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89e session, 5 - 21 juin 2001

Rapport de la Commission de la sécurité sociale

Rapport

Présentation, discussion et adoption
 

Original anglais: La PRESIDENTE — Nous allons maintenant passer à l’examen du rapport de la Commission de la sécurité sociale qui figure au Compte rendu provisoire no 16. Je donne la parole à M. Laroque, rapporteur de la commission, qui va nous présenter le rapport.

Original français: M. LAROQUE (conseiller technique gouvernemental, France; rapporteur de la Commission de sécurité sociale) — En tant que rapporteur de la Commission de la sécurité sociale, j’ai l’honneur de présenter le rapport de la commission à la 89e session de la Conférence internationale du Travail. Le rapport a été adopté par la commission le lundi 18 juin.

Les discussions de la commission ont porté sur une série de questions définies dans le rapport VI: Sécurité sociale, questions, défis et perspectives. La grande qualité de ce rapport a été soulignée par les délégués, même si certains ont apporté des nuances sur certains points. Les connaissances et les expériences variées qui ont été partagées par les membres employeurs, travailleurs et gouvernementaux de la commission ont enrichi les discussions générales, faisant ressortir des conceptions diverses aussi bien que des points de consensus.

Je vous propose de présenter ce rapport en distinguant, d’une part, le déroulement des travaux et, d’autre part, la discussion générale et les conclusions adoptées par la commission.

Tout d’abord, le déroulement des travaux. Ce déroulement s’est inscrit dans le processus habituel d’adoption des rapports, mais a été marqué par la qualité du travail d’équipe et de recherche d’un consensus. Ce climat positif et constructif a permis d’éviter l’échec de plusieurs conférences internationales récentes, comme la 13e Conférence régionale des Etats américains Membres de l’OIT ou la Commission des Nations Unies pour le développement social, cette année à New York. Ce thème de la sécurité sociale constitue, en effet, un véritable enjeu dans le débat sur le travail décent et la mondialisation.

Le rapport s’inscrit dans le processus habituel d’adoption des rapports. C’est en mars 1999 que le Conseil d’administration du BIT a décidé d’inscrire un débat sur la sécurité sociale à l’ordre du jour de la Conférence et a défini le sujet à traiter. La préparation du rapport du bureau, qui a servi de base aux travaux, a donné lieu à un très important travail de concertation au sein du BIT, compte tenu des interactions entre la sécurité sociale et les autres aspects du travail et de l’emploi.

Pendant cette Conférence, les travaux se sont répartis sur trois semaines correspondant à plusieurs phases: première semaine de discussion générale; deuxième semaine divisée entre les travaux du groupe de rédaction des conclusions et l’examen en commission des conclusions; troisième semaine avec l’examen et l’adoption du rapport en commission lundi dernier, et donc aujourd’hui adoption du rapport et des conclusions en plénière.

Le rapport se décompose en trois parties, qui correspondent à ce mode de répartition; en annexe du rapport figurent la résolution et les conclusions concernant la sécurité sociale, adoptées par la commission.

Le rapport s’inscrit dans une nouvelle méthodologie de présentation visant, dans le cadre de la modernisation des procédures engagées par le Directeur général du BIT, à de nouvelles formes de rédaction des rapports pour discussion générale, afin de les rendre plus synthétiques et lisibles. Le rapport présente ainsi des idées maîtresses sans se référer, dans sa partie «Discussion générale», à chacune des interventions des délégués. Cette pratique avait déjà été mise en œuvre l’an dernier pour le rapport de la Commission de la mise en valeur des ressources humaines. Elle améliore considérablement la qualité du rapport qui devient ainsi un document authentiquement international. Par ailleurs, la présentation de la discussion générale distingue clairement par des titres les principaux points de la discussion générale.

Ce rapport est par ailleurs le fruit d’un travail d’équipe et de recherche d’un consensus. Un remarquable climat de coopération et de volonté d’aboutir a marqué les travaux, notamment au sein du comité de rédaction. Ce dernier, composé de cinq représentants de chaque groupe, a élaboré, la semaine dernière, un projet de conclusions à partir des diverses interventions de la discussion générale, cela au cours de quatre séances de travail dont une séance de nuit, la dernière séance s’étant achevée dix minutes après l’heure limite fixée. Les représentants gouvernementaux des cinq régions du monde représentées au comité de rédaction se sont efforcés de faire entendre le point de vue des régions auxquelles ils appartenaient et d’améliorer le projet de conclusions. Il en a été de même des représentants des travailleurs et des employeurs, qui ont fait un effort considérable pour surmonter les différences d’approche au sein de leurs groupes, de manière à permettre d’aboutir à un document valable, acceptable par les travailleurs, les employeurs et les Etats et aussi ambitieux que possible, compte tenu des différences de systèmes de sécurité sociale dans le monde et de la diversité des sensibilités.

La lecture du rapport, qui fait apparaître les différences exprimées au cours de la discussion générale, ainsi que l’échec —évoqué plus haut — d’autres réunions internationales sur la sécurité sociale, montrent que le défi d’obtenir des conclusions consensuelles n’était pas gagné d’avance. Le faible nombre d’amendements déposés (28) a confirmé que le projet du comité de rédaction avait atteint cet équilibre. Cela a conduit à un examen rapide des amendements, permettant l’acceptation des amendements de clarification ou de rectifications mineures et conduisant à la mise à l’écart d’amendements souvent intéressants, mais dont la prise en compte risquait de remettre en cause un précaire consensus auquel avaient réussi à parvenir les deux groupes de partenaires sociaux.

Je voudrais, en tant que rapporteur, rendre hommage tout particulièrement à la présidente, Mme L. Samuel, et aux vice-présidents, M. B. Mansfield pour les travailleurs et M. J.A. de Regil pour les employeurs, et les remercier pour leur talent et leur autorité et plus encore pour leur travail en équipe, qui a permis, par des liaisons permanentes, des échanges empreints de franchise et d’ouverture et un esprit toujours remarquablement constructif, de surmonter les obstacles. Je tiens aussi à souligner les efforts de tous les délégués pour s’associer à cette recherche d’un consensus positif pour contribuer à préparer plus de sécurité sociale pour l’humanité.

Il me faut également remercier le secrétariat pour l’efficacité de son travail d’équipe qui nous a permis d’aboutir dans les meilleures conditions. L’équipe animée par M. Emmanuel Reynaud a fait, sous sa direction, un travail considérable, qui la conduisait à travailler jusqu’à 1 heure du matin certains jours et à reprendre parfois dès 4 h 30 du matin, sans parler des week-ends. Elle a su s’articuler avec toutes les autres équipes du bureau qui assurent la logistique, les interprètes et les traducteurs.

Après avoir ainsi présenté le déroulement des travaux, je voudrais en second lieu vous présenter maintenant brièvement, au risque d’approximations schématiques, la discussion générale et les conclusions qui figurent dans le document qui vous est soumis. La présidente et les vice-présidents, qui interviendront après moi, nuanceront et complèteront mes propos.

Je suivrai pour cela les six points de la discussion générale qui se retrouvent dans les conclusions. Ces conclusions commencent toutefois par un premier paragraphe rappelant la Déclaration de Philadelphie et préconisant de lancer une nouvelle campagne pour améliorer et étendre la couverture de la sécurité sociale à tous ceux qui ont besoin de cette protection, afin «de mettre fin à une injustice fondamentale dont pâtissent des centaines de millions de personnes dans les Etats Membres».

En ce qui concerne le premier point sur le lien entre sécurité sociale et développement, les positions des groupes et des délégués étaient contrastées. Le groupe des employeurs insistait sur le préalable d’une économie susceptible de financer la sécurité sociale et sur le coût de la sécurité sociale. Le groupe des travailleurs soulignait le rôle positif de la sécurité sociale pour l’économie et le fait que la mondialisation rendait la sécurité sociale plus nécessaire que jamais. Les délégués des Etats évoquaient l’un ou l’autre de ces aspects. L’un d’entre eux a déposé un amendement pour appeler l’attention sur le fait que la sécurité sociale «assure une redistribution de revenus au profit de personnes confrontées à des risques sociaux. Elle consiste principalement en des transferts sociaux qui, s’ils représentent pour les entreprises une part du coût salarial, ne sont pas au niveau macro-économique une charge pour la nation», susceptible de constituer un handicap dans la compétitivité internationale. L’équilibre précaire du consensus entre le groupe des travailleurs et celui des employeurs n’a pas permis de retenir cet amendement, un sous-amendement se contentant de préciser que, si la sécurité sociale représente un coût pour les entreprises, elle est également un investissement pour l’être humain ou un soutien à celui-ci.

Les conclusions communes ont également reconnu des principes importants dans les paragraphes 2 à 4, notamment: l’importance de la sécurité sociale, droit fondamental de l’être humain et instrument essentiel de la cohésion sociale (paragr. 2); le rôle économique de la sécurité sociale qui favorise la productivité et qui devient plus que jamais nécessaire dans le contexte de la mondialisation et des politiques d’ajustement structurel (paragr. 3). Il a de même été relevé (paragr. 4) que, s’il n’y a pas de modèle unique exemplaire en matière de sécurité sociale, tous les systèmes devraient se conformer à certains principes de base: prestations sûres et non discriminatoires; rigueur et transparence des régimes; coûts administratifs les plus faibles possibles; rôle important des partenaires sociaux; confiance de la population; bonne gouvernance.

Sur le second point «Extension de la couverture sociale» une unanimité s’est dégagée pour l’extension progressive de la couverture sociale (paragr. 5 et 6), soit par des mécanismes d’assurance obligatoire volontaire, telle la microassurance, qui peut constituer une première étape utile, soit par l’assistance sociale. Une stratégie nationale intégrée de sécurité sociale a été recommandée, cet objectif impliquant d’encourager l’intégration de l’économie informelle dans l’économie formelle.

Le troisième point concernait la sécurité de revenu des chômeurs et l’emploi. Malgré des divergences sur les effets en matière d’emploi de l’assurance chômage, un consensus est intervenu sur l’objectif premier de l’accès à un emploi décent, qui implique que des prestations de chômage de niveau suffisant soient conçues, de telle sorte qu’elles ne créent pas de dépendance et d’obstacle à l’emploi et qu’elles soient coordonnées avec des mesures actives de politique de l’emploi, notamment l’éducation et la formation tout au long de la vie. Lorsque la mise en place de prestations de chômage ne paraît pas réalisable, il faudrait s’efforcer de créer des emplois dans le cadre de travaux publics à forte intensité de main-d’œuvre et d’autres projets (paragr. 7).

Concernant le quatrième point, «égalité entre hommes et femmes», cet objectif (paragr. 8 à 9) a fait la quasi-unanimité sur son importance, non seulement comme fondement et comme axe de la sécurité sociale, mais aussi pour le bon développement de la société. Les délégués des Etats ont fait part de leurs réalisations en la matière.

Les mesures nécessaires, notamment le renforcement des droits individuels, ne se limitent pas aux règles de sécurité sociale, mais impliquent également une action plus globale, en particulier contre les discriminations salariales.

C’est sur le cinquième point, «financement de la sécurité et vieillissement», que les clivages se sont révélés les plus importants et les plus sensibles, tant entre les deux groupes de partenaires sociaux qu’entre les délégués des gouvernements, opposant les défenseurs des systèmes publics en répartition et les promoteurs, au-delà de pensions minimales, de comptes individuels en cotisations définies investis en capitalisation. Le rapport reflète les arguments des uns et des autres.

Des constats communs ont pu toutefois être dressés dans les conclusions (paragr. 11 à 15). J’en relèverai, en particulier, six.

1. Le vieillissement a des effets significatifs sur les régimes de retraite, qu’ils soient financés par répartition ou par capitalisation, dans la mesure où, pour ces derniers, les actifs financiers sont vendus pour payer les pensions et achetés par les générations actives. La solution passe donc avant tout par des mesures visant à accroître le taux d’emploi, notamment des femmes, des travailleurs âgés, des jeunes et des personnes handicapées, ainsi que par une croissance économique durable.

2. Le vieillissement a des effets tant sur les pensions que sur le coût des soins de santé.

3. La pandémie du VIH/SIDA a des conséquences catastrophiques qui concernent aussi l’équilibre financier des systèmes de sécurité sociale.

4. Dans les systèmes de retraite par répartition et à prestations définies, le risque est supporté collectivement, alors que, dans les systèmes fondés sur des comptes d’épargne individuels, le risque est supporté par l’individu. Les régimes de retraite légaux doivent garantir des niveaux de prestations suffisants et assurer la solidarité nationale. Les régimes complémentaires peuvent représenter un apport valable, mais ne sauraient, dans la plupart des cas, se substituer aux régimes légaux. Toute forme de soutien ou d’incitation fiscale associée à ces régimes devrait être envisagée de manière à être axée sur les travailleurs à revenu faible ou moyen.

5. Il appartient à l’Etat d’établir un cadre réglementaire efficace et des mécanismes d’application et de contrôle.

6. Il appartient à chaque société de déterminer la combinaison des régimes qui lui convient, en tenant compte des conclusions de la discussion générale du rapport et des normes pertinentes de l’OIT relatives à la sécurité sociale.

Le sixième et dernier point portait sur le dialogue social et les activités de l’OIT. Bien que certains délégués gouvernementaux aient contesté la reconnaissance du rôle important des partenaires sociaux ou se soient interrogés sur le rôle en matière d’exclusion, leur rôle est prévu clairement, tant dans la gestion générale de la sécurité sociale (paragr. 4) que pour les régimes complémentaires (paragr. 13). La nécessité du dialogue social pour assurer l’efficacité des initiatives visant à instituer ou à étendre la sécurité sociale est affirmée (paragr: 16), à l’Etat revenant en priorité le rôle de favoriser, d’améliorer et d’étendre la sécurité sociale.

En ce qui concerne l’activité normative de l’OIT, des opinions variées ont été émises: l’inadaptation de certaines normes au regard de l’évolution sociale a été évoquée, notamment en ce qui concerne la convention no 102, qui serait fondée sur le modèle de l’homme soutien de famille et de la femme au foyer; le groupe des employeurs a relevé la pertinence des normes de l’OIT tout en étant favorable à la révision dans le cadre d’une approche intégrée; le groupe des travailleurs a estimé qu’il fallait expérimenter d’abord l’approche intégrée dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail et que, pour l’instant, il fallait promouvoir la ratification des conventions existantes que le Conseil d’administration a considéré pertinentes et suffisamment souples pour s’adapter aux diverses situations; les délégués gouvernementaux se sont partagés entre les diverses approches possibles. La commission n’a donc pas adopté de recommandation pour l’activité normative à venir de l’OIT, dont il a été indiqué qu’elle serait débattue à la session du Conseil d’administration de cet automne.

La définition de stratégies nationales pour atteindre l’objectif de la sécurité sociale pour tous est, par contre, préconisée (paragr. 16).

Il vous est proposé, en tant que Conférence, pour améliorer et étendre la couverture de la sécurité sociale à tous ceux qui en ont besoin, quatre champs d’action principaux. Je n’exposerai pas le détail des riches propositions figurant dans ces champs d’action et je les évoquerai simplement brièvement. Un: lancer une vaste campagne pour promouvoir l’extension de la couverture sociale. Deux: exhorter les gouvernements à accorder un rang de priorité plus élevé à la sécurité sociale. Trois: dispenser une assistance technique dans les cas appropriés, ainsi que développer des recherches permettant de diffuser de bonnes pratiques, des domaines d’intervention étant identifiés. Quatre: développer la coopération interinstitutions dans le domaine de la sécurité sociale et inviter le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à appuyer les conclusions adoptées par la Conférence et à s’associer à son action visant à promouvoir la justice sociale et la solidarité à travers l’extension d’une sécurité sociale complète.

Telles sont les principales lignes du rapport, de la résolution et des conclusions que j’espère avoir dégagées fidèlement malgré des raccourcis qui ne peuvent prendre en compte toute la richesse du débat et des nuances exprimées. Ils sont le produit d’une coopération tripartite constructive et fructueuse.

Je vous recommande donc l’adoption de ce rapport sur la base duquel l’OIT pourrait renforcer son rôle pour plus de sécurité sociale au profit de l’humanité.

Original espagnol: M. DE REGIL (délégué des employeurs, Mexique; vice-président employeur de la Commission de la sécurité sociale) — La sécurité sociale est un instrument de justice sociale déjà ancien; il est reconnu par l’OIT mais, jusqu’à présent, ce n’est encore qu’un pour un grand nombre d’habitants de la planète. Ce débat général sur la sécurité sociale a été considéré comme un défi, non seulement parce qu’il s’agit d’un thème très vaste, mais aussi parce que chaque contexte national, chaque réalité socioéconomique sont très différents. Le rapport préparé par le Bureau confirme cette réalité et la décrit fidèlement.

La sécurité sociale est un sujet très important pour l’OIT, d’abord parce qu’elle s’inscrit dans son mandat, et aussi parce qu’elle est un élément indispensable du cadre social de chaque pays en ce début de XXIe siècle. L’importance de ce sujet est confirmée par le fait qu’un grand nombre de pays consacrent beaucoup d’efforts à l’élaboration d’une couverture décente et à la durabilité de leur système respectif. Dans un autre grand nombre de pays, la création de la sécurité sociale ou son élargissement sont encore souvent hors de portée des gouvernements.

Ce sont des défis qui exigent une étude complète et de nouvelles réponses.

Notre commission nous a permis de réfléchir à différentes réponses, de faire des propositions tournées vers l’avenir, et de tenter d’éviter de refaire les mêmes erreurs que dans le passé. Elle nous a permis d’envisager des solutions vraies, et non pas des théories impraticables.

Les conclusions que nous soumettons à l’adoption de cette assemblée reconnaissent les besoins du monde actuel. Elles reconnaissent également que les réalités d’aujourd’hui sont différentes. Il semble évident qu’il n’y a pas d’approche unique ni de formule unique qui s’applique à tous. De toute évidence, chaque réponse doit être adaptée à chaque problème. Il n’y pas de réponse unique. Les conclusions reconnaissent que chaque pays doit déterminer lui-même ce qu’il peut faire et comment le faire.

Nous reconnaissons que tous les systèmes proposés de sécurité sociale ont leur mérite propre. Ces propositions doivent être prises en considération. Le mérite et l’importance de chaque proposition, doivent être définis par chaque pays. Nous devons en toute bonne foi revoir nos positions, lutter contre nos préjugés antérieurs. Nous devons éviter de condamner à priori des systèmes et des solutions nouveaux et novateurs.

Les conclusions reconnaissent enfin que la sécurité sociale évolue avec la société. Elles reconnaissent qu’il n’est pas possible de tout faire à la fois, que les processus sont progressifs, qu’il y a des réalités différentes et qu’il y a une façon différente d’aborder tout cela.

Enfin, ces conclusions doivent aider les pays qui ont du mal à trouver des solutions à leurs difficultés. Nous ne devons pas nous laisser écraser par les problèmes. C’est ainsi que nous parviendrons à faire de la sécurité sociale une réalité proche et acceptable pour tous.

Ces conclusions proposent à l’OIT un programme d’action très vaste, mais un programme qui est en même temps clair et réaliste. Nous nous réjouissons que ce programme soit très vaste parce qu’il y a beaucoup à faire, à chercher avant que l’OIT ne puisse enfin reprendre l’initiative dans ce domaine fondamental pour toutes les sociétés.

Monsieur le Directeur général, nous pensons que les attentes de notre commission doivent être entendues et retenues par le Bureau, et qu’il doit prendre des mesures pour commencer à agir immédiatement. C’est en tout cas ce que nous espérons qu’il fera.

Les débats futurs, les réunions techniques, les recherches dans ce domaine doivent reposer fermement sur la réalité de chaque pays, de chaque société, de chaque contexte économique.

Les employeurs, estiment que pour réussir dans notre quête, il faudra satisfaire plusieurs conditions.

Tout d’abord, il faut créer ou maintenir une économie forte, dotée d’une croissance soutenue. C’est une condition préalable pour toute société avant même de parler des dépenses sociales. Tout pays doit être en mesure de financer son système de sécurité sociale afin que celui-ci soit pérenne.

Il est également nécessaire de trouver l’équilibre indispensable entre ce que chaque pays peut dépenser sans mettre en danger la croissance économique, la création d’emplois et la compétitivité. Les gouvernements ont la responsabilité de créer les conditions de croissance du secteur privé, car c’est lui qui est le moteur de l’activité économique et du développement.

Les gouvernements doivent identifier les barrières qui pourraient s’opposer à cette croissance, les supprimer et veiller à empêcher l’apparition de nouveaux obstacles. Dans le débat, on a souvent dit que la meilleure sécurité sociale se trouve dans le travail décent et dans l’emploi: nous pensons que c’est indéniable et que les gouvernements doivent créer un contexte favorable à la création d’emplois et au développement des entreprises. Nous espérons qu’ils prendront les mesures nécessaires pour ce faire.

Chaque système proposé doit être conçu en fonction de ceux qu’il souhaite aider. Il doit s’agir de systèmes simples et transparents sans poids bureaucratique superflu. La sécurité sociale n’est pas figée et les réponses doivent être souples, capables de s’adapter rapidement à des réalités en constante mutation à cause des forces économiques et des changements sociaux.

Au cours du débat, nous avons constamment parlé de la volonté politique. Autrement dit, les gouvernements devront être capables de relever les défis de la sécurité sociale, notamment en ce qui concerne son extension et son adéquation. Toutefois, nous avons tous reconnu que les gouvernements doivent compter sur les soutiens nécessaires pour prendre les mesures adéquates. Donc, nous devons nous demander sous quelle forme cette volonté politique pourrait s’exprimer. Il est indubitable qu’une des formes idéales serait le consensus. Les organisations d’employeurs et de travailleurs sont des éléments clés de la création du consensus, et de son maintien; ce sont elles qui créent la confiance et le soutien dont les gouvernements ont besoin pour agir. Tous les gouvernements doivent, un jour ou l’autre, procéder à des arbitrages budgétaires et déterminer ainsi les priorités de chaque programme. C’est la raison pour laquelle le dialogue est indispensable parce que c’est par le dialogue social que l’on trouvera les bonnes réponses à toutes les demandes qui sont présentées sans tomber dans le piège du populisme ni de la démagogie.

Personne ne niera que la sécurité sociale est un sujet qui touche toute la société d’un pays, d’une nation. Chaque membre a un rôle à jouer et tous doivent contribuer. Il est facile de trouver des solutions immédiates qui consistent souvent à limiter la responsabilité à un petit groupe, ce sont souvent les employeurs, seuls, qui assurent cette responsabilité, avec les conséquences que cela représente pour la société. Si l’on veut véritablement prendre en main l’avenir de la sécurité sociale et trouver des solutions à long terme, des solutions durables, on ne peut plus continuer à agir ainsi. Les employeurs jouent leur rôle et continueront à le jouer, mais ils exigent que les autres assument également leur responsabilité.

Les conclusions montrent clairement qu’une bonne conception du système, une bonne gouvernance et une administration correcte sont les conditions sine qua non de la concrétisation de notre objectif. Sans ces éléments, nous serons incapables de répondre aux attentes de la société. Chaque pays doit faire en sorte que les bénéfices apportés par la sécurité sociale ne soient pas détruits par les problèmes ou les vices existant déjà dans le système.

Ils doivent donc revoir les systèmes et faire en sorte que tous les bénéfices atteignent ceux en fonction de qui ils sont créés.

La résistance à tout changement vient souvent de l’intérieur soit par peur du changement en soi, soit parce que certains groupes souhaitent préserver leurs propres intérêts.

S’agissant des groupes qui ne sont pas couverts par la sécurité sociale, nous pensons notamment au secteur informel qui représente un des principaux défis pour un grand nombre de pays. Comment atteindre les personnes qui travaillent dans l’économie informelle? Comment formaliser cette grande force économique? Tel est le défi. Les conclusions évoquent ces préoccupations et proposent des façons de faire en sorte que la sécurité sociale puisse attirer ce groupe de personnes vers l’économie formelle, sachant que ces groupes sont parfois beaucoup plus nombreux que ceux du secteur formel.

Nous espérons que cette première référence permettra au bureau de mieux préparer le prochain débat général sur le secteur informel.

Les conclusions évoquent également les travailleurs indépendants et le travail des migrants. Ce dernier groupe est particulièrement intéressant pour les pays qui reçoivent des migrants, lesquels, lorsqu’ils rentrent dans leurs pays d’origine perdent souvent leurs droits acquis. C’est un point sur lequel il nous faudra réfléchir.

Nous avons entamé notre débat sans avoir l’intention de donner des leçons à qui que ce soit et nous nous réjouissons de ce que cet esprit ait prévalu dans chaque groupe. Dans le cadre de débats francs, ouverts et honnêtes, la commission a abouti à certaines conclusions qui, à notre sens, sont très pertinentes et très profondes. Nous pensons également que nous avons réussi à définir des lignes d’orientation claires qui nous permettront de faire progresser la cause de la sécurité sociale dans les Etats Membres, et nous permettront de créer une plate-forme solide à partir de laquelle l’OIT continuera d’être l’Organisation internationale la mieux préparée pour parler de ce sujet.

Enfin, je voudrais remercier très sincèrement tous les membres employeurs de la commission pour leur contribution précieuse et leur soutien. Je remercie les représentants gouvernementaux pour leur ouverture d’esprit et pour leur détermination, qui nous ont permis d’aboutir à ce document que nous devons adopter aujourd’hui, et je voudrais dire quelques mots au groupe des travailleurs, et en particulier à mon collègue vice-président Bill Mansfield. Les résultats que nous avons obtenus sont dus en grande partie au fait que nous avons pu parler de manière franche et ouverte, sans nous laisser écraser par les fantômes du passé ni les préjugés de certains. Lorsque nous nous sommes réunis autour de la table, nous avons voulu nous tourner vers l’avenir. C’est pourquoi, Bill, je te présente mes remerciements les plus sincères à toi et à ton groupe. J’espère que ce que nous avons obtenu aujourd’hui, l’expérience acquise dans le débat, le consensus auquel nous avons pu aboutir avec le soutien du secrétariat, deviendront la règle pour l’avenir. Je suis certain que les résultats obtenus démontreront clairement que le concept de lutte des classes est une chose du passé, du XIXe siècle, si lointain déjà. La façon dont tous les membres de la commission ont travaillé, notre présidente, Mme Samuel, le secrétariat sous la direction de M. Reynaud, de M. Beattie et de Mme Juvet-Mir, M. Laroque, rapporteur, et au comité de rédaction qui ont travaillé de façon remarquable, est tout à fait satisfaisante. Tout cela explique que nous avons un excellent document à adopter aujourd’hui.

Original anglais: M. MANSFIELD (délégué des travailleurs, Australie; vice-président de la Commission de la sécurité sociale) — Dès le départ, je tiens à exprimer mes remerciements à la présidente de la commission, à savoir Mme Lenia Samuel, au vice-président employeur, M. Jorge de Regil, et à tous les membres de la commission, notamment mes collègues dans les rangs des travailleurs. Leurs efforts ont permis à cette commission de produire un résultat qui, je crois, aura une influence réelle. Le personnel du BIT mérite aussi d’être remercié tout particulièrement pour son professionnalisme et son aide qui ont contribué de façon décisive au résultat qui a été obtenu. M. Emmanuel Reynaud, M. Roger Beattie et Mme Antoinette Juvet-Mir et leur personnel méritent une reconnaissance toute particulière.

Près de 200 membres prenant part à cette Conférence tripartite se sont réunis afin d’examiner la question de la sécurité sociale. Ensemble, nous avons présenté une perspective, une série de valeurs ainsi qu’un programme substantiel qui permettront à l’OIT de s’acquitter de son mandat, à savoir apporter la sécurité sociale à des centaines de millions de personnes qui composent les exclus, qui sont majorité.

Le groupe des travailleurs s’est rendu à cette Conférence avec un objectif en ce qui concerne la sécurité sociale. Il s’agissait de travailler avec les employeurs et les gouvernements afin de permettre à l’OIT d’aller de l’avant afin de s’attaquer à une injustice fondamentale – l’exclusion de centaines de millions de travailleurs et leurs familles dans le monde entier des avantages d’un système de protection sanitaire, des allocations de chômage et des prestations de retraite – vu qu’ils sont employés dans l’économie informelle et qu’ils sont mal payés.

Nous nous sommes surtout dit que nous ne pourrions être fiers de nos efforts que si nous pouvions avoir la conviction qu’en tant que commission nous avons modifié le cours des choses de sorte que, dans la mesure des possibilités de cette institution, la sécurité sociale soit offerte à ceux qui en ont été exclus dans le passé, et maintenue pour ceux qui en bénéficiaient jusqu’à présent.

Récemment, j’écoutais un discours de Nelson Mandela qui disait comment nous pouvions changer les choses. Il a déclaré que nous devons éclairer les esprits, réchauffer les cœurs et changer le monde. Lors des débats de notre commission et grâce au rapport du Bureau, nous avons effectivement éclairé les esprits. Tous ceux qui commencent à comprendre la situation de cette majorité exclue ne peuvent que réchauffer les cœurs. La question que nous nous posons est la suivante: Pouvons-nous changer le monde?

La semaine dernière, je travaillais un soir et je regardais un programme à la télévision sur un projet de logements sociaux pour les personnes désavantagées. Ce programme était en grande partie centré sur une femme qui se tenait dans une maison à moitié achevée, qui serait son nouveau foyer. C’était une maison toute petite, les murs de brique étaient grossièrement construits, les cadres des fenêtres étaient entourés de vide, mais elle était heureuse. Elle souriait largement et continuellement. Avant, elle n’avait pratiquement rien, et maintenant, elle avait quelque chose. Ainsi devrait-il en être de la sécurité sociale. Pour ceux qui n’ont rien, il faut apporter quelque chose et, par la suite, nous devrons mettre au point un système.

Cette question illustre bien le fossé Nord-Sud ou plus précisément le fossé entre les nantis, comme moi, et les démunis. Ce fossé s’est creusé au lieu de se combler. L’augmentation du nombre de pauvres dans le monde, les taux croissants de chômage dans bien des pays, l’absence de sécurité sociale sont autant de manifestations de ce problème.

Si notre monde veut survivre, si nous voulons vivre en paix et dans la justice sociale, l’OIT doit nous aider à entrevoir des solutions nouvelles devant permettre aux plus démunis de mieux tirer parti du développement économique et social qui se produit dans le monde.

La commission a lancé un défi important au Directeur général, à savoir reprendre la campagne qui a été lancée en 1944 afin de permettre à tous ceux qui en ont besoin de bénéficier de la sécurité sociale. Le groupe des travailleurs estime que les conclusions auxquelles la commission est parvenue reflètent les valeurs universelles des partenaires sociaux et représentent des objectifs essentiels pour l’OIT.

Comme l’ont dit notre rapporteur et M. de Regil, ces objectifs sont notamment:

a) la reconnaissance du fait que la sécurité sociale est un droit fondamental de l’être humain qui favorise la productivité; c’est un instrument de progrès économique et social, et dans le contexte de changement rapide du monde, la sécurité sociale est plus nécessaire que jamais. Il n’y a pas de modèle unique exemplaire, mais c’est à l’Etat que revient la priorité de faciliter, améliorer et étendre la couverture de la sécurité sociale.

b) Les principes de base devraient être les suivants: i) les prestations doivent être sûres et non discriminatoires; ii) les régimes devraient être bien gérés et les coûts administratifs devraient être les plus faibles possibles; iii) il faut accorder un rôle important aux partenaires sociaux; iv) la bonne gouvernance est indispensable.

Malheureusement, un grand nombre des réformes de sécurité sociale qui ont été opérées dans certaines régions ces dernières années n’ont pas respecté ces principes-là. Elles ont parfois donné lieu à une privatisation que nous ne cautionnons pas.

L’élargissement de la couverture de sécurité sociale au bénéfice de la majorité exclue est reconnu comme revêtant la plus haute priorité, et les mécanismes visant à atteindre cet objectif sont exposés. L’importance de l’objectif visant à faire transiter les travailleurs de l’économie informelle est reconnue. Nous savons tous que cela nécessite principalement un bon gouvernement, une croissance forte mais viable, la création d’emplois et une distribution équitable de la richesse des nations. La relation de cause à effet entre chômage et pauvreté est établie. L'’importance de l’éducation et de l’acquisition de capacités professionnelles est affirmée. Des politiques volontaristes en matière de marché du travail doivent garantir que les systèmes de sécurité sociale ne deviennent pas un piège pour les travailleurs tout en leur permettant de bénéficier de prestations de chômage adéquates. La discrimination entre les sexes est reconnue comme étant un problème majeur. Nous devons nous efforcer de le surmonter, si nécessaire en adoptant des mesures de discrimination positive de nature à garantir que les femmes ne soient pas privées d’une couverture sociale adéquate. Dans beaucoup de nos pays, la population vieillit. Moins d’enfants naissent, les gens vivent plus longtemps et la population doit entretenir un plus grand nombre de personnes. La réponse n’est pas de diminuer les prestations sociales mais d’accroître le nombre d’emplois et d’encourager la croissance économique. Le VIH/SIDA est reconnu comme un problème majeur appelant une attention plus urgente de la part de l’OIT et des autres institutions. En dernier lieu, toute une série de programmes de travail revêtant la plus grande importance doivent être entrepris par l’OIT en collaboration avec les Etats Membres, notamment une grande campagne pour promouvoir l’élargissement de la sécurité sociale et un appel lancé aux gouvernements pour qu’ils sollicitent l’aide spéciale de l’OIT pour obtenir des résultats permettant d’améliorer, de manière significative, l’élargissement de la protection sociale à la majorité exclue.

S’agissant du programme de travail de l’OIT, la commission aimerait qu’un mot soit mis en relief «résultats». Les pauvres attendent depuis longtemps que règne la justice sociale. Toute recherche de l’OIT, toute assistance technique et toute réunion d’experts devrait être jugée sur un seul critère: ses résultats. Est-ce qu’elle a permis à la majorité exclue d’avoir un meilleur accès à la sécurité sociale et est-ce que les carences des régimes en vigueur ont pu être corrigées?

Je travaille pour le Conseil d’un syndicat national australien. Il est facile pour nos syndicats affiliés de nous transmettre les problèmes qu’ils rencontrent et de dire: «Veuillez régler ce problème». Quelquefois, ils ne disent même pas «s’il vous plaît». Souvent, ce sont des problèmes dont la responsabilité devrait être assumée en commun. Il en est ainsi de la sécurité sociale. Si nous remettons simplement cette tâche entre les mains de l’OIT, sans agir chez nous, nos résultats seront bien moindres. Les Etats doivent diriger et leurs actions sont cruciales. Les employeurs et les syndicats doivent aussi assumer leur part de responsabilité et travailler en collaboration avec les Etats et l’OIT. Nous sommes tous d’accord que, pour réussir, les programmes en matière de sécurité sociale ont besoin de ressources. L’OIT doit réévaluer ses priorités afin de s’assurer que les ressources financières et humaines sont disponibles pour obtenir des résultats visés. Nous aurons peut-être besoin d’une aide supplémentaire de fonds extérieurs et j’espère que le Conseil d’administration sera saisi d’un rapport au mois de novembre sur ce sujet.

Le Directeur général, M. Somavia, se souviendra peut-être des termes qu’il a lui-même prononcés lors d’un discours à l’occasion d’une conférence mondiale sociale au milieu des années quatre-vingt-dix; et qui demeurent valables aujourd’hui. Il a dit: «… les blessures infligées par la pauvreté, la privation de dignité, l’exclusion et l’impossibilité d’avoir un d’emploi productif ne se refermeront pas tant que nous ne reconnaîtrons pas la nécessité de travailler ensemble afin de rendre notre maison commune véritablement sûre pour tous partout dans le monde».

Il a conclu son discours en disant: «… nous ne devrions jamais craindre de monter au créneau pour défendre nos idées, nos valeurs car le rêveur, c’est celui qui trouve son chemin au clair de lune et qui perçoit l’aube avant le reste du monde».

Nous savons que des centaines de millions de personnes rêvent d’une vie meilleure en ayant un emploi productif, d’un gouvernement démocratique, d’une législation équitable en matière de travail et de sécurité sociale.

La lutte de classes à laquelle M. de Regil a fait allusion n’a pas lieu d’être si ces éléments existent, si nous avons des emplois productifs, si nous avons des gouvernements démocratiques et si nous avons des normes équitables en matière de travail et de sécurité sociale. Dans tout pays où ces éléments font défaut, il faut s’attendre inévitablement à des conflits. Nous demandons instamment au Directeur général de continuer à mettre les ressources de l’OIT au service de ces objectifs dans le domaine de la sécurité sociale, afin que ce rêve devienne une réalité et pour qu’ensemble nous puissions changer le monde.

Original anglais: Mme SAMUEL (déléguée gouvernementale, Chypre; présidente de la Commission de la sécurité sociale) — Lorsque l’on m’a demandé si j’étais disposée à présider la Commission de la sécurité sociale, mon cœur a immédiatement répondu oui, car la sécurité sociale est un thème qui m’a toujours été très cher. En effet, si l’on songe à la santé et au bien-être des six milliards d’habitants de la planète, comment imaginer un thème plus important que la sécurité sociale? Si l’on songe que près de la moitié de l’humanité n’a pas ou que peu d’accès à la sécurité sociale, peut-on imaginer plus grande injustice sociale? Ma tête m’a conseillé de bien réfléchir. La sécurité sociale est une question complexe et qui suscite de plus en plus de controverses.

Non seulement les partenaires sociaux ont des préoccupations différentes, mais les problèmes et priorités varient aussi fortement selon les régions et les pays. Mais en définitive, le cœur l’a emporté sur la raison et, — ce n’est pas la première fois — j’ai accepté d’assumer la présidence.

La tâche de notre commission était de définir une nouvelle conception de la sécurité sociale pour l’OIT et ses mandants. La tâche n’était pas aisée car il fallait que cette conception se fonde sur les principes fondamentaux de l’OIT, tout en répondant aux questions et défis nouveaux qui se posent à la sécurité sociale.

M. Somavia, le Directeur général, nous a encouragés à faire preuve de créativité, à ne pas craindre les idées nouvelles. Il nous a exhortés à vraiment faire progresser le débat sur la sécurité sociale, et il a manifesté un vif intérêt pour nos travaux au cours des deux dernières semaines.

Quelle sera l’efficacité de nos conclusions? Seul le temps le dira. Toutefois, les trois parties conviennent dans leur ensemble que les discussions ont été fructueuses et qu’elles nous ont permis d’atteindre un consensus, qui plus est ambitieux.

Nous avons renouvelé l’engagement des Etats Membres de l’OIT, des employeurs et des travailleurs, de promouvoir la sécurité sociale dans le monde entier. Nous avons élaboré un ensemble de principes auquel toutes les parties peuvent souscrire. Nous avons montré la voie. Il revient à présent à chaque pays de décider comment il entend procéder.

En outre, nous avons défini un programme de travail pour l’OIT pour les années à venir, pour la prochaine décennie tout au moins. Les éléments essentiels de ce programme de travail sont les suivants: extension de la couverture de la sécurité sociale à ceux qui en sont aujourd’hui exclus; amélioration de la gestion et de la gouvernance des régimes de protection sociale; mise en place de bases financières, budgétaires et économiques solides pour les systèmes nationaux de sécurité sociale.

Pour poursuivre ces objectifs et d’autres le Bureau devra mener des recherches, élaborer des politiques et des méthodes, et fournir une assistance technique. C’est une tâche considérable, qui souligne à quel point il est impératif de prévoir des ressources suffisantes pour la sécurité sociale et de lui octoyer une place plus importante dans le cadre général des activités de l’OIT.

Nos discussions ont clairement démontré l’importance non seulement sociale, mais aussi économique de la sécurité sociale.

Les conclusions l’affirment catégoriquement: la sécurité sociale est certes très importante pour le bien-être des travailleurs, de leurs familles et de la collectivité tout entière, mais elle favorise en outre la productivité et le développement économique. Dans le contexte de la mondialisation et des politiques d’ajustement structurel, la sécurité sociale devient plus que jamais nécessaire.

Beaucoup craignaient que les travaux de la commission ne connaissent le même sort malheureux que les délibérations de la conférence régionale de Caracas, en 1992, ou les débats qui se sont déroulés cette année à New York, au sein de la Commission du développement social des Nations Unies. Ces craintes se sont avérées sans fondement. Qu’est-ce qui a permis qu’il en aille autrement ici? Nous avons entamé nos discussions munis d’un excellent rapport de base, riche d’éléments propices à une compréhension réciproque. Nous avons aussi été aidés, tout au long de nos travaux, par un secrétariat soigneusement choisi, bien préparé, et d’un très grand professionnalisme. Quant aux membres de la commission, ils n’ont jamais failli dans leur esprit d’ouverture et dans leur volonté de définir une démarche nouvelle, en prise avec les réalités d’aujourd’hui et apte à répondre aux aspirations de millions de personnes partout dans le monde.

Cela dit, ce qui a déterminé notre succès est la volonté de trouver un consensus authentiquement tripartite. Je viens d’un pays où le dialogue tripartite est largement pratiqué, et je sais à quel point cette recherche du consensus est essentielle.

Les échanges au sein du groupe chargé de la rédaction ont permis d’avoir un texte extrêmement bien équilibré au terme d’un débat très riche et fructueux. Chaque partie a tenu à ce que cet équilibre soit préservé. Il s’est parfois agi d’un véritable exercice de corde raide entre M. Mansfield du côté des travailleurs et M. de Regil du côté des employeurs. L’équilibre était délicat. Souhaitant le préserver, aucun des deux groupes n’a présenté d’amendement. Les gouvernements ont aussi appuyé cette recherche de consensus, en ne proposant qu’un petit nombre d’amendements, qui visaient pour l’essentiel à améliorer le texte existant, plutôt qu’à y apporter des changements sur le fonds.

Craignant que même ces quelques amendements ne risquent de saper le résultat judicieusement obtenu, les partenaires sociaux n’ont accepté qu’un tout petit nombre de propositions, et je dois dire qu’ils se sont même montrés intraitables envers la présidente de la commission, puisque les propositions de mon propre gouvernement, Chypre, ont été rejetées comme les autres, cela dit sans rancune, puisque ces travaux ont été menés à bon port.

Un autre aspect de cette démarche tripartite mérite d’être mentionné. Un débat tripartite est nécessairement un débat très large. Il tient compte, non seulement de considérations financières ou budgétaires, mais aussi de la dimension sociale, ce qui est de la plus haute importance dans nos efforts pour créer une société mondiale décente. C’est l’objectif ultime, l’objectif à long terme, de l’OIT aujourd’hui.

Ce fut pour moi un honneur et un privilège de présider cette commission. Cette expérience a été très enrichissante et je souhaite remercier tous les membres de la commission qui ont placé leur confiance en moi. Je tiens tout particulièrement à remercier le représentant du Secrétaire général, Monsieur E. Reynaud, qui a été d’un conseil extrêmement sûr et qui a su guider discrètement les travaux de la commission. Je remercie aussi tous les membres de son équipe. La qualité et la précision de leur travail ont été très vivement appréciées par les trois parties. Je remercie également très vivement notre rapporteur, M. M. Laroque, représentant gouvernemental de la France, pour son rapport très précis et très objectif. J’en viens maintenant à M. Mansfield et M. de Regil. Je dois dire que chacun, avec sa personnalité et à sa manière, a remarquablement défendu les positions de son groupe en les exposant avec clarté, force et vigueur, et aussi avec un sens de l’humour que nous avons tous apprécié. Je les remercie, et je remercie aussi très sincèrement tous les membres de la commission pour leur contribution et leur appui.

(M. Parrot prend place au fauteuil présidentiel.)

Original anglais: Le PRESIDENT (M. PARROT) — J’ouvre maintenant la discussion générale sur le rapport de la Commission de la sécurité sociale.

Original anglais: M. OYNA (conseiller technique et délégué suppléant des employeurs, Norvège) — La sécurité sociale est un vaste sujet, permettant une très grande diversité d’approches et de solutions, à cause des différences démographiques, économiques, politiques et culturelles existant entre les pays. Il s’agit également d’un sujet de la plus haute importance, qui nous touche tous de près.

C’est la raison pour laquelle beaucoup d’entre nous se sont rendus à cette Conférence, craignant l’échec, mais avec l’espoir que les conclusions de cette Conférence pourraient, grâce à un consensus tripartite, contribuer à faire avancer le monde.

Peut-être est-ce notre crainte de l’échec, associée à notre attitude d’humilité face à l’immensité de la tâche, associée également à un souhait sincère de réussir, qui nous ont permis d’obtenir un consensus sur les conclusions très positives qui sont soumises ici à adoption.

Ce consensus et ces conclusions sont un succès. Mais ce succès en lui-même ne vaut pas grand-chose si nous ne reconnaissons pas que le travail véritable commence dès maintenant. Le document indique ce que nous souhaitons réaliser maintenant et dans les années à venir, et il donne un mandat très clair au bureau et au Conseil d’administration sur la façon de poursuivre ces travaux. Nous sommes convaincus que le bureau suivra les conclusions proposées aux paragraphes 17 et 21, ainsi que les projets pilotes mentionnés dans le paragraphe 16.

Je voudrais souligner ici l’importance des paragraphes 17 et 19. La recherche est certes très importante, mais notre réussite se mesurera à l’aune des résultats concrets de la mise en œuvre. D’ailleurs, si les résultats de la recherche ne peuvent pas être traduits en solutions pratiques qui amélioreront la vie des gens, cette recherche en soi a peu ou pas de valeur.

C’est pourquoi nous, les employeurs, ainsi que les travailleurs, et surtout les gouvernements, avons une responsabilité: celle de trouver des solutions durables et possibles; celle de recourir à l’assistance technique de l’OIT en cas de besoin; mais surtout, et c’est là la responsabilité des gouvernements, de créer les conditions favorables à une croissance et une prospérité économiques, créant par conséquent de nouveaux emplois.

Les conclusions soumises à adoption sont des instruments qui, dans les mains des trois parties et sous la houlette éclairée du bureau, pourront apporter un changement dans la vie des gens.

Les employeurs norvégiens soutiennent l’adoption de ces instruments.

Original anglais: M. DAS (ministre du Travail, gouvernement du Jharkhand, Inde) — Le rapport final de l’OIT sur la sécurité sociale est un document excellent qui a très bien exprimé les défis auxquels font face les nations quand il s’agit d’étendre le filet de la sécurité sociale et d’exprimer les choix à faire par les décideurs au niveau des politiques adoptées dans le contexte de la mondialisation et de son impact sur la main-d’œuvre. Ce document va constituer la base d’une stratégie relative aux différents aspects de promotion de la sécurité sociale. L’OIT a défini son objectif premier comme la promotion des chances pour tous, hommes et femmes, d’obtenir un emploi décent et productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine.

La sécurité sociale est une composante majeure du travail décent et il est important d’établir des liens entre les politiques d’emploi et de protection sociale. L’ensemble des prestations en matière de sécurité sociale offertes par un pays dépend de son niveau de croissance économique. Dans le contexte des pays en développement, il faut se concentrer sur les besoins des travailleurs dans le secteur informel. Le développement humain est une condition préalable à la mise en œuvre efficace des mesures de sécurité sociale car cela renforce la capacité des individus de manière à leur permettre de bénéficier des avantages de la sécurité sociale.

Dans ce contexte, l’Inde a pris diverses initiatives. Des solutions alternatives sont examinées en ce moment en vue d’élargir les systèmes existants de sécurité sociale dans les secteurs organisé et non organisé. La deuxième Commission nationale du travail a été constituée avec pour tâche de proposer une législation-cadre pour les travailleurs dans le secteur non organisé. Les gouvernements des Etats en Inde ont également pris des initiatives visant à offrir la sécurité sociale aux travailleurs dans le secteur non organisé.

Dans notre pays, nous nous sommes véritablement engagés à protéger les intérêts des travailleurs et leur offrir une sécurité sociale qui ne sera assurée qu’après avoir pris en compte les points de vue de toutes les parties concernées.

Je félicite l’OIT pour la préparation de ce rapport sur la sécurité sociale rendue possible grâce au mécanisme tripartite qui a fait ses preuves depuis si longtemps. Nous sommes d’accord avec ses recommandations principales. L’Inde, d’ailleurs, a été l’un des pionniers dans l’introduction d’un concept de sécurité sociale. Nous avons réussi à mettre en place un filet de sécurité sociale dans le secteur organisé mais le véritable défi qui se présente à nous aujourd’hui concerne le secteur non organisé et informel.

Permettez-moi d’affirmer ici que, dans mon pays, nous allons lutter très fort afin d’atteindre les objectifs que nous avons choisi nous-mêmes d’offrir aux travailleurs en matière de sécurité sociale. Nous nous rendons compte que la sécurité sociale n’est pas facile à offrir à la majorité des gens dans de si grands pays mais nous sommes déterminés à déployer tous les efforts possibles dans ce sens.

Original espagnol: M. MURRO (conseiller technique des travailleurs, Uruguay) — Nous présentons nos salutations aux participants à la Conférence et en tant que membre du groupe de rédaction, de la part des travailleurs, nous estimons que nous avons sous les yeux un bon document, une bonne résolution dans la conjoncture à laquelle doit faire face la sécurité sociale dans différentes parties du monde.

Nous reconnaissons en outre qu’il existe des documents importants sur ce sujet, des conventions, des recommandations, des résolutions de l’OIT. Bien entendu, cette résolution nous oblige à relever un certain nombre de défis et nous avons tous une responsabilité commune à cet égard. Il ne s’agit pas d’une responsabilité exclusive de l’OIT ni des gouvernements. C’est une responsabilité qui incombe également aux travailleurs, aux employeurs et à leurs organisations.

Nous ne devons pas seulement revendiquer, mais aussi participer de manière efficace et professionnelle aux changements nécessaires pour garantir que la sécurité sociale soit reconnue en tant que droit humain universel et soit une priorité de l’Etat et de la société dans son ensemble.

Dans nos pays, nous avons des problèmes particuliers. L’évasion financière sous ses diverses formes augmente le risque individuel dont on parle dans la résolution, parce qu’au risque des marchés s’ajoute celui du non-enregistrement ou de non-contribution. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, en Amérique latine, nous avons moins d’un tiers de couverture, et la situation ne s’est pas améliorée récemment. Voilà donc une situation qui exige un changement substantiel s’agissant des coûts administratifs très élevés qui ponctionnent la bourse des travailleurs et travailleuses et qui atteignent des taux moyens de 25pourcent. Cette situation exige aussi des changements importants en ce qui concerne le coût de la transition qui, pour les pays où l’on a effectué sérieusement des calculs, peut atteindre 200 ou 300 pour cent du PIB à long terme. Voilà un coût fiscal que les Etats doivent évaluer avec rigueur avant de procéder aux réformes.

Des projections économiques actuarielles avant les transformations et un suivi s’imposent, de même que le dialogue social et l’attention prioritaire aux plus nécessiteux. Nous n’acceptons ni les corporatismes ni les privilèges. Il est donc, à notre avis, tout à fait indispensable que cette résolution définisse très clairement, en matière de recherche, de coopération technique et d’activités de l’OIT, quelle est la priorité s’agissant d’étendre la couverture de la sécurité sociale sous toutes ses formes.

Original anglais: M. TRUEBODY (délégué des employeurs, Namibie) — Le thème de la sécurité sociale a fait l’objet de débats très animés au sein de l’Organisation internationale du Travail sur bien des points par le passé. Le temps a passé et lorsque nous avons réouvert les discussions durant cette session de la Conférence internationale du Travail et au sein de la Commission de la sécurité sociale, les esprits s’étaient calmés. C’est ainsi que nous avons pu procéder à un débat objectif en respectant toutes les formes. Le rapport préparé par le Bureau a été une contribution très utile, même si nous l’avons reçu très tardivement, peu avant le début de la Conférence. Le fait que le Bureau ait ramené le nombre de conclusions soumises à la discussion à six points au lieu de douze comme cela a été le cas au départ a été utile pour identifier les priorités de notre travail.

La discussion initiale, au sein de la commission tripartite de cette Conférence, a été suivie par un travail du Comité de rédaction, qui a préparé un document répondant aux attentes de la plus grande partie des partenaires sociaux.

Le consensus sur le contenu du rapport, reflétant fidèlement les points de vue exprimés et les sujets abordés, a pu être obtenu en un temps record et avec très peu de contestations.

Le rapport qui est présenté à la Conférence souligne qu’il est important de disposer d’un filet de sécurité sociale non seulement du point de vue des avantages qu’il peut offrir aux personnes défavorisées, mais aussi parce qu’un tel filet de sécurité peut permettre d’accroître la productivité et de rassurer les travailleurs.

Au nom de la Fédération des employeurs de la Namibie, je voudrais proposer à chacun d’adopter le rapport dont la Conférence est saisie, avec les conclusions qu’il contient. Je voudrais toutefois faire remarquer que, pour que ces propositions soient mises en œuvre de manière efficace, il faudra que cela se fasse d’une manière aussi objective et transparente que la façon dont le débat s’est déroulé au cours de la commission tripartite de cette session de la Conférence.

On relève, dans le rapport soumis pour adoption, qu’un important travail doit encore être effectué en termes de recherche et d’analyse par des experts. Cela est nécessaire pour vérifier la validité de certaines hypothèses qui circulent largement concernant les meilleurs moyens d’apporter des prestations de sécurité sociale aux groupes cibles identifiés. Il en va de même des différents points de vue concernant l’impact des apports et des résultats des nouveaux systèmes de sécurité sociale qui pourraient être mis au point pour répondre aux besoins des communautés défavorisées.

Les questions abordées dans les paragraphes 17 à 19 des conclusions de la commission tripartite sont essentielles pour permettre l’évolution des critères des systèmes de sécurité sociale pertinents pour les problèmes des pays et des groupes cibles qu’ils visent. Ce qui est considéré comme une pratique positive dans une collectivité peut ne pas l’être dans une autre. L’impact macroéconomique d’un système approprié à une certaine époque peut être différent à une autre époque, pour ne citer que deux aspects du problème.

Enfin, il faut bien reconnaître que, dans le secteur social, il y a une certaine inertie, sauf en période de changements. Il faut donc dûment tenir compte de la période de gestation de tout nouveau système qui pourrait être adopté. Cela entraîne des conséquences directes pour la conception de tout projet de recherche et, pour la fiabilité de l’analyse des résultats découlant de cette recherche. Cela veut également dire que les recherches devront être programmées de manière à permettre que les résultats obtenus puissent être exploités de manière fiable pour l’avenir.

Original anglais: M. PANDENI (conseiller technique et délégué suppléant des travailleurs, Namibie) — Permettez-moi, au nom de la délégation des travailleurs de Namibie, de féliciter Mme la Présidente pour son élection à la tête de la Conférence.

J’essaierai de parler d’un aspect de la sécurité sociale, alors que les autres questions, défis et perspectives ont été déjà clairement mentionnés par notre rapporteur.

Cet aspect porte sur tout ce qui est nécessaire pour assurer le passage de l’économie informelle à l’économie formelle. Nous sommes conscients que cette question doit être examinée de manière urgente, notamment dans les pays en développement où l’économie formelle risque, dans certains d’entre eux, de tomber dans le secteur informel. C’est, à mon avis, une conséquence de la mondialisation à laquelle il faut trouver une solution.

Il s’agit d’une question d’équité et de solidarité sociale; nous sommes persuadés que la création, l’amélioration et l’extension de la sécurité sociale à la vaste majorité exclue, non seulement jouera un rôle dans la création d’une protection sociale à l’intention de ces personnes, mais fournira également une protection pour leurs familles et la communauté dans son ensemble. Cela influencera également l’intégration de l’économie informelle dans l’économie formelle.

Je suis consciente, cependant, que ce ne sera guère un rêve facile à réaliser, mais si des efforts concertés étaient déployés, cela pourrait être possible. Cela ne saurait être réalisé que si l’inclusion de la vaste majorité dans la sécurité sociale était réalisée, libérant des ressources comme l’accès au crédit, à l’éducation, à la formation etc., disponibles pour tous les citoyens.

Cela fera également avancer les affaires permettant l’intégration dans l’économie formelle et la création d’emplois pour toutes les personnes qui en ont besoin.

C’est pourquoi nous demandons aux partenaires sociaux de mettre l’accent sur cette intégration au moment où on en arrive au stade de la mise en œuvre de ce rapport.

Nous sommes convaincus que cela conduira à des salaires de travail décent, de meilleures conditions d’emploi, la réglementation du travail et le travail décent auquel nous aspirons tous.

En conclusion, permettez-moi de remercier également la Présidente de la Commission de la sécurité sociale, MmeSamuel, et les vice-présidents employeurs et travailleurs pour leurs conseils et leur contribution précieuse au cours du travail de la commission.

Mes remerciements vont aussi à tous ceux qui ont participé aux discussions sur la sécurité sociale. Enfin, nous recommandons l’adoption de ce rapport.

Original espagnol: M. ESPAÑA SMITH (délégué des employeurs, Bolivie) — Avant d’intervenir brièvement à propos du rapport de la commission à laquelle j’ai participé, j’aimerais indiquer que j’approuve ce qui a été dit ici par le porte-parole des employeurs dans cette commission, M. Jorge de Regil. Il a parlé de la qualité du travail accompli au sein de la commission, de l’efficacité de son bureau, de la coopération de ses membres et de l’appui assuré par le secrétariat, à commencer par l’excellent rapport sur le sujet de la sécurité sociale qui a été présenté à la Conférence.

La commission a formulé un certain nombre de recommandations qui demandent que l’on relance des actions visant à améliorer et élargir la couverture de la sécurité sociale. Dans ces recommandations, il est précisé que la sécurité sociale est un droit fondamental de l’homme, et doit être intégrée et égalitaire. On y reconnaît un caractère dynamique et l’on préconise qu’elle se fonde sur un certain nombre de principes fondamentaux, qu’elle soit accessible et qu’elle permette d’accroître l’emploi, notamment des jeunes, des femmes et des personnes âgées.

Sur cette plate-forme, sur ces principes généraux que la commission souhaiterait voir appliquer partout, les conclusions laissent certaines portes ouvertes concernant la structure, la portée et les formes d’administration qui seront adoptées dans les différents pays et régions, en fonction des besoins locaux, des possibilités des pays et régions en question et, surtout, de leur envergure économique et de leur niveau de développement.

A cet égard et pour ce qui est des aspects fonctionnels, la commission, très pertinemment, n’opte pour aucune formule ni aucun modèle précis, et n’en rejette non plus aucun.

Dans certains pays d’Amérique latine, on a enregistré dans le passé des difficultés et des obstacles considérables en matière de sécurité sociale, dus parfois à des défauts structurels et, souvent, à de graves carences administratives. Pour remédier à ces problèmes, on le sait, plusieurs réformes ont été tentées; que ce soit dans le cadre classique d’une administration purement publique ou dans le cadre d’un régime mixte ou d’un système d’administration partiellement privé.

A la lumière du rapport que nous examinons, nous pourrons étudier, avec un esprit ouvert, toutes les variantes disponibles pour améliorer et moderniser les systèmes de sécurité sociale. Ces conclusions et recommandations seront très utiles lorsqu’on mènera le vaste ensemble d’activités—de coopération technique notamment—que la commission suggère aux pays de demander à l’Organisation.

A l’évidence, les travaux de la commission et ses conclusions ont eu pour caractéristiques dominantes le réalisme et la souplesse. L’approche très large qu’a adoptée la commission, sans entrer dans aucune «guerre d’amendement» constitue, comme cela a été dit ici hier en plénière, un produit exemplaire des délibérations que préconise notre Organisation, des délibérations transparentes, fondées sur la compréhension mutuelle, un véritable esprit tripartite et un esprit de dialogue social.

Original arabe: M. ASFOUR (délégué des employeurs, Jordanie) — Au Nom de Dieu, Clément et Miséricordieux. Les nations évoluent, les peuples prospèrent, les économies se développent grâce à la stabilité et à la sécurité qui sont l’expression même du bien-être de la société.

La sécurité sociale est l’un des plus importants facteurs de stabilité dans une société. Les régimes sociaux diffèrent d’un pays à l’autre et chaque pays aspire au progrès et à un meilleur régime social avec la participation des partenaires sociaux. Nous soulignons ici qu’il est important que tous les membres de la société soient couverts par les régimes de sécurité sociale si l’on aspire à une économie solide. Tous les pays doivent joindre leurs efforts pour soutenir les régimes de sécurité sociale au bénéfice de tous nos peuples.

Il serait bon de rappeler ici la nécessité de garantir l’égalité entre les hommes et les femmes qui apporteront ainsi chacun sa contribution avec le sentiment d’œuvrer pour leur propre sécurité et stabilité.

Avec une sécurité sociale intégrée, nous pouvons éradiquer le travail des enfants dont souffrent tant de peuples et que l’OIT combat de toutes ses forces. Cela n’est possible qu’à l’ombre d’une sécurité sociale intégrée et d’une stabilité économique qui se reflètent dans la création d’emplois, la réduction du chômage, le renforcement de la cohésion sociale, la lutte contre la pauvreté, l’amélioration des soins de santé, la sécurité du revenu et des services sociaux.

La vieillesse fait partie des priorités qu’il nous faut étudier afin de garantir une assurance vieillesse à tout le monde. L’individu, qui tout au long de sa vie active a contribué à la croissance économique et à la prospérité de son pays, a droit de la part de la sécurité sociale à une retraite digne.

Il est nécessaire d’avoir un système économique durable où se relaient les générations en toute sécurité. C’est pourquoi, l’OIT devrait prendre sur elle de sensibiliser les peuples et d’encourager l’extension de la couverture du système de sécurité sociale dans le monde. Cela se reflète dans le rapport sur la sécurité sociale ainsi que dans la résolution concernant la sécurité sociale qui englobe nombreux facteurs de haute importance et qui constitue la base du système de sécurité sociale auquel aspirent les peuples.

Nous soutenons cette résolution et nous adressons nos remerciements et notre reconnaissance au président du groupe des employeurs et au secrétariat de l’OIT qui, grâce à leurs efforts, nous ont permis d’aboutir aux résultats actuels. Je remercie la Présidente de la Commission de la sécurité sociale, ainsi que les deux vice-présidents qui, par leur compétence, ont permis que nos travaux soient couronnés de succès.

M. THIERRY (conseiller technique gouvernemental, France) — Nous souhaitons tout d’abord féliciter le bureau, la présidente et ses Vice-présidents, ainsi que les experts des troisgroupes, pour le remarquable travail réalisé sur un thème qui nous intéresse tout particulièrement. Je tiens aussi à exprimer nos remerciements chaleureux et amicaux à l’égard du rapporteur et à souligner, comme beaucoup d’autres orateurs l’ont fait avant moi, le très grand professionnalisme de l’équipe des spécialistes du BIT.

Ce rapport et ses conclusions sont très importants dans la stratégie de l’Organisation internationale du Travail, et cela à beaucoup d’égards. Je me contenterai de développer quatre points.

Premièrement, ce travail est le fruit d’un consensus équilibré mais ambitieux et propose au Bureau international du Travail un axe d’intervention essentiel pour la mise en œuvre du travail décent en ce qui concerne sa composante «protection sociale». C’est une étape qui, pour la France, doit être le point de départ de nouveaux développements de l’action de l’OIT vers plus de sécurité sociale pour l’humanité. Ce travail pourrait conduire à un engagement humain et financier accru du BIT en matière de coopération technique sur les questions de protection sociale, et ce dans une approche naturellement respectueuse de la diversité des contextes socio-économiques ou culturels. Ce travail est un encouragement pour ceux qui, dans tous les pays, travaillent à la mise en place et à l’adaptation de systèmes de sécurité sociale. Il légitime leurs interventions et il donne un sens à leurs actions.

En deuxième lieu, je voudrais revenir sur un point qui n’a pas été pris en compte dans les conclusions, mais qui nous paraît intéressant. La sécurité sociale assure une redistribution des revenus au profit des personnes confrontées à des risques sociaux ou à des aléas individuels importants. Elle consiste principalement en des transferts sociaux qui déplacent les revenus des travailleurs actifs vers ceux frappés par ces risques ou ces aléas. Le financement des transferts sociaux représente, pour les entreprises et au niveau microéconomique, une part du coût salarial correspondant aux salaires indirects ou aux salaires différés. Il n’est pas, en revanche, au niveau macroéconomique, une charge pour la nation, et il n’handicape pas la compétitivité internationale. En effet, dès lors que le système est bien conçu et correctement géré, il a pour but avant tout de redistribuer des revenus pour assurer une solidarité entre tous, face aux risques de la vie. C’est, de ce point de vue, une composante essentielle d’un modèle de développement social. Les transferts de revenus sociaux, en garantissant les individus contre des risques majeurs, sont un instrument important de lutte contre l’exclusion, de prévention de la précarité et de meilleure intégration des groupes vulnérables. Mais ce rôle de compensation ou d’amortissement des aléas au niveau individuel, les systèmes de protection sociale peuvent aussi le jouer au plan collectif pour l’ensemble d’une économie. On a, par exemple, pu remarquer que les pays qui avaient été le moins durablement affectés par des crises financières récentes ou qui avaient pu rapidement recommencer leur croissance, étaient des pays disposant d’un système de protection sociale structurée.

Troisième point, je voudrais brièvement évoquer les effets positifs sur l’emploi du développement de la protection sociale. Dans tous les pays où existe un système de protection sociale structurée, un secteur économique important s’est développé, occupant parfois plus de 10 pour cent de la population active. Dans beaucoup de nos villes, par exemple, les structures de santé ou les structures de soins constituent l’employeur le plus important. Lors du forum sur l’emploi, nous devrons penser, me semble-t-il, à ce secteur d’avenir où se développent des progrès techniques considérables qui permettent de mieux concrétiser le droit aux soins.

Quatrième et dernier point, je souhaite insister sur la place que doit occuper l’OIT en matière de sécurité sociale sur la scène internationale. Il est indispensable qu’outre le point de vue financier, développé par les institutions financières internationales, soit entendu le point de vue social. Il appartient à l’OIT, conformément à la Déclaration de Philadelphie de mai 1944, de promouvoir la sécurité sociale. On ne peut que constater que l’économie de la sécurité sociale n’est pas toujours très bien connue des experts financiers nationaux et internationaux. Il convient particulièrement de veiller à ce que soit pris en compte le droit à la sécurité sociale des membres de la société, proclamé à l’article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, ainsi que dans le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, de sorte qu’il ne soit pas oublié qu’un développement humain durable et soucieux de justice sociale est la finalité essentielle du système économique et financier. L’OIT doit donc occuper toute sa place en matière de sécurité sociale dans le concert international. Nous donnons tout notre soutien au rapport et au dernier paragraphe des conclusions qui préconise que le BIT invite le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à appuyer les conclusions adoptées par la Conférence et à s’associer à son action visant à promouvoir la justice sociale et la solidarité à travers l’extension d’une sécurité sociale complète. Et puisque nous avons récemment parlé de la dimension sociale de la mondialisation et des initiatives prises dans ce cadre-là, je crois aussi que c’est l’occasion de dire que le développement d’un système de protection sociale est l’un des enjeux essentiels par rapport à ces nouvelles initiatives. C’est en effet un enjeu tout à fait essentiel pour une gestion beaucoup plus sociale de la mondialisation.

Original anglais: Mme BUVERUD PEDERSEN (déléguée des travailleurs, Norvège) — Grâce à l’inscription de la sécurité sociale à l’ordre du jour de la Conférence internationale du Travail, nous avons eu la possibilité de discuter de l’un des enjeux majeurs de notre temps. Pour mettre en œuvre les conclusions tirées dans le rapport, beaucoup de travail nous attend.

En effet dans ces conclusions, il est proposé de lancer une grande campagne pour promouvoir un élargissement de la couverture de la sécurité sociale. Une telle campagne est importante si l’on tient compte du fait que la majorité des gens dans le monde n’a pas accès à la sécurité sociale. Il est dont tout à fait nécessaire que l’OIT redouble d’efforts pour mettre en œuvre le programme de travail. A mon avis, trois points méritent d’être mis en relief.

Premièrement, l’OIT devrait offrir une assistance technique, lorsque cela est nécessaire, et cela est nécessaire de façon à établir des régimes de sécurité sociale transparents et solides afin que la corruption puisse être supprimée et les coûts administratifs réduits le plus possible. C’est dans l’intérêt de ceux qui cotisent à ces régimes comme de ceux qui devraient en bénéficier. Deuxièmement, l’OIT devrait appuyer les initiatives qui permettent d’offrir une meilleure couverture sociale aux membres de la majorité exclue. Dans les cas où ils sont oubliés, l’OIT doit prendre des initiatives pour qu’ils soient couverts. Troisièmement, l’OIT doit exercer une influence sur le Fonds monétaire et la Banque mondiale, de façon qu’ils appuient les conclusions de ce rapport et les mettent en œuvre dans leurs propres programmes.

Ce dernier point peut être également dit de façon moins diplomatique. Si je puis me le permettre je dirais que l’OIT doit faire tout son possible pour que le Fonds monétaire et la Banque mondiale comprennent qu’ils doivent changer leur politique. Non seulement dans leurs discours mais dans la pratique. Ils peuvent le faire en appuyant par exemple les conclusions émanant de ce rapport et en s’efforçant de les mettre en œuvre dans leurs propres programmes.

L’OIT doit donc entreprendre le travail de mise en œuvre de ces conclusions au plus tôt.

Original anglais: La Presidente — Nous allons maintenant procéder à l’adoption du rapport. Je soumets tout d’abord le rapport proprement dit pour adoption, c’est-à-dire les paragraphes 1 à 145 où figure le résumé des discussions. S’il n’y a pas d’objections, je considèrerai que le rapport est adopté.

(Le rapport — paragraphes 1 à 145 — est adopté.)

Nous passons maintenant à l’adoption de la résolution concernant la sécurité sociale. Puis-je considérer que la résolution est adoptée?

(La résolution est adoptée.)

Pour finir, nous allons procéder à l’adoption, paragraphe par paragraphe, des conclusions concernant la sécurité sociale.

(Les conclusions — paragraphes 1 à 21 — sont adoptées successivement.)

Nous en avons ainsi terminé avec l’examen du rapport, de la résolution et des conclusions qui nous ont été présentés par la Commission de la sécurité sociale. Je remercie le bureau, les membres de la commission et le personnel du secrétariat de cet excellent travail.

Mise à jour par HK. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 June 2001.