L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
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89e session, juin 2001


Rapport V (1)

Promotion des coopératives

Cinquième question à l'ordre du jour


Bureau international du Travail  Genève

ISBN 92-2-211957-6
ISSN 0251-3218


TABLE DES MATIÈRES

Introduction

Chapitre I: Les coopératives à l'aube du XXIe siècle

Chapitre II: Conditions du succès

Chapitre III: Conclusions

Bibliographie

Annexe: Alliance coopérative internationale. Déclaration sur l'identité coopérative

Questionnaire


Introduction

Décision de réviser la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966

A sa 274e session (mars 1999), le Conseil d'administration a décidé d'inscrire à l'ordre du jour de la 89e session (2001) de la Conférence internationale du Travail la question de la promotion des coopératives en vue de l'adoption d'une norme révisée en 2002.

Le dernier débat approfondi que l'OIT a consacré aux coopératives remonte à 1966, à la 50e session de la Conférence internationale du Travail, lorsque celle-ci a adopté la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966. Le BIT a organisé en 1993 une réunion d'experts en coopératives, dont l'ordre du jour comprenait un point intitulé «Etude des répercussions de la recommandation no 127». Cette réunion a été suivie en 1995 par la Réunion d'experts sur la législation coopérative, qui a approfondi cette question.

Diverses normes internationales du travail se réfèrent directement ou indirectement aux coopératives, mais le seul instrument détaillé est la recommandation no 127. D'autres instruments – convention (no 141) et recommandation (no 149) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, recommandation (no 169) concernant la politique de l'emploi (dispositions complémentaires), 1984, et convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 – montrent comment certains groupes peuvent s'organiser, notamment dans le cadre de coopératives, et à quelles fins celles-ci peuvent être utilisées par leurs membres ou encore pourquoi les groupes minoritaires dont le mode de vie et la culture diffèrent de ceux de la majorité de la société doivent être protégés lorsqu'ils mettent sur pied des associations d'auto-assistance, notamment des coopératives.

Raisons de la révision

Les changements politiques, économiques et sociaux intervenus depuis l'adoption de la recommandation no 127 ont influé sur la situation des coopératives dans le monde entier. Par ailleurs, la recommandation no 127 ne concerne que les pays en développement. Or les coopératives ont un nouveau rôle à jouer à la fois dans les pays industriels et dans les pays autrefois communistes. Le Conseil d'administration a donc estimé que de nouvelles normes universelles pourraient aider les coopératives à donner toute leur mesure en matière d'auto-assistance; elles seraient ainsi mieux armées pour contribuer au règlement de problèmes socio-économiques tels que le chômage et l'exclusion sociale.

S'agissant des pays en développement, la recommandation no 127 reflète la façon dont on envisageait le développement dans les années soixante, notamment le rôle de l'Etat et des coopératives. Aujourd'hui, le développement n'est plus conçu comme une imitation des pays déjà industrialisés, pas plus que l'on ne considère les coopératives comme des instruments entre les mains de l'Etat. Conformément aux principes coopératifs universellement reconnus, elles sont perçues comme un moyen pour leurs membres d'atteindre des buts économiques et sociaux communs.

Dans les pays communistes, les coopératives faisaient partie intégrante du système politique. Elles étaient un moyen de centraliser l'utilisation de la terre, d'employer la main-d'œuvre agricole et de distribuer des biens de consommation. La privatisation en cours dans les économies autrefois communistes va au-delà de la réforme agraire mentionnée dans la recommandation no 127 puisque l'industrie manufacturière et les infrastructures de service sont elles aussi privatisées. Certaines coopératives de type communiste ont été transformées en véritables coopératives tandis que d'autres ont été rachetées par des particuliers ou par leurs anciens membres. Etant donné que les coopératives jouent un rôle de plus en plus important du fait de la libéralisation et de la privatisation du commerce et des services, le BIT reçoit un nombre croissant de demandes émanant à la fois de pays en développement et de pays en transition, qui souhaitent recevoir une assistance technique dans le domaine des coopératives, qu'il s'agisse de leur création, de la formation, de la politique à mener ou encore de la réforme de la législation coopérative.

Dans les pays industriels, c'est à cause de l'évolution de la structure des entreprises coopératives et de l'apparition de nouvelles formes de coopératives que la nécessité de nouvelles normes se fait sentir. Dans nombre de ces pays, les coopératives modifient leur structure traditionnelle afin d'être mieux armées pour affronter la concurrence que leur livrent d'autres types d'entreprises. Par ailleurs, le modèle coopératif de propriété et de gestion collectives est de plus en plus utilisé par les salariés pour racheter leur entreprise, que ce soit dans le secteur du transport, dans le secteur des services ou dans l'industrie manufacturière, afin de protéger les emplois existants et d'en créer de nouveaux, et ce à l'heure où la mondialisation et les changements techniques entraînent une réduction continue des effectifs.

Dans beaucoup de pays, les changements politiques, économiques et sociaux ont amené l'Etat à réduire son intervention dans les affaires économiques et sociales. L'idée essentielle qui sous-tend les programmes d'ajustement structurel est qu'il convient de transférer du public vers le privé le financement, la gestion et les responsabilités. Les programmes de stabilisation monétaire et budgétaire, le renforcement des institutions, la privatisation et la libéralisation qui s'ensuivent exigent de la société civile qu'elle prenne une part plus active à la gestion des affaires économiques, sociales et politiques. L'Etat quant à lui se borne de plus en plus à définir le cadre politique, juridique et administratif nécessaire pour le développement des organisations privées, y compris les coopératives, ce qui renforce la démocratie. Les normes actuelles de l'OIT ne tiennent pas compte de cette évolution.

En 1995, le Congrès du centenaire de l'Alliance coopérative internationale, l'organisation faîtière du mouvement coopératif international, a adopté une déclaration sur l'identité coopérative, qui énonce un ensemble révisé de principes: adhésion volontaire et ouverte à tous; pouvoir démocratique exercé par les membres; participation économique des membres; autonomie et indépendance; éducation, formation et information; coopération entre les coopératives; engagement envers la communauté. Ces nouveaux principes, qui complètent et affinent les principes précédemment acceptés, confirment que les coopératives sont des entreprises dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement et qui reposent sur les valeurs suivantes: entraide, responsabilité, démocratie, égalité, équité et solidarité. La norme actuelle de l'OIT énonce certes les mêmes principes fondamentaux mais privilégie le rôle de l'Etat dans le développement des coopératives au détriment de l'esprit d'autonomie et d'entreprise qui caractérise les coopératives. En outre, la recommandation no 127 sous-estime la dimension économique des entreprises coopératives.

Rôle de l'OIT dans le développement des coopératives

L'OIT reconnaît l'importance des coopératives à l'article 12 de sa Constitution, qui prévoit des consultations non seulement avec les employeurs et les travailleurs mais aussi avec les coopérateurs à travers leurs organisations internationales reconnues. C'est à sa troisième session, en mars 1920, que le Conseil d'administration a créé le Service des coopératives. Ce service est donc l'un des plus anciens et des plus solidement établis. Sur cette base, le BIT a encouragé le développement des coopératives, principalement en fournissant une assistance technique et des informations, et a conseillé les gouvernements ainsi que les organisations d'employeurs et de travailleurs sur leur rôle en la matière. Aujourd'hui, c'est le BIT qui, au sein du système des Nations Unies, a le plus vaste programme de coopération technique dans ce domaine.

Plan du rapport

Le présent rapport est divisé en trois chapitres et comprend un questionnaire.

Le chapitre I analyse l'évolution de l'environnement dans lequel opèrent les coopératives dans les pays en développement, en transition ou industriels. Il décrit les principaux changements démographiques, économiques, sociaux, politiques, écologiques et techniques ainsi que leurs effets sur les coopératives. Il examine aussi les perspectives qui s'ouvrent aux coopératives en ce qui concerne les services économiques et sociaux qu'elles fournissent. Leur rôle dans le domaine de la décentralisation, de la démocratisation et de l'émancipation économique et sociale des femmes est également décrit.

Le chapitre II examine, compte tenu des succès et des échecs enregistrés depuis l'adoption de la recommandation no 127, les conditions nécessaires pour que la promotion des coopératives donne de bons résultats. Une attention particulière est accordée aux points suivants: évolution du rôle joué par l'Etat, politique et législation relatives aux coopératives, services d'appui fournis aux coopératives dans des domaines tels que le développement des ressources humaines, le conseil en gestion et la vérification des comptes, rôle des partenaires sociaux, intégration horizontale et verticale des coopératives, rôle de la coopération internationale.

Le chapitre III contient quelques remarques finales.

Chapitre I

Les coopératives à l'aube du XXIe siècle

1. Un environnement en pleine évolution

1.1 Changements intervenus depuis trente ans susceptibles de justifier le réexamen
du contenu et de la structure de la
recommandation no 127

Contexte global

L'ordre politique et économique en vigueur à l'époque de l'élaboration de la recommandation no 127 était relativement simple: il y avait les pays riches industrialisés fournisseurs de l'aide au développement, et les pays du Sud bénéficiaires de cette aide; entre les pays communistes d'Europe de l'Est et les pays occidentaux industrialisés régnaient des rapports de force. La situation est aujourd'hui plus compliquée, avec un réseau de blocs régionaux caractérisés par des stades de développement politique et social divers. Au seuil du XXIe siècle, le monde subit des mutations profondes qui nous obligent à trouver des réponses à toutes sortes de questions: implications à long terme de la crise asiatique; ajustement structurel en Afrique subsaharienne et dans les pays en transition; fragmentation du pouvoir dans beaucoup d'Etats-nations; pressions sur l'environnement à l'échelle mondiale et régionale; raréfaction des ressources de base; accroissement massif de la population mondiale.

Les changements, aboutis ou en cours, les plus importants à l'échelle mondiale sont d'ordre politique, démographique, social, économique, écologique et technologique. Nous examinerons brièvement tous ces aspects afin de déterminer leur influence sur l'évolution des coopératives.

Contexte politique

Le changement le plus spectaculaire et le plus lourd de conséquences sur la scène politique a été la chute du socialisme dogmatique comme forme de gouvernement, laquelle s'est accompagnée dans beaucoup de pays d'un mouvement de restructuration, de privatisation et de liquidation de nombreuses institutions publiques, entreprises d'Etat et entreprises collectives qui a provoqué un bouleversement des conditions de vie synonyme d'appauvrissement. Dans beaucoup de pays en développement et certains pays industrialisés, la population, en particulier les catégories à bas revenu, s'est durement ressentie des programmes d'ajustement structurel. Ces programmes prônent un libéralisme économique qui est peut-être source d'opportunités nouvelles pour les catégories aisées, instruites et influentes et qui ne s'embarrassent pas toujours de scrupules, mais qui s'opère au détriment des plus vulnérables: le scénario le plus classiquement propice au développement des coopératives.

Au cours des vingt dernières années, la libéralisation politique a eu diverses conséquences sur les coopératives et leurs organisations faîtières: en premier lieu, l'adhésion obligatoire a été supprimée, provoquant une diminution considérable du nombre de membres et une baisse correspondante des cotisations. En deuxième lieu, la réduction des subventions publiques a mis un terme au monopole des services coopératifs. Ce retrait de l'Etat duquel les coopératives tiraient leur force s'est traduit par une baisse du volume et de la qualité de leur production, réduisant beaucoup de membres au chômage ou au sous-emploi. L'adoption de politiques plus libérales a permis l'émergence de coopératives démocratiques qui apportent leur contribution à la construction d'une société pluraliste.

Compte tenu de l'expérience à la fois peu convaincante et coûteuse des fermes collectives et des coopératives agraires (ujamaa en République-Unie de Tanzanie, fokonolona à Madagascar, associations paysannes en Ethiopie, samahang nayons aux Philippines et exploitations coopératives dans les anciens pays communistes d'Europe centrale et orientale et dans l'ex-Union soviétique), l'utilité et la faisabilité des entreprises collectives et le rôle des coopératives dans les programmes de réforme agraire sont remises en question.

Les coopératives contrôlées par l'Etat, de création artificielle, dépendantes des subventions de l'Etat et de l'aide étrangère, n'ont pas toujours la vitalité et la souplesse requises pour s'adapter au changement et font faillite ou disparaissent quand l'assistance extérieure se tarit. En revanche, les coopératives établies sans aide publique tirent parfois profit du désengagement de l'Etat en assument à sa place certaines fonctions, celles par exemple des anciens offices de commercialisation.

Par ailleurs, la perception du rôle de l'Etat a beaucoup changé dans de nombreux pays industrialisés. Il n'intervient plus directement dans l'industrie ou le commerce et se contente de fournir un cadre propice au développement de l'activité économique et donc à la prospérité des citoyens. Les coopératives se voient assigner un rôle de plus en plus actif aux côtés d'autres formes d'entreprises sur un marché concurrentiel.

Démographie

Deux grandes tendances se dessinent dans le monde du point de vue démo-graphique. Dans les pays industriels, les taux de fécondité chutent et l'espérance de vie augmente régulièrement, d'où la diminution du nombre d'actifs qui devront assurer la sécurité sociale d'un nombre croissant de retraités auxquels il reste encore vingt à trente années d'espérance de vie. En Allemagne, dans les trente années à venir, l'effectif des contribuables et des assujettis sociaux sera largement dépassé par celui des personnes âgées en droit de toucher des prestations sociales. Dans les pays en développement, la tendance est inverse. En Afrique et dans beaucoup de pays d'Asie et d'Amérique latine, à l'exception de la Chine, le taux de fécondité reste élevé et la majorité de la population a moins de vingt ans. Dans les trente à cinquante années à venir, la croissance de la population mondiale sera imputable à 90 pour cent aux pays en développement et aux catégories à bas revenu. Le progrès de la médecine contribuera à une baisse des taux de mortalité et à un allongement de l'espérance de vie.

Selon les estimations, dans les cinquante prochaines années la population mondiale augmentera de 93 à 95 millions par an pour atteindre 10 milliards d'habitants en 2050, contre 5,5 milliards en 1992. La pression sur l'environnement ne pourra donc que s'accentuer et les besoins de nourriture, de logements et d'emplois augmenteront. Divers autres problèmes sont à craindre: manque de terres, conflit quant à leur utilisation, urbanisation envahissante, extension des bidonvilles, occupations sauvages à la périphérie des villes telles que Lagos, Nairobi, Lusaka, Manille, Bangkok et Rio de Janeiro.

Dans les pays industrialisés, l'évolution démographique incite les coopératives à diversifier leurs services et conduit certains groupes à établir des coopératives spécialisées. Depuis les années quatre-vingt, de nouveaux types de coopératives s'occupent des personnes âgées et fournissent divers services essentiels: soins de santé, logement, pompes funèbres, autres services d'appui. Par ailleurs, des groupes vulnérables – notamment des jeunes chômeurs – ont commencé de créer des coopératives de travailleurs ou des coopératives de services de proximité ou ont adhéré à celles qui existaient. Dans beaucoup de pays européens, on considère que les années soixante-dix et quatre-vingt ont été celles de la renaissance des coopératives de travailleurs. Dans les pays en développement, pour lutter contre l'exode rural, les coopératives rurales se sont mises à participer aux efforts de développement local visant à créer des emplois: infrastructure rurale, reboisement, amélioration des terres, protection de l'environnement.

Société

On assiste partout dans le monde à un effondrement des systèmes de valeurs que l'évolution démographique ne fait qu'accélérer. Les structures familiales qui, depuis des temps immémoriaux, servaient de système fiable et efficace de sécurité sociale se désagrègent. Dans beaucoup de pays industrialisés, les familles nombreuses abritant plusieurs générations sont l'exception plutôt que la règle. La norme est représentée par la famille nucléaire avec un ou deux enfants, et celle-ci est en passe d'être remplacée par le foyer monoparental. Dans ces conditions, la prise en charge des personnes âgées doit être repensée.

Le Sommet mondial pour le développement social, qui s'est tenu à Copenhague en 1995, a souligné que la richesse globale des nations a été multipliée par sept ces cinquante dernières années mais que, parallèlement, dans beaucoup de sociétés de pays en développement comme de pays développés, l'écart entre les riches et les pauvres s'est creusé. Certes, il y a eu expansion du pluralisme démocratique, des institutions démocratiques et des libertés civiles fondamentales, mais trop de gens, en particulier des femmes et des enfants, sont en proie à de grandes difficultés et vivent dans le dénuement. La pauvreté, le chômage et la désintégration sociale sont souvent synonymes d'isolation, de marginalisation et de violence.

Tous les pays connaissent ces problèmes, à un degré ou à un autre, mais ceux-ci se posent de façon critique dans la plupart des pays en développement – et particulièrement en Afrique –, d'où la nécessité de mesures spéciales, en leur faveur. Les pays en cours de mutation politique, économique et sociale (y compris les pays qui cherchent à consolider la paix et la démocratie) ont particulièrement besoin de l'aide de la communauté internationale. Comme l'indique le programme d'action du Sommet social, les buts et objectifs du développement social supposent un effort continu visant à réduire et éliminer les principales sources de souffrance sociale et d'instabilité pour la famille et la société. Il faut en priorité s'attacher à lutter à l'échelle mondiale contre tout ce qui menace la santé, la sécurité, la paix et le bien-être de la population, et notamment: la faim chronique; la malnutrition; la consommation de drogues illicites; le crime organisé; la corruption; l'occupation étrangère; les conflits armés; le trafic d'armes, le terrorisme; l'intolérance et l'incitation à la haine raciale, ethnique, religieuse ou autre; la xénophobie; les maladies endémiques, contagieuses et chroniques. A cette fin, il y a lieu de renforcer la coordination et la coopération aux niveaux national, régional et international.

Le processus d'ajustement structurel a mis en évidence le fait que des coopératives de services et de crédit indépendantes et autosuffisantes peuvent beaucoup favoriser la valorisation des ressources humaines en aidant leurs membres à améliorer leur niveau d'instruction et leurs compétences professionnelles. Elles peuvent aussi contribuer à contrer les effets négatifs de l'ajustement dont se ressentent davantage les groupes défavorisés.

Les organisations d'entraide qui se créent spontanément pour régler les problèmes immédiats de leurs membres, y compris les précoopératives et les groupes informels, sont plus viables que les structures importées qui ne sont pas tout à fait compatibles avec les normes locales de comportement et ne satisfont pas nécessairement les besoins économiques du groupe cible.

Toutefois, en dépit de toutes les précautions qui peuvent être prises, les sociétés coopératives authentiques, qui fonctionnent bien selon un bon rapport coût-efficacité, risquent d'essuyer des revers lorsqu'elles sont utilisées comme support institutionnel pour la prestation de biens et de services fournis par un projet à des groupes cibles, comme le souligne un rapport du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC).

Economie

Le changement le plus considérable qui s'est produit ces quelques dernières années est le passage de beaucoup de pays communistes d'une économie centrale-ment planifiée à l'économie de marché. Dans tous les pays, l'écart entre riches et pauvres ne cesse de croître. Même dans les pays industriels riches, l'inégalité dans la répartition des richesses et la pauvreté ont atteint une dimension inimaginable il y a quelques décennies. Le nombre de chômeurs et de sans-abri augmente inexorablement.

L'initiative privée, l'esprit d'entreprise et l'emploi indépendant sont d'autant plus essentiels pour la création d'emplois que le chômage et le sous-emploi s'aggravent et que la capacité d'absorption des entreprises du secteur informel moderne est limitée.

La tendance constatée à créer moins d'emplois mais des emplois mieux payés et à délocaliser l'emploi dans des pays où le coût du travail est inférieur – d'où l'accroissement du nombre de chômeurs dépendant des prestations sociales –, ne saurait continuer longtemps sans provoquer une explosion sociale. Les acteurs économiques et politiques doivent donc chercher des solutions pour assurer une répartition plus équitable du travail et de la richesse.

Dans les pays en développement, le tableau est plutôt sombre: misère, chômage, inflation, termes de l'échange défavorables pour les cultures d'exportation, fardeau de la dette, etc. Les programmes d'ajustement structurel visant à accélérer la croissance économique en stimulant la production et les exportations à n'importe quel prix ont à ce point négligé la dimension sociale qu'il a fallu concevoir des programmes spéciaux pour remédier à cette carence. Réduire les investissements dans les secteurs de l'éducation et de la santé dans des pays qui ont besoin d'améliorer de toute urgence leur situation économique et sociale est incompatible avec les exigences d'un développement équilibré à long terme.

Selon les estimations du BIT, 25 à 30 pour cent de la population active mondiale – 3 milliards – est sous-employée, et environ 140 millions de travailleurs sont réduits à un chômage total. La situation de l'emploi dans le monde n'a dans l'ensemble rien de réjouissant et il est urgent que tous les pays trouvent de nouveaux moyens de surmonter les obstacles à l'emploi.

L'ampleur du chômage et du sous-emploi et l'exclusion sociale qui en découle suscitent de plus en plus de craintes. Les groupes particulièrement à risque dans ce contexte sont les jeunes chômeurs, les chômeurs de longue durée, les travailleurs âgés déplacés, les travailleurs peu qualifiés et handicapés, les groupes ethniques minoritaires et les femmes, lesquelles, à l'intérieur de toutes ces catégories, subissent une discrimination supplémentaire. Particulièrement préoccupant est le chômage des jeunes qui atteint des chiffres record partout dans le monde; selon les estimations du BIT, quelque 60 millions de jeunes de 15 à 24 ans seraient à la recherche d'un emploi qu'ils ne parviennent pas à trouver.

Le progrès technologique exige des travailleurs un apprentissage et un recyclage permanents des compétences. Les systèmes de formation doivent s'adapter à cette nouvelle exigence. Traditionnellement axés sur la demande du secteur manufacturier, ils ont du mal par exemple à ajuster leur offre en fonction de l'expansion du secteur des services constatée dans presque tous les pays. Autre évolution structurelle importante, les petites et microentreprises, y compris les coopératives, jouent un rôle croissant dans l'offre et la création d'emplois.

Au cours des cent dernières années, les coopératives des pays industrialisés se sont pour la plupart transformées en puissantes structures économiques constituant des systèmes intégrés aux niveaux local, régional, national et international.

L'importance des coopératives dans l'économie de marché est pleinement reconnue dans ces pays. L'Etat favorise leur essor principalement en créant des conditions propices au développement économique, politique et social, et en garantissant le respect de la loi et la mise en place d'un réseau de sécurité sociale.

Beaucoup de coopératives établies de longue date (sociétés coopératives d'approvisionnement et de commercialisation agricoles, mutuelles de crédit, coopératives de consommateurs, d'artisans et de détaillants, coopératives de professions libérales, coopératives d'habitation) sont devenues de grandes entreprises gérées par des professionnels et solidement financées qui font concurrence à d'autres entreprises commerciales. Beaucoup de ces grandes coopératives fonctionnent presque comme des sociétés offrant leurs services non seulement à leurs membres mais aussi à la population en général, réduisant les droits et obligations de leurs membres au minimum et les relations de ceux-ci avec la coopérative à celles de simples clients. Il en résulte qu'à la longue les coopératives perdent leur base d'adhérents et se transforment en entreprises détenues par des investisseurs.

D'un autre côté, les grandes coopératives dynamiques ont montré qu'elles peuvent conserver une base solide d'adhérents participant activement à la gestion et au contrôle de leurs activités (même lorsque l'effectif s'élève à des dizaines de milliers), sous réserve qu'elles se dotent d'une politique bien définie de promotion du principe associatif et des moyens de l'appliquer.

Il existe beaucoup de types différents de coopératives mais on compte en gros deux formes de coopération qui, toutes deux, contribuent à promouvoir le développement durable, à savoir la coopération socio-économique et la coopération commerciale:

Environnement

Dans un rapport sur l'avenir des coopératives, publié en 1980, l'Alliance coopérative internationale (ACI) parle en ces termes de la dégradation de l'environnement:

La pollution de l'eau, du sol et de l'air a pris une telle dimension qu'aujourd'hui plus personne, du simple citoyen au responsable politique, ne peut l'ignorer. Les changements climatiques à l'origine de la sécheresse, d'incendies de forêts et d'inondations provoquent des dommages de plus en plus étendus, obligeant les gens à revoir leur mode de vie et leur comportement vis-à-vis des ressources naturelles.

Les pays industriels s'intéressent beaucoup au contrôle et à la prévention de la pollution, à l'évacuation et au recyclage des déchets, à l'utilisation de sources d'énergie non polluantes et renouvelables et à la conception de technologies douces, mais ces questions sont loin d'être prioritaires. Les mesures prises pour rendre les entreprises responsables des dommages qu'elles causent à l'environnement ne sont pas assez efficaces. Dans les pays en développement, les principaux risques écologiques sont la désertification résultant de la monoculture, la pression démographique, le surpâturage, l'utilisation de produits chimiques dangereux (engrais, pesticides) et la destruction des forêts, qui modifient le climat mondial.

Le mouvement coopératif peut relever le défi que représentent tous ces problèmes d'environnement. L'enseignement le plus important des années quatre-vingt est probablement qu'il est possible de protéger l'environnement et de le régénérer du moment que les populations intéressées sont associées à cette mission et y participent.

Dans une conférence organisée par l'ACI à Rome en 1993, les représentants de divers types de coopératives ont décrit la contribution que chacune pouvait apporter à la protection de l'environnement. Ils ont défini leur rôle comme consistant à promouvoir le développement rural durable et à garantir la sécurité alimentaire. Les représentants des coopératives de consommateurs ont prôné la «politique des trois R» – réduire, réutiliser, recycler – jugée nécessaire pour rétablir un mode de consommation durable.

Technologie

La mondialisation et le progrès technique, qui se poursuivent à un rythme accéléré, représentent un nouveau défi pour tous les pays. L'exacerbation de la concurrence et les bouleversements économiques découlant de l'intégration mondiale et du progrès technique sont une cause d'instabilité, d'où la difficulté de catégories nombreuses de la population active de maintenir leur employabilité. Dans le même temps, ces nouvelles forces économiques sont une source d'opportunités nouvelles pour la croissance économique et l'expansion de l'emploi. Le niveau et la qualité des compétences qu'un pays possède détermine sa capacité de tirer profit de ces opportunités, tout en limitant le coût social qu'entraînent les mutations techniques et l'ouverture de l'économie.

L'innovation technique a permis d'utiliser plus efficacement l'énergie et les matières premières et de remplacer celles qui se raréfient par des produits synthétiques. Les moyens de transport et de communication modernes permettent aujourd'hui de délocaliser l'emploi dans des pays où la main-d'œuvre est moins chère et de séparer production et assemblage. Dans l'agriculture, on peut produire beaucoup plus qu'avant avec des effectifs beaucoup plus restreints, et l'Etat paie même les agriculteurs pour qu'ils réduisent leur production afin d'éviter les excédents. Le revers de la médaille est que ce niveau de productivité repose sur l'intense utilisation de produits chimiques qui polluent l'eau, le sol et l'air.

1.2 Pays en développement

1.2.1 Evolution du rôle de l'Etat

Pendant plusieurs décennies, dans les pays en développement, l'Etat a financé et contrôlé les coopératives qui ont été utilisées d'abord par les puissances coloniales qui les ont créées puis utilisées par les gouvernements devenus indépendants, comme des instruments de développement. Différentes expériences peu concluantes et coûteuses ont été menées pour essayer d'améliorer la production et la productivité agricoles: production commune, exploitations collectives, fermes d'Etat, etc.

Outre les tentatives de réforme radicale – coopératives de production de cultures de rapport pour l'exportation, coopératives de services pour la production vivrière –, des coopératives se sont établies de façon indépendante, à leur rythme et dans certains cas non sans succès, dans différents secteurs: artisanat, petite industrie, épargne et crédit, logement.

Beaucoup d'activités locales de développement se déroulent au sein de groupes informels et de précoopératives, qui sont parfois préférées parce que plus souples, moins bureaucratiques et non soumises à un contrôle officiel.

A une époque de changement accéléré dû aux programmes d'ajustement structurel, les coopératives sont considérées comme des organisations capables d'amortir les effets socialement pervers de certaines mesures. Dans les pays en développement, les principaux obstacles à l'expansion des coopératives sont notamment les suivants: idées fausses que se font les décideurs et les planificateurs de leur véritable nature et de leur fonctionnement; foi irréaliste en ce qu'elles peuvent accomplir; non-prise en compte des conditions minimales à réunir pour établir une coopérative avec quelque espoir qu'elle prospère; accélération artificielle de la croissance des coopératives.

Dans ces pays, le besoin d'orientations précises sur la façon de promouvoir, d'établir et de diriger une coopérative est au moins aussi grand aujourd'hui qu'il ne l'était au moment de l'élaboration de la recommandation no 127. Dans beaucoup d'entre eux, la croissance démographique, l'évolution défavorable du ratio main-d'œuvre/terres arables, le volume élevé d'investissements dans le secteur public, les projets de prestige et les dépenses militaires, l'expansion des entreprises publiques et parapubliques et la priorité accordée au secteur industriel au détriment du développement rural, joints à des politiques inadaptées, à la corruption et aux cours insuffisants des produits agricoles, se sont soldés par un endettement faramineux, de forts taux de chômage et de sous-emploi, l'instabilité politique, la stagnation de l'économie et la misère pour la majorité.

Le développement rural a été négligé pendant des décennies, ce qui a provoqué un exode massif vers les villes et l'aggravation du chômage et du sous-emploi dans des zones urbaines en pleine explosion démographique, tandis que les campagnes se vident d'une main-d'œuvre jeune, dynamique et active. Or, les organisations indépendantes démocratiques, y compris les coopératives et autres formes d'auto-assistance, sont parfois perçues par les gouvernements comme un danger ou une menace pour leur pouvoir.

Les gouvernements bénéficiaires de l'aide étrangère et de l'annulation de leur dette extérieure doivent appliquer des programmes d'ajustement structurel qui les contraignent à se désengager de la sphère économique et sociale, à réduire les effectifs de l'administration et des organismes parapublics, à déréglementer, décentraliser et libéraliser les structures politiques, économiques et administratives, autrement dit à abandonner l'économie planifiée au profit de l'économie de marché.

Mais les échecs du passé et la pression des organismes donateurs suscitent une évolution des politiques publiques de développement. Les programmes visent désormais les ruraux pauvres et les groupes défavorisés – femmes, jeunes, peuples tribaux et indigènes. En ce qui concerne le développement agricole, les efforts ne sont plus exclusivement axés sur l'amélioration et l'accroissement de la production pour l'exportation, mais portent aussi sur la production vivrière destinée aux marchés locaux, sur la transformation des matières premières et la création d'emplois hors agriculture. L'approche paternaliste de la planification et de l'exécution des programmes fait place à un mode participatif de gestion et d'évaluation des projets, de recherche, d'élaboration des politiques et de la législation. Cela donne lieu à une nouvelle interprétation des instruments de promotion de l'effort collectif; la coopérative contrôlée par l'Etat n'est plus la seule institution locale de développement officiellement reconnue et laisse place à divers types d'organisations allant du groupe informel à des formes reconnues mais non coopératives d'auto-assistance – associations d'agriculteurs, groupes d'intérêt économique, etc.; enfin, on redécouvre la valeur des campagnes d'alphabétisation, de l'instruction et du développement communautaire pour le développement général.

Dans le cadre des programmes d'ajustement structurel, les services de l'Etat chargés de promouvoir le développement font l'objet d'une restructuration. Leurs fonctions sont restreintes, et beaucoup de tâches qui étaient exécutées par des agents de l'Etat le sont désormais par des institutions locales, des organisations du système des Nations Unies, des ONG qui ont des bureaux régionaux (par exemple l'ACI ou le Conseil mondial des coopératives d'épargne et de crédit) et des entreprises communes qui opèrent à la fois dans les pays industrialisés et dans les pays en développement.

Le mot «coopérative» a mauvaise réputation dans beaucoup de pays en développement, et surtout dans ceux où elles étaient autrefois contrôlées par l'Etat (Ethiopie, Guinée, Madagascar, Mali, Soudan, Tanzanie, Viet Nam) et où l'adhésion était obligatoire. Les membres considèrent que les coopératives sont «l'affaire de l'Etat» et ignorent souvent leurs droits parce qu'ils n'ont jamais eu la possibilité de les exercer réellement. Ils n'ont pas bonne opinion des coopératives même dans les pays où l'Etat s'est borné à exercer un contrôle sur les prix des produits ou dans lesquels les non-membres bénéficiaient de l'égalité de traitement, mais où la participation à des activités autres que purement commerciales était pour ainsi dire inexistante. Loin de considérer qu'ils tirent des avantages de leur adhésion, les membres s'estiment exploités et n'ont aucun sentiment d'appartenance. Depuis que le processus de libéralisation a commencé, il y a même eu un sabotage délibéré de certaines coopératives par leurs membres, par exemple dans les coopératives industrielles et de logement en Ethiopie; parallèlement, de nouvelles organisations fondées sur les principes de la coopération et l'adhésion volontaire ont été créées.

L'expérience des coopératives qui peuvent commercialiser librement leur production, notamment vivrière, est très différente, et la perception qu'en ont leurs membres est dans l'ensemble positive. Cela vaut aussi pour les organisations de type coopératif du secteur informel: leurs membres les considèrent comme des organisations d'entraide qui jouent un rôle utile – sinon vital – pour eux. Ils sont donc disposés à engager leurs propres ressources pour renforcer ces entreprises communes. Les coopératives de crédit sont un bon exemple d'organisations autonomes, autogérées. Elles s'appuient sur des groupes préexistants, des adhérents instruits, une gestion et un contrôle démocratiques; elles comptent sur leurs propres fonds et n'offrent leurs services qu'à leurs membres. La mise en œuvre par les organisations faîtières de stratégies efficaces peut aussi contribuer à modifier l'image des coopératives, et donc encourager les adhésions. C'est ce qui s'est passé notamment en Indonésie où les effectifs des coopératives ont été multipliés par dix au cours des vingt dernières années.

En dépit de ces exemples positifs, beaucoup de membres de coopératives et l'opinion en général continuent de considérer les coopératives comme des organisations contrôlées ou financées par l'Etat, économiquement inefficaces et socialement inexistantes, qui placent l'intérêt de l'Etat ou des professionnels salariés qui les gèrent avant ceux de leurs membres. Pour venir à bout de ces préjugés, il y a lieu de mieux faire connaître la réussite de certaines coopératives qui défendent les intérêts de leurs membres, à leur satisfaction.

Les fusions, qui donnent naissance à d'énormes coopératives, modifient souvent la relation entre celles-ci et leurs adhérents. La libéralisation et la mondialisation ont inévitablement conduit les coopératives à chercher à opérer à un niveau qui leur permette d'être compétitives, condition évidente pour que leurs membres en tirent profit. Cependant, tant sur le plan de la gestion que sur celui de la compatibilité de deux cultures organisationnelles distinctes, les fusions n'ont pas toujours été préparées de manière à préserver la participation et le pouvoir de contrôle des membres.

Tout cela fait que les coopératives n'ont jamais eu autant besoin qu'aujourd'hui d'améliorer et de renforcer la relation entre leurs adhérents et leur direction et de concevoir de nouvelles activités adaptées aux besoins de leurs membres. Toutes celles, nombreuses, qui se soucient avant tout de réussite économique et ignorent les besoins réels de leurs membres devront inverser leurs priorités si elles entendent survivre et prospérer. La concurrence demeure féroce, et les coopératives ne pourront jamais compter sur un financement en capital aussi important que celui dont bénéficient les entreprises conduites par les investisseurs. Toutefois, les coopératives peuvent avoir et ont souvent un avantage concurrentiel précisément parce que leur raison d'être est de répondre aux besoins de leurs membres. Si elles arrivent à convaincre ceux-ci de renoncer aux avantages à court terme au profit de l'investissement à long terme, elles pourraient connaître une période de croissance prononcée, en particulier quand les entreprises conduites par les investisseurs, qui opèrent à court terme dans bien des domaines, devront à leur tour satisfaire les exigences immédiates de leurs actionnaires.

1.2.2 Incidence économique

Les premières phases de l'ajustement structurel ont eu un impact considérable sur beaucoup de coopératives:

1.2.3 Incidence politique

Dans beaucoup de pays, le secteur coopératif s'est dissocié du parti au pouvoir – voire de toute affiliation politique antérieure (par exemple en Zambie). On assiste à un mouvement lent mais inéluctable de décentralisation, non seulement des fonctions administratives mais aussi de l'activité politique, qui de plus en plus s'exercent au niveau local. Les pays n'ont pas tous inscrit cette décentralisation politique dans leur Constitution. Cependant, des termes tels que «société civile» et «subsidiarité» reviennent si fréquemment tant dans les déclarations publiques des organisations internationales que dans les programmes politiques nationaux qu'on peut en conclure que cette tendance a déjà gagné beaucoup de terrain. Décentralisation administrative et transfert du pouvoir politique au niveau local ne se sont pas toujours accompagnés d'un surcroît correspondant de ressources financières. Cela peut être problématique pour les citoyens demandeurs de services au nom de l'intérêt général mais crée de nouvelles opportunités pour les coopératives. En créant des partenariats avec les collectivités locales, elles peuvent diversifier leurs activités et faire plus efficacement pression pour faire évoluer la réglementation.

Les autorités locales n'ont pas toujours les capacités requises pour bien remplir leurs nouveaux rôles. Dans ce cas, à moins qu'elles n'arrivent à obtenir de l'assistance à un niveau proche du niveau local, la décentralisation risque de ne pas répondre aux espoirs mis en elle pour ce qui est de contribuer au développement. Les coopératives peuvent ici être sollicitées pour des services qui devront être rémunérés. Toutefois, la relation entre les autorités locales et les coopératives peut être conçue de beaucoup de façons différentes et le prix de ces services peut être négocié en fonction de l'échelle des valeurs locale.

Les coopératives signalent que la démocratisation a mis en lumière la nécessité que leurs membres soient instruits (Botswana).

1.2.4 Promotion des coopératives: nouvelles tendances

L'évolution politique et économique des pays en développement a eu pour effet de modifier les rôles de l'Etat, des coopératives ainsi que des organisations faîtières. La coexistence de coopératives commerciales (libre entreprise), de coopératives parrainées par l'Etat et de groupes de type associatif est désormais un fait accepté dans beaucoup de pays, d'où l'évolution du rôle promotionnel de l'Etat et des organisations faîtières:

Quand l'Etat se retire, les organisations faîtières (fédérations, confédérations, unions) ont la possibilité d'occuper le terrain. Toutefois, leur capacité de fournir le type d'appui dont les coopératives ont besoin pour se repositionner, et notamment d'offrir à leurs membres une instruction de base trop longtemps négligée au niveau local, varie d'un pays à l'autre. Dans certains, ces tâches sont exécutées par des ONG et des organisations communautaires (c'est le cas par exemple de la Sadguru Water and Development Foundation au Gujarat en Inde, qui a créé plus de 200 coopératives de premier niveau ces dernières années, et de SEWA, une ONG indienne qui travaille avec des coopératives de femmes et offre des prêts de mise en route). Dans d'autres pays, les organisations coopératives faîtières du secteur agricole commercial ont été supplantées par des organisations non coopératives (Association pour la culture du café, du coton, du tabac et de la noix de cajou en République-Unie de Tanzanie). Toutefois, le cas de l'Union des coopératives de planteurs du Kenya montre bien qu'une fédération de coopératives peut, grâce à son expérience, repositionner avec succès l'ensemble du secteur coopératif et rester dominante dans la branche.

Les fédérations qui, à ce jour, n'ont exercé que des fonctions de représentation dans un système soutenu par l'Etat (ce qui est le cas de la plupart des fédérations d'Asie) doivent aujourd'hui apprendre à fournir des services d'appui et à aider leurs affiliées à procéder à l'intégration horizontale et verticale nécessaire, y compris en aval et en amont, et à gagner l'accès à des services d'aide à la gestion qui soient à la fois pertinents et de haute qualité (dans les domaines de l'éducation et de la formation, du contrôle, du conseil en management, de la planification des projets, de la restructuration du capital, du développement organisationnel, etc.); si elles échouent dans cette tâche, elles risquent de disparaître.

Dans l'ensemble, en ce qui concerne les nouvelles relations entre le secteur coopératif et l'Etat, l'expérience tend à montrer deux choses:

1.3 Pays en transition

Dans les anciens pays communistes, les coopératives jouaient un rôle important dans le système politique et l'économie planifiée. Instruments entre les mains du gouvernement et du parti dirigeant, elles remplissaient un certain nombre de fonctions:

Ces coopératives communistes (coopératives agricoles, artisanales et industrielles et coopératives de consommateurs et d'habitation) étaient sensiblement différentes des coopératives du monde industrialisé occidental. Toutefois, en ce qui concerne leurs objectifs et leurs méthodes de fonctionnement, elles étaient officiellement reconnues comme des coopératives tant par l'ACI que par les organismes des Nations Unies.

Avec le déclin du communisme, ces coopératives ont perdu leur fondement idéologique et l'appui de l'Etat. La libéralisation et le passage à l'économie de marché ont contraint les dirigeants des associations collectives, des coopératives de consommateurs et de logement à revoir leur politique commerciale et à acquérir des compétences de chef d'entreprise, ce qui s'est avéré difficile après des décennies de travail en économie planifiée. La privatisation de la propriété collective a pris diverses formes:

Un problème restait entier, celui du remboursement des dettes et en particulier des prêts consentis par les banques d'Etat aux entreprises collectives et autres coopératives communistes sous le régime communiste.

En 1988, l'ex-URSS a adopté une législation coopérative autorisant la création, dans certains secteurs seulement – prestations de services, restauration – de nouvelles coopératives autonomes composées d'au moins trois membres, qui constituent la première forme légitime d'entreprises de groupe privées. Faute de mécanismes de contrôle efficaces, cette opportunité a été surtout utilisée pour régulariser des activités commerciales informelles et illégales et à des fins lucratives. Toutefois, tandis que les activités coopératives étaient légalisées, les nouvelles coopératives ont dû faire face à de sérieuses contraintes (lourde fiscalité, bureaucratie héritée de l'administration communiste et notamment difficulté d'accès à la terre, au crédit, aux matières premières, aux pièces détachées).

Au cours des premières années de la transition, les gouvernements étaient hostiles à toute forme de coopératives et favorables à la transformation des entreprises collectives en sociétés. Manquant de conseils d'expérience des mécanismes de l'économie de marché, les membres de ces entreprises ont souvent voté en faveur du maintien de la forme de coopération qu'ils connaissaient bien.

La restructuration et la «dépolitisation» des unions, fédérations et organisations faîtières coopératives se sont avérées difficiles, non seulement en raison du manque de dirigeants ayant l'expérience des coopératives autonomes axées sur le marché mais aussi de la faiblesse et de la désorganisation des coopératives de premier niveau pendant le processus de transition.

L'un des principaux obstacles à la création de nouvelles coopératives de services destinés aux agriculteurs, aux commerçants, aux artisans et aux membres de professions libérales était qu'il n'y avait pas assez, après des décennies de collectivisation, d'exploitations agricoles et d'établissements privés ni d'entreprises individuelles pour constituer une clientèle suffisante.

Un autre obstacle était l'absence de lois adaptées régissant la propriété foncière, les droits de propriété et l'accès aux services financiers. Il n'y avait pas non plus d'appareil administratif capable de donner effet à la nouvelle législation. La libéralisation de l'économie est allée beaucoup plus vite que la réforme des structures du pouvoir aux niveaux national, régional et local, d'où un certain immobilisme.

La transition s'effectue à des rythmes différents et avec plus ou moins de succès selon les pays, mais tous affrontent le même genre de problèmes:

1.4 Pays industrialisés

Dans les pays industrialisés, les coopératives représentent une force économique et sociale aujourd'hui reconnue. Les coopératives de services d'agriculteurs, d'artisans, de commerçants, de membres de professions libérales (médecins, pharmaciens, fiscalistes-conseils), de consommateurs et de locataires ont commencé modestement pour se transformer en grandes entreprises d'intérêt collectif qui sont gérées professionnellement et concurrencent les entreprises commerciales. Ces quatre dernières années, le nombre de coopératives primaires a diminué de façon spectaculaire sous l'effet des fusions, tandis que le nombre de membres a augmenté. L'efficience et la compétitivité des entreprises coopératives s'en sont trouvées fortement améliorées mais la relation avec les adhérents s'est distendue et, dans beaucoup de cas, ceux-ci sont devenus de simples clients et actionnaires.

Les grandes entreprises coopératives ont, à l'évidence, tendance à se détacher de leurs adhérents et à se transformer en entreprises d'intérêt général dominées par les gestionnaires.

Un certain nombre de mesures peuvent être prises – et de fait ont déjà été prises au Japon – pour empêcher que les grandes coopératives ne cherchent constamment à s'aligner sur le modèle de l'entreprise commerciale, au risque de perdre leur identité, et pour sensibiliser leurs dirigeants au fait que la gestion coopérative des affaires peut constituer vis-à-vis des entreprises commerciales un avantage comparatif qu'ils doivent exploiter:

Concrètement, cela veut dire que les grandes coopératives doivent entretenir et consolider les systèmes d'information et de communication entre les membres et la direction, se doter de structures représentatives, donner aux responsables (dirigeants bénévoles), aux gestionnaires et aux salariés la possibilité de mieux connaître la philosophie de l'entreprise coopérative, et tirer parti des mécanismes législatifs pour faire de la promotion des membres une obligation première des dirigeants (promouvoir la transparence et la responsabilité des dirigeants vis-à-vis des membres en ce qui concerne les services fournis, rapport sur la promotion inscrit obligatoirement à l'ordre du jour des réunions générales, vérification de la performance, sanctions en cas de promotion insuffisante).

En s'alignant sur leurs concurrents commerciaux, les entreprises coopératives risquent d'être soumises au même traitement fiscal qu'eux s'il s'avère que leur configuration et leur politique commerciale ne comportent plus de spécificités justifiant un statut différent.

Dans beaucoup de pays industrialisés, le système coopératif se compose d'un nombre décroissant de grandes sociétés primaires et d'un nombre décroissant aussi de fédérations régionales, d'unions et d'organisations faîtières nationales. Le nombre de coopératives qui se créent est relativement restreint dans certains pays (environ 30 chaque année en Allemagne) alors qu'il est de plus en plus élevé dans d'autres (Finlande, Royaume-Uni).

Après des décennies de croissance continue et de foi inébranlable dans le progrès technique et économique, il apparaît aujourd'hui que l'expansion a des limites. Les populations sont conscientes des dangers liés à la destruction de l'environnement, des tensions sociales causées par le chômage à long terme et de l'écart croissant entre riches et pauvres dans la société d'abondance. La fragilisation du système de sécurité sociale dans une société caractérisée par la montée de l'individualisme, la désintégration des structures familiales et l'augmentation du nombre de personnes âgées dépourvues de tout soutien familial sont la source de problèmes de plus en plus sérieux. Cette évolution préoccupante de l'environnement social, économique, démographique et écologique dans lequel les coopératives opèrent les contraint à reconsidérer leur mission.

Dans beaucoup de pays européens, les coopératives sont considérées comme relevant du secteur privé, tandis que dans d'autres (Belgique, Espagne, France, Italie, Portugal) elles font partie, avec les associations et les mutuelles d'assurances, de ce que l'on appelle l'économie sociale ou tiers secteur. Dans ce secteur, la satisfaction des membres, autrement dit la solidarité, le bien-être de la collectivité et la protection de l'environnement passent avant la recherche du profit, ce qui n'est pas le cas des entreprises du type capitaliste ordinaire. Cela étant, l'efficacité économique et la compétitivité restent des critères fondamentaux de survie sur le marché.

Après avoir pendant des décennies assumé le rôle de l'Etat-providence pourvoyeur de tous services sociaux, les gouvernements se voient aujourd'hui contraints de réduire leurs dépenses pour faire face au fardeau croissant de la dette publique. La réduction des dépenses consacrées à la sécurité sociale et aux services de santé a frappé de plein fouet les groupes les plus défavorisés. Face au désengagement de l'Etat, l'initiative privée et l'auto-assistance organisée acquièrent une importance croissante.

La montée du chômage s'explique aussi par les stratégies de l'industrie qui cherche à se moderniser en multipliant les fusions et les acquisitions et en adoptant de nouvelles techniques permettant de limiter le recours à la main-d'œuvre, remplacée par des robots. Il en résulte que des fabriques ou des entreprises appartenant à de grands conglomérats internationaux peuvent, si la stratégie globale de ces derniers l'exige, disparaître du jour au lendemain, et avec elles les emplois qu'elles offraient. Dans ce contexte, des cohortes de travailleurs sont réduits au chômage et des dizaines de milliers de jeunes sont privés de formation et d'emploi, au risque d'être marginalisés.

Il est urgent de s'attaquer à ces problèmes qu'apparemment ni l'Etat ni le marché ne peuvent résoudre. C'est un scénario classique pour les coopératives qui appliquent les principes de l'auto-assistance, de l'entraide, de la solidarité et de la responsabilité sociale.

Les nouvelles formes de coopératives qui naissent en réponse à ces problèmes ne sont pas toujours reconnues comme étant utiles ni soutenues par la plupart des grandes coopératives commerciales. La législation en vigueur, conçue au fil des ans et modifiée en fonction des exigences des grandes coopératives (notamment en Allemagne), est souvent mal adaptée à leurs besoins, d'où des coûts organisationnels auxquels elles ne peuvent pas faire face. Qui plus est, elles n'ont pas toujours accès aux services d'appui à la création d'entreprises. Un projet de recherche parrainé par l'Union européenne (DIGESTUS) examine les changements à apporter à la législation régissant les organisations commerciales dans les Etats membres de l'Union européenne pour la rendre plus propice au développement des petites entreprises autogérées ou aux sociétés coopératives.

Certains pays (Italie, Royaume-Uni) ont adopté une législation spéciale en faveur de ces coopératives ou amendé les lois en vigueur (France). Des organisations ou programmes spéciaux ont été créés pour diffuser des informations sur des solutions novatrices qui peuvent être apportées à d'urgents problèmes d'ordre social, économique et environnemental (France, Italie, Royaume-Uni) par l'action coopérative: entreprises communautaires, coopératives de solidarité sociale, unions d'économie sociale (associés multiples), associations à pertinence économique et à but non lucratif (Japon).

1.5 De la tutelle de l'Etat à l'autonomie: retour à la démocratie de base

1.5.1 A contexte nouveau, rôles nouveaux

Le contexte ayant changé dans les pays en développement et dans les pays en transition, le rôle de l'Etat et celui des organisations faîtières dans la promotion des coopératives ont eux aussi changé. Certains pays ont pris des mesures radicales pour dissocier l'Etat et le parti du mouvement coopératif – la Pologne a dissous toutes les unions et fédérations politisées de coopératives pour repartir de zéro –, d'autres ont opéré une «transition planifiée» en vue d'une réorganisation plus douce de l'Etat qui permette à ce dernier de fournir les services d'appui nécessaires et au mouvement coopératif de se défaire de la tutelle de l'Etat et de devenir autonome.

Alors que l'application des programmes d'ajustement structurel continue et que la libéralisation prend corps dans les pays en développement, les coopératives voient se tarir l'aide de l'Etat, qui était leur principal appui. Pour suppléer le vide ainsi créé, il est impératif de réexaminer le rôle des organisations coopératives faîtières, et de déterminer leur capacité de prendre la relève de l'Etat. Pour pouvoir aider les coopératives en pleine mutation, ces organisations devront se repositionner de façon à leur fournir l'appui qui leur permettra de conquérir leur autonomie en devenant plus efficaces.

La promotion à la base des coopératives est assurée, là où l'Etat s'est retiré, par certaines ONG locales spécialisées et des organisations communautaires dans beaucoup de pays en développement. Pour reprendre l'exemple précédemment cité, la Sadguru Water and Development Foundation (Gujarat – Inde) a aidé des groupes tribaux à établir ces dernières années plus de 200 coopératives primaires afin de promouvoir l'emploi et le revenu. Des ONG locales appliquent des programmes d'éducation visant à renforcer la participation des membres à la gestion des coopératives. Une autre ONG en Inde (SEWA) aide des groupes de femmes pauvres à s'organiser en coopérative et à obtenir des prêts pour créer de petites entreprises.

1.5.2 Mondialisation et zones régionales de libre-échange: opportunités et risques pour les coopératives

La mondialisation a renforcé l'influence des forces du marché, tout en réduisant beaucoup d'obstacles inhérents à la géographie grâce aux progrès de la communication et des transports. La baisse marquée du coût des télécommunications accélère l'intégration financière, ouvre des possibilités nouvelles de commerce international et favorise la diffusion des idées. Multinationales, ONG et zones régionales de libre-échange voient leur importance croître avec la mondialisation qui favorise la coordination des politiques entre les pays et rend nécessaire la création, au niveau national mais aussi local, de mécanismes d'application des règles.

Le «miracle» de l'Asie de l'Est et la crise qui a récemment secoué cette région ont mis en évidence les promesses dont est porteuse la mondialisation mais aussi ses dangers. En libérant leurs échanges, les économies de la région se sont dotées de marchés élargis pour écouler leur production et ont réalisé, sous l'effet de la concurrence, des gains de productivité tant dans le secteur des exportations que dans les industries en concurrence avec les produits importés. En attirant des investissements étrangers directs, l'Asie de l'Est – et certains pays d'Amérique latine – se sont donné accès au capital, à la technologie et au savoir organisationnel. La capacité industrielle dans son ensemble a ainsi trouvé un nouveau souffle, cela a encouragé la modernisation de l'infrastructure et la consolidation devenue indispensable des services aux producteurs, notamment la banque. Toutefois, la crise qui s'est répandue dans la région à partir du milieu de 1997 met en lumière certains des risques associés à la mondialisation. L'intégration financière par exemple peut, par effet de transmission, amplifier l'impact des chocs et accroître leur durée. En l'absence de filets de sécurité fiables, tels que les coopératives, ces chocs peuvent déboucher sur une aggravation de la pauvreté et une dégradation du climat politique. La mondialisation accroît la complexité du processus de développement, ce qui en fait un élément déterminant à prendre en compte pour le développement des institutions et l'élaboration des politiques.

La mondialisation du commerce et de la finance est un phénomène qui ne semble guère intéresser les coopératives, à l'exception de certaines banques comme le Crédit agricole (France), Norinchuki (Japon), Rabobank (Pays-Bas), et de coopératives d'assurances opérant sous l'égide de la Fédération internationale des coopératives et mutuelles et des coopératives d'assurances, qui a mis au point un système global de réassurance.

Les zones de libre-échange établies en Europe (UE, AELE), dans les Amériques (ALENA, MERCOSUR), en Asie/Pacifique (ASACR, ANASE, CEAP) et en Afrique (SADC, ZEP, CEEC) érigent de nouveaux obstacles pour protéger l'économie des Etats membres. A l'aube du nouveau millénaire, les coopératives débattent des moyens d'affronter ces groupements économiques. En Europe par exemple, les coopératives ont commencé à discuter de l'impact de l'élargissement de l'Union européenne sur les coopératives et leurs membres. Dans un séminaire qu'elle a tenu en Europe en 1997, l'ACI a souligné que les coopératives subiraient le contrecoup de l'intégration européenne. L'ouverture du marché veut dire que seules les plus fortes survivront. Pour accroître leur pouvoir économique, les petites et moyennes entreprises coopératives devront envisager la possibilité de fusionner. Dans ce cas, elles devront veiller à ne pas perdre de vue leur responsabilité sociale, c'est-à-dire la satisfaction de leurs membres.

Une autre solution pourrait consister à améliorer la collaboration avec des coopératives d'autres secteurs. Si le système d'assistance mutuelle entre les coopératives fonctionne bien, les obstacles sont plus faciles à surmonter. C'est la base du sixième principe de l'ACI: la coopération entre les coopératives.

L'élargissement représente-t-il une opportunité ou une menace pour les coopératives? La réponse ne peut être que complexe mais une chose est certaine: cela dépend en grande partie des coopératives elles-mêmes, des politiques nationales et de la capacité du mouvement coopératif de tirer profit de cette immense chance et de limiter les risques possibles.

1.5.3 La décentralisation: source d'espoirs et de défis nouveaux

En même temps que la mondialisation, on assiste à un processus de décentralisation de l'activité politique qui peut être attribué à beaucoup de causes. La fin de la guerre froide a libéré de puissantes forces. L'échec patent du modèle de l'économie centralisée, le débat international d'idées au sein d'une population urbaine sensibilisée et le sentiment que beaucoup de gouvernements ne sont pas capables d'assurer un développement largement réparti réduisent l'autorité de l'Etat centralisé, donnant aux identités locales un relief accru et créant une demande populaire de participation plus active aux décisions.

La décentralisation est le transfert du pouvoir de décision aux autorités politiques et administratives plus directement concernées, aux niveaux territorial ou local. En Europe, les initiatives les plus récentes en la matière sont le vote en faveur de la dévolution au Parlement écossais et la révision en 1992 de l'article 23 de la Constitution allemande qui permet aux Länder de faire entendre leur voix avec réserve dans les affaires européennes. En France, les 22 régions acquièrent progressivement un pouvoir accru en matière de planification. Depuis quelques années, on assiste à un mouvement tendant à transformer les administrations préfectorales, au Japon, en véritables organes politiques locaux beaucoup plus attachés aux besoins de leurs mandants sur place.

Dans certaines régions, le mouvement de décentralisation donne lieu à une redéfinition des frontières, voire provoque des sécessions: depuis 1990, 21 nouveaux pays ont été créés. Dans les pays où la question a pu être réglée politiquement, la part croissante des collectivités locales dans le total des dépenses publiques témoigne avec éloquence de la force de ce mouvement.

Les administrations centrales ont réagi de différentes façons en octroyant plus d'autonomie et de ressources aux collectivités locales et en leur déléguant différentes fonctions. En principe, la décentralisation peut être un moyen d'améliorer l'efficacité et la pertinence du secteur public. En transférant le pouvoir de décision à un échelon plus proche des bénéficiaires, la décentralisation peut donner aux citoyens une influence accrue sur la qualité et le volume des services publics qu'ils consomment et la capacité de demander des comptes aux responsables politiques. Toutefois, à ce jour, il est difficile de dire si elle a eu les résultats escomptés. Dans la plupart des pays, les autorités locales ont besoin de développer leur capacité et les moyens de tirer profit des opportunités qu'offre la décentralisation.

Toutefois, il ne faut pas surestimer ces opportunités. La décentralisation à elle seule ne saurait assurer l'insertion des groupes marginalisés. En revanche, elle crée les structures politiques et sociales qui rendent cette insertion possible. Les coopératives peuvent jouer un rôle important dans ce contexte. Leur créativité est attestée ainsi que leur attachement aux valeurs de la collectivité. Mais la volonté de participer au développement local suppose un minimum de ressources et de connaissances et prend du temps. L'autonomie politique crée toujours au début la tentation d'étendre les services, et les coopératives et autres organisations civiques seraient peut-être bien inspirées de forger de nouveaux partenariats avec les administrations locales pour diversifier leurs activités.

1.5.4 La «participation»: de nouveaux partenariats pour le développement

Le mot «participation» fait partie du vocabulaire du développement depuis les années soixante. A cette époque, il désignait généralement la participation de la population à certains types de programmes. Aujourd'hui, la participation est considérée comme partie intégrante de l'effort global de développement. L'évolution de ce concept tient beaucoup aux changements associés à la mondialisation: démocratisation, ouverture des systèmes politiques, économiques et marchands, élévation des niveaux d'instruction dans les pays en développement et meilleure mise en valeur des ressources humaines, accélération et expansion des flux de communication et d'information, sensibilisation aux questions d'environnement et à la pauvreté.

Beaucoup de projets de développement souffrent du «syndrome de l'expert étranger». Cela veut dire que ce sont des experts étrangers qui en fixent les objectifs; qui procèdent à leur analyse ainsi qu'aux préparatifs nécessaires pour leur financement et qui gèrent leur mise en œuvre. Les protagonistes locaux peuvent être «consultés» mais il leur est rarement donné d'exercer une réelle influence fondée sur leur savoir. Ce «syndrome» a atteint des proportions stupéfiantes dans certaines régions: selon une estimation de la Banque mondiale, il y aurait 80 000 expatriés travaillant en Afrique subsaharienne pour un coût annuel d'environ 4 milliards de dollars.

Cette mise à l'écart de la population locale a souvent provoqué du ressentiment contre l'approche dite «extérieure», l'indifférence vis-à-vis des projets et, finalement, leur échec.

L'approche participative a influencé jusqu'aux modes de financement du PNUD. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le concept «d'exécution par les pays» s'est substitué à celui «d'exécution par les organisations». Plusieurs institutions de développement bilatérales, ainsi que l'Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, les pays nordiques et le Royaume-Uni, ont modifié leurs politiques d'assistance au développement et ont mis l'accent sur l'appui aux institutions locales en vue d'assurer un développement participatif.

Les coopératives sont réputées être des écoles de participation. La nouvelle approche du développement leur a ouvert la possibilité de créer des partenariats avec d'autres acteurs et protagonistes, notamment les administrations locales, nationales, les donateurs, les ONG et les organisations internationales. Les organisations coopératives des pays industriels se sont dotés d'unités de développement spécifiques chargées d'aider les coopératives des pays en développement. Parmi les promoteurs de cette nouvelle conception participative et locale du développement, on peut citer: la fondation Rabobank (unité de développement de la banque coopérative des Pays-Bas), la Canadian Cooperative Association (CCA), le Centre KF Project (Suède), l'Union internationale Raiffeisen, le Crédit mutuel (France), Legacoop (Italie) et l'Union centrale des coopératives agricoles (Japon).

1.5.5 La formule gagnante pour les coopératives du premier niveau: participation plus fusion

Les coopératives doivent être conscientes qu'il leur faut garder le contact avec leur base locale si elles veulent être capables d'assurer des services de qualité. Par ailleurs, elles doivent user de toute leur influence et ne reculer devant aucune économie pour rester compétitives. La fusion peut être une issue vitale pour beaucoup d'entre elles. Promouvoir la volonté de fusionner et la capacité de gestion nécessaire et maintenir le contact avec les adhérents requiert de l'autorité, du professionnalisme et une culture organisationnelle adaptée.

Les coopératives qui se contentent de grandir et s'exposent à une prise de contrôle courent à l'échec tant sur le plan commercial que sur le plan coopératif. Si elles ne savent pas exploiter leurs atouts (leur identité coopérative et leurs membres), elles sont vouées à la faillite commerciale. La concurrence reste intense et, compte tenu de la supériorité financière potentielle de leurs rivaux, elles ne pourront survivre sans une qualité qui les distingue et mobilise leurs sociétaires. L'identité coopérative est ce qui constitue leur avantage comparatif.

Une culture et des objectifs communs peuvent beaucoup contribuer à faciliter la fusion entre coopératives, lorsque celles-ci sont fondées sur la fidélité à des valeurs plus qu'à une institution. Des problèmes peuvent se poser lorsque le formalisme prend le pas sur l'esprit associatif. L'application trop formelle des règles de la gouvernance fait obstacle à la participation des membres. Cela débouche souvent sur le pire des scénarios: étroitesse de vues de dirigeants non initiés et faible participation de la base, d'un côté, cynisme de gestionnaires qui ne considèrent les membres que comme un handicap, de l'autre. Aujourd'hui, tous les moyens existent pour communiquer, aussi souvent que nécessaire, avec autant de membres qu'il le faut à n'importe quelle distance, pour les consulter et les associer à la vie de la coopérative. Garder un contact régulier avec les membres, dans des conditions satisfaisantes pour eux et les autres parties prenantes, peut être le moyen pour les coopératives de renforcer leur pouvoir d'action et de s'ancrer dans la réalité locale après une fusion.

2. Potentiel des coopératives

2.1 Généralités

La contribution que les coopératives sont en mesure d'apporter au développement économique, social et collectif global a été étudiée de manière approfondie dans le rapport à la 49e session de la Conférence internationale du Travail (Le rôle des coopératives dans le développement économique et social des pays en voie de développement) établi lors de la phase initiale du processus d'adoption de la recommandation no 127 en 1966. Depuis cette époque, les coopératives n'ont pas cessé de jouer un rôle important dans la création d'emplois salariés ou indépendants et dans l'amélioration des conditions de travail et de vie de millions de personnes auxquelles elles ont permis d'avoir accès à des infrastructures et à des services essentiels dans des domaines où ni l'Etat ni les entreprises financées par des investisseurs privés ne souhaitaient s'aventurer.

Les coopératives ont également beaucoup contribué à l'intégration et à la démarginalisation économiques des populations pauvres, indigènes et tribales ainsi que des femmes. Aujourd'hui, la contribution qu'elles apportent à l'allégement des pressions migratoires et à la création d'emplois pour les jeunes, les catégories de population désavantagées ou les handicapés qui, sans cela, seraient au chômage, est de plus en plus importante. Les efforts qu'elles font pour mettre en place des réseaux internationaux d'échanges commerciaux et d'informations, pour tirer le meilleur parti des ressources locales et naturelles et pour diffuser l'enseignement et le progrès technologique dans des régions reculées attestent de l'aptitude particulière des coopératives à tirer avantage des progrès économique, social, écologique et culturel.

Elles ont toutefois connu des évolutions différentes suivant les pays. Dans certains pays en développement, le soutien qu'elle recevaient de l'Etat était tel qu'elles étaient sous son contrôle parce que l'on considérait qu'elles permettraient de réaliser des économies d'échelle, de briser la mainmise des monopoles et d'aider leurs membres à s'intégrer dans l'économie formelle. Dans les pays communistes, le mouvement coopératif a fini par s'inscrire dans le cadre du concept de la propriété collective des moyens de production, les coopératives ayant pour vocation d'aider à résoudre le problème de l'aliénation des travailleurs. Dans les pays industrialisés, elles étaient considérées comme des organisations appartenant au secteur privé mais elles recevaient néanmoins fréquemment le soutien de l'Etat quand leurs fonctions étaient jugées socialement utiles.

Soutien de l'Etat

Le soutien apporté par l'Etat aux coopératives ne s'est pas révélé véritablement satisfaisant pour les raisons susmentionnées. Pour beaucoup de mouvements coopératifs nationaux en effet, l'ingérence de l'Etat est apparue non pas comme une aide mais comme un obstacle à leur capacité intrinsèque de créer des emplois et d'améliorer les conditions de vie et de travail. Les coopératives n'ont donc pas été en mesure de jouer un rôle aussi important en matière de développement social que l'on aurait pu l'espérer au début du siècle. Depuis quelque temps, toutefois, la plupart des gouvernements se montrent favorables aux organisations de type coopératif dans la mesure où leurs membres créent des organismes autonomes et indépendants et se prennent en charge eux-mêmes pour atteindre des objectifs économiques et sociaux ou peuvent réorganiser les coopératives existantes suivant ce modèle. Il n'existe cependant pas de recette toute faite pour y parvenir; seules quelques idées (voir ci-après) peuvent être dégagées de la théorie économique et de l'analyse scientifique des réussites et des échecs passés.

Compétitivité

Il convient de rappeler que les coopératives sont des organisations privées autogérées et que, pour être concurrentielles et présenter des avantages économiques et sociaux à long terme, elles doivent être efficaces simultanément sur trois fronts:

Pour réussir dans ces trois domaines, les solutions diffèrent suivant l'environnement et le secteur concerné. Les fermiers commerciaux, par exemple, ont des attentes totalement différentes de celles des agriculteurs à temps partiel (dans les pays d'Europe occidentale industrialisés) ou de celles des fermiers pratiquant une agriculture de subsistance (dans les pays en développement et en transition) tant du point de vue des services que des résultats économiques escomptés; par ailleurs, leurs niveaux d'éducation, leurs connaissances économiques et le type de rapport qu'ils souhaitent avoir avec la coopérative sont très divers. En outre, ces différents groupes sont confrontés à des réalités différentes en matière de planification. Les fermiers commerciaux modernes doivent prendre en compte les marchés monétaires et les politiques et législations modernes alors que la plupart des fermiers de subsistance ne tiennent compte que de la législation locale, souvent coutumière, et de leur position dans la communauté, celle-ci étant souvent relativement fermée. Les personnes entièrement intégrées dans des économies marchandes et des systèmes juridiques modernes ont, par ailleurs, des optiques différentes quant au rôle qu'elles peuvent ou doivent jouer dans la gestion de ce type d'organisations de celles de personnes qui, jusque-là, ont toujours opéré dans le cadre de systèmes coutumiers régissant l'accès aux ressources, leur statut juridique et leur sécurité sociale. Enfin, mais ce n'est pas le moins important, il peut être plus facile, pour une coopérative commerciale dans un pays industrialisé, d'obtenir des finances pour se développer que pour une nouvelle coopérative rurale dans un pays en développement ou en transition de se procurer des fonds d'amorçage.

Au cours du siècle dernier – et durant la première moitié de notre siècle –, un grand nombre de coopératives des pays industrialisés ont réussi à se transformer en organisations performantes et financièrement bien dotées parce qu'elles étaient novatrices (par exemple les coopératives Raiffeisen en Allemagne). Ces succès ont souvent été obtenus malgré un environnement défavorable, voire en tirant parti d'un tel environnement pour développer des activités. De nos jours toutefois, bien que beaucoup de coopératives aient atteint une taille économiquement viable – parfois, grâce à un soutien important du secteur public – qui leur permet d'affronter la concurrence, nombre d'entre elles ont accepté d'intégrer une forte proportion de capital ne provenant pas de leurs membres, cessant ainsi d'être des organisations s'appuyant uniquement sur leurs membres et/ou se transformant en entreprises financées par des investisseurs. Par ailleurs, de nombreuses coopératives nouvelles se créent (dans les pays en développement et en transition comme dans les pays industrialisés), en règle générale en réaction contre de nouveaux styles de vie et la piètre qualité des services publics disponibles. Ces nouvelles coopératives représentent souvent le type d'organisations vers lesquelles les gens se tournent pour se procurer ce que l'on peut appeler des biens collectifs ou publics de type «club», que l'Etat ne peut pas fournir ou ne fournit pas. Il est intéressant de relever à ce propos par exemple que de nos jours, en Roumanie, les coopératives d'infrastructure représentent le secteur coopératif le plus dynamique.

Expérience internationale

L'expérience internationale révèle que les facteurs déterminants dans la réussite d'une coopérative tiennent autant au comportement de ses adhérents (niveau de participation et d'identification) qu'à des facteurs externes (environnementaux/politiques) et que les obstacles internes tendant à réduire la motivation et la participation active des membres peuvent être aussi préjudiciables que l'ensemble des obstacles extérieurs. Toutefois, alors que les obstacles internes peuvent être surmontés, du moins en partie, par une gestion stratégique habile des rapports de groupe et des procédures de gestion, une coopérative à elle seule a des difficultés à surmonter des obstacles externes, en particulier ceux qui résultent de droits de propriété antagonistes, qui sont beaucoup plus difficiles à régler dans les pays où les élites possédantes ont occupé le pouvoir pendant très longtemps (par exemple dans plusieurs pays africains) ou lorsque la législation foncière doit être revue dans son ensemble, comme c'est le cas dans plusieurs pays en transition d'Europe orientale et centrale et d'Asie.

La contribution que peuvent apporter les coopératives

Si l'on poursuit l'analyse de ces éléments, il apparaît clairement que les coopératives ne peuvent donner toute la mesure de leurs avantages comparatifs par rapport à d'autres types d'organisations que dans un contexte local donné et par la mise en application de méthodes de gestion appropriées. Encore faudrait-il que ces facteurs soient pris en compte dans la conception des politiques de développement; or c'est là que réside la difficulté. La théorie économique explique cependant bien les avantages comparatifs que possèdent les coopératives par rapport à d'autres types d'organisations, à savoir:

Il est clair par ailleurs que les coopératives présentent des avantages comparatifs sur le plan social car:

Outre les avantages directs qu'elles offrent, on peut considérer que les coopératives ont par ailleurs une influence socio-économique indirecte et à long terme qui a une incidence sur les comportements des entrepreneurs et sur l'environnement. En effet, elles peuvent:

2.2 Activités économiques

2.2.1 Aperçu général

Les coopératives ont beaucoup contribué à la croissance économique dans le monde entier. L'Organisation des Nations Unies estimait en 1994 que le revenu de près de 3 milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale, était assuré grâce à des entreprises coopératives. Près de 800 millions d'individus sont à l'heure actuelle membres d'une coopérative alors qu'ils n'étaient que 184 millions en 1960. Elles représentent une centaine de millions d'emplois et sont économiquement importantes dans un grand nombre de pays pour la fourniture de denrées alimentaires, de logements, de services financiers, ainsi que de toute une gamme de services au consommateur.

L'importance macroéconomique des coopératives peut se vérifier au nombre de parts de marché qu'elles détiennent. Au Burkina Faso, les coopératives agricoles sont les plus importants producteurs de fruits et de légumes alimentant le marché national et, en Côte d'Ivoire, elles assurent 77 pour cent de la production de coton. En Uruguay, elles couvrent 90 pour cent de la production laitière nationale et exportent 70 pour cent de l'excédent de blé. Aux Etats-Unis, en 1998, 33 pour cent du marché agricole étaient couverts par des coopératives, et les coopératives de production d'électricité rurale alimentaient plus de la moitié des réseaux électriques, fournissant de l'électricité à plus de 25 millions de personnes dans 46 Etats. En 1997, la contribution des coopératives au PIB des Philippines était de 16 pour cent. Cette même année, au Danemark, les coopératives ont assuré 94 pour cent du conditionnement du lait, 69 pour cent de l'approvisionnement en fournitures agricoles et 66 pour cent de l'abattage de bétail. Folksam, une coopérative d'assurances suédoise, détient 48,9 pour cent du marché des assurances domestiques et 50 pour cent des assurances de groupe vie et accident. En République de Corée, 40 pour cent de l'agriculture locale est commercialisée par l'intermédiaire de coopératives.

Un autre fait remarquable sur le plan macroéconomique est la contribution que les coopératives apportent au maintien des emplois non salariés et à la création directe d'emplois dans le monde entier. Dans les pays en transition, les coopératives de production et de main-d'œuvre comptent traditionnellement parmi les employeurs les plus importants du marché. En Fédération de Russie, le mouvement des coopératives de consommateurs comptait 511300 employés en 1998, alors que 92000 personnes étaient employées en République tchèque en 1997 par l'Union des coopératives et sociétés agricoles. Dans un certain nombre de pays africains, les coopératives sont devenues le deuxième employeur le plus important immédiatement après le gouvernement. Dans cette région, la majorité des emplois salariés ont été créés grâce à des activités dans le secteur agricole – commercialisation, production, conditionnement, etc. Pour la seule Afrique du Sud, les coopératives agricoles ont employé environ 100000 personnes en 1996; et, au Maroc, elles en ont employé 42000.

Au Brésil, on estime que l'Organisation des coopératives brésiliennes offre plus de 296000 emplois et il semblerait que Unimed do Brazil, une coopérative sanitaire, emploierait 148000 personnes. On a calculé qu'en Inde les coopératives ont créé plus de 13,8 millions d'emplois. Dans les pays industrialisés, les emplois directs créés par les coopératives sont également beaucoup plus nombreux que l'on ne pourrait le penser. Au Japon, le mouvement de coopératives de consommateurs aurait généré 58000 emplois à plein temps et 95000 emplois à temps partiel en 1997. Pour l'Union européenne, le secteur coopératif aurait à lui seul offert plus de 3 millions d'emplois en 1995. A la fin de 1992, le Groupement européen des banques coopératives a annoncé que les institutions coopératives européennes d'épargne et de crédit auraient créé 425000 emplois; le Comité général de la coopération agricole des pays de la CEE (COGECA) et l'Union des groupements d'achat de l'alimentation (UGAL) employaient à eux seuls respectivement 720000 et 719000 employés. Cette liste n'est pas exhaustive.

L'importance économique directe qu'ont les coopératives au niveau microéconomique réside indéniablement dans le complément de revenus qu'elles génèrent pour leurs membres. Elles parviennent à ce résultat en: leur garantissant des prix plus élevés pour leurs produits (dans le cas des coopératives de commercialisation); en abaissant le coût des intrants – ce qui permet aux membres soit d'en utiliser davantage, soit d'augmenter les niveaux de production et/ou d'avoir des marges de profit plus importantes (dans le cas des coopératives de fournitures aux agriculteurs et aux artisans); en faisant travailler leurs membres (coopératives de production); en introduisant des innovations; en offrant des assurances (coopératives et sociétés mutuelles d'assurances) et des crédits à des taux globalement plus favorables; et en versant à leurs membres un intérêt raisonnable sur leur épargne tout en leur faisant économiser des coûts de transaction du fait de leur implantation locale (dans le cas des coopératives d'épargne et de crédit). Les coopératives de services au consommateur aident leurs membres à se procurer des biens de consommation (coopératives de consommateurs) à des prix inférieurs; elles fournissent des services éducatifs (coopératives universitaires) ou permettent d'avoir accès à des logements (coopératives de logements), des voyages (coopératives de tourisme), des soins médicaux ou des soins aux personnes âgées (coopératives sanitaires) moins onéreux.

Moyens mis en œuvre par les coopératives pour offrir des services d'un bon rapport qualité/prix

La plupart des coopératives performantes servent au mieux les intérêts de leurs membres en améliorant:

D'après les recherches les plus récentes, les avantages comparatifs des coopératives par rapport aux organisations non gouvernementales non coopératives et aux organisations commerciales découlent semble-t-il pour la plupart de la faiblesse de leurs coûts de transaction qui peut s'expliquer par:

Autrefois, on considérait souvent que les coopératives possédaient deux principaux atouts, à savoir leur capacité, d'une part, à réaliser des économies d'échelle et, d'autre part, à briser la mainmise des monopoles. Toutefois, ces aspects ne sont plus aussi importants aujourd'hui car, lorsque ce sont les économies d'échelle qui priment, il est en règle générale plus économique de s'approvisionner auprès de grandes entreprises que de coopératives. Par ailleurs, les monopoles que les coopératives étaient en mesure de briser autrefois étaient en règle générale des monopoles locaux alors qu'aujourd'hui il leur serait pratiquement impossible de s'attaquer à des monopoles régionaux ou nationaux.

Avantages des coopératives

Les coopératives peuvent également présenter des avantages en matière d'intégration horizontale et verticale. Elles peuvent notamment entretenir des relations privilégiées avec d'autres coopératives avec lesquelles elles traitent en aval ou en amont; toutefois, les sociétés privées elles-mêmes sont fréquemment désireuses de travailler avec les coopératives étant donné qu'elles dépendent moins de capitaux à court terme extérieurs que les sociétés financées par des actionnaires et, de ce fait, elles sont moins menacées par la spéculation d'intervenants externes au secteur. En outre, dans les coopératives, les décisions sont prises par les membres, ou du moins dans leur intérêt, et en fonction d'un ensemble de critères. Dans le cadre des coopératives, la collaboration repose souvent sur une vue à long terme des intérêts des membres et une appréciation des risques axée sur leurs intérêts; elle permet des investissements interdépendants effectués à la fois par les membres et les coopératives qui ne sont possibles que parce les membres partagent les mêmes informations et sont sur le même plan en termes de propriété. Il en résulte une confiance accrue entre les membres et leur coopérative et un degré de loyauté supérieur à celui qui pourrait s'établir avec tout autre partenaire.

Les petites coopératives d'épargne et de crédit – qui ont fréquemment joué un rôle dans la transition des économies de subsistance à des économies de marché et ont revêtu une importance cruciale dans les pays en transition d'Europe orientale et centrale, ainsi que durant la période d'ajustement structurel qu'ont connue les pays d'Afrique et d'Asie – peuvent, comme les prêteurs locaux, tirer un grand profit de l'avantage qu'elles détiennent en raison des informations auxquelles elles peuvent avoir accès sur leurs clients/membres. Les connaissances acquises (et diffusées) par ce type de coopératives peuvent être qualifiées de «connaissances de coordination» et constituent un atout précieux qui revêt une importance tout aussi grande dans d'autres types de coopératives. Les coopératives agricoles, par exemple, peuvent tirer grand profit des connaissances qu'ont leurs membres sur les sols et les microclimats locaux lorsque l'on souhaite mécaniser l'agriculture ou introduire de nouvelles cultures.

Le secret du faible niveau éventuel des coûts d'information et des avantages en termes d'investissement collectif que possèdent les coopératives réside dans le fait que les connaissances demeurent accessibles d'une manière décentralisée tout en pouvant être coordonnées. Les synergies particulières qui peuvent résulter de la mise en commun des connaissances collectives et des connaissances individuelles de compétiteurs potentiels, c'est-à-dire «l'utilisation économique des connaissances et des savoirs», sont la source des nombreux avantages comparatifs que possèdent les coopératives par rapport aux organisations financées par des investisseurs et aux intermédiaires officiels.

D'une manière générale, les coopératives tirent le meilleur profit économique de leurs avantages comparatifs dans les domaines d'activités suivants:

La mesure dans laquelle les coopératives auront des retombées économiques notables sur les ménages ou les entreprises qui y sont affiliés dépend toutefois – outre de leur composition même – principalement du degré de participation des adhérents à la fixation des objectifs, au suivi et au contrôle des processus de gestion ainsi qu'au degré de disponibilité des compétences nécessaires. C'est précisément pour cette raison que la gestion des coopératives doit être différente de celle des sociétés à capitaux.

2.2.2 Evolution des activités économiques des coopératives

Agriculture

L'expérience que possèdent les coopératives agricoles en matière de commercialisation des céréales, de gestion des entrepôts, de fourniture de biens de consommation et d'intrants, ainsi que dans la gestion du crédit agricole a renforcé leur position dans certains pays (par exemple en Zambie) alors qu'elles ont vu le nombre de leurs adhérents et de leurs soutiens diminuer dans d'autres pays (par exemple en Ethiopie). En République tchèque, par ailleurs, la plupart des sociétés collectives se sont transformées avec succès en coopératives de services, le secteur est resté dynamique et comptait 92000 employés à la fin de 1997. Pour accomplir la tâche ardue qui les attend, elles devront toutefois améliorer leurs compétences commerciales, s'assurer qu'elles ont accès aux informations nécessaires sur les marchés où elles veulent se positionner et se préparer à collaborer de manière suffisamment adéquate avec les autres opérateurs sur le marché. De fait, ce sont là les principales questions sur lesquelles portent les programmes COOPREFORM, COOPNET et INDISCO dont le but est d'aider les pays à restructurer leur secteur coopératif.

On assiste depuis peu dans le secteur agricole à l'intensification de l'intégration verticale du producteur primaire au consommateur final. Aux Etats-Unis, les New Generation Farmer Cooperatives (NGFC) ont permis aux fermiers d'augmenter leurs gains de manière importante en vendant des produits transformés au lieu de produits bruts. Toutes les opérations de gestion peuvent être rationalisées, des contrats de production à l'octroi des droits d'approvisionnement et jusqu'aux obligations de fourniture. Les vastes sommes d'argent nécessaires à la construction d'unités de transformation proviennent des investissements directs consentis par les membres. Pour contrôler la production, le nombre des adhérents est limité. Etant donné que les parts (contrats d'approvisionnement) sont échangeables sur le marché, il existe une très forte participation des membres qui contrôlent le fonctionnement de ces organisations. Plus de 50 nouvelles coopératives se sont constituées au cours de ces dernières années, ce qui justifie que l'on parle de «fièvre des coopératives» à propos de ce mouvement. Le modèle des NGFC a eu de profondes répercussions dans des régions agricoles jusque-là écartées. Le nombre des retours est important (4000 nouveaux résidents pour le seul Dakota du Nord), les revenus disponibles des agriculteurs ont augmenté (de 11 pour cent dans le Dakota du Nord entre 1990 et 1994) et de nouveaux emplois ont été créés (3500 emplois dans le Dakota du Nord). Ce modèle s'est répandu du Dakota du Nord et du Minnesota au Wisconsin, à la Californie, au Dakota du Sud, à l'Iowa et au Canada.

D'une manière générale, les coopératives agricoles possèdent de grands avantages pour les petits fermiers et les fermiers résidant dans des zones éloignées, en matière d'intégration verticale et horizontale, comme nous l'avons déjà vu et, en ce qui concerne la fourniture d'intrants, l'accès au financement et la commercialisation. Toutefois, elles sont confrontées à une très forte concurrence non seulement de la part des sociétés à capitaux mais aussi de la part des services publics (universités et services de vulgarisation agricole), en particulier en ce qui concerne l'information sur les engrais, l'utilisation des produits phytosanitaires et des pesticides, l'élimination et l'entreposage des déchets d'animaux, la génétique et la biotechnologie, les nouvelles variétés de semences, les méthodes d'élevage du bétail ainsi que les tendances des marchés internationaux.

Dans le monde entier, le nombre d'adhérents à des coopératives du secteur agricole a doublé pendant la période 1960-1983. Dans l'Union européenne, les coopératives agricoles représentent le secteur coopératif le plus important du point de vue du nombre des coopératives: 44260, soit 42,6 pour cent des coopératives, sont des coopératives agricoles rassemblant 14 millions d'adhérents et employant près de 720000 personnes. Elles sont représentées par le COGECA. Le chiffre d'affaires des coopératives affiliées était de l'ordre de 150 milliards de dollars des Etats-Unis en 1989. Globalement, leur part du marché des intrants agricoles était de 55 pour cent et celle de leur production de 60 pour cent en 1993. Au Japon, les coopératives de commercialisation agricole vendent 95 pour cent du riz alors qu'en Finlande les coopératives assurent 79 pour cent de la production agricole et 31 pour cent de la production forestière. Aux Etats-Unis, 14 coopératives agricoles figurent sur la liste «Fortune 500» des plus grandes sociétés.

Les coopératives agricoles sont par tradition les coopératives les plus importantes dans les pays en développement et dans les pays passant d'une économie centralisée à une économie de marché. Au Kenya par exemple, les coopératives assurent la vente de 10 pour cent du coton, de 87 pour cent du pyrèthre et de 52 pour cent du café. En Inde, le mouvement Anand réunit 57000 coopératives laitières regroupant 6 millions d'adhérents, alors que les coopératives d'approvisionnement fournissent 43 pour cent des engrais. En Chine, environ 700000 coopératives (non gouvernementales) assurent l'approvisionnement et la commercialisation de la production de 83 pour cent des ménages agricoles et, malgré cela (d'après une évaluation non officielle), il semble que 40 pour cent d'entre elles soient menacées de faillite.

Dans les pays d'Europe orientale et centrale, 39,3 pour cent de la population âgée de 15 à 60 ans appartenaient encore à des coopératives à la fin de 1994, ce qui tend à suggérer qu'environ 70 pour cent de la population totale dépendaient encore à cette époque d'une économie reposant sur les coopératives; il est vraisemblable que ce pourcentage était beaucoup plus élevé dans les zones rurales. Depuis cette date, beaucoup de fermes collectives des anciens pays communistes ont été transformées en sociétés à capitaux ou sont passées de coopératives ouvrières à des coopératives de services (c'est le cas de 65 pour cent d'entre elles dans les nouveaux Länder allemands).

Les conséquences générales qu'ont eues d'une manière générale la libéralisation, l'ajustement structurel et la mondialisation sur ces coopératives ont déjà été examinées. Outre la soudaineté avec laquelle elles ont été exposées à la concurrence des fournisseurs privés et étrangers (par exemple au Zimbabwe), les coopératives agricoles des pays en développement et des pays en transition ont toutes souffert énormément de la hausse du prix des intrants, du coût des transports et du caractère aléatoire de l'accès au crédit. Il en résulte que certains producteurs résidant loin des marchés sont découragés de produire alors que pour d'autres le seul agent de commercialisation reste une coopérative. Les agriculteurs ont récemment commencé à traiter directement avec les industriels agroalimentaires, allant jusqu'à signer des contrats portant sur des récoltes futures (par exemple au Zimbabwe). Le résultat varie d'un pays à l'autre. Dans certains pays, les coopératives de services sont actives dans le domaine de la protection de l'environnement et des énergies renouvelables.

En Fédération de Russie, il a été décidé de transformer le secteur agricole en appliquant une «thérapie de choc». La privatisation soudaine des terres (entre 2 et 15 hectares par famille) et l'inventaire agricole conduit en 1991, associés à l'introduction parallèle des mécanismes du marché libre, se sont accompagnés d'une réorganisation de l'ensemble des sovkhozes (fermes d'Etat) en sociétés d'actionnaires et des kolkhozes (fermes collectives) en véritables coopératives de production que les membres ont le droit de quitter pour se lancer seuls dans l'exploitation d'une ferme. L'objectif était d'avoir autant d'exploitations familiales privées que possible. Toutefois, peu de membres avaient suffisamment confiance en eux pour se lancer seuls et le gouvernement a donc ajusté sa politique pour appuyer ces fermes collectives volontaires restructurées.

Pêche

Les coopératives de pêche rassemblent l'ensemble des travailleurs du secteur des pêches, qu'ils travaillent à la capture, au conditionnement et/ou à la commercialisation du poisson, et il en existe dans pratiquement tous les pays du monde. On les trouve dans le secteur de la pêche maritime et d'eau douce aussi bien que dans l'aquaculture. Au Canada, en 1992, les coopératives de pêche regroupaient près de 10000 personnes dans le cadre de 55 coopératives de pêche, ce qui représentait 8 pour cent du marché national des produits de la pêche avec un chiffre d'affaires de près de 190 millions de dollars canadiens. En 1995, il existait en Inde environ 9300 coopératives de pêche rassemblant 956000 personnes, alors qu'au Japon on comptait 1995 coopératives de pêche réunissant près de 350000 personnes responsables de près de 70 pour cent de la valeur totale de la production de la pêche nationale en 1994.

Coopératives de production et d'ouvriers

Les coopératives de production et d'ouvriers ont vu leur nombre d'adhérents augmenter d'environ 50 pour cent entre 1960 et 1986, date à laquelle, selon le Comité international des coopératives de production et de services industrielles et artisanales, elles regroupaient près de 6 millions de membres. Traditionnellement, elles ont toujours été plus nombreuses dans l'industrie lourde et dans les divers secteurs de services. Aujourd'hui, elles se sont découvert de nouveaux créneaux, par exemple dans la robotique et la communication.

En Europe, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, on a assisté à une résurgence des coopératives de production et d'ouvriers dont beaucoup se sont réunies dans le cadre du Comité européen des coopératives ouvrières et de production qui, aujourd'hui, représente 50000 sociétés coopératives et 1 million d'ouvriers. (Le CECOP est également une plate-forme privilégiée pour le groupe «économie sociale» du Parlement européen et il a l'écoute de la Commission européenne.) L'origine et la composition de ces coopératives d'ouvriers sont diverses. Certaines d'entre elles sont des coopératives de production rassemblant des professionnels désillusionnés par les valeurs véhiculées par l'économie marchande actuelle – ainsi que par l'économie non marchande – et qui se sont lancés dans la production de produits agricoles ou artisanaux (par exemple, les coopératives d'imprimeurs ou de production d'aliments organiques au Royaume-Uni). D'autres rassemblent de petits groupes d'intellectuels ayant besoin de travailler et souhaitant offrir des services intellectuels et culturels différents (par exemple, les coopératives de presse, d'enseignement, de formation, d'arts et de loisirs en Italie). Si au départ l'essor du mouvement européen de coopératives de travailleurs était inspiré par un désir de créer une économie alternative, leur multiplication au cours des quinze dernières années a été, dans une grande mesure, induite par le chômage, la restructuration économique et les fusions de sociétés qui, à leur tour, ont encouragé la recherche de solutions innovantes.

Les autorités locales et régionales et les organisations de soutien, ainsi que tout un ensemble d'initiatives gouvernementales et de réformes législatives, ont permis aux coopératives de production de créer des emplois (en particulier pour les jeunes et les groupes de population désavantagés) dans de nombreux pays européens, en particulier en France, en Italie et au Royaume-Uni. En France, le mode d'organisation dénommé «groupement d'intérêt économique» a été introduit en complément de la forme strictement juridique de la coopérative pour couvrir de petites organisations de type coopératif réunissant, entre autres, des artisans, des détaillants, des chauffeurs, etc. On estime qu'en France le secteur des coopératives artisanales comprend 1000 groupements rassemblant 110000 entreprises et 180000 employés. Bien qu'il semble que ce secteur ne représente que 1 pour cent des ventes nationales de produits artisanaux en France, il semblerait qu'il croisse beaucoup plus rapidement que le reste du secteur artisanal.

En Italie, le gouvernement a encouragé la création de fonds coopératifs pour financer la période d'installation initiale (allant jusqu'à trois ans) de nouvelles coopératives de production réunissant des membres hautement qualifiés et ayant l'esprit d'entreprise mais au chômage, qui, soit reprennent des affaires en difficulté, soit en créent de nouvelles. On estime qu'en Italie entre 1975 et 1985 un millier de compagnies au total, employant de 30 à 100 personnes, ont été reprises par des employés dans le cadre de coopératives; en Espagne, et suivant les mêmes principes, au moins 1300 sociétés limitées de travailleurs offrant 50000 emplois ont été créées pendant cette même période. Aux Etats-Unis, où les mêmes menaces structurelles pèsent sur l'emploi, les systèmes d'actionnariat de salariés sont plus populaires que les coopératives ouvrières. En 1990, il semble que 30 pour cent des actifs aux Etats-Unis aient été employés dans des sociétés dont ils possédaient au moins 15 pour cent du capital. Mais, même dans ce pays, 1000 coopératives de production employaient 100000 travailleurs et 12 millions de salariés.

Dans les anciennes économies planifiées d'Europe centrale et orientale, les coopératives de production et d'ouvriers, qui étaient auparavant la forme prédominante des coopératives dans ces pays, se sont transformées et continuent à évoluer. Au début l'adhésion était obligatoire, les dirigeants étaient nommés plutôt qu'élus et les membres n'étaient pas pleinement propriétaires. Divers modèles de «privatisation» ont été étudiés ou le sont encore; de fait, la première mesure prise dans beaucoup de pays a été de rendre volontaire l'affiliation des coopératives primaires à des organisations aux niveaux secondaire et tertiaire. Toutefois, l'absence de démocratie interne, des conceptions erronées quant à leur rôle dans une économie de marché et la mauvaise réputation des coopératives en général, associées au problème que posait la propriété des biens collectifs, ont fréquemment compliqué le processus. Ces difficultés, conjuguées à la nécessité de s'adapter à la concurrence, ont entraîné la disparition de beaucoup de coopératives.

En Pologne, une nouvelle législation sur les coopératives a été introduite dès 1982, instituant de nouveaux rapports entre les coopératives et l'Etat. Il en est résulté une situation où les coopératives sont devenues pratiquement autonomes, ce qui a entraîné un doublement du nombre des coopératives d'ouvriers. Dans ce pays, la propriété coopérative est encore très largement assimilée à la propriété d'Etat. En République tchèque, au contraire, les membres des fermes collectives ont pu s'attribuer la propriété sur des terres et, depuis 1989, ils en ont repris l'exploitation à titre privé. Cela a amené la plupart des fermes collectives agricoles à se transformer en sociétés d'actionnaires. Par ailleurs, les membres de près de 90 pour cent des sociétés collectives industrielles et artisanales, à qui on avait également donné clairement la possibilité de recouvrer des droits de propriété privée sur les moyens de production, ont refusé de voir leurs organisations démantelées et ont préféré conserver des entreprises coopératives.

Crédit, épargne et services financiers

Dans le monde entier, le secteur coopératif financier a été le secteur coopératif le plus dynamique en termes de croissance et de chiffres d'affaires. Le nombre d'adhérents à des coopératives financières aurait augmenté de 350 pour cent de 1960 à 1986. Depuis 1972, l'épargne et les prêts des mutuelles de crédit ont augmenté à raison de 15 pour cent par an, alors que les actifs ont crû de 16 pour cent par an. A la fin de l'année 1997, le Conseil mondial de coopératives d'épargne et de crédit (WOCCU) réunissait à lui seul 34839 coopératives de crédit et 95926879 adhérents dans 28 pays africains, 11 pays asiatiques, 3 pays du Pacifique, 13 pays des Caraïbes, 16 pays d'Amérique centrale et du Sud et 5 pays d'Amérique du Nord et d'Europe, le nombre d'adhérents dépassant les 72,5 millions de membres pour la seule Amérique du Nord. Le WOCCU rappelle également qu'à la fin de l'année 1993 la totalité de la population dominicaine appartenait à des associations d'épargne et de crédit qui lui étaient affiliées, alors que ce pourcentage atteignait 44 pour cent en Irlande, 36 pour cent aux Etats-Unis et 22 pour cent au Canada (le mouvement Desjardins, une banque coopérative populaire lancée il y a quatre-vingts ans au Québec pour aider la Communauté canadienne française sur les plans économique et social est, depuis, devenu l'un des mouvements coopératifs les plus importants au monde avec plus de 4 millions d'adhérents).

Les coopératives d'épargne et de crédit évoluent toutefois de manière différente. Alors que la «démutualisation» des coopératives bancaires et d'assurances est une priorité au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande (principalement en raison de mesures de rationalisation, de l'existence d'autres possibilités de crédit bon marché, des dividendes élevés rapportés par les capitaux investis en Bourse et du fait des économies d'échelle qui peuvent être réalisées dans ce secteur dans les pays industrialisés), en France, en revanche, toutes les banques d'épargne publiques, qui attirent au total 18 millions de clients, se sont transformées en coopératives cette année, offrant à leurs futurs adhérents la possibilité d'achat de parts d'une valeur atteignant environ 2,5 milliards de dollars des Etats-Unis. Dans l'ensemble en Europe, le secteur bancaire demeure le secteur coopératif réunissant le plus de membres (alors que le secteur agricole possède le plus grand nombre de coopératives). A la fin de l'année 1993, 28,7 millions de personnes étaient concernées par ce type de coopératives.

Dans plusieurs pays en transition d'Europe centrale et orientale, les institutions d'épargne et de crédit ont connu un essor considérable depuis 1992. En décembre 1996, il existait 224 institutions de ce type en Pologne, rassemblant 150000 adhérents et attirant 69 millions de dollars d'épargne. La première mutuelle d'épargne et de crédit de Lettonie a vu le jour au début de 1995 et, dès les premiers mois de 1997, elle comptait 1 400 membres et avait recueilli 245000 dollars des Etats-Unis. L'institution roumaine Casele de Ajutor Reciproc, un réseau d'associations d'épargne et de crédit de type mutualiste, dont certaines avaient continué à apporter leur soutien aux personnes appartenant aux classes pauvres et moyennes pendant toute la durée du régime communiste en Roumanie, comptait, en 1989, 4,8 millions de membres (soit plus de 20 pour cent de la population totale) et possédait 5900 maisons d'entraide mutuelle. Dans le courant de sa restructuration, au début des années quatre-vingt-dix, elle a perdu environ 900 maisons et 1,8 million de membres, mais elle est restée en mesure d'accorder à ses membres des prêts à des taux annuels de 15 pour cent, alors que le taux courant était de 130 pour cent. De nouveaux mouvements de crédit mutuel ont également vu le jour au Bélarus, en Chine, en Lituanie, dans la Fédération de Russie, en République tchèque et en Ukraine.

Parmi les pays en développement, la République de Corée occupe la première place en termes d'essor des coopératives d'épargne et de crédit. En 1998, le nombre de membres était de 5,2 millions et les avoirs des coopératives s'élevaient à 1,7 milliard de dollars des Etats-Unis. En Inde, 43 pour cent du crédit agricole provient des coopératives d'épargne et de crédit. En Amérique latine, certaines fédérations régionales ont, avec succès, assumé des fonctions opérationnelles, permettant le transfert de capitaux entre systèmes nationaux d'épargne et de prêt, augmentant ainsi considérablement leur poids dans le secteur bancaire.

En 1994, on comptait encore au Royaume-Uni 6 millions de membres (détenteurs de contrats) de caisses d'assurances de type mutualiste, ce qui représentait alors environ 11 pour cent de l'ensemble des adhérents à des coopératives en Union européenne. Depuis cette date, toutefois, les assurances mutuelles ont reculé dans le monde entier. En 1996, la Fédération internationale d'assurance coopérative (ICIF) a signalé un déclin atteignant 14,3 pour cent du volume des assurances mutuelles (dans 56 membres de 36 pays). Malgré cela, le nombre d'adhérents à l'ICIF a considérablement augmenté ces dernières années, et les associations régionales ont ciblé davantage leurs activités sur les services dont leurs membres ont véritablement besoin.

Compagnies d'assurances mutuelles

Les compagnies d'assurances mutuelles qui assurent leurs membres artisans, commerçants, ou petits entrepreneurs dans leurs transactions avec des tiers, sont moins nombreuses. On en trouve dans cinq pays européens (en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en France et en Italie) et dans plusieurs pays africains francophones. Leurs perspectives de développement peuvent toutefois être considérées comme bonnes, en particulier en Europe où les Espagnols ont lancé une initiative dans le cadre de l'Union européenne afin qu'elles soient reconnues et encouragées publiquement en tant qu'institutions particulièrement bien adaptées au soutien à la création de petites et moyennes entreprises.

Vente au détail et en gros

Bien que, dans le monde entier, le nombre d'adhérents à des coopératives ait augmenté d'environ 50 pour cent entre 1960 et 1986, et que l'ACI ait annoncé en 1994 que 106 millions d'adhérents à des coopératives de consommateurs lui étaient affiliés, celles-ci ont connu des évolutions diverses. Dans les pays industrialisés, elles sont confrontées à une âpre concurrence en raison de la mondialisation des marchés de consommation et de l'utilisation des technologies avancées. Pour répondre à ces défis, elles tendent à fusionner au niveau primaire pour constituer des coopératives régionales plus viables sur le plan économique, à remplacer les anciens petits magasins par de grands centres de distribution modernes, à rationaliser les réseaux de distribution en intégrant les fonctions détail et gros, en diversifiant leur gamme de services (en s'orientant vers le tourisme, la réparation et les services de dépannage à domicile) et à se concentrer sur la vente au détail en se retirant des circuits de production. Elles font également de plus en plus appel à des capitaux extérieurs et ont souvent recours à des alliances stratégiques avec des sociétés privées. Pour améliorer leur position sur le marché et mieux pénétrer ce dernier, les coopératives de consommateurs européennes, israéliennes et japonaises ont créé INTERCOOP en 1971, alors que dans les pays nordiques elles sont représentées par la NAF.

La Communauté européenne des coopératives de consommateurs (EURO COOP) existe depuis 1957 et a beaucoup aidé les coopératives de consommateurs à lutter contre cette vive concurrence, en particulier sur le marché des biens de consommation. Deux mille cinq cent cinquante-six coopératives lui sont affiliées; elles servent environ 21367000 adhérents et emploient 359000 personnes dans l'ensemble des pays de l'Union européenne (plus la Suisse et la Norvège mais non compris l'Irlande), ainsi que dans plusieurs membres de l'AELE. Leur chiffre d'affaires global s'élevait au total à près de 46 milliards de dollars des Etats-Unis en 1992. Toutefois, en Italie, le nombre de coopératives de consommateurs a diminué de près de la moitié pour passer de 645 en 1978 à 330 en 1993, et plusieurs grandes coopératives européennes de consommation ont cessé leurs activités au cours des vingt dernières années (par exemple, en Autriche, en Belgique, en France et aux Pays-Bas). Ce n'est que récemment que l'une des plus grandes coopératives de consommation allemande (Kassel-Dortmund AG) a fait faillite (en raison de spéculations financières risquées); en revanche, d'autres coopératives de consommateurs ont accru leurs parts de marché (par exemple, Migros en Suisse ou certaines coopératives de consommation en Espagne, en Grèce et en Italie).

Au Japon, les coopératives de consommation regroupent 14 millions d'adhérents, approvisionnent environ 9 millions de ménages et leur chiffre de vente a été de 300 milliards de yens en 1996, ce qui en fait la plus grande organisation de consommation nationale. Ces coopératives mettent l'accent sur l'offre de marchandises saines et sûres pour l'environnement et elles ont adopté une structure organisationnelle qui a pour élément central les «groupes Han». Ces sous-groupes, composés de 5 à 10 membres, qui au départ commandaient ensemble des produits par correspondance et aidaient à promouvoir la communication à l'intérieur des coopératives de consommation, sont devenus depuis importants dans beaucoup d'activités sociales. Ils suivent les questions sanitaires, s'informent et exigent qu'on leur communique la qualité nutritionnelle des produits et leur impact sur l'environnement; on les rencontre également dans les écoles, les universités et de grandes sociétés. Les coopératives de consommation japonaises entretiennent, en règle générale, des relations directes avec les producteurs de produits frais, ce qui élimine les intermédiaires et les marchés et raccourcit les délais entre le moment où le produit est récolté et celui où il est consommé. Elles vérifient également les normes de production et la qualité des produits de leurs propres marques. Beaucoup de coopératives médicales et d'assurances se sont également développées au sein des coopératives de consommation japonaise.

Dans les pays en développement, les coopératives de consommation sont loin de s'être développées d'une manière aussi importante. Cependant, à la fin des années quatre-vingt, l'Argentine, le Chili et l'Uruguay comptaient 685 coopératives de consommation réunissant au total environ 2,3 millions d'adhérents. En revanche, les coopératives de consommation paraétatiques constituaient l'élément principal dans la distribution des biens de consommation dans les anciens pays communistes d'Europe centrale et orientale. Depuis le début de la période de transition, elles ont été en grande partie privatisées et, pour un petit pourcentage, ont été restructurées en coopératives de consommation du secteur privé. En Pologne, par exemple, le nombre d'adhérents est passé d'environ 3 millions en 1988 à 573000 en 1992. Toutefois, en chiffres absolus, ce secteur demeure fort. En Estonie, 1410 magasins et 402 restaurants sont aujourd'hui gérés sous forme de coopératives et emploient environ 23000 personnes.

Dans l'Union européenne, les grossistes appartenant à des détaillants ont formé en 1963 l'UGAL (Union des groupements d'achat de l'alimentation). Au total 175000 détaillants indépendants participent aux activités de l'UGAL, qui emploie 710000 personnes. Les organisations membres gèrent 203000 magasins de détail et leur chiffre d'affaires annuel global s'élève à près de 30 milliards de dollars des Etats-Unis. En Nouvelle-Zélande, un groupe de détaillants alimentaires propriété d'une coopérative assure plus de 60 pour cent du commerce de détail alimentaire du pays.

Dans le monde entier, les coopératives de détail subissent la pression des organisations de grossistes aux mains d'investisseurs. Alors que très souvent elles ont dû accepter d'être rachetées, la société coopérative de grossistes du Royaume-Uni vient récemment de résister à une telle tentative de reprise.

Logement

Le nombre de coopératives d'habitation a augmenté de plus de 500 pour cent entre 1960 et 1986. Elles se réunissent au niveau européen dans le cadre du Comité européen de coordination de l'habitat social (CECODHAS) qui compte environ 50000 coopératives affiliées et emploie 1 million de personnes (en 1992). Dans la plupart des autres pays européens, les coopératives d'habitation sont actives dans la construction et la location de logements à loyers modérés, ainsi que dans la mise en commun de matériels de construction mis au service des petites entreprises de construction. Le plus grand fournisseur d'habitat social est probablement la Société française des habitations à loyers modérés (HLM), qui gère de grands quartiers de logements peu onéreux dans la plupart des grandes villes françaises. Dans les pays passant d'une économie centralement planifiée à une économie de marché, le logement est fréquemment assuré par des conglomérats industriels ou agricoles. On peut trouver en Allemagne, en Bulgarie, en Estonie, en Hongrie et en Pologne des exemples réussis de coopératives reprenant ces fonctions.

En Egypte, la Cooperative Housing Foundation, cofinancée par US-Aid et le gouvernement égyptien, gère ce qui est peut-être le plus grand projet d'habitation dans un pays en développement: de nouvelles maisons ont été construites pour abriter 100000 personnes au nord du Caire et les bidonvilles ont été réhabilités, offrant des logements à 75000 autres habitants. DESWOS, le mouvement allemand d'associations de logements à but non lucratif, soutient de grands projets de construction de logements coopératifs (faisant appel à l'utilisation de technologies alternatives telles que le biogaz) dans de nombreux pays, notamment le Burundi, le Chili, l'Ethiopie, l'Inde, le Malawi, le Mozambique, le Népal, la République-Unie de Tanzanie et la Somalie.

Services publics

Les services dispensés dans l'intérêt du public, appelés également «services publics», couvrent en règle générale la fourniture de tous services visant à satisfaire les besoins fondamentaux d'une population et dont, en général, elle a régulièrement besoin. Les services sociaux – qui représentent souvent une part importante de ce que l'on considère comme des services d'intérêt public – couvrent une gamme si étendue qu'ils seront traités séparément au chapitre suivant. Ce qui nous reste à examiner dans ce contexte ce sont les services de fourniture d'électricité, d'eau, de communication et de transport. Lorsque c'est l'Etat qui assure ces services dans les pays en développement et en transition, ils sont peu nombreux, de mauvaise qualité, gérés de manière inefficace et très coûteuse, et ils couvrent un rayon très limité. En outre, ce secteur se caractérise par une très forte politisation et des bureaucraties lourdes et coûteuses qui rendent leur privatisation de plus en plus intéressante dans les pays industrialisés également. Toutefois, lorsque ces services ont été concédés à des sociétés privées, celles-ci tentent d'en retirer des profits excessifs avec pour résultat un prix du service qui n'en reflète pas la qualité. Ce scénario risque de se produire d'autant plus facilement lorsque l'Etat, soit ne peut pas, soit ne souhaite pas assumer ses obligations en matière de contrôle et tolère l'exploitation des consommateurs.

La prestation de ce type de services par des coopératives n'est pas nouvelle. Elle existe depuis longtemps en Finlande et en Argentine, par exemple, où des coopératives de fourniture d'électricité fonctionnent depuis les années vingt. Toutefois, le nombre de coopératives a considérablement augmenté au cours des vingt à trente dernières années, en particulier en Amérique du Nord (coopératives de fourniture d'électricité) et en Amérique latine. Dans ces pays, les coopératives les plus courantes et les plus performantes sont celles dans le cadre desquelles les consommateurs d'un service donné se sont réunis pour fournir le service qui répond à leurs besoins individuels. D'une manière générale, ce type de coopératives n'est régi par aucune disposition juridique particulière et elles fonctionnent donc comme des coopératives de consommation ordinaires. Leur spécificité réside dans le type même du service qu'elles offrent qui, contrairement à d'autres services aux consommateurs, est soumis à des réglementations édictées par les autorités publiques. L'activité de ces coopératives répond donc aux termes énoncés dans la concession, la licence ou le permis en ce qui concerne les prix et les conditions appliquées, qui font l'objet d'un contrôle par les autorités. D'une manière générale, les coopératives de ce type complètent la gamme de services offerts par l'Etat qui, généralement, fournit aux coopératives des intrants qu'à leur tour elles distribuent à leurs consommateurs, c'est-à-dire l'énergie électrique, l'eau potable, le gaz, les services téléphoniques, etc.

Des employés de certains secteurs assurant des services particuliers, tout particulièrement les personnes travaillant dans les transports publics, se sont regroupés dans le cadre de coopératives de production ou ouvrières. Seules les personnes assurant effectivement le service concerné en sont membres, et leurs prestations sont assurées conformément aux règles édictées par les autorités de réglementation et de contrôle. Contrairement aux coopératives d'usagers, l'origine d'un grand nombre d'entre elles – qui est beaucoup plus récente – réside dans des entreprises de services publics déjà en place mais, en règle générale, lourdement endettées. Leur transformation en une coopérative a souvent été voulue par l'Etat pour des raisons d'économie. Les moyens de transport, les services de maintenance et autres ont été, la plupart du temps, transférés à titre gratuit ou à des conditions avantageuses. Dans un grand nombre de cas, ces coopératives ont ultérieurement commencé à engager des employés mais non pas à titre de membres. Dans quelques cas, des organismes privés ou paraétatiques à différents échelons (par exemple des communautés) se sont réunis dans le cadre d'une coopérative pour effectuer ensemble certaines tâches comme, par exemple, la construction de systèmes de purification de l'eau; ce type d'organisation ressemble aux régies coopératives belges. Dans d'autres cas, les services sont fournis par des coopératives réunissant plusieurs parties prenantes dans le cadre desquelles les organisations communautaires et de consommateurs collaborent.

Comme indiqué précédemment, aux Etats-Unis les coopératives rurales de fourniture d'électricité gèrent plus de la moitié des lignes électriques apportant du courant à plus de 25 millions de personnes dans 46 Etats. En Argentine, les coopératives d'électricité ont commencé à être opérationnelles dès les années vingt pour contrebalancer la puissance des fournisseurs étrangers monopolistes. Après avoir consolidé leur situation, souvent précaire, elles se sont lancées dans la fourniture d'eau, la construction de lignes téléphoniques et la distribution de gaz et autres services d'utilité publique. A l'heure actuelle, environ 500 coopératives offrant des services de ce type existent et assurent la distribution d'environ 19 pour cent de l'électricité du pays, servant environ 1,2 million de consommateurs dans 900 communautés, en particulier dans les zones rurales. Cent trente coopératives se sont spécialisées dans la fourniture de services téléphoniques et 320 n'assurent que l'alimentation en eau potable.

En Bolivie, c'est dans les années soixante qu'a commencé à Santa Cruz de la Sierra la fourniture de services publics organisés sur une base coopérative, avec l'alimentation en électricité (à l'heure actuelle la Bolivie possède 83 coopératives de fourniture d'électricité), les coopératives fournissent désormais également des services téléphoniques (dans la plupart des villes boliviennes il existe un réseau téléphonique coopératif regroupant en tout 16 coopératives téléphoniques) et l'alimentation en eau (15 coopératives de fourniture d'eau existent sur le plan national). Bien qu'au Brésil ce ne soit qu'à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt que les coopératives de fourniture d'électricité ont commencé à se développer, il existe à l'heure actuelle 202 coopératives de ce type qui fournissent environ 270000 consommateurs. Au Chili, la distribution d'électricité par des coopératives a commencé en 1945 et à l'heure actuelle 25 pour cent de la population rurale est desservie de cette manière. Dans ce pays, les coopératives apportent également aux communautés de l'eau potable, dans le cadre d'un projet soutenu initialement par la Banque interaméricaine de développement. En 1993, il existait 137 coopératives de ce type dans le pays, desservant 30000 membres. L'alimentation en eau est également une priorité importante des coopératives colombiennes au même titre que le recyclage et il existe, par ailleurs, 294 coopératives de transport. Au Honduras, on trouve un certain nombre de coopératives de transport, tant pour le transport des personnes (60 coopératives de taxis et 20 coopératives d'autobus) que pour le transport des marchandises (10 coopératives).

Les avantages économiques et sociaux que présente ce type de coopératives résident principalement dans la contribution qu'elles apportent à la création d'emplois locaux, au développement économique local et à la décentralisation. Par ailleurs, elles offrent aux consommateurs la possibilité d'avoir directement voix au chapitre en matière de qualité et de fourniture de ces services et permettent une diversification de l'offre. Toutefois, elles sont régulièrement confrontées aux problèmes des économies d'échelle qui s'imposent dans la fourniture de tels services et/ou à la nécessité de se procurer des capitaux à long terme pour étendre les réseaux de distribution. A ce jour, il existe peu d'expériences de ce type de coopératives dans l'Union européenne.

Rôle en matière d'emploi

En ce qui concerne l'emploi, les coopératives non seulement créent de nouveaux emplois, mais elles protègent également des emplois productifs existant du fait même de leur propre dynamique et de leur succès économique. La création d'emplois productifs dans les coopératives de production, qu'il s'agisse de membres affiliés ou de personnels salariés, continue à être très importante. En 1993, la CICOPA (Association internationale de droit coopératif) estimait à près de 100 millions le nombre de personnes affiliées à ce type de coopératives dans le monde entier.

De fait, des personnes menacées par un renvoi ou une mise au chômage résultant de la fermeture ou de la délocalisation d'une société ont créé des emplois productifs relativement sûrs en créant leurs propres coopératives en collaboration avec d'anciens cadres de la société et/ou avec l'appui des autorités locales et nationales.

Ce sont dans les pays à économie de marché qu'a été créée la plus grande partie des 100 millions d'emplois salariés générés dans le monde entier par les coopératives. En 1996, par exemple, le mouvement coopératif allemand employait 502700 personnes (par rapport à 48700 en 1994). En 1998, les coopératives britanniques ont créé 113400 emplois à plein temps et 71600 emplois à temps partiel.

Les coopératives syndicales ont été autorisées au Japon dans les années soixante-dix en raison de la poussée du chômage. En 1993, il existait 107 coopératives de ce type employant 6 000 travailleurs dans des activités comme le jardinage, la maintenance, le logement, la distribution, la restauration et le recyclage. Leurs membres étaient en général des personnes qui étaient auparavant au chômage, des personnes handicapées ou des femmes et des jeunes à la recherche de leur premier emploi. Ce type de coopératives existe depuis très longtemps en Italie où il joue encore un rôle important dans le secteur de la manutention.

Les coopératives ouvrières, connues également sous le nom de coopératives de production ou coopératives de production ouvrières, ont un statut particulier en Europe occidentale et sont de plus en plus reconnues aux Etats-Unis. Un grand nombre de petites et moyennes sociétés de fabrication sont des coopératives de production. En 1993, la CICOPA estimait qu'en Europe 5 millions de personnes appartenaient à ce type de coopératives. Dans certaines régions, ces coopératives ont réussi à se développer dans le secteur de l'industrie lourde et des services. Le meilleur exemple est, sans aucun doute, le groupe de coopératives ouvrières de Mondragon qui employait 22 800 travailleurs en 1991. Ce groupe de coopératives produit des biens et des services et est particulièrement bien adapté aux conditions de marché local et international dans une région récemment confrontée à une grave récession économique et à un taux de chômage élevé.

Les coopératives de Mondragon, qui sont actives depuis trente-cinq ans dans des industries aussi différentes que les appareils électriques domestiques et la robotique et ont un chiffre d'affaires de 2 milliards 300 millions de dollars des Etats-Unis, sont un exemple particulièrement remarquable de l'importance des revenus que peut générer ce type de coopératives.

En France, les sociétés coopératives de production (SCOP) offrent souvent aux jeunes la possibilité de créer leurs propres emplois avec d'autres personnes possédant des qualifications semblables ou complémentaires sans avoir à mobiliser un capital initial trop important. Grâce à quelques incitations fiscales et autres accordées par le gouvernement, ils peuvent lancer des activités de production dans des domaines aussi variés que la création et l'exploitation de sites Internet, la fabrication et la réparation d'instruments de musique, la construction ou la conception et la création de jeux de rôle.

En Italie, le gouvernement a encouragé la création d'une coopérative financière de développement qui, à son tour, investit dans de nouvelles coopératives ouvrières dont les membres doivent être hautement qualifiés, récemment mis au chômage et disposés à prendre la responsabilité d'une société en difficulté ou à créer une nouvelle société sous forme de coopérative. Dans ce cas-là, la contribution du gouvernement consiste à verser l'indemnité moyenne de chômage aux personnes concernées pendant une période de trois ans.

En 1994, les coopératives membres de l'ACI des pays en transition (Communauté d'Etats indépendants) et des pays d'Europe centrale et orientale comptaient 89 millions de membres, y compris des membres de «coopératives» paraétatiques existant encore ou de coopératives récemment créées. Dans l'ensemble, ces coopératives représentent 39,3 pour cent de la population âgée de 15 à 60 ans. Si l'on suppose qu'en 1994 un ménage comprend en moyenne trois personnes, la population directement concernée par la vie coopérative dans ces pays s'élève à 226 millions de personnes soit 70 pour cent de la population totale.

Dans les pays en développement, les coopératives de production et d'ouvriers ont été particulièrement importantes en Chine et en Inde (25 millions de membres assurant 25 pour cent de la production céréalière nationale, 65 pour cent de la fabrication du sucre et 58 pour cent du tissage manuel); elles sont également très importantes dans divers pays d'Amérique latine où elles fournissent aux zones rurales les services téléphoniques et d'électricité. Dans la plupart des pays africains et asiatiques, seules quelques-unes peuvent exister faute d'appui gouvernemental; on trouve des exceptions en République-Unie de Tanzanie (171 en 1991) et au Zimbabwe (124 en 1991). Ces coopératives sont parvenues à créer quelques centaines d'emplois mais ne se sont pas révélées viables à long terme, et il est très vraisemblable qu'une grande partie d'entre elles ont depuis été victimes des ajustements structurels. En Indonésie et à Sri Lanka, un petit nombre de coopératives ouvrières ont émergé en raison du contexte démographique et économique, mais elles n'ont pas joué non plus un rôle important du point de vue de la création d'emplois.

La diversité des formes des coopératives de production et de leurs domaines d'activités offre un réel potentiel de développement et de rayonnement géographique; de fait, elles peuvent apporter une contribution spécifique au développement économique des secteurs couverts et y créer ou préserver des emplois.

Dans les pays européens à économie de marché, les coopératives de production devraient, à la faveur d'une législation libérale, développer leurs activités aux niveaux communautaire et international tout en conservant leurs spécificités et sans renoncer à leurs principes coopératifs. Cette tendance devrait émerger et s'affirmer dans d'autres régions.

Dans les pays en développement, par exemple, il est de plus en plus urgent de créer des emplois générateurs de revenus pour un nombre sans cesse croissant de travailleurs ruraux qui ne peuvent être absorbés par le secteur agricole et pour les travailleurs confinés au secteur urbain non structuré. Ceux qui souffrent le plus durement des conséquences des politiques d'ajustement structurel – principalement les membres les plus pauvres des catégories les plus vulnérables – sont également affectés par la perte de leur emploi ou une diminution de leur revenu. On rencontre des problèmes et des besoins semblables dans les pays de la CEI où le nombre des chômeurs est passé de 100 000 à plus de quatre millions entre le début de l'année 1990 et mars 1992.

Dans une telle situation les coopératives et les gouvernements sont confrontés à quatre grands problèmes. Tout d'abord, les coopératives doivent créer elles-mêmes des emplois pour leurs adhérents ou des emplois salariés en développant leurs activités économiques. Deuxièmement, certains pays doivent revoir leurs politiques de développement et le statut des coopératives. Troisièmement, il est nécessaire de renforcer la position et le rôle des coopératives dans les programmes de privatisation, et quatrièmement, les coopératives qui se créent doivent recevoir l'aide technique dont elles ont besoin pour générer des emplois.

2.2.3 Coopératives et développement socio-économique

Dans les pays en développement et en transition, on attend souvent des coopératives qu'elles aident à atténuer la pauvreté et à soulager – du moins à court terme – les difficultés qui vont surgir ou qui se posent déjà en raison du passage d'une économie planifiée à une économie de marché et du fait des ajustements structurels opérés. Leur rôle est perçu comme étant de se substituer aux institutions publiques de crédit, aux sociétés et aux comités de gestion pour assurer des fonctions dans des domaines aussi critiques que l'accès au crédit, l'approvisionnement, l'entreposage, la distribution des intrants agricoles et la commercialisation des produits de l'agriculture. On attend d'elles également qu'elles génèrent des emplois, en particulier dans les zones rurales, et qu'elles offrent aux divers groupes désavantagés le moyen de se prendre en charge pour retirer de ce mode d'organisation des bénéfices socio-économiques. Dans beaucoup de pays, ce sont ces arguments qui doivent inciter l'Etat à continuer à promouvoir et à soutenir les coopératives – même de manière moins intensive.

Dans les pays industrialisés, les coopératives attirent souvent un soutien public car elles permettent de réintégrer des groupes marginalisés (comme les personnes dont les revenus sont insuffisants par rapport aux prix des loyers sur le marché du logement, les chômeurs de longue durée ou les jeunes chômeurs), fournissent des services autrefois assurés par l'Etat (en particulier dans le domaine de la santé et des soins aux personnes âgées) ou contribuent activement à la préservation de l'environnement (c'est le cas des coopératives développant, produisant et fournissant des formes d'énergie nouvelles, des coopératives s'occupant de la gestion et du recyclage des déchets, du tourisme écologique, etc.). L'intérêt qu'elles présentent pour leurs membres réside souvent dans le fait qu'elles offrent de meilleures conditions de travail ou un service qui est de meilleure qualité que celui offert par d'autres prestataires.

Toutefois, aussi tacite et indirecte qu'elle soit, toute promotion de la part de l'Etat des coopératives auprès des groupes de population marginalisés ou appauvris sous-entend nécessairement une politique de redistribution. Cela étant, certains économistes et planificateurs réputés insistent sur le fait que, si l'on encourage leur développement, les coopératives peuvent: atténuer la pauvreté et contribuer à la libéralisation des systèmes économiques (ruraux), sous réserve que l'on élabore des instruments et qu'on leur apporte un soutien en respectant leur autonomie; décourager l'acquisition d'une mentalité «d'assisté»; et conserver, voire améliorer, l'avantage comparatif qu'elles ont en termes de développement par rapport aux sociétés privées et aux bureaucraties.

Ces trois conditions doivent être remplies si l'on veut que les coopératives conservent leur dynamisme et leur souplesse pour pouvoir s'ajuster à un environnement en constante évolution. Compte tenu du fait que l'organisation de nouvelles activités, la mise en œuvre de nouveaux processus et l'élaboration de nouveaux produits nécessitent une approche novatrice, on pourrait soutenir qu'outre leur avantage comparatif en termes de développement les coopératives ont un potentiel d'innovation considérable, qui justifie à lui seul qu'on les encourage à se développer.

Dans les pays en développement comme dans les pays en transition, les entrepreneurs individuels doivent en règle générale surmonter de grands obstacles pour être novateurs: des régimes contraignants en matière d'obligations sociales et de droits de propriété, qui peuvent leur interdire de «faire les choses différemment», tendent à freiner leur enthousiasme et les rendent moins enclins à accepter des risques qu'ils auraient pu au départ être disposés à assumer; des niveaux de compétence et d'aptitude relativement faibles ou inadaptés diminuent leur performance et l'imperfection des marchés les empêche de recueillir la juste récompense de leurs efforts. Dans les pays industrialisés, l'entrepreneur novateur est freiné dans ses efforts en raison de l'existence de systèmes de sécurité sociale étendus qui non seulement incitent les individus à croire qu'il est peu judicieux de prendre des risques, voire que cela est inutile mais qui sont aussi eux-mêmes confrontés à des difficultés financières en raison de la baisse des cotisations des travailleurs face à une hausse considérable des prestations versées en raison du chômage structurel, de l'allongement de la durée de vie et de la hausse du coût des traitements pour les patients de longue durée. Etre travailleur indépendant signifie toutefois soit renoncer à certains bénéfices, soit s'assurer contre de tels risques auprès d'assurances privées qui sont, en règle générale, plus onéreuses.

Les coopératives peuvent aider à surmonter ces obstacles à l'innovation. L'aide la plus importante qu'elles peuvent offrir est de créer des organes secondaires et tertiaires représentant les intérêts de leurs membres entrepreneurs et travailleurs auprès des dirigeants, afin de militer pour de meilleures conditions juridiques et commerciales en faveur des petites et moyennes entreprises. Elles peuvent par ailleurs mettre en commun leurs ressources et tirer profit de leur connaissance du milieu local pour aider leurs membres à trouver les capitaux de départ nécessaires. Elles peuvent aussi soutenir les entrepreneurs en les aidant à obtenir des informations sur les marchés et les prix (des produits et des intrants), sur les technologies et les combinaisons optimales de facteurs. Elles peuvent créer des emplois dans des domaines où l'Etat, pour des raisons de compression budgétaire, soit congédie ses employés, soit réduit ses services. Un autre élément important est qu'elles peuvent protéger l'individu contre une pression sociale trop forte à l'intérieur du village ou de la ville en prenant sur elles une partie des risques d'innovation à titre de solidarité. En fait, les coopératives fonctionnent déjà suivant ces principes.

Les coopératives peuvent également atténuer les conséquences négatives de la libéralisation, de la mondialisation et du progrès technologique en réduisant la marginalisation et en compensant la diminution des prestations de sécurité sociale. Grâce à leurs réseaux internationaux elles peuvent équilibrer l'offre et la demande mondiales (c'est le cas en particulier des coopératives de consommation et de production), elles forment un contrepoids aux puissants conglomérats internationaux et aident à réduire les disparités nationales entre pays en développement et en transition et pays industrialisés. Même si leur contribution reste modeste, les tendances en matière de consommation (l'exigence du respect des normes de qualité pour les produits, l'intérêt que manifestent les consommateurs pour des produits non nuisibles pour l'environnement et obtenus dans le cadre d'échanges équitables) semblent suggérer qu'elle pourrait être beaucoup plus importante.

La globalisation des échanges et des informations entre coopératives se révèle particulièrement avantageuse au niveau local. La génération de revenus grâce à des emplois salariés et autogénérés jusque dans des régions éloignées, l'amélioration des conditions de travail, des modes de production respectueux du tissu social et de l'environnement, la diffusion du progrès technique par l'innovation, la formation et l'éducation ainsi que l'intégration de groupes désavantagés ou marginalisés (dont le nombre augmentera vraisemblablement avec l'avancée de la mondialisation, de la libéralisation des échanges et des ajustements structurels), tout cet ensemble de facteurs fait ressortir les avantages que présentent les coopératives par rapport aux autres types d'entreprises. Les membres utilisateurs seront de plus en plus enclins à opter pour ces avantages même si cela signifie que les intérêts versés sur le capital investi sont moindres. Les coopératives qui mettent véritablement au premier plan l'intérêt de leurs membres tout en mettant l'accent sur une gestion efficace seront dans une position excellente pour être opérationnelles dans tous les domaines d'activités où des sociétés plus importantes ne peuvent l'être en raison d'un coût de transaction élevé et/ou d'un manque d'intérêt pour le marché concerné.

2.3 Services sociaux

2.3.1 Vue d'ensemble

De tout temps, les coopératives ont joué un grand rôle social en s'attaquant à des problèmes pressants. Depuis toujours, elles contribuent à l'amélioration des conditions de vie et de travail des agriculteurs et des ouvriers (notamment les coopératives agricoles, les coopératives de production et les coopératives de travailleurs) et leur donnent accès à des services bancaires; elles mettent le crédit à la production et à la consommation à la disposition des petits producteurs et agriculteurs (coopératives d'épargne et de crédit), offrent différents types d'assurances – production, maladie, vie, funérailles (coopératives indigènes, agricoles, artisanales, d'approvisionnement et de commercialisation, d'assurances) et veillent à la sécurité des produits alimentaires (coopératives de consommation). A ces tâches traditionnelles s'ajoute aujourd'hui toute une gamme de fonctions sociales supplémentaires: soins aux personnes âgées, aux enfants et aux personnes handicapées, création d'emplois pour les catégories sociales défavorisées, promotion des nouvelles technologies, recyclage (par exemple coopératives de recyclage en Australie), exploitation des énergies renouvelables, protection de l'environnement.

Les coopératives offrent ces services partout dans le monde mais il est clair que les problèmes ne sont pas les mêmes dans les pays en développement, dans les pays industrialisés et dans les pays en transition et que la législation coopérative elle-même varie. Les approches adoptées varient donc elles aussi. Certaines coopératives ont une vocation exclusivement sociale. D'autres fournissent des services sociaux en plus d'autres services (par exemple, coopératives d'assurances, coopératives de consommation, coopératives agricoles). On trouve des coopératives organisées par des prestataires de services et des coopératives organisées par des clients des mêmes services. Récemment, le nombre de coopératives regroupant prestataires et usagers a augmenté, particulièrement dans plusieurs pays européens qui ont adopté une législation permettant l'essor de ces groupes d'intérêts hétérogènes et/ou qui encouragent activement cette formule (par exemple l'Italie). Il arrive même parfois que des financiers extérieurs deviennent membres de ces coopératives qui sont alors des organisations à parties prenantes multiples.

Quand de nouvelles coopératives se créent, c'est souvent parce que les systèmes de sécurité mis en place par l'Etat (principalement dans les pays industrialisés et notamment en Europe), par des coopératives paraétatiques (principalement dans les pays en transition) ou par les familles ou collectivités (notamment, mais non exclusivement, dans les pays en développement) ou ne peuvent plus fournir tel ou tel service ou, en tout cas, pas dans les mêmes conditions qu'autrefois. Ces nouvelles coopératives facilitent souvent la vie des femmes, qui continuent en général à assumer la plus grande part des responsabilités familiales, et créent des emplois pour des gens qui, autrement, seraient sans doute sans travail. Les coopératives qui ont été créées pour répondre à ces besoins travaillent fréquemment en partenariat ou dans le cadre de réseaux avec d'autres coopératives, leurs fédérations, les programmes publics de développement, les employeurs, les syndicats, les associations sociales, les églises et l'administration locale.

Les coopératives déjà existantes qui décident d'ajouter un volet social à leurs activités comptent généralement davantage sur leur potentiel économique propre, ce qui ne les empêche pas d'entretenir des liens avec l'extérieur. Dans bien des cas, leur décision a été motivée par le désengagement de l'Etat qui, dans certains cas, sous-traite les services qu'il fournissait autrefois directement. Beaucoup de besoins sociaux importants demeureraient insatisfaits sans les coopératives dont la plupart estiment avoir une mission sociale, et non une mission exclusivement économique, et qui possèdent une connaissance irremplaçable des problèmes locaux ainsi que la capacité locale de régler ces problèmes. C'est parce qu'ils en étaient conscients que les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis à Copenhague, en mars 1995, à l'occasion du Sommet mondial pour le développement social, ont clairement insisté dans la Déclaration et le Programme d'action sur le rôle important des coopératives dans le développement social et qu'ils se sont engagés à utiliser et développer pleinement «le potentiel et la contribution des coopératives en vue d'atteindre les objectifs du développement social».

2.3.2 Evolution des services sociaux offerts par les coopératives

Assurance

Les coopératives et les mutuelles d'assurances sont en mesure d'offrir toute une gamme de produits (assurances maladie, accidents, invalidité, etc.) d'un meilleur rapport qualité/prix que les autres assureurs. Dix-neuf des soixante-douze coopératives appartenant à la Fédération internationale des coopératives et mutuelles d'assurances offrent des assurances maladie. Elles opèrent dans seize pays: Allemagne, Belgique, Canada, Colombie, République de Corée, Danemark, Equateur, Espagne, Etats-Unis (plus Porto Rico), France, Italie, Japon, Malaisie, Pérou, Royaume-Uni et Singapour. Les 6000 mutuelles françaises d'assurance maladie arrivent probablement en tête avec, selon les estimations, environ 27 millions d'assurés en 1990. Regroupées dans la Fédération nationale de la mutualité française, elles représentent environ 60 pour cent du marché français de l'assurance non obligatoire et emploient quelque 20 000 personnes. Elles sont suivies de près par les systèmes coopératifs d'assurance du Japon où les employeurs publics et privés ont créé ensemble une coopérative d'achat pour assurer leurs 10 millions de salariés.

De nombreuses coopératives d'assurances ont récemment ajouté à leur gamme de produits des services sociaux et de santé. Au lieu de se contenter d'être de simples caisses d'assurances mutuelles, beaucoup offrent désormais des assurances maladie de groupe aux employeurs qui doivent pourvoir à la protection de leurs salariés; elles concluent de plus en plus d'accords avec des prestataires de services, diversifient leurs services au moyen d'alliances, voire se dotent de leur propre infrastructure. Ces deux dernières options, en particulier, leur permettent d'importantes économies compte tenu de l'avantage qu'elles possèdent sur le plan de l'information. C'est notamment le cas lorsqu'elles collaborent avec des coopératives s'occupant de la prévention des maladies et des accidents ou avec des coopératives assurant des services ou des soins de santé aux personnes handicapées.

Soins de santé (préventifs) et médicaments

Au milieu de 1995, les coopératives d'usagers fournissaient des services de santé à 39 millions d'adhérents. C'est au Japon que ces services auraient pour la première fois vu le jour. En 1964 déjà, près de 6000 coopératives agricoles japonaises avaient, avec des subventions publiques, créé des «associations de bien-être», mettant à la disposition de leurs membres 137 hôpitaux, 80 dispensaires et plus de 1000 médecins. Au Japon, les membres les plus pauvres des coopératives n'avaient pas accès aux soins de santé privés car il n'existait pas de système public d'assurance sociale. Un système public a bien été mis en place en 1961 mais cela n'a pas eu pour effet d'évincer les coopératives ou de les forcer à limiter leurs services à ceux que l'Etat était prêt à rembourser. Elles se sont adaptées et concentrées sur la prévention, l'éducation, le traitement des maladies chroniques et la gériatrie. Les services offerts par les coopératives agricoles japonaises se sont étendus (38000 lits, 3200 médecins et près de 19000 infirmières). Les coopératives de consommation se sont elles aussi lancées dans les services de santé préventive (125 coopératives de santé offraient 13 000 lits dans 80 hôpitaux et 246 dispensaires en 1998 et employaient 1600 médecins, 9000 infirmières et 9 400 autres personnes).

La plupart des membres des coopératives de santé japonaises sont en bonne santé mais âgés, d'où l'importance accordée à l'entretien de la santé, à l'information sur les traitements, à la participation au choix de ces traitements ainsi qu'à la participation de chaque membre à l'administration des coopératives en collaboration avec les spécialistes des soins de santé. Les groupes Han, qui ont déjà été mentionnés, ont beaucoup contribué au succès de la prévention par différents moyens: promotion de l'auto-analyse (analyse de sang, d'urine, etc.), suivi des habitudes alimentaires, compréhension des problèmes de santé, fourniture de services de santé satisfaisants, etc. Les coopératives poussent donc les patients à veiller eux-mêmes sur leur santé.

En Europe (par exemple en Espagne et en Suède) et en Amérique du Nord (notamment au Canada, aux Etats-Unis et à Panama), les coopératives de soins de santé ou la fourniture de services de soins de santé par des coopératives d'habitation, de consommation ou d'assurances tirent en général leur origine de la flambée des coûts ou du délabrement des systèmes publics de santé et de l'absence de services de soins préventifs et ambulatoires d'urgence, notamment pour les personnes âgées (par exemple, services lancés par HSB, Riksforbund ou Folksam en Suède). Au Canada, 37 coopératives de santé et 9 cliniques coopératives desservent 228000 personnes et, aux Etats-Unis, les coopératives de santé mises en place par les usagers toucheraient selon les estimations, 1 million de ménages. En Espagne, des coopératives de santé du premier niveau existent sous forme d'établissements de soins appartenant aux usagers (coopératives de soins de santé familiale) qui acceptent comme membres médecins et patients, et de coopératives de producteurs. Elles ont fusionné au deuxième niveau pour renforcer leur représentation politique et assurer des services communs (assurances, services informatiques et fondation de recherche et de promotion Espriu). La plus grande des coopératives espagnoles de prestataires est Laviña, avec 22000 médecins, qui dessert environ 1 million de personnes dans tout le pays. A Barcelone, 4027 médecins sont membres de la coopérative Autogestio Sanitaria qui assure des soins de santé à 200000 patients membres de coopératives d'usagers.

Dans certains pays européens, les organisations à parties prenantes multiples ont pris beaucoup d'importance. En Italie, les sociétés coopératives sociales tirent leur origine d'une loi de 1991. Les bénéficiaires ne sont pas seulement les membres mais aussi certaines catégories défavorisées, voire la collectivité dans son ensemble. Institutions de financement et particuliers bénévoles peuvent devenir membres. Les services sont assurés à la fois par des personnels rémunérés et par des bénévoles. L'insertion des personnes défavorisées sur le marché du travail est un aspect important de la mission sociale de ces organisations. Au Royaume-Uni, une loi de 1988 (Community Care Act) témoigne d'une nouvelle évaluation par les pouvoirs publics du rôle des prestataires de services communautaires. Depuis cette loi, l'Etat fait de plus en plus appel aux coopératives pour assurer aux enfants et aux personnes handicapées les services nécessaires. Dans ces secteurs, les coopératives travaillent souvent en partenariat avec des organisations bénévoles.

Dans certains pays autrefois communistes, les coopératives de consommation ont conservé un département spécialisé dans les services de santé, souvent appelé «coopérative médicale». Dans le monde en développement, le scénario, pour les services médicaux, a généralement été le suivant. Dans un premier temps, l'Etat a construit des dispensaires qui offraient un traitement à tous et qui ont ensuite lancé des campagnes de vaccination et pris d'autres mesures de prévention (éducation des femmes enceintes et des mères allaitantes, création de jardins communautaires, avis nutritionnels, etc.). Souvent aussi, des mesures ont été prises pour combattre le paludisme (drainage des eaux stagnantes, construction de latrines et d'égouts, protection de l'approvisionnement en eau contre la contamination). L'alourdissement de la dette, l'austérité budgétaire et la diminution de l'aide au développement ont eu pour effet que ces dernières fonctions ont souvent été abandonnées, la relève étant le cas échéant assurée par des coopératives de consommateurs ou de prestataires. Dans le secteur de la santé, des coopératives d'usagers existent aussi en Afrique du Sud, en Bolivie, au Brésil, en Inde, aux Philippines, au Sénégal, à Singapour, à Sri Lanka, en Suède et en République-Unie de Tanzanie. On estime à environ 465 le nombre de coopératives de soins de santé en Asie.

L'UNIMED (Brésil) arrive en tête des coopératives de deuxième niveau regroupant des prestataires de soins de santé. En 1967, les médecins, qui avaient du mal à trouver un emploi faute d'un effort suffisant de l'Etat en faveur des infrastructures médicales, ont décidé de se regrouper en coopératives afin d'améliorer leurs possibilités d'emploi, de limiter les coûts fixes et de défendre les intérêts généraux de la profession. Ils ont été aidés dans leur entreprise par l'extension à l'ensemble de la population du système public d'assurance sociale, ce qui leur a permis de bénéficier de subventions publiques (cinq pour cent) pour couvrir la différence entre le coût des prestations et les remboursements de l'assurance. Aujourd'hui 73000 médecins (soit environ le tiers des praticiens) sont membres de l'UNIMED. Les 300 coopératives du premier niveau associées à l'UNIMED sont des cabinets de consultation de groupe ou des réseaux de cabinets individuels. Le système coopératif comprend plusieurs hôpitaux, des laboratoires, y compris des laboratoires d'examen radiologique, et il dessert environ 9 millions des personnes. Une autre coopérative, USIMED, offre une assurance maladie complémentaire. Depuis quelque temps, les coopératives de prestataires de soins de santé encouragent aussi la création de coopératives de consommateurs qui leur sont associées par des contrats individuels et des contrats d'entreprise.

Le système brésilien a servi de modèle au Chili, à la Colombie, au Costa Rica et au Paraguay. D'autres coopératives de prestataires de soins de santé existent en Allemagne, en Argentine, au Bénin, en Bolivie, en Espagne, aux Etats-Unis, en Italie, en Malaisie, en Mongolie, aux Philippines, en Pologne, au Portugal, au Royaume-Uni et en Suède. Au milieu de 1995, environ 13 millions de personnes étaient liées par contrat à ces coopératives dont la plupart desservent aussi d'autres parties de la population.

C'est principalement aux Etats-Unis et au Canada que l'on trouve des coopératives de travailleurs actives dans le secteur de la santé. Dans le Wisconsin, par exemple, la Rural Wisconsin Health Cooperative regroupe 20 hôpitaux ruraux et un hôpital universitaire implanté en milieu urbain auxquels elle offre des services communs ainsi que la possibilité d'achat en gros. Au Québec, la Coopérative du service régional d'approvisionnement (CSRA) est la propriété de 60 cliniques et hôpitaux, et cinq coopératives d'ambulanciers assurent 13 pour cent des services d'urgence. Des coopératives de main-d'œuvre offrent différents services aux établissements de santé (entretien, restauration, nettoyage, sécurité, etc.) ou servent d'agences de l'emploi pour leurs membres.

Beaucoup de coopératives de santé ainsi que des coopératives de vente au détail ou d'autres coopératives offrent à leurs membres des services pharmaceutiques (au premier niveau). Des coopératives de consommateurs spécialisées dans la vente au détail de produits pharmaceutiques, appelées aussi «pharmacies sociales», vendent des médicaments à bas prix. Elles sont nombreuses en Belgique, en France, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni où elles font l'objet d'une législation particulière. Les coopératives de ces pays ainsi que les coopératives pharmaceutiques suisses ont créé en 1961 l'Union européenne des pharmacies sociales qui regroupe 2556 coopératives individuelles, 21367000 membres, environ 55000 pharmacies et 358974 salariés; en 1992, l'Union détenait environ dix pour cent du marché européen de la vente au détail des produits pharmaceutiques et avait un chiffre d'affaires de l'ordre de 48 milliards de dollars E.-U. En Belgique, ce type de coopérative dessert 20 pour cent de la population et l'Union européenne aide actuellement la Pologne et la République tchèque à mettre en place un système similaire. Il existe depuis un certain temps déjà des coopératives pharmaceutiques dans plusieurs pays africains (par exemple, 150 au Ghana).

Des coopératives pharmaceutiques du deuxième niveau ont été créées par les pharmaciens pour l'achat de médicaments et de matériel médical. Elles achètent en gros, offrent des services communs et jouent un rôle dans la commercialisation. Elles sont très développées aux Etats-Unis. Par exemple, en 1994, les coopératives pharmaceutiques indépendantes du Wisconsin comptaient 400 membres. En 1993, quatre coopératives de ce type figuraient parmi les dix plus grandes coopératives du Portugal.

Un point commun à toutes les coopératives qui sont actives dans le secteur de la santé est qu'elles cherchent à prévenir la maladie et à promouvoir un mode de vie sain. Vu le lien entre bien-être social et bien-être physique, beaucoup de coopératives de santé offrent aussi des services sociaux – notamment aux personnes handicapées, aux personnes exposées à des risques spéciaux (par exemple, symptômes psychosomatiques, diabète, problèmes circulatoires et cardiaques chroniques) ainsi qu'aux personnes risquant d'être victimes de l'abus de substances dangereuses – et elles ont aussi lancé des programmes en direction des adolescents, des mères célibataires et des personnes âgées.

Logement social

Partout dans le monde, les coopératives d'habitation et de développement communautaire s'efforcent de répondre aux besoins des personnes âgées et notamment à leurs besoins de sécurité et de services particuliers (courses, ménage, mets préparés, services de lecture, etc.). Certaines cherchent à fournir un logement adéquat aux ménages monoparentaux, aux handicapés, aux immigrés et aux sans-abri et/ou à placer des assistés sociaux dans des immeubles qui accueillent principalement des ménages de travailleurs. D'autres s'efforcent avant tout de fournir des services essentiels tels que l'approvisionnement en eau ou l'assainissement (coopératives de services et coopératives de travailleurs, notamment dans les pays en développement).

En France, le Mouvement des cités coopératives a fait la preuve qu'une politique de logement social de qualité est possible. Au Royaume-Uni, c'est le gouvernement conservateur qui a forcé les autorités locales à sous-traiter la gestion des logements sociaux ainsi que des services tels que la restauration et le nettoyage dans les secteurs de l'éducation et de la santé et 85 pour cent des services sociaux. Dans bien des cas, ce sont des coopératives qui ont pris la relève des autorités locales en ce qui concerne les centres d'hébergement et maisons de santé. Des coopératives ont été créées pour les handicapés mentaux ainsi que pour les personnes, notamment les personnes âgées, qui ont besoin de soins à domicile ou en institution. Toute une gamme de nouvelles coopératives, contrôlées sous des formes diverses par les travailleurs et les usagers, a vu le jour et le processus se poursuit.

En Allemagne, en Autriche et en Suède, les coopératives d'habitation ont particulièrement le souci que les constructions soient conformes aux besoins particuliers des personnes âgées et des personnes handicapées ainsi que des familles ayant plusieurs enfants. Dans ces pays ainsi qu'au Danemark, en Finlande et en Norvège, elles fournissent souvent aussi des services à domicile – financiers, médicaux, dentaires et autres (par exemple, coiffure, services de bibliothèque, etc.) pour lesquels elles font appel à du personnel spécialisé non résident. En Pologne, les coopératives d'habitation ont en grande partie survécu à la transition et construisent encore près des trois quarts des nouveaux appartements. Au Canada, les coopératives d'habitation ont réagi avec beaucoup d'efficacité au désengagement social de l'Etat de certains services sociaux.

Services sociaux

Beaucoup de coopératives de santé (qu'elles appartiennent aux prestataires ou aux consommateurs), beaucoup de coopératives d'habitation et différentes coopératives de consommateurs offrent des services sociaux dans le prolongement de leurs programmes de prévention et de réadaptation. Au Japon, les coopératives agricoles et les coopératives de consommateurs offrent des soins aux personnes âgées. Des cours sur la santé, la sécurité sociale, l'administration des coopératives et les activités bénévoles sont organisés pour les membres dirigeants. Plus de 30 000 agents ont déjà été formés et 30 coopératives agricoles ont établi des partenariats avec les organismes sociaux locaux. Elles emploient des infirmières à domicile, gèrent des centres dans lesquels travaillent infirmières et bénévoles, proposent des repas et différents autres services à domicile et gèrent plusieurs maisons d'aide sociale et de soins de santé. Certaines coopératives de consommateurs se sont par ailleurs lancées dans des activités commerciales pour répondre aux besoins de la population âgée (par exemple, reconditionnement et livraison à domicile de produits de première nécessité ou de repas). Il y a aujourd'hui 30 coopératives approvisionnant dans tout le pays les consommateurs âgés; leur chiffre d'affaires est de l'ordre de 100 millions de yen par an.

Il y a aussi beaucoup de coopératives autonomes d'aide sociale au Japon et dans d'autres pays. En Suède, par exemple, les coopératives sont rapidement devenues l'un des moyens les plus importants de pallier le désengagement de l'Etat dans le secteur des services sociaux. Plus des deux tiers des centres de soins de jour privés sont des coopératives, la plupart des crèches ayant cette forme. En Suède, les parents ont droit à des subventions pour la garde de leurs enfants mais, depuis qu'il existe un système de bons, ils semblent dans bien des cas préférer les garderies coopératives à celles qui relèvent des collectivités locales. Entre 1988 et 1992, le nombre d'enfants dans les garderies a triplé (de 8500 à 30000), de même que le nombre de garderies privées (aujourd'hui plus de 1500). Près des deux tiers de ces garderies sont des coopératives de parents ou de travailleurs; en d'autres termes, plutôt que de parler de privatisation, il faudrait parler de «coopérativisation». Comme nous l'avons déjà mentionné, un secteur également en pleine croissance en Suède pour les coopératives d'habitation et d'assurance est la fourniture de services spécialisés et de soins à domicile pour les personnes âgées. En Finlande, la croissance des garderies coopératives ainsi que des coopératives qui assurent des soins de santé et des services sociaux aux personnes âgées est également impressionnante. Au Canada aussi, les coopératives d'aide sociale se développent rapidement. On dénombre environ 800 garderies coopératives accueillant les bébés et les enfants d'âge préscolaire. On estime qu'aux Etats-Unis plus de 50000 familles placent leurs enfants dans des garderies coopératives. En Malaisie, les enseignants et le personnel concerné favorisent la création de ce genre de coopératives. Même au Myanmar, des centres de soins pour les enfants et les personnes âgées voient le jour.

En France, les parents d'enfants handicapés mentaux ont créé des coopératives de services. En Roumanie, comme dans d'autres pays européens, il existe des coopératives d'aide sociale qui offrent des ateliers protégés aux personnes handicapées. Au Japon, plusieurs nouvelles coopératives de travailleurs créent des emplois pour les personnes âgées dans des domaines tels que le jardinage, le nettoyage, la réparation des maisons, etc. En tout cas, la plupart des coopératives de production et de services appartenant aux travailleurs s'ouvrent aux chômeurs, aux handicapés et aux immigrés. Les coopératives participent aussi à d'autres activités sociales: sécurité alimentaire, protection de l'environnement, campagnes en faveur de la paix, etc.

Globalement, comme pour les coopératives de santé, c'est l'Italie qui arrive en tête avec environ 2000 «coopératives sociales». Elles emploient quelque 40000 personnes et sont presque toutes des coopératives de travailleurs, mais elles ont aussi trouvé des moyens novateurs de faire participer leurs clients. On estime que les coopératives italiennes absorbent environ 13 pour cent du budget public d'aide sociale. Le contraste avec d'autres pays est peut-être plus apparent que réel car, en Italie, les organisations à but non lucratif de ce secteur sont encouragées à se faire enregistrer en tant que coopératives tandis que, au Royaume-Uni par exemple, beaucoup des organisations à but non lucratif actives dans le secteur social fonctionnent comme des coopératives mais sont enregistrées comme des œuvres de bienfaisance. Cela ne signifie pas nécessairement que les unes ont un caractère plus philanthropique que les autres.

Rôle des coopératives sur le plan scolaire et universitaire

On aurait pu penser que les coopératives scolaires ou universitaires perdraient de leur importance dans les pays relativement prospères, où l'enseignement public est très développé, ou qu'elles se limiteraient aux questions purement coopératives. Le cas des Etats-Unis et de l'Asie prouve le contraire et pourrait bien servir de modèle aux pays en développement comme aux pays en transition. Le rôle des coopératives s'accroît aussi dans le domaine de la formation professionnelle et de la préparation des jeunes à la vie active – notamment pour la préparation au travail indépendant et à l'entreprenariat coopératif.

Dès les débuts, les coopératives ont été encouragées à affecter les excédents qu'elles dégageaient à l'éducation de leurs membres et de leurs enfants. Au commencement du mouvement coopératif en Europe, il s'agissait aussi bien d'apprendre à lire, écrire et compter qu'à acquérir les compétences nécessaires pour l'administration des coopératives (comptabilité, inventaires, etc.). Les coopératives figuraient généralement au programme des écoles et universités en Europe orientale et centrale; en revanche, en Europe occidentale, ce n'est qu'assez récemment que l'enseignement public a pris conscience des besoins de formation coopérative. En Europe orientale, les coopératives recrutaient leur personnel directement dans les établissements publics d'enseignement et complétaient sa formation, soit en organisant des cours financés par les organisations faîtières centrales (système prédominant de spécialisation des coopératives dans des pays relativement petits comme la Hongrie), soit en créant leurs propres collèges techniques ou universités (cas notamment de la Bulgarie, de la Pologne et de l'ex-URSS); en Europe occidentale, jusqu'à une date assez récente, seules des institutions spécialisées appartenant souvent au mouvement coopératif ainsi qu'un nombre limité de facultés s'occupaient de la formation du personnel de direction et d'encadrement des coopératives. Pourtant, le mouvement coopératif a toujours essayé d'élargir sa base en incitant les jeunes à s'investir dans des organisations de type coopératif qui leur soient propres.

Les premières coopératives de jeunes au Royaume-Uni ont été le Woodcraft Folk, créé en 1940, plus trois organisations coopératives créées en 1941 avec l'appui de l'Union coopérative britannique et visant respectivement les enfants de 7 à 10 ans, les enfants de 11 à 14 ans et les adolescents de 15 à 20 ans. Il s'agissait de coopératives communautaires sans orientation scolaire ou universitaire.

Apparemment, c'est en Inde et à Sri Lanka que sont apparues avant la seconde guerre mondiale les premières coopératives scolaires autonomes. Par la suite, des organisations analogues ont vu le jour dans différents pays. Compte tenu de la diversité des contextes économiques, juridiques, sociaux et éducatifs, elles ont pris différentes formes et mené différents types d'activités; elles sont restées liées aux mouvements coopératifs nationaux et internationaux mais, à l'exception du Japon, sans en faire partie.

Dans quelques pays en développement, des coopératives prospères consacrent depuis longtemps de l'argent à la construction d'écoles et au recrutement d'enseignants pour l'éducation des enfants ainsi que des adultes analphabètes. Dans beaucoup de pays, les coopératives d'épargne et de crédit aident les parents à financer les frais de scolarisation ou permettent aux enfants de devenir membres afin qu'ils apprennent à épargner pour financer le complément d'études dont ils pourraient avoir besoin (par exemple, en Afrique du Sud). De nouveaux modèles de coopératives scolaires et universitaires pourraient voir le jour, car l'Etat ne fait plus un effort suffisant – à supposer qu'il l'ait jamais fait – pour doter les écoles de toutes les ressources humaines et matérielles nécessaires ou n'a plus les moyens de fournir gratuitement une instruction de base.

Aujourd'hui, les écoles européennes semblent vouloir faire plus de place à la coopération et à l'éducation coopérative. Un projet transnational parrainé par l'ACI et visant à promouvoir la diffusion dans les écoles des principes et des valeurs de la coopération a permis de constater que la coopération (projets, méthodes, questions) figure déjà au programme de certaines écoles – du moins en Belgique, en Espagne, en France, en Hongrie, en Italie, au Portugal, en Roumanie, au Royaume-Uni, en Slovaquie, en Suède et en Turquie. Il existe en Espagne, en Italie, en Suède et en Turquie des coopératives de consommateurs (parents), des coopératives de travailleurs (enseignants) et des coopératives mixtes (parents plus enseignants) ainsi que des coopératives créées par les élèves en tant qu'exercice pratique ou à des fins spécifiques (par exemple, solidarité). En Italie, 60 pour cent des coopératives scolaires, mixtes ou d'usagers, sont implantées dans les régions urbaines du nord et notamment dans la région de Trente. Au total, 216 coopératives scolaires, regroupant plus de 400 écoles et 45000 membres, font partie de l'association nationale des coopératives (Confcooperative) qui a aussi, pour les écoles, une branche spécialisée organisée par la Fédération de la culture, du tourisme et du sport. Certaines coopératives scolaires ne font pas partie de l'association. En Espagne, on dénombre près de 800 coopératives scolaires, regroupant quelque 25000 élèves et plus de 10000 enseignants; il s'agit souvent de coopératives d'enseignants ou de coopératives à parties prenantes multiples. Elles ont été créées en réponse à la dégradation des écoles publiques, provoquée par les problèmes économiques, et sont organisées aux niveaux régional et national en fédérations sectorielles. Ces coopératives sont reconnues par l'Etat. En Suède, plus de 100 groupes coopératifs gèrent aujourd'hui des écoles, autrefois publiques, qui risquaient de fermer, notamment dans les petites villes. Ces coopératives, reconnues par la législation, sont souvent des coopératives de parents et d'enseignants.

Les coopératives qui visent à faciliter le passage de l'école à la vie active (qui forment des jeunes encore à l'école afin de les préparer à travailler notamment dans le milieu coopératif) sont nombreuses en Espagne, en France, en Hongrie, en Italie, au Portugal, en Roumanie, au Royaume-Uni, en Slovaquie et en Suède. En Hongrie, par exemple, environ 80 écoles techniques et instituts de formation professionnelle sont organisés en coopératives, soit 15000 élèves et 900 enseignants. Au Royaume-Uni, il ne semble pas exister de coopératives scolaires ou universitaires de travailleurs ou d'usagers mais les coopératives d'adolescents créées dans le cadre d'activités parascolaires jouent un grand rôle dans la formation à la vie de l'entreprise. En Italie, la CENSCOOP de Rome organise un grand concours de formation à l'entreprenariat dans les écoles, à l'intérieur et à l'extérieur du mouvement coopératif. Les participants doivent élaborer le projet d'une nouvelle entreprise coopérative – économique, culturelle ou sociale – et ils peuvent se faire conseiller par la Fondation de Trente qui offre également des possibilités de formation et du matériel pédagogique aux enseignants. Au total, 20 classes et 400 élèves ont participé au cinquième concours, en 1995. Des stages d'été dans des institutions coopératives sont également offerts aux étudiants et, à Venise, un institut de formation professionnelle prépare des programmes de formation à l'entreprenariat et des études de faisabilité pour la création de nouvelles coopératives. En Roumanie, les coopératives artisanales offrent une formation professionnelle. Douze centres assurent la formation de 15000 jeunes apprenant 65 métiers ou spécialités différents. L'Union slovaque des coopératives de production a créé plusieurs instituts de formation professionnelle et des centres de formation professionnelle pour les élèves du secondaire.

La première coopérative universitaire est beaucoup plus ancienne que les coopératives scolaires, puisqu'elle a été créée à Harvard en 1882 par des étudiants qui ont mis en commun leurs ressources pour l'achat de livres et autres fournitures. Depuis, l'idée a fait son chemin aux Etats-Unis et au Canada. Il existe aujourd'hui différentes catégories de coopératives d'étudiants qui servent différentes fins: biens de consommation, achat, communication, orientation professionnelle, logement, financement, réparation et entretien. Des coopératives communautaires dispensent une formation à l'entreprenariat coopératif à des étudiants qui sont sur le point d'obtenir leur diplôme, et il y a une forte participation communautaire à l'éducation coopérative dans le système scolaire au Canada. Une coopérative d'assurances (Les Coopérateurs) a lancé un vaste programme en faveur des jeunes. Dans le reste des Amériques, il ne semble pas y avoir de mouvement coopératif étudiant.

En Asie, les coopératives universitaires ont vu le jour à la fin du XIXe siècle. Elles en sont à différents stades de développement. Le Viet Nam est le dernier pays à avoir créé des coopératives de ce type. C'est au Japon que les coopératives d'étudiants sont le plus développées. Elles sont apparues en 1946 et n'ont jamais bénéficié de l'appui de l'Etat. Leur stratégie consiste à répondre aux problèmes les plus pressants auxquels se trouvent confrontés les étudiants et la société dans son ensemble. Aujourd'hui, leurs activités sont multiples: crédit, voyages, orientation professionnelle, cours de langues, assurances, biens de consommation, culture, loisirs, conseil psychologique, programmes de sensibilisation, par exemple pour promouvoir la paix ou la protection de l'environnement. Pour une meilleure intégration verticale et horizontale, elles ont créé en 1955 la Fédération nationale des associations coopératives universitaires. En 1996, cette fédération regroupait 192 coopératives universitaires primaires, neuf associations commerciales et deux coopératives interuniversitaires et elle comptait 1,24 million de membres. Le mouvement souhaite s'intégrer dans le mouvement coopératif national et international et a de vastes ambitions sociales et économiques. Il fournit une aide aux autres mouvements coopératifs universitaires qui voient le jour en Asie.

Des coopératives d'étudiants existent depuis longtemps en Inde. Une étude récente de la sous-commission universitaire de l'Office régional de l'ACI pour l'Asie et le Pacifique en dénombre 12000. Toutefois, il n'existe pas de fédération nationale et l'intégration des activités de consommation et de crédit de ces coopératives est faible. Les universités appuient ces coopératives en mettant à leur disposition bâtiments et équipement. Créée en 1976, la première coopérative étudiante d'Indonésie est devenue une grande entreprise de 138 salariés. Elle offre différents services – crédit, livres, souvenirs, télécommunication, formation à l'informatique – et gère une auberge de jeunesse et un foyer. On dénombre 132 autres coopératives universitaires affiliées à la Fédération indonésienne des coopératives de jeunesse (KOPINDO, créée en 1981) ainsi que 68 coopératives de jeunes, 60 coopératives scouts et 38 033 coopératives scolaires. En Indonésie, le mouvement coopératif universitaire suit de près le modèle japonais et est très puissant dans le domaine du commerce de détail, des voyages et d'autres services. Il offre à ses membres des programmes très élaborés de formation à l'entreprenariat, à la gestion et à la théorie et la pratique de la coopération.

A partir de 1947, la République de Corée a créé un système très étendu de groupes de jeunesse. Leur nombre diminue (33140 en 1981) alors que le nombre des coopératives universitaires est en augmentation depuis la fin des années quatre-vingt. Appuyées par le mouvement des coopératives de consommation, sept coopératives universitaires gèrent actuellement des librairies et bazarettes ainsi que des agences de voyages et autres services; leur chiffre d'affaires a pratiquement doublé de 1993 à 1996. Le Réseau des coopératives universitaires coréennes mène des activités communes d'achat, de production ainsi que de protection de l'environnement. En Thaïlande, 17 coopératives de consommation et 18 coopératives de crédit ont vu le jour dans les universités depuis la fin des années cinquante. La plupart accueillent à la fois le personnel de l'enseignement et les étudiants. La Fédération thaïlandaise des coopératives du secteur de l'éducation permet des achats et des productions en commun.

Les coopératives d'étudiants sont moins développées dans certains autres pays d'Asie. A Singapour, cela tient en partie à la taille du pays. En Malaisie, à cause probablement de l'absence de soutien de l'Etat et de l'inexistence d'une fédération nationale, on ne dénombre aujourd'hui que huit coopératives universitaires comptant environ 10 000 membres. Le mouvement coopératif universitaire est également faible aux Philippines où l'on ne peut devenir membre d'une coopérative qu'à partir de l'âge de 21 ans.

Tourisme social

C'est en France que sont apparues les premières coopératives de tourisme social. Elles se sont beaucoup développées dans ce pays et en Belgique. Elles sont régies par une législation spéciale dans ces deux pays ainsi qu'en Italie et on en trouve aussi en Allemagne, au Danemark, en Espagne, en Grèce, en Irlande, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Portugal et au Royaume-Uni. En Europe, le CETOS (Comité européen du tourisme social, fondé en 1986) dispose d'environ 3300000 lits et a un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 7,2 milliards de dollars E.-U. Ses membres, en dehors des coopératives de consommation, sont des associations qui s'attachent à promouvoir les valeurs familiales, des organisations de jeunesse, les départements du tourisme de coopératives de consommation ainsi que des organisations de consommateurs et/ou de prestataires de services qui opèrent à la manière des coopératives mais sans être enregistrées sous cette forme.

En Belgique, la Caisse nationale des vacances annuelles finance le tourisme social. Ses objectifs sont d'aider les familles, les jeunes, les handicapés et les personnes âgées, de promouvoir le développement des zones éloignées et économiquement défavorisées, de procurer aux agriculteurs des revenus supplémentaires et de créer des emplois dans le domaine de la protection de l'environnement et de la préservation des sites touristiques et de l'artisanat local. Les usagers sont en général attirés par les prix tandis que les entrepreneurs locaux, les organismes officiels et l'industrie du bâtiment voient dans le tourisme social un moyen de créer des emplois, de générer des revenus imposables, d'attirer la demande et les investissements dans leur région et de faire de la publicité sur une large échelle.

Rôle des coopératives dans les recherches sur la santé et dans la diffusion
d'informations sur la santé et la nutrition

Les organisations coopératives de recherche et de développement ainsi que les universités qui leur sont associées s'attachent à promouvoir l'élaboration et la mise en œuvre de politiques efficaces. Tel est le cas, par exemple, du Gabinete de Estudio y Promoción del Cooperativismo Sanitario en Argentine, de la Fondation Espriu en Espagne et du Centre d'études du Consorzio Nazionale della Cooperazione di Solidarietà Sociale «Gino Matarelli» en Italie. Au niveau régional, des recherches sont entreprises, par exemple, par le CECOP en Europe et par l'Office régional de l'ACI au Costa Rica. Au niveau mondial, il existe au sein de l'ACI un Comité de la recherche coopérative.

Des coopératives spécialisées et des centres d'information gérés par d'autres coopératives jouent un rôle important dans la diffusion d'informations sur la santé et sur la nutrition, et s'attachent à promouvoir un mode de vie sain. Dans un certain nombre de pays, il existe des coopératives qui dispensent un enseignement supérieur et postuniversitaire et mettent en œuvre des programmes de formation continue. C'est le cas, par exemple, au Portugal, de la Coopérative d'enseignement supérieur et universitaire (CESPU) qui dispense des cours dans les deux plus grandes villes. Beaucoup de coopératives de santé ont leurs propres activités de formation.

Effets sur l'emploi des activités sociales des coopératives

Il est impossible d'évaluer avec précision le nombre d'emplois supplémentaires créés par les coopératives de services sociaux, ne serait-ce que parce qu'il faudrait connaître non seulement le nombre d'emplois créés par ces coopératives, mais aussi le nombre d'emplois qui ont disparu ailleurs (par exemple dans le secteur public ou dans les organisations sans but lucratif). Toutefois, à en juger d'après l'augmentation du nombre de coopératives assurant essentiellement des services sociaux (rien qu'en Finlande, plus de 700 coopératives ont été créées durant la période 1993-1998, dont 330 coopératives de travailleurs), les effets nets sur l'emploi devraient être positifs. Une étude réalisée en 1996 par l'Institut suédois d'économie sociale donne à penser que ces effets pourraient même être très importants. Dans les vingt cas qui ont été examinés à cette occasion, l'expansion est spectaculaire; même compte tenu des pertes qui ont pu se produire ailleurs, les résultats sont très positifs qu'il s'agisse des services sociaux ou d'autres domaines dont ne s'occupe aucune institution publique ou privée.

En général, la qualité des services sociaux dépend en grande partie des conditions d'emploi et de travail du personnel. Cela est également vrai dans le cas des coopératives. Dans la plupart des pays, les coopératives d'usagers sont tenues de respecter les normes établies par la législation et les barèmes fixés par les pouvoirs publics quand elles emploient du personnel de santé ou d'aide sociale. D'un côté, ces coopératives peuvent offrir au personnel plus de possibilités d'influer sur les décisions qui ont des répercussions sur ses conditions de travail; d'un autre côté, elles peuvent être à l'origine d'une plus grande insécurité à cause d'une situation financière difficile, ou n'employer que du personnel peu qualifié. Les conditions de travail et d'emploi dans les coopératives de prestataires peuvent beaucoup varier en fonction de leur situation juridique et financière. Un minimum de règles devraient toujours s'appliquer pour protéger les travailleurs et leurs conditions de travail mais ces règles peuvent être tournées lorsque les capitaux manquent. Les membres actifs d'une coopérative de travailleurs peuvent être traités comme des salariés sur le plan fiscal, mais pas sur le plan de la protection ou de l'assurance obligatoire, et des prestataires travaillant dans des coopératives du deuxième niveau peuvent continuer ou non à être considérés comme des travailleurs indépendants.

Comme dans tout le secteur des services, une question est particulièrement importante pour les coopératives: leurs membres actifs ne risquent-ils pas de juger plus lucratif d'aller travailler ailleurs? Cela pose peut-être relativement peu de problèmes dans le cas du personnel médical et des assistants sociaux mais des difficultés apparaissent souvent quand l'organisation ne peut pas se permettre de verser aux dirigeants des salaires ou des primes d'un niveau compétitif.

2.3.3 L'avenir des services sociaux coopératifs

Ces dernières décennies, diverses alliances stratégiques et tactiques ont vu le jour entre coopératives d'assurances, coopératives de santé, coopératives pharmaceutiques et autres coopératives cherchant à garantir des avantages sociaux et prestations de santé à leurs membres et à leur personnel (par exemple, en Colombie et en Malaisie, entre les assureurs, les coopératives de prestataires de soins de santé et d'autres coopératives et, au Canada et aux Etats-Unis, où les organisations faîtières s'attachent à promouvoir les coopératives de santé et d'aide sociale). Dans d'autres pays, on a vu se créer des complexes intégrés qui englobent toutes sortes d'entités spécialisées – par exemple au Brésil, comme nous l'avons vu plus haut, en Italie, où Unipol a créé une filiale pour l'assurance maladie en étroite coopération avec les mouvements coopératif, syndical et mutualiste, et, en Suède, où les coopératives d'habitation et d'assurances se sont attachées à promouvoir les coopératives de santé et d'aide sociale. Dans quelques pays (notamment en Belgique, aux Etats-Unis, en Italie, au Japon et au Portugal), des organisations faîtières spéciales ont été créées pour certaines de ces catégories de coopératives.

Au niveau international, les efforts visant à renforcer la dimension sociale des coopératives se sont intensifiés. Le Comité européen des coopératives de production et de travail associées (CECOP) a un département des coopératives sociales qui s'attache à promouvoir les entreprises de prestataires. Il existe au sein de la Fédération internationale des coopératives et mutuelles d'assurances un groupe qui étudie les possibilités d'une nouvelle expansion dans le secteur de l'assurance maladie. Des progrès ont été réalisés en vue de la mise en place d'un nouvel organisme spécialisé de l'ACI: l'Organisation internationale des coopératives de santé. Les membres sont des organisations coopératives affiliées directement ou indirectement à l'ACI qui ont exclusivement ou en partie pour objectif de fournir des services de santé à leurs membres ou d'assurer un emploi aux professionnels de la santé. Les établissements d'enseignement et de recherche qui appuient les coopératives de santé ou les services apparentés peuvent également devenir membres. L'Office régional de l'ACI pour l'Asie et le Pacifique a beaucoup contribué à la promotion des coopératives scolaires et universitaires dans la région dont il s'occupe. Toute cette évolution a été suivie avec intérêt par les organisations intergouvernementales, dont l'ONU, le BIT, l'OMS, le PNUD, l'UNESCO, la Banque mondiale et l'Union européenne.

L'essor des services sociaux assurés par les coopératives doit aussi beaucoup à l'intérêt manifesté par les gouvernements. Dans la plupart des pays, l'expansion future de l'activité sociale coopérative doit reposer sur des relations, et de préférence sur un partenariat officiel, entre les coopératives et le secteur public. Des mesures ont été prises à l'échelon national dans un certain nombre de pays, notamment le Canada, le Costa Rica, l'Inde, l'Italie, le Royaume-Uni, Sri Lanka et la Suède. Au Costa Rica, par exemple, le Bureau de la sécurité sociale a commencé en 1988 à passer des contrats avec les coopératives de prestataires de soins de santé afin qu'elles assurent et étendent les services de santé publique. En Malaisie, l'Etat a récemment confié une partie du secteur de la santé publique à un réseau national de coopératives de médecins qui sont financées par des banques coopératives, qui offrent des services aux membres du mouvement coopératif, l'assurance maladie étant du ressort de la Société d'assurances coopérative de Malaisie. Au Royaume-Uni, le ministère de la Santé a confié la réalisation d'une étude au Centre de recherche sociale de l'Université de Loughborough.

Les politiques et les approches législatives qui permettent la création d'organisations à parties prenantes multiples (par exemple ECOM au Royaume-Uni, coopératives de sécurité sociale en Italie, Union d'économie sociale en France) sont également prometteuses. Dans une certaine mesure, elles reflètent le grand intérêt des autorités régionales et locales pour la fourniture de services sociaux par les coopératives. La principale différence entre ces coopératives (qui visent souvent une zone géographique) et les groupes coopératifs homogènes (notamment les coopératives de production ou de travailleurs), les entreprises à but lucratif et les ONG à vocation sociale est qu'il faut parvenir à des compromis internes sur beaucoup de points avant que les activités puissent démarrer. Cela coûte cher et peut faire perdre du temps. D'un autre côté, cela a aussi beaucoup d'avantages: les bénévoles jouent généralement un rôle important; plusieurs membres sont à la fois consommateurs et producteurs; des travailleurs font d'ordinaire partie de la direction (à la différence de ce qui se passe dans beaucoup d'ONG et dans la plupart des organisations à but lucratif). Cela renforce l'efficience grâce à un contrôle plus strict des coûts et à une réduction des comportements opportunistes – d'où une baisse des coûts de transaction. En outre, la participation des consommateurs aux décisions concernant la façon d'offrir les services élimine certains des problèmes qui caractérisent le marché des services sociaux: le niveau auquel l'asymétrie de l'information régit les prestations et détermine les coûts baissera nettement; à partir du moment où les consommateurs sont partiellement responsables à la fois des prestations et des coûts, ils sont en mesure, et plus ou moins obligés, de faire connaître directement leurs préférences; ils sont par ailleurs beaucoup moins enclins à abuser des services qui sont proposés.

Une fois développés et adaptés, ces modèles devraient pouvoir être reproduits, d'autant qu'ils correspondent bien aux besoins des pays en développement et des pays en transition.

Dans une étude du milieu des années quatre-vingt-dix, le Département des Nations Unies pour la coordination des politiques et le développement durable (travaillant en étroite collaboration avec l'ACI) définit les principaux facteurs qui déterminent le développement des entreprises coopératives dans le secteur social:

2.4 Rôle des coopératives dans la vie publique et dans la société civile

2.4.1 Introduction

L'expression «société civile» renvoie au tissu social qui existe entre les réseaux familiaux, l'Etat et les entreprises, c'est-à-dire aux groupements officiels ou informels, aux associations, aux fédérations, aux groupes militants et groupes d'intérêts et aux initiatives citoyennes. Il n'y a que dans les régimes autoritaires à parti unique qu'elle est considérée comme une menace pour le gouvernement et comme une force d'opposition.

Le droit des citoyens de se grouper pour défendre leurs intérêts face à l'Etat, pour compléter les services que celui-ci offre et pour exprimer leurs points de vue et aspirations est d'ordinaire garanti par la Constitution. Des droits tels que la liberté d'association et d'organisation ou la liberté d'expression sont généralement considérés comme des droits fondamentaux de l'homme et protégés en tant que tels.

Le rapport entre le nombre de groupes existant dans la société civile et la population, ou la superficie, d'un pays est considéré par certains comme un indicateur du niveau de développement en général et du niveau de développement de la société civile en particulier.

2.4.2 Pays industrialisés

Dans les pays démocratiques, la participation des citoyens à l'élaboration des politiques et des lois ne se limite pas à leur participation aux élections ou aux activités d'un parti politique. En créant ou en rejoignant des groupes militants ou des groupes d'intérêts et – selon le niveau d'intervention – des initiatives citoyennes (pour les questions qui intéressent la collectivité), ou des fédérations nationales ou régionales (par exemple, pour la protection de l'environnement, la fourniture de services tels que les soins de santé, l'éducation, la création d'emplois, les problèmes fiscaux), les citoyens se donnent de nouveaux moyens d'exprimer leur opinion et de résoudre leurs problèmes – si l'Etat ne le fait pas.

Les coopératives, qui sont à la fois des associations de personnes et des entreprises, cherchent avant tout à promouvoir les intérêts de leurs membres au moyen d'activités économiques communes. Elles se distinguent des entreprises commerciales parce qu'elles ont pour vocation de servir et qu'elles défendent certaines valeurs qui sont analogues à celles que défendent les organisations de la société civile. En conséquence, les coopératives peuvent être considérées comme plus proches de ces organisations que des entreprises commerciales classiques.

Elles visent avant tout à répondre aux besoins des usagers et non à faire des profits ou à satisfaire des actionnaires. D'ordinaire, les coopératives collaborent entre elles dans le cadre de systèmes intégrés verticalement, ce qui donne naissance à un mouvement coopératif. Elles représentent un fort pourcentage de la population (en Allemagne, par exemple, elles comptent 20 millions de membres, soit un Allemand sur quatre) mais une part relativement faible du PIB (moins de 3 pour cent en Allemagne). Dans beaucoup de pays, les coopératives forment un réseau national très dense (organisations locales ou régionales, succursales, sociétés du premier niveau, fédérations, unions, organisations faîtières).

En général, les coopératives ne cherchent pas à occuper le devant de la scène sur le plan social et politique et se concentrent à leur manière sur leurs activités économiques.

Depuis les années quatre-vingt, des efforts sont faits dans certains pays (par exemple, Belgique, Espagne, France, Italie) avec l'appui de l'UE, en vue d'accroître le poids politique des coopératives qui sont incitées à conjuguer leurs forces avec celles des associations dans les secteurs de la santé et des services sociaux ainsi qu'avec celles des organisations d'assurances mutuelles afin de créer un «troisième secteur» (l'économie sociale) ayant pour vocation de répondre aux besoins des usagers en leur offrant des services pratiquement à prix coûtant et dont la solidarité ne se limiterait pas aux membres.

Cette tendance inquiète ceux qui considèrent que la raison d'être des coopératives est de répondre aux besoins de leurs membres exclusivement et que c'est d'ailleurs ce qui fait leur principale force.

Les coopératives visent à promouvoir les intérêts de leurs membres mais leurs activités ont aussi des retombées positives pour la population dans son ensemble. Par exemple, les coopératives de consommation fixent des normes pour la protection des consommateurs (Migros et Coop en Suisse) et pour la défense de l'environnement (par exemple, au Japon, les coopératives de consommateurs s'attachent à promouvoir le recyclage des déchets ainsi que l'utilisation de véhicules électriques pour les livraisons en ville, certaines coopératives agricoles se spécialisent dans l'agriculture biologique). Les coopératives d'habitation fixent des normes générales pour le logement social; les coopératives de travailleurs créent des emplois; les banques coopératives permettent aux personnes aux moyens limités d'accéder à des services bancaires locaux.

En défendant les intérêts de leurs membres, les coopératives défendent aussi les intérêts de certaines catégories sociales (petits agriculteurs, consommateurs, titulaires de comptes d'épargne, etc.). Elles apportent la preuve que l'activité économique ne doit pas nécessairement viser à maximiser les profits et à satisfaire les actionnaires et qu'elle peut aussi avoir pour objectif essentiel de répondre aux besoins, d'améliorer la qualité et de réduire le prix des biens et services.

Dans les coopératives du type des mutuelles, les excédents servent à constituer des réserves indivisibles pour les générations futures ou à financer des activités d'intérêt général, au profit de la collectivité, selon ce que les membres décident.

Généralement, les coopératives se tiennent à l'écart de la politique partisane. Toutefois, il y a des pays dans lesquels il existe un parti coopératif (par exemple au Royaume-Uni) ou dans lesquels les coopératives se subdivisent en différents mouvements proches de tels ou tels partis politiques (par exemple, Belgique et Italie). Les coopératives agricoles appuient généralement les partis conservateurs tandis que les coopératives de consommation, d'habitation et de travailleurs sont plus proches des partis sociaux-démocrates. Les dirigeants des coopératives sont par ailleurs souvent membres de groupes de pression, et des groupements de la société civile sont appuyés par les coopératives.

La principale contribution des coopératives à la société civile est qu'elles sont des écoles de démocratie. Elles permettent à leurs membres et aux représentants élus, de la base jusqu'au sommet, de participer à la définition des objectifs et aux décisions et de les contrôler démocratiquement. Ouvertes à tous, elles permettent à chacun, jeune ou vieux, homme ou femme, d'appliquer ou de voir comment sont appliquées les valeurs qui sont le fondement des coopératives: honnêteté, transparence, équité, égalité, responsabilité sociale, solidarité, autodiscipline, volonté d'aider les autres et la collectivité dans son ensemble. C'est en tant que membres de coopératives que beaucoup de dirigeants politiques ont appris les règles des décisions et du contrôle démocratiques.

Le désengagement de l'Etat dans le secteur des services sociaux et des services de santé a fait naître des activités d'auto-assistance et a poussé les coopératives à adopter des stratégies visant à mettre en place des systèmes offrant des prestations d'un prix abordable, contrôlés par les usagers, gérés démocratiquement et enracinés localement.

Les coopératives se soucient beaucoup de la protection de l'environnement. Par exemple, les membres des coopératives de consommation japonaises testent la qualité de l'eau et, par l'intermédiaire des coopératives, soumettent les résultats aux collectivités locales. En Suisse, les coopératives de consommation s'attachent activement à promouvoir les produits qui sont sans danger pour l'environnement. La British Cooperative Bank et, en Allemagne, l'Öko-Bank refusent de financer des projets qui sont nuisibles à l'environnement. Les coopératives à parties prenantes multiples (par exemple, les coopératives communautaires au Royaume-Uni ou les coopératives de solidarité sociale en Italie) renforcent la société civile en mettant en pratique des projets préparés et appuyés par des associations, des groupes d'entraide et des ONG et en s'associant aux efforts que font les associations bénévoles et les collectivités pour résoudre des problèmes locaux pressants.

2.4.3 Pays en développement

A l'époque coloniale, les coopératives étaient la seule forme légale d'association privée que les producteurs, les commerçants et les consommateurs pouvaient utiliser pour défendre leurs intérêts économiques au moyen d'une action collective organisée. La création des coopératives était contrôlée par l'Etat qui pouvait refuser d'enregistrer telle ou telle coopérative.

Dans les pays où s'appliquait le droit britannique, les autres groupements de plus de 20 membres étaient jugés illégaux et quiconque y adhérait, accueillait leurs réunions ou les dirigeait s'exposait à de lourdes peines.

Jusqu'en 1966, la neutralité politique a été l'un des principes de la coopération. Elle a ensuite été éliminée de la liste des principes car la commission chargée de réviser ceux-ci a estimé que se prétendre politiquement neutre revenait à prendre parti (notamment dans les pays communistes). En 1995, ce principe a été rétabli à l'occasion du congrès qui a marqué le centième anniversaire de l'ACI, sous la rubrique «Autonomie et indépendance».

Dans les pays en développement, beaucoup des dirigeants nationaux des années qui ont suivi l'indépendance avaient appris à gérer des organisations démocratiques à l'époque où ils travaillaient dans des coopératives.

Après l'indépendance, les restrictions applicables à la création de groupes ont été assouplies et une multiplicité de groupes précoopératifs et d'autres formes d'organisations d'entraide ont vu le jour, sous l'impulsion des organismes, programmes et projets de développement ainsi que des organisations confessionnelles, politiques et sociales.

Aujourd'hui, l'Etat réduit progressivement son rôle sur le plan économique et social, et l'influence des grandes entreprises, des multinationales et des autres acteurs de la scène mondiale s'accroît dans les pays en développement. Celle des groupes d'intérêts et groupes militants ainsi que des fédérations régionales ou nationales s'accroît elle aussi, même si l'Etat continue souvent à considérer d'un œil soupçonneux tous les groupements qui échappent à son contrôle.

Leur origine coloniale et leur rôle d'instrument de l'Etat jusque dans les années quatre-vingt ont terni l'image des coopératives aux yeux de la population, cependant que les gouvernements continuent à regarder avec une certaine suspicion l'apparition de coopératives autonomes. Ces coopératives, notamment lorsqu'elles essaient de se lancer dans des activités lucratives telles que l'achat et la commercialisation des produits de l'agriculture commerciale – qui, dans beaucoup de pays en développement, est la principale source de devises de l'Etat – rencontrent des résistances et voient leur rôle limité par la législation, les réglementations et différentes autres mesures.

Dans beaucoup de pays, les coopératives du premier niveau sont trop faibles pour créer et financer des fédérations, unions et organisations faîtières. Dans ce cas, le pouvoir appartient à celui qui tient les cordons de la bourse. Les organisations faîtières, qui dépendent de l'Etat ou d'autres sources extérieures pour leur survie, restent en général des partenaires politiques négligeables. Ces organisations non gouvernementales semi-autonomes ne jouent qu'un rôle limité, même si leurs membres sont très nombreux (par exemple, Indonésie et Thaïlande).

Les organisations faîtières autonomes et puissantes (par exemple, ANGKASA en Malaisie et SNCF à Singapour) sont généralement associées à l'élaboration des politiques et législations qui ont une incidence sur les activités de leurs affiliés, qu'elles soient consultées directement, qu'elles participent à des comités ou encore qu'elles soient entendues par le parlement. Lorsque les organisations coopératives représentent un pourcentage important des producteurs d'un produit donné (par exemple, l'URECOCI, en Côte d'Ivoire, qui regroupe 80 pour cent des producteurs de coton), des membres d'une profession ou des habitants d'une région, leur poids économique et social ne peut plus être ignoré par l'Etat.

Pour renforcer leur rôle dans la société civile, les coopératives des pays en développement doivent faire oublier la mauvaise image qu'elles ont héritée du passé, de l'époque où elles étaient utilisées par le pouvoir colonial ou par l'Etat comme un outil de développement ou comme un instrument d'extraction des excédents, et faire valoir qu'elles sont des organisations d'entraide ayant avant tout pour vocation de rendre des services à leurs membres. Elles doivent aussi remédier à leur réputation d'inefficience et de corruption en investissant systématiquement dans l'éducation de leurs membres et dans la formation de leurs responsables et de leurs salariés afin d'accroître la transparence de leurs activités, la qualité de leur gestion et l'efficacité de leurs systèmes de contrôle.

Dans le monde en développement, des coopératives du premier niveau solides, contrôlées par leurs membres et financièrement viables pourraient beaucoup contribuer à combler le vide laissé par la dégradation des valeurs traditionnelles. Vu leur attachement à différents principes – honnêteté, équité, égalité, participation démocratique et responsabilité sociale – et leur capacité de concilier intérêts individuels et solidarité, autonomie et autodiscipline de groupe, tradition et progrès, les coopératives et leur système de valeurs pourraient grandement favoriser le développement de la société civile dans les pays en développement.

Dans beaucoup de pays, les organisations coopératives faîtières ont lutté pendant des années pour la déréglementation et pour une législation coopérative plus libérale, propre à assurer un environnement plus favorable aux organisations qui leur sont affiliées.

2.4.4 Pays en transition

Dans les économies en transition, le développement de la société civile, hors de tout contrôle de l'Etat, n'est devenu possible qu'après la chute du communisme. Auparavant, seuls avaient une existence légale les groupements approuvés et appuyés par le parti communiste. Les groupes indépendants ou d'opposition étaient illégaux. Toute personne qui adhérait à un groupement illégal, ou le dirigeait, s'exposait à de lourdes peines. Dans ce système, les coopératives communistes (entreprises collectives, coopératives de consommation et d'habitation) étaient directement associées au parti et à l'Etat, qui les contrôlaient. Leur degré d'autonomie pour la gestion de leurs affaires internes variait d'un pays à l'autre (il était plus grand en Hongrie et en Pologne, par exemple, qu'en République démocratique allemande ou en URSS). Les groupements formés par les dissidents et les syndicats qui sont allés au-delà de leurs attributions officielles ont contribué à la chute du communisme.

La liberté d'association, d'organisation et d'expression, qui est à la base de la société civile, a été inscrite dans la Constitution des pays en transition, ce qui a ouvert la voie à toutes les formes d'organisations non gouvernementales. Dans certains pays (par exemple la Pologne), la dépolitisation des coopératives a été menée avec détermination et toutes les fédérations et unions coopératives ont été dissoutes; dans d'autres pays, par exemple en République tchèque, on s'est surtout préoccupé de redistribuer les biens collectifs des coopératives à leurs anciens propriétaires ou de transformer les entreprises collectives en entreprises privées ou en coopératives ouvrières de production (par exemple en Fédération de Russie). Cela a permis à beaucoup de dirigeants de l'ère communiste de conserver la présidence ou la direction de ces organisations.

Dans les pays où les entreprises collectives ont été transformées en coopératives régies par les règles du marché et contrôlées démocratiquement par leurs membres ainsi que dans ceux où de nouvelles coopératives démocratiques ont été créées, l'intention était de renforcer la société civile. Toutefois, beaucoup des coopératives qui ont vu le jour dans la Fédération de Russie en vertu de la législation coopérative de 1988, qui permettait à trois personnes ou plus de créer une coopérative pour exercer des activités économiques privées, autrement interdites, étaient des entreprises à but exclusivement lucratif. Les énormes sommes d'argent gagnées par les membres de ces coopératives ont par la suite été investies dans l'acquisition d'actions d'entreprises privatisées. Beaucoup de ces coopératives ont donc servi à l'enrichissement personnel des intéressés plutôt qu'au développement de la société civile.

Dans les pays en transition, les organisations coopératives faîtières ont contribué à renforcer la société civile en favorisant, par exemple en Hongrie et dans la Fédération de Russie, l'adoption d'une nouvelle législation coopérative, élargissant le champ de l'initiative privée et jetant ainsi les bases nécessaires au développement d'organisations non gouvernementales représentant les intérêts des citoyens vis-à-vis de l'Etat.

Chapitre II

Conditions du succès

1. Talents d'entrepreneur et compétences en gestion

L'esprit d'entreprise et une bonne gestion constituent le préalable essentiel au succès des coopératives. De nombreux facteurs défavorables, dans l'environnement des coopératives, entravent le développement mais le problème le plus notable qui les empêche de s'adapter avec succès à des marchés nouvellement déréglementés est leur incapacité de prendre en compte et de développer l'esprit d'entreprise et une gestion professionnelle de leur affaire.

L'esprit d'entreprise aide la coopérative à s'intégrer dans son environnement, à tirer parti des possibilités et à prendre des risques mesurés en matière de création, d'innovation ou de modernisation.

Les compétences en gestion permettent de combiner de manière rationnelle des ressources modiques en vue de produire pour le marché libre des biens et services concurrentiels.

Depuis leur conception initiale en tant qu'entreprises privées autogérées et contrôlées de façon démocratique par leurs membres, les coopératives ont connu diverses variantes partout dans le monde. Dans les pays industriels, elles sont en concurrence avec des firmes commerciales et doivent par conséquent renforcer leur dimension commerciale, ce qui a une incidence sur le contrôle qui peut être exercé. Dans les pays en développement et les pays en transition, les coopératives ont en général été gérées par les pouvoirs publics ou par des ONG; l'Etat ayant commencé ces dernières années à se désengager de ce secteur, les coopératives ont de plus en plus de mal à assurer leur survie, et c'est un défi qu'elles ne seront pas en mesure de relever avec succès à moins d'acquérir l'esprit d'entreprise et les techniques d'une bonne gestion.

2. L'Etat et les coopératives

2.1 Généralités

Les mutations politiques, économiques et sociales intervenues à l'échelle mondiale ont poussé les gouvernements à repenser leurs politiques à l'égard des coopératives. Par suite des innovations technologiques, des mesures de libéralisation et de la concurrence mondiale, beaucoup de coopératives sont confrontées à des problèmes et ont du mal à saisir les possibilités qui s'offrent à elles.

Depuis le début des années quatre-vingt, la conception autrefois prédominante du rôle de l'Etat – celui-ci était censé, souvent pour des raisons idéologiques et structurelles, satisfaire tout un ensemble de besoins sociaux et économiques – a été abandonnée. Les contraintes budgétaires, le poids de la dette extérieure et la fin des oppositions idéologiques dans le monde sont autant d'éléments qui ont incité les gouvernements à revoir leurs politiques à l'égard du secteur privé, et à redimensionner la place de l'Etat dans la sphère économique et, dans une moindre mesure, sociale. Cette nouvelle approche exige des citoyens une plus grande autonomie et une plus grande initiative personnelle.

Dans certains pays où nombre d'obstacles structurels entravaient cette évolution, la communauté internationale puis les gouvernements ont entrepris, dans le cadre des «programmes d'ajustement structurel», de promouvoir la déréglementation, la privatisation et la libéralisation de l'économie et du secteur social afin de faire plus de place à l'initiative privée. La Banque mondiale appuie des programmes de privatisation et de déréglementation, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et les organisations économiques régionales s'attachent à promouvoir la libéralisation des échanges, et le Fonds monétaire international (FMI) supervise les programmes de stabilisation monétaire et budgétaire qui accompagnent cette libéralisation. L'OIT, pour sa part, cherche à faire en sorte que l'ajustement structurel respecte les normes établies en matière d'emploi et sur le plan social.

En dehors des problèmes de finances publiques, l'intervention de l'Etat dans les affaires économiques et sociales est désormais considérée comme inefficace et préjudiciable à une approche du développement axée sur les «droits de l'homme» qui réclame une base économique solide et indépendante. Cette nouvelle approche exige que les institutions privées comblent le vide créé par le désengagement de l'Etat. Aujourd'hui, il apparaît de plus en plus clairement à beaucoup de responsables que l'on ne saurait tabler uniquement sur le modèle de l'entreprise capitaliste classique pour répondre à toute la diversité des besoins sociaux et économiques. Par le passé, d'autres modèles, en particulier différents types d'organisations d'auto-assistance dont les coopératives, ont, dans nombre de pays, cessé d'être jugés efficaces en raison de résultats décevants, en fait souvent imputables aux politiques inadaptées suivies par les pouvoirs publics qui détournaient les coopératives de leur vocation véritable, à savoir servir leurs membres. En outre, dans certains pays, les dirigeants des coopératives n'avaient pas les qualifications voulues. C'était notamment le cas lorsqu'il s'agissait d'administrateurs (souvent désignés ou agréés par les pouvoirs publics) et non de gestionnaires capables d'opérer dans une économie de marché.

2.2 Politique des pouvoirs publics à l'égard des coopératives

2.2.1 Attentes des coopératives

S'il est admis que l'Etat existe pour servir les citoyens en leur offrant un cadre dans lequel ils peuvent vivre comme ils l'entendent, tout en veillant à ce que les droits de la collectivité soient protégés, il est raisonnable de s'attendre à ce que des organisations librement établies jouissent de libertés analogues propres à faciliter leur développement. Les coopératives, en tant que prolongement de la volonté des individus, devraient donc être soutenues sans pour autant s'attendre à bénéficier de privilèges particuliers. L'Etat devrait traiter les coopératives comme il traite tous les citoyens et les organisations qu'ils créent. Autrement dit, les coopératives devraient pouvoir compter sur un traitement analogue à celui qui est offert à d'autres formes d'entreprises, et l'intervention de l'Etat dans leurs affaires, au niveau national ou local, devrait être minimale.

Les gouvernements, aux niveaux local, régional, national et supranational, devraient établir un cadre juridique qui n'autorise une intervention dans les affaires des coopératives que pour protéger les intérêts de leurs membres. Ce cadre devrait également protéger les intérêts de ceux qui traitent en tant que tiers avec les coopératives. Tous les citoyens, qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales, peuvent raisonnablement attendre des pouvoirs publics qu'ils leur offrent certains services, tels que la défense, l'éducation et certains services sociaux, services financés par l'impôt. Les coopératives et leurs membres devraient s'attendre à être imposés, mais à un taux juste et équitable, compte tenu de leur spécificité.

Les coopératives sont aussi en droit de s'attendre à être traitées sur un pied d'égalité quand l'action de l'Etat influe sur la vie des citoyens. Par exemple, le modèle coopératif devrait avoir sa juste place dans les programmes scolaires et universitaires. De même, toute disposition susceptible de bénéficier à d'autres catégories d'entreprises devrait être étendue aux coopératives. On citera par exemple les dispositions concernant la formation, les réductions d'impôt ou les incitations fiscales visant à stimuler l'investissement ou encore les primes à l'investissement. Le principe de l'égalité de traitement des coopératives vis-à-vis des autres formes d'entreprises doit être clairement établi.

L'intérêt public

L'Etat est censé prendre certaines mesures dans l'intérêt commun des citoyens. Or, cela se traduit souvent par un certain degré d'ingérence dans la vie des personnes et de leurs institutions, et il convient de trouver un juste milieu entre les avantages d'une telle ingérence et la perte de liberté qui en résulte. Pour promouvoir le bien collectif des citoyens, l'Etat peut décider d'encourager le développement des coopératives en tant qu'institutions capables de procurer des avantages à leurs membres mais aussi à la population dans son ensemble. En règle générale, les coopératives ont été considérées comme des organisations qui, en corrigeant les déséquilibres résultant du libre jeu des forces du marché, permettent de réduire les écarts de revenu et de richesse qui sont à l'origine de la pauvreté. Les coopératives étant également perçues comme des organisations qui favorisent l'initiative personnelle, leur développement est souvent considéré comme un moyen de résoudre les problèmes autrement que par l'intervention de l'Etat.

Les coopératives ont aussi été considérées comme un moyen d'améliorer la situation économique nationale en raison de leur capacité de regrouper les producteurs de produits de base (particulièrement dans l'agriculture) et ainsi de promouvoir l'exportation, ce qui a un effet favorable sur la balance des paiements et sur la richesse de la nation. Les coopératives sont également jugées capables de réduire le chômage car elles créent d'ordinaire des emplois au niveau local. Elles sont aussi une solution pour ne pas dépendre exclusivement de services de soins et de santé fournis par l'Etat. En outre, elle sont souvent encouragées à fournir des biens et services de consommation dans les zones rurales, du fait que les entreprises classiques préfèrent d'ordinaire investir dans des secteurs plus fructueux. Il existe donc un large éventail de circonstances dans lesquelles le gouvernement peut juger qu'il est de l'intérêt général de faciliter le développement des coopératives.

Dans de nombreuses régions du monde, les gouvernements, soucieux de promouvoir les coopératives, ont en fait mis sur pied des régimes qui ont eu pour seul effet d'inhiber le potentiel de croissance et d'expansion des coopératives.

Si l'on veut promouvoir les coopératives, il faut encourager l'Etat à leur ménager un environnement favorable fondé sur un traitement égal et équitable. En général, toute incitation des pouvoirs publics visant à favoriser le développement de telles ou telles formes de coopératives devra être de nature temporaire ou transitoire et respecter les spécificités de la coopérative, institution autonome sous le contrôle de citoyens libres. En particulier, il convient de reconnaître que, par essence, les coopératives sont des entreprises autogérées et autonomes, de sorte qu'une intervention directe dans leurs affaires dans le but d'en assurer le développement est au bout du compte vouée à l'échec.

Assurer un environnement favorable

Les coopérateurs du Danemark soulignent volontiers qu'ils ne bénéficient pas d'une législation distincte et que leurs besoins sont dûment couverts par la législation générale. A l'autre extrémité de l'éventail législatif, on trouve des pays qui ont établi une législation volumineuse abordant tous les aspects de l'administration et des activités des coopératives. La plupart des pays se situent quelque part entre ces deux extrêmes.

Pour que les coopératives puissent jouer un rôle dynamique au siècle prochain, il faut une législation adaptée aux besoins des coopératives modernes. Il peut être dangereux d'adopter et d'appliquer des lois trop détaillées, car cela risque de se traduire par une forte ingérence de l'Etat dans les affaires des coopératives. Il faut partir du principe qu'autant de décisions que possible doivent être laissées à l'appréciation des membres de chaque coopérative. Il faut néanmoins veiller à ce que les membres, actuels et futurs, soient convenablement protégés contre toute exploitation. Le terme même de «coopérative» doit être protégé, de sorte que nul ne soit induit à penser qu'une organisation est une coopérative quand en réalité elle ne l'est pas. Les tiers ayant affaire aux coopératives ont aussi droit à une certaine protection.

La législation coopérative doit avant tout définir un cadre propre à permettre aux coopératives de s'acquitter de leurs fonctions au service de leurs membres, tout en respectant leur autonomie.

Appui au développement coopératif

L'Etat doit s'abstenir d'intervenir directement dans les affaires des coopératives, mais il peut, en appuyant des projets, favoriser leur développement.

2.2.2 Politique de la concurrence

Il est aujourd'hui communément admis que l'un des devoirs de l'Etat moderne (ainsi que d'entités supranationales telles que l'UE, l'ALENA ou l'OMC) est de maintenir une concurrence libre et ouverte. Encourager la concurrence entre entreprises a pour but de protéger les intérêts du consommateur. Il convient pour cela d'empêcher une entreprise de s'entendre avec d'autres pour faire monter les prix et accroître les profits. Les autorités s'efforcent d'empêcher la formation de cartels et la conclusion d'ententes sur les prix et d'imposer des limites aux entreprises qui occupent une position dominante sur un marché donné. Cependant, dans la plupart des cas, il est impossible de prouver que l'action des autorités s'est effectivement soldée par une baisse des prix pour le consommateur.

Les coopératives sont souvent la cible de la législation sur la concurrence car le fait même de coopérer suppose la collaboration de personnes qui s'entendent pour agir de concert, leur objectif étant d'ordinaire d'unir leurs forces sur le marché pour pouvoir soutenir la concurrence d'autres entreprises. Les producteurs de produits de base (cultivateurs, pêcheurs, artisans, etc.) coopèrent pour obtenir un bon prix des gros acheteurs de leurs produits; les consommateurs coopèrent pour obtenir de meilleures conditions de la part des fabricants et des fournisseurs; les coopératives d'épargne et de crédit sont souvent constituées pour contrebalancer le pouvoir des grandes institutions financières. Les gouvernements doivent admettre qu'il existe une différence fondamentale entre la coopération, c'est-à-dire la collaboration entre des personnes qui sont des acteurs relativement peu importants sur le marché, et les pratiques anticoncurrentielles des grandes entreprises. Par exemple, la spécificité des coopératives agricoles est reconnue par le Traité de Rome, qui a créé la Communauté européenne (aujourd'hui l'Union européenne).

La coopération entre producteurs de produits de base est sans commune mesure avec la collusion entre grandes entreprises. Toutefois, il n'est pas rare que des conflits opposent les coopératives et les autorités, souvent du fait que la législation n'établit pas une distinction appropriée entre coopératives et cartels. Bon nombre de ceux qui administrent la législation applicable ne saisissent tout simplement pas la nature du modèle coopératif.

Cependant, il peut aussi arriver que les dirigeants d'une coopérative cherchent à tirer profit d'une position dominante sur le marché. En conséquence, les coopératives doivent s'attendre à être assujetties à la réglementation générale qui vise à favoriser la concurrence. En même temps, elles peuvent raisonnablement espérer que leurs activités normales seront distinguées d'une collaboration visant à exploiter une position dominante sur un marché. Les coopératives qui excluent des personnes qui pourraient faire partie de leurs membres mais par ailleurs traitent avec elles devraient être poursuivies par les autorités responsables de la concurrence. Cela est vrai en particulier si leurs transactions avec des non-membres représentent une part excessive de leurs opérations. La coopération ne devrait jamais pouvoir être assimilée à une exploitation. Les coopératives doivent veiller à ne jamais tirer avantage inéquitable de leur position sur le marché, faute de quoi elles se verront privées de leur droit de bénéficier du traitement réservé aux coopératives.

2.2.3 Fiscalité

Du point de vue fiscal, les principales différences entre les coopératives et les autres entreprises tiennent au fait que les activités des coopératives sont souvent qualifiées de «mutuelles» (simple prolongement des activités individuelles), et que les coopératives n'ont pas pour objectif essentiel de générer des bénéfices (les excédents servent avant tout à financer leur développement futur).

Les approches varient selon les pays mais le régime fiscal qui s'applique aux coopératives repose d'ordinaire sur deux principes, à savoir la«mutualité» et/ou l'idée selon laquelle les services d'une coopérative ont un coût et que l'impôt ne doit donc frapper que les bénéfices découlant des transactions avec les non-membres. Alors qu'une entreprise classique est d'ordinaire imposée sur les bénéfices qu'elle génère (bénéfices distribués et bénéfices non distribués), les bénéfices d'une coopérative ne seront imposés que lorsqu'ils parviennent entre les mains de chacun des membres ou s'ils sont mis en réserve en tant que richesse collective de la coopérative. Il arrive dans certains cas que les bénéfices ainsi conservés ne soient pas imposés, du fait qu'ils sont considérés comme une propriété conjointe ou mutuelle, et qu'ils ne sont imposables que s'ils sont distribués aux membres.

La fiscalité, et la majorité d'entre nous ne le sait que trop bien, ne se limite pas aux impôts directs sur le revenu et les bénéfices des sociétés. De nombreux autres impôts, tels que la taxe à la valeur ajoutée (TVA), les droits de consommation, les droits de succession et l'impôt sur la propriété, frappent également les coopératives. Le poids de la fiscalité pour les coopératives et leurs membres peut être considérable. Les parties intéressées cherchent souvent à le réduire en essayant d'obtenir de l'Etat des avantages fiscaux. Dans ces circonstances, il peut arriver que la préoccupation majeure d'une coopérative soit d'éviter d'être imposée trop lourdement et que cela prenne le pas sur sa véritable vocation. Il importe de faire pression sur les gouvernements pour que le régime fiscal n'ait pas ce genre de conséquence.

Dans certains pays, le système de recouvrement de l'impôt part du principe que chacun cherchera immanquablement à éviter de payer, de sorte que le système est conçu pour que l'impôt frappe toutes les composantes du revenu d'une entreprise. Ce type de fiscalité à plusieurs niveaux risque de beaucoup pénaliser les coopératives du fait que celles-ci sont contrôlées par leurs membres et que leurs transactions doivent être relativement transparentes. En général, le livre de comptes de la coopérative fera apparaître sa véritable situation, alors que, dans certains cas, le chef d'une entreprise classique n'est pas soumis à de telles pressions internes. De ce fait, les coopératives supportent souvent une charge fiscale inéquitable.

L'Etat a parfois recours à des incitations et avantages fiscaux pour encourager certaines activités censées servir l'intérêt général. Par exemple, il s'attachera à promouvoir l'investissement dans l'équipement (par exemple usines ou nouvelles technologies) pour inciter les personnes à prendre en charge leur propre protection sociale (retraites, soins de santé, assurances). Le système fiscal peut aussi encourager la formation de coopératives en accordant des avantages destinés à inciter les gens à s'unir pour traiter des problèmes particuliers. L'octroi d'incitations et d'avantages fiscaux peut également avoir pour but d'encourager des entreprises et des particuliers à investir dans des opérations particulières ou de favoriser certaines formes d'activité commerciale. Toutefois, même en pareil cas, on néglige souvent d'introduire des dispositions adaptées aux coopératives, et cela d'ordinaire parce que les fonctionnaires et les responsables politiques chargés de rédiger la législation et la réglementation ne mesurent pas totalement les besoins spécifiques du secteur coopératif. Les coopératives doivent constamment surveiller les mesures prises dans le domaine fiscal pour s'assurer qu'elles bénéficient d'un traitement égal et équitable qui tient compte de leur nature particulière.

2.2.4 Sous-traitance par l'Etat

Il y a quelques années encore, la fourniture directe par l'Etat de la plupart des services qu'il lui incombait d'offrir était tenue pour acquise. Aujourd'hui, il arrive fréquemment que les autorités locales, régionales ou nationales sous-traitent certaines fonctions à des organismes extérieurs. Les coopératives n'ont pas toujours été considérées comme des «prestataires de services» par ceux qui prennent la décision de sous-traiter ou de transférer la responsabilité d'exécuter des services publics. Ce processus de transfert ouvre des perspectives considérables aux entreprises gérées par des parties autres que les investisseurs, mais, une fois encore, les coopératives sont souvent exclues du seul fait que les responsables politiques connaissent mal le mode de fonctionnement des coopératives.

On pourrait envisager de nouvelles formes de relations contractuelles en vertu desquelles les coopératives offriraient des services antérieurement subventionnés par l'Etat. Cependant, si les coopératives fournissent ce genre de services, il importe que leurs relations avec l'Etat soient clairement établies. Si le service est fourni par une coopérative locale ou de travailleurs, la relation sera plus simple que dans le cas d'une coopérative de consommateurs, particulièrement si le contrat prévoit la fourniture de services à des non-membres. Il faut veiller très attentivement à ce que l'Etat ne se substitue pas aux membres de la coopérative en devenant son principal partenaire.

2.2.5 Education et formation

Dans la plupart des pays, les coopératives sont sans nul doute très défavorisées par l'Etat dans le domaine de l'éducation et de la formation. Les programmes d'enseignement propagent d'ordinaire l'idée qu'il existe une seule forme d'entreprise privée. En pareilles circonstances, il faut dénoncer le parti pris politique et rompre le cercle vicieux de l'ignorance. Dans les établissements d'enseignement, les enseignants et conférenciers ne font trop souvent que transmettre l'insuffisance de leurs connaissances concernant le modèle coopératif. Les systèmes d'enseignement et de formation devraient fournir davantage d'informations sur un modèle d'entreprise à même de jouer un rôle dynamique dans la vie des collectivités locales, dans la création de richesses nationales et dans la stabilité internationale.

Les coopératives ont tout intérêt à s'attaquer à ce problème en nouant des liens plus étroits avec les écoles et universités, afin que celles-ci commencent à s'intéresser au modèle coopératif et en acquièrent une meilleure compréhension. Pour avoir un impact au niveau national, les associations coopératives centrales et les groupes de pression doivent demander avec insistance un recyclage des enseignants et des instructeurs en vue d'élargir leurs connaissances en matière de coopératives et de faire en sorte que le modèle coopératif soit dûment traité dans les programmes d'enseignement. De toute évidence, ce traitement ne devrait en aucun cas être dogmatique: les coopératives devraient simplement être présentées comme un modèle important d'organisation commerciale que doivent nécessairement connaître tous ceux qui auront à relever les défis du siècle prochain.

Les responsables des établissements de formation professionnelle, technique et commerciale ont souvent des connaissances tout aussi lacunaires du modèle coopératif, et dans les professions libérales, les comptables, avocats, architectes et médecins ne savent d'ordinaire pratiquement rien des coopératives. Des dispositions doivent être prises pour intégrer la connaissance des coopératives dans les systèmes de formation professionnelle, de sorte que la coopérative «réinventée» soit mieux comprise de tous les segments de la société.

2.2.6 Coopératives et profits

Les responsables sont souvent déroutés par le statut des coopératives, les qualifiant parfois d'organisations «non lucratives». S'il est vrai que réaliser un profit n'est pas l'objectif principal des coopératives, elles s'efforcent de dégager un excédent des recettes sur les dépenses. Comme toutes les autres catégories d'entreprises, les coopératives qui ne réalisent pas un profit finissent par accuser un déficit.

Bien que les coopératives n'aient pas pour raison d'être de réaliser un profit, nombre d'entre elles ont pour objectif principal d'accroître la rentabilité des activités de leurs membres. On peut affirmer à juste titre qu'une coopérative est une organisation «à but non lucratif»: seules les œuvres de bienfaisance, qui mobilisent des fonds dans l'intention de fournir des services et sans chercher à réaliser un profit, peuvent être qualifiées d'«organisations non lucratives».

Cette distinction doit être clairement établie si l'on veut que les pouvoirs publics adoptent une politique appropriée. Toute confusion entre organisations d'auto-assistance (ce que sont les coopératives) et œuvres de bienfaisance (qui travaillent pour des gens en situation de dépendance) ne peut que porter préjudice aux coopératives et devrait être évitée à tout prix.

2.2.7 Dispositions transitoires

Dans beaucoup de pays et dans certains secteurs d'activité économique, les entreprises coopératives ont un retard considérable à rattraper pour se placer au même rang que les autres entreprises. Dans certains cas, la première démarche doit être, pour l'Etat ou pour l'appareil politique, de rendre les coopératives à leurs membres. Dans d'autres cas, les coopératives ont été délibérément défavorisées par le pouvoir politique, apparemment convaincu que l'entreprise classique était le seul modèle possible. Le rétablissement d'un certain équilibre réclamera souvent une série de dispositions législatives et de mesures gouvernementales visant à remettre les coopératives au même rang que les autres entreprises et à leur permettre ainsi de jouer un rôle constructif dans l'économie.

Dans bien des cas, les mesures à prendre devront comporter une mise à jour de la législation relative aux coopératives qui a si souvent été négligée par rapport à la législation moderne sur les entreprises. La nouvelle législation devra parfois inclure des dispositions permettant aux coopératives de rattraper une partie du terrain perdu et les plaçant sur ce qu'il est convenu d'appeler un pied d'égalité. D'autres activités devraient s'inscrire dans le cadre d'une politique globale d'appui au développe-ment des coopératives. Une telle politique pourrait être axée sur le développement des coopératives en général mais devra souvent être orientée vers les coopératives conçues pour répondre à des besoins socio-économiques particuliers – par exemple améliorer les structures commerciales dans l'agriculture, fournir aux agriculteurs des intrants à des prix qui leur permettent d'être compétitifs sur le marché international, renforcer le rôle des coopératives rurales de consommation et de services, promouvoir les coopératives de services sociaux, fournir et administrer des logements sociaux, traiter les effets de l'exclusion sociale et favoriser les coopératives susceptibles de contribuer à créer des emplois ou à protéger les emplois existants.

Des mesures de soutien sont souvent nécessaires pour encourager la croissance et l'expansion des coopératives et, à cet effet, il conviendrait peut-être d'examiner la place qui est accordée aux coopératives dans les systèmes d'enseignement et de formation ainsi que le contexte fiscal, de sorte que les politiques élaborées dans ces domaines deviennent propices au développement des coopératives. On pourrait également prévoir de stimuler l'investissement dans les coopératives grâce à des fonds spécialement conçus à cet effet et/ou d'assortir le financement de conseils en gestion. Cela pourrait réclamer une transformation des institutions de financement de sorte qu'elles puissent répondre de manière adéquate aux besoins des coopératives.

Aux Etats-Unis, par exemple, la National Cooperative Bank (NCB), qui a été créée par le Congrès en 1978 au moyen de capitaux d'amorçage, a été reconstituée en 1982 en institution financière à capitaux privés. Actuellement, la NCB et ses filiales offrent un large éventail de services financiers aux coopératives des Etats-Unis et sont particulièrement actives dans le secteur du logement. Cependant, la NCB fournit aussi des capitaux à des entreprises contrôlées par les membres dans les secteurs d'activité économique les plus divers. Elle est aujourd'hui détenue et contrôlée par près de 1 000 coopératives et joue un rôle important dans le développement du mouvement coopératif sur tout le territoire des Etats-Unis.

Au Royaume-Uni, l'ICOM (Industrial Common Ownership Finance Ltd.) a été créée à l'aide de capitaux d'amorçage fournis par l'Etat. Elle a pour objectif d'assurer le financement d'entreprises coopératives, en particulier de coopératives de travailleurs. Elle émet aujourd'hui ses propres instruments financiers et elle est en mesure de gérer un portefeuille de prêt pour toute une série d'entreprises coopératives.

2.2.8 Représentation de l'Etat

La conduite des affaires, du moins au niveau national et dans les organismes administratifs fédéraux ou multinationaux, devient de plus en plus complexe. On constate également que les ministres assument des responsabilités plus spécialisées. Autrement dit, il faut déployer des efforts bien plus importants pour coordonner les politiques afin d'éviter que les activités d'un département soient en contradiction avec celles d'un autre. Un ministère devrait être chargé de veiller à ce que les coopératives soient toujours traitées sur un pied d'égalité. Il devrait veiller à ce que les besoins particuliers des coopératives soient pris en considération par tous les ministères. Il n'est pas rare qu'un gouvernement crée un ministère des coopératives ou tout au moins confie à un ministre le secteur des coopératives, entre autres attributions. Il faut s'en féliciter pour autant que cela ne risque pas de déboucher sur une ingérence dans les affaires internes des coopératives.

Par exemple, la Commission européenne a créé une direction spéciale (DG XXIII) chargée de promouvoir les intérêts des coopératives, ainsi que ceux des associations et des mutuelles. Pendant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, un département du gouvernement fédéral du Canada a fourni aux autres départements un service visant à ce que les coopératives soient dûment prises en compte lors de l'élaboration des politiques.

La nécessité se fait largement sentir de coordonner l'action entreprise par les différents organes pour mettre en œuvre leur politique à l'égard des coopératives. Par exemple, il faut tenir compte des coûts pour la sécurité sociale et/ou des prestations de chômage versées aux personnes qui sont «abandonnées» lorsqu'une entreprise de type classique quitte le territoire. Il faut également considérer le coût des équipements collectifs qui sont perdus lorsque des zones sont abandonnées. Les ministères chargés d'absorber ces coûts doivent les mettre en relation directe avec les décisions prises par les autorités fiscales. Des entreprises telles que les coopératives, qui sont attachées aux intérêts d'une communauté particulière, ne font d'ordinaire pas supporter ce coût aux pouvoirs publics, ce qui devrait transparaître dans la fiscalité imposée aux différentes formes d'entreprise. Bref, la politique des pouvoirs publics doit être mieux intégrée. On peut s'attendre que les politiques fondées sur le principe «pollueur-payeur» soient plus largement appliqués à l'avenir. Cela stimulera sans nul doute les entreprises coopératives, lesquelles peuvent offrir des avantages plus importants à leurs membres, aux communautés dans lesquelles elles opèrent et à la nation.

2.3 Politiques internationales

Le Secrétaire général des Nations Unies a souligné à maintes reprises que les coopératives sont un moyen de créer des emplois productifs, de vaincre la pauvreté et de réaliser l'intégration sociale ainsi que de mobiliser et allouer efficacement les ressources sociales. En 1995, le Sommet mondial pour le développement social a souscrit à cette position en s'engageant à utiliser le potentiel des coopératives et à en tirer pleinement profit en vue d'un plein emploi productif par la mise sur pied de cadres juridiques propres à encourager les coopératives à mobiliser des fonds et à promouvoir l'esprit d'entreprise. Des institutions spécialisées des Nations Unies, telles que l'UNESCO, le HCR, la FAO, l'OMS, le FNUAP, l'IRNUDS, HABITAT, le PNUD, le PAM, le FIDA et l'ONUDI, considèrent les coopératives comme des organisations vitales pour la poursuite de leurs objectifs.

En même temps, il est devenu manifestement nécessaire d'élaborer des politiques permettant aux coopératives de se montrer à la hauteur de la réputation qu'elles ont récemment retrouvée, en tirant parti de leurs avantages comparatifs. Ces politiques ont été à l'ordre du jour d'innombrables réunions régionales et internationales, par exemple:

Les résultats de ces activités ont contribué à la formulation, lors du Congrès centenaire de l'ACI en 1995 à Manchester, de la Déclaration de l'ACI sur l'identité coopérative (voir annexe).

De même que le projet de Directives visant à créer un environnement propice au développement des coopératives de l'ONU élaboré par le Comité interinstitutions pour la promotion de l'aide aux coopératives (COPAC), qui sera soumis à l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1999, la Déclaration de l'ACI énonce les grands principes coopératifs qui sont internationalement reconnus.

3. Législation régissant les coopératives

3.1 Formes de législation

Le cadre juridique des coopératives englobe la législation coopérative au sens étroit (à savoir lois et règlements sur les coopératives et règlements internes de celles-ci) ainsi que les conventions et normes internationales applicables et les constitutions et lois nationales réglementant les domaines économiques et sociaux dans lesquels les coopératives opèrent. Le présent chapitre est centré en particulier sur l'état et les tendances de la législation coopérative au sens étroit de l'expression.

La législation coopérative est nécessaire pour conférer aux sociétés coopératives une identité distincte par rapport aux autres entreprises privées, ainsi qu'une personnalité morale les habilitant à conclure des contrats avec des tierces parties et pour mettre en œuvre la politique coopérative nationale.

La législation coopérative peut revêtir diverses formes:

Les diverses options esquissées ci-dessus présentent toutes leurs avantages et leurs inconvénients, mais les leçons de l'expérience montrent qu'une législation coopérative spécifique est nécessaire pour permettre l'intégration et l'enregistrement des coopératives et pour rassurer ceux qui entretiennent des relations commerciales ou financières avec elles. De plus, le sentiment général est que la législation la plus satisfaisante est celle qui couvre tous les types de coopératives urbaines et rurales, primaires et secondaires, et qui les place sous la tutelle d'un seul ministère ou d'une autorité gouvernementale unique. Ce type d'arrangement, qui naturelle-ment n'empêche pas les coopératives d'établir des relations de travail avec d'autres ministères techniques, évite la fragmentation du mouvement coopératif lui-même, qui peut se produire lorsque les coopératives relèvent de différentes lois et sont placées sous le contrôle d'autorités publiques différentes pouvant avoir des politiques divergentes.

Dans un Etat démocratique à économie de marché, la législation coopérative doit faire partie intégrante du cadre législatif régissant les organisations à capitaux privés; elle devrait offrir aux coopérateurs un cadre leur permettant de développer leurs activités de manière autonome sans imposer de directives détaillées en ce qui concerne le fonctionnement et les pouvoirs de l'autorité de tutelle, qui devrait appartenir à la sphère publique.

3.2 Statut de la législation coopérative

La législation coopérative, à l'instar de toute autre législation, n'est pas statique mais évolue avec les changements sociaux, politiques et économiques que connaît le pays. Certains de ces changements, tels que la mondialisation des activités économiques et le progrès des technologies de l'information, se produisent à l'échelle mondiale et touchent tous les pays du monde; d'autres sont propres à certains groupes de pays. Les paragraphes suivants décrivent l'impact de ces changements sur la législation coopérative dans différents pays.

3.2.1 Pays industrialisés

Les récents changements intervenus dans la législation coopérative de l'Europe occidentale, de l'Amérique du Nord, de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et du Japon découlent essentiellement de la volonté du législateur d'accorder aux coopératives suffisamment de souplesse pour leur permettre de s'adapter à un environnement hautement concurrentiel sans renoncer aux principes de la coopération et au contrôle démocratique. De nombreuses lois et amendements coopératifs adoptés durant les années quatre-vingt-dix introduisent de nouvelles formes de mobilisation des capitaux par les coopératives (par exemple France [1992], Allemagne [1994], Australie [NGS, 1997], Canada [1998]). Ces lois permettent aux coopératives de recueillir des fonds sur les marchés des capitaux, mais déterminent les limites du droit de vote afin d'empêcher que des investisseurs non membres puissent acquérir le contrôle de la gestion de la société coopérative. Plusieurs lois nouvelles permettent aux coopératives de se convertir en d'autres formes de sociétés (Suède [1987], Allemagne [1994], Canada [1998]). Dans tous les pays industriels, les coopératives s'efforcent à la fois de parvenir à des résultats économiques satisfaisants dans un environnement hautement concurrentiel, tout en restant proches de leurs membres. C'est pourquoi la législation coopérative contemporaine de ces pays se rapproche du droit général des sociétés afin que les coopératives puissent opérer sur un pied d'égalité avec d'autres types d'entreprises privées. La législation coopérative récemment adoptée dans les pays industriels telle que la loi française «relative à la modernisation des entreprises coopératives» [1992] cherche à trouver un compromis entre une gestion privilégiant les services et une gestion axée sur les bénéfices.

3.2.2 Pays en transition

Lorsque les économies à planification centralisée d'Europe centrale et orientale et d'autres régions géographiques ont commencé leur passage à l'économie de marché, leurs gouvernements ont été confrontés à l'immense défi consistant à élaborer un cadre juridique administratif et institutionnel entièrement nouveau couvrant tous les aspects de la vie des coopératives, y compris leur organisation et leur gestion. Leur tâche a consisté à redonner un statut juridique aux coopératives (ou à en établir un) en tant qu'institutions privées orientées vers les services et à clarifier juridiquement leurs particularités organisationnelles, leurs modalités de formation et de gestion et leurs relations avec l'Etat et les partis politiques. De surcroît, ils ont dû résoudre le problème complexe des droits de propriété, en particulier dans le cas des coopératives collectives agricoles. La période de 1988 à 1992 a donc été caractérisée par une intense activité législative, et pratiquement tous les anciens pays communistes ont adopté, durant cette période, des législations coopératives ou d'autres lois ou codes contenant des dispositions en la matière. Dans la Communauté d'Etats indépendants (CEI), huit pays ont promulgué de nouvelles lois sur les coopératives de consommateurs, un (la Russie) sur les coopératives agricoles et deux sur les coopératives de producteurs, tandis que trois pays – la Moldova, Kirghizistan et l'Ouzbékistan – ont adopté une législation coopérative générale. En décembre 1997, l'Assemblée interparlementaire de la CEI a adopté une loi type sur les coopératives et leurs associations et unions. Ce modèle de loi n'a cependant pas force obligatoire, et plusieurs pays de la CEI continuent à élaborer des lois coopératives propres à un secteur.

D'une manière générale, la législation coopérative contemporaine des anciens pays communistes reconnaît les principes universels de la coopération et confère un large degré d'autonomie aux coopératives. Cependant, ces lois ne sont pas toujours totalement adaptées aux conditions locales et au système juridique local étant donné qu'elles ont dû être élaborées dans des délais très courts et (très souvent) sous la forte influence des législations d'Europe occidentale. Cela et d'autres facteurs expliquent le grand nombre de lois et d'amendements coopératifs successivement adoptés dans cette partie du monde depuis la chute du Mur de Berlin.

3.2.3 Pays en développement

La majorité des pays en développement d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine ont été confrontés depuis le milieu des années quatre-vingt aux effets de la libéralisation économique, de la mondialisation et de l'ajustement structurel. En outre, nombre d'entre eux ont procédé à des réformes internes démocratiques et ont décentralisé leurs structures administratives nationales et leurs processus de prise de décision. Ces tendances nouvelles ont eu un impact considérable sur les mouvements coopératifs des pays en développement, notamment dans ceux où les coopératives étaient considérées comme appartenant à la structure gouvernementale ou comme un instrument du parti au pouvoir. De ce fait, la législation coopérative de nombreux pays en développement a dû subir des réformes radicales. Pas moins de 15 Etats de l'Afrique subsaharienne ont adopté une nouvelle législation coopérative depuis 1990 et d'autres ont substantiellement amendé la législation existante, et d'autres, encore plus nombreux, ont élaboré des projets en vue d'une nouvelle législation coopérative.

Dans la région asienne, les progrès en matière de réforme du cadre juridique des coopératives se sont accélérés ces dernières années. Plus de dix Etats fédérés indiens sont actuellement en train de rédiger une nouvelle législation coopérative, parfois sous forme de lois «parallèles» complétant la législation existante. Les nouvelles lois reposent, en grande partie, sur la loi sur la société coopérative d'aide mutuelle de l'Andhra Pradesh, [1995] (Mutually Aided Cooperative Society Act of Andhra Pradesh), qui a introduit pour la première fois le concept de pleine autonomie coopérative et d'autosuffisance en Inde. Par ailleurs, Fidji [1998], l'Indonésie [1992], la Jordanie [1997], la Malaisie [1992], la Mongolie [1993], le Népal [1992], les Philippines [1990], la Thaïlande [1999] et le Viet Nam [1996] ont adopté de nouvelles lois coopératives. D'autres pays, dont le Bangladesh, le Bhoutan, plusieurs Républiques d'Asie centrale et le Japon (pour les coopératives de travailleurs), envisagent de réviser les lois coopératives en vigueur, tandis que la Chine a élaboré une loi sur la commercialisation agricole et les coopératives d'approvisionnement qui sera la première de ce type pour ce pays.

La plupart des lois sud-américaines concernant les coopératives ont été adoptées pendant l'entre-deux-guerres; en 1971 et 1988, onze Etats d'Amérique latine ont adopté de nouvelles lois sur les coopératives. Les caractéristiques générales de cette législation reflètent un modèle de développement coopératif traduisant une forte influence de l'Etat, sauf dans les pays du Cône Sud (Argentine, Brésil, Chili, Uruguay) où la forte influence d'immigrés européens a contribué à créer un modèle plus autonome. Plusieurs pays d'Amérique latine sont en train de réviser (ou prévoient de réviser) leur législation coopérative. Le Mexique a adopté une nouvelle législation générale sur les coopératives en 1994. Plusieurs Etats des Caraïbes sont en train de travailler à la révision de leur législation coopérative, mais dans la plupart d'entre eux la législation coopérative est demeurée inchangée depuis les années quarante.

D'une manière générale, la législation coopérative des pays en développement antérieure au mouvement de réforme des années quatre-vingt-dix s'inspirait du principe selon lequel les coopératives ne sont pas uniquement une forme spécifique d'organisation mais également un instrument de progrès économique et social. Ce point de vue a servi à justifier l'incorporation des mouvements coopératifs dans les structures gouvernementales ou dans les rouages du parti au pouvoir. Aujourd'hui, presque tout le monde s'accorde à reconnaître que cette politique a engendré une large frustration chez les membres des coopératives ainsi qu'un gaspillage considérable des ressources à tous les niveaux. C'est pourquoi toutes les législations coopératives adoptées dans le monde en développement depuis les années quatre-vingt-dix ont restreint le rôle de l'Etat et le financement de celui-ci, ont développé l'autonomie et l'autosuffisance des coopératives et ont rompu tous les liens pouvant avoir existé entre les coopératives et les organisations politiques.

3.3 Tendances actuelles de la législation coopérative

Faute de document tout prêt facilement disponible détaillant les tendances actuelles de la législation coopérative et les traits saillants de la législation coopérative contemporaine, l'analyse suivante de lois coopératives récemment adoptées vise à résumer la situation actuelle.

3.3.1 Approche participative

La législation coopérative doit être rédigée à l'intention des personnes qui entretiennent d'étroites relations avec les coopératives, voire par ces mêmes personnes, qu'elles travaillent dans le mouvement coopératif lui-même ou dans des institutions de promotion des coopératives. Ces personnes devraient participer à l'élaboration des lois au stade le plus précoce, par exemple dans le cadre de campagnes de consultation, d'ateliers locaux et nationaux et de comités de réforme de la loi. Les quelques exemples qui suivent peuvent illustrer l'approche participative dans l'élaboration des lois coopératives:

L'approche participative peut prendre un temps considérable, mais l'investissement vaut la peine s'il aboutit à une loi durable, élaborée, comprise et acceptée par les intéressés. Plusieurs pays ont institutionnalisé l'approche participative en créant un conseil national de la coopération (ou une organisation similaire) qui joue un rôle décisif en matière politique et normative. Les conseils de ce genre existent par exemple en Belgique, en France, en Hongrie et en Namibie.

Si l'on veut que la législation coopérative soit comprise par tous, il faut la rédiger dans un style simple sans termes juridiques abscons ni multiples renvois. Lorsque la tradition juridique d'un pays oblige le législateur à utiliser un «jargon juridique», ou lorsqu'un pourcentage important des personnes visées par la loi (à savoir les membres des coopératives) sont illettrées ou non familiarisées avec la langue officielle de la nation, il est recommandé de produire un ouvrage de vulgarisation de la législation dans la (les) principale(s) langue(s) vernaculaire(s) et d'organiser des campagnes nationales de vulgarisation. De telles campagnes ont obtenu des résultats satisfaisants, par exemple au Cameroun [1993], en Inde (Andhra Pradesh) [1996], au Malawi [1999], en Namibie [1997], au Niger [1997] et au Viet Nam [1997]. Dans cette même optique, les organisations coopératives faîtières de la plupart des pays industriels ont publié des guides simples ou des versions commentées de la législation coopérative nationale, et nombre d'entre elles ont recours à Internet pour populariser et expliquer les dispositions légales.

3.3.2 Relégation de l'Etat aux fonctions de régulateur

Le présent rapport comprend une discussion détaillée sur l'évolution du rôle des pouvoirs publics dans le développement coopératif qu'il est inutile de reprendre ici. Le présent paragraphe décrit donc la façon dont l'évolution de ce rôle s'est répercutée sur la législation coopérative contemporaine, notamment dans les pays où l'Etat a joué un rôle décisif en matière de formation, de gestion et de contrôle des sociétés coopératives.

Pratiquement toutes les législations coopératives adoptées au cours de la dernière décennie rejettent l'omniprésence de l'Etat dans les affaires des coopératives pour limiter son rôle à celui d'autorité de contrôle:

Les nouvelles lois distinguent les fonctions promotionnelles des fonctions de contrôle et empêchent l'administration de s'ingérer dans les affaires internes des coopératives d'une manière ou d'une autre, sauf lorsque l'intérêt public est en jeu. En outre, plusieurs nouvelles lois coopératives contiennent des dispositions visant à décentraliser et à accélérer les procédures administratives nécessaires pour respecter les prescriptions statutaires.

L'organe dont relève l'autorité régulatrice est important. Etant donné le rôle multisectoriel du mouvement coopératif, il serait judicieux de ne pas l'intégrer à des ministères techniques comme par exemple le ministère de l'Agriculture mais à un organe neutre comme par exemple une administration locale, une chambre de commerce ou une institution appartenant au mouvement coopératif lui-même. L'importance du rôle de l'Etat dans le développement coopératif détermine manifestement la taille, la désignation et la structure administrative de l'autorité publique en charge de l'administration de la législation coopérative nationale. Dans de nombreux pays, l'adoption de nouvelles lois coopératives libérales a entraîné une baisse marquée du nombre de fonctionnaires chargés du contrôle des coopératives et parfois la disparition pure et simple de structures administratives entières.

3.3.3 Flexibilité de la structure et de l'organisation des coopératives

La question de la flexibilité de la législation coopérative revêt une importance particulière et peut être sous-divisée en trois rubriques:

Les questions évoquées plus haut conduisent à la conclusion que la législation coopérative devrait être stricte sur le plan de l'application des principes coopératifs et de l'identité coopérative mais aussi souple en ce qui concerne l'organisation, la structure et le fonctionnement internes des entreprises coopératives.

3.4 Teneur de la législation coopérative

3.4.1 Questions essentielles à traiter

Points principaux

Les principaux points que la législation coopérative doit normalement traiter portent sur les domaines suivants:

La législation coopérative devrait respecter le principe de subsidiarité, qui exige que chaque coopérative soit responsable de ses propres décisions à moins que ces dernières n'affectent l'intérêt public ou des tierces parties. En termes pratiques, cela signifie que seules les questions dépassant la compétence d'une coopérative individuelle devraient être réglementées par la législation coopérative, toute autre question pouvant être réglée par le règlement interne de la coopérative. Nonobstant, la législation coopérative devrait être suffisamment détaillée pour empêcher que l'on puisse en altérer la nature ou l'orientation par des règles complémentaires et des décrets. Cela est particulièrement important dans les pays où les lois n'entrent en vigueur que lorsqu'elles sont assorties d'un décret d'application.

Direction et gestion

L'une des grandes questions que doit régler, au moins dans une certaine mesure, la législation coopérative, est celle de la séparation des pouvoirs entre les gestionnaires et le conseil d'administration, notamment dans les grandes coopératives. L'expérience a montré que, si l'on n'établit pas clairement une distinction entre ces deux entités et si leurs pouvoirs respectifs ne sont pas nettement définis, on est souvent confronté à des situations génératrices de conflits et d'inefficacité. En théorie, le conseil d'administration est le véritable organe de décision alors que le directeur n'est qu'un employé; dans la pratique cependant, il est très difficile aux membres du conseil d'administration, qui sont élus parmi tous les membres, de comprendre le milieu complexe des affaires et de prendre les décisions qui s'imposent. Les lois sur les coopératives récemment adoptées stipulent donc souvent que le conseil d'administration doit se borner à définir la politique générale et le plan de travail de la coopérative dont la mise en œuvre effective est confiée à des professionnels.

En l'absence de mécanismes de contrôle appropriés, il y a de grands risques que les administrateurs des grandes sociétés coopératives tombent de facto sous la coupe des gestionnaires professionnels. La législation coopérative devrait donc en règle générale contenir des dispositions garantissant la transparence de la gestion et des décisions et aidant à préserver la nature démocratique de la prise des décisions dans la coopérative.

Constitution du capital

La difficulté de réunir des capitaux en quantité suffisante est considérée par beaucoup comme le point faible des coopératives. Etant donné que la contribution financière à une société coopérative n'a pas de contrepartie en termes de pouvoir (en raison de la règle «un membre, une voix») ni en termes de dividendes (parce que de nombreuses lois coopératives fixent un taux maximal relativement faible d'intérêt sur les parts), les membres des coopératives pris individuellement sont peu enclins à acquérir plus que le nombre de parts exigés statutairement. En ce qui concerne la constitution du capital, les coopératives sont donc clairement désavantagées par rapport aux autres types d'entreprises. La législation coopérative de plusieurs pays a réglé ce problème en introduisant des méthodes novatrices pour attirer des capitaux. La loi suédoise sur les coopératives de 1987, par exemple, autorise les sociétés coopératives à accepter de non-membres des contributions sans garantie. Ces contributions sans garantie ne doivent pas dépasser le montant normal d'une part normale du capital et ne confèrent pas de droits de vote. La loi canadienne de 1998 sur les coopératives ouvre la porte à plusieurs nouvelles options de financement, y compris l'émission d'actions de placement et de parts d'associé sans valeur nominale (dont la valeur varie selon la situation financière de la coopérative). La loi française de 1992 relative à la modernisation des entreprises coopératives permet aux membres d'introduire dans le règlement de leur société des dispositions sur les investisseurs non membres et sur la réévaluation des parts en incorporant des réserves. La loi italienne de 1992 sur les coopératives limite le droit de vote de ce que l'on appelle les «membres bailleurs de fonds» à 33 pour cent et leur présence au conseil d'administration à 49 pour cent.

Les législateurs chargés d'élaborer des lois régissant les coopératives doivent trouver une solution au problème de savoir comment formuler des modalités souples en matière de formation du capital sans porter atteinte aux principes coopératifs. Dans plusieurs pays (par exemple en Afrique du Sud, en Allemagne, en Italie et en partie en France), le principe «un membre, une voix» a été atténué ou simplement abandonné pour favoriser la mobilisation des capitaux. Cette dérive est actuellement vivement certifiée par de nombreux spécialistes des coopératives.

Règlement des différends

La législation coopérative de la plupart des pays prévoit que les différends entre membres des coopératives et gestionnaires et entre deux sociétés coopératives ou plus, ou entre des coopératives et l'autorité chargée de l'enregistrement («le greffier»), seront réglés par cette autorité même. Bien souvent, la décision du greffier est définitive ou, si un appel contre sa décision est autorisé, la décision finale est prise par le «ministre», qui est généralement le supérieur immédiat du greffier. De telles dispositions sont difficilement compatibles avec la nature démocratique des coopératives. Plusieurs lois coopératives récentes contiennent des dispositions sur la création de «tribunaux coopératifs», d'«arbitres» ou de «commissions de conciliation» jouant le rôle de conciliateur, de médiateur et d'arbitre – sans pour autant empêcher les parties au conflit de porter leur litige devant des tribunaux ordinaires. Ces tribunaux peuvent comprendre des personnes ayant une formation juridique et représentant le ministère chargé des coopératives, le mouvement coopératif et la Haute Cour. Ce ne sont pas nécessairement des organes permanents et ils peuvent se réunir sur demande.

Structure du mouvement coopératif

La législation coopérative comprend souvent des dispositions réglementant la structure verticale du mouvement coopératif en permettant aux coopératives de constituer des structures supérieures sous forme d'unions, de fédérations et de ligues. Dans la situation idéale, la loi se borne à énoncer les principes de base requis pour la création d'une coopérative secondaire ou tertiaire, tous les autres détails devant être réglés dans les statuts de la nouvelle organisation. Il n'en reste pas moins que, dans certains pays, la loi comprend des dispositions restrictives limitant le nombre d'unions de coopératives par secteur et/ou unités administratives et détermine en détail les fonctions que peut (et ne peut pas) assumer cette union. D'autres lois coopératives telles que celles de l'Indonésie et de la Jordanie, du Lesotho et de Sri Lanka (pour n'en citer que quelques-unes) désignent l'organisation nationale faîtière compétente et donc retirent cette initiative au mouvement coopératif. Enfin, certaines lois coopératives déterminent le nombre d'échelons que peut comporter la structure verticale du mouvement, obligeant ainsi les coopératives à créer des structures intermédiaires qui ne sont ni nécessaires, ni viables. De telles dispositions ont un effet négatif sur la compétitivité des coopératives et sont incompatibles avec un environnement libéral.

Responsabilité des services de soutien aux coopératives

Le financement et la fourniture des principaux services de soutien aux coopératives, à savoir l'éducation et la formation, les services consultatifs commerciaux et la vérification externe des comptes, sont abordés plus loin dans le présent chapitre; ici, nous n'examinerons que les aspects juridiques liés à ces services. Dans de nombreux pays (surtout ceux en développement), l'Etat possédait un monopole de facto sur les services de soutien évoqués plus haut qui étaient fournis par l'intermédiaire du greffier ou d'organismes parapublics tels que le JCC (en Jordanie), le CENAPEC (en Côte d'Ivoire), le CPD (en Thaïlande) ou l'INC (au Pérou). Ce monopole toutefois n'a jamais été inscrit dans la législation coopérative, sauf en ce qui concerne la responsabilité de la vérification externe des comptes des coopératives.

La législation coopérative de nombreux pays oblige les coopératives à faire vérifier leurs registres financiers par des vérificateurs externes une fois par an ou une fois tous les deux ans. Ce type de disposition n'est pas différent de ce qu'on trouve dans le droit ordinaire des sociétés. Cependant, les lois coopératives stipulent souvent que la vérification externe des comptes des coopératives est le domaine exclusif du greffier/commissaire aux coopératives, de telle sorte que souvent les coopératives n'ont pas le droit d'engager leurs propres vérificateurs extérieurs ou de mettre en place une organisation de contrôle interne au service des coopératives. Ces dispositions sont le reflet d'un point de vue très paternaliste du développement coopératif, atténuent l'autonomie des coopératives et peuvent fausser la concurrence. La législation contemporaine ne détermine donc que les conditions dans lesquelles les contrôles extérieurs doivent avoir lieu et précise le minimum de qualifications requises pour être habilité à contrôler les coopératives, mais laisse à celles-ci le soin de trouver la personne ou l'entreprise appropriées. Dans certains pays, le greffier demeure un «contrôle de dernier recours» lorsque la coopérative n'a pas les moyens de s'offrir les services d'un contrôleur privé. Dans la plupart des pays industriels, l'audit obligatoire des coopératives se fait maintenant par l'intermédiaire d'institutions appartenant au mouvement coopératif. En Allemagne et en Autriche, l'enregistrement d'une coopérative est subordonné à l'appartenance à une association d'audit coopératif («Prüfungsverband»).

3.4.2 Dispositions générales

Les coopératives devraient avoir le droit d'opérer dans des conditions au moins aussi favorables que celles dont bénéficient les autres formes d'entreprises. Il en découle que les coopératives devraient jouir de tous les avantages et privilèges que l'Etat confère, pour les promouvoir, à des entreprises d'une certaine taille d'autres secteurs économiques ou d'autres régions. Cela ne veut pas dire pour autant que les coopératives devraient bénéficier de privilèges particuliers car cela aboutirait inévitablement à la création de pseudo-coopératives dont le seul objectif serait de tirer profit des avantages liés au statut de coopérative. La seule exception à ce principe est l'exonération des taxes sur les surplus car, dans une coopérative, les surplus appartiennent aux membres, et sont accumulés soit sous forme de réserve distribuée en cas de liquidation de la coopérative, soit sous forme de primes non distribuées. Etant donné que les membres seraient imposables à titre individuel sur un tel revenu s'ils venaient à le percevoir, il serait injustifié de le taxer doublement au niveau de la société coopérative. Par ailleurs, seules les coopératives qui tirent leur surplus des transactions entre leurs membres devraient bénéficier d'une exonération de l'impôt sur les sociétés; c'est pourquoi plusieurs lois coopératives fixent les pourcentages de transactions conclues avec des personnes n'appartenant pas à la coopérative au-delà desquels l'exonération d'impôt n'est pas possible.

3.5 Harmonisation de la législation coopérative

Ces dernières années, pour répondre à la mondialisation et à l'intensification de la concurrence, les organisations coopératives de plusieurs groupements économiques régionaux se sont efforcées de mettre au point des législations coopératives types qui devraient guider l'élaboration des législations coopératives nationales des divers Etats membres. Cela s'inscrit tout à fait dans la tendance mondiale vers la formulation de lois et règlements supranationaux jugés nécessaires pour contrôler les forces du marché dans un milieu économique ultralibéral et mondialisé.

Les mouvements coopératifs de l'Union européenne, par exemple, ont décidé de promouvoir le statut de la société coopérative européenne à titre d'alternative, mais sans remettre en cause l'application des diverses lois nationales pour faciliter les transactions des coopératives souhaitant opérer dans plusieurs Etats membres. On estime qu'un tel statut faciliterait la coopération dans les régions frontalières, les partenariats coopératifs bilatéraux et les groupes de coopératives sur le plan multinational. Ce statut reste à l'état de projet et n'a pas encore été soumis au Parlement européen.

Une tentative similaire a été lancée par l'Organisation des coopératives d'Amérique (OCA) depuis 1987, lorsque celle-ci a réuni un groupe d'experts pour élaborer une «loi-cadre» destinée aux coopératives d'Amérique latine qui a été adoptée deux années plus tard. Ce cadre législatif ne visait pas à être un modèle, mais devait aider les législateurs nationaux dans leur tâche. Il est devenu un important outil de modernisation de la législation coopérative en Amérique latine et a déjà influencé plusieurs législations nationales coopératives; ses promoteurs envisagent de rédiger une version mise à jour qui tiendrait compte du développement socio-économique et politique des années quatre-vingt-dix. Nous avons déjà mentionné la loi type sur les coopératives et leurs associations et unions qui a été adoptée en décembre 1997 par l'Assemblée interparlementaire de la CEI.

Les Etats membres de l'Union monétaire ouest-africaine (UMAO) ont adopté une loi universelle sur les coopératives d'épargne et de crédit qui est déjà incorporée dans la législation nationale dans plusieurs Etats d'Afrique occidentale. De la même façon, les seize Etats membres de l'Organisation de l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) ont organisé en mars 1999 une réunion régionale avec pour objectif d'élaborer une loi coopérative type. On peut enfin citer la loi coopérative de référence de l'Inde (1997), préparée sous la direction de la Fondation pour le développement coopératif d'Hyderabad. Si ce cadre juridique ne concerne qu'un seul pays, il a joué néanmoins un rôle important dans l'harmonisation de récentes lois coopératives de nombreux Etats fédérés du sous-continent indien.

4. Services d'appui aux coopératives

4.1 Introduction

Les services d'appui sont des services destinés à renforcer, faciliter ou améliorer les activités des bénéficiaires ou utilisateurs en leur donnant accès à des informations, des biens et des moyens financiers qui leur feraient normalement défaut. Ces services sont fournis à des prix plus avantageux et à des conditions plus favorables et sont de meilleure qualité et plus fiables que ceux proposés par les prestataires de services publics ou sur le marché. En tant qu'entreprises qui sont en concurrence avec les entreprises commerciales classiques, les coopératives peuvent avoir besoin des services suivants:

Comme en règle générale les coopératives présentent, au moins dans un premier temps, des caractéristiques précises – ancrage local, activités de petite envergure menées par des responsables bénévoles, moyens financiers limités ne leur permettant pas de recourir à de coûteux services de spécialistes ou de techniciens –, elles ont des besoins particuliers, et elles ont à cet effet mis au point des règles spéciales régissant leurs systèmes d'aide. Il y a donc de bonnes raisons d'établir, dans certains domaines tout au moins, des systèmes spéciaux d'appui aux coopératives, et d'inciter ces dernières à organiser et financer elles-mêmes ces systèmes.

Les règles spéciales régissant les systèmes d'appui aux coopératives obéissent aux principes suivants:

Les coopératives doivent choisir soit de recourir aux services commerciaux publics ou privés, soit de créer leur propre système d'appui et décider s'il y a lieu d'établir ou non des services d'assistance mutuelle au niveau tant régional que national. Si, par exemple, les écoles publiques de commerce proposent une formation de bonne qualité à des prix abordables, les coopératives ne ressentiront pas le besoin de créer leur propre centre de formation du personnel.

Leurs critères de décision sont les suivants:

4.2 Principaux types de services d'appui

4.2.1 Education, formation, information

Eduquer, former et informer les membres, les représentants élus, les cadres et les employés, et faire connaître au public – notamment aux jeunes et aux leaders d'opinion – la nature et les avantages de la coopération est l'un des principes de base du système coopératif.

Toutefois, cela représente un coût qui dépasse les moyens des coopératives et les services publics d'appui dans ces domaines sont décisifs pour assurer le succès des organisations coopératives, à tous les niveaux.

L'éducation des membres est fondamentale pour promouvoir la participation active, l'engagement et la solidarité: il est pourtant rare qu'elle occupe beaucoup de place dans les cursus de formation coopérative qui s'adressent surtout aux cadres et aux salariés. L'introduction de sujets relatifs à la coopération dans les programmes de l'enseignement primaire, secondaire et universitaire pourrait être doublement utile en suscitant l'intérêt du public pour les coopératives et en initiant les intéressés aux règles de la décision démocratique et à l'exercice du contrôle démocratique.

Les fédérations et groupements de coopératives au niveau régional ou national peuvent contribuer à l'éducation de leurs membres en fournissant une aide pédagogique et du matériel didactique à leurs affiliées ou au public. Il est attesté que les coopératives qui accordent une grande importance à l'éducation de leurs membres (comme les coopératives de crédit) sont plus performantes que les autres. En revanche, celles qui ne font rien pour sensibiliser leurs membres aux avantages qu'ils peuvent retirer de l'éducation coopérative ne peuvent s'attendre à ce qu'ils se montrent solidaires vis-à-vis du groupe et d'elles-mêmes.

L'éducation des représentants élus (responsables) figure rarement au programme des services publics ou commerciaux et ce sont les centres régionaux de formation coopérative qui doivent s'en charger. Toutefois, compte tenu du grand nombre d'intéressés, de leur mandat relativement court et du coût élevé d'une opération qui ne rend pas d'effets immédiats, l'offre dans ce domaine est généralement insuffisante.

L'éducation et la formation des cadres et des salariés doivent être considérées sous deux angles. Pour ce qui est de la formation technique et professionnelle, on peut faire appel aux services d'aide publics, commerciaux ou coopératifs. En revanche, seuls les centres de formation et d'éducation relevant des coopératives, à savoir les centres, instituts et écoles gérés par le mouvement coopératif, sont aptes à dispenser l'éducation aux valeurs et aux principes coopératifs.

L'expérience montre que même dans les centres de formation coopérative, c'est la formation technique et professionnelle qui prime, selon des objectifs et des plans d'études semblables à ceux en vigueur dans les écoles de commerce publiques ou privées ou dans les centres de formation à la gestion; l'éducation au concept de la coopération, à ses objectifs, à ses principes et à ses valeurs reste souvent accessoire. Les services d'aide dans ce domaine doivent privilégier avant tout la formation de formateurs qualifiés, qui connaissent bien les caractéristiques des coopératives et transmettent leurs connaissances.

4.2.2 Services consultatifs

Il convient de distinguer deux types de services:

Les services d'appui aux coopératives de premier niveau – orientation générale, création d'une identité morale propre, conception de stratégies de développement – ne peuvent être issus que du mouvement coopératif, c'est-à-dire des fédérations, des groupements ou des confédérations au niveau régional, national ou international.

Les services d'aide technique sont fournis par les collectivités publiques, les consultants privés ou le mouvement coopératif. Souvent, les services des consultants privés s'obtiennent à des conditions plus favorables s'ils sont négociés par les fédérations ou les groupements plutôt que par chacune des entreprises à titre individuel. Dans la mesure où les codes de déontologie professionnelle l'autorisent, les coopératives, fédérations ou les groupements peuvent employer leurs propres consultants pour protéger les intérêts de leurs organisations membres. Sinon (dans le cas des vérificateurs des comptes, des conseillers juridiques ou fiscaux), les groupements de coopératives peuvent conclure des accords spéciaux avec des entreprises privées (comme l'a fait l'INCAS – Integrated Cooperative Audit Service – aux Philippines).

4.2.3 Services centralisés (groupés)

Lorsque les coopératives de premier niveau ont besoin de recourir à des services de spécialistes ou à des équipements modernes trop coûteux, que ces besoins ne sont qu'occasionnels ou que des prestations de meilleure qualité peuvent s'obtenir à moindre coût ou lorsqu'ils sont regroupés, il faut envisager de mettre en commun des services au niveau régional ou national: comptabilité, traitement électronique des données, confiés à une unité centrale, sélection du personnel, partage des ressources humaines (organisation du temps du travail, temps partiel), approche conjointe en matière de gestion et de technologie, de publicité et de relations publiques, de représentation et de défense des intérêts, d'assurances (accords globaux passés avec des compagnies d'assurances), centralisation de l'épargne ou des avoirs dans des fonds communs, gestion financière et immobilière, information sur les données du marché, méthodes de production, innovations technologiques, etc.

Audit

La centralisation s'avère particulièrement justifiée en ce qui concerne l'audit externe. Dans de nombreux pays (Inde, Malaisie), cette fonction incombe au service public; dans d'autres, elle est assumée par des vérificateurs assignés par les fédérations de coopératives, qui sont spécialement formés à cette tâche (Allemagne, Autriche), ou par des experts-comptables agréés (Royaume-Uni). Enfin, l'audit externe peut être organisé par les coopératives de différentes autres manières (Italie, Philippines). L'audit gratuit pratiqué par les commissaires aux comptes est une aide précieuse mais peut aussi s'avérer pénalisante si ceux-ci sont insuffisamment formés ou équipés (comme dans certains pays d'Afrique orientale et centrale), ou s'il en résulte une ingérence directe dans les affaires des coopératives (Kenya). Au-delà de la simple vérification des comptes, l'opération devrait aller jusqu'à évaluer l'efficacité de la gestion, y compris le degré de satisfaction des membres. Elle ne peut être effectuée que par des professionnels dûment formés à l'évaluation de la performance des organisations gérées par leurs membres ou usagers. Les services d'appui doivent tenir compte de cet aspect et disposer d'une équipe indépendante de commissaires aux comptes (Thaïlande), ou d'une équipe d'auditeurs privés spécialisés dans l'audit des coopératives (Philippines), ou d'un système fédéral d'audit des coopératives (Allemagne, Indonésie).

La centralisation des services se justifie dans d'autres cas, notamment pour l'achat en gros, l'importation et l'exportation de produits lorsque les coopératives peuvent tirer pleinement parti de leur taille, de leur nombre et de leur pouvoir de négociation collective. Ces services comptent parmi les principales raisons qui poussent à la création de coopératives ou de réseaux de coopératives, ou à l'adhésion à l'une ou à l'autre. Lorsque les coopératives sont composées de petits et moyens producteurs de biens et de services, les accords que ceux-ci passent entre eux pour acheter l'ensemble de leurs facteurs de production à leur organisation commune ou pour lui vendre l'ensemble de leur production ne portent pas atteinte à la liberté du commerce et sont donc autorisés aux termes de la législation sur la concurrence, notamment pour les producteurs agricoles. Toutefois, lorsque des entreprises publiques ou privées détiennent le monopole à l'importation et à la distribution des facteurs de production, ou à l'achat et à l'exportation des produits, comme c'était le cas dans de nombreux pays en développement avant l'ajustement structurel et dans de nombreux pays en transition sous le régime communiste, les coopératives se voient dans l'impossibilité d'organiser elles-mêmes pour leurs membres ces services qui sont pourtant les plus lucratifs. Il en va de même pour la centralisation de l'épargne, des capitaux et des biens immobiliers dans des institutions financières ou banques coopératives qui permettent aux coopératives de premier niveau de mettre en commun leur épargne ou leurs avoirs confiés à un service unique qui gère au mieux les intérêts des entreprises affiliées et de leurs membres. Ces services centraux sont très précieux non seulement pour les coopératives et groupements d'épargne et de crédit, qui doivent pouvoir compter sur un système sûr et rentable de dépôt pour équilibrer l'offre et la demande de fonds, mais aussi pour les coopératives d'habitation et leurs fédérations ou groupements (acquisition de terres, financement, négociations avec les banquiers, etc.).

4.2.4 Recherche

La recherche, qui n'est efficace que si elle est menée sur de longues périodes et que seules les très grosses coopératives peuvent financer sur leurs deniers (comme les coopératives de consommateurs japonaises), doit être le fait des services d'aide publics (universités ou instituts de recherche spécialisés) ou des centres privés de recherche appliquée. Dans les pays où le mouvement coopératif est bien développé et relativement riche, les centres spéciaux de recherche coopérative peuvent être financés par des cotisations ou des dons (Allemagne) ou peuvent être gérés en partenariat avec les fédérations et groupements de coopératives, d'une part, et les entreprises privées, d'autre part (dans le cas des coopératives d'habitation, par exemple, la recherche peut porter sur la conception de bâtiments bon marché, les aspects techniques, l'économie d'énergie, le contrôle de la qualité des matériaux de construction). Dans les pays en développement, des partenariats se sont formés, entre les organisations coopératives faîtières et les donateurs.

4.3 Pays industrialisés, pays en transition, pays en développement

4.3.1 Pays industrialisés

Dans les pays industrialisés, les décideurs considèrent souvent les coopératives soit comme un élément du «tiers secteur», à savoir de «l'économie sociale». Lorsque les coopératives sont assimilées à des entreprises privées, les services d'aide directs sont l'exception plutôt que la règle. En revanche, elles peuvent bénéficier des services d'aide indirects qui sont proposés à toutes les entreprises commerciales, notamment:

Certains services d'aide directs aux coopératives sont offerts dans des cas exceptionnels ou dans des but précis:

Dans la plupart des autres domaines, les coopératives ont décidé si elles souhaitent acheter des services sur le marché ou organiser leurs propres services d'aide, par exemple:

Lorsque les coopératives sont considérées comme faisant partie de l'économie sociale, elles peuvent souvent bénéficier de toutes sortes de services d'aide directs:

Certains pays (France, Royaume-Uni) mettent sur pied des organismes ou fonds spéciaux, d'autres (Italie, Japon) remboursent une partie des dépenses engagées par les fédérations ou groupements de coopératives.

4.3.2 Pays en transition

Il est difficile d'étudier les systèmes d'appui aux coopératives des pays en transition sans tenir compte de leur passé communiste.

Sous le régime communiste, les coopératives – entreprises collectives ou coopératives de consommation ou d'habitation – faisaient partie d'un système extrêmement politisé contrôlé par l'Etat qui, dans le cadre d'une économie planifiée, avait le monopole du commerce et de la banque. Les services d'appui aux entreprises collectives communistes faisaient partie intégrante de ce système et les coopératives servaient d'instruments d'application du Plan.

Le passage à l'économie de marché, avec libéralisation et privatisation des activités, a entraîné une réorganisation en profondeur du système coopératif. La dépolitisation et la décentralisation ont dû s'accompagner d'une campagne visant à faire comprendre aux membres des coopératives, ainsi qu'à leurs dirigeants et leurs salarié, et aux agents et cadres des administrations que les coopératives font partie du secteur privé ou d'un troisième secteur spécial. Il a fallu former des formateurs chargés d'enseigner la gestion et la direction d'entreprise, aptitudes devenues indispensables pour survivre dans le nouvel environnement.

Dans certains pays, on s'est efforcé de réorienter les structures d'appui aux coopératives pour qu'elles puissent s'adapter aux besoins d'une économie de marché (Hongrie, Russie), tandis que dans d'autres on a fait table rase des anciennes structures communistes (Pologne, et ex-République démocratique allemande). Faute de personnel qualifié capable d'identifier les besoins découlant du nouvel environnement économique, politique et juridique, il a fallu faire largement appel à des consultants et conseillers étrangers qui ne connaissaient pas forcément bien les questions des coopératives ni la problématique locale. Beaucoup d'entreprises collectives ont été démantelées (République tchèque) et transformées en entreprises (pays baltes), mais d'autres sont restées quasiment inchangées (Russie). Après cette transformation, la plupart des coopératives étaient trop faibles pour établir et financer leurs propres systèmes d'aide. Les structures administratives qui n'ont pas été immédiatement touchées par la transformation économique ont continué de fonctionner comme sous le régime communiste, favorisant ou empêchant le développement des «nouvelles» coopératives. En outre, de nombreux fonctionnaires et responsables des anciennes structures communistes d'appui aux coopératives sont restés en place ou ont été réélus à leur poste ce qui, dans les esprits, n'a pas facilité le passage des coopératives à l'économie de marché. Il est important qu'à long terme des services d'appui indépendants, émanant des pouvoirs publics ou des coopératives elles-mêmes, se mettent en place sur le modèle de ceux en vigueur dans les pays industrialisés.

4.3.3 Pays en développement

Dans la plupart des pays en développement, les structures coopératives, et notamment leurs services d'appui, sont encore influencées par leur passé colonial; à cette époque les coopératives étaient placées sous le contrôle et la protection de l'Etat, et n'étaient que des instruments de développement entre les mains des gouvernements.

L'intervention excessive de l'Etat a rendu les coopératives tributaires de l'aide publique, les empêchant de créer leurs propres services d'appui. Les coopératives n'étaient pas censées acquérir leur autonomie ni entreprendre des activités génératrices de revenus – importation, commercialisation, transformation, exportation, notamment de produits agricoles. Après l'indépendance, de nombreuses coopératives ont été créées artificiellement, dans le cadre de programmes gouvernementaux ou par des organisations non gouvernementales, pour servir de tribunes permettant la diffusion de l'information ou pour canaliser l'aide au développement. Aujourd'hui encore, les coopératives puissantes et autonomes restent suspectes aux yeux des gouvernements, surtout si elles se regroupent pour créer leurs propres structures d'appui et défendre leurs intérêts.

Au cours de l'ajustement structurel, pendant la phase de décentralisation et de libéralisation des marchés, les coopératives ont eu la chance de pouvoir se développer en tant que véritables entreprises d'auto-assistance et de conclure des accords de services pour l'organisation d'appui dont bénéficient les coopératives de premier niveau et leurs membres.

Toutefois, dans de nombreux pays, les coopératives sont enfermées dans un cercle vicieux. Après des décennies de surveillance et de mainmise extérieures, elles sont trop faibles pour créer leurs propres structures d'appui. Elles continuent donc de s'en remettre à l'aide extérieure (gouvernement, coopération technique, ONG), ce qui les empêche de développer un esprit d'entreprise et les compétences correspondantes. La situation est encore exacerbée lorsque les services d'aide publics ou externes sont de mauvaise qualité, car les coopératives ne font pas davantage l'effort de créer leurs propres services d'aide.

Education et formation

Pour l'heure, la priorité est à l'éducation et à la formation des membres, des représentants élus, des cadres et des salariés des coopératives. Les centres actuels de formation coopérative, qui fonctionnent presque entièrement grâce à l'aide extérieure, sont insuffisants pour diverses raisons:

Les coopératives pourraient s'efforcer de créer leurs propres centres de formation, même modestes; mais la seule solution à long terme réside dans la fourniture de services d'appui publics et indépendants, et notamment l'élaboration de manuels adaptés et de programmes d'étude des questions coopératives dans les écoles, les centres de formation et les universités. Des résultats positifs ont été obtenus dans certains pays d'Afrique de l'Ouest (Bénin, Burkina Faso, Sénégal) où des cours généraux d'alphabétisation ont été organisés à l'intention des membres de coopératives.

Services consultatifs

Lorsque l'aide de l'Etat leur est progressivement retirée, les coopératives (fédérations et groupements) doivent soit créer leurs propres services d'accès à des conseils à la fois compétents et objectifs, soit acheter ces services sur le marché. Il arrive que des ONG, pendant un temps limité, offrent ces services (SOCODEVI en Côte d'Ivoire) mais, à long terme, ce sont les structures d'aide au sein du mouvement coopératif qui doivent s'en charger.

Services centraux

L'établissement de services d'appui communs peut être source de revenus. Il doit se faire à partir de la base, en affrontant éventuellement la concurrence des entreprises publiques, semi-publiques ou commerciales. Les coopératives peuvent profiter du contexte actuel de l'ajustement structurel, de la libéralisation des marchés et du désengagement de l'Etat et saisir toutes les occasions d'élaborer leurs propres programmes d'auto-assistance. Des organisations centrales efficaces dans le domaine de l'offre, de la transformation et de la commercialisation peuvent devenir le moteur d'un mouvement coopératif fort et indépendant. La coopération internationale entre les coopératives s'avère ici nécessaire (le bureau régional de l'ACI pour l'Afrique de l'Ouest, à Ouagadougou, étudie la possibilité d'ouvrir une bourse coopérative de marchandises en Afrique de l'Ouest).

A long terme, les coopératives des pays en développement devront mettre au point tout l'éventail de leurs propres services centraux.

Instituts de recherche

Les entreprises coopératives des pays en développement doivent avoir accès tant aux résultats de la recherche en matière d'organisation et de gestion qu'à l'innovation technologique. Cependant, il est probable qu'elles ne seront pas en mesure de créer leurs propres centres de recherche avant longtemps et qu'elles devront s'en remettre aux services d'appui organisés et financés par des sources publiques ou extérieures.

L'erreur la plus fréquemment commise, lorsqu'il s'agit de promouvoir des services d'appui aux coopératives au moyen d'une aide publique ou externe, consiste à opter pour des organisations surdimensionnées et coûteuses (collèges coopératifs, centres de services coopératifs, services consultatifs) qui ont tendance à s'effondrer lorsque l'aide se tarit, car elles n'arrivent pas alors à s'autofinancer.

Une autre erreur fréquente consiste à mettre l'accent sur la formation du personnel et des salariés, d'où des effectifs qualifiés que les organisations coopératives n'ont pas les moyens de garder. On a souvent tendance à négliger cet aspect plus modeste de la mise en valeur à long terme des ressources humaines, qui consiste à sensibiliser et à éduquer les membres dans le but de renforcer les unités locales qui sont le fondement d'un mouvement coopératif vigoureux. L'un des secrets de la réussite des coopératives de crédit, un peu partout dans le monde, est qu'elles exigent de leurs membres et de leurs dirigeants qu'ils soient correctement formés avant de s'engager dans toute opération d'épargne et de prêt. Ces quelques dernières années, le bureau régional de l'ACI pour l'Afrique de l'Ouest a systématiquement soutenu ce genre d'initiatives locales en offrant un capital de lancement pour la formation et le recrutement d'animateurs, d'organisateurs et d'enseignants locaux chargés d'appliquer à moindre coût les programmes d'alphabétisation fonctionnelle.

Lorsque l'objectif est d'encourager le développement de coopératives indépendantes, autosuffisantes et autonomes, il convient d'en tenir compte lors de la planification et de la mise en exploitation des services extérieurs d'appui direct aux coopératives. Il faudrait toujours prévoir de réduire progressivement l'aide extérieure tout en introduisant systématiquement des services d'aide financés par le mouvement coopératif ou par d'autres sources neutres (comme les fondations). L'expérience montre qu'il est difficile de réussir cette double démarche et que donateurs et bénéficiaires doivent faire preuve de clairvoyance assortie d'une ferme détermination.

4.4 Pratiques optimales

Les projets de développement des coopératives, qu'ils soient nationaux ou internationaux, peuvent être évalués sur la base d'une série de principes directeurs qui, s'ils sont soigneusement appliqués, vont contribuer à leur bonne réalisation et donc à leur réussite. Ces principes sont notamment les suivants:

5. Rôle des partenaires sociaux

5.1 Organisations d'employeurs

Les coopératives diffèrent des sociétés détenues par les investisseurs – dont sont composées, en majeure partie, les organisations d'employeurs –, principalement par la structure du capital et par la manière dont elles distribuent les bénéfices. La coopérative est une entreprise commune qui exerce une activité pour le bénéfice mutuel de ses membres, lesquels en sont propriétaires et en assument démocratiquement le contrôle. Sa raison d'être est de servir ses membres et non pas de dégager un profit maximum. Elle donne la primauté aux personnes et au travail sur le capital dans la répartition des revenus.

Parallèlement, les coopératives forment partie intégrante du secteur privé et doivent être acceptées dans le monde des affaires. Dans de nombreux pays, elles comptent parmi les plus gros employeurs et sont souvent membres d'associations nationales d'employeurs. Elles partagent souvent, en qualité d'employeurs, des intérêts communs avec les entreprises non coopératives pour ce qui est de leurs relations avec leurs salariés et, sous plusieurs aspects, de leur relation avec les organismes publics.

En essayant de promouvoir des liens commerciaux entre les coopératives et les autres formes d'entreprises, les organisations d'employeurs peuvent contribuer au développement du secteur privé. Les grandes coopératives (comme le Crédit Agricole en France, avec un chiffre d'affaires de 32,3 milliards de dollars E.-U., et la Norinchukin Bank au Japon, avec un chiffre d'affaires de 24,6 milliards de dollars E.-U.) sont à l'évidence des partenaires attrayants pour toutes les formes d'entreprises. Toutefois, il existe toute une série de coopératives qui peuvent être particulièrement intéressantes pour de nombreuses sociétés privées, parce qu'elles sont capables d'effectuer certaines opérations économiques que d'autres types d'entreprises jugent peut-être non rentables ou ne peuvent exécuter, faute d'avoir la structure appropriée. Les coopératives d'épargne et de crédit, par exemple, réunissent de petits montants d'épargne individuelle et du milieu rural (coopératives de crédit rurales un peu partout dans le monde) pour les déposer souvent en bloc dans les banques commerciales, de même qu'elles gèrent les services d'épargne et de prêts des salariés pour le compte de grandes sociétés (c'est le cas des coopératives de crédit du personnel de la British Airways et de la Banque mondiale). La plupart des grands supermarchés dépendent de coopéra-tives d'agriculteurs qui leur fournissent la majeure partie de leurs produits frais, et ce, au niveau élevé de qualité qu'ils réclament. Beaucoup de membres des organisations d'employeurs sont aussi membres de coopératives de distribution et de services, même s'ils ne sont pas tous inscrits conformément à la législation nationale sur les coopératives (comme INTERFLORA, coopérative de fleuristes dont le siège est en Nouvelle-Zélande, Best Western Hotels, coopérative de propriétaires d'hôtels indépendants, la VISA, et LINK ATM qui réalise des opérations pour les instituts financiers). Ce sont des coopératives dont les membres sont d'autres entreprises ou entités publiques qui s'associent pour améliorer leurs résultats et leur compétitivité. Les membres de ces coopératives se sont rendu compte que, en mettant en commun leur pouvoir d'achat pour obtenir des biens et des services, ils pouvaient réduire leurs frais de fonctionnement. D'autres coopératives ont mis leurs services en commun: VEDES et EDEKA, en Allemagne, Nugget Distributors, aux Etats-Unis, et Mousquetaires, en France. Ces coopératives ont été créées par des propriétaires de magasins ou d'hôtels indépendants qui voulaient réaliser des économies d'échelle et améliorer leur pouvoir de négociation en achetant des biens de consommation en grandes quantités ou en organisant des services de tourisme groupés. Les organisations d'employeurs peuvent aussi, à bon droit, promouvoir la formation de coopératives d'achats ou de services groupés, le cas échéant.

La coopérative des cireurs de chaussures de Kampala, en Ouganda, et les coopératives de chauffeurs de taxi en Australie, en Jamaïque, en Nouvelle-Zélande, au Zimbabwe et dans bien d'autres pays sont essentiellement des coopératives de chefs d'entreprise. Des milliers de coopératives de ce type, dans le monde entier, soutiennent les PME de même que les chefs d'entreprise individuels.

Les organisations d'employeurs peuvent, ce qu'elles font, encourager la formation, sur le lieu de travail, de coopératives qui fournissent des services spécifiques: épargne et crédit, logement à loyer modéré, distribution de biens de consommation, garde d'enfants, assurance maladie, etc. En aidant les travailleurs à s'organiser pour se procurer les services dont ils ont besoin, les coopératives peuvent non seulement améliorer la qualité de vie de leurs salariés, mais peuvent permettre aux employeurs d'utiliser plus efficacement et plus sélectivement les ressources qu'eux-mêmes affectent à la fourniture de services sociaux. En outre, les employeurs peuvent créer des liens plus solides entre leurs travailleurs et l'organisation qui les emploie. La promotion des coopératives sur le lieu de travail peut permettre d'accroître la satisfaction au travail et faciliter les relations professionnelles. Parmi les types de coopératives mentionnés ci-dessus, beaucoup peuvent être particulièrement intéressants pour les sociétés qui emploient une main-d'œuvre abondante, semi-qualifiée ou non qualifiée, comme les plantations industrielles, les entreprises textiles ou les compagnies minières. C'est le cas par exemple, des coopératives de logement soutenues par la société SOCAPALM (plantation d'huile de palme) au Cameroun, de la coopérative de crédit créée par les salariés de la mine de diamants Selebi Phikwe au Botswana, des boutiques coopératives de consommateurs gérées par les mineurs en Allemagne, et des crèches gérées par les travailleurs des chemins de fer russes.

Les organisations d'employeurs peuvent contribuer à promouvoir les coopératives en créant des services d'appui dans divers domaines du développement de l'entreprise – information, éducation, formation, conseils en management, et autres services. Elles peuvent également aider les micro-entreprises du secteur non structuré à améliorer leur compétitivité et leur rentabilité, et à acquérir une reconnaissance officielle grâce à la création des coopératives.

Les organisations d'employeurs peuvent aussi participer, de concert avec les organisations de travailleurs et autres groupes d'intérêts, aux comités d'entreprise, aux équipes de travail et autres dispositifs en place aux niveaux central et local pour débattre des questions qui ont une incidence sur le secteur coopératif.

5.2 Organisations de travailleurs

Les organisations de travailleurs et les coopératives de type mutualiste partagent traditionnellement des buts et objectifs communs, voire dans certains pays, une histoire et même des structures organisationnelles communes. Ces organisations de travailleurs et ces coopératives reposent sur les principes de l'auto-assistance, de la démocratie, de l'entraide et de la solidarité mutuelles. Elles s'emploient à résoudre les problèmes de leurs membres par une action de groupe. Dans de nombreux pays européens, les syndicats et les mouvements coopératifs sont nés à la même époque, dans le sillage des bouleversements économiques et sociaux qu'a suscités la révolution industrielle. Toutefois, leurs stratégies sont fondamentalement différentes; en général, les organisations de travailleurs cherchent à améliorer le niveau et la qualité de vie de leurs membres en ayant recours aux pourparlers, à la négociation collective et à la procédure d'arbitrage et de conciliation, tandis que les coopératives organisent des opérations commerciales en mettant les ressources de leurs membres en commun pour leur fournir des services économiques et sociaux groupés (approvisionnement et biens de consommation, services d'épargne et de crédit, filières de distribution, etc.).

En s'efforçant de promouvoir les coopératives, les organisations de travailleurs contribuent à servir les intérêts de leurs membres. Ainsi, les coopératives de consommateurs qui favorisent la vente de produits de bonne qualité à des prix raisonnables viennent directement en aide aux familles à faibles revenus. De même, les coopératives d'habitation sont un moyen d'obtenir un logement de bonne qualité à bas prix. Les coopératives d'épargne et de crédit offrent aux travailleurs la possibilité d'épargner à leur rythme et d'obtenir des prêts à des taux d'intérêts raisonnables. Les mutuelles d'assurances, de santé et de protection sociale œuvrent dans l'intérêt des travailleurs et de leurs familles.

A Singapour, le Congrès national des syndicats (NTUC), qui a créé un réseau important de coopératives – coopérative de consommation au juste prix, coopérative de garantie des revenus, coopérative d'assurance maladie, crèche coopérative –, illustre bien l'action des syndicats en faveur des coopératives. Au Kenya, la plupart des syndicats nationaux soutiennent des coopératives d'épargne et de crédit et ont contribué à la création du Groupement national de coopératives d'habitation (NACHU). En Turquie, la Confédération des syndicats d'ouvriers (TÜRK-IS), première confédération du pays, et ses affiliées ont créé des coopératives de consommateurs (YOL-KOOP) et des groupements coopératifs de logement (KENT-KOOP) dans les années soixante-dix et quatre-vingt.

Aux Philippines(1), on estime à 3000 le nombre de coopératives créées par des syndicats, comme la LEAD-CO-TUCP qui a été fondée par le Congrès philippin des syndicats (TUCP) pour améliorer la vie des familles pauvres de la communauté de Dagat-dagatan, à Culoocan City. Elle aide ses membres à acquérir des logements, à légaliser leur situation auprès de la régie et à s'approvisionner en eau potable. Un autre exemple est la coopérative polyvalente Phelps Dodge (PDP-KBMC), aux Philippines, qui fournit des services de restauration, d'épargne et de crédit ainsi que d'approvisionnement en biens de consommation grâce à une action concertée entre les syndicats et la direction.

Un aspect particulièrement original de l'action coopérative des organisations de travailleurs est celui du rachat par les salariés d'entreprises publiques ou privées en faillite. Au Royaume-Uni(2), le Congrès gallois des syndicats a institué, en 1983, le Centre coopératif du pays de Galles pour aider les chômeurs à créer leur entreprise. La coopérative agricole KASUCO (KWACI), établie aux Philippines(3), en 1991, par les bénéficiaires d'un programme de réforme agraire est le fruit du rachat de la société sucrière par les salariés avec l'aide du Congrès national des syndicats de l'industrie sucrière des Philippines (NACUSIP).

Le Syndicat national des mineurs d'Afrique du Sud (NUM) a créé, pour les mineurs licenciés ou à la retraite, une trentaine de coopératives qui jouent un rôle actif dans l'agriculture, l'horticulture, la fabrication de briques, l'élevage de volailles, etc. Le NUM fait des coopératives un élément moteur de sa stratégie globale de promotion de l'emploi(4).

Les organisations de travailleurs peuvent participer financièrement à l'établissement d'entreprises coopératives. A Singapour, les syndicats sont les principaux actionnaires des coopératives du NTUC. Le Congrès des syndicats du Ghana (GTUC) a ouvert une caisse alimentée par les contributions des membres pour la création de coopératives et autres entreprises. De même le mouvement des travailleurs danois a créé un fonds de financement des coopératives des travailleurs et la Unity Trust Bank, au Royaume-Uni, est une entreprise commune de la Banque coopérative du Royaume-Uni et des syndicats britanniques.

Les organisations de travailleurs peuvent informer, aider, éduquer et former les membres qui souhaitent créer des coopératives. Elles peuvent négocier avec les employeurs pour obtenir le prélèvement automatique des cotisations syndicales destinées à financer les coopératives d'épargne et de crédit; et aussi aider les travailleurs du secteur informel à créer et développer leurs propres coopératives dans le but d'améliorer leurs conditions de travail et d'accroître leurs revenus.

Les organisations de travailleurs peuvent participer, aux côtés des organisations d'employeurs et autres groupes d'intérêts, aux comités d'entreprise, aux équipes de travail et autres dispositifs en place aux niveaux central et local pour débattre des questions qui ont une incidence sur le secteur coopératif.

Les mouvements coopératifs et les organisations syndicales pourraient mettre au point des stratégies communes visant à augmenter les revenus des travailleurs du secteur informel et à leur assurer la sécurité de l'emploi et une protection sociale. Il pourrait s'agir d'organisations coopératives destinées aux travailleurs à domicile, aux marchands ambulants et aux travailleurs occasionnels. Pour l'aspect organisationnel, les coopératives et les syndicats pourraient s'engager à fournir une formation commune à leurs responsables élus, à mettre au point des programmes et du matériel didactique à l'intention des membres et à créer des services financiers communs pour l'épargne, les prêts, l'assurance et les pensions.

5.3 Mouvement coopératif

La création de conditions propices au développement coopératif ne devrait par être un phénomène purement interne. Le mouvement coopératif, fort de ses organisations qui, à divers niveaux, sont directement impliquées dans les activités économiques, peut, dans son propre intérêt, influencer lui-même l'environnement dans lequel il opère. En fin de compte, le succès des stratégies ou programmes de promotion des coopératives dépend de l'engagement, des efforts et des compétences des membres, des cadres, du personnel et des dirigeants, qui sont directement associés au travail et aux activités de la coopérative.

Autrefois, l'objectif premier des coopératives et de leurs membres était avant tout que leurs entreprises prospèrent et soient capables de promouvoir les intérêts de leurs membres. Une fois cet objectif atteint, les mouvements coopératifs ont souvent influencé les politiques et programmes gouvernementaux. Au Japon, par exemple, le mouvement coopératif agricole a réussi à écarter les risques liés à la libéralisation des importations agricoles et, en Inde, les coopératives sucrières ont participé activement à l'élaboration d'une politique nationale pour l'industrie sucrière.

Le nouveau mode de formulation de la politique coopérative de type participatif, lancé par le BIT dans le cadre de son programme COOPREFORM (réforme structurelle pour l'amélioration des politiques et législations de développement coopératif), a beaucoup contribué à associer le mouvement coopératif à l'établissement des politiques et de la législation. Cela montre que, pour accélérer le développement coopératif, les coopératives elles-mêmes doivent s'impliquer activement dans le processus avant de rechercher une aide externe. Elles doivent être conscientes que les partenaires extérieurs (gouvernement, syndicats, etc.) avec lequel elles vont négocier n'apprécieront pas forcément les projets qui tendent à promouvoir les coopératives au rang de véritables puissances économiques (et, partant, politiques) susceptibles d'échapper au contrôle de l'Etat.

Les sociétés coopératives de premier niveau peuvent apporter toute une série de changements dans l'environnement immédiat: diffusion de l'innovation, organisation, administration, prise de décision, technologie. Ce sont souvent les seules institutions à remplir des fonctions aussi importantes que l'approvisionnement en biens de consommation ou l'octroi de services d'épargne et de crédit. Elles peuvent, de ce fait, servir de contrepoids aux monopoles locaux et accroître la concurrence, améliorer la situation des prix et fournir des accès à de nouveaux marchés.

Dans certains pays, certaines sociétés de deuxième et troisième niveau, de même que des organisations faîtières, sont devenues des institutions solides et puissantes (Caisses Desjardin au Canada, Raiffeisen-Genossenschaft en Allemagne, Ligue des caisses populaires du Cameroun, Union nationale des coopératives agricoles au Sénégal). Ces organisations faîtières sont bien placées pour influencer les politiques de promotion des coopératives, aux niveaux régional et national. En créant un mouvement coopératif efficace, elles deviennent moins dépendantes des programmes publics.

6. Transformation de l'organisation des coopératives

6.1 Considérations générales

Un principe fondamental du mouvement coopératif veut que les relations entre les coopératives soient fondées, non sur la rivalité, mais précisément sur la coopération. Avec la mondialisation des marchés et les profondes mutations politiques et économiques qui l'accompagnent, ce principe revêt aujourd'hui une nouvelle dimension. En effet, la collaboration ne peut plus se limiter au cadre restreint d'une région ou d'un pays mais doit se déployer au niveau international. Les entreprises commerciales n'ont souvent d'autre alternative que de croître ou de disparaître. Les coopératives, quant à elles, ont développé une stratégie propre pour faire face à l'intensification de la concurrence et résoudre les problèmes posés par la mondialisation: l'intégration horizontale et verticale, qui permet aux unités de base du système (les coopératives de premier niveau) de rester des entités indépendantes proches de leurs membres, tout en assumant des tâches qui peuvent être exécutées plus efficacement et à moindre coût lorsque plusieurs coopératives se regroupent en une entreprise commune ou délèguent ces tâches à des unités occupant une position plus élevée dans le système. L'intégration permet aux coopératives de conjuguer les atouts que leur donne leur qualité d'organisations locales avec les avantages d'une grande entreprise.

6.2 Les deux formes d'intégration

6.2.1 Intégration horizontale

L'intégration horizontale, c'est-à-dire la collaboration entre coopératives situées sur le même échelon (par exemple, entre coopératives de premier niveau ou entre unions de coopératives), peut prendre différentes formes et être plus ou moins poussée. Les coopératives, par exemple, peuvent constituer un groupe de travail pour assumer une tâche ou réaliser un projet déterminé (plusieurs coopératives d'habitation exploiteront en commun une grande parcelle de terrain ou des coopératives de construction se regrouperont pour participer à un projet qui serait trop vaste pour une seule d'entre elles). Plusieurs coopératives de premier niveau peuvent aussi former une coentreprise à laquelle elles confient l'exécution de certains services (plusieurs coopératives agricoles créeront ensemble une minoterie, une usine de transformation ou une unité de conditionnement qui seront leur propriété commune; en Israël, le groupe Mashbir est détenu et géré par la société de placement Hamashbir, dont toutes les parts sociales appartiennent à Hamashbir Hamerkazy, société coopérative appartenant elle-même à quelque six cents kibboutzim et moshavim; plusieurs coopératives d'habitation s'associeront pour pourvoir aux besoins des plus âgés de leurs membres). L'intégration horizontale peut également revêtir la forme d'une fusion qui peut se réaliser soit par un transfert (une ou plusieurs coopératives transfèrent leurs activités et leurs avoirs à une autre coopérative, opération dont le but est souvent d'éviter la faillite à des sociétés en difficulté), soit par la création d'une nouvelle coopérative (deux coopératives ou plus fusionnent afin de réduire leurs dépenses, de se lancer dans de nouvelles activités ou de renforcer leur position face à la concurrence).

6.2.2 Intégration verticale

L'intégration verticale signifie la mise en place d'un système hiérarchisé, caractérisé par un jeu de relations ascendantes et descendantes. Ce système est constitué par des unités de base (les coopératives de premier niveau) et des unités situées à un échelon supérieur (les fédérations et les unions de coopératives), l'ensemble de l'édifice ayant pour sommet un organe dirigeant ou une organisation faîtière. Le nombre de niveaux d'un système intégré dépend de la taille et du nombre de coopératives de premier niveau, de leur secteur d'activité, de leur zone d'exploitation et, enfin, des besoins auxquels il s'agit de répondre et des coûts. Au sein de ces systèmes intégrés, on peut distinguer deux types d'organisations de niveau supérieur:

Selon les pays, ces deux types d'organisations peuvent être séparés (c'est le cas en Allemagne et au Royaume-Uni) ou former une seule entité (par exemple, en Islande).

6.3 Principales caractéristiques de l'intégration

Les principes coopératifs et les valeurs qui les sous-tendent, tels que définis par l'Alliance coopérative internationale (ACI), doivent se refléter dans le fonctionnement des systèmes intégrés. Dans l'idéal, ces systèmes devraient donc reposer sur ces trois piliers que sont l'adhésion volontaire des sociétaires, leur égalité au sein de l'organisation ainsi que l'indépendance et l'autonomie, et fonctionner selon le principe de subsidiarité, en vertu duquel les unités de la base (d'une manière générale les coopératives de premier niveau) constituent l'élément dynamique et moteur du système. Les unités situées à un échelon supérieur n'exercent certaines activités que lorsque celles-ci ne peuvent être assumées plus efficacement et à moindre coût par les unités de l'échelon inférieur. En outre, elles doivent respecter l'autonomie des échelons inférieurs, leur apporter leur appui, et veiller à ne pas leur faire concurrence.

Il faut cependant savoir que de nombreux groupements de coopératives sont des sociétés qui possèdent un véritable actionnariat, ou diverses formes de filiales de ces sociétés. Etant généralement placées sous le contrôle global des coopératives auxquelles elles appartiennent, elles relèvent en fin de compte d'instances de décision contrôlées par les membres. La Cooperative Bank du Royaume-Uni, par exemple, est une filiale de la Cooperative Wholesale Society, la principale coopérative de consommateurs suédoise gère plusieurs sociétés qu'elle possède en commun avec des coopératives des pays scandinaves voisins, et de nombreuses grandes coopératives agricoles ont des filiales qui gèrent des usines agroalimentaires ou traitent et exportent des produits alimentaires à valeur ajoutée.

6.4 Questions importantes concernant les systèmes intégrés

6.4.1 Systèmes intégrés légalement prescrits ou librement constitués

Il importe de savoir si la loi doit décider du nombre d'échelons que doivent comporter les structures intégrées verticales de coopératives (c'est notamment le cas en Côte d'Ivoire, à Maurice et au Nigéria). Les dispositions légales qui ont à l'encontre des grands principes coopératifs contraignent souvent les coopératives à se doter d'une structure donnée, sans tenir compte ni des besoins réels ni de leur désir, ou de leur capacité, de financer ce type de structures. Une solution plus heureuse consisterait à accorder aux coopératives le droit de se fédérer et de choisir le type d'organisation verticale le plus adapté au contexte économique, social et politique, quitte à y apporter des modifications selon les circonstances.

Affiliation volontaire ou obligatoire

Si l'on se réfère aux principe coopératifs reconnus sur le plan international, il est évident que les coopératives devraient être entièrement libres de s'affilier ou non à des systèmes intégrés. Pourtant, dans bien des pays, la législation impose à chaque coopérative enregistrée de s'affilier à une fédération, à une union ou à une organisation faîtière. Cette affiliation était obligatoire dans les pays communistes, mais cette règle a été abolie après que ceux-ci furent passés à l'économie de marché. Elle est encore en vigueur dans certains pays en développement ainsi que dans certains pays industriels, où l'on fait valoir que les entités de base ont peu de chances de réussir si elles demeurent isolées, et que les coopératives de premier niveau ne peuvent se développer pleinement qu'en devenant membres d'un système intégré. En Allemagne, la loi impose à toute société qui veut se faire enregistrer avec le statut de coopérative de s'affilier à une fédération chargée de vérifier les comptes des coopératives. Chaque coopérative est donc contrainte de s'intégrer dans la structure d'ensemble et de se soumettre tous les ans ou tous les deux ans à une vérification de ses comptes, que seules les fédérations coopératives d'audit sont habilitées à effectuer. De plus, elle est assujettie à une vérification complète (qui comprend notamment un contrôle des résultats) et aux avis d'un organe de conseil, qui sont autant de services très coûteux. En Allemagne, on estime que ces mesures contribuent de manière décisive à la réussite du mouvement coopératif.

Il est possible de mettre sur pied des systèmes intégrés stables, sans pour autant que l'adhésion soit obligatoire, en créant un fonds central d'affectation spéciale auquel chaque coopérative enregistrée sera tenue de verser un pourcentage donné de son excédent annuel net. Ce fonds central servira à financer les activités de l'organisation faîtière (c'est ce qui se passe à Malte et à Singapour).

Une ou plusieurs organisations faîtières au niveau national

Autre question importante: doit-il y avoir dans chaque pays une ou plusieurs organisations faîtières? Si la législation coopérative dispose qu'il ne peut y avoir qu'une seule organisation faîtière, dont elle fixe les objectifs (comme en Indonésie, à Singapour ou en Thaïlande), cette organisation risque de se transformer en une machine bureaucratique au lieu d'être une force mobilisatrice, qui propose à ses membres idées novatrices et nouvelles technologies et représente les intérêts du mouvement coopératif auprès du gouvernement et du grand public. Ce danger est encore plus grand lorsque ces organisations faîtières ne sont pas financées par les coopératives adhérentes (parce que celles-ci en n'ont pas les moyens ou l'intention) et dépendent des subventions publiques ou de donateurs étrangers.

Le concept même de coopération voudrait que l'on se contente d'accorder aux coopératives le droit de se fédérer en laissant les différentes branches du mouvement national décider si elles veulent une ou plusieurs organisations faîtières (comme cela se fait aux Philippines et dans la plupart des pays européens). L'existence sur le plan national de plusieurs organisations faîtières n'exclut nullement un certain nombre d'activités communes, comme le fait d'assurer auprès des pouvoirs publics la représentation des intérêts du mouvement sur des questions qui concernent l'ensemble des coopératives (notamment législation, fiscalité, politique économique). A cet effet, il conviendra de créer un comité ad hoc ou une commission permanente dont la présidence sera assurée à tour de rôle, selon un principe de rotation bisannuelle, par l'une ou l'autre de ces organisations, comme c'est le cas, en Allemagne, du Freier Ausschuss der deutschen Genossenschaftsverbände, ou encore une petite organisation mixte fonctionnant avec un effectif minimum (par exemple, GNC en France).

6.5 Relations entre l'Etat et les systèmes coopératifs intégrés

6.5.1 Pays industrialisés

Les pays industrialisés connaissent depuis longtemps les coopératives, organisations privées, autonomes, fondées sur la solidarité de leurs membres. Aujourd'hui, toutes les organisations, y compris les coopératives, procèdent à des fusions pour pouvoir faire face à la concurrence grandissante qui règne sur le marché mondial. Si le résultat est apparemment positif pour les coopératives agricoles, les coopératives de détaillants et les banques coopératives, on a assisté ces vingt dernières années à la chute de plusieurs grands groupes de coopératives de consommateurs en Autriche, en Belgique, en France et en Hollande. En 1998, la plus importante coopérative de ce type en Allemagne, la Coop Dortmund-Kassel eG, a dû être dissoute.

L'intervention de l'Etat vis-à-vis des fédérations, unions et organisations faîtières coopératives se limite généralement à l'établissement d'un ensemble de règles générales destinées à régir leurs activités, notamment dans le cadre du droit coopératif, du droit des associations et du droit de la concurrence.

Lorsque les coopératives bénéficient du soutien des pouvoirs publics en raison de leur contribution au développement économique et social, on peut trouver un type d'organisation mixte au sein de laquelle l'Etat et les coopératives collaborent afin de parvenir à des objectifs définis conjointement (par exemple l'IDES et le FIDES en France, les CDA au Royaume-Uni).

En tant que représentantes du mouvement coopératif, les organisations faîtières participent en règle générale à l'élaboration des politiques et de la législation concernant les coopératives. Soit elles disposent d'une voix au sein d'organes consultatifs (par exemple le Comité économique et social de l'Union européenne), soit elles font partie d'un conseil coopératif national où l'Etat et le mouvement coopératif sont représentés (c'est le cas, par exemple, en Belgique et en France).

Les systèmes intégrés de banques coopératives sont assujettis à des conditions particulières, chaque banque coopérative étant tenue de se conformer à la législation en vigueur en matière de fonds propres, de liquidités, de garantie des dépôts et de contrôle prudentiel. Dans l'Union européenne, les normes sont très strictes, et les banques coopératives des Etats membres ont adopté des stratégies différentes pour s'y conformer. En Allemagne, les banques coopératives de premier niveau ont procédé à des fusions en transformant les petites banques rurales Raiffeisen ainsi que les banques populaires du milieu urbain en banques régionales. Aux Pays-Bas, la banque nationale RABOBANK a fondé un groupe bancaire coopératif en regroupant des banques coopératives locales qui, tout en conservant une certaine autonomie, sont désormais placées sous sa direction et son contrôle prudentiel. Il existe en France plusieurs groupes de banques coopératives; le système intégré mis en place par le Crédit mutuel comporte trois niveaux: local, régional et national (les coopératives locales sont soumises au contrôle prudentiel de fédérations régionales qui sont elles-mêmes membres de la confédération nationale).

Afin d'éviter que l'Etat n'exerce une influence excessive sur l'évolution du mouvement coopératif, les responsabilités de l'Etat vis-à-vis des coopératives, le droit de celles-ci à l'autonomie et à l'autogestion et le principe de non-discrimination sont habituellement énoncés soit dans la Constitution, soit dans la législation coopérative, soit encore dans les déclarations de politique générale qui fondent cette législation.

6.5.2 Pays en transition

Dans les pays en transition d'Europe centrale et orientale, la question des relations de l'Etat avec les systèmes intégrés de coopératives et les organisations faîtières a une importance particulière. Sous le régime communiste, les organisations faîtières, les fédérations et les unions étaient fortement politisées et placées sous la férule des autorités publiques. Leur structure d'intégration verticale était fixée par la loi ou devait se conformer à un certain modèle, et la plupart de leurs fonctions économiques, tout comme celles des organisations de base, étaient commandées par les objectifs établis par le pouvoir central. Mais c'est surtout dans le choix du personnel et des dirigeants que le poids du Parti et de l'Etat se faisait sentir. Pour pouvoir accéder au rang de président, de directeur ou de gérant d'une organisation coopérative, il fallait en général être fonctionnaire du Parti. Les compétences du chef d'entreprise n'étaient pas les mêmes dans cette économie planifiée que dans une économie de marché.

Après la chute du communisme et de l'économie planifiée, les coopératives de consommateurs et d'habitation, perçues comme de vastes organisations politiques, ont dû, pour survivre, se transformer en coopératives autonomes aptes à fonctionner dans une économie de marché. Il a donc fallu abandonner le système fortement hiérarchisé propre aux bureaucraties politisées au profit d'une organisation solidaire, représentative et démocratique qui puisse répondre aux besoins de coopératives de premier niveau restructurées ou nouvellement créées, exposées, dans une économie libéralisée, à la concurrence des jeunes entreprises commerciales.

Si la Pologne a décidé de dissoudre l'ensemble des fédérations et des unions, n'épargnant que l'organisation faîtière, afin de laisser le champ libre à de nouvelles organisations gérées de manière démocratique, d'autres pays ont essayé de transformer le système mis en place par le régime communiste en vue de promouvoir de nouvelles structures autonomes, adaptées à l'économie de marché et à la satisfaction des besoins, et capables de représenter au mieux les coopératives récemment créées ou restructurées.

Dans tous les cas, il est impératif:

Enfin, il importe, pour l'avenir des systèmes intégrés, que les pouvoirs publics, au lieu d'ignorer les coopératives ou de les désavantager, prennent les mesures nécessaires pour que les fédérations, les unions et les organisations faîtières indépendantes puissent exercer leur activité sur un pied d'égalité avec les entreprises commerciales.

6.5.3 Pays en développement

Dans les pays en développement, autrefois sous tutelle coloniale, les fédérations, les unions et les organisations faîtières de coopératives – pour autant qu'elles fussent autorisées – étaient entièrement contrôlées par les pouvoirs publics. Bien souvent, on ne concevait ni la nécessité de constituer des fédérations ou des unions, ni l'avantage qu'il y aurait à adhérer à de telles organisations. En effet, l'approvisionnement en intrants, la transformation et la commercialisation des produits, le crédit et la formation étaient assurés par des organismes d'Etat ou paraétatiques ou par des entreprises commerciales. La concurrence de puissants rivaux, souvent en situation de monopole, conjuguée à une législation discriminatoire envers les coopératives (par exemple, en Côte d'Ivoire pour l'exportation du café), laissait peu de chances aux coopératives de mettre sur pied avec succès des services centralisés.

En outre, les services offerts dans les pays industriels par les fédérations ou les unions de coopératives (audit, conseil, représentation des intérêts, etc.) étaient et sont encore fournis gratuitement par des organismes gouvernementaux (en Malaisie et en Thaïlande, par exemple), ce qui ne laisse guère de marge de manœuvre aux coopératives pour organiser des services qui devraient, eux, être facturés. Les programmes d'ajustement structurel et la volonté de limiter le rôle de l'Etat dans l'économie conduisent les pouvoirs publics à s'occuper de moins en moins des affaires internes du mouvement coopératif. Dans certains pays, comme le Sénégal, les services chargés de promouvoir et d'encadrer les coopératives ont été dissous, et plusieurs organisations de base de type coopératif ont créé leur propre organisation faîtière avec l'aide d'ONG nationales et internationales. Au Niger, l'organisation faîtière nationale a été dissoute, et des coopératives rurales ont créé leurs propres centres de services avec le soutien des pouvoirs publics et de quelques partenaires extérieurs, dont le PNUD et le BIT. D'autres pays ont maintenu, avec des fonctions purement statutaires, un organisme gouvernemental réduit à sa plus simple expression, la promotion des coopératives étant confiée à un organisme parapublic créé à cette fin (par exemple, ANADER en Côte d'Ivoire). En Indonésie, où les coopératives de développement villageois (KUD) sont placées sous la tutelle d'unions régionales et d'une organisation faîtière nationale, subventionnées par l'Etat, les agriculteurs ont décidé ces dernières années d'explorer une nouvelle voie en créant leurs propres coopératives, fondées sur des principes démocratiques, mais ils n'ont pas encore mis sur pied d'organisation régionale ou nationale.

Il peut arriver que des coopératives habituées depuis des décennies à compter sur les services gratuits de l'Etat se sentent abandonnées lorsque l'Etat se désengage mais, en fait, la plupart du temps, elles en profitent pour aménager leur propre organisation verticale et mettre sur pied des systèmes intégrés indépendants, autofinancés et contrôlés par leurs adhérents. La Kenya Planters Cooperative Union, qui représente les coopératives de producteurs de café et joue un rôle essentiel dans la production nationale de cette denrée, est à cet égard un bel exemple d'organisation faîtière solide. En Afrique occidentale, il est prévu de créer, avec le soutien de l'antenne régionale de l'ACI, une bourse coopérative pour les produits agricoles. En République-Unie de Tanzanie qui, après des années de contrôle étatique, s'efforce de promouvoir l'initiative privée, des associations ont été créées par les producteurs de café, de coton, de tabac, de noix de cajou, etc.

Pendant des années, de gros efforts, financés par l'aide au développement, ont été faits pour renforcer les unions, fédérations et organisations faîtières. Leur succès a généralement été éphémère, sauf lorsque l'on s'est délibérément attaché à promouvoir la création, à l'échelon local, de coopératives de premier niveau solides et durables dans le cadre d'une politique à long terme fondée avant tout sur l'éducation des membres et la formation des dirigeants et du personnel. Souvent, les centres de services mis en place grâce à des financements extérieurs ont bien fonctionné tant que s'est maintenu l'apport de capitaux extérieurs, mais ont ensuite périclité faute pour les coopératives de pouvoir financer leurs frais de fonctionnement, trop lourds. Qui plus est, ces financements extérieurs ont conduit les coopératives de premier niveau ainsi que leurs unions et fédérations à ne pas voir la nécessité de mobiliser leurs propres ressources pour mettre sur pied des structures verticales autofinancées. Elles ont donc tardé à prendre les mesures nécessaires.

En Asie, selon les conclusions d'un atelier organisé par le BIT, beaucoup d'organisations faîtières, même si elles ont joué un rôle important jusqu'ici, sont mal armées pour relever les défis actuels. Structure organisationnelle, dotation en personnel, mode de gestion, activités: tout a été conçu en fonction de systèmes coopératifs financés et contrôlés par l'Etat. Maintenant qu'elles ont pour mission de représenter et promouvoir des coopératives autonomes, où le pouvoir appartient aux membres, il leur faut se réorganiser, se fixer de nouveaux objectifs, et trouver les moyens de parvenir à l'indépendance financière.

Les services d'un système coopératif intégré peuvent être financés de plusieurs façons:

Il n'en demeure pas moins que la survie de nombreuses unions, fédérations et organisations faîtières dépend encore des subventions des pouvoirs publics (c'est le cas, par exemple, du Cooperatives Council au Ghana et de l'EKOPIN en Indonésie).

7. Coopération internationale

7.1 Introduction

Depuis toujours, les coopératives s'efforcent de mettre en place des structures aussi bien horizontales que verticales pour faciliter et renforcer la coopération. La solidarité et l'entraide sont en effet le fondement même du mouvement coopératif, comme l'indique la Déclaration sur l'identité coopérative adoptée par l'ACI. Le sixième principe énoncé dans cette déclaration est le suivant:

C'est en Europe, dès 1860, que la collaboration internationale entre coopératives a pris naissance. Aujourd'hui, dans le nouveau contexte créé par la mondialisation, la place importante qu'occupent les coopératives dans de nombreux pays et le nombre considérable d'adhérents qu'elles rassemblent dans le monde entier rendent cette collaboration plus nécessaire que jamais.

Les organisations qui s'attachent à promouvoir le mouvement coopératif au niveau international peuvent être réparties en quatre grandes catégories: les structures internationales créées par les coopératives; les organismes internationaux qui s'emploient à promouvoir les coopératives pour répondre aux besoins de leurs mandants; les organisations nationales qui œuvrent au développement des coopératives à l'étranger; les réseaux regroupant des personnes physiques ou morales qui fournissent un appui aux coopératives(5).

7.2 Structures coopératives internationales

L'Alliance coopérative internationale (ACI), créée en 1895, est l'organisation faîtière du mouvement coopératif. Elle regroupe, représente et assiste les coopératives du monde entier. Ses membres sont des coopératives nationales et internationales de toutes les branches: agriculture, banque, énergie, industrie, assurances, pêche, logement, tourisme, consommation. L'ACI compte plus de 230 organisations membres représentant plus d'une centaine de pays et plus de 730 millions de personnes.

L'ACI a pour objectif principal d'assurer le développement de coopératives autonomes dans le monde entier. Elle met en œuvre divers moyens, aux niveaux national, régional et international, afin de valoriser et défendre les valeurs et principes coopératifs, de promouvoir le développement de relations économiques et autres mutuellement profitables entre les organisations membres, et de favoriser le progrès économique et social de ses membres et de leurs communautés.

L'ACI organise régulièrement des réunions internationales, régionales et sectorielles, qui permettent aux membres d'échanger des données d'expérience et des informations. Elle se charge également, et c'est une de ses principales activités, de rassembler et de diffuser des informations sur tout ce qui touche au développement, aux ressources et aux statistiques du mouvement coopératif. Le siège genevois de l'ACI dispose d'un centre de documentation, publie des ouvrages et des revues spécialisés et gère sur Internet un site riche en informations qui permet aussi d'accéder à d'autres sites ayant trait aux coopératives(6).

Les bureaux régionaux de l'ACI en Afrique, en Asie et en Amérique latine ont été établis dès les années soixante dans le cadre de programmes d'assistance technique financés principalement par des organisations coopératives des pays développés. En 1993, l'ACI s'est décentralisée, et les coopératives régionales et nationales des trois régions ont créé des assemblées régionales autonomes.

Etant aujourd'hui moins tributaires des donateurs, les bureaux régionaux fonctionnent plutôt comme des réseaux régionaux qui facilitent l'assistance économique et technique à leurs membres. En Asie, par exemple, les principaux partenaires des programmes de développement des coopératives sont les organisations de la région (République de Corée, Inde, Japon, Singapour).

Les bureaux régionaux de l'ACI s'occupent également des questions de politique nationale et régionale. En Afrique et en Asie, ils organisent régulièrement des conférences ministérielles régionales rassemblant ministres et décideurs soucieux de l'avenir des coopératives. En mars 1997, la quatrième conférence pour l'Asie et le Pacifique, qui s'est tenue en Thaïlande, avait pour thème le rôle des coopératives dans un contexte socio-économique en pleine évolution. Dans les conclusions et les recommandations qu'ils ont formulées, les délégués de 22 pays de la région ont défini les domaines dans lesquels il serait souhaitable de procéder à des réformes de manière à rendre les coopératives plus compétitives. En 1999, des conférences ministérielles pour l'Afrique et l'Asie auront lieu respectivement au Swaziland et en Chine.

Etant une organisation non commerciale, l'ACI ne joue pas un rôle très important dans les transactions commerciales entre les coopératives. Par le biais de ses organismes spécialisés cependant, elle peut favoriser le resserrement des liens économiques et techniques et les échanges d'informations sur les coopératives, les marchés, la technologie, les normes des produits, les réglementations, etc., ainsi que les échanges de personnel, d'idées et de matériel de formation. Il existe des organismes spécialisés pour l'agriculture, la production et les services industriels et artisanaux, la consommation, la pêche, le logement, les banques, les assurances, le tourisme, la distribution commerciale, la santé et l'énergie. L'ACI a également constitué des comités spécialisés chargés de diverses questions présentant un intérêt pour l'ensemble du mouvement coopératif à travers le monde, tels que la recherche, les communications, l'égalité des sexes et le développement des ressources humaines.

Quatre des organisations spécialisées de l'ACI sont présentées plus en détail ci-après, à savoir la Fédération internationale des coopératives et mutuelles d'assurances (ICMIF), l'Association internationale des coopératives de banques (ICBA), l'Organisation internationale des coopératives de production et de service industrielles et artisanales (CICOPA) et l'Organisation internationale des coopératives de distribution commerciale (INTERCOOP).

ICMIF

L'ICMIF (Fédération internationale des coopératives et mutuelles d'assurances), fondée en 1922, représente aujourd'hui plus de 240 coopératives et mutuelles d'assurances appartenant à une centaine d'organisations membres réparties dans 61 pays. Elle met en œuvre un programme de développement qui aide les coopératives et les syndicats à créer des services d'assurance coopérative, notamment dans les pays en développement. Elle possède également un service de réassurance ouvert aux coopératives d'assurances du monde entier. Le troisième pilier de cet ensemble, Allnations Inc., qui s'occupait principalement de cautionner les nouvelles coopératives d'assurances ayant besoin d'emprunter, s'emploie aujourd'hui plus activement à aider les services d'assurances.

ICBA

L'ICBA (Association internationale des coopératives de banques) a été fondée en 1922 par des banques coopératives nationales et des institutions financières dans le but d'échanger des informations, de promouvoir la coopération entre banques coopératives, de favoriser la fondation de nouvelles banques coopératives au moyen de conseils et une aide directe, ainsi que de définir et étudier des thèmes d'intérêt commun, tels que la formation du capital ou l'application des valeurs coopératives dans l'activité bancaire.

L'ICBA compte 68 organisations membres dans quarante pays. Sa direction centrale entretient une relation étroite avec l'Association des banques coopératives européennes, établie à Bruxelles, ainsi qu'avec le Conseil mondial des coopératives d'épargne et de crédit (WOCCU) et l'Union internationale Raiffeisen (IRU) dont il sera question plus bas.

CICOPA

Les membres du CICOPA (Organisation internationale des coopératives de production et de service industrielles et artisanales) sont des coopératives de production de différents secteurs: construction, production industrielle, services généraux, transports, activités intellectuelles, artisanat, santé et action sociale. Du fait de la transformation récente de l'économie mondiale, leur nombre a augmenté aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Le CICOPA a aujourd'hui pour membres plus de 70 fédérations de coopératives dans 57 pays. En 1975, le CICOPA estimait à 44000 le nombre de coopératives de production à travers le monde et à six millions celui de leurs adhérents. Au cours des vingt dernières années, ce chiffre a considérablement augmenté jusqu'à avoisiner les 50 millions si l'on inclut les coopératives et d'autres formes d'associations comme celles qui sont appuyées par les Employee Stock Ownership Plans (ESOP) aux Etats-Unis, Industrial Common Ownership Movement Ltd. (ICOM) au Royaume-Uni, et les Sociedades Anonimas Laborales (SAL) en Espagne. La privatisation de l'économie de certains pays a donné un nouvel élan au mouvement coopératif; en Chine, par exemple, de nombreuses entreprises publiques sont actuellement transformées en coopératives ouvrières.

Le CICOPA s'efforce d'établir des liens commerciaux et techniques entre les coopératives de production par l'échange de biens et de services, l'éducation et la formation, notamment des gestionnaires, l'échange de données d'expérience, l'étude de questions propres aux coopératives de production dans tous les pays et la diffusion de recommandations visant à trouver des solutions aux problèmes coopératifs dans le secteur industriel.

INTERCOOP

INTERCOOP (Organisation internationale des coopératives de distribution commerciale), fondée en 1971, est une association regroupant dix fédérations nationales de coopératives de consommateurs de neuf pays (Finlande, Hongrie, Israël, Italie, Japon, Norvège, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède). Elle s'est fixé pour mission de promouvoir les relations commerciales entre ses organisations membres afin d'accroître leur compétitivité sur le marché.

Elle organise l'échange d'informations et de savoir-faire entre les organisations de détaillants, et a constitué dans ce but plusieurs groupes de travail spécialisés. Elle a également mis sur pied un programme d'éducation et de perfectionnement des cadres dirigeants des organisations membres.

Les organisations de commerce de détail membres d'INTERCOOP, auxquelles sont affiliées 2200 coopératives de détaillants, constituent une véritable puissance économique qui influe considérablement sur les marchés nationaux et internationaux. En 1995, les ventes de détail effectuées par les membres d'INTERCOOP dans plus de 22 000 points de vente ont dépassé les 56 milliards d'écus.

Le Conseil mondial des coopératives d'épargne et de crédit (WOCCU), créé en 1971, représente le quatrième niveau du mouvement des coopératives de crédit. Il compte parmi ses membres des associations régionales ou nationales de mutuelles de crédit du monde entier, plusieurs associations de coopératives ainsi que des entreprises commerciales et de services. Il aide les membres à organiser, développer, optimiser et intégrer les coopératives de crédit et les institutions associées afin d'en faire des instruments efficaces du développement économique et social. En 1997, le WOCCU représentait 85 mouvements nationaux de coopératives de crédit comptant environ 90 millions de membres.

Le WOCCU sert de forum pour l'échange d'idées et d'informations, fournit des services à ses membres, les aide à se développer, représente leurs intérêts et s'efforce d'étendre à des secteurs dans lesquels il y a un besoin réel et une demande effective les services financiers que peuvent proposer les coopératives de crédit.

En outre, le WOCCU coordonne régulièrement des réunions pour étudier l'évolution du rôle et des besoins des mutuelles d'épargne et de crédit et représente les intérêts de leur mouvement auprès des institutions nationales et internationales. Le Forum international des coopératives d'épargne et de crédit, qui se réunit tous les trois ans, donne l'occasion à des participants du monde entier d'examiner diverses questions et tendances importantes et d'échanger idées et informations. Le WOCCU fournit des services techniques et des services liés au développement, notamment la conception et la mise en œuvre de programmes à long terme de développement institutionnel, ainsi que de projets à court terme d'assistance technique et de formation. Il aide également les membres à mobiliser des ressources humaines et financières. Il exécute actuellement des projets à long terme pour le développement des coopératives de crédit en Afrique, en Asie, dans les Caraïbes, en Amérique du Sud et en Amérique centrale, et en Europe centrale et orientale.

Les organisations de coopératives de crédit fournissent aujourd'hui une assistance internationale directe, souvent en collaboration avec les programmes gouvernementaux. L'Allemagne, l'Australie, le Canada (anglophone et francophone), la République de Corée, les Etats-Unis et la France sont les pays les plus actifs dans ce domaine.

L'Union internationale Raiffeisen (IRU) a été créée en 1968 à l'occasion du 150e anniversaire du mouvement Raiffeisen. Ne souhaitant pas entrer en compétition avec les organisations coopératives internationales déjà présentes, elle a choisi de se contenter de faire connaître les idées de F.W. Raiffeisen(7) et de faciliter les échanges d'idées et de données d'expérience entre les coopératives qui adhèrent à la philosophie et aux principes du père du mouvement. Elle entretient des contacts avec d'autres associations internationales de coopératives ainsi qu'avec des organismes intergouvernementaux qui soutiennent les coopératives, mais elle n'a ni activités de développement ni activités économiques. Elle s'est fixé pour mission de représenter le système coopératif international Raiffeisen auprès du public, de fournir des informations et de la documentation à ses membres et de faciliter entre eux les échanges de données d'expérience. Elle a pour membres les organisations nationales Raiffeisen de 44 pays.

Structures coopératives internationales actives sur le plan régional

Un certain nombre de structures coopératives internationales n'opèrent qu'au niveau régional. Elles fonctionnent surtout comme des groupes de pression mais sont également en mesure de faciliter les activités économiques intrarégionales.

Parmi les plus importantes de ces organisations figurent les neuf groupes de pression du secteur coopératif de l'Union européenne qui représentent les domaines suivants: agriculture, banque, assurance, produits pharmaceutiques, logement, tourisme, commerce, plus les coopératives ouvrières et de consommateurs.

La Confédération européenne des coopératives de production et de travail associé, des coopératives sociales et des entreprises participatives (CECOP), fondée en 1979, regroupe près de 60000 entreprises employant 1,5 million de travailleurs(8) entre lesquels il assure une liaison permanente, et dont il coordonne et soutient les projets.

Euro Coop, la Communauté européenne des coopératives de consommateurs, a été créée en 1957. Elle intervient auprès des institutions européennes à titre de conseiller et d'expert pour promouvoir les intérêts des consommateurs, qu'elle se charge de représenter au sein des nombreux comités consultatifs mis en place par la Commission européenne, notamment le Comité du commerce et de la distribution, le Comité de coordination des associations coopératives européennes, le Comité consultatif des coopératives, mutuelles, associations et fondations ainsi que le Comité des consommateurs.

En ce qui concerne les mutuelles de crédit, le mouvement coopératif a créé des confédérations régionales qui sont affiliées au WOCCU. Il s'agit notamment de la Confédération des coopératives d'épargne et de crédit d'Asie (ACCU, pour l'Asie et la région du Pacifique), de l'Association des coopératives d'épargne et de crédit d'Afrique (ACECA), de la Confédération des coopératives d'épargne et de crédit des Caraïbes (CCCU) et de la Confédération latino-américaine des coopératives d'épargne et de crédit (COLAC). Dans cette dernière région, l'Organisation des coopératives d'Amérique (OCA) et la Confédération des coopératives des Caraïbes et d'Amérique centrale (CCC-CA) fédèrent les mouvements coopératifs nationaux qui, dans leurs pays respectifs, représentent les coopératives les plus diverses.

Par ailleurs, des organisations nationales mises en place par les sociétés coopératives de certains secteurs ont créé des antennes régionales chargées de les représenter et de fournir certains services. Un exemple en est la Confédération latino-américaine de coopératives de travailleurs (COLACOT).

En Afrique et dans la région Asie Pacifique, ce type d'organisation est plus rare. En Asie occidentale et en Afrique du Nord, les organisations coopératives nationales et autres sont regroupées au sein de l'Union des coopératives des pays arabes. En ce qui concerne l'Asie et le Pacifique, des organisations nationales et autres de la sous-région ANASE ont créé une organisation coopérative sous-régionale. Les organisations des pays de l'ASACR ont étudié la possibilité de constituer elles aussi une organisation sous-régionale de ce type. On n'en trouve pas d'autres exemples dans les autres parties d'Afrique, pas plus qu'en Asie orientale et dans les pays du Pacifique, même s'il existe des réseaux internationaux qui incluent des coopératives et des institutions de promotion des coopératives9.

7.3 Structures internationales d'aide au développement des coopératives

Divers organismes internationaux s'occupent des coopératives et soutiennent leur développement sans avoir été créés par les coopératives elles-mêmes. Ce sont des organisations intergouvernementales (Nations Unies et institutions spécialisées, Union européenne, institutions internationales et régionales de crédit) ou non gouvernementales (organisations comme la Fédération internationale des producteurs agricoles (FIPA), l'Organisation afro-asiatique pour la reconstruction rurale (OASRR), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) ainsi que d'autres syndicats). Ces organisations internationales favorisent l'essor du mouvement coopératif, dans lequel elles voient un moyen de subvenir aux besoins et d'améliorer la situation socio-économique de leurs mandants ou de groupes déterminés, notamment dans les pays en développement.

Si le système des Nations Unies(9) ne comporte pas d'unité s'occupant exclusivement des coopératives, l'Assemblée générale, le Conseil économique et social, et le Département de la coordination des politiques et du développement durable ainsi que plusieurs institutions spécialisées (FAO, BIT) travaillent avec les coopératives depuis des années et ont créé des services chargés de leur développement.

Au BIT, le Service des coopératives, dont les origines remontent à 1920, gère un vaste programme d'activités: fourniture de services consultatifs, recherches, publications, organisation de réunions internationales et de réseaux, coordination de programmes et de projets de coopération technique régionaux et interrégionaux. Parmi ces derniers, citons le programme COOPREFORM, qui vise à promouvoir une législation propice au développement des coopératives, COOPNET, qui s'occupe de la valorisation des ressources humaines, et INDISCO, qui aide les communautés indigènes et tribales.

A l'ONU, le Département de la coordination des politiques et du développement durable comprend un centre de coordination pour les coopératives. Il appartient à ce département de porter à l'attention des secteurs intéressés du système des Nations Unies et, le cas échéant, d'organismes intergouvernementaux, le lien entre les activités des coopératives et les domaines de leur ressort. Tous les deux ans, le département prépare, en collaboration avec le Comité pour la promotion de l'action coopérative (COPAC), le rapport sur les coopératives que le Secrétaire général des Nations Unies présente à l'Assemblée générale.

Depuis les années cinquante, l'Assemblée générale et le Conseil économique et social ont adopté un certain nombre de résolutions et de recommandations concernant les coopératives. Par exemple, la résolution A/RES/51/58, adoptée par l'Assemblée générale en 1996, engage les gouvernements ainsi que les organisations internationales et les institutions spécialisées compétentes, en collaboration avec les organisations coopératives nationales et internationales, à prendre dûment en compte le rôle que peuvent jouer les coopératives en matière de développement économique et social, à exploiter dans ce but leur contribution et leur potentiel, et à faire le nécessaire pour garantir leur essor. Elle encourage en outre les gouvernements à réexaminer les dispositions juridiques et administratives régissant les activités des coopératives afin de créer un climat favorable à leur développement. Le Secrétaire général est prié, dans cette résolution, de continuer à appuyer les buts et les objectifs du mouvement coopératif et de déterminer, en coopération avec le Comité pour la promotion de l'aide aux coopératives, s'il est opportun et faisable d'élaborer des directives des Nations Unies de manière à créer un environnement propice au développement des coopératives.

Cette année, le rapport du Secrétaire général sur les coopératives passe en revue les initiatives gouvernementales visant à garantir que le cadre juridique et administratif régissant les activités des coopératives assure à celles-ci un environnement favorable, de telle sorte qu'elles puissent contribuer à la réalisation des objectifs de développement national et à la satisfaction des besoins fondamentaux de la personne. Le rapport note que, ces dernières années, l'Allemagne, l'Autriche, la Bosnie-Herzégovine, le Burkina Faso, le Canada, les Fidji, la Finlande, la Grèce, l'Islande, l'Italie, la Jordanie, Maurice, le Portugal, Singapour, la Slovénie, le Viet Nam et la Yougoslavie ont modifié le cadre juridique et administratif applicable aux coopératives, et devraient bientôt être imités par le Bangladesh, le Chili, le Ghana et le Maroc.

Le COPAC (Comité pour la promotion de l'action coopérative) a été créé en 1971. Ce comité interinstitutions réunit des représentants du mouvement coopératif, des organisations d'agriculteurs et de travailleurs et des Nations Unies et de leurs institutions spécialisées. L'ONU, la FAO, le BIT et trois organisations non gouvernementales (ACI, WOCCU, FIPA) comptent aujourd'hui parmi ses membres.

Les membres du COPAC s'attachent à promouvoir et coordonner un développement durable du mouvement coopératif par divers moyens (dialogue sur les politiques, coopération technique, collecte et diffusion d'informations). Ils se réunissent deux fois par an, et organisent en outre des séminaires ou d'autres types de réunion pour étudier certains thèmes intéressant les coopératives.

Comme suite à la résolution A/RES/51/58 mentionnée plus haut, le COPAC a entrepris l'élaboration d'un projet de directives pour le développement des coopératives. Ces directives contiennent une série de recommandations dont il conviendra de tenir compte pour définir une politique applicable aux coopératives et au mouvement coopératif. Elles ont trait notamment à la reconnaissance publique du mouvement, aux dispositions juridiques, judiciaires et administratives, à la recherche, aux statistiques et à l'information, à l'éducation, à la fourniture de fonds publics et à la mise en place d'un dispositif institutionnel régissant les modalités de collaboration et de partenariat.

La version définitive des directives figure aujourd'hui en annexe au rapport du Secrétaire général. Elles seront soumises pour examen et éventuelle adoption à l'Assemblée générale, à sa 54e session (automne 1999).

7.4 Organisations nationales actives au niveau international

Un certain nombre d'organismes nationaux, gouvernementaux ou non, servent la cause des coopératives et leur fournissent des services sur le plan international. Les structures non gouvernementales ne font pas nécessairement partie du mouvement coopératif.

Dans la quasi-totalité des pays de l'OCDE, les gouvernements subventionnent les organismes de développement des coopératives présents sur leur territoire afin de contribuer à l'essor du mouvement coopératif dans les pays en développement. En 1994, des organismes de développement des coopératives d'Australie, de Belgique, du Canada, du Danemark, des Etats-Unis, de Finlande, de France, d'Italie, du Japon, de Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de Suède et de Suisse ont bénéficié à la fois de subventions publiques et des fonds collectés par le mouvement coopératif national.

Nombre d'organisations nationales créées par des associations coopératives dans les pays industrialisés possèdent un service ou un département chargé de promouvoir l'essor de la coopération dans les pays en développement: Fondation de la Rabobank (organe de développement de la banque coopérative des Pays-Bas), Canadian Cooperative Association (CCA), Centre suédois pour les coopératives, Société royale de Norvège pour le développement, Union des coopératives de consommation et Institut des coopératives de consommation du Japon, Développement International Desjardins (DID) au Canada, Conseil international des coopératives de consommation (CONSUMINTER) en Fédération de Russie, Crédit mutuel en France, Legacoop en Italie et, aux Etats-Unis, National Cooperative Business Association (NCBA) et ACDI/VOCA(10). La NCBA, fondée en 1916, représente plus de 40 000 coopératives dont les activités se déploient dans plusieurs domaines: approvisionnements agricoles, commercialisation des produits agricoles, assurance, banque, habitat, soins de santé, biens de consommation et services au consommateur, éducation, mutuelles de crédit, industries manufacturières, pêche, électricité rurale, téléphone, associations de fonctionnaires, etc. Elle s'est fixé pour mission d'élargir les activités des coopératives, aux Etats-Unis et à l'étranger, de représenter l'ensemble du mouvement auprès des organismes gouvernementaux nationaux et internationaux et de promouvoir les activités commerciales et la collaboration entre les coopératives des Etats-Unis et celles d'autres pays.

Il existe également, à l'échelon national, un certain nombre de structures qui n'ont pas été constituées par les coopératives elles-mêmes, mais dont les activités et les programmes de développement sont néanmoins axés sur les coopératives. Il peut s'agir aussi bien d'églises et d'organisations caritatives que d'établissements nationaux de formation ayant une activité mondiale. On peut citer à titre d'exemple la Fondation Plunkett, qui concentre son attention sur les entreprises d'auto-assistance et les activités commerciales axées sur les personnes, des fondations allemandes à caractère politique (comme les fondations Konrad-Adenauer et Friedrich-Ebert), des instituts nationaux comme l'Institut de la Histadrout en Israël, le Collège coopératif de Moshi, en République-Unie de Tanzanie, l'Institut de gestion rurale d'Anand, en Inde, ou encore l'Institut supérieur panafricain d'économie coopérative (ISPEC) au Bénin. Le Service des coopératives du BIT collabore étroitement avec ces organisations ainsi qu'avec d'autres.

7.5 Réseaux internationaux au service des coopératives

Un grand nombre de réseaux régionaux et internationaux, de composition variée, s'attachent aussi à promouvoir les coopératives(11). La plupart d'entre eux centrent leur activité sur le développement des ressources humaines, domaine qui englobe la recherche, la formation et l'éducation ainsi que la collecte et la diffusion d'informations. Ils ont pour membres des particuliers ou des institutions. Ce sont le plus souvent des structures ouvertes et informelles dont les membres peuvent travailler dans d'autres domaines que le secteur coopératif, comme les syndicats ou les services publics. Les coopératives elles-mêmes cherchent souvent, par leur intermédiaire, à créer des liens avec d'autres institutions ou d'autres types d'entreprise.

Le Centre interdisciplinaire de recherche et d'information sur les entreprises collectives (CIRIEC) offre un exemple de ce type de réseau international. Les activités de cette institution, créée à Genève en 1947, sont essentiellement liées au mouvement coopératif et à l'économie publique et s'appuient sur des commissions nationales (en Europe, en Argentine, au Canada et au Japon). L'échange des idées et des résultats de recherches est facilité par des publications, des revues et des réunions nationales et internationales.

Parmi les organismes de recherche transnationaux qui sont au service des coopératives, il convient de citer l'Association des instituts universitaires pour une science coopérative (AGI), fondée en 1968 par dix instituts germanophones d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse. La plupart des instituts membres sont directement financés par des associations coopératives mais sont rattachés à une université. L'AGI développe la science coopérative et l'enseignement universitaire y relatif, et organise des congrès internationaux qui permettent aux chercheurs du monde entier de se communiquer des informations.

Parmi les réseaux internationaux qui se consacrent à la recherche, à la formation et à l'échange d'informations, figurent l'IRED et l'Université internationale des coopératives (UIC). Ils réunissent des ONG, des associations et des groupes d'auto-assistance, des églises et des organismes de développement, et sont très présents en Afrique francophone. Ce type d'organisation à composition diversifiée existe également au niveau régional. Le Réseau d'appui du développement des capacités pour les coopéra-tives (RADEC-COOP), en Afrique occidentale, en est un exemple, au même titre que l'Association latino-américaine des centres d'éducation coopérative (ALCECOOP) et, en Asie, le Réseau régional pour le développement des coopératives agricoles, appuyé par la FAO.

 


Notes

1. BIT: Rapport d'un séminaire/atelier sur les coopératives et les organisations de travailleurs, 3-7 mars 1997, Manille-Philippines (non publié).

2. W. Watson: «Involvement of trade union in the United Kingdom», Review of international cooperation, vol. no 1/1997 (Genève, ACI, 1997).

3. BIT, op. cit.

4. Schwettmann: Cooperatives and employment in Africa (BIT, Genève, 1997).

5. G. Ullrich: «International organizations and structures in the service of cooperatives», Journal of cooperative studies, mai 1997.

6. http://www.coop.org.

7. Friedrich Wilhem Raiffeisen (1818-1888) est généralement reconnu dans le monde entier comme le fondateur du système coopératif.

8. Voir http://www.cecop.org.

9. M. J. Von Muralt: «United Nations system and cooperatives», dans l'ouvrage publié sous la direction de E. Dulfer, op. cit., p. 898.

10. L'ACDI/VOCA est le fruit de la fusion, en 1997, d'Agricultural Cooperative Development International et de Volunteers in Overseas Cooperative Assistance. Il s'appuie sur un réseau de coopératives agricoles et de banques coopératives de crédit agricole et est affilié au National Council of Farmer Cooperatives ainsi qu'au Farm Credit Council. Les coopératives agricoles des Etats-Unis ont créé ces deux organismes, ACDI et VOCA, dans les années soixante afin de promouvoir la coopération internationale et d'améliorer le niveau de vie des populations. L'ACDI/VOCA, actif dans une centaine de pays, a des bureaux dans une trentaine d'entre eux.

11. Ullrich, op. cit.

Chapitre III

Conclusions

Proposition

Il est proposé de réviser la recommandation no 127 afin d'établir un cadre approprié pour la promotion des coopératives au XXIe siècle. Ce cadre doit être d'application universelle et être adapté à la nature des coopératives, organisations privées dont les membres détiennent la propriété. Il doit tenir compte de la nécessité qu'elles opèrent dans un environnement concurrentiel et qu'elles préservent leur identité, vu le rôle qu'elles ont à jouer aussi bien sur le plan économique que dans la société civile. Il s'agit de trouver la meilleure manière de définir ce cadre.

Changements influant sur les coopératives et leur potentiel futur

Le rapport décrit les nombreux changements qui influent de différentes manières sur les coopératives – dans le monde en développement, dans les économies en transition et dans les pays industriels. Les coopératives ont réagi diversement à cette évolution radicale de leur environnement: certaines ont disparu, d'autres prospèrent. L'avantage pour une nation de pouvoir compter sur des coopératives puissantes, parmi d'autres formes d'organisations privées, et le rôle constructif qu'elles peuvent jouer dans la vie économique et dans la société civile ont été mis en avant; l'accent a notamment été mis sur leur capacité de créer des emplois et de préserver ceux qui existent, de promouvoir l'esprit d'entreprise et la création de richesses et de fournir des services sociaux d'autant plus appréciables que l'Etat est de moins en moins à même de les assurer.

Le nouveau rôle de l'Etat vis-à-vis des coopératives

Il s'agit de définir la manière dont l'Etat pourra le mieux promouvoir la croissance et la prospérité des coopératives à l'avenir. La révision de la recommandation no 127 pourrait être un excellent moyen d'encourager l'adoption de politiques plus efficaces. En particulier, les gouvernements pourraient envisager d'adopter des politiques:

Cadre législatif

Le cadre législatif doit tenir compte de la primauté des intérêts des membres des coopératives, de l'autonomie de celles-ci, des intérêts légitimes de la collectivité ainsi que de la conjoncture politique, sociale et économique dans le pays considéré. Dans beaucoup de pays, le marché tend à remplacer l'Etat dans son rôle de moteur de la croissance et du développement, ainsi qu'en témoignent les politiques de déréglementation, de privatisation et de libéralisation qui ont été adoptées presque partout dans le monde. Le contexte mondial actuel donne aux coopératives une chance réelle d'opérer sur la base de valeurs et de principes internationalement acceptés. Cela peut se refléter dans une législation propre à permettre aux coopératives de lutter désormais à armes égales avec les autres entreprises.

Promotion des coopératives

La meilleure façon de promouvoir les coopératives consiste probablement à créer un environnement favorable à leur développement. Cela suppose notamment de permettre aux coopératives, chaque fois que cela est possible, d'organiser leurs propres services de soutien en évitant que des services parallèles ou concurrents ne soient offerts par des institutions publiques ou subventionnées.

L'éducation et la formation des membres, de leurs représentants élus, des gestionnaires et des employés non seulement sur le plan technique, mais aussi en ce qui concerne les règles, les avantages et les moyens de rendre la coopération efficace, sont d'importance cruciale; dans la plupart des cas, c'est dans ce domaine qu'il est le plus utile d'aider les coopératives.

Les organisations d'employeurs, les organisations de travailleurs ainsi que les pouvoirs publics peuvent collaborer avec les coopératives pour promouvoir leurs intérêts mutuels. On possède déjà une expérience précieuse sur ce plan mais il reste à définir plus précisément les moyens les plus efficaces de promouvoir cette collaboration.

Changements structurels

La tendance mondiale à un regroupement des petites coopératives locales en réaction à la politique de fusion et d'acquisition de leurs concurrents semble appelée à se poursuivre. Cette évolution paraît souvent indispensable pour mettre en place des systèmes coopératifs intégrés verticalement, y compris des systèmes transfrontières. Pour que cette intégration donne les meilleurs résultats, il faut que les coopératives soient libres de se fédérer comme elles l'entendent et de définir elles-mêmes leurs structures. On a désormais conscience de la nécessité de mettre en place des systèmes coopératifs intégrés pour combler le vide laissé par la disparition des entreprises d'Etat et par la réduction progressive de la participation directe de l'Etat dans les coopératives. Plus les coopératives de base s'agrandissent et se professionnalisent, et moins elles ont le besoin et l'envie de payer les services d'unions ou de fédérations coopératives régionales. En conséquence, la fusion de coopératives du premier niveau entraîne une réduction du nombre de sociétés des deuxième et troisième niveaux, ce qui aboutit souvent à une structure à un seul niveau.

On fait valoir que les coopératives devraient être placées dans une situation qui leur permette de considérer leur nouvel environnement comme une chance et non comme une menace. Les économies de marché, libérales, déréglémentées, devraient offrir de nouvelles possibilités à toutes les entreprises, y compris les coopératives. Cela dit, plus une économie est déréglementée et plus les valeurs et les principes qui sont à l'origine des coopératives prennent de l'importance. Les coopératives doivent donc faire ressortir leurs avantages comparatifs en soulignant qu'elles représentent une alternative face aux entreprises dont l'objectif principal est de rapporter le plus d'argent possible à leurs actionnaires.

Liens internationaux et appui au développement des coopératives

Il faudrait s'attacher à resserrer les liens entre les institutions et organismes nationaux et internationaux qui s'emploient à promouvoir le développement des coopératives afin de garantir une bonne synergie et de permettre aux coopératives d'optimiser leur vaste potentiel de création d'emplois et de revenus.

L'OIT, dont la spécificité est d'avoir une structure tripartite, pourrait encore renforcer ses activités visant à favoriser la création d'emplois par les entreprises coopératives:

Questionnaire

Le questionnaire vise à réunir des informations en donnant la possibilité aux institutions membres de l'OIT de décrire ce qu'elles ont fait pour promouvoir les coopératives, afin que leur expérience puisse être prise en compte pour la révision de la recommandation no 127.

Bibliographie

 Annexe

Alliance coopérative internationale
Déclaration sur l'identité coopérative

Définition

Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d'une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement.

Valeurs

Les valeurs fondamentales des coopératives sont la prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles, la démocratie, l'égalité, l'équité et la solidarité. Fidèles à l'esprit des fondateurs, les membres des coopératives adhèrent à une éthique fondée sur l'honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale et l'altruisme.

Principes

Les principes coopératifs constituent les lignes directrices qui permettent aux coopératives de mettre leurs valeurs en pratique.

Premier principe: adhésion volontaire et ouverte à tous

Les coopératives sont des organisations fondées sur le volontariat et ouvertes à toutes les personnes aptes à utiliser leurs services et déterminées à prendre leurs responsabilités en tant que membres, et ce sans discrimination fondée sur le sexe, l'origine sociale, la race, l'allégeance politique ou la religion.

Deuxième principe: pouvoir démocratique exercé par les membres

Les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent activement à l'établissement des politiques et à la prise de décisions. Les hommes et les femmes élus comme représentants des membres sont responsables devant eux. Dans les coopératives de premier niveau, les membres ont des droits de vote égaux en vertu de la règle – un membre, une voix –; les coopératives d'autres niveaux sont aussi organisées de manière démocratique.

Troisième principe: participation économique des membres

Les membres contribuent de manière équitable au capital de leurs coopératives et en ont le contrôle. Une partie au moins de ce capital est habituellement la propriété commune de la coopérative. Les membres ne bénéficient habituellement que d'une rémunération limitée du capital souscrit comme condition de leur adhésion. Les membres affectent les excédents à tout ou partie des objectifs suivants: le développement de leur coopérative, éventuellement par la dotation de réserves dont une partie au moins est impartageable, des ristournes aux membres en proportion de leurs transactions avec la coopérative et le soutien d'autres activités approuvées par les membres.

Quatrième principe: autonomie et indépendance

Les coopératives sont des organisations autonomes d'entraide, gérées par leurs membres. La conclusion d'accords avec d'autres organisations, y compris des gouvernements, ou la recherche de fonds à partir de sources extérieures, doit se faire dans des conditions qui préservent le pouvoir démocratique des membres et maintiennent l'indépendance de leur coopérative.

Cinquième principe: éducation, formation et information

Les coopératives fournissent à leurs membres, leurs dirigeants élus, leurs gestionnaires et leurs employés l'éducation et la formation requises pour pouvoir contribuer effectivement au développement de leur coopérative. Elles informent le grand public, en particulier les jeunes et les leaders d'opinion, sur la nature et les avantages de la coopération.

Sixième principe: coopération entre les coopératives

Pour apporter un meilleur service à leurs membres et renforcer le mouvement coopératif, les coopératives œuvrent ensemble au sein de structures locales, nationales, régionales et internationales.

Septième principe: engagement envers le milieu

Les coopératives contribuent au développement durable de leur communauté dans le cadre d'orientations approuvées par leurs membres.

 Questionnaire

Conformément à l'article 12, paragraphe 3, de la Constitution de l'OIT et à l'article 39 du Règlement de la Conférence internationale du Travail, les gouvernements des Etats Membres sont invités à consulter les organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives ainsi que les organisations coopératives avant d'arrêter définitivement leurs réponses, lesquelles devront parvenir au Bureau international du Travail le 1er juin 2000 au plus tard.

I. Forme de l'instrument international

1. La Conférence internationale du Travail devrait-elle adopter un nouvel instrument international concernant la promotion des coopératives?

2. Dans l'affirmative, cet instrument devrait-il prendre la forme d'une recommandation?

II. Préambule

3. L'instrument devrait-il comporter un préambule mentionnant:

III. Objectif, champ d'application et définition

4. L'instrument devrait-il viser à promouvoir le potentiel important des coopératives dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, d'aider leurs membres à:

5. L'instrument devrait-il s'appliquer à toutes les catégories et formes de coopératives et à tous les secteurs économiques et sociaux dans lesquels opèrent des coopératives?

6.1 Le cadre d'une définition figurant dans la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966, reste-t-il d'actualité et est-il approprié(1)? Dans la négative, quelle définition faudrait-il donner des coopératives?

6.2 Une définition des coopératives devrait-elle continuer de relever de la législation et de la pratique nationales ou devrait-elle être incluse dans l'instrument?

7. L'instrument devrait-il encourager la promotion et le renforcement de l'identité des coopératives sur la base des spécificités suivantes(2):

8. L'instrument devrait-il encourager l'adoption de mesures pour permettre aux coopératives de répondre aux besoins des groupes sociaux défavorisés? Dans l'affirmative, en quoi devraient consister ces mesures?

IV. Rôle des gouvernements, des organisations d'employeurs et de travailleurs et des organisations coopératives et relations entre eux

9.1 L'instrument devrait-il prévoir le rôle suivant des gouvernements dans la promotion et la réglementation des coopératives:

9.2 L'instrument devrait-il prévoir toute autre responsabilité des gouvernements pour la promotion et la réglementation des coopératives? Dans l'affirmative, prière de préciser.

10. Les organisations d'employeurs devraient-elles être encouragées à:

11. Les organisations de travailleurs devraient-elles être encouragées à:

12. Les organisations coopératives, et en particulier les unions et fédérations, devraient-elles être invitées à:

V. Cadre politique

13.1 L'instrument devrait-il recommander la promotion des coopératives volontaires et indépendantes en tant qu'un des objectifs du développement économique et social national?

13.2 Ces coopératives, les autres entreprises et les organisations sociales devraient-elles être traitées sur un pied d'égalité?

14.1 Les politiques des Etats Membres devraient-elles inclure, tel que recommandé dans les normes internationales existantes, des mesures visant à:

14.2 L'instrument devrait-il également recommander des mesures visant à:

VI. Mesures d'application des politiques de promotion des coopératives

A. Législation

15. Est-il souhaitable que les Etats Membres adoptent une législation spéci-fique aux coopératives et révisent périodiquement cette législation? Dans l'affirmative, est-il souhaitable que cette législation reconnaisse expressément les caractéristiques des coopératives examinées dans la question 7 ci-dessus?

16. L'instrument devrait-il recommander que soient consultées les organisations d'employeurs et de travailleurs concernées, ainsi que les organisations coopératives pour la formulation de la législation coopérative?

B. Création de services d'appui aux coopératives

17.1 Un ensemble de services d'appui aux coopératives propres à accroître leur viabilité économique et leur capacité de créer des emplois et des revenus devrait-il être disponible?

17.2 Dans l'affirmative, cet ensemble de services devrait-il comprendre les éléments suivants:

17.3.1 L'ensemble des services d'appui mentionnés ci-dessus devraient-ils être financés en principe par les organisations coopératives elles-mêmes?

17.3.2 Si ce financement n'est pas considéré comme approprié ou au cas où il ne serait pas actuellement réalisable, de quelle manière serait-il assuré?

18. L'instrument devrait-il recommander des mesures pour assurer un meilleur accès des coopératives au financement de leurs investissements et au crédit? Dans l'affirmative:

19. L'instrument devrait-il encourager le développement de liens entre toutes les formes de coopératives afin de favoriser les échanges d'expériences et le partage des risques et des avantages pour la promotion des coopératives?

VII. Coopération internationale

20. L'instrument devrait-il recommander que les Membres prennent des mesures appropriées pour faciliter la coopération internationale dans les domaines suivants:


 

Notes

1. Aux termes du paragraphe 12(1) de la recommandation no 127, la législation devrait contenir «a) une définition ou une description de la coopérative faisant ressortir ses caractéristiques essentielles, à savoir: une association de personnes qui se sont volontairement groupées pour atteindre un but commun, par la constitution d'une entreprise dirigée démocratiquement, en fournissant une quote-part équitable du capital nécessaire et en acceptant une juste participation aux risques et aux fruits de cette entreprise, au fonctionnement de laquelle les membres participent activement.»

2. Ces spécificités sont les principes et valeurs universels inscrits dans la Déclaration sur l'identité coopérative adoptée en 1995 par l'Alliance coopérative internationale.

Mise à jour par HK. Approuvée par RH. Dernière modification: 17 avril 2000.