138 sur le travail des enfants) --, le Bureau compte poursuivre ses activités pour aider les gouvernements à remplir leurs obligations de faire rapport et aider de même les organisations d'employeurs et de travailleurs. Les cas de progrès dans l'application des normes continuent toutefois à augmenter, ce qui témoigne de l'efficacité des procédures de contrôle et du travail de cette commission en particulier. Le travail du Département des normes internationales du travail au cours de l'année écoulée était axé en grande partie sur les activités en relation avec le cinquantième anniversaire de la convention no 87 sur la liberté syndicale et de la Déclaration universelle des droits de l'homme, y compris la campagne pour la ratification et l'application des sept conventions sur les droits fondamentaux, ainsi que sur les débats au Conseil d'administration au sujet du portefeuille de propositions pour de nouvelles normes et la révision éventuelle de normes existantes. Suite aux demandes formulées, une séance informelle d'information sur les méthodes de travail de la commission à l'attention des délégués s'est tenue immédiatement après la première séance de la commission.

14. Le membre gouvernemental de la France, en sa qualité de président du Groupe de travail sur la politique de révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail du Conseil d'administration, a informé les membres de la commission des progrès accomplis par le groupe de travail et du travail en profondeur déjà complété avec l'aide du Bureau. L'objectif est de moderniser le système des normes, sans l'affaiblir en quoi que ce soit. Grâce à une approche constructive, les décisions ont pu être prises par consensus sur de nombreuses questions difficiles. Le groupe de travail abordera bientôt l'étude des recommandations, des instruments maritimes et de la méthodologie des révisions.

15. Les membres travailleurs ont remercié le président de la commission d'experts d'avoir à nouveau accepté cette année d'assister à la discussion générale de la commission. Le dialogue entre la commission d'experts et la Commission de la Conférence s'est intensifié au cours de ces dernières années, comme en témoigne par exemple la prise en considération par la commission d'experts, au paragraphe 152 de son rapport, de la position constante des membres employeurs et travailleurs quant à l'importance du respect de l'obligation de faire rapport. Ils se sont félicités que la commission d'experts reflète dans ses observations concernant certains pays des éléments importants des discussions et conclusions de la Commission de la Conférence. En outre, elle a formulé des observations sur tous les cas dont les membres travailleurs avaient déclaré, lors de la précédente session de la Conférence, qu'ils voudraient les réexaminer dans l'hypothèse où aucun progrès réel n'aurait été enregistré entre-temps. La complémentarité des deux commissions, l'une reflétant les analyses, positions et témoignages traduisant les réalités du terrain, l'autre procédant à l'analyse impartiale juridique et technique, est plus que jamais l'une des raisons du succès du système de contrôle; elle doit être préservée, voire améliorée, car elle est un élément essentiel du renforcement de ce système.

16. Les membres employeurs, saluant la présence du président de la commission d'experts, ont noté que cette présence renforce la compréhension mutuelle entre ces deux organes majeurs du mécanisme de contrôle. La tâche de la Commission de la Conférence, inchangée depuis des décennies, consiste à vérifier, auprès des délégués gouvernementaux, dans quelle mesure les Etats Membres s'acquittent des obligations qui leur incombent en vertu de la Constitution de l'OIT et des conventions ratifiées. Toutefois, si cette mission reste inchangée, les problèmes abordés sont issus de situations changeantes. Pour éviter tout échange de vues stérile, il importe d'apprécier avec soin les changements qui se produisent partout, aussi bien au niveau économique que dans le monde du travail, et de développer la sensibilité nécessaire pour que ces phénomènes soient pris en considération de manière appropriée. Depuis plusieurs années, la commission d'experts aborde dans son rapport la notion de mondialisation, souvent en des termes plutôt polémiques. Les membres employeurs tiennent à souligner que la mondialisation est un état de fait. Qu'elle soit bienvenue, critiquée, ou simplement analysée, elle ne saurait être niée. Le fait est que des phénomènes déterminants, comme la décentralisation, l'individualisation et le développement du secteur tertiaire, sont étroitement liés à la mondialisation. Ces phénomènes s'accompagnent souvent d'un recul sur le plan de la solidarité, qui préoccupe aussi bien le groupe employeur que le groupe travailleur de la commission, de même que l'OIT dans son ensemble. Les conséquences devront assurément en être abordées et non ignorées. Au sujet du phénomène de la mondialisation, les membres employeurs ont l'impression qu'elle est considérée soit comme la cause de tous les maux, soit comme la panacée pour résoudre tous les problèmes. En réalité, ses effets sont différents dans divers domaines. La mondialisation porte en elle à la fois des chances et des risques et ne constitue pas le principal sujet de préoccupation de chaque secteur de l'économie. Dans le secteur en expansion des services, la mondialisation n'a que peu d'intérêt. Dans le secteur industriel, son influence est tout à fait différente. Dans l'importante industrie pharmaceutique, la mondialisation ne joue pas le même rôle dans les domaines de la recherche, de la production et de la distribution. Dans ces domaines, seule la recherche peut être mondiale, les autres aspects sont régionaux ou nationaux, en raison, par exemple, des dispositions de systèmes de sécurité sociale nationaux. La mondialisation conduit à un système de marché sans frontières qui est régulé par la concurrence et a des effets positifs dans tous les secteurs de l'économie. Néanmoins, la création d'un cadre juridique est nécessaire. En l'absence d'un tel cadre, ni une concurrence équitable ni la sauvegarde de la sécurité sociale ne sont possibles. Lors d'une discussion avec le Directeur général de la CNUCED, il a été dit que des programmes de développement menés dans les pays en développement ont été stimulés par le développement de la concurrence et les instruments d'une économie de marché.

17. En réponse aux déclarations de certains membres travailleurs selon lesquelles les relations entre la commission d'experts et la Commission de la Conférence seraient complémentaires, les membres employeurs ont rappelé qu'en 1990 la commission d'experts a déclaré que ses vues étaient réputées valables tant qu'elles n'étaient pas contredites par la Cour internationale de Justice. Toutefois, en 1991, suite à des critiques sévères au sein de la Commission de la Conférence, la commission d'experts est revenue sur cette approche, en reconnaissant le rôle autonome de la Commission de la Conférence dans le système de contrôle. Depuis lors, il n'y a rien de nouveau. Les fonctions de la Commission de la Conférence sont clairement définies par l'article 7 du Règlement de la Conférence, bien que quelques Membres aient essayé d'accroître l'importance de la commission d'experts en utilisant les subterfuges linguistiques. Le rapport de la commission d'experts montre qu'elle fait un usage correct du terme «observations», ce qui ne revient pas à créer de la jurisprudence. Le mandat de la commission est resté inchangé depuis 1926 et demande en substance qu'elle recueille des données juridiques importantes. D'après la Constitution de l'OIT, seule la Cour internationale de Justice est habilitée à donner des interprétations définitives. Tout en notant l'ironie figurant dans le rapport de 1991 de la commission d'experts qui «réserve» le droit aux membres employeurs de ne pas être en accord avec elle, les membres employeurs ont noté que le groupe des travailleurs avait parfois critiqué certaines opinions de la commission d'experts. Que la Commission de la Conférence partage souvent les vues de la commission d'experts n'est pas dû au fait que cette dernière occuperait une position prioritaire, mais constitue plutôt la preuve de la qualité de ses commentaires. Il est incorrect d'utiliser le terme «jurisprudence» en se référant aux observations de la commission d'experts car ceci pourrait donner l'impression qu'elles sont obligatoires, ce qui n'est pas justifiable d'un point de vue juridique. Créer une jurisprudence reviendrait à effrayer les Etats qui n'ont pas ratifié certaines conventions car ils auraient peur d'être confrontés à des obligations qui n'étaient pas connues au moment de la ratification. Pour cette raison, il est inutile et même ennuyeux de poursuivre ce type de discussion. La plus grande force de l'OIT est sa crédibilité et un préalable à celle-ci est le respect par l'Organisation des règles qu'elle a elle-même établies.

18. Le membre employeur des Etats-Unis a déclaré que la commission d'experts a cherché à élargir son rôle de surveillance, et ses interprétations soulèvent une question fondamentale sur ses compétences et son rôle. En dépit d'un travail considérable de grande valeur, il semble parfois que la commission d'experts fasse preuve de zèle. C'est ainsi, par exemple, qu'en ce qui concerne la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, elle a pris parti dans une controverse concernant la charge de la preuve dans des cas de discrimination et a déclaré qu'elle accueille toujours favorablement le renversement de la charge de la preuve. Elle a également adopté un point de vue étroit et partial au sujet de la convention no 87 en considérant que l'exigence d'une représentativité de 30 pour cent restreint le droit syndical; et en parlant d'une relation évidente entre les libertés civiles et les droits syndicaux, en proclamant que la liberté d'expression et la liberté syndicale sont essentielles pour un progrès soutenu. Elle n'a pas mentionné le point de vue des employeurs ainsi que d'autres points de vue critiques à cet égard. Il s'est rallié à l'observation du vice-président employeur et a accueilli avec intérêt le changement d'attitude de la commission d'experts à l'égard de certaines questions, telles que celle des sanctions pénales, et il a appelé la commission d'experts à évaluer son propre rôle et ses commentaires pour assurer cohérence et concentration sur son rôle technique et impartial.

19. Plusieurs gouvernements ont apporté leur appui au travail de la commission d'experts. Les membres gouvernementaux de Cuba et de l'Italie ont rappelé l'importance des principes d'indépendance, d'objectivité et d'impartialité. Le membre gouvernemental du Japon a déclaré qu'il est important que le système de contrôle de l'application des normes de l'OIT soit objectif, impartial, cohérent et clair. Les membres gouvernementaux du Portugal et de la Roumanie ont souligné la qualité et la cohérence du rapport et l'ampleur des informations qu'il contient; et le membre gouvernemental de la Belgique a également souligné son utilité dans la publication des questions relatives aux normes internationales du travail, y compris pour les praticiens du droit et les juges. Les membres gouvernementaux de l'Islande (s'exprimant au nom des pays nordiques) et de l'Arabie saoudite ont considéré que la commission d'experts est un pilier central de l'OIT; et le membre gouvernemental des Etats-Unis a attribué le succès du système à l'esprit de dialogue qu'il suscite. Le membre gouvernemental de l'Allemagne a relevé que le volume de travail auquel les organes de contrôle doivent faire face s'est accru notablement, et le nombre des fonctionnaires responsables du BIT devrait en conséquence être augmenté plutôt que diminué.

20. Le représentant du Secrétaire général a informé la commission que les spécialistes des normes dans différentes régions ont participé à des séminaires organisés pour des magistrats, et le Département des normes a publié en 1997 un guide à l'intention des juges du travail sur les évolutions en matière d'égalité de traitement.

21. Les membres travailleurs ont estimé que la discussion générale de cette année avait été riche et intéressante, et ils ont exprimé le vif espoir que l'attitude constructive de nombreux gouvernements qui s'y reflète se traduira par une amélioration de l'application des normes et de nouveaux efforts en matière de soumission et d'envoi de rapports. Comme la commission d'experts, les membres travailleurs sont attachés à l'esprit de respect mutuel, de collaboration et de responsabilité qui a toujours prévalu dans les relations entre la Commission de la Conférence et la commission d'experts. La complémentarité des organes de contrôle ne leur interdit pas de manifester leur accord avec la commission d'experts sur certains points importants.

Politique en matière de normes et principes de l'OIT

22. Les membres travailleurs ont relevé que la discussion générale est l'occasion d'aborder de manière structurée les évolutions de l'action normative et de l'application des normes sur la base des points de repère fournis par la commission d'experts. L'action normative continue de bénéficier d'une attention soutenue, tant au sein de l'OIT qu'à l'extérieur. Le projet d'une Déclaration de principes relative aux droits fondamentaux de l'homme au travail et de son mécanisme de suivi sera discuté par une autre Commission de la Conférence. Les membres travailleurs sont d'avis que, sous certaines conditions, une telle déclaration et son système de contrôle devraient favoriser l'application des normes fondamentales, y compris dans les pays n'ayant pas ratifié les conventions pertinentes. De nombreuses études ont confirmé que le respect des normes ne freine pas le développement économique, bien au contraire. Les travaux de la présente commission au cours de ces dernières années témoignent d'un consensus sur l'importance d'une application effective des normes fondamentales qui constituent un cadre nécessaire pour le développement économique et social. La coopération entre l'OIT, l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) devra être renforcée pour promouvoir cette application.

23. Les membres travailleurs ont déclaré que, selon les dernières informations, plus de 80 ratifications de conventions fondamentales ont été enregistrées depuis le lancement de la campagne du Directeur général, et les perspectives de nouvelles ratifications sont encourageantes. Les deux tiers des Etats Membres ont ratifié entre cinq et sept de ces conventions, 35 ont ratifié l'ensemble des sept conventions. Toutefois, 17 n'en ont ratifié qu'une ou deux, et six n'en ont ratifié aucune. La ratification et l'application universelles de ces conventions restent une priorité absolue. Les motifs invoqués pour ne pas ratifier ces conventions, tels que leur incompatibilité avec la législation ou la situation économique ou politique, ou encore leur prétendue rigidité, ne font que masquer une absence de volonté politique qu'il faut stigmatiser. Quant à l'adoption d'une Déclaration de principes, elle ne saurait avoir pour conséquence de réduire l'effort en vue de la ratification des conventions fondamentales. Il importe à cet égard que le BIT ne relâche pas son attention et qu'il renforce son appui technique à cette campagne. L'adoption éventuelle d'une déclaration assortie d'un mécanisme de suivi ne saurait avoir pour conséquence d'affaiblir les engagements au titre des conventions fondamentales ratifiées ou de l'obligation de fournir des rapports.

24. Les membres travailleurs n'ignorent pas les perspectives positives ouvertes par l'internationalisation du commerce et des économies. Mais ils ne peuvent que constater que les législations et pratiques sociales n'ont pas suivi, laissant les travailleurs sans protection sociale et sans perspectives professionnelles. La législation reste trop souvent caractérisée par des conceptions antisyndicales et la négligence des problèmes sociaux, comme l'illustrent bien les zones franches d'exportation ou les pratiques de sous-traitance. Les entraves à la liberté syndicale trouvent souvent leur origine dans un souci exclusif de profit à court terme au détriment d'un développement économique durable. De telles évolutions appellent un renforcement des règles sociales internationales, ainsi que des règles qui préservent les ressources fiscales des Etats.

25. En outre, les membres travailleurs ont toujours été d'avis que la ratification indispensable des conventions fondamentales n'est qu'un premier pas dans le développement plus large d'une politique sociale, qui passe également par la ratification d'autres conventions prioritaires, telles que la convention no 81 sur l'inspection du travail, la convention no 122 sur la politique de l'emploi et la convention no 144 concernant les consultations tripartites et d'autres conventions que le Conseil d'administration a décidé de promouvoir en priorité, sur la base des propositions du Groupe de travail sur la politique de révision des normes. Il faut espérer, avec le président du groupe de travail, que ce dernier continuera ses travaux de manière constructive et dans un esprit de consensus.

26. Les membres employeurs ont considéré qu'il ne fallait pas accorder une importance démesurée aux statistiques. Si le nombre de ratifications nouvelles de conventions est resté sensiblement égal ces dernières années, bien qu'en léger recul, le nombre de dénonciations de conventions ratifiées est considérable. Lorsque de telles dénonciations résultent de la ratification de conventions révisées, elles sont les bienvenues. Un processus de révision et de remplacement des conventions tombées en désuétude serait nécessaire. Tel est notamment le cas de nombreux instruments adoptés voici quelque cinquante, soixante, voire soixante-dix ans. Pour les membres employeurs, ce processus de révision a été plutôt lent à se mettre en place, et ce n'est certainement pas le maintien d'instruments dépassés qui peut améliorer la situation des travailleurs. L'élimination pure et simple de ces instruments totalement périmés permettrait d'économiser les ressources et d'éviter certains cas de dénonciation sans ratification concomitante d'une nouvelle convention. Ce n'est que la révision des conventions dépassées qui offrira une alternative à la dénonciation. Il s'ajoute à cela que la dénonciation sans ratification nouvelle ne doit pas susciter un jugement de valeur puisque cette démarche doit être acceptée comme la manifestation de la souveraineté des Etats Membres. Les obligations découlant de la ratification ne peuvent être acceptées que sur une base volontaire. La liberté donne la possibilité de choisir entre deux options, même si une décision dans un sens particulier semble préférable.

27. Les membres employeurs ont noté qu'en se référant au cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la commission d'experts a particulièrement insisté sur les conventions de l'OIT qui sont classées par l'Organisation parmi les instruments relatifs aux droits de l'homme portant application des principes de la Déclaration universelle. Il convient également de souligner le droit fondamental qu'est la liberté d'expression et d'information, contenu dans l'article 19 de la Déclaration universelle. Cette liberté a une importance égale pour l'OIT car, sans ce droit fondamental, il n'existerait pas de société libre. Néanmoins, il faut rappeler que de graves problèmes se posent en matière de respect de nombreux droits de l'homme. Même s'il existe une théorie largement répandue selon laquelle de tels droits sont inhérents à l'être humain, leur mise en œuvre requiert en pratique l'adoption de législations. A cet égard, il faut aussi souligner que la première disposition de ce type est la Déclaration des droits adoptée par l'Etat de Virginie en 1776.

28. Les membres employeurs ont relevé que, s'agissant des fonctions de l'OIT relatives à d'autres instruments universels et régionaux, ces instruments sont également reconnus comme faisant partie, dans une certaine mesure, du domaine des droits de l'homme. Il est dès lors possible d'affirmer que des réseaux d'obligations et de mesures, à l'échelle universelle et régionale, sont établis pour parvenir à une société juste et humaine. Il n'est toutefois pas suffisant d'inscrire les droits de l'homme et la justice sociale dans de multiples instruments. Une action coordonnée de la part des organisations compétentes au titre des différents instruments est en effet nécessaire.

29. Selon les membres employeurs, en ce qui concerne les questions relatives aux droits de l'homme, les efforts déployés pour encourager les Etats Membres à ratifier les sept conventions de l'OIT établissant les droits fondamentaux ont été relativement couronnés de succès. Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour parvenir à une ratification universelle. Les manquements aux droits de l'homme ne sont pas toujours volontaires, dans la mesure où des moyens humains et matériels, qui ne sont pas toujours disponibles, sont également essentiels pour réaliser les progrès nécessaires. L'adoption de politiques erronées, en particulier dans le domaine social et le domaine économique, peut également faire obstacle au respect de ces droits. Depuis quelques années, il est envisagé de sensibiliser davantage l'opinion et d'encourager une application plus complète des instruments de l'OIT par les Etats Membres en élaborant une Déclaration de principes. Une commission spéciale a été constituée au sein de la Conférence pour examiner cette éventualité ainsi que toutes les difficultés qui y sont liées, et pour discuter de tous les aspects de cet important et vaste sujet. Alors qu'il n'est actuellement pas nécessaire de mener une discussion parallèle, la Commission de l'application des normes devra certainement traiter de cette question ultérieurement.

30. Plusieurs membres gouvernementaux (El Salvador, Islande (s'exprimant au nom des pays nordiques), Inde, Italie, Pays-Bas) ont apporté leur soutien à la campagne du Directeur général lancée en mai 1995 et visant à la ratification et à l'application universelles des sept conventions fondamentales. D'autres ont considéré que la ratification n'est pas une fin en soi (Egypte), qu'une convention ratifiée doit être mise en vigueur (Etats-Unis) et que l'obligation de soumettre des rapports doit être respectée par la suite (Allemagne). Le membre gouvernemental de l'Italie a fourni des indications sur un projet du gouvernement visant à la création par le biais d'Internet d'un réseau mondial d'organisations intéressées dans les conventions fondamentales de l'OIT.

31. Le membre travailleur de la Finlande (s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques) a relevé qu'en dépit du succès remarquable de la campagne de ratification de nombreux pays ont ratifié trop peu de conventions fondamentales; seuls 35 pays ont ratifié les sept conventions. Le membre travailleur des Pays-Bas a souhaité une campagne similaire pour parvenir au respect des obligations de faire rapport.

32. Les membres gouvernementaux de Cuba et du Venezuela ont rappelé que de nombreuses conventions de l'OIT sont le reflet des droits contenus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le membre gouvernemental du Brésil a établi un lien entre le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle et la campagne de ratification des sept conventions fondamentales de l'OIT, et il a décrit les initiatives prises en collaboration avec les organisations non gouvernementales pour les promouvoir et les mettre en œuvre. Le membre gouvernemental de l'Arabie saoudite a prôné une étroite collaboration dans ce domaine entre l'OIT, l'UNESCO et le PNUD; et le membre gouvernemental de l'Italie a fait référence à la Banque mondiale et à l'OMC à cet égard. Le membre gouvernemental du Sri Lanka a appelé l'OIT à examiner les conséquences des accords commerciaux mondiaux sur les droits des travailleurs.

33. Le membre gouvernemental de la Chine a déclaré que son gouvernement est d'avis que les principes fondamentaux contenus dans les conventions nos 87, 29 et 105 sont importants et doivent être reconnus universellement par la communauté internationale. Son gouvernement a mené des études approfondies sur les questions concernant la ratification des conventions fondamentales du travail et sur la législation et la réglementation nationales pertinentes. Ces études font ressortir qu'au fil du développement économique et social du pays les conditions deviennent de plus en plus propices pour que la Chine soit en mesure d'appliquer les conventions fondamentales du travail dans le cadre de la législation et de la réglementation nationales. En fonction des priorités et exigences nationales, le gouvernement poursuivra l'intensification du processus de ratification des normes fondamentales du travail. Son pays a signé en 1997 le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies et envisage également favorablement la signature du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Tous ces éléments joueront un rôle favorable pour la ratification des conventions fondamentales.

34. Le membre travailleur du Zimbabwe a appelé l'OIT à collaborer avec toutes les autres organisations internationales, y compris l'OMC, dans le domaine des droits de l'homme. Le membre travailleur de l'Egypte a indiqué qu'il n'était pas en faveur d'une collaboration avec l'OMC. Le membre travailleur des Pays-Bas a souhaité que la commission d'experts analyse de plus près l'attention que portent les organes de contrôle des Nations Unies au travail imposant de l'OIT dans ce domaine, car il est à craindre qu'ils n'en font que peu de cas.

35. Plusieurs membres gouvernementaux se sont prononcés en faveur de l'adoption par l'OIT d'une Déclaration de principes, en discussion dans une autre commission. Les membres gouvernementaux du Kenya et du Liban ont souligné qu'une telle déclaration ne devrait pas établir un lien avec la question du commerce. Le membre gouvernemental de l'Egypte s'est prononcé contre une nouvelle procédure de contrôle, et le membre gouvernemental du Liban a relevé que l'actuelle procédure de l'article 19 de la Constitution a fait ses preuves. Le membre gouvernemental de Cuba a également estimé qu'il ne devrait pas y avoir de double contrôle et que les conventions devraient toujours encore être ratifiées.

36. Le membre gouvernemental de la Belgique a déclaré qu'il était nécessaire d'assurer qu'une éventuelle Déclaration de principes n'ait pas pour effet d'affaiblir l'actuel système de contrôle, mais de le renforcer.

37. Le membre travailleur de l'Inde s'est opposé à tout lien dans une déclaration entre les droits fondamentaux des travailleurs et le commerce international, étant donné que ceci conduirait à une augmentation du chômage dans les pays en développement.

38. Le membre employeur des Etats-Unis a déclaré que les employeurs de son pays n'apporteraient pas leur appui à l'implication de la commission d'experts dans une telle déclaration et son mécanisme de suivi.

39. Les membres travailleurs ont relevé que plusieurs membres gouvernementaux ont exprimé une attitude constructive à l'égard de l'action normative, parfois en termes généraux, parfois en termes très précis. Certains ont fait part de ratifications récentes ou décrit des aménagements de procédures internes visant à accélérer les procédures de ratification. D'autres ont fourni des informations intéressantes sur de nouvelles mesures prises afin de mieux assurer l'application des normes nationales et internationales dans la pratique. Ceci souligne la collaboration constructive entre les groupes dans la Commission de la Conférence et l'objectivité accrue des débats.

40. La commission a noté avec intérêt les informations communiquées par les membres gouvernementaux des pays suivants au sujet des ratifications: Allemagne (le Parlement fédéral a approuvé récemment la ratification de la convention (no 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995); Belgique (plusieurs conventions maritimes sont en discussion); Canada (le processus de consultation en vue de la ratification de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, devrait être terminé sous peu); Chine (les procédures pour la ratification de la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, sont en voie d'achèvement); République dominicaine (la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, sera transmise sous peu au Congrès national pour ratification; celui-ci a déjà approuvé la ratification de la convention (no 150) sur l'administration du travail, 1978; de la convention (no 172) sur les conditions de travail dans les hôtels et restaurants, 1991, et de la convention (no 167) sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988; Egypte (le gouvernement a demandé au Parlement d'étudier la ratification de la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973); Etats-Unis (la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, a été transmise au Sénat pour qu'il approuve sa ratification); Inde (le Conseil des ministres a approuvé récemment la ratification de la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964; les procédures en vue de la ratification de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, sont en voie de finalisation); Indonésie (convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948); Italie (les conditions nécessaires pour la ratification de la convention (no 159) sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983, sont remplies); Namibie (une loi portant sur les actions positives est en voie d'adoption, ce qui rapprochera la Namibie de la ratification de la convention (no 100) sur l'égalité de rémunération, 1951, et de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; les conventions sur le travail forcé et le travail des enfants jouissent de la même priorité dans le processus de ratification); Pays-Bas (le gouvernement étudie la convention (no 175) sur le travail à temps partiel, 1994, et la convention (no 177) sur le travail à domicile, 1996; la ratification de la convention (no 162) sur l'amiante, 1986, et de la convention (no 168) sur la promo-tion de l'emploi et la protection contre le chômage, 1988, constitue une priorité); Slovaquie (l'instrument de ratification de la convention (no 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995, sera déposé auprès du Directeur général pendant la Conférence; la ratification de la convention (no 173) sur la protection des créances des travailleurs en cas d'insolvabilité de leur employeur, 1992, est en cours au Parlement); Sri Lanka (le processus de ratification de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, est en cours); Turquie (l'Assemblée nationale a approuvé la ratification de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et de la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, et les instruments de ratification seront prochainement communiqués au Bureau; la convention (no 159) sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983, est également soumise à l'Assemblée pour qu'elle approuve sa ratification); Venezuela (le gouvernement a décidé de transmettre au Congrès national pour ratification la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989).

Exécution des obligations liées aux normes

41. Les membres travailleurs ont fait observer que le bon fonctionnement du système de contrôle dépendait en grande partie de l'envoi à temps des rapports demandés et des réponses aux commentaires des organes de contrôle. Or, malgré les aménagements, les données sur l'envoi des rapports ne sont pas encourageantes. La commission d'experts a constaté que, quant à leur contenu, les rapports sont souvent incomplets et ne lui permettent pas d'évaluer le respect des conventions: elle énumère les cinquante-sept pays qui n'ont pas répondu aux commentaires ou dont la majorité des rapports n'ont pas été reçus. Les observations individuelles montrent que, trop souvent, le gouvernement concerné ne répond pas ou ne fait que répéter ses rapports antérieurs. Il convient de souligner à nouveau que l'absence de collaboration avec les organes de contrôle est un motif d'inscription sur la liste des cas à discuter par la Commission de la Conférence et qu'il en est tenu compte dans la teneur des conclusions, voire pour envisager une mention dans un paragraphe spécial.

42. Les membres travailleurs avaient demandé que les causes de la détérioration de la qualité des rapports fassent l'objet d'une analyse approfondie de la part de la commission d'experts et du BIT, afin de réviser s'il y a lieu les procédures. Ils se sont félicités que la commission d'experts ait procédé à cette analyse. Elle rappelle la position invariable des membres travailleurs et employeurs quant à l'importance qui s'attache au respect de l'obligation de faire rapport. La commission d'experts, qui rappelle également que l'aménagement des procédures visait à alléger la tâche des administrations, constate que, dans bien des cas, la difficulté résulte non de l'absence de volonté politique mais des contraintes budgétaires des administrations compétentes. Or les membres travailleurs sont d'avis que la réduction des moyens à la disposition des administrations sociales relève bien d'un choix politique. Les gouvernements devraient au contraire renforcer leurs administrations du travail, comme le prescrit la convention (no 150) sur l'administration du travail, 1978. La commission d'experts souligne à juste titre l'apport précieux de l'assistance technique, et notamment des équipes multidisciplinaires. Sa demande pour que le BIT consacre tous les moyens nécessaires pour assurer un meilleur respect de l'obligation de faire rapport pendant les trois dernières années d'essai du nouveau système, et pour que l'ensemble de ce système soit évalué, doit être appuyée.

43. Les membres travailleurs ont déclaré que la commission d'experts avait continué de recevoir un nombre élevé d'observations d'organisations de travailleurs et, dans une moindre mesure, d'employeurs. Pour apprécier l'implication de ces organisations dans l'application des normes, il faut également prendre en compte les réclamations au titre de l'article 24 et les plaintes au titre de l'article 26 de la Constitution, ainsi que les plaintes devant le Comité de la liberté syndicale. Les membres travailleurs appuient les considérations de la commission d'experts sur l'importance du tripartisme pour la promotion et l'application des normes, tant au niveau national qu'international. Le BIT a largement contribué par ses activités de promotion et de formation à mieux faire connaître les normes et le système de contrôle: le Manuel sur les procédures en matière de conventions et recommandations internationales du travail et le recours à l'Internet doivent être mentionnés dans ce cadre. Certaines conventions et certaines procédures restent toutefois mieux connues que d'autres. Par exemple, il est peu fait recours à la possibilité de faire des commentaires sur les rapports au titre de l'article 19 en vue des études d'ensemble ou des études spéciales. Les publications du BIT devraient mieux faire apparaître les relations entre les différentes procédures, et la commission d'experts pourrait publier dans son rapport un aperçu synthétique du cycle des études d'ensemble et des rapports spéciaux prévus: cela pourrait favoriser un nouvel équilibre entre les commentaires dans le cadre de l'article 19 et de l'article 22 et les réclamations, dans la perspective de l'examen de la question d'une éventuelle révision de la procédure des réclamations.

44. Les membres travailleurs ont souligné que la mention des cas de progrès illustre bien l'incidence directe de l'OIT et de son système de contrôle sur la vie quotidienne des travailleurs, même si les adaptations requises par les commentaires sont bien souvent trop lentes à venir. Le système de contrôle devrait pouvoir obtenir des résultats plus rapides. Les propositions des membres travailleurs pour que le système soit renforcé par une collaboration plus étroite de l'OIT avec l'OMC, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international s'inscrivent dans ce contexte.

45. Les membres employeurs ont déclaré que les statistiques de la commission d'experts concernant le respect, par les Etats Membres, de leurs obligations de faire rapport offrent un tableau très diversifié. Il est inacceptable que plus d'un tiers des rapports ne parviennent pas avant la fin de la session de la commission d'experts. De plus, la Commission de la Conférence a eu l'occasion de constater que de nombreux gouvernements ont tendance à s'en tenir à une simple déclaration formelle. Certains soumettent leurs rapports entre la fin de la commission d'experts et le début de la Conférence. Cette pratique, si elle devait se généraliser, serait inacceptable puisqu'elle compromettrait le fonctionnement du système de contrôle. Par le passé, les membres employeurs ont suggéré que les pays en question soient désignés nommément afin que la répétition systématique de cette pratique ne passe pas inaperçue. Ils ont donc demandé au secrétariat de préciser s'il existe des raisons sérieuses de ne pas mettre en œuvre cette proposition.

46. A l'instar de la commission d'experts, les membres employeurs ont exprimé leur satisfaction quant aux progrès accomplis dans l'application des conventions ratifiées. Dans la mesure où les rapports constituent un élément indispensable du système de contrôle, il est satisfaisant de constater l'augmentation du nombre total de rapports fournissant des informations sur l'application des conventions ratifiées.

47. Les membres employeurs ont noté que le rapport de la commission d'experts signale l'augmentation du nombre de réclamations présentées en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT. Cette procédure, qui était jusque-là considérée comme extraordinaire, est désormais devenue banale, entraînant un accroissement de la charge de travail. Les membres employeurs se demandent si cette évolution exprime implicitement des critiques ou des soupçons à l'égard des mécanismes habituels de contrôle, y compris de la présente commission. Ces situations devraient normalement être évoquées dans le cadre des procédures ordinaires par lesquelles les organisations d'employeurs et de travailleurs peuvent formuler leurs observations. Au besoin, elles pourraient être évoquées devant l'assemblée plénière de la Conférence, qui est l'organe suprême de l'Organisation. A cette augmentation du nombre de réclamations en vertu de l'article 24 s'ajoute l'afflux de cas dont le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration continue d'être saisi et qu'il y aurait sans doute lieu d'endiguer; pour cette raison, les membres employeurs accueillent favorablement l'examen prochain, par le Comité des questions juridiques et des normes internationales du travail du Conseil d'administration, d'une révision éventuelle de la procédure prévue par l'article 24.

48. En réponse aux inquiétudes manifestées et aux demandes des membres travailleurs et employeurs, le représentant du Secrétaire général a indiqué qu'il existe des statistiques au sujet des gouvernements qui envoient leurs rapports seulement après la session de la commission d'experts, et qu'elles seront communiquées au bureau de la commission. Une première analyse de ces données ne permet toutefois pas de conclure que cette pratique résulte d'une attitude systématique de certains Etats Membres, ni qu'elle vise particulièrement certaines conventions. Le secrétariat reste bien entendu à l'entière disposition de la commission pour lui apporter toutes les informations qu'elle peut souhaiter afin d'assurer la transparence de ses travaux. En outre, depuis la publication des dernières informations, 72 rapports ont été reçus, ce qui porte à 73,4 pour cent le pourcentage des rapports reçus. Il convient également de souligner que 553 rapports ont été reçus à la date demandée, soit le nombre le plus élevé de toute l'histoire de la commission d'experts. Cela explique notamment le volume du rapport de la commission d'experts. Dans ce contexte, il a relevé que, suite à la décision du Conseil d'administration, en novembre 1993, d'avancer la date de la publication, il n'y a plus eu de plaintes que le rapport de la commission d'experts aurait été reçu en retard ou n'aurait pas été reçu. D'un autre côté, si la tendance à la baisse dans l'envoi des rapports continuait, le Conseil d'administration pourrait souhaiter envisager de revenir aux cycles de demande de rapports antérieurs.

49. Le membre gouvernemental de l'Islande (s'exprimant au nom des pays nordiques) a convenu qu'il faut faire un usage circonspect de la procédure de réclamation prévue par l'article 24 de la Constitution et s'est déclaré favorable à la discussion de cet article par le Conseil d'administration. En même temps, il a accueilli favorablement la procédure spéciale de l'article 19 de la Constitution appliquée pour la première fois cette année en ce qui concerne les conventions sur le travail forcé.

50. Le membre gouvernemental de l'Italie a déclaré que l'efficacité du contrôle en matière de normes internationales du travail, même en l'absence de sanctions, tenait à la contribution des organisations d'employeurs et de travailleurs. Le membre gouvernemental de la Belgique a souligné que la préparation des rapports pour le BIT et la consultation des partenaires sociaux qu'elle implique dans son pays pourraient constituer un instrument valable de la politique du travail. Le membre travailleur de l'Islande (s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques) a déclaré qu'eux également ont l'expérience que la consultation tripartite améliore la qualité des rapports.

Coopération technique dans le domaine des normes

51. Les membres travailleurs ont indiqué que les activités de coopération technique du BIT visant à une meilleure application des normes doivent être soutenues. Les organisations nationales et internationales de travailleurs contribuent pour leur part, en collaboration avec le BIT, à la promotion d'une meilleure connaissance des normes et des procédures. Il est particulièrement regrettable à cet égard que huit des 14 postes de spécialistes des normes dans les équipes multidisciplinaires (EMD) ne soient pas pourvus. Les membres travailleurs ont toujours soutenu la mise en place de ces équipes et ils insistent pour que ces postes soient pourvus d'urgence. Par ailleurs, la collaboration avec d'autres organisations et institutions internationales devrait avoir pour objectif de renforcer la complémentarité et l'interdépendance des différents instruments internationaux en matière de droits de l'homme. Les membres travailleurs sont également convaincus du rôle que joue la coopération technique pour promouvoir la ratification et l'application des normes, et pour renforcer le système de contrôle, notamment par l'amélioration du respect de l'obligation de faire rapport.

52. En ce qui concerne l'assistance technique du BIT dans la diffusion et l'application des normes, les membres employeurs ont rendu hommage au travail du BIT et de ses équipes multidisciplinaires, notamment pour la tenue de séminaires et la présence de plus en plus marquée de l'OIT sur l'Internet. Dans le monde moderne, qui est celui de la communication, tout doit être mis en œuvre pour faire mieux connaître la tâche accomplie par l'OIT. Les membres employeurs se réjouissent de la participation des organisations d'employeurs et de travailleurs à cette tâche. Ils relèvent également avec satisfaction le doublement du nombre de ratifications de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, depuis 1982.

53. Plusieurs membres gouvernementaux (Arabie saoudite, Bangladesh, Chine, République dominicaine, Géorgie, Japon, Koweït, Roumanie, Slovaquie) ont rappelé les avantages qu'apporte l'assistance technique fournie par le Bureau, notamment en matière de normes internationales du travail. Le membre gouvernemental du Kenya a estimé que le BIT devrait examiner la nature des difficultés rencontrées par les gouvernements pour respecter leur obligation d'envoyer les rapports, ces difficultés résultant souvent d'un manque de personnel; et des séminaires de formation, des bourses d'étude et les services fournis par les spécialistes des EMD sont essentiels. Le membre gouvernemental de Cuba a indiqué que son gouvernement avait reçu une aide précieuse du spécialiste des normes au sein de l'EMD de San José; et les membres gouvernementaux de l'Islande (s'exprimant au nom des membres gouvernementaux des pays nordiques) et de l'Egypte ont espéré que le Directeur général donnerait la priorité à l'augmentation du nombre des spécialistes des normes dans les équipes. Les membres gouvernementaux de la Belgique, de l'Inde et de l'Italie ont souligné qu'il était nécessaire d'allouer des ressources adéquates à la coopération technique.

54. Le membre travailleur des Pays-Bas a déclaré qu'il n'était pas convaincu que l'obligation de faire rapport faisait peser sur les gouvernements une charge administrative tellement lourde et il a noté que certains Etats qui s'acquittent mal de leur obligation de faire rapport n'ont jamais demandé l'assistance du BIT; à son avis, la difficulté réelle réside dans l'absence de volonté politique. Il se demande quel serait le résultat si une obligation d'envoyer annuellement un rapport était imposée aux Etats n'ayant pas ratifié les conventions dans le cadre du mécanisme de suivi d'une déclaration qui pourrait être adoptée par la Conférence cette année, dans la mesure où les Etats qui les ont ratifiées n'envoient que 62,8 pour cent des rapports dus. Le BIT devrait peut-être dépenser autant d'énergie dans une campagne pour le respect des obligations en matière de rapports qu'il en a dépensée pour la campagne de ratification des conventions fondamentales.

55. Le représentant du Secrétaire général a informé la commission que le poste de l'équipe de Beyrouth a été pourvu au 1er avril dernier, celui de Moscou le sera le 1er juillet et celui d'Harare le 15 août prochain; l'équipe de Manille disposera d'un spécialiste recruté à titre temporaire à compter du 1er juillet pour une durée de huit mois. En ce qui concerne les postes dans les équipes de Budapest, Le Caire et Yaoundé, il a rappelé que la désignation d'un spécialiste des normes n'y est pas prévue par le budget en cours d'exécution. Il faut espérer qu'il pourra y être remédié par le prochain budget, dont l'examen débutera lors de la session du Conseil d'administration de novembre prochain.

56. Le membre gouvernemental s'est référé au tableau en matière de soumission figurant dans le rapport de la commission d'experts et a signalé que le Liban a depuis soumis 25 instruments.

Soumission aux autorités compétentes

57. Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils partageaient les préoccupations de la commission d'experts quant aux problèmes qui persistent dans de nombreux pays en matière de soumission aux autorités compétentes des instruments adoptés par la Conférence internationale du Travail, conformément à l'article 19 de la Constitution. Ils allaient demander aux organisations de travailleurs des dix pays qui n'ont pas soumis les instruments depuis au moins les sept dernières sessions de la Conférence d'interroger leur gouvernement à ce sujet.

Sanctions en droit national

58. Sur la question des sanctions efficaces en droit national, les membres travailleurs ont noté que la commission d'experts avait pris note des discussions intervenues à la Commission de la Conférence et avait placé son analyse dans le contexte plus large de l'obligation constitutionnelle de prendre les mesures nécessaires pour rendre effectives les dispositions d'une convention ratifiée. La Commission de la Conférence a toujours insisté pour que les conventions reçoivent une application effective dans la pratique, même si les modalités peuvent varier selon les pays. Les conseils, la formation, l'inspection du travail, les poursuites civiles ou pénales font partie de ces modalités. Il va de soi que la collaboration des organisations d'employeurs et de travailleurs ne peut que renforcer l'efficacité de ces mesures. Certaines conventions contiennent des dispositions expresses pour garantir le respect des règles de fond et, lorsque des sanctions sont envisagées, comme dans le cas du travail forcé, elles doivent être efficaces et crédibles. Cela suppose que les sanctions pécuniaires soient ajustées en fonction de l'inflation. Les membres travailleurs en appellent aux gouvernements afin qu'ils évaluent et adaptent s'il y a lieu leurs systèmes de sanctions, car la simple existence de telles sanctions peut avoir un effet dissuasif et préventif. L'appel de la commission d'experts pour un suivi systématique au niveau national et la communication d'informations précises à cet égard doit être appuyé. Le dialogue devrait se poursuivre afin de rechercher les moyens les plus appropriés permettant d'instaurer un suivi réellement systématique de l'application. Les considérations de la commission d'experts au paragraphe 186 de son rapport fournissent un bon point de départ.

59. Les membres employeurs ont noté avec un intérêt tout particulier que, suite aux commentaires qu'ils avaient formulés l'année dernière, la commission d'experts s'était, pour la première fois, exprimée sur ce sujet d'une manière différente. L'article 19.5 d) de la Constitution de l'OIT prévoit l'obligation pour les Etats Membres de prendre les «mesures nécessaires pour rendre effectives les dispositions» d'une convention ratifiée, mais n'exige pas l'adoption de mesures ou de sanctions particulières. La commission d'experts a d'ailleurs relevé les diverses modalités selon lesquelles les gouvernements remplissent leurs obligations au regard des conventions ratifiées et établissent des sanctions en cas de violation des dispositions de ces conventions. Les membres employeurs insistent depuis de nombreuses années sur la diversité de ces mesures, et cette position n'a pas fait l'objet de critiques de la part de la commission d'experts. En fait, la commission reconnaît désormais qu'il appartient aux Etats Membres de déterminer les mesures à prendre pour assurer le respect des conventions. Lorsque les conventions contiennent des dispositions prévoyant expressément des sanctions, il y a lieu d'exercer un contrôle sur l'application de ces dispositions. Toutefois, seules certaines conventions comportent de telles dispositions.

60. A cet égard, les membres employeurs estiment qu'il est d'ailleurs légitime que la commission d'experts déclare que, lorsque des pays prévoient des peines pécuniaires, celles-ci devraient être d'un montant approprié et être adaptées pour tenir compte de l'inflation. La commission d'experts a invité les gouvernements à considérer l'adoption de mesures supplémentaires en vue d'assurer l'application des conventions. Il s'agit seulement d'une demande et non d'une exigence. Elle a également demandé aux gouvernements de fournir des rapports sur les mesures prises à cet effet. Les membres employeurs ne s'opposent pas à l'appel lancé par la commission d'experts encourageant les gouvernements à considérer l'adoption de sanctions lorsque celles-ci ne sont pas expressément prévues par une convention. La commission d'experts ne requiert toutefois plus l'adoption de sanctions dissuasives et, en particulier, de sanctions pénales en vue de l'application des conventions dans tous les cas. Cette nouvelle approche résulte du dialogue réussi entre les deux organes indépendants du système de contrôle, à savoir la commission d'experts et la Commission de la Conférence. Les membres employeurs attendent avec intérêt de poursuivre les travaux de la présente commission, dans un esprit de dialogue, pour aboutir à des résultats positifs.

61. Le membre gouvernemental de l'Allemagne a déclaré qu'il continuait à penser qu'il n'y avait pas lieu de prévoir des sanctions pénales. Il a noté que la commission d'experts n'a évoqué toutefois les sanctions pénales que comme l'une des modalités possibles pour assurer le respect effectif des conventions. Un membre travailleur de l'Allemagne a déclaré qu'un dialogue doit avoir lieu sur cette question plutôt que de tirer des conclusions hâtives; les travailleurs restent particulièrement attentifs à l'application des normes dans la pratique, tout spécialement de celles sur les droits fondamentaux. La commission d'experts devrait continuer à exiger les sanctions qui sont nécessaires pour donner effet aux conventions dans la pratique.

Zones franches d'exportation

62. Les membres travailleurs ont déclaré que la commission d'experts doit être encouragée à suivre de près l'application des conventions dans les zones franches d'exportation, dont il faut souhaiter fermement qu'elle soit réellement renforcée par le programme spécial d'action. Plusieurs organisations syndicales ont fait part de leurs craintes concernant le respect dans les nouvelles zones des normes relatives notamment aux droits syndicaux, à la protection de la maternité, à l'égalité de traitement ou à l'inspection du travail. Certaines ont fait des propositions concrètes pour le respect de ces normes, mais elles n'ont pas été suivies par les gouvernements, du fait de la pression des investisseurs internationaux. Les conditions de travail dans ces zones s'apparentent parfois au travail forcé et elles peuvent couvrir de très vastes territoires, comme il semble que cela soit le cas au Panama et au Honduras.

63. Les membres employeurs ont noté que la commission d'experts n'avait pas fait état d'éléments nouveaux. Un programme d'action spécial sur le travail et les questions sociales dans les zones franches d'exportation est en cours et il faudra attendre d'en connaître les résultats.

64. Le membre gouvernemental de la République dominicaine a souligné que les zones spéciales pourraient créer des emplois pour de nombreux travailleurs, comme dans son pays où la législation du travail est applicable et appliquée. Le membre travailleur du Zimbabwe a toutefois déclaré que dans son pays de telles zones spéciales sont explicitement exclues des lois nationales du travail. Le membre travailleur du Costa Rica a relevé que dans ces zones les conditions de travail sont déplorables et les journées de travail excessives; les salaires minima ne sont pas respectés et les travailleurs ne bénéficient ni de la sécurité sociale, ni d'autres prestations prévues par la législation: parfois les entreprises sont délocalisées d'une zone spéciale à une autre, sans que les travailleurs en soient prévenus et sans qu'ils bénéficient d'une quelconque protection, de sorte que la promotion de zones franches d'exportation favorise la promotion de la misère.

65. La question des droits syndicaux dans les zones franches d'exportation est abordée ci-dessous en relation avec le cinquantième anniversaire de la convention no 87.

Aspects régionaux

66. Le membre gouvernemental de la Belgique a déclaré que la supériorité des normes de l'OIT non seulement en droit interne, mais également sur des normes internationales régionales, devait être reconnue, et le droit international du commerce ne devrait pas leur porter atteinte. Le membre gouvernemental de l'Islande (s'exprimant au nom des pays nordiques) a rappelé les effets complémentaires des accords internationaux et régionaux: alors que certaines dispositions de la Charte sociale européenne de 1961 sont fondées sur des conventions de l'OIT, la Charte a de son côté influencé la teneur d'instruments de l'OIT. Les pays nordiques attachent une grande importance à l'analogie d'interprétation des dispositions analogues de ces textes, de même qu'à la participation d'experts de l'OIT aux activités de contrôle régional; et certains thèmes développés dans la version révisée de la Charte concernant la dignité au travail et la protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale méritent d'être discutés à l'OIT. Le membre gouvernemental de la Slovaquie a relevé que son pays avait récemment ratifié la Charte sociale et certains de ses protocoles.

67. Un membre travailleur de l'Allemagne a exprimé l'espoir que la participation de l'OIT au contrôle de la Charte sociale européenne serait intensifiée, notamment lorsque la nouvelle procédure de réclamation entrera en vigueur. Un autre membre travailleur de l'Allemagne a souligné les expériences positives résultant dans de nombreux pays membres de l'Union européenne de la consultation systématique des partenaires sociaux au sujet des questions sociales, économiques et de travail. Le membre travailleur des Pays-Bas a souhaité que l'on porte une attention plus grande aux conventions de l'OIT sur la sécurité et la santé au travail, notamment dans les Etats membres de l'Union européenne.

Cinquantième anniversaire de la convention (no 87)

sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948

68. Les membres travailleurs comme la commission d'experts ont déclaré qu'ils accordaient une attention particulière au cinquantième anniversaire de la convention no 87 et de la Déclaration universelle des droits de l'homme. En concluant en 1994 son examen de l'étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, la Commission de la Conférence avait lancé un appel solennel à la ratification de cette convention fondamentale «dont les principes sont au cœur même du mandat de l'OIT et dont le respect constitue une condition indispensable à la défense des intérêts des travailleurs et des employeurs partout dans le monde, particulièrement dans un contexte international caractérisé par de très rapides changements et la mondialisation accélérée de l'économie». Tout comme en 1948, de nouveaux défis appellent l'application effective et universelle de la convention et des principes de la liberté syndicale, et c'est dans ce contexte que doivent s'inscrire les appels à la ratification universelle et au renforcement des mécanismes de contrôle. C'est à juste titre que la commission d'experts évoque dans son rapport la mondialisation de l'économie et les changements politiques et sociaux intervenus depuis l'adoption de la convention. La portée universelle de ces normes et principes s'en trouve confirmée, comme en témoigne le fait que les valeurs de démocratie et de participation qu'elle consacre aient inspiré et motivé des millions de travailleurs pour combattre les dictatures qui bafouent les droits élémentaires dans toutes les régions du monde. Les évolutions et perspectives à cet égard peuvent être envisagées principalement sous cinq aspects.

69. Le premier aspect auquel les membres travailleurs veulent se référer est celui du nombre des ratifications, qui est passé de 109 à 122 depuis la dernière étude d'ensemble. Il reste que 52 Etats Membres ne l'ont pas ratifiée, dont certains pays parmi les plus peuplés et les plus puissants tels que le Brésil, la Chine, les Etats-Unis et l'Inde. Ces pays à eux seuls comptent plus de la moitié des travailleurs et des employeurs du monde. En outre, parmi les pays qui n'ont pas ratifié la convention, 37 sont Membres de l'OIT depuis plus de vingt ans. Pourtant, lors de la discussion de l'étude d'ensemble de 1994, la plupart des gouvernements s'étaient accordés à considérer qu'elle comportait des indications utiles sur les moyens de lever les obstacles à la ratification. Il convient donc d'insister pour que tous les pays répondent positivement à l'appel du Directeur général et de la Commission de la Conférence en vue de la ratification de la convention.

70. Le deuxième aspect relevé par les membres travailleurs est celui des progrès obtenus dans la législation et la pratique depuis l'institution du Comité de la liberté syndicale. La possibilité d'avoir accès au comité, même lorsque la convention n'a pas été ratifiée, la fermeté de sa jurisprudence, sa composition tripartite qui a permis d'écarter les jeux diplomatiques qui prévalent trop souvent dans d'autres enceintes, et sa complémentarité avec les autres organes de contrôle, ont largement contribué à ces progrès. L'extension du droit syndical à des catégories de travailleurs telles que les fonctionnaires, les enseignants, les infirmiers ou les travailleurs migrants tient également pour une bonne part à l'application rigoureuse des principes de la liberté syndicale par les organes de contrôle. Il en va de même pour la levée du monopole syndical imposé par la loi, pour la levée des restrictions au droit des organisations d'élaborer leurs statuts et leurs programmes, d'organiser l'élection de leurs dirigeants ou de s'affilier à des fédérations nationales et internationales.

71. Le troisième aspect mentionné par les membres travailleurs concerne les graves problèmes qui persistent malgré ces avancées considérables. Les recommandations et conclusions du Comité de la liberté syndicale comme les rapports de la commission d'experts et de la présente commission en donnent la mesure. Seul le maintien d'une position ferme et constante peut à terme contribuer à enregistrer des cas de progrès. Certains gouvernements invoquent les circonstances économiques ou culturelles propres à leur pays ou prétendent que l'interprétation des organes de contrôle est erronée. Ces derniers doivent certes tenir compte des faits et circonstances de chaque cas, mais sans pour autant réviser des positions de principe établies de longue date.

72. Sur le quatrième aspect, celui du droit de grève, le Comité de la liberté syndicale et la commission d'experts s'accordent depuis de nombreuses années pour considérer qu'il est un corollaire indispensable du droit d'organisation syndicale. Dès 1952, le Comité de la liberté syndicale a déclaré que la grève est un moyen légitime et essentiel de promotion et de défense des intérêts des travailleurs. Lors de la conclusion de l'examen de l'étude d'ensemble de 1994, les membres travailleurs et la très grande majorité des gouvernements ont appuyé cette étude dans sa totalité, tandis que les membres employeurs ont indiqué qu'ils adhéraient à la plupart des vues de la commission d'experts. La Commission de la Conférence devrait également continuer de jouer son rôle complémentaire sur cette question.

73. Enfin, les membres travailleurs sont convaincus qu'il convient d'envisager la signification de liberté syndicale dans le contexte de la mondialisation, comme cela a été fait dans le rapport du BIT sur Le travail dans le monde, 1997-98: Relations professionnelles, démocratie et cohésion sociale. La mondialisation se caractérise par son impact sur les politiques et les équilibres économiques et sociaux, par les changements technologiques et structurels qu'elle accélère, par les positions concurrentielles qu'elle modifie, mais les entraves à la liberté syndicale tiennent plutôt au souci d'obtenir un avantage concurrentiel, comme l'illustre le cas des zones franches d'exportation. Les syndicats, qui sont irremplaçables dans leur rôle, démontrent pour leur part leur capacité d'adaptation. Leur triple fonction, économique de contribution à la répartition des fruits de la croissance, démocratique de participation des travailleurs, et sociale de facteur de stabilité, de lutte contre l'exclusion et pour l'intégration, peut être constatée dans un environnement de plus en plus globalisé. Les organisations syndicales devraient en prendre acte pour mieux s'organiser au niveau international. Les accords conclus au niveau de l'Union européenne sur le congé parental, le travail à temps partiel et les accords pour la mise en œuvre et l'installation des comités d'entreprise européens et internationaux montrent la voie à cet égard. D'autres régions dans le monde, impliquées dans un processus d'intégration régionale, pourraient prendre des initiatives similaires pour promouvoir la liberté syndicale et la négociation collective au niveau supranational.

74. Les membres travailleurs ont estimé que la liberté syndicale ne relève pas seulement du droit du travail; elle sous-tend la démocratie qui, elle seule, lui permet de se développer. Elle relève des droits fondamentaux de l'homme consacrés par la Déclaration universelle. Il ne suffit pas seulement de tolérer les organisations syndicales: les pouvoirs publics doivent créer les conditions qui permettent le développement de leurs activités. Les Etats peuvent faire appel à la coopération technique du BIT pour identifier et résoudre les problèmes, mais la condition préalable est qu'ils aient la volonté politique de promouvoir la liberté syndicale.

75. De l'avis des membres employeurs, l'hommage assez bref contenu dans le rapport de la commission d'experts à l'occasion du cinquantième anniversaire de la convention no 87 est incontestablement justifié car, bien que cet instrument soit au cœur de la mission de l'OIT, les problèmes concernant son application ont été régulièrement abordés dans des études d'ensemble. Bien qu'il atteigne le chiffre de 122, le taux de ratification de cette convention fondamentale reste trop faible; en effet, 52 Etats Membres, représentant plus de la moitié des employeurs et des travailleurs dans le monde, ne l'ont pas ratifiée. Les membres employeurs se rallient à l'appel instant de la commission d'experts en faveur de nouvelles ratifications de la convention. Toutefois, la commission d'experts n'a pas examiné l'aspect le plus important de cette situation, à savoir les raisons pour lesquelles tant d'Etats Membres se sont abstenus de ratifier. Si ces raisons pouvaient être mises à jour sans partialité, il serait plus facile de trouver une solution.

76. Les membres employeurs souscrivent pleinement au point de vue selon lequel «la ratification d'une convention ne constitue que la première étape de sa mise en œuvre». L'essentiel du processus est assurément son respect dans la pratique et le respect de ses dispositions qui en découle. C'est là que les statistiques peuvent être trompeuses puisqu'elles ne font pas apparaître non plus les pays qui, sans avoir ratifié la convention no 87, l'appliquent dans son esprit comme dans sa lettre.

77. Quelques-unes des principales causes des progrès accomplis dans ce domaine ces dernières années tiennent à l'extension de la démocratie et de l'état de droit, ainsi qu'à l'évolution économique et sociale qui en est issue. Les membres employeurs y voient autant que la commission d'experts un sujet de satisfaction et considèrent que cette évolution résulte de la liberté conquise par les êtres humains.

78. Comme par le passé, les membres employeurs souscrivent sans réserve aux commentaires de la commission d'experts exprimés au paragraphe 44 du rapport, concernant l'abolition du monopole syndical imposé par la législation. Assurément, de nouveaux progrès ont pu être constatés dans ce domaine, et le principe énoncé par la commission d'experts est exprimé par les termes de la convention. Le monopole syndical imposé par la loi n'est pas compatible avec le libre choix ni avec l'objectif de la convention qui exprime sans ambages le droit, pour les employeurs comme pour les travailleurs, de constituer les organisations de leur choix. Nul ne doute réellement que la convention no 87 s'applique à l'ensemble des travailleurs. Mais force est de concevoir que les difficultés proviennent de la définition de la notion de travailleur, même dans les pays ayant élaboré une législation spécifique du travail voici près de cent-cinquante ans.

79. A ce propos, les membres employeurs ont relevé que la commission d'experts s'est référée une fois de plus au droit de grève, encore que dans des termes plus nuancés que par le passé. Cette fois-ci, la commission d'experts borne ses critiques à des situations où ce droit n'existe pas ou bien à des situations dans lesquelles des conditions trop strictes rendent le recours à ce moyen pratiquement impossible. A cet égard, les membres employeurs considèrent que le droit de recourir à l'action directe -- qui est le droit de grève pour les travailleurs et le droit au lock-out pour les employeurs -- peut éventuellement être reconnu comme faisant partie intégrante du droit international coutumier. Dans ces conditions, une interdiction totale de ce droit ou sa subordination à des conditions excessives doivent être rejetées. La convention no 87 ne comporte pas de dispositions spécifiques concernant le droit de grève. Les membres employeurs tiennent à réitérer leur point de vue, bien connu, à ce sujet de manière plus précise si le besoin s'en fait sentir.

80. Les membres employeurs ont constaté que, dans ses commentaires sur la place de la liberté syndicale dans une économie mondialisée, la commission d'experts donne l'impression que la mondialisation est un aspect négatif. Les membres employeurs ont souligné au contraire que la mondialisation est un facteur social irréversible, au même titre que le progrès des sciences et des techniques. Il vaut mieux accueillir les possibilités incontestables qu'offre ce phénomène en termes d'élargissement du commerce international et de l'amélioration des conditions de production, qui bénéficie à toutes les personnes concernées. Il semble que le rêve d'un monde unifié est réalisable.

81. Les membres gouvernementaux du Canada, de l'Egypte, de l'Islande (s'exprimant au nom des pays nordiques) et du Venezuela ont appelé tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la convention no 87. Les membres gouvernementaux de l'Allemagne, du Honduras, de l'Islande, de l'Italie et du Japon, notamment, ont apporté leur appui aux commentaires de la commission d'experts au sujet du cinquantième anniversaire. Le membre gouvernemental du Honduras a souligné le rôle important que jouent des organisations libres d'employeurs et de travailleurs dans le dialogue social qui fait partie des processus de décision et de développement. Les membres gouvernementaux de Cuba, de l'Islande (s'exprimant au nom des pays nordiques) et de la Namibie ont noté les commentaires au sujet de la mondialisation et de l'application de la convention dans les zones franches d'exportation; en particulier, le membre gouvernemental de la Namibie a admis qu'il pouvait y avoir incompatibilité entre la loi portant modification de la loi sur les zones franches d'exportation, adoptée en 1996, et la convention no 87, mais il a indiqué que son gouvernement comptait remédier à cette situation.

82. Le membre gouvernemental de Cuba a fait observer que la commission d'experts reconnaissait que beaucoup restait à faire en matière de liberté syndicale, par exemple dans la fonction publique, l'agriculture et le secteur maritime. A Cuba, les transformations économiques et l'ouverture aux investissements étrangers ont eu pour conséquence le développement des zones franches d'exportation; toutefois, toutes les entreprises dont le capital est détenu par des étrangers sont soumises à la législation du travail en vigueur, y compris le droit pour les travailleurs de s'affilier à des organisations syndicales; elles doivent également être soumises aux conventions collectives adoptées pour régir les relations de travail dans chaque entreprise. La commission d'experts souligne au paragraphe 48 de son rapport que «le droit des employeurs et des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier n'a jamais été conçu de façon à imposer les choix de l'unicité syndicale ou du pluralisme syndical». L'imposition d'un monopole syndical est aussi nocif pour la liberté syndicale que l'imposition, par la législation, du pluralisme syndical; il existe cependant une tendance à considérer le pluralisme syndical comme le seul critère valable de la liberté syndicale. La tradition de l'unicité syndicale ne devrait pas être ignorée, ni les cas dans lesquels les organisations elles-mêmes ont opté pour un système unitaire sans que la législation ne le leur impose et un système de relations professionnelles qui facilite et encourage une véritable participation des représentants des employeurs et travailleurs.

83. Plusieurs membres travailleurs (Colombie, Finlande (s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques), Grèce, Guatemala, Italie, Paraguay, Sénégal, Swaziland) ont fait référence aux excès commis contre des syndicalistes dans de nombreux pays en violation de la convention no 87, sous forme d'assassinats, arrestations, licenciements ou amendes; la création d'«associations solidaristes» (mouvement non syndical, soutenu par les employeurs) et différentes restrictions aux activités syndicales, auxquels la Confédération internationale des syndicats libres et les organes de contrôle de l'OIT font référence, documents à l'appui. Les membres travailleurs de l'Allemagne et du Pakistan ont souligné qu'il était nécessaire de lever les restrictions au droit de grève. Le membre travailleur du Brésil a rappelé que le monopole syndical imposé par la législation est contraire à la convention. Certains membres travailleurs (Allemagne, Italie, Jordanie) ont estimé que la mise en vigueur de la convention se détériore avec la mondialisation de l'économie, et le membre travailleur du Ghana a mentionné en outre la pression exercée par les institutions de Bretton Woods. Les restrictions aux activités syndicales dans les zones franches d'exportation, mentionnées par les membres travailleurs du Costa Rica, du Ghana, du Paraguay, de l'Uruguay et du Zimbabwe, sont encore renforcées par les pressions exercées par la mondialisation; il est nécessaire d'y assurer également la négociation collective volontaire conformément à la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

84. Plusieurs membres travailleurs (République islamique d'Iran, Japon, Jordanie, Pakistan) se sont fait l'écho de l'appel lancé par le vice-président travailleur en faveur d'autres ratifications de la convention no 87. Un membre travailleur de l'Allemagne a rappelé l'influence considérable du travail de l'OIT dans le domaine de la liberté syndicale dans des cas tels que ceux de la Pologne, de l'Afrique du Sud et maintenant celui de l'Indonésie, et a exprimé l'espoir qu'il en sera ainsi également dans d'autres cas. Le membre travailleur de la Finlande (s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques) a relevé qu'un cinquième du rapport de la commission d'experts a trait à la liberté syndicale, et il considère qu'il est du devoir de l'OIT de promouvoir la ratification de la convention.

85. Le membre travailleur des Pays-Bas a noté que plusieurs orateurs avaient regretté que des contraintes de temps n'aient pas permis à la commission de consacrer une séance spéciale à la célébration du cinquantième anniversaire de la convention no 87. Il a fait observer que la prochaine session de la Conférence coïncidera avec le cinquantième anniversaire de la convention no 98; et il espère en conséquence que la commission commémorera cet anniversaire de manière appropriée.

86. Le membre employeur des Etats-Unis a souligné l'accroissement remarquable des activités et des pouvoirs des organisations syndicales: elles ont obtenu voix au chapitre pour s'exprimer sur les questions relatives au travail, aux investissements, au commerce, à la fiscalité et à d'autres politiques publiques ayant un impact aux niveaux national et international, et elles sont parvenues à exercer une influence sur ces questions. Les syndicats ont engagé des actions au niveau international pour soutenir leurs positions. De plus, leurs nombreuses contributions sont reconnues. En vue de codifier leurs approches aux niveau national, multinational et international, les syndicats devraient suivre des codes de conduite et d'éthique universellement reconnus.

87. Le membre employeur de l'Inde, se référant aux commentaires de la commission d'experts sur la question des grèves, a considéré que les droits des citoyens sont souvent mis à mal en cas de grève dans les services essentiels, et que les gouvernements devraient intervenir pour soumettre le conflit à l'arbitrage ou pour interdire la grève: les droits fondamentaux des citoyens ne sauraient passer après les droits des travailleurs; le droit de grève devrait donc être limité et on ne devrait pas permettre qu'il s'exerce sans frein; on devrait donc pouvoir fixer certaines limites légales au droit de grève des travailleurs. Il conviendrait en conséquence de procéder à un examen des conventions nos 87 et 98 pour introduire une certaine souplesse afin que les gouvernements puissent préserver les intérêts des citoyens en général. Le membre employeur du Lesotho a souligné que la liberté syndicale et le droit d'organisation constituent une arme fondamentale pour les travailleurs ainsi que pour les employeurs dans le monde entier: c'est grâce à la convention no 87 que les travailleurs et les employeurs, à travers leurs représentants, s'expriment d'une seule voix.

88. Les membres travailleurs ont relevé, pour s'en féliciter, que la grande majorité des intervenants ainsi que les membres employeurs avaient souligné l'importance qu'ils attachent au cinquantième anniversaire de la convention no 87. Certains ont illustré le caractère fondamental de la convention par des exemples: le membre gouvernemental des Pays-Bas s'est référé à la libération et à la présence à la Conférence du président du Serikat Burhut Sejahtera Indonesia (SBSI), Muchtar Pakpahan. Des membres gouvernementaux de pays n'ayant pas encore ratifié la convention, ont fait part de l'attitude positive de leur gouvernement, même lorsque certains problèmes ne permettent pas une ratification à brève échéance. Concrétiser les promesses de ratification serait la meilleure façon de célébrer cet anniversaire. Car il n'en demeure pas moins que les violations des droits syndicaux persistent, comme en ont témoigné, entre autres, les membres travailleurs de la Colombie, du Costa Rica, du Guatemala, du Paraguay et du Swaziland. La ratification est une étape, mais ce qui compte finalement, c'est l'application.

Mesures concernant l'élimination du travail forcé:

Rapports spéciaux sur la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930,

et sur la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957,

présentés par les pays n'ayant pas ratifié ces instruments89.

89. Les membres travailleurs ont relevé que les rapports spéciaux visent à promouvoir la ratification et l'application des conventions fondamentales en identifiant les obstacles, les perspectives, les difficultés suscitées par la non-ratification ou les faits récents tels que, en l'espèce, le travail pénitentiaire dans les prisons gérées par le secteur privé. La relation entre ces rapports spéciaux et le mécanisme de suivi de l'éventuelle déclaration de principes devra être clarifiée. Les conventions nos 29 et 105 figurent certes parmi les instruments les mieux ratifiés. Elles n'en devraient pas moins être ratifiées universellement, car il n'y a pas de place dans un monde globalisé pour les formes anciennes ou nouvelles d'esclavage. Plusieurs grands pays comme la Chine, le Canada et les Etats-Unis n'ont toujours pas ratifié la convention no 29; la Chine n'a pas ratifié la convention no 105. Il faut insister pour que ces pays et d'autres ratifient et appliquent ces conventions, quels que soient les changements que cela impose dans les législations et les mentalités.

90. Les membres travailleurs ont déclaré que la commission d'experts mettait en garde contre des programmes de mise au travail des chômeurs ou d'activation des allocations de chômage dans des conditions qui relèvent de fait du travail forcé. Elle a rappelé clairement que le travail forcé ou obligatoire ne peut être un outil de développement. Elle a pris également clairement position sur des approches culturelles ou politiques qui prétendraient justifier une interprétation relative des droits fondamentaux. La Malaisie ou Singapour ne peuvent imposer de travail forcé aux opposants au régime. Le travail pénitentiaire dans les prisons gérées par des entreprises privées, ou le travail pour le secteur privé dans les prisons publiques, pose de plus en plus de problèmes, en termes de droits fondamentaux mais aussi en termes de concurrence déloyale, y compris à l'égard des ateliers protégés pour l'emploi des personnes handicapées. La position exprimée à cet égard par la commission d'experts semble trop prudente, car ce sont des mesures énergiques qui doivent être prises sans délai pour rapprocher les conditions de travail des prisonniers travaillant directement ou indirectement pour le secteur privé de celles des travailleurs en général.

91. Les membres employeurs ont noté que si les conventions nos 29 et 105 sont parmi les plus largement ratifiées, le nombre de pays ne les ayant toujours pas ratifiées reste un sujet de préoccupation. La commission d'experts a déclaré que peu d'informations ont été communiquées à cet égard par les organisations d'employeurs et de travailleurs et elle les a incitées à jouer à l'avenir un rôle plus actif. Or, dans les pays où ces conventions fondamentales n'ont toujours pas été ratifiées, les organisations d'employeurs et de travailleurs ont souvent peu d'influence. De plus, il n'est pas surprenant non plus que les gouvernements des pays n'ayant toujours pas ratifié ces instruments ne soient pas en mesure de fournir beaucoup de précisions sur les obstacles s'opposant à la ratification.

92. Les membres employeurs ont fait observer que le rapport contenait des informations fournies par les gouvernements sur un certain nombre d'obstacles à la ratification ainsi que sur les circonstances pouvant constituer des violations de la convention no 29. C'est ainsi que, par exemple, dans certains pays, il peut être exigé de travailler pour percevoir des indemnités de chômage, ce qui conduit à se demander si, dans un système mixte, l'obligation d'accomplir un travail en échange d'indemnités peut constituer un travail forcé. Les dispositions des conventions ont été conçues pour fonder des principes généraux et réglementer les situations les plus caractéristiques, mais non pour couvrir toutes les modalités possibles. Il en résulte que, dans certains cas, il peut être difficile de qualifier des situations de fait de violations. Ce n'est pas le rôle de la commission d'experts d'appliquer ces règles générales à chaque situation particulière car elle risquerait, ce faisant, de créer des normes et non de veiller à leur application. Le système de contrôle n'a pas pour objet l'élaboration de normes.

93. Les membres employeurs ont noté que le travail accompli par des prisonniers dans des établissements pénitentiaires publics pour le compte d'entreprises privées, qui touche à l'application de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention, pourrait être considéré comme conforme à la convention lorsqu'il s'exécute avec le consentement du prisonnier. Dans de telles circonstances, la législation ordinaire du travail doit s'appliquer. Il existe des raisons valables militant en faveur du travail des prisonniers; cependant, le travail en prison n'est concevable que s'il s'agit d'un travail productif s'exerçant dans le contexte du marché. Un tel travail productif ne peut être exécuté qu'avec le concours d'entreprises privées. Il est cependant difficile de convaincre des entreprises privées d'employer de la main-d'œuvre carcérale, en raison des risques élevés et de la faible productivité. Dans ces circonstances, le travail en prison doit être encouragé, car il peut remplir une fonction thérapeutique et contribue à la préservation des qualifications tout en procurant aux détenus un minimum de revenu ou éventuellement le moyen d'indemniser les victimes de leurs infractions.

94. Le membre gouvernemental de l'Arabie saoudite s'est référé à la relation entre le travail forcé et la pauvreté. Le membre gouvernemental de l'Islande (s'exprimant au nom des pays nordiques) a souligné que toutes les sauvegardes mentionnées par la commission d'experts devraient entourer le travail effectué par des prisonniers pour le compte d'employeurs privés. Le membre gouvernemental s'est déclaré profondément préoccupé par le fait que des prisonniers travaillent pour des entreprises privées. Le membre gouvernemental du Portugal a souligné l'importance du consentement formel des prisonniers travaillant dans ces conditions. Le membre gouvernemental du Canada a déclaré que son pays examine attentivement les commentaires de la commission d'experts, également ceux concernant des sujets tels que le travail comme condition d'attribution de prestations, les heures supplémentaires obligatoires. Le membre gouvernemental des Etats-Unis a déclaré qu'un examen juridique tripartite des dispositions de la convention no 29 est actuellement en cours, qui se concentre sur la question de la privatisation des prisons et l'emploi de prisonniers par des employeurs privés: le degré du contrôle exigé des autorités publiques de même que les critères à prendre en compte pour déterminer si un prisonnier a librement donné son consentement ne sont pas encore clairs; toutefois, la volonté politique de ratifier la convention existe et la réalité juridique continuera à être examinée avec l'assistance technique du BIT.

95. Les membres travailleurs de l'Allemagne, de la Grèce, de l'Italie, de la Namibie et des Etats-Unis ont exprimé leur inquiétude à l'égard du travail des prisonniers dans les prisons privées ou exécuté par des prisonniers qui sont mis à la disposition d'entreprises privées. Un membre travailleur de l'Allemagne a déclaré que le sujet est d'une grande actualité dans son pays où la Cour constitutionnelle a récemment eu à connaître de la convention no 29 et des commentaires de la commission d'experts. Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré que dans son pays il apparaît que les exigences, selon lesquelles le travail des prisonniers mis à la disposition d'employeurs privés doit être volontaire et qu'il doit exister des garanties que le travail est exécuté dans des conditions voisines de celles applicables à une relation de travail libre, ne sont pas remplies. Les membres travailleurs de la Grèce et de l'Italie ont relevé que le problème se pose à une époque de mondialisation: ils ne sont pas convaincus qu'il y ait eu progrès dans l'application de la convention no 29 dans ce domaine, des prisonniers sont exploités sans leur consentement, et une concurrence déloyale est créée vis-à-vis d'employeurs et de pays qui respectent les exigences de la convention. Le membre travailleur de la Namibie a souligné que la sécurité et la santé des prisonniers doivent être assurées, ce qui implique l'adoption et le respect de dispositions spécifiques en matière de conditions de travail conformes aux normes de base de l'OIT.

96. Un autre membre travailleur de l'Allemagne a estimé qu'exiger des chômeurs qu'ils accomplissent un travail sous la menace de perdre leurs prestations s'apparente au travail forcé; il a noté également avec regret que deux pays de l'Asie du Sud-Est avaient dénoncé la convention no 105. Le membre travailleur de la République de Corée a demandé que la commission d'experts examine les violations de la convention no 29 qui ont eu lieu principalement pendant la guerre, et notamment les abus sexuels à l'encontre de femmes détenues dans des garnisons militaires appelées «comfort stations»; et il a également exprimé l'espoir que la Commission de la Conférence réexaminerait ce cas et d'autres violations de la convention.

97. Le membre employeur du Lesotho a estimé que le travail de prisonnier est de par sa nature même du travail forcé: dans certains pays, les prisonniers sont obligés de travailler la nuit afin que leur travail échappe au contrôle de l'inspection du travail; la commission d'experts devrait se pencher sérieusement sur cette question.

98. Le membre employeur des Etats-Unis a estimé que la commission d'experts n'a pas réussi à faire la différence entre le travail forcé auquel les rédacteurs de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, avaient pensé en 1930 et les pratiques modernes destinées à faire passer les individus de l'assistance au travail et à permettre aux prisonniers d'acquérir des qualifications professionnelles; l'interprétation de la convention no 29 paraît irréaliste si elle établit l'existence de travail forcé lorsque des criminels qui sont prisonniers, perçoivent un montant minimum d'argent pour un travail obligatoire et utile visant à améliorer leurs possibilités de réinsertion, que ce travail soit exécuté pour le gouvernement ou à d'autres fins commerciales. L'expérience a montré que ces pratiques et cette formation fournissaient les meilleurs résultats à long terme lorsqu'elles étaient apparentées à des «situations» réelles de travail. Par exemple, le travail à l'aide d'ordinateurs ou dans le domaine médical, ou dans le cadre communautaire, contribue à améliorer les qualifications professionnelles et les chances de trouver un emploi lorsqu'une personne sort de prison ou passe de l'assistance sociale au travail. A tous les niveaux, les gouvernements cherchent des moyens pour contrôler les coûts des programmes sociaux. Aux Etats-Unis, la privatisation de la gestion des prisons, la réalisation d'opérations du secteur privé à l'intérieur des prisons font en effet l'objet de divers arrangements. Toutefois, la commission d'experts semble interpréter la convention no 29 comme exigeant un contrôle des autorités publiques sur ces arrangements, en particulier sur les arrangements concernant le travail. Ceci peut créer des difficultés importantes, compte tenu des réalités du monde d'aujourd'hui.

99. Les membres travailleurs ont noté en particulier la déclaration du membre gouvernemental du Canada concernant la ratification éventuelle de la convention no 29. La Commission de la Conférence et la commission d'experts devraient suivre de près la question du travail pénitentiaire (dans les prisons gérées par le secteur privé ou en collaboration avec le secteur privé) car il ne faut pas sous-estimer les risques d'exploitation et de concurrence déloyale à l'égard du secteur privé que comportent ces pratiques. A cet égard, les propos du membre employeur des Etats-Unis peuvent surprendre. Les membres travailleurs ne négligent pas le rôle de la réhabilitation par le travail, mais ils n'ignorent pas non plus les risques de travail forcé. Le traité instituant l'OMC permet aux Etats d'interdire l'importation de produits du travail forcé et les Etats-Unis ont fait usage de cette clause.

Autres questions concernant l'application de certaines conventions

Convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964

100. Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils attachaient une importance particulière aux commentaires de la commission d'experts sur l'application de la convention no 122, tant dans son rapport général que dans ses observations individuelles. Cette année, la commission d'experts rappelle que l'objectif du plein emploi doit être au cœur de l'ensemble des politiques économiques et sociales, et non de la seule politique du marché du travail. L'application effective de ce principe ne va pas de soi pour les pays confrontés aux contraintes de l'ajustement structurel, de l'endettement ou de la transition, ce qui confirme la nécessité d'une coopération internationale accrue et de la prise en compte de la dimension sociale par les organisations financières internationales. Bien que la politique économique des Etats membres de l'Union européenne reste principalement gouvernée par des impératifs monétaires, le traité sur l'Union européenne a été complété par un chapitre consacré à l'emploi, et des principes de politique de l'emploi ont été adoptés par le Conseil européen de Luxembourg en novembre 1997. Pour l'heure, toutefois, les orientations retenues sur la politique économique proposée par la Commission européenne ne semblent pas tenir compte de ces objectifs. Aussi la commission d'experts devrait-elle suivre attentivement les objectifs en matière d'emploi des Etats membres et des autorités monétaires de l'Union européenne.

101. Les membres travailleurs ont déclaré que les conséquences économiques et sociales de la crise que traverse l'Asie doivent également être abordées dans la perspective de la convention no 122 et des autres normes. Le BIT a d'emblée attiré l'attention sur les risques qu'elle présentait pour l'emploi et sur ses conséquences éventuelles en termes d'exclusion sociale et de pauvreté. Les conclusions de la réunion tripartite organisée par le BIT à Bangkok en avril 1998 ont souligné l'importance des principes de base de la convention no 122. Elles ont également rappelé la nécessité dans ce contexte de consultations tripartites, qui supposent que la démocratie progresse dans plusieurs de ces pays. Elles ont encore mis l'accent sur la nécessité d'un filet de protection sociale et du respect des normes fondamentales. Ces conclusions doivent être rapidement mises en œuvre par les gouvernements et les institutions internationales en collaboration avec l'OIT, et la commission d'experts devrait suivre attentivement l'incidence de la crise sur l'application de la convention no 122 et des autres normes.

102. Les membres travailleurs ont fait observer que la commission d'experts a évoqué par ailleurs les effets éventuellement négatifs de certaines mesures de lutte contre le chômage lorsque, par exemple, les jeunes ou les chômeurs de longue durée placés dans des programmes spéciaux voient s'éloigner leurs chances de retrouver un emploi productif sur le marché du travail régulier. Il appartient aux organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi qu'aux gouvernements de veiller à ce que les programmes de formation pour le marché du travail renforcent les possibilités d'intégration. Toutefois, on ne peut que constater que, du fait des restructurations et d'une préoccupation insuffisante pour l'employabilité, de nombreux travailleurs n'auraient aucune chance de retrouver un travail en l'absence de programmes spécifiques d'accompagnement. Les mesures qui découragent certaines catégories de travailleurs de se présenter sur le marché du travail peuvent aussi être en partie réorientées, comme le montre l'exemple du congé parental ouvert aux hommes comme aux femmes, ce qui peut améliorer les possibilités d'emploi des femmes: une première convention collective au niveau européen a été conclue en ce sens entre les partenaires sociaux de l'Union européenne en décembre 1995. Quant aux retraites anticipées, elles sont parfois le moyen d'atténuer les conséquences sociales des restructurations; elles peuvent également être envisagées comme un mode de réduction du temps de travail sur l'ensemble de la carrière. Les membres travailleurs adhèrent pleinement à la position de la commission d'experts selon laquelle le plein emploi, productif et librement choisi est une dimension essentielle de l'intérêt général dont tout gouvernement démocratique est en charge.

103. Les membres employeurs ont déclaré que les commentaires de la commission d'experts, bien que moins développés que l'année passée, n'en demeurent pas moins intéressants. En particulier, la commission d'experts a relevé que «le succès d'une politique de l'emploi conforme à la convention dépend essentiellement de l'adaptation des moyens mis en œuvre à des circonstances en constante évolution». Les membres employeurs en étant pleinement en accord avec cette affirmation, soulignent que la politique de l'emploi, comme d'autres politiques, n'est ni figée ni isolée; elle est au contraire liée à d'autres domaines d'intervention. En fait, l'article 1 de la convention requiert une politique active qui prenne en compte les relations mutuelles entre les objectifs concernant l'emploi et les objectifs économiques et sociaux. En outre, l'article 2 prévoit que cette politique doit être élaborée et révisée dans le cadre d'une politique économique et sociale coordonnée. Les commentaires de la commission d'experts sur la mondialisation demeurent néanmoins trop pessimistes. A cet égard, les membres employeurs soulignent que, dans l'ensemble, le nombre d'emplois ne décroît pas et que l'emploi au niveau mondial augmente. La situation favorable dans laquelle se trouve l'économie mondiale est le résultat de l'accroissement du commerce par- delà les frontières, de la mondialisation des marchés financiers et du dynamisme des investissements internationaux directs, ayant donné l'impulsion nécessaire au développement des économies nationales. Il convient donc de se montrer optimiste quant au développement de la situation de l'emploi. Il est toutefois nécessaire de procéder à des restructurations économiques et sociales. Lorsque les adaptations nécessaires accompagnent la mondialisation, les possibilités de concurrence et d'emploi augmentent. Dans un monde sans frontières, les distinctions entre pays en développement, pays industrialisés et pays en transition vers l'économie de marché ont tendance à s'atténuer. Mais, les pays dans lesquels les coûts, la fiscalité et la bureaucratie sont trop pesants ne réussiront pas. Les sociétés qui défendent des concepts dépassés auront des difficultés à faire face aux nouvelles exigences. A cet égard, les membres employeurs rappellent que l'expérience des économies planifiées a bien montré que les emplois ne pouvaient être créés par la seule adoption de lois établissant le droit au travail. Le seul moyen, pour les entreprises, de créer des emplois est de produire des biens et des services pour lesquels existent des demandes.

104. Les membres employeurs se félicitent de la mise en garde que la commission d'experts formule pour la première fois au sujet du marché «secondaire» du travail. La convention vise explicitement un emploi productif, qui ne peut être obtenu que par le fonctionnement du marché normal du travail. La commission d'experts n'a toutefois pas précisé le lien entre des conditions moins favorables et l'apparition distincte d'un marché «secondaire» du travail. A leur avis, ce dont on veut parler est le manque de qualifications, la détérioration de l'emploi normal et les gaspillages considérables de ressources économiques. Pour les membres employeurs une politique moderne de l'emploi doit avoir pour objectif le maintien et la promotion de la capacité d'emploi des chômeurs en vue de leur insertion dans le marché du travail.

105. Les membres employeurs ont exprimé d'importantes réserves quant aux commentaires formulés par la commission d'experts au sujet des nouveaux emplois dans le secteur des services individuels. Compte tenu de la pénurie d'emplois et des lacunes sur le plan des qualifications chez les chômeurs, il n'est plus possible d'exclure les emplois faiblement qualifiés. De tels emplois existent dans les domaines des services individuels et domestiques, du travail manuel, du commerce et de l'agriculture. Les gisements que ce domaine représente en matière d'emploi doivent être exploités même si les rémunérations y sont faibles en raison du faible niveau de productivité, car il est toujours possible de parer par des systèmes de transfert complémentaires aux difficultés sociales qui peuvent en résulter.

106. Le membre gouvernemental de l'Allemagne a souligné que la convention no 122 a trait au plein l'emploi qui soit également productif et librement choisi. Le membre gouvernemental du Liban a fait observer que, pour atteindre les objectifs de la convention, il faut se préoccuper de garantir un développement économique durable, qui est souvent entravé par de nombreux facteurs, en particulier ceux qui résultent de la mondialisation. Il existe donc un besoin de formation professionnelle à tous les niveaux, création d'emplois, examens périodiques du marché du travail, orientation professionnelle et disponibilité des ressources nécessaires. Le BIT a un rôle à jouer en fournissant l'assistance technique nécessaire. Dans ce contexte, le membre gouvernemental du Portugal a noté que la convention no 122 reflète un droit de l'homme, le droit au travail; la question de la formation et mise en valeur des ressources humaines a été inscrite à l'ordre du jour de la Conférence de l'an 2000 en vue d'un débat général, et la convention no 142 sur la mise en valeur des ressources humaines a été incluse par le Conseil d'administration parmi les conventions à promouvoir en priorité.

107. Le membre travailleur du Brésil a déclaré que le marché du travail dans son pays est un des plus flexibles au monde, et pourtant il existe un chômage, une instabilité et une détérioration sociale importantes comme conséquences de l'ajustement structurel. Le membre travailleur du Pakistan a partagé l'opinion sur les effets néfastes des politiques d'ajustement structurel. L'OIT devrait s'efforcer de réduire leurs effets pour mettre en œuvre le droit fondamental au travail, inscrit dans la convention no 122. Le membre travailleur de la Colombie a considéré que, si des politiques de plein emploi ne sont pas poursuivies, le secteur non structuré, avec tous ses désavantages, ne fera que croître. Le membre travailleur de l'Inde a estimé que la déréglementation prônée dans le cadre de la mondialisation contribue à abaisser les normes sociales sans créer d'emplois; les organes de contrôle ont un rôle important à jouer pour orienter les politiques de l'emploi et l'Organisation devrait apporter une assistance technique. Le membre travailleur de la Chine s'est félicité de la ratification par la Chine de la convention no 122; le chômage est un obstacle aux droits des travailleurs; en Chine, les syndicats dirigent des centaines de centres de placement de travailleurs.

108. Le membre travailleur de l'Allemagne a appelé la commission d'experts, dans le contexte de la mondialisation, à mettre en évidence les aspects internationaux des principes de la convention; la crise en Asie du Sud-Est démontre la nécessité d'appliquer les règles sociales contenues dans les conventions et recommandations de l'OIT; l'expérience au niveau de la Communauté européenne a démontré le rôle positif des partenaires sociaux dans l'élaboration et la mise en œuvre de la politique de l'emploi. Les pays qui ont remporté le plus de succès dans la lutte contre le chômage sont ceux qui ont mis l'accent sur le dialogue social et qui ont adopté des politiques d'emploi coordonnées, avec, par exemple, les politiques fiscales; ils ont également la plus forte composante industrielle de même que des politiques de marché du travail fortes: la commission d'experts devrait continuer à examiner les indicateurs montrant que la convention no 122 est appliquée avec succès et les liens avec d'autres conventions. Le membre travailleur des Pays-Bas a estimé que l'Union européenne pourrait bénéficier du travail effectué par les organes de contrôle de l'OIT dans le domaine de la politique de l'emploi, lorsqu'elle se penche sur ses propres politiques de l'emploi.

109. Le membre employeur de l'Inde a déclaré que le développement social et économique doivent aller de pair: des possibilités de ressources doivent être offertes aux personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, et une plus grande souplesse de la législation du travail donnerait aux employeurs une plus grande marge de manœuvre dans la gestion des ressources et permettrait ainsi de créer des possibilités d'emploi. Le membre employeur de l'Afrique du Sud s'est référé au rôle que peut jouer la convention no 122 pour améliorer les perspectives de développement et de justice sociale pour tous; les politiques d'emploi devraient être liées aux politiques macroéconomiques et ne pas rester confinées à de simples mesures d'intervention sur le marché du travail; l'OIT devrait envisager de prendre des mesures pour collaborer avec le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce.

110. Les membres employeurs ont été d'accord pour considérer qu'il est dangereux de poursuivre les programmes d'emploi destinés aux jeunes pour une période définie, dans la mesure où cela contribue à créer un marché du travail distinct qui a été considéré comme étant artificiel. Ils insistent sur le fait que la création d'emplois dépend de l'identification de produits pour lesquels il existe une demande sur le marché. A cet égard, les gouvernements sont des mauvais partenaires.

111. Les membres travailleurs ont noté que les indications positives avaient été données concernant la convention no 122: le membre gouvernemental de l'Inde a indiqué que la procédure de ratification était en cours, et les membres travailleurs des Pays-Bas et de l'Allemagne avaient souligné la pertinence particulière de cet instrument, y compris pour les pays industrialisés, et notamment au regard des développements récents des politiques de l'emploi des Etats membres de l'Union européenne.

Inspection du travail

112. Les membres travailleurs ont déclaré que les observations de la commission d'experts sur l'importance de l'inspection du travail pour le respect des droits fondamentaux doivent être appuyées, car l'existence d'un système d'inspection efficace, accessible, doté de fonctionnaires bien formés et réellement indépendants est indispensable à la protection des travailleurs les plus faibles, tels que les travailleurs migrants, les domestiques, les enfants au travail ou les travailleurs clandestins. L'inspection du travail doit effectivement aider les travailleurs et il n'est par exemple pas acceptable qu'elle puisse pénaliser les travailleurs clandestins sans frapper leurs employeurs.

113. Les membres employeurs sont convenus qu'une inspection du travail efficace peut contribuer à faire progresser le respect des droits de l'homme. L'inspection du travail, en établissant correctement les faits et en identifiant les mesures permettant d'améliorer la situation, est particulièrement à même d'améliorer les conditions de vie et de travail.

114. Les membres gouvernementaux du Kenya et du Portugal ont été d'accord sur le rôle essentiel de l'inspection du travail pour assurer le respect des droits fondamentaux. Les membres travailleurs du Ghana et du Japon ont également marqué leur accord, tout en relevant que les administrations du travail ont été largement affaiblies en raison de la crise économique, alors que l'inspection du travail ne peut être réellement efficace que si des ressources suffisantes sont mises à sa disposition.

Travail des enfants115.

115. Les membres travailleurs ont partagé la préoccupation de la commission d'experts quant au manque d'informations précises et fiables concernant l'ampleur du travail des enfants et les actions de surveillance. Lors de sessions antérieures, la Commission de la Conférence a pu constater que les rapports des gouvernements, en contradiction totale avec les informations émanant du BIT, des Nations Unies, des syndicats ou d'organisations non gouvernementales, minimisaient ou niaient l'étendue du problème. Les gouvernements devraient consulter les organisations syndicales qui, à leur tour, devraient consacrer un effort supplémentaire à la question du travail des enfants. Grâce notamment au Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) du BIT, à la résolution sur le travail des enfants, au projet de nouvelle convention, ainsi que grâce à l'attention accrue des organes de contrôle, la sensibilisation au problème a progressé. La marche contre le travail des enfants en porte un nouveau témoignage. Toutefois, et même si 133 pays ont ratifié au moins l'une des onze conventions de l'OIT sur l'âge minimum, l'écart entre les 187 ratifications recueillies par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et les 60 ratifications de la convention no 138 reste trop important. En outre, si le cadre juridique et le système de contrôle sont des éléments indispensables dans la lutte contre le travail des enfants, ils doivent être nécessairement complétés par des interventions directes sur le terrain et des initiatives visant les consommateurs et les entreprises, telles que les codes de conduite.

116. Les membres employeurs ont relevé que la commission d'experts avait évoqué un manque d'informations sur l'application pratique de la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973. Le respect des obligations normales de rapport prévues par cet instrument devrait apporter de telles informations. L'inspection du travail pourrait concourir à obtenir un tableau clair de la situation. Le travail des enfants revêt de multiples facettes, et il appartient à la Conférence d'examiner quel type d'instrument serait le plus opportun pour en combattre les manifestations les plus extrêmes. En attendant qu'un tel instrument soit adopté, les membres employeurs préconisent l'application des dispositions existantes, notamment en vue d'éliminer les formes les plus délétères de travail des enfants.

117. Le membre gouvernemental du Portugal a estimé que l'adoption d'une nouvelle convention ne devrait pas faire oublier l'importance de la convention no 138. Le membre gouvernemental du Liban a lié le problème du travail des enfants avec l'enseignement obligatoire et les possibilités d'emploi approprié qui s'ensuivent: le programme IPEC peut apporter une aide précieuse et son gouvernement est en train de rechercher l'assistance de ce dernier. Le membre gouvernemental de l'Inde a souscrit aux principes de la convention no 138, même si son pays ne peut envisager une ratification dans le contexte socio-économique actuel; la convention no 29 n'est pas l'instrument approprié pour régler le problème et son gouvernement est en attente du nouvel instrument qui est actuellement en discussion. Le membre gouvernemental de l'Arabie saoudite a considéré le travail des enfants comme un aspect de la pauvreté, qui en est la cause sous-jacente. Le membre gouvernemental du Sri Lanka a noté que les employeurs fournissent rarement des informations sur les enfants qui travaillent en infraction aux normes; et le membre gouvernemental de l'Allemagne a suggéré que non seulement les organisations d'employeurs et de travailleurs, mais également d'autres organisations intéressées puissent se voir offrir la possibilité de fournir aux organes de contrôle des informations sur l'application de toutes nouvelles normes adoptées sur le travail des enfants.

118. Les membres travailleurs du Brésil, de la Grèce et de l'Uruguay ont lancé un appel pour que cesse le travail des enfants par la mise en œuvre tant de la convention no 138 que de la nouvelle convention à adopter. Le membre travailleur de l'Italie a mentionné l'approche tripartite à l'égard du travail des enfants dans son pays et le succès de la Charte nationale sur ce sujet. Le membre travailleur du Pakistan a souligné l'importance des conventions concernant le travail des enfants, ou le fait que les enfants sont le futur de la nation. Afin d'abolir le travail des enfants, les Etats Membres devraient attribuer plus de moyens pour l'éducation des enfants.

C. Rapport de la quatrième session spéciale
du Comité conjoint OIT/UNESCO d'experts
sur l'application de la Recommandation
concernant la condition du personnel enseignant

119. Les membres employeurs ont rappelé que cela faisait un certain nombre d'années qu'à la demande du Conseil d'administration la Commission de la Conférence examinait le travail du Comité conjoint OIT/UNESCO d'experts sur l'application de la Recommandation concernant la condition du personnel enseignant. Certains peuvent penser que la situation des enseignants n'est pas d'une grande importance pour les membres employeurs, dans la mesure où les enseignants sont principalement employés dans le secteur public. Les membres employeurs sont toutefois pleinement conscients du rôle social important joué par les enseignants. Le rapport du Comité conjoint OIT/UNESCO d'experts donne une impression générale de pessimisme, de critique, d'apitoiement sur soi et même d'impuissance de la part des enseignants. Les membres employeurs se demandent cependant si ces sentiments négatifs sont vraiment fondés. Il faut tout d'abord rappeler que la profession enseignante a le privilège de faire l'objet d'une recommandation qui lui est consacrée tout spécialement et qu'appuient deux organisations internationales qui s'attachent à en assurer la bonne application et préparent des rapports à son sujet. Il existe même un mécanisme de contrôle spécifique mis en place en vertu de la recommandation, qui comprend l'examen de plaintes individuelles. En outre, un grand nombre de réunions et de colloques sont organisés, des études entreprises et des plans d'action formulés sur la condition des enseignants, ce qui n'est pas le cas pour d'autres professions.

120. Les membres employeurs pensent que le sentiment de pessimisme qui se dégage du rapport est sans doute le résultat des changements profonds qui affectent la profession enseignante. Ce sont des changements très réels qui touchent toutes les professions et constituent des défis majeurs pour tous les secteurs de la société. Les membres employeurs ne comprennent pas très bien pourquoi le rapport considère que la forte proportion de femmes dans la profession est un facteur négatif, alors que le fait que les femmes ont moins de chances que les hommes de trouver un emploi est en général une source de préoccupation. Un certain nombre d'autres questions soulevées dans le rapport, telles que l'incidence des contrats à durée déterminée, ne concernent pas seulement les enseignants, mais toutes les professions. A l'aube du XXIe siècle, les enseignants dans leur ensemble se doivent de réagir plus rapidement pour étendre leur savoir et leur capacité à répondre aux nouvelles exigences de la société moderne. Ils devraient être les premiers à reconnaître la nécessité d'un apprentissage tout au long de la vie. Il n'est toutefois pas possible d'établir des valeurs qui s'imposeraient à tous les pays quant aux mesures à prendre pour attirer et retenir dans la profession les personnes de la dimension nécessaire. Les membres employeurs rappellent d'ailleurs que, si les enseignants se plaignent qu'eux-mêmes et leurs organisations ne sont pas suffisamment impliqués dans les décisions qui les concernent, celles qui se rapportent à des sujets aussi importants que les objectifs de l'enseignement et les programmes scolaires doivent relever de ceux qui sont démocratiquement en droit de prendre de telles décisions. Bien qu'il soit clairement nécessaire de consulter les enseignants sur les questions liées à l'éducation, nombreuses sont les autres catégories également concernées, au premier rang desquelles se trouvent les parents. De fait, les enseignants sont bien représentés dans le Parlement de nombreux pays et peuvent ainsi exercer plus d'influence sur les questions nationales, y compris celles qui les concernent, que les membres d'autres professions.

121. Les commentaires qui précèdent ne doivent pas être interprétés comme un manque de reconnaissance des préoccupations fondamentales des enseignants. Les membres employeurs partagent l'avis que ces derniers doivent bénéficier d'un statut compatible avec leurs fonctions. Ils devraient avoir une formation et une qualification aussi élevées que possible et devraient, notamment, reconnaître qu'il est nécessaire de s'adapter au principe d'un apprentissage permanent. Il est clair que cela implique un grand engagement personnel. La condition matérielle du personnel enseignant doit elle aussi correspondre à leurs importantes fonctions. S'il existe bien sûr des problèmes dans de nombreux pays pour accorder aux enseignants un statut compatible avec leur importance, il n'est en revanche pas possible d'identifier des solutions uniformes s'appliquant à tous les pays. C'est d'une manière adaptée à la situation nationale qu'il faut faire en sorte que la condition des enseignants ne soit pas inférieure au statut qu'ils méritent.

122. En ce qui concerne le droit de grève dans la profession enseignante, la position des membres employeurs est bien connue sur la question du droit de grève en général. Selon la position adoptée par les organes de contrôle de l'OIT, ce droit peut être limité dans les services essentiels qui, de l'avis des membres employeurs, comprennent non seulement ceux nécessaires à la survie de la population, mais aussi ceux qui servent les intérêts à long terme de la société en général. Si les grèves des enseignants ne causent pas une situation d'urgence, il faut cependant reconnaître qu'elles nuisent aux perspectives à long terme des enfants et des étudiants.

123. En guise de conclusion, les membres employeurs ont réaffirmé qu'une des toutes premières obligations politiques des sociétés démocratiques était de donner aux jeunes la meilleure éducation possible si on veut préserver l'avenir même de la société. L'éducation est intimement liée à la manière dont les enfants sont élevés et aux obligations de leurs parents à cet égard. Il importe que les enseignants participent à ces deux aspects du développement des enfants et, plus ils le feront, sans se confiner aux intérêts de leur situation matérielle, meilleur sera leur statut dans la société.

124. Les membres travailleurs ont déclaré avoir pris connaissance avec intérêt du rapport du comité conjoint et de ses annexes, ainsi que des documents pertinents du Conseil d'administration du BIT. Comme ils l'avaient déjà souligné en 1995, les principes fondamentaux de la recommandation restent tout à fait valables; c'est également la position du comité conjoint aux paragraphes 14 et 31 de son rapport. La Recommandation concernant la condition du personnel de l'enseignement supérieur adoptée par l'UNESCO en 1997 a utilement complété la recommandation de 1966, et les organisations syndicales ont longtemps insisté pour que cette catégorie de personnel enseignant soit également couverte. Le vœu exprimé par le Conseil d'administration du BIT que le mandat du comité conjoint soit étendu au contrôle de l'application du nouvel instrument doit être fermement appuyé, et les organes de l'UNESCO devraient prendre les décisions nécessaires et prévoir les ressources permettant au comité de mieux effectuer son travail de suivi.

125. Les membres travailleurs ont déclaré qu'approuver des instruments internationaux est une chose, mais que les appliquer et en contrôler l'application en est une autre. La Commission de la Conférence a toujours été d'avis qu'un système de contrôle effectif et performant est la condition indispensable de la crédibilité de l'activité normative. Le comité conjoint indique à cet égard les modifications qu'il propose à la procédure d'examen des allégations afin d'accélérer ses travaux et d'en accroître l'efficacité. Le cycle de trois ans des réunions du comité reste toutefois trop long, et le délai entre la réception des allégations et la formulation des conclusions risque d'affaiblir l'impact du système de suivi.

126. Quant à la substance du rapport, les membres travailleurs ont souhaité relever sept points en particulier. En premier lieu, le rapport soulève le problème du moral des enseignants. Ce problème qui affecte l'enseignement partout dans le monde ne s'est pas soudainement aggravé; il résulte de tendances confirmées depuis de nombreuses années. Il n'est pas possible de ne pas être préoccupé par la contradiction entre, d'une part, l'accent porté sur la formation pour combattre l'exclusion sociale par l'élévation des qualifications et, d'autre part, la priorité absolue accordée à l'ajustement structurel et aux restrictions financières qui affectent directement l'éducation (réduction de la dépense par étudiant, décentralisation du système éducatif et diminution des budgets pour les équipements et les développements technologiques). Alors que l'importance de l'enseignement et de la formation continue pour le développement des ressources humaines et la compétitivité des entreprises fait l'objet d'un consensus général, y compris au sein de la Commission de la Conférence, leur financement et leur organisation posent de plus en plus de problèmes. Il ne suffit plus de s'en tenir à l'identification des causes des problèmes. Il est indispensable que les autorités nationales et internationales prennent les mesures nécessaires pour y remédier.

127. Selon les membres travailleurs, l'obligation scolaire et un enseignement de qualité sont des instruments indispensables de lutte contre le travail des enfants. Or le droit fondamental de tout enfant à l'éducation consacré par la Recommandation OIT/UNESCO en son paragraphe 10 est de plus en plus menacé, s'agissant notamment des enfants de milieux défavorisés ou de ceux qui nécessitent un encadrement pédagogique spécifique. Au moment où l'OIT et la communauté internationale dans son ensemble se mobilisent contre le travail des enfants, il est essentiel de doter les systèmes d'enseignement des moyens leur permettant de mettre en œuvre une stratégie de lutte contre le travail des enfants. Le prochain rapport du comité conjoint pourrait étudier ce problème de manière plus approfondie en relation avec l'application de la nouvelle convention de l'OIT sur le travail des enfants actuellement en discussion à la Conférence.

128. Les membres travailleurs ont noté que la Recommandation OIT/UNESCO vise également à promouvoir le professionnalisme des enseignants, comme le montrent les dispositions de son paragraphe 4 ainsi que plusieurs de ses autres dispositions. Pourtant, le comité conjoint constate une tendance inquiétante à l'affaiblissement de ce professionnalisme, en raison d'un ensemble de facteurs dont, notamment, le déclin du statut social des enseignants, le fait qu'ils sont insuffisamment associés aux décisions des autorités, l'inadéquation de leur formation initiale et continue. On ne peut que souscrire à l'opinion du comité conjoint selon laquelle la qualité de l'enseignement et la condition du personnel enseignant sont si étroitement liées que tout ce qui a une incidence sur l'une affecte l'autre.

129. Selon les membres travailleurs, c'est également à juste titre que le comité conjoint a mis l'accent sur la contribution qu'apporterait une participation réelle des enseignants à un meilleur professionnalisme, à une plus grande efficacité de l'enseignement et à un statut conforme aux attentes de plus en plus exigeantes de la société. Sur la base d'études approfondies, le comité conjoint a conclu à l'insuffisance de la participation des organisations d'enseignants, qui sont très rarement consultées sur les orientations du système éducatif. Mais la consultation n'est pas la négociation, qui requiert un dialogue plus intense encore. La Recommandation OIT/UNESCO dispose dans ses paragraphes 82 et 83 que les conditions de travail et les salaires devraient être déterminés par la négociation collective. Or le rapport relève dans de nombreux pays la faiblesse ou l'absence totale de mécanisme approprié. De surcroît, la tendance à la décentralisation de l'organisation de l'enseignement, en l'absence d'adaptation des systèmes de participation, multiplie les risques d'absence de négociation avec les autorités locales.

130. Les membres travailleurs ont déclaré qu'il fallait souligner surtout que la liberté syndicale vaut également pour les enseignants, sans exception aucune, comme l'ont rappelé maintes fois la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale. Les enseignants doivent avoir le droit de recourir à la grève, et il arrive que les élèves eux-mêmes soutiennent leur action syndicale pour améliorer l'enseignement et augmenter le nombre d'enseignants. Alors que les conditions de travail et le salaire des enseignants devraient être d'un niveau propre à attirer dans la profession des candidats qualifiés et motivés, le rapport du comité conjoint et ses annexes signalent de graves problèmes à cet égard, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement ou en transition. Dans plusieurs pays, les enseignants ne reçoivent leur salaire qu'avec plusieurs mois de retard. Enfin, des mesures supplémentaires s'imposent afin d'assurer l'égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes, notamment dans l'enseignement professionnel (paragraphe 64 du rapport) et pour assurer la présence des femmes dans les structures qui participent au processus de prise de décisions. Les membres travailleurs sont convaincus que des mesures énergiques s'imposent pour promouvoir la diffusion de la Recommandation OIT/UNESCO et, surtout, pour assurer son application, car le comité conjoint signale qu'il y a eu une régression dans son application par de nombreux pays malgré une diffusion plus large de son texte. Les problèmes de l'application de la Recommandation OIT/UNESCO sont très analogues à ceux que rencontre l'application des normes internationales du travail.

131. Plusieurs membres travailleurs (Allemagne, Argentine, Chili, Guatemala, Niger, Uruguay) ont souligné la qualité et la pertinence du rapport du comité conjoint en rapport avec plusieurs points: la mondialisation de l'économie, dans la mesure où l'avenir de l'humanité se situe dans le domaine du savoir; les programmes d'ajustement structurel mis en œuvre par le FMI et la Banque mondiale et leurs responsabilités dans la dégradation des conditions de travail du personnel enseignant (bas salaires, diminution de salaires, non-paiement des salaires pendant plusieurs mois, rémunération sous forme de bons, augmentations de salaires minimales et conditionnées par les heures de présence effectuées, contrats de durée déterminée et difficultés majeures rencontrées pour s'engager dans une négociation collective); ainsi que l'importance du rapport du comité conjoint pour les personnes ayant un faible niveau d'éducation, car la défense des droits des travailleurs nécessite un niveau d'instruction satisfaisant.

132. Se référant aux programmes d'ajustement structurel mis en œuvre par le FMI et la Banque mondiale, le membre travailleur du Niger a tenu à souligner que les programmes d'ajustement structurel imposés par les institutions financières internationales aux pays en développement ont relégué au second plan l'éducation qui avait pourtant occupé pendant longtemps une place prioritaire dans ces pays. La préoccupation de l'équilibre financier à court terme fait oublier que le financement de l'éducation est de loin l'investissement le plus rentable et prometteur de développement. Combinés en Afrique de l'Ouest aux dévaluations, ces programmes ont fait perdre aux enseignants un tiers de leur pouvoir d'achat. Les coupes sombres effectuées dans les budgets de l'éducation se traduisent par une détérioration continue de l'enseignement public. Il est urgent de tirer les conséquences de l'adage traditionnel selon lequel «si vous estimez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance».

133. Le membre travailleur du Chili a signalé que dans son pays, pendant le régime militaire, les rémunérations des enseignants ont systématiquement diminué et les réajustements effectués ont toujours été inférieurs au niveau de l'inflation. Avec l'avènement de la démocratie, les rémunérations ont augmenté de 90 pour cent entre 1990 et 1997. Toutefois, malgré cette augmentation, les rémunérations des enseignants se situent à un niveau réel correspondant à celui de l'année 1960. Au Chili, la sécurité sociale est payée par les travailleurs, la somme correspondante étant déduite par les employeurs tant publics que privés. Ces ressources prélevées pour la sécurité sociale ne sont cependant pas transmises aux Administrations des fonds de pension (AFP), ce qui porte gravement préjudice au niveau des pensions des enseignants. En outre, il existe toujours à l'encontre du personnel enseignant des dettes historiques résultant du régime militaire, puis du non-paiement d'un réajustement extraordinaire prévu par le décret-loi no 3551 pour le corps enseignant et du non-paiement des indemnisations dues à la suite du transfert de la tutelle administrative des professeurs du ministère de l'Education aux municipalités entre 1981 et 1987. Ces situations graves ainsi que celles dont il est fait mention dans le rapport du Comité conjoint OIT/UNESCO sur l'application de la recommandation contribuent à la faible considération pour le personnel enseignant et ont pour résultat une augmentation du nombre de professeurs désirant abandonner le système éducatif pour rechercher de meilleures perspectives d'emploi. Il convient également de constater la diminution considérable du nombre de jeunes qui postulent pour une carrière dans l'enseignement dans la mesure où une telle carrière ne répond pas à leurs besoins économiques et professionnels. La réforme du système éducatif planifiée au Chili entraînera, selon le gouvernement, une augmentation des heures hebdomadaires d'enseignement, un changement dans les objectifs fondamentaux et le contenu minimum de l'enseignement primaire et secondaire, et l'amélioration des infrastructures éducatives et des conditions de travail du corps enseignant. Le Collège des professeurs du Chili est favorable à une réforme globale qui contribue au développement du pays, mais cette réforme doit être réalisée avec la collaboration effective des enseignants. Il n'est pas possible d'envisager une réforme du système éducatif de grande envergure si l'ensemble des acteurs concernés, et notamment les maîtres, n'y sont pas associés.

134. Le membre travailleur de l'Allemagne, se référant aux déclarations des membres employeurs à propos du droit de grève des enseignants, a souligné que dénier ce droit équivaut presque à forcer des personnes à travailler. Le droit de grève est un droit fondamental de cette catégorie de travailleurs ainsi qu'un droit de l'homme fondamental. L'information fournie sur la situation du Chili à l'époque du régime dictatorial que ce pays a connu nous remémore de manière sombre quelles conséquences des limites au droit de grève peuvent avoir sur les enseignants. C'est pourquoi il faut rappeler une fois de plus les positions adoptées en la matière par les organes de contrôle de l'OIT, à savoir la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale. Après avoir rappelé que les membres employeurs du Comité de la liberté syndicale se sont d'ailleurs eux-mêmes associés avec ces positions, il demande aux membres employeurs de clarifier leur attitude à l'égard de la position de ces organes.

135. Le membre travailleur de l'Argentine a signalé que les effets négatifs des politiques d'ajustement structurel menées en Amérique latine affectent de plus en plus gravement le personnel enseignant. Ceci se reflète dans les bas salaires, les diminutions de salaires et d'autres conséquences négatives sur les contrats et la négociation collective mentionnés par d'autres membres. Ce panorama confirme les constatations du rapport du Comité conjoint OIT/UNESCO relatives à la baisse du moral du personnel enseignant qui se trouve confronté à des exigences croissantes et à la faible rémunération de son travail, en plus des faibles opportunités de formation et de participation aux programmes éducatifs. Pour toutes les raisons exposées dans le rapport, les enseignants de qualité sont de plus en plus rares et, malgré les avancées énormes de la technique, ces enseignants ne peuvent être remplacés par des machines. Les organisations d'enseignants de l'Argentine travaillent pour améliorer les conditions de travail des professeurs, parvenir à une formation permanente, améliorer le niveau des salaires, participer aux politiques éducatives et promouvoir le droit à la négociation collective. Dans la lutte contre le travail des enfants, qui est l'un des sujets fondamentaux traités par l'OIT, l'éducation joue un rôle décisif dans l'éradication de ce fléau. Il faut espérer que les gouvernements feront de l'éducation une priorité et prendront les mesures nécessaires pour améliorer le nombre et la qualité des enseignants.

136. Se référant au contexte de la globalisation de l'économie, le membre travailleur du Guatemala a souligné l'importance de la professionnalisation de l'enseignement relevé dans le rapport du Comité conjoint OIT/UNESCO. Cette professionnalisation constitue un outil stratégique dans un monde en transformation; il est donc préoccupant de constater que les enseignants sont traités et considérés comme des robots au moment même où sont planifiées des réformes des programmes éducatifs. Il ne peut être toléré que les enseignants ne participent pas aux processus de réformes du système éducatif, alors que ce sont eux qui transmettent les principes et les valeurs de la société. Les processus de privatisation de l'enseignement en Amérique latine sont préoccupants. Ils permettent de manipuler les pères de famille, et la plupart du temps ces réformes éducatives sont imposées depuis l'extérieur. Les affirmations du porte-parole des employeurs niant le droit de grève aux enseignants sont dangereuses. Il ne convient pas d'interdire le droit de grève, mais plutôt d'appeler à une pratique éthique de ce droit. Le système éducatif d'un pays est stratégique pour l'évolution des citoyens.

137. Le membre travailleur de l'Uruguay a considéré le rapport du Comité conjoint OIT/UNESCO très opportun dans la mesure où les réformes éducatives sont liées aux processus de restructuration économique qui sont mis en œuvre en Amérique latine. Cette réorganisation du système éducatif est réalisée en fonction de la situation présente sans prendre en considération les nécessités futures. Pour pouvoir défendre ses droits, le travailleur doit posséder des bases solides. Un article de presse de son pays évoque la réalité des problèmes mentionnés dans le rapport du Comité conjoint OIT/UNESCO, en l'espèce une grève d'enseignants dont les revendications visant à la participation à la réforme du système éducatif n'ont pas été prises en compte. Les enseignants se voient également privés du droit de négocier collectivement leurs conditions de travail ainsi que des augmentations de leurs salaires, salaire qui est actuellement de 286 dollars pour un maître et de 169 dollars pour un maître auxiliaire, alors que le panier de la ménagère est, en Uruguay, de 1 700 dollars. En outre, les enseignants de l'administration publique sont les seuls à ne pas recevoir une augmentation liée à l'ancienneté. Cette situation montre qu'il existe de sérieux problèmes pour les enseignants et qu'il est nécessaire de poursuivre dans l'approfondissement de la Recommandation concernant la condition du personnel enseignant. Celle-ci est un instrument de base pour la défense de l'éducation qui sous-tend la défense du futur de l'être humain puisqu'il existe une responsabilité de la société dans l'éducation des enfants.

138. Le représentant de la Confédération syndicale mondiale de l'enseignement (CSME) a réaffirmé que la recommandation conservait toute sa valeur de référence pour la condition du personnel enseignant, même si elle reste trop peu appliquée. Le défaut d'application de la recommandation dans la pratique va de pair avec l'effacement du dialogue social; il est souvent lié à l'absence de liberté syndicale dans certains pays où l'adhésion à un syndicat est encore considérée comme incompatible avec le statut d'enseignant. A l'heure où l'exigence de qualité de l'enseignement se fait plus prononcée, il conviendrait de ne pas oublier que cette qualité dépend pour l'essentiel de la formation, des conditions d'emploi et du statut social des personnels impliqués. S'il est de la responsabilité des enseignants, sur la base d'une formation adéquate et de haut niveau, d'assurer un haut niveau de professionnalisme dans l'exercice de leur mission, il est également de la responsabilité de la société dans son ensemble de créer pour les jeunes des conditions d'études optimales et pour les enseignants des conditions d'emploi, de travail et de vie non seulement décentes, mais conformes à leur statut social. La confédération est convaincue qu'un enseignement de qualité ne peut être construit que sur ces deux piliers, et que la Recommandation OIT/UNESCO de 1966 avec les autres normes relatives aux droits syndicaux, professionnels et sociaux en crée le cadre nécessaire. Face à une tendance prononcée à la privatisation des systèmes éducatifs, la confédération s'oppose à la soumission des systèmes d'éducation au marché. La décentralisation et la dérégulation se traduisent par l'affaiblissement de la participation des enseignants à la prise de décision. Dans un tel contexte, lutter pour le respect des normes inscrites dans la recommandation revient à lutter également pour une plus grande cohésion sociale.

139. Les représentants de l'Internationale de l'éducation (IE) ont relevé que le rapport dépeint de façon déprimante, mais tout à fait réaliste, la situation des enseignants dans le monde. L'IE considère que la faiblesse du statut, du moral, de l'autorité ou du pouvoir d'achat des enseignants reflètent une situation qui est générale et non isolée. Comme le souligne le rapport, les enseignants et leurs syndicats ne sont pas consultés sur les problèmes du secteur de l'éducation; pourtant, preuve est faite que des réformes, y compris les programmes d'ajustement structurel, ne peuvent aboutir sans la consultation et la participation de ceux qui sont responsables de leur mise en œuvre. Le rapport de la Commission de l'UNESCO pour l'éducation au XXIe siècle a demandé aux autorités publiques de favoriser un consensus démocratique comme condition du succès de la réforme de l'éducation. Les écoles et les professionnels de l'éducation sont présentés comme les responsables des difficultés croissantes d'adaptation face aux énormes changements économiques et sociaux intervenant partout dans le monde. Alors que la rémunération des enseignants représente une grande partie du budget de l'éducation nationale dans de nombreux pays et que cette rémunération peut être considérée comme un indicateur de la valeur que la société reconnaît aux enseignants, il ne peut être ignoré que, dans certains pays, les enseignants sont payés avec beaucoup de retard et parfois ne sont pas payés du tout. Le recours à la grève entraîne souvent des représailles, telles que licenciements, mutations, suspensions ou arrestations. Les dispositions de la Recommandation OIT/UNESCO et les décisions du Comité de la liberté syndicale s'accordent sur la liberté syndicale des enseignants et du personnel de l'éducation; pourtant ce droit n'existe pas dans plusieurs pays. Le cas de la République de Corée peut être spécialement cité, mais le droit à la négociation collective fait également défaut aux enseignants dans de nombreux autres pays. Pour preuve, la multiplication des cas où les gouvernements prolongent par la loi la validité des conventions collectives, gèlent ou réduisent les salaires et restreignent par la loi le champ de la négociation collective, ce qui est un abus de pouvoir de la part des gouvernements et des employeurs. Il est paradoxal que les professeurs appelés à enseigner les droits de l'homme ne puissent eux-mêmes jouir de ces droits. Par la négociation collective, les enseignants pourraient obtenir des conditions de travail qui leur permettraient d'accomplir leur travail dans la dignité, tant en période de prospérité qu'en période de crise. De bonnes conditions de travail et un bon niveau de salaire permettraient d'attirer et conserver un personnel éducatif hautement qualifié et de répondre ainsi au problème qui se pose déjà dans plusieurs pays et compte tenu de la démographie de la profession. Les jeunes qualifiés, particulièrement les hommes, ne choisissent pas comme profession l'enseignement dans la mesure où leurs objectifs salariaux et professionnels ne sont pas assurés dans ce secteur. Le rapport du comité conjoint attire également l'attention sur de nombreux problèmes rencontrés par les enseignantes, tels que la distribution inégale des responsabilités familiales et la large part des femmes dans l'emploi à temps partiel, leurs possibilités de promotion et la persistance de perceptions négatives sur les femmes en tant que dirigeants potentiels, en particulier par des jurys de sélection dominés par des hommes. L'exemple de l'Allemagne a été cité pour illustrer la situation. Plus de 95 pour cent des enseignants à temps partiel sont des femmes, et leur décision de prendre un emploi de ce type découle de leurs responsabilités familiales. La solution de cette situation ne saurait consister dans une renonciation des femmes à ces responsabilités. On se doit d'y apporter une réponse au niveau professionnel. Une possibilité réside dans l'élaboration d'aménagements permettant le partage des fonctions de direction par des travailleurs à temps partiel, ce qui permettrait d'avoir plus de dirigeants. Les chances de promotion des enseignantes pourraient ainsi croître, le travail à temps partiel devenant aussi, dans le même temps, plus attrayant pour les hommes. Vu le très grand nombre d'enseignantes, un appel doit être lancé pour que toutes les recommandations contenues dans le rapport soient mises en œuvre et que davantage de programmes soient développés. La situation des enseignants au Kosovo qui, depuis 1989, ne sont pas autorisés à enseigner dans leur propre langue a été mentionnée spécifiquement. Ignorer leurs protestations non violentes risque de susciter la violence comme seule issue pour provoquer le changement. L'IE se prépare à travailler avec le comité conjoint pour élaborer des données statistiques détaillées sous la forme d'indicateurs concernant les enseignants afin de pouvoir vérifier l'efficacité de la Recommandation OIT/UNESCO et recevoir son rapport et espère que celui-ci fera état de progrès.

140. La commission a pris note du rapport du comité conjoint.

D. Rapports demandés au titre de l'article 19 de la Constitution

Convention (no 159) et recommandation (no 168)
concernant la réadaptation professionnelle
et l'emploi des personnes handicapées, 1983
141.

141. La commission a consacré une partie de sa discussion générale à l'examen de la première étude d'ensemble de la commission d'experts sur l'application de la convention no 159 et de la recommandation no 168 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées depuis leur adoption, en 1983. Conformément à la pratique habituelle, cette étude a pris en considération les informations communiquées par les gouvernements en vertu de l'article 19 de la Constitution ainsi que les informations communiquées par les Etats qui ont ratifié la convention dans leurs rapports au titre des articles 22 et 35 de la Constitution et les commentaires reçus d'organisations d'employeurs et de travailleurs auxquelles les rapports des gouvernements ont été communiqués conformément à l'article 23.2 de la Constitution.

Remarques générales

142. Les membres travailleurs ont rappelé que la commission d'experts essaie de faire des études d'ensemble un véritable outil d'évaluation des conventions et recommandations. La présente commission a déjà eu l'occasion d'attirer l'attention sur l'intérêt de ces études pour la politique normative, aussi bien internationale qu'interne. Tous les Etats Membres devraient donc y collaborer. En l'espèce, la commission d'experts indique que 144 rapports ont été reçus sur les 290 demandés et se félicite de ce nombre; elle constate toutefois que les informations fournies ont souvent un caractère superficiel, en particulier en ce qui concerne l'application pratique, ce qui est regrettable dans le cas d'une convention qui laisse pourtant aux Etats Membres une grande latitude quant au choix des méthodes pour atteindre ses objectifs.

143. Les membres travailleurs ont rappelé que, sur proposition du Groupe de travail sur la politique de révision des normes, le Conseil d'administration a classé la convention no 159 parmi celles qui continuent de répondre aux besoins actuels et dont il faut promouvoir la ratification. Plusieurs pays se prononcent en faveur de la ratification, même s'ils n'en indiquent pas les délais. D'autres ne se prononcent pas, même si leur législation et leur pratique semblent en conformité. D'autres encore souhaitent procéder au préalable à l'harmonisation de leur législation avec les normes. Ces pays doivent répondre positivement à l'appel du Conseil d'administration et de la commission d'experts, et tirer avantage des enseignements de l'étude pour se préparer à la ratification de la convention. Plusieurs pays, qui font état d'une insuffisance de ressources humaines, matérielles et financières, annoncent néanmoins une prochaine ratification. Cela signifie qu'il est possible, même avec des moyens réduits, de mener une politique active d'égalisation des chances dans le cadre de l'obligation générale de lutte contre les discriminations découlant de la Déclaration de Philadelphie, de la Déclaration du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague et de la convention no 111. Les membres travailleurs ont, par ailleurs, rappelé qu'une politique de santé accessible à tous doit prévenir et réduire les risques de handicap et souligné la nécessité, compte tenu des rapides évolutions technologiques et de la compétitivité accrue, d'une approche intégrée et constamment réévaluée en matière de réadaptation professionnelle et d'emploi des personnes handicapées en concertation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs, ainsi qu'avec les organisations de personnes handicapées. Cette approche devrait être facilitée par l'examen approfondi de l'étude d'ensemble de la commission d'experts.

144. Les membres travailleurs ont déclaré avoir examiné avec un grand intérêt l'étude d'ensemble sur les instruments adoptés en 1983 eu égard aux préoccupations des organisations des travailleurs sur le terrain et qu'ils ont établi des contacts avec les organisations représentatives des personnes handicapées. Ils se sont félicités de ce qu'une nouvelle fois la commission d'experts se soit efforcée de faire œuvre utile à propos d'instruments qui se situent dans le prolongement direct des conventions nos 100 et 111, comme elle y insiste aux paragraphes 24, 110 à 112 et 245 de son étude, car ils estiment que l'intégration des personnes handicapées dans le marché de l'emploi participe à la lutte contre l'exclusion sociale et la pauvreté. Loin d'être un problème marginal, elle concerne, indique l'étude dans ses paragraphes 99 à 101, quelque 500 millions de personnes dans le monde, dont 350 millions de personnes handicapées vivant dans des régions caractérisées par l'absence de tout service qui leur permettrait de surmonter leur handicap. Ces personnes sont bien souvent les plus pauvres, même dans les pays industrialisés: dans les pays de l'Union européenne, leur taux de chômage s'élève à 25 pour cent, soit plus du double du taux moyen. Comme la commission d'experts le fait observer au paragraphe 102 de son étude, pour un grand nombre de personnes handicapées trouver un emploi s'avère très difficile; une telle situation appelle des mesures de formation, de placement et d'adaptation des postes de travail pour permettre aux personnes handicapées d'exercer un large éventail d'occupations dans des conditions de travail normales. Les membres travailleurs ont déclaré souscrire pleinement au principe fondamental de la convention no 159 et de la recommandation no 168 qui complète la recommandation no 99 de 1955. Selon ces instruments, l'emploi est le moyen principal de promouvoir l'intégration des personnes handicapées dans la société. Des actions politiques et sociales spécifiques peuvent en effet sensiblement améliorer la vie socioprofessionnelle des personnes handicapées.

145. Les membres travailleurs ont estimé que l'étude d'ensemble confirme la pertinence de la convention no 159 et de la recommandation no 168 qui constituent une base solide pour l'action à prendre dans les Etats Membres. Elle devrait être largement diffusée de manière à faire connaître dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement les différentes possibilités en faveur de l'intégration socioprofessionnelle des personnes handicapées, ainsi que le travail effectué par le BIT dans ce but et de favoriser ainsi une ratification plus large de la convention.

146. Les membres employeurs ont souligné la noblesse du rôle que l'OIT doit jouer pour l'amélioration de la situation des personnes handicapées qui constituent une catégorie de la population particulièrement désavantagée. Ils considèrent que c'est le propre d'une humanité éclairée de se préoccuper de la situation de personnes handicapées et de leur intégration dans le travail et la société dans toute la mesure possible mais que les bonnes intentions ne suffisent pas et qu'il importe que les ressources disponibles soient utilisées de la manière la plus efficace.

Insertion professionnelle des personnes handicapées
et impératifs économiques

147. Soulignant le problème de l'impact de la globalisation de l'économie sur la situation socioprofessionnelle des personnes handicapées, les membres travailleurs ont déclaré que, comme l'étude l'a montré, les évolutions et perspectives de la réadaptation professionnelle des personnes handicapées se situent, en effet, dans un contexte de tendances parfois conflictuelles et que si certaines évolutions technologiques peuvent, par exemple, favoriser l'intégration de nombreuses personnes handicapées, elles peuvent également constituer pour d'autres personnes handicapées une réelle menace pour leur emploi en raison de qualifications insuffisantes ou de pénurie de postes de travail aménagés. La mondialisation de l'économie, qui peut être une chance, en cas de spécialisation poussée, peut, en revanche, représenter, pour les perspectives professionnelles des personnes handicapées, une menace inhérente à la situation de concurrence accrue sur le marché du travail peu propice à l'intégration de ces personnes dans les entreprises. Le désintérêt des investisseurs étrangers dans les pays en développement, la baisse de la demande pour le travail peu qualifié et la montée du chômage contribuent à réduire les perspectives d'emploi des personnes handicapées.

148. Le membre gouvernemental de la République tchèque s'est déclaré d'accord avec l'observation de la commission d'experts figurant au paragraphe 217 de l'étude d'ensemble au sujet des difficultés découlant de la transition vers l'économie de marché qui défavorisent l'emploi des personnes handicapées.

149. Le membre travailleur de la Côte d'Ivoire a souligné qu'avec les problèmes et la crise économique dans laquelle sont plongés les Etats africains depuis une vingtaine d'années la solidarité familiale qui impliquait l'assistance aux proches parents handicapés s'est perdue. Il a ajouté que, dans de nombreuses entreprises, les employeurs profitent de la situation de chômage croissant pour licencier les travailleurs handicapés à la suite d'accidents du travail.

Définitions et champ d'application des instruments

150. Les membres travailleurs se sont référés au premier chapitre de l'étude consacré aux définitions et champ d'application des normes, dans lequel la commission d'experts souligne, au paragraphe 56, que celles-ci visent à éliminer les obstacles à l'intégration des personnes handicapées et à leur progression dans la formation et l'emploi à égalité avec les autres travailleurs.

La notion de handicap

151. Les membres travailleurs ont souligné que les instruments ne visent pas seulement le handicap au sens médical de ces notions, mais également et surtout le handicap professionnel qui résulte des effets réducteurs du handicap physique ou mental au sens médical sur les perspectives professionnelles de l'individu. Partant de cette conception du handicap, les Etats parties à la convention ont toute latitude pour déterminer, compte tenu de la grande variété des politiques sociales, du développement économique, des conceptions culturelles, ainsi que de l'évolution de la médecine, la définition des critères du handicap au sens de la convention. Ces critères peuvent varier: ils peuvent être extensifs en vue d'une formation professionnelle adaptée ou pour l'aide à l'adaptation des postes de travail, et restrictifs s'agissant de l'éligibilité à certaines prestations sociales. Les Etats Membres devraient constamment réexaminer et adapter leur politique à cet égard, en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs, ainsi qu'avec les organisations représentatives des personnes handicapées.

152. Les membres employeurs ont rappelé que la convention no 159 ne propose pas de définition définitive de la notion de handicap et que les personnes visées par ses dispositions sont celles dont les perspectives de trouver et de conserver un emploi convenable, ainsi que de progresser professionnellement, sont sensiblement réduites à la suite d'un handicap physique ou mental dûment reconnu. Ils ont souligné qu'aux termes de la convention la question du handicap doit être traitée en termes de conséquences pour l'emploi et couvre les handicaps aussi bien physiques que mentaux. Les membres employeurs ont rappelé une autre définition utile du handicap telle qu'adoptée par l'OMS et qui se réfère à des atteintes aux organes physiques ainsi qu'à des handicaps aux niveaux personnel et social, faisant ainsi apparaître le lien existant entre le handicap et l'assistance dont l'individu qui en est affecté a besoin. Ainsi n'est-il pas approprié d'appliquer le concept d'incapacité à l'emploi dans des termes trop généraux, la capacité de travail de certaines personnes souffrant de handicaps dûment reconnus pouvant être à peine diminuée. L'approche suivie par la convention, qui s'applique à toutes les catégories de travailleurs, est donc utile pour définir le handicap en termes de difficulté à trouver un emploi convenable et progresser professionnellement.

153. Se référant aux différentes conceptions du handicap, le membre gouvernemental de la République arabe syrienne a indiqué, à cet égard, que, selon un recensement des personnes handicapées dans son pays, celles-ci ne représentent pas même 1 pour cent de l'ensemble de la population mais que ce chiffre ne prend pas en considération tous les types de handicap. Le membre gouvernemental de l'Allemagne a indiqué que, selon la législation de son pays, chaque personne handicapée a droit à une assistance et à des mesures de réadaptation. Les personnes sévèrement handicapées sont définies comme étant celles dont le degré du handicap est de l'ordre de 50 à 100 pour cent et que, pour être considérées comme sévèrement handicapées, celles qui sont atteintes d'un handicap compris entre 30 à 50 pour cent doivent engager une procédure à cet effet.

Contenu de la réadaptation professionnelle

154. Les membres travailleurs ont abordé la question de la définition de la réadaptation professionnelle en appuyant le point de vue de la commission d'experts selon lequel cette notion doit avoir une portée très large et recouvrir un processus coordonné et continu impliquant un ensemble de mesures médicales, sociales, éducatives et professionnelles contribuant à l'égalisation des chances en vue de l'insertion ou de la réinsertion dans le travail et la société. Les membres travailleurs sont particulièrement attachés à cette exigence d'intégration du processus de réadaptation professionnelle car les employeurs concernés sont trop souvent confrontés à une parcellisation des services de réadaptation professionnelle et à des cloisonnements fonctionnels et administratifs entre ces services induisant des retards considérables dans la mise en œuvre des mesures et des approches contradictoires de la question de la réadaptation professionnelle. Il est indispensable, nonobstant le contenu donné à la notion et les différences entre les situations économiques nationales, que les pays adoptent, en consultation avec l'ensemble des organisations intéressées, des politiques intégrées, afin de tirer le meilleur parti des ressources consacrées à la réadaptation professionnelle.

155. Les membres employeurs ont souligné la souplesse de la convention au regard du contenu de la réadaptation professionnelle des personnes handicapées, chaque pays étant libre d'adopter les mesures qui sont le mieux adaptées à sa situation nationale.

Terminologie

156. Au cours des discussions concernant les définitions du handicap et du champ d'application personnel des instruments examinés, le membre gouvernemental de l'Espagne, ainsi que les membres employeur et travailleur de l'Espagne ont exprimé des regrets au sujet de la terminologie utilisée à de rares occasions dans le corps, mais surtout dans le titre du rapport de la commission d'experts en langue espagnole. Ils ont notamment indiqué que l'expression «personas inválidas» est impropre et a une connotation péjorative et proposé son remplacement par «personas discapacitadas» ou «personas con discapacidad». De même ont-ils suggéré de remplacer le terme «readaptación» par «rehabilitación». Mais, bien que le qualificatif «inválidas» ait une connotation inexacte au regard du potentiel de capacité des personnes visées par les instruments, et est mal perçu par ces personnes et les organisations qui les représentent, la commission d'experts a estimé que la reproduction, en couverture du rapport, du titre officiel des instruments adoptés en 1983, ne doit pas préjudicier à la prise de conscience de l'évolution rapide des mentalités sur la question au cours de la dernière décennie. Le contenu de l'étude d'ensemble a abondamment illustré cette évolution dans le chapitre relatif aux définitions et champ d'application des instruments.

Egalisation des chances des personnes handicapées

157. Les membres travailleurs estiment que, comme le souligne la commission d'experts, la convention no 159 et la recommandation no 168 visent à éliminer les obstacles qui empêchent les personnes handicapées de s'intégrer et de progresser dans la formation et l'emploi à égalité avec les autres travailleurs. Les Etats Membres devraient constamment réexaminer et adapter leur politique nationale de réadaptation professionnelle et d'emploi en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi qu'avec les organisations représentatives des personnes handicapées. Comme la commission d'experts l'a fait dans son étude d'ensemble, les membres travailleurs ont insisté tout particulièrement sur la part importante qui devrait être consacrée dans la politique nationale au respect du principe de l'égalité de chances entre les travailleurs handicapés et les travailleurs en général. Les membres travailleurs se sont déclarés favorables à la suggestion faite par la commission d'experts aux Etats Membres qui sont parties à la convention no 111, d'étendre aux personnes handicapées la protection offerte par cet instrument, en faisant usage de la possibilité prévue à cet égard par son article 1, paragraphe 1, alinéa b).

158. Les membres employeurs ont expliqué que le principe de l'égalité de chances souligné à juste titre par la convention comme base de la politique nationale de réadaptation professionnelle et d'emploi des personnes handicapées implique que pour réaliser l'égalité, il convient de traiter de manière différente des situations différentes.

159. Ce point de vue a été appuyé par le membre gouvernemental du Canada qui a précisé que, selon la loi de son pays, l'équité ne se résume pas à accorder une égalité de traitement aux personnes différentes, mais signifie également le respect et la prise en compte des différences et qu'un rôle important est reconnu aux consultations paritaires employeurs-travailleurs et à la collaboration pour la mise en œuvre des principes d'équité sur le lieu de travail. Des dispositions législatives de mesures positives spéciales au sens de l'article 4 de la convention no 159 ont été signalées par les membres gouvernementaux du Canada, de la Chine, du Danemark, de la Grèce, de l'Inde, du Maroc, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la République arabe syrienne, ainsi que par le membre employeur des Etats-Unis et les membres travailleurs de l'Allemagne, de l'Italie et du Pakistan.

160. Le membre gouvernemental du Danemark a déclaré que l'adoption de mesures spécifiques en faveur des personnes handicapées, qui tiennent compte de leurs difficultés, a une valeur plus grande que l'adoption d'une législation en matière de discrimination. Il a affirmé que la convention fonctionne de manière satisfaisante et qu'il faut espérer qu'elle sera ratifiée par un plus grand nombre de gouvernements.

161. La secrétaire générale de Réhabilitation internationale, s'exprimant à ce titre et au nom de Inclusion International et de ses collègues des autres ONG internationales s'occupant de personnes handicapées, a déclaré appuyer le point de vue de la commission d'experts et des membres travailleurs au sujet de l'extension au profit des personnes handicapées de la protection des dispositions de la convention no 111 par les Etats qui l'ont ratifiée. L'oratrice a estimé qu'en incluant le handicap au nombre des critères de discrimination possibles l'OIT se distingue comme le défenseur des droits fondamentaux des personnes handicapées.

162. Les membres travailleurs ont souligné que l'enseignement, la formation professionnelle et le recyclage sont indispensables pour ouvrir les perspectives d'emploi et le maintien dans l'emploi et déplorent que les personnes handicapées soient trop systématiquement placées dans un enseignement spécial. Des efforts devraient être faits pour leur intégration dans le système ordinaire d'enseignement tout en veillant à l'établissement de programmes spécifiques de formation professionnelle assurés par un personnel spécialisé en réadaptation professionnelle. De même, des efforts supplémentaires devraient être déployés à l'intention des personnes souffrant d'un handicap mental léger ou moyen et le droit du travail en matière d'embauche et de licenciement doit également tenir compte des objectifs d'intégration et d'égalité des chances.

163. Le membre gouvernemental de l'Inde a fourni des informations statistiques sur l'importance de la population de personnes handicapées dans son pays et indiqué que, selon la législation, les enfants handicapés doivent bénéficier de l'accès à l'éducation dans un environnement approprié jusqu'à l'âge de 18 ans. Il est également prévu la création, à travers tout le pays, d'écoles publiques et privées spéciales pour les enfants qui ont besoin d'un programme spécifique, le gouvernement et les autorités locales étant responsables de la fourniture des équipements nécessaires au fonctionnement de ces établissements. Les emplois disponibles dans ces établissements, seront occupés, lorsque cela est possible, par des personnes handicapées.

Révision périodique de la politique nationale164.

164. Le membre gouvernemental du Canada a indiqué que dans la législation fédérale la politique est révisée en vertu d'une législation aux termes de laquelle les entreprises de la Couronne et les quelque 375 employeurs réglementés au niveau fédéral doivent communiquer un rapport annuel sur les efforts entrepris pour la promotion de l'emploi des personnes handicapées. Les activités du gouvernement fédéral en la matière respectent le partage des responsabilités entre les gouvernements fédéral, des provinces et des territoires. Le membre gouvernemental de la Grèce a indiqué que la politique nationale concernant les personnes handicapées est révisée suivant les besoins de ces personnes et en fonction du marché du travail. Le gouvernement de la République tchèque a indiqué qu'en dépit des difficultés découlant de la transition vers une économie de marché la politique et la législation nationales au sujet des personnes handicapées ont été adoptées dès le début du processus de transition, en 1990; elles sont régulièrement réexaminées: le nouveau plan national pour l'égalisation des chances des personnes handicapées adopté en avril 1998 adopte une nouvelle approche et de nouvelles mesures pour augmenter l'emploi de ces personnes.

Situation des zones rurales et des collectivités isolées165.

Les membres travailleurs ont rappelé l'information donnée par l'étude d'ensemble selon laquelle environ 80 pour cent des personnes handicapées vivent dans les zones rurales et collectivités isolées dans les pays en développement. La précarité qui affecte ces personnes appelle une attention particulière. A cet égard, l'étude mentionne notamment l'organisation dans certains pays de services mobiles de réadaptation et apporte quelques précisions utiles sur la notion de réadaptation à base communautaire sur lequel se fondent un certain nombre de programmes de coopération technique du BIT. Ce système consiste à développer des méthodes et programmes de réadaptation professionnelle qui tirent le maximum de rendement de moyens en principe limités. Les membres travailleurs ont exprimé l'espoir que le BIT continue de déployer ses efforts en la matière et affecte de nouvelles ressources à cet effet.

166. Les membres employeurs ont attiré l'attention sur la nécessité, vu les problèmes particuliers rencontrés dans la réadaptation de personnes handicapées dans les zones rurales, de déployer de grands efforts pour faire en sorte que du personnel correctement qualifié soit disponible en nombre suffisant pour la formation et la réadaptation professionnelles de ces personnes.

167. Le membre gouvernemental de l'Inde a mis l'accent sur l'acuité particulière du problème de la formation professionnelle et de l'intégration des personnes handicapées mentales vivant dans les zones rurales.

168. La secrétaire générale de Réhabilitation internationale, s'exprimant à ce titre et au nom de Inclusion International et de ses collègues des autres ONG internationales s'occupant de personnes handicapées, a appelé l'attention sur les centaines de milliers de personnes handicapées vivant avec leurs familles dans des zones isolées en Afrique et en Asie.

La situation des femmes handicapées169.

169. Selon les membres employeurs, la précarité de la situation des femmes handicapées est encore plus aiguë dans les pays où elle ne fait pas l'objet d'une prise en considération particulière dans la loi et les programmes de développement est mise en lumière dans les paragraphes 114 à 120 de l'étude d'ensemble; la commission d'experts appelle l'attention spéciale des gouvernements à cet égard. Les membres employeurs ont appelé l'attention sur l'intérêt porté par la commission d'experts sur la question en soulignant que les femmes handicapées sont exposées doublement à la pauvreté et à l'exclusion sociale et en examinant les nombreuses mesures adoptées par les Etats Membres pour atteindre les objectifs de la convention pour remédier à une telle situation. Celles-ci comprennent des plans nationaux, la constitution d'autorités spéciales, d'institutions de réadaptation et la participation d'organisations privées. Il est important que les organisations de personnes handicapées et les partenaires sociaux participent de manière adéquate à toutes ces mesures afin d'en garantir le succès.

170. Les membres travailleurs ont souligné l'intérêt particulier accordé par la commission d'experts au principe de l'égalité des chances et de traitement entre les travailleurs handicapés et les travailleuses handicapées.

Promotion des possibilités d'emploi des personnes

handicapées sur le marché libre du travail

171. Les membres travailleurs ont rappelé que la commission d'experts souligne que l'objectif doit être de promouvoir l'emploi des personnes handicapées sur le marché libre du travail et que celles-ci devaient, autant que possible, accéder à un emploi normal, le travail en milieu protégé devant être réservé à certaines catégories limitées de personnes dont la sévérité du handicap rend impossible l'insertion dans un milieu ordinaire de travail. La commission observe, dans le paragraphe 182 de l'étude d'ensemble, la difficulté, voire l'improbabilité d'un passage de l'emploi en milieu protégé à l'emploi en milieu ouvert: en effet, même si la législation et les programmes procèdent le plus souvent de bonnes intentions, ils ne sont pas toujours assez performants dans la pratique.

172. Du point de vue des membres travailleurs, les responsables politiques, les entreprises et les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent encore fournir des efforts considérables en s'inspirant notamment des indications fournies par la convention et les recommandations nos 99 et 168 et des nombreuses expériences nationales mises en lumière par l'étude d'ensemble à cet égard grâce aux informations communiquées par les gouvernements sur les mesures qui peuvent être prises pour donner effet aux dispositions pertinentes des instruments.

173. Les membres travailleurs ont estimé que l'évolution vers un emploi dans une entreprise et un milieu de travail ordinaires suppose un ensemble de mesures efficaces. Pour bon nombre de personnes handicapées, l'aménagement du poste et l'adaptation des instruments de travail suffiraient, mais trop peu d'attention est consacrée à cet aspect, et les employeurs ne sont pas toujours suffisamment informés des subventions prévues par la législation nationale en vue de tels aménagements ou adaptations ou bien l'octroi de telles subventions est subordonné à des procédures bureaucratiques dissuasives. Une telle situation peut indéniablement être améliorée par la concertation au plan de l'entreprise, en collaboration, s'il y a lieu, avec les médecins du travail ou les spécialistes en réadaptation professionnelle. Y compris dans les entreprises ordinaires, les travailleurs handicapés ne devraient pas être cantonnés à des travaux ou services protégés, mais participer autant que possible à l'ensemble des tâches car les activités des divisions spécifiques des entreprises sont souvent sous-traitées, ceci induisant un caractère précaire aux emplois concernés. Les adaptations nécessaires à l'intégration des travailleurs handicapés dans le milieu ouvert ne sont pas nécessairement coûteuses; il importe de le souligner, notamment en direction du secteur rural ou du secteur informel, ainsi que l'a fait la commission d'experts en se référant dans le paragraphe 197 à une publication du BIT de 1997 sur l'adaptation des outils de travail utilisés dans l'agriculture et la construction dans les pays en développement et les pays sortant d'un conflit armé.

174. S'agissant de la politique des quotas d'emploi de personnes handicapées dans les services publics et les entreprises privées, les membres travailleurs ont déclaré que celle-ci a l'avantage d'interdire d'ignorer la nécessité de l'intégration des personnes handicapées. Les entreprises qui mènent une politique volontariste d'égalité de chances sont souvent les plus innovatrices et les plus compétitives. Dans certains pays, les entreprises préfèrent le plus souvent se libérer de leur obligation par le paiement d'une taxe destinée au financement de la politique en faveur des personnes handicapées alors même qu'elles pourraient être objectivement en mesure d'en employer. Les membres travailleurs estiment que, lorsque les mesures incitatives se montrent inefficaces au regard du but poursuivi, il y a lieu d'envisager l'imposition de quotas obligatoires. A défaut, dans un contexte privilégiant le rendement à court terme, les personnes handicapées perdraient toute perspective d'emploi.

175. Les membres employeurs ont déclaré que le système des quotas et la protection légale contre le licenciement sont des mesures protectrices et promotionnelles en faveur des personnes handicapées. De leur point de vue, il importe toutefois d'apporter une grande attention à la mise en œuvre des détails de ces mesures et estimé que ce n'est pas aux employeurs à titre individuel qu'il devrait incomber d'en supporter le fardeau en payant le congé de maladie en cas d'absences fréquentes ou en mettant à disposition des équipements coûteux, par exemple. C'est la communauté dans son ensemble qui devrait en supporter le coût, par exemple par l'intermédiaire de subventions destinées à adapter des emplois appropriés et de primes à l'emploi des personnes handicapées, même s'il faut se rendre compte que le passage d'un emploi protégé au marché libre du travail est très rare. Il est particulièrement important que les personnes handicapées soient couvertes par le système de sécurité sociale, en particulier en ce qui concerne les prestations de maladie, de chômage et de retraite. Les membres employeurs ont appelé l'attention sur la nécessité d'une utilisation rationnelle des ressources, nonobstant la justesse de la cause.

176. Le membre gouvernemental du Danemark a mentionné une étude de 1997 qui a montré que, grâce aux efforts conjugués des entreprises et des autorités publiques pour l'intégration de ces travailleurs, 10 à 15 pour cent des salariés sur le marché du travail dans son pays sont des personnes atteintes de maladies chroniques qui réduisent leurs capacités de travail et que seulement 6 000 d'entre elles bénéficient d'emplois spéciaux assortis d'allocations publiques, toutes les autres étant occupées dans des conditions de travail ordinaires.

177. Le membre gouvernemental de l'Italie a rappelé que, suivant une loi de 1968, les employeurs publics et privés occupant plus de 35 personnes doivent employer 15 pour cent de personnes handicapées. Une nouvelle loi devrait être adoptée prévoyant, au lieu d'une insertion professionnelle obligatoire, l'établissement de conventions par lesquelles les employeurs seront impliqués dans le processus d'embauche, dans le souci de répondre aux intérêts respectifs des employeurs et des personnes handicapées.

178. Le membre gouvernemental de la République arabe syrienne a indiqué qu'un quota de 2 pour cent de travailleurs handicapés est fixé par la législation de son pays. Le membre gouvernemental des Pays-Bas a signalé que le quota d'emplois réservés de 5 pour cent fixé par la législation de son pays est rarement atteint. Le membre gouvernemental de la Chine a indiqué que la politique des quotas d'emplois réservés figure parmi un ensemble de dispositions qui ont contribué à atteindre un taux d'occupation des personnes handicapées de 90 pour cent. Pour le membre gouvernemental de la République tchèque, même les entreprises qui emploient essentiellement des personnes handicapées et qui reçoivent des contributions spéciales de l'Etat doivent rester compétitives et par conséquent pouvoir employer un nombre raisonnable de travailleurs non handicapés qui pourraient effectuer les travaux préparatoires.

179. Le membre gouvernemental du Danemark a signalé l'adoption récente par son pays d'une loi renforçant les mesures existantes en ce qui concerne les subventions pour assistance aux personnes handicapées dans le milieu du travail, traitement préférentiel pour certains emplois et assistance financière pour l'achat d'équipement et la fourniture de soins. Il a également mentionné des programmes subventionnés de formation continue des personnes handicapées dans le cadre d'un projet pilote avec la participation au paiement du salaire des personnes handicapées qui ont achevé leur formation, à hauteur de 50 pour cent, pendant une courte période.

180. Le membre employeur des Etats-Unis a estimé normal que le coût des adaptations concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées soit supporté par les employeurs, même si, contrairement à ce qu'affirme une étude citée par l'étude d'ensemble, ces coûts peuvent atteindre des montants très importants. Le membre employeur de l'Espagne s'est prononcé en faveur des mesures incitatives dont il a déclaré que l'expérience a montré une plus grande efficacité.

181. Le membre travailleur du Pakistan a indiqué que la législation de son pays impose un quota d'emplois réservés aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Le membre travailleur de l'Allemagne s'est prononcé en faveur d'un système de quotas de postes réservés aux personnes handicapées et a indiqué que ce quota est de 6 pour cent tout en précisant que les employeurs qui ne l'atteignent pas sont astreints au versement d'une contribution financière en compensation. Le membre travailleur de l'Italie estime utile la politique des quotas d'embauche pour les personnes handicapées.

Protection des conditions de travail et des droits sociaux

des travailleurs handicapés

182. Les membres travailleurs se sont déclarés particulièrement attentifs à la pleine application des normes de travail en milieu protégé. Dans de nombreux pays, le statut des personnes qui y sont occupées est trop imprécis en ce qui concerne le contrat de travail, la rémunération, la participation et les droits syndicaux. La commission d'experts demande de veiller au respect des droits des travailleurs employés dans des structures protégées. L'ensemble du droit du travail doit leur être applicable et diverses formes de subventions peuvent concourir à compenser une perte éventuelle de productivité due au handicap afin de garantir, à tout le moins, le respect du salaire minimum. L'orateur a tenu à exprimer la préoccupation de son groupe quant à la menace de concurrence déloyale que fait peser sur l'emploi protégé le travail pénitentiaire pour des entreprises privées. Rappelant que la commission d'experts insiste, dans son étude, sur la nécessité de critères objectifs dans la décision d'embauche, les membres travailleurs ont souligné que la force physique ne devrait être prise en considération qu'en tant qu'elle constitue une exigence nécessaire à un emploi déterminé. La protection contre le licenciement doit également être assurée, plus particulièrement lorsqu'il s'agit de travailleurs victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

183. Le membre gouvernemental du Danemark a fait état de conventions collectives qui prévoient la possibilité de recruter des personnes dont les capacités de travail sont réduites, selon un régime spécial, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Ce régime implique des spécificités concernant notamment le salaire mais également la durée du travail, les tâches assignées. De telles dispositions ont également été signalées par le membre gouvernemental de la Grèce. Le membre gouvernemental du Royaume-Uni a indiqué certains ajustements importants de la législation du travail en matière de conditions de travail des personnes handicapées applicables par les employeurs.

184. Le membre travailleur du Canada a fait allusion aux récents développements au Canada en matière d'égalité dans l'emploi et de gestion des handicapés. Il a également indiqué qu'un protocole d'accord a récemment été conclu entre l'Institut national de la gestion et de la recherche pour les handicapés (NIDMAR) et le BIT. L'accord porte sur une recherche conjointe qui aboutira dans un avenir proche au premier code de l'OIT sur la gestion des personnes handicapées sur le lieu de travail. Cet accord a été signé par les vice-présidents travailleur et employeur de l'Institut et par un Directeur général adjoint du BIT. Ce projet fait l'objet d'une contribution large et constitue une évolution importante dans le domaine de la réadaptation et de l'emploi des personnes handicapées au Canada.

Rôle de la sécurité sociale

185. Les membres travailleurs ont fait référence au chapitre 3 de l'étude d'ensemble qui rappelle que, dès 1944, la Conférence internationale du Travail adopte une recommandation invitant les Etats Membres à mettre en place des services de réadaptation professionnelle avec le soutien administratif et financier des systèmes de sécurité sociale et le principe. Les conventions nos 102 et 128 posent le principe selon lequel la sécurité sociale devrait contribuer au financement des services de réadaptation professionnelle. Outre sa fonction passive de versement des allocations, la sécurité sociale doit avoir une fonction active et contribuer au renforcement des capacités d'exercer un emploi productif et approprié qui convienne le mieux possible aux aptitudes et capacités du travailleur. La commission d'experts souligne dans le paragraphe 202 de l'étude d'ensemble l'attachement constant de l'OIT à l'idée selon laquelle la protection sociale à laquelle a droit chaque membre de la société résulte de l'effort de solidarité obligatoire impliquant les individus et les institutions qui la composent et de la responsabilité individuelle. Elle relève cependant que, dans de nombreux pays, les systèmes de sécurité sociale privilégient les personnes devenues handicapées par suite d'accidents du travail. Les membres travailleurs ont déclaré que le respect du principe de l'égalité de chances et de traitement devrait impliquer l'application de ces mesures de protection sociale à l'ensemble des personnes handicapées, quelle que soit l'origine de leur handicap. L'étude d'ensemble relève que les personnes handicapées qui perçoivent une allocation d'invalidité hésitent à s'engager dans l'exercice d'une activité par crainte de perdre le bénéfice de cette prestation. En outre, les entreprises d'assurances et les institutions de sécurité sociale ont parfois tendance à pousser ces personnes à accepter des emplois non qualifiés et peu rémunérés en vue d'effectuer des économies sur les allocations d'invalidité. Des mesures doivent être prises pour promouvoir l'accès à l'emploi de ces personnes tout en préservant la sécurité de leurs revenus.

186. Le membre gouvernemental du Canada a indiqué que les caractéristiques de la population active ont amené le gouvernement à passer en revue le revenu, les aides et les services accordés aux personnes handicapées. Depuis 1995, les conditions de prestation de services au titre du Programme canadien de planification des pensions d'invalidité se sont améliorées.

Conclusions

187. Les membres travailleurs se sont tout d'abord réjouis du nombre élevé d'interventions (25), qui est l'un des plus élevés lors de discussions d'une étude d'ensemble, et se sont associés à l'intervention des organisations internationales non gouvernementales en faveur de la réadaptation. La plupart des interventions ont souligné l'importance du sujet et l'objectif des instruments examinés qui doivent être vus dans le prolongement de la convention no 111. Plusieurs intervenants ont répété que la convention et les recommandations demeurent des instruments pertinents, qui peuvent aider et stimuler les Etats Membres pour le développement et la mise en œuvre d'une politique adéquate en faveur de la réadaptation professionnelle et de l'emploi des travailleurs handicapés. Les membres travailleurs se sont référés à la déclaration du porte-parole des membres employeurs confirmant qu'il s'agit d'instruments solides, et ont souligné que cette opinion est confortée par l'étude d'ensemble.

188. Les membres travailleurs ont rappelé qu'à plusieurs reprises il a été fait état du nombre encore insuffisant de ratifications de cette convention. Toutefois, ils ont relevé que plusieurs gouvernements qui n'ont pas ratifié la convention no 159 ont décrit leur politique actuelle et informé la commission des mesures et des programmes existant au niveau national. Ils ont noté en outre des engagements par rapport à la ratification et à la révision de la politique nationale, et estimé en conséquence que cette discussion sur l'étude d'ensemble devrait permettre de réviser et de faire évoluer les politiques nationales en ce domaine.

189. Soulignant les nombreuses idées intéressantes entendues, les membres travailleurs ont tenu à mettre en évidence deux points: l'importance, soulignée à plusieurs reprises, de la consultation et de la participation des organisations de handicapés et des organisations de travailleurs et d'employeurs; et l'appel à l'OIT pour qu'une attention prioritaire soit accordée aux activités en faveur des handicapés et à la promotion de l'assistance technique pour arriver à un nombre plus élevé de ratifications.

190. Enfin, les membres travailleurs ont souligné que les discussions sur l'étude d'ensemble démontrent que des mesures spécifiques efficaces sont absolument indispensables pour satisfaire les aspirations légitimes des personnes handicapées à l'intégration sociale.

191. Les membres employeurs ont déclaré que la longue discussion sur l'étude d'ensemble, bien que constructive et de qualité, montre que le sujet aborde plusieurs problèmes auxquels il n'a pas été possible de trouver une solution complète. En conséquence, les différents points de vue qui ont été exposés ont mis l'accent sur l'effort d'imagination dont doivent faire preuve tous ceux qui sont concernés par le sujet, à savoir les gouvernements, les institutions publiques à différents niveaux, de même que les employeurs et les travailleurs, pour adopter une conduite appropriée envers les personnes handicapées. L'accent doit être mis sur la flexibilité de la convention en ce qu'elle permet d'adopter une politique nationale en conformité avec la situation nationale. L'accent devrait être également mis sur la possibilité offerte par les nouveaux moyens de communication d'une meilleure diffusion de l'information. Certaines personnes manifestent une réserve vis-à-vis des personnes handicapées, ce qui démontre l'existence d'un problème psychologique nécessitant une approche pédagogique par l'éducation et une meilleure information.

192. Les membres employeurs ont estimé que des changements mineurs peuvent contribuer à améliorer la vie des personnes handicapées ainsi que leur intégration professionnelle. Au-delà des questions de réadaptation professionnelle, par ailleurs importantes, il faut s'intéresser à rechercher les causes du handicap pour pouvoir les éliminer. L'établissement d'un cadre légal en matière de sécurité et d'hygiène peut constituer une mesure préventive. Les décisions politiques, en particulier celle de faire la guerre, sont des causes de handicaps, mais ceci sort du cadre des compétences de la présente commission. L'entente entre les employeurs et les travailleurs qui ressort de la discussion doit encourager les mouvements qui œuvrent en faveur des personnes handicapées à continuer. L'étude d'ensemble ainsi que la discussion ont contribué de manière certaine à l'identification et à la mise en œuvre future de mesures effectives en la matière.

193. La commission a noté avec intérêt les indications fournies par les membres gouvernementaux de la Finlande, de l'Inde, de l'Italie, de la Pologne et de la Turquie selon lesquelles ils envisageaient de ratifier la convention no 159. Le membre gouvernemental du Royaume-Uni a déclaré que son gouvernement allait continuer d'examiner les possibilités de ratification de la convention no 159.

E. Exécution d'obligations spécifiques

194. Pour l'examen des cas individuels concernant l'exécution par les Etats de leurs obligations au titre des normes internationales du travail ou relatives à celles-ci, la commission a décidé de suivre les mêmes méthodes de travail et critères que l'année précédente, tels qu'amendés, ou précisés, en 1980 et en 1987.

195. En appliquant ces méthodes, la commission est convenue, sur proposition des membres travailleurs appuyée par les membres employeurs, d'inviter tous les gouvernements concernés par les commentaires figurant aux paragraphes 150 (manquement à l'envoi de rapports sur l'application des conventions ratifiées), 164 (manquement à l'envoi de premiers rapports sur l'application de conventions ratifiées), 168 (manquement à l'envoi d'informations en réponse aux commentaires de la commission d'experts), 196 (soumission aux autorités compétentes) et 200 (manquement à l'envoi de rapports sur des conventions non ratifiées et sur des recommandations) du rapport de la commission d'experts, à fournir des informations à la commission au cours d'une séance spéciale d'une demi-journée consacrée à ces cas. La commission a considéré que cette nouvelle approche ne devait en aucune manière être interprétée par les gouvernements comme les dispensant de prendre part aux discussions de la commission.

Soumission des conventions et recommandations

aux autorités compétentes

196. Conformément à son mandat, la commission a examiné la manière dont il est donné effet à l'article 19, paragraphes 5 à 7, de la Constitution de l'OIT. Ces dispositions exigent des Etats Membres qu'ils soumettent, dans un délai de douze mois, ou exceptionnellement de dix-huit mois, à partir de la clôture de chaque session de la Conférence, les conventions et recommandations adoptées à cette session «à l'autorité ou aux autorités dans la compétence desquelles rentre la matière, en vue de la transformer en loi ou de prendre des mesures d'un autre ordre», et qu'ils informent le Directeur général du BIT des mesures prises à cet effet en lui communiquant des renseignements sur l'autorité ou les autorités considérées comme compétentes.

197. La commission a relevé dans le rapport de la commission d'experts (paragraphe 189) que des efforts appréciables ont été accomplis dans un certain nombre de pays dans l'exécution de leurs obligations au sujet de la soumission, à savoir: Burkina Faso, Mozambique.

198. En outre, au cours de sa session, la commission a été informée par plusieurs autres Etats des mesures prises en vue de soumettre les conventions et recommandations aux autorités nationales compétentes. Elle s'est félicitée des progrès survenus et a exprimé l'espoir que de nouvelles améliorations interviendraient dans les pays qui rencontrent encore des difficultés à exécuter leurs obligations.

Défaut de soumission

199. La commission a noté avec regret, d'après le paragraphe 196 du rapport de la commission d'experts, qu'aucune information n'a été fournie indiquant que des mesures ont été prises en vue de la soumission aux autorités compétentes des conventions et recommandations adoptées de la 76e à la 82e session de la Conférence (1989 à 1995), conformément à l'article 19 de la Constitution, par les Etats suivants: Afghanistan, Cameroun, Guinée, Haïti, Iles Salomon, Libéria, Madagascar, Sainte-Lucie, Sierra Leone.

Envoi des rapports sur les conventions ratifiées

200. La commission a examiné dans la partie B de son rapport (questions générales relatives aux normes internationales du travail) l'exécution par les Etats de leur obligation de faire rapport sur l'application des conventions ratifiées. A la date de la réunion de la commission d'experts de 1997, la proportion de rapports reçus s'élevait à 62,8 pour cent comparée à 63,3 pour cent (pour la session de 1996). Depuis lors, d'autres rapports ont été reçus, portant le chiffre à 74,2 pour cent comparé à 78,2 pour cent en juin 1997, 78,9 pour cent en juin 1996 et 82,0 pour cent en juin 1995. En 1997, la commission d'experts a noté que 84,3 pour cent des rapports pour lesquels des informations sur l'application pratique étaient demandées contenaient de telles informations, comparé à 70,4 pour cent pour la session de 1996 et 73,4 pour cent pour la session de novembre-décembre 1995. La commission insiste sur l'importance que présente l'envoi de telles informations sans lesquelles il est impossible de savoir si une convention est appliquée. La commission s'associe à l'appel réitéré par la commission d'experts aux gouvernements pour qu'ils continuent de déployer tous leurs efforts afin d'inclure à l'avenir dans leurs rapports les informations demandées.

Manquements à l'envoi de rapports et d'informations

sur l'application des conventions ratifiées

201. La commission a noté avec regret qu'aucun rapport sur les conventions ratifiées n'a été fourni depuis deux ans ou plus par les Etats suivants: Arménie, Bosnie-Herzégovine, Burundi, Grenade, Libéria, République de Moldova, Ouzbékistan, Sainte-Lucie, Sierra Leone et Somalie.

202. La commission a également noté avec regret que les premiers rapports dus sur les conventions ratifiées n'avaient pas été fournis par les Etats suivants: depuis 1992, Libéria (convention no 133); depuis 1993, Yémen (convention no 159); depuis 1994, Lettonie (conventions nos 111, 122, 135, 151); depuis 1995, Arménie (convention no 111), Burundi (conventions nos 87, 100, 111), Kirghizistan (conventions nos 133, 160), République de Moldova (convention no 105), Nigéria (convention no 144), Seychelles (convention no 149); depuis 1996, Arménie (conventions nos 100, 122, 135 et 151), Chypre (convention no 171), Grenade (conventions nos 87, 100, 144), Lettonie (conventions nos 81, 129, 132, 154, 155, 158), Ouzbékistan (conventions nos 47, 52, 103, 122). La commission souligne l'importance toute particulière des premiers rapports sur la base desquels la commission d'experts établit sa première évaluation de l'application des conventions ratifiées.

203. Dans le rapport de cette année, la commission d'experts a noté que 58 gouvernements n'avaient pas communiqué de réponse à la plupart ou à l'ensemble des observations et des demandes directes sur les conventions pour lesquelles des rapports étaient demandés pour examen cette année, soit un total de 385 cas (comparé à 323 cas en décembre 1996). La commission a été informée que, depuis la réunion de la commission d'experts, 23 des gouvernements intéressés ont envoyé des réponses, lesquelles seront examinées par la commission d'experts à sa prochaine session.

204. La commission a noté avec regret qu'aucune information n'a encore été reçue en ce qui concerne l'ensemble ou la plupart des observations et des demandes directes de la commission d'experts pour lesquelles une réponse était demandée pour la période se terminant en 1997 de la part des pays suivants: Afghanistan, Albanie, Angola, Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Bosnie-Herzégovine, Burundi, Danemark (îles Féroé), République démocratique du Congo, Djibouti, France (Guadeloupe, Polynésie française), Ghana, Grenade, Guinée-Bissau, Iraq, Kirghizistan, Lettonie, Libéria, Jamahiriya arabe libyenne, Madagascar, Mali, Malte, Niger, Nigéria, Paraguay, Pays-Bas (Aruba), Philippines, Sainte-Lucie, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Tadjikistan.

205. La commission a pris note des explications données par les gouvernements des pays suivants sur les difficultés rencontrées dans l'exécution de leurs obligations: Angola, Bahamas, Bangladesh, Barbade, Bolivie, Cameroun, Chili, Côte d'Ivoire, Chypre, République démocratique du Congo, Danemark (Groenland et îles Féroé), Ethiopie, Fidji, France (Guadeloupe et Polynésie française), Gabon, Ghana, Grenade, Guinée, Haïti, Honduras, Islande, Israël, Koweït, République démocratique populaire lao, Lesotho, Libéria, Jamahiriya arabe libyenne, Malaisie, Malawi, Malte, Maroc, République de Moldova, Myanmar, Niger, Paraguay, Pays-Bas (Aruba), Seychelles, Sierra Leone, Sri Lanka, République-unie de Tanzanie, République tchèque, Tunisie, Yémen.

206. La commission a souligné que l'obligation d'envoi de rapports constitue la base du système de contrôle. La commission insiste auprès du Directeur général pour qu'il prenne toutes les mesures afin d'améliorer la situation et résoudre les problèmes mentionnés ci-dessus aussi rapidement que possible. Elle a exprimé l'espoir que les équipes multidisciplinaires accorderaient dans leur travail sur le terrain toute l'attention voulue aux questions relatives aux normes et en particulier à l'exécution des obligations en la matière. La commission a également gardé à l'esprit les nouvelles procédures de rapport approuvées par le Conseil d'administration en novembre 1993 et qui sont entrées en vigueur en 1995.

Application des conventions ratifiées

207. La commission a noté avec un intérêt particulier les mesures prises par un certain nombre de gouvernements pour assurer l'application des conventions ratifiées. La commission d'experts a pu faire état, au paragraphe 174 de son rapport, de nouveaux cas dans lesquels les gouvernements ont apporté des changements à leur législation et à leur pratique, à la suite des commentaires qu'elle a formulés sur le degré de conformité des législations ou pratiques nationales avec les dispositions d'une convention ratifiée. Ces cas étaient au nombre de 32 et concernaient 22 Etats. Plus de 2 164 cas de progrès ont été notés depuis 1964, date à laquelle la commission d'experts a commencé à dresser la liste de ces cas dans son rapport. Ces résultats sont une preuve tangible de l'efficacité du système de contrôle.

208. Au cours de la présente session, la Commission de la Conférence a été informée d'un certain nombre d'autres cas dans lesquels des mesures ont été prises récemment ou étaient sur le point d'être adoptées par les gouvernements en vue d'assurer la mise en œuvre des conventions ratifiées. Bien qu'il appartienne en premier lieu à la commission d'experts d'examiner ces mesures, la Commission de la Conférence s'est félicitée de ces nouvelles marques d'efforts des gouvernements pour remplir leurs obligations internationales et donner suite aux commentaires formulés par les organes de contrôle.

209. La commission a estimé qu'il convenait d'attirer l'attention de la Conférence sur un certain nombre de cas importants qu'elle a eu à examiner.

Cas de progrès

210. La commission a noté avec satisfaction que, dans plusieurs cas -- dont beaucoup ont trait aux droits fondamentaux de l'homme --, les gouvernements ont introduit des changements dans leur législation et leur pratique afin d'éliminer les divergences antérieurement discutées par la commission. Elle considère qu'il est bon de mettre en lumière ces cas, qui constituent une approche positive pour encourager les gouvernements à répondre aux commentaires des organes de contrôle. A cet égard, elle renvoie au rapport de la commission d'experts et à la discussion des cas particuliers, qui figure à la deuxième partie de son rapport.

Cas spéciaux

211. La commission a considéré qu'il y avait lieu d'attirer l'attention de la Conférence sur les discussions qu'elle a tenues au sujet des cas mentionnés dans les paragraphes suivants, et dont le compte rendu complet figure dans la deuxième partie du présent rapport.

212. En ce qui concerne l'application par le Myanmar de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la commission a pris note des informations écrites communiquées par le gouvernement, de la déclaration faite par le représentant gouvernemental et de la discussion qui s'en est suivie. Elle a rappelé que ce cas est discuté de manière continue depuis plus d'une décennie et a ainsi été examiné en 1987, 1989, 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997. Elle n'a pu que déplorer que la commission d'experts n'ait reçu, depuis plus de trois ans, aucun rapport du gouvernement sur l'application de cette convention fondamentale, malgré les appels répétés qu'elle lui a adressés et malgré la mention, ces deux dernières années, de ce cas dans un paragraphe spécial pour défaut persistant d'application de cet instrument. La commission s'est vue à nouveau dans l'obligation d'exprimer le profond regret de voir persister de graves divergences entre, d'une part, la législation et la pratique nationales et, d'autre part, les dispositions de la convention, de même que de déplorer l'absence de toute coopération à cet égard de la part du gouvernement. Extrêmement préoccupée par l'absence totale de tout progrès quant à l'application de la convention, la commission a de nouveau prié instamment le gouvernement de prendre d'urgence les mesures nécessaires pour garantir, en droit comme en pratique, que tous les travailleurs et employeurs, sans distinction aucune, aient le droit de s'affilier, sans autorisation préalable, aux organisations de leur choix pour la défense de leurs intérêts et que ces organisations aient elles-mêmes le droit de s'affilier à des fédérations, confédérations et organisations internationales, sans intervention des autorités publiques. En outre, la commission a instamment prié le gouvernement de démontrer dans un très proche avenir que de substantiels progrès ont été accomplis dans le sens de l'application de la convention et de communiquer cette année un rapport détaillé à la commission d'experts.

213. En ce qui concerne l'application par le Soudan de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, la commission a pris note des informations communiquées par les représentants gouvernementaux, ainsi que de la discussion qui s'en est suivie. La commission a souligné qu'il s'agissait là d'un cas particulièrement grave affectant les droits de l'homme, comme en témoignent sa mention, l'année dernière, dans un paragraphe spécial, ainsi que les commentaires reçus d'une organisation mondiale des travailleurs. La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement sur les mesures en cours pour détecter et mettre fin aux pratiques d'esclavage. En particulier, elle a accueilli favorablement les réalisations de la commission d'investigation récemment instituée. Toutefois, la commission a exprimé sa profonde préoccupation et a prié instamment le gouvernement de faire beaucoup plus. La commission a insisté pour que la demande d'assistance du Bureau traite de la substance du problème et, à cet égard, a instamment prié le gouvernement de demander à nouveau une assistance qui garantirait une réelle tentative d'élimination de l'esclavage à travers le pays. La commission a exprimé le ferme espoir que le prochain rapport à soumettre à la commission d'experts contiendra des indications détaillées sur les mesures concrètes qui auront été prises, les cas devant la justice, le nombre de condamnations prononcées et les sanctions imposées. Elle a également exprimé le ferme espoir que le prochain rapport décrira les mesures envisagées, de manière à ce qu'une pleine application de la convention dans la loi et la pratique soit observée dans un très proche avenir.

214. La commission veut croire que les gouvernements concernés prendront toutes les mesures nécessaires afin de corriger les déficiences relevées. Elle les invite, pour ce faire, à examiner l'opportunité d'utiliser les formes appropriées d'assistance du BIT, y compris les contacts directs, pour que des progrès réels soient réalisés d'ici à l'an prochain quant à l'exécution de leurs obligations au titre de la Constitution de l'OIT et des conventions précitées.

Défaut continu d'application

215. La commission rappelle que ses méthodes de travail prévoient d'énumérer les cas de défaut continu d'éliminer de sérieuses carences, pendant plusieurs années, dans l'application des conventions ratifiées dont elle avait antérieurement discuté. Cette année, la commission a constaté avec une grande préoccupation le défaut continu pendant plusieurs années d'éliminer de sérieuses carences dans l'application par le Myanmar de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

216. Les gouvernements cités aux paragraphes 212 et 213 sont invités à fournir les informations et le rapport approprié qui permettront à la commission de suivre les questions mentionnées ci-dessus à la prochaine session de la Conférence générale.

Envoi des rapports sur les conventions non ratifiées

et les recommandations

217. La commission note que 151 des 290 rapports demandés au titre de l'article 19 sur la convention no 159 et de la recommandation no 168 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983, avaient été reçus à la date de la réunion de la commission d'experts, et 10 autres depuis, ce qui porte le pourcentage à 52,1 au total.

218. La commission a noté avec regret qu'au cours des cinq dernières années aucun des rapports sur les conventions non ratifiées et sur les recommandations demandés au titre de l'article 19 de la Constitution n'avait été fourni par les pays suivants: Afghanistan, Albanie, Djibouti, Fidji, Haïti, Iles Salomon, Lesotho, Libéria, Jamahiriya arabe libyenne, République de Moldova, Népal, Nigéria, Paraguay, Sainte-Lucie, Somalie, Yémen.

Communication des copies de rapports

aux organisations d'employeurs et de travailleurs

219. Cette année encore, la commission n'a pas eu à faire application du critère selon lequel «le gouvernement a manqué pendant les trois dernières années d'indiquer les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs auxquelles, conformément à l'article 23, paragraphe 2, de la Constitution, doivent être communiquées copies des rapports et informations adressées à l'OIT au titre des articles 19 et 22».

Participation aux travaux de la commission

220. La commission tient à exprimer sa gratitude aux 59 gouvernements qui ont collaboré avec elle en lui fournissant des informations sur la situation dans leur pays et en participant aux discussions des cas individuels.

221. La commission a cependant regretté qu'en dépit des invitations qui leur ont été adressées les gouvernements des Etats suivants n'aient pas pris part aux discussions concernant leur pays au sujet de l'exécution de leurs obligations constitutionnelles de faire rapport: Afghanistan, Albanie, Bosnie-Herzégovine, Burundi, Guinée-Bissau, Iraq, Kirghizistan, Lettonie, Madagascar, Mali, Népal, Nigéria, Philippines, Tadjikistan. Elle a décidé de mentionner ces pays aux paragraphes appropriés du présent rapport et d'en informer les gouvernements conformément à la pratique habituelle.

222. La commission a noté avec regret que les gouvernements des pays qui n'étaient pas représentés à la Conférence, à savoir: Antigua-et-Barbuda, Arménie, Djibouti, Iles Salomon, Ouzbékistan, Sainte-Lucie, Somalie n'ont pas été en mesure de participer à l'examen des cas les concernant. Elle a décidé de mentionner ces pays aux paragraphes appropriés du présent rapport et d'en informer les gouvernements conformément à la pratique habituelle.

* * *

223. La commission s'est félicitée du caractère particulièrement constructif de ses débats de cette année. A un moment où la Conférence examine maints aspects vitaux pour les normes internationales du travail, les délibérations de la commission ont été caractérisées comme à l'accoutumée par une nombreuse assistance et des informations de qualité. La commission est consciente du rôle unique qu'elle a à jouer, qui consiste à pratiquer le dialogue, un dialogue tripartite, franc et constructif, dans le seul but d'aider les Etats Membres à progresser dans la mise en œuvre de leurs obligations relatives aux normes internationales du travail. Malgré l'importance des questions de principe, la complexité, voire la gravité de certains cas que la commission avait à débattre cette année, un esprit constructif et de bonne volonté a prévalu, qui justifie l'espoir de parvenir à des solutions acceptables pour tous. La commission ne peut que s'en réjouir, car il ne faut jamais oublier qu'au-delà des textes que les organes de contrôle ont pour mission de faire respecter, c'est la liberté, la dignité et les conditions d'existence, parfois même la vie d'hommes, de femmes et d'enfants qu'il s'agit de protéger. La commission est convaincue que le système normatif et les procédures de contrôle fondées sur la Constitution sont de nature à apporter une contribution significative à la prise en compte résolue des aspects sociaux de la mondialisation de l'économie.

Genève, le 16 juin 1998.

(Signé) P. van der Heijden, Président.
C. Aguessy, Rapporteur.


1. Pour les changements dans la composition de la commission, se référer aux rapports de la Commission de proposition, Comptes rendus provisoires nos 3 à 3K.

2. Rapport III à la Conférence internationale du Travail -- Partie 1A: Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations; Partie 1B: Réadaptation professionnelle et emploi des personnes handicapées.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.