L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
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GB.264/TC/2
264e session
Genève, novembre 1995


IV. Les instruments et les mécanismes opérationnels

26. On peut évaluer de manière plus complète la participation dans les programmes et projets de coopération technique de l'OIT en tenant compte des considérations suivantes: qui sont les participants, de quelle manière se déroule la participation et à quelle étape du cycle du projet a-t-elle cours? Les paragraphes suivants sont consacrés aux protagonistes et aux partenaires qui ont joué un rôle dans les projets considérés, aux formes de participation dont ils ont fait l'expérience et aux différentes étapes du cycle de programmation auxquelles ils ont participé.

1. Protagonistes et partenaires

27. Dans les activités de l'OIT, les partenaires sont d'abord et avant tout les gouvernements et les représentants des employeurs et des travailleurs. Dans la plupart des programmes et projets de coopération technique, les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs participent aux étapes de l'élaboration et de l'exécution conjointement avec les institutions gouvernementales. Dans bon nombre d'activités spécifiques, seules les organisations de travailleurs jouent un rôle soit en tant qu'organismes de contrepartie parallèlement au ministère compétent, soit en tant que groupe cible.

28. Le projet RELASUR est un excellent exemple de coopération technique dans lequel tous les partenaires/mandants de l'OIT sont les principaux protagonistes. La participation tripartite a été observée à tous les niveaux: des représentants des acteurs sociaux des cinq pays participants assistaient aux réunions du comité de programmation; au niveau opérationnel, des consultations permanentes ont été tenues avec les différents acteurs sociaux en vue de déterminer les questions cruciales à aborder lors de colloques, d'ateliers, ou dans le cadre d'études et de publications, ainsi que l'assistance technique à fournir en fonction des besoins.

29. Dans le projet de mise en valeur de terres en friche en Inde, une organisation de travailleuses -- l'Association des travailleuses indépendantes (SEWA) -- était le seul partenaire social intervenant dans le projet et tenait lieu simultanément d'organisme de contrepartie officiel du projet et de représentant du groupe cible au niveau local. Une situation analogue a été observée dans le projet relatif aux travailleuses à domicile en Thaïlande, où le réseau des travailleurs à domicile (HOMENET) a joué le rôle d'organisme de contrepartie conjointement avec le ministère du Travail. Le projet d'aide à l'éducation ouvrière des travailleuses aux Philippines a été ciblé sur deux organisations de travailleurs nationales appelées à fournir une assistance technique directe au projet, et ces organisations sont devenues les principaux protagonistes en tant qu'organismes de contrepartie: il s'agit du Congrès philippin des syndicats (TUCP) et du Conseil consultatif du travail (LACC).

30. Dans certains des projets considérés, les organisations de travailleurs sont intervenues directement en tant que bénéficiaires prévus: aux Philippines, le Réseau national des travailleurs à domicile (PATAMABA) était le principal protagoniste dans le projet relatif aux travailleuses à domicile, car il était le groupe cible à la fois pour le dispositif institutionnel et pour les activités de formation, parallèlement à la direction du travail et de l'emploi du ministère du Travail. Au Costa Rica, au Honduras, au Panama et en République dominicaine, les organisations de travailleurs ruraux sont devenues les principaux protagonistes dans le projet d'aide à l'éducation ouvrière, dont ils étaient les bénéficiaires prévus. Certaines organisations de travailleurs ont également joué le rôle d'organismes de contrepartie pour les activités menées au niveau régional dans le cadre du projet.

31. La participation des représentants des employeurs, des travailleurs et des gouvernements aux programmes et projets de coopération technique est inhérente à la structure tripartite de l'OIT; un souci dominant, dans les activités entreprises dans le cadre de la coopération technique, a toujours été et demeurera d'assurer cette participation. Il est cependant opportun d'examiner les obligations et les responsabilités des autres partenaires, car la participation des groupes défavorisés n'est jamais spontanée, et il importe par conséquent de les identifier et de veiller à ce qu'ils soient associés au processus participatif. Les quatre principaux protagonistes identifiés à partir des rapports d'évaluation analysés aux fins du présent document sont les suivants:

32. La participation des groupes cibles, notamment des groupes défavorisés, est depuis longtemps privilégiée dans les programmes et projets de coopération technique de l'OIT. Le Programme des organisations de participation des populations pauvres des zones rurales de l'OIT (Participatory organizations of the rural poor (PORP)), lancé en 1977, visait à encourager et à aider les personnes démunies des zones rurales à trouver progressivement une solution à leurs problèmes en s'interrogeant et en agissant collectivement. Ce n'est cependant que récemment que l'importance réelle de la participation active de tous les partenaires intéressés aux activités menées dans le cadre de la coopération technique a été pleinement reconnue par toutes les parties en cause. A titre d'exemple, dans le projet relatif aux travailleuses à domicile en Indonésie, où ces travailleuses n'étaient pas organisées au niveau national, la stratégie adoptée a consisté en des interventions par le canal d'organisations non gouvernementales oeuvrant conjointement avec le ministère de la Main-d'oeuvre. L'une de ces organisations, Bina Swadaya, s'est acquittée d'une manière très efficace de la plupart des activités de formation et d'organisation du groupe cible. Dans le projet interrégional sur la sécurité et la santé des travailleurs, cette stratégie participative a été étendue à plusieurs organisations de services au niveau international.

33. La plupart des rapports d'évaluation ont mis en relief bien des faiblesses dans la mise en oeuvre d'une approche participative, imputables au manque d'empressement des organismes associés et des organismes de services qui fournissent un appui, ainsi qu'à des divergences de vues chez les partenaires concernant les méthodes participatives et à leur pratique différente à cet égard. Toutefois, comme il s'avère que la participation est un processus d'apprentissage continu, elle peut prendre différentes formes et atteindre divers degrés. On en trouvera une analyse dans la partie ci-après.

2. Formes de participation

34. L'approche participative est appliquée différemment selon le degré de participation des divers protagonistes: dans le projet interrégional sur la sécurité et la santé des travailleurs, pour lequel la participation tripartite a été considérée comme la démarche la plus appropriée pour améliorer la prévention dans ce domaine, seuls les représentants des employeurs et des travailleurs ont pris une part active au projet pendant les cinq premières années, parce que l'engagement des gouvernements à cet égard n'était pas assez ferme. La stratégie du projet a donc été ajustée pour tenir compte de l'implication progressive des partenaires sociaux suivant la situation dans chacun des pays participants. Dans le projet RELASUR, en revanche, la participation active des trois partenaires sociaux a été possible dès le départ, grâce aux consultations tenues lors d'une mission de programmation et de préparation qui s'est rendue dans tous les pays intéressés. Dans un autre projet portant sur les Systèmes d'information à l'appui des politiques du marché de l'emploi en Afrique lusophone (SIME), dont le principal objectif a été défini comme le renforcement de la capacité institutionnelle de maîtriser le fonctionnement du marché de l'emploi, la participation active des partenaires n'a été possible que dans le cadre de réunions tripartites de haut niveau. Au niveau opérationnel, les individus n'étaient pas prêts à participer de manière efficace.

35. Les projets à l'examen ont également montré que la participation a été plus ou moins entière selon qu'elle s'appliquait uniquement à l'exécution conjointe ou qu'elle s'étendait au contrôle et à l'évaluation. Le projet ACOPAM au Sahel, le projet de Zinder au Niger et le projet d'Appui aux femmes rurales en Guinée ont tous institué des systèmes d'auto-évaluation et de contrôle que l'on peut interpréter comme un engagement plus ferme envers la participation des principaux protagonistes que ce qu'on a pu observer dans les autres projets.

36. Le degré de participation à une activité de coopération technique dépend selon les cas des facteurs suivants:

Les trois premiers degrés -- informer, écouter et consulter -- sont en réalité des conditions préalables indispensables à la participation en tant que moyen de faciliter le processus participatif, tandis que les quatrième et cinquième degrés ont trait au but fondamental de la participation.

37. Deux des projets considérés sont des exemples classiques d'un degré très élevé de participation. Il s'agit du projet d'appui à la formation à travers l'INATEC au Nicaragua et du projet de travaux publics à forte intensité de travail à Kalerwe en Ouganda. Le projet INATEC a été lancé en 1991 avec les objectifs immédiats bien précis ci-après: a) le renforcement institutionnel de l'INATEC en tant qu'institut de formation professionnelle; b) la formation des formateurs; c) l'élaboration de programmes à l'intention de groupes cibles particuliers, tels que les groupes de femmes et les micro-entrepreneurs; d) l'introduction de l'approche participative dans les programmes de formation de l'INATEC. Dès le départ, l'INATEC a dirigé la planification, l'exécution, le contrôle et l'évaluation du projet. Pour chacun des huit experts de l'OIT affectés au projet, un homologue local au moins a été désigné, et ce personnel de contrepartie a pleinement participé à toutes les activités. Le rapport d'évaluation a conclu que les résultats avaient dépassé les espérances et que, trois ans après le lancement du projet, l'INATEC s'était transformé en un organisme de services entièrement nouveau doté des capacités voulues pour répondre dans les meilleures conditions aux besoins de formation du pays.

38. Le projet de Kalerwe en Ouganda a réussi à promouvoir la participation communautaire non seulement au financement des travaux de construction mais aussi à l'effort d'auto-assistance tendant à garantir la durabilité de l'ouvrage après l'achèvement du projet. Celui-ci a été conçu pour aider la communauté à améliorer l'infrastructure pour le drainage des eaux d'orage à Kalerwe, contribuant ainsi à une meilleure hygiène et à l'assainissement de l'environnement dans la région. Les principaux protagonistes étaient le conseil municipal de Kampala, l'équipe de l'OIT chargée de la gestion du projet et la communauté locale. Des comités de résidence étaient chargés des tâches de programmation et de la mobilisation de la communauté. Des réunions de planification et d'analyse des problèmes concrets ont été organisées régulièrement, et tous les ouvrages de construction ont été réalisés dans le cadre de contrats collectifs. Au bout d'une année, les produits projetés ayant été réalisés et les objectifs largement atteints, la responsabilité de la gestion du projet a été confiée aux responsables locaux.

39. La participation aux deux projets a donné de bons résultats parce que l'on a veillé pendant la phase de l'exécution au déroulement du processus participatif proprement dit. Des séminaires et des ateliers ont été organisés aux fins de l'analyse des difficultés rencontrées dans l'exécution, et les décisions concernant la gestion ont été prises par les protagonistes eux-mêmes, qui ont arrêté les mesures de redressement ou de suivi.

40. La participation au contrôle de l'exécution et à l'évaluation met en relief le processus d'apprentissage collectif et le transfert de la gestion du projet de l'équipe de l'OIT et des organismes extérieurs aux bénéficiaires prévus et aux destinataires directs. La démarche participative repose sur la bonne disposition des partenaires à écouter et consulter les autres personnes associées au projet et à prendre part avec elles à la prise des décisions. On a cependant fait valoir que, dans de nombreux cas, les partenaires des projets ont une vue bureaucratique ou technocratique de la participation et qu'il existe une contradiction inhérente entre la bureaucratie et la technocratie d'une part, toutes deux caractérisées par une approche du sommet à la base, et la participation de l'autre, caractérisée par le dialogue, l'échange d'informations, le partage du pouvoir et la redistribution.

41. Tous les projets analysés aux fins du présent rapport n'ont pas, comme on a pu le constater, donné d'aussi bons résultats, car la motivation et la détermination des participants étaient variables. Le ferme engagement de tous les protagonistes associés à un projet est essentiel pour assurer le succès de l'approche participative. Dans le projet sur la mise en valeur de terres en friche en Inde, les moyens d'atteindre l'objectif en transformant des terres incultes arides en actifs productifs n'ont été que partiellement opérants parce que l'appui nécessaire du gouvernement et du personnel de contrepartie et l'assistance technique de l'OIT n'ont pas toujours été fournis à temps: l'action engagée par le gouvernement pour obtenir les droits d'utilisation des terres a pris plus longtemps que prévu. Les droits d'utilisation de terres du domaine public sont une question complexe, surtout pour des femmes sans ressources ne possédant pas de terres, et des mesures législatives exceptionnelles ont dû être prises pour lever les obstacles juridiques qui empêchaient les intéressées d'obtenir des terres. Par ailleurs, le groupe cible avait besoin d'un appui technique pour exploiter des terres incultes semi-arides éprouvées par la sécheresse et les inondations. Il vaut la peine de signaler que l'un des partenaires associés au projet, l'Association des travailleuses indépendantes (SEWA), une organisation nationale, a, au bout du compte, largement réussi à résoudre le problème de l'accès aux terres et les autres difficultés techniques qui ont surgi au cours de l'exécution du projet.

3. La participation au cycle de programmation

42. Au cours des dix dernières années, la participation a évolué vers une approche intégrée de la coopération technique associant tous les protagonistes à chaque étape du cycle du projet. L'accent a été déplacé de la participation à l'exécution à la participation active à l'analyse des problèmes et à la formulation objective durant la phase préparatoire, ainsi qu'aux activités de contrôle et d'évaluation pendant et après l'exécution.

43. Pendant la phase préparatoire, lorsque l'on recueille des données sur les problèmes à traiter dans le programme ou le projet de coopération technique envisagé, il est essentiel de consulter le groupe cible. Cela s'est avéré une manière particulièrement efficace de rassembler des informations détaillées et à jour sur les groupes cibles et sur leurs problèmes. En outre, des consultations précoces avec les bénéficiaires prévus contribuent à une meilleure compréhension de leurs besoins réels, à condition que leurs représentants soient suffisamment indépendants et libres de s'exprimer dans les réunions avec les hauts fonctionnaires et les agents d'exécution.

44. Un sujet à examiner avec les partenaires est l'exposé des objectifs du projet au regard de l'analyse des problèmes et des solutions proposées. Selon la démarche participative, il importe que les objectifs soient définis sous l'angle du renforcement des capacités et que tous les partenaires partagent ce point de vue. A titre d'exemple, lorsque l'objectif du projet ACOPAM a été redéfini en le rapportant à l'autogestion des banques de céréales et aux systèmes d'irrigation à échelle restreinte reposant sur la communauté, les bénéficiaires prévus ont été associés aux décisions et ont accepté de relever le défi de l'autosuffisance.

45. Le contrôle et l'évaluation en concertation ont eu cours dans plusieurs des projets considérés, encore qu'à des degrés divers. Les rapports ont révélé qu'un contrôle et une évaluation systématiques n'avaient été assurés que dans quelques cas. Dans le projet de Kalerwe, en Ouganda, des réunions de contrôle et d'évaluation ont été organisées par l'équipe chargée de la gestion du projet, qui comprenait dix représentants des comités de résidence. Les questions touchant la planification, la gestion et l'exécution ont été discutées et analysées. En outre, un grand nombre de séminaires et d'ateliers ont été organisés à l'intention de la communauté sur diverses questions relatives à la participation. Le projet INATEC, au Nicaragua, est un autre cas où le principal souci de tous les protagonistes et partenaires a été d'assurer un contrôle et une évaluation continus pour atteindre les objectifs du projet. Des structures participatives pour le contrôle et l'évaluation ont été créées au sein de l'INATEC et avec les organismes extérieurs associés au projet. Dans le projet RELASUR, des consultations tripartites ont été tenues périodiquement afin que les partenaires sociaux, dans chacun des pays participants, prennent part aux décisions. Le projet ACOPAM et celui de Zinder dans les pays du Sahel, ainsi que le projet d'Appui aux femmes rurales en Guinée, ont mis au point leurs propres méthodes de contrôle et d'évaluation systématiques permettant aux principaux protagonistes de maîtriser le processus participatif en cours.

46. La question centrale dans les méthodes participatives de contrôle et d'évaluation est de savoir comment assurer la participation effective des groupes cibles aux décisions. Les partenaires doivent aussi se mettre d'accord dès le début des activités du projet sur une série d'indicateurs permettant de contrôler l'exécution et d'évaluer les progrès réalisés vers la réalisation des objectifs. Ils doivent également être associés à la gestion du projet afin que leur avis soit pris en compte et qu'ils soient acquis aux ajustements éventuellement nécessaires de la stratégie du projet.

47. Dans les approches participatives du contrôle et de l'évaluation, les indicateurs doivent être définis en des termes susceptibles de vérification indépendante, c'est-à-dire fondés sur des informations accessibles. Dans le projet de Zinder, par exemple, les indicateurs permettant de mesurer la capacité d'autogestion des banques de céréales ont été définis par rapport à la gestion des stocks, à l'utilisation des ressources, à la tenue efficiente des comptes, etc. Cette méthode a permis à tous les partenaires d'avoir une connaissance intime du processus de développement auquel ils participaient et de le guider.

48. Il convient également de prêter attention aux hypothèses sur lesquelles reposent les programmes et les projets. Ces hypothèses ont trait à des facteurs externes qui affectent l'exécution et la marche du projet mais qu'il est impossible de maîtriser directement. Il peut s'agir de l'appui du gouvernement sous la forme de la promulgation de nouvelles lois, comme dans le projet sur la mise en valeur de terres en friche, ou de la quasi-absence d'organismes de services privés, comme dans le cas du projet ACOPAM. Alors que dans les programmes et projets de coopération technique classiques, les directeurs des projets risquent de négliger ces hypothèses, dans le cadre d'une approche participative il est possible de dégager la plupart des hypothèses parce que les organismes de soutien participent à la gestion du projet.

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Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.