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GB.275/4/1
275e session
Genève, juin 1999


316e rapport du Comité de la liberté syndicale (...suite)

Cas no 2010

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de l'Equateur
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: assassinat d'un dirigeant syndical,
répression d'actes de protestation
et campagne d'intimidation contre un autre dirigeant

448. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) figure dans une communication en date du 2 février 1999. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 15, 23, 25 mars, 20 avril et 13 mai 1999.

449. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

450. Dans sa communication du 2 février 1999, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) signale avoir été informée de la disparition, puis de l'assassinat de M. Saúl Cañar Pauta, secrétaire national chargé des questions de population et de jeunesse à la Confédération équatorienne des organisations classistes unitaires de travailleurs (CEDOCUT).

451. Selon la CISL, M. Cañar Pauta a disparu le 26 novembre 1998 au sud de Quito, après avoir été arrêté par huit hommes non identifiés circulant à bord de deux jeeps de marque Toyota et de couleur bleue, identiques aux véhicules qu'emploie l'armée. Ces hommes, qui se désignaient entre eux par leur grade, l'ont pris par erreur pour un membre du Groupe des combattants populaires (GCP), comme l'indiquait le 1er décembre 1998 le président de la CEDOCUT lorsqu'il a exigé des autorités qu'elles entreprennent une enquête approfondie afin de retrouver M. Cañar et qu'elles fassent cesser les agissements des escadrons de la mort contre les syndicalistes et les dirigeants syndicaux.

452. La CISL ajoute que, le 7 décembre, on a découvert à Latacunga (à 100 km de Quito, sur un pont qui traverse le Yanayacu) le corps sans vie de M. Cañar: il portait des traces manifestes de torture, ses mains étaient attachées dans le dos, une partie de son corps était carbonisée et il était apparemment mort d'asphyxie. Sa mort et les circonstances dans lesquelles elle a eu lieu sont les signes alarmants de ce qui pourrait être une grave décomposition politique et sociale de l'Equateur. En effet, en plus de ce crime, on observe, depuis la prise de fonctions de la nouvelle administration, des manifestations d'un autoritarisme préoccupant face au mécontentement social et à l'action légitime entreprise par les organisations sociales équatoriennes pour exprimer leur désaccord avec les mesures économiques prises par le nouveau régime.

453. A ce sujet, la CISL indique que, durant les manifestations, les actions de protestation et la grève générale du 1er octobre 1998, déclenchées par le mouvement syndical au niveau national, environ 300 travailleurs ont été arrêtés (puis libérés). On a dénombré à cette occasion plusieurs blessés ainsi que trois morts, ce qui est dû à la répression brutale à laquelle se sont livrées la police et l'armée, lesquelles, par ailleurs, ont militarisé les villages indigènes et les principales villes du pays. A la suite de la grève d'octobre, la Confédération équatorienne des syndicats libres (CESL) a dénoncé une campagne de dénigrement et d'intimidation à l'encontre de son président, José Chávez Chávez, qui a été menacé de poursuites par la ministre de l'Intérieur en raison des déclarations qu'il avait faites à la presse à la veille de la grève nationale.

454. La CESL indique aussi que, dans un entretien reproduit dans le magazine «Caretas», publié en Colombie, Carlos Castaños, le fameux chef des groupes paramilitaires colombiens, se vante d'avoir entraîné au combat 38 Equatoriens dans le but apparent de lancer une offensive contre les acteurs sociaux.

B. Réponse du gouvernement

455. Dans ses communications des 15, 23, 25 mars et 13 mai 1999, le gouvernement déclare que, vu l'importance qu'il attache au respect des droits de l'homme, il remercie ceux qui ont attiré son attention sur l'inquiétude que la mort de M. Saúl Cañar Pauta a provoqué au sein de diverses organisations internationales. Le gouvernement indique qu'il a immédiatement chargé la police judiciaire - dirigée par le procureur de la huitième circonscription pénale de Pichincha - d'enquêter sur cette affaire. Le rapport préliminaire est prêt et a été transmis au tribunal de la deuxième circonscription pénale de Cotopaxi. Le gouvernement en joint une copie en annexe. De son côté, la société civile a créé une commission spéciale dénommée «Paz y la Vida», composée de représentants des organisations de défense des droits de l'homme et de travailleurs, ainsi que du Défenseur du peuple et de la société civile. Cette commission a elle aussi procédé à une enquête (le gouvernement joint le rapport préliminaire de la commission). La ministre de l'Intérieur s'est attachée à établir un dialogue avec cette commission afin de pouvoir confronter de la façon la plus objective possible les résultats des différentes enquêtes et de parvenir ainsi à la vérité.

456. Le gouvernement indique que la conclusion la plus importante de la commission de la société civile est qu'il est définitivement exclu qu'il s'agisse d'un crime d'Etat (l'hypothèse d'une responsabilité ou d'une ingérence de l'Etat et du gouvernement est totalement écartée), et il est fondamental que ces conclusions soient portées à la connaissance des institutions qui se sont occupées de ce cas. L'Etat n'a rien à voir avec cette affaire, et le gouvernement est décidé à poursuivre les enquêtes afin d'identifier, de localiser, de capturer et de sanctionner les auteurs et les complices du crime. Le gouvernement rejette les insinuations ou assertions de l'organisation plaignante mettant en doute l'ordre légalement constitué dans l'Etat équatorien; il les juge gravement irresponsables et sans fondement. Il souligne que pas le moindre indice n'est venu étayer, lors des enquêtes officielles, les faux témoignages et les suppositions extravagantes de certaines organisations syndicales nationales à l'origine de la plainte. Selon le gouvernement, les dirigeants syndicaux nationaux n'ont fourni aucune information au cours de l'enquête relative aux auteurs présumés du crime.

457. Le gouvernement indique qu'il agit avec une grande transparence car il est résolu à veiller au respect des droits de l'homme en Equateur conformément aux conventions internationales qui ont été signées par ce pays et envoie la documentation relative aux mesures prises durant l'enquête.

458. Dans sa communication du 20 avril 1999, le gouvernement déclare que le 1er octobre 1998 une grève nationale déclenchée par divers secteurs de la société a eu lieu pour protester contre les mesures d'ajustement économique prises par l'exécutif, ce qui a conduit à des actes de violence, de vandalisme, de saccage et d'agressions contre des personnes qui ne participaient pas à ces actions de protestation. Il n'y a pas eu, comme l'allèguent les plaignants, 300 personnes arrêtées mais moins de 100 dans tout le pays. Il s'agissait d'individus qui ont incité au vandalisme, à la destruction de véhicules automobiles, au vol contre des passants qui ne participaient pas à la grève nationale, au pillage de magasins de toute sorte et à la destruction de propriétés publiques et privées. Les détenus, qui n'étaient ni des militants syndicaux ni des travailleurs, ont été libérés sans problème. Les détentions ont eu pour visée que les manifestations de protestation ne dégénèrent pas davantage.

459. Le gouvernement ajoute que, dans la province de Guayaquil, dans la petite ville de Trinitaria, Jorge Anibal Mena est décédé. C'est dans cet endroit que les violences sociales de personnes armées avec toutes sortes d'objets ont eu le plus d'ampleur. Tous les habitants de ce secteur, sans lien avec les syndicats, ont participé spontanément à la manifestation de protestation qui s'est achevée par des actes de grande violence et de pillage au cours desquels la police et les forces armées sont intervenues pour dissiper les attentats à la propriété publique et privée. Dans ces circonstances, une balle perdue a blessé mortellement M. Mena alors que l'intéressé rentrait chez lui à Trinitaria, comme l'a dit son entourage familial; M. Mena ne participait pas à la grève; il s'agit d'un accident tout à fait regrettable sans coupable particulier. Dans la ville d'Esmeraldas, M. Javier Bone est mort; il n'appartenait à aucun syndicat de travailleurs; il fut mortellement blessé au cours d'actes de protestation violente; au même moment une banque de cette localité a été saccagée et une église lapidée, révélant le véritable sens de ces manifestations de protestation. Cette mort est due à une balle perdue, au hasard du moment, au cours des actes de violence généralisée. Une troisième personne est morte dans la ville de Manabi lorsque la grenade d'un manifestant a été confisquée provoquant la mort du policier José Bowen Menéndez; aussi est-il inutile dans ces circonstances de chaos d'incriminer des syndicalistes ou le gouvernement pour de tels accidents particulièrement regrettables. Le gouvernement conclut en ajoutant que l'état de commotion et de chaos n'a pas été occasionné ni réprimé par la force publique; il n'a été que contrôlé de manière modérée pour tenter de sauvegarder la sécurité des personnes et des biens publics et privés. Le gouvernement joint à sa réponse des coupures de presse de différents journaux pour appuyer le bien-fondé de ses déclarations.

C. Conclusions du comité

460. Le comité prend note avec préoccupation des allégations de l'organisation plaignante, à savoir: 1) la disparition et l'assassinat de M. Saúl Cañar Pauta, dirigeant syndical de la CEDOCUT; 2) l'arrestation de 300 travailleurs (libérés par la suite) et les conséquences - plusieurs blessés et trois morts - de la répression exercée par la police et par l'armée durant les actions de protestation et la grève générale du 1er octobre 1998; 3) la campagne de dénigrement et d'intimidation lancée contre le président de la CESL, menacé de poursuites par la ministre de l'Intérieur à cause de ses déclarations à la presse nationale à la veille de la grève précitée; 4) l'entraînement de 38 Equatoriens à des techniques de combat par un chef paramilitaire connu de Colombie dans le but de lancer une offensive contre les acteurs sociaux, ainsi qu'il est indiqué dans une revue.

461. Le comité déplore profondément l'assassinat du dirigeant syndical Saúl Cañar Pauta, dont le corps portait apparemment des traces de torture. Le comité prend note des déclarations suivantes du gouvernement: 1) la police judiciaire a procédé à une enquête approfondie dont les résultats ont été soumis à l'autorité judiciaire et une enquête parallèle a été entreprise par une commission spéciale de la société civile appelée «Paz y la Vida»; 2) cette commission a définitivement écarté la possibilité qu'il s'agisse d'un crime d'Etat et que le gouvernement en porte la responsabilité; 3) le gouvernement a l'intention d'identifier, de capturer et de sanctionner les auteurs et les complices de ce crime. Le comité demande au gouvernement de faire tout ce qui est nécessaire pour que l'enquête aboutisse rapidement. Il lui demande de le tenir informé de l'évolution des enquêtes judiciaires dont il espère qu'elles permettront bientôt d'identifier et de sanctionner les assassins.

462. En ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de 300 travailleurs (libérés par la suite) et les conséquences - plusieurs blessés et trois morts - de la répression exercée par la police et par l'armée durant les manifestations de protestation et la grève générale du 1er octobre 1998, le comité note que selon le gouvernement: 1) il y a eu moins de 100 arrestations et ces arrestations n'ont concerné ni les responsables ni les travailleurs, mais des individus coupables de faits délictueux (tels que des vols, destruction de biens etc.); 2) les détenus ont été remis en liberté; 3) sur les trois personnes qui sont mortes, l'une d'entre elles n'avait pas participé à la grève, l'autre n'était pas un travailleur et elle a reçu comme la première une balle perdue, et la troisième est décédée lors de la confiscation d'une grenade des mains d'un manifestant, ce qui a conduit à la mort du policier. Le comité déplore profondément les actes de violence et les morts qui ont eu lieu au cours des manifestations et demande au gouvernement de garantir que des enquêtes judiciaires soient diligentées et de lui communiquer les textes des décisions de justice qui seront prononcées au sujet de ces morts.

463. Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu aux autres allégations de l'organisation plaignante: 1) la campagne de dénigrement et d'intimidation lancée contre le président de la CESL, menacé de poursuites par la ministre de l'Intérieur à cause de ses déclarations à la presse nationale à la veille de la grève précitée; 2) l'entraînement de 38 Equatoriens à des techniques de combat par un chef paramilitaire colombien connu dans le but de lancer une offensive contre les militants sociaux, ainsi qu'il est indiqué dans une revue. Le comité demande instamment au gouvernement de lui faire parvenir immédiatement ses observations sur ces allégations.

Recommandations du comité

464. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1888

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de l'Ethiopie
présentée par
- l'Internationale de l'éducation (IE) et
- l'Association des enseignants éthiopiens (ETA)

Allégations: meurtre, détention de syndicalistes,
discrimination antisyndicale et ingérence
dans l'administration interne d'un syndicat

465. Le comité a examiné ce cas quant au fond à ses sessions de novembre 1997 et de juin 1998 où il a présenté des rapports intérimaires au Conseil d'administration. [Voir 308e rapport, paragr. 327-347, et 310e rapport, paragr. 368-392, respectivement.]

466. Depuis le dernier examen de ce cas, les plaignants ont soumis de nouvelles allégations et des informations complémentaires dans des communications en date du 29 septembre et du 20 octobre 1998. Le gouvernement a fait parvenir de nouvelles observations dans des communications en date du 24 février et du 5 mars 1999. Des traductions d'un certain nombre de décisions judiciaires et d'autres arrêtés ont été envoyées par le gouvernement dans une communication du 31 mars 1999.

467. L'Ethiopie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

468. Au cours de ses examens antérieurs de ce cas, le comité avait étudié les très graves allégations de violation de la liberté syndicale présentées, notamment le refus du gouvernement de continuer à reconnaître l'Association des enseignants éthiopiens (ETA), le gel des avoirs de cette organisation et le meurtre, l'arrestation, la détention, le harcèlement, le licenciement et la mutation de certains dirigeants et membres de l'ETA. Le comité avait exprimé sa profonde préoccupation devant l'extrême gravité du cas; il avait instamment demandé au gouvernement de coopérer à la procédure et de fournir une réponse détaillée à toutes les questions qu'il avait posées.

469. A sa session de juin 1998, et au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes:

B. Nouvelles allégations et informations complémentaires

470. Dans leurs communications datées des 29 septembre et 20 octobre 1998, les plaignants indiquent que le harcèlement, la répression et les manœuvres d'intimidation de l'ETA ont continué et, en fait, empiré depuis le dernier examen du cas par le comité. Les plaignants affirment que le gouvernement a pris de nouvelles mesures pour écraser l'ETA, qui est légitime.

471. Le 28 juillet 1998, lors du deuxième Congrès mondial de l'Internationale de l'éducation (EI), le Dr Taye Woldesmiate, président de l'ETA, qui était alors en prison, et son secrétaire adjoint, M. Assefa Maru, qui avait été assassiné, ont reçu le prix des droits syndicaux et des droits de l'homme de l'Internationale de l'éducation. Ce prix est en général décerné à un dirigeant ou à un militant syndical qui a accompli une action courageuse et exemplaire pour défendre et promouvoir les droits syndicaux.

472. Les plaignants ont déclaré que le même jour, le 28 juillet 1998 à Addis Abeba, le Dr Taye Woldesmiate a comparu une nouvelle fois devant le tribunal, alors qu'à cette date son cas était en instance depuis deux ans, sans qu'aucune décision n'ait été rendue. Les chefs d'inculpation les plus graves retenus contre lui ont été abandonnés, et les deux principaux témoins à charge sont revenus sur leur témoignage en déclarant qu'il leur avait été imposé sous la torture. Le Dr Woldesmiate a déclaré au tribunal que les gardes de la prison le harcelaient et menaçaient de l'abattre. Le juge a rétorqué que le tribunal n'avait pas compétence pour intervenir dans l'administration interne de la prison centrale. Lorsque le Dr Woldesmiate a demandé devant quelle instance il devait faire appel, le juge a donné ordre à la prison de le tenir enchaîné jusqu'au 15 septembre 1998. Lorsqu'il a comparu à nouveau devant le tribunal le 15 septembre 1998, l'audience a été ajournée, tous les magistrats n'étant pas présents. Il a donc gardé les menottes 24 heures sur 24 jusqu'au 28 septembre 1998. Ses menottes n'étaient enlevées qu'une fois par jour pour qu'il puisse procéder à sa toilette. Les plaignants ont déclaré que cette punition aurait été imposée en partie en réaction de la part du tribunal au fait que le Dr Woldesmiate avait reçu le prix des droits syndicaux et des droits de l'homme de l'Internationale de l'éducation.

473. Les plaignants déclarent en outre que le 20 juillet 1998, une semaine avant la comparution du Dr Woldesmiate devant le tribunal, l'ETA avait également dû comparaître. En décembre 1994, le tribunal avait jugé que le comité exécutif dirigé par le Dr Woldesmiate était l'organe dirigeant légitime de l'ETA. Le groupe rival a immédiatement interjeté un appel et le tribunal a alors gelé le compte en banque de l'ETA. Après un certain temps, la police et les services de sécurité ont saisi tous les bureaux régionaux de l'ETA et les ont livrés au groupe rival. Chaque fois que l'affaire a été portée devant les tribunaux et en dépit des appels de l'ETA qui demandait qu'une décision soit rendue, le cas était immédiatement ajourné. Le 20 juillet 1998, il l'a été une fois encore, jusqu'au 20 mars 1999. Le cas concernant l'ETA devait donc être entendu par la Haute Cour fédérale le 5 avril 1999. Selon certaines allégations, alors que le cas était encore en instance, en mai 1998, un million de birr ont été retirés illégalement du compte bancaire de l'ETA qui avait été gelé et transférés à l'organisation rivale.

474. Les plaignants expliquent qu'au cours des 12 derniers mois, grâce au soutien de l'EI, l'ETA a fait un certain nombre de tentatives auprès du gouvernement éthiopien dans le but d'instaurer une relation de travail constructive. Cependant, le gouvernement n'a même pas accusé réception des lettres de l'ETA.

475. Le jeudi 13 août 1998, sans mandat judiciaire, 30 personnes - à savoir: 10 officiers de police, 10 membres des forces de sécurité et 10 membres de l'organisation rivale parrainée par le gouvernement - ont occupé les locaux de l'ETA, les ont mis sous scellés et ont arrêté deux dirigeants du syndicat, Abate Angorie et Awoke Mulugeta, qu'elles ont gardés en détention pendant sept heures. Ces personnes ont signifié aux locataires du bâtiment qu'à l'avenir ils devraient verser leur loyer au gouvernement et non pas à l'ETA.

476. Les plaignants ont déclaré que les dirigeants de l'ETA, faisant preuve de courage et d'engagement, ont cependant décidé d'organiser un atelier ETA/EI qui devait avoir lieu entre le 20 et le 24 août 1998, afin d'examiner de quelle manière l'ETA pourrait mieux contribuer au développement d'une éducation de qualité en Ethiopie. Plus de 100 militants de l'ETA arrivèrent de toutes les régions du pays et l'atelier a été ouvert comme prévu. A 10 heures du matin, les forces de sécurité ont fait irruption, informant les participants que les travaux de l'atelier devaient cesser immédiatement, et elles ont mis sous scellés la salle où la réunion avait lieu. L'accès aux locaux de l'ETA lui ayant été refusé, l'atelier s'est transféré dans un hôtel où il a pu poursuivre ses travaux sans autre interruption, mais dans un lourd climat d'insécurité et de crainte.

477. Le 17 septembre 1998, la police et les forces de sécurité ont réapparu dans le bureau local de l'ETA à Addis Abeba où trois membres du comité exécutif du syndicat (Shimalis Zewdie, secrétaire général par intérim, Abate Angorie et Awoke Mulugeta) discutaient de la meilleure manière de permettre à l'organisation de fonctionner, maintenant qu'elle n'avait plus accès à ses locaux. Lorsqu'ils ont refusé de livrer les locaux au syndicat rival, appuyé par le gouvernement, ils ont été arrêtés et amenés au poste de police no 5. Bien qu'ils aient déjà comparu deux fois devant un tribunal, aucun chef d'inculpation officiel n'a encore été retenu contre eux. Lors de la première comparution, le juge avait, en fait, critiqué l'action de la police; cependant, après avoir consulté la police et les forces de sécurité, il n'a pas ordonné la libération des syndicalistes, qui sont demeurés en détention jusqu'au 15 octobre 1998. Ils pourraient encore être inculpés. Shimalis Zewdie a été malade à son retour du Congrès de l'Internationale de l'éducation à Washington, DC, où il avait reçu le prix des droits syndicaux et des droits de l'homme de l'EI au nom du Dr Taye Woldesmiate et de M. Assefa Maru. Au moment de son arrestation, il suivait un traitement contre la tuberculose. Il a été détenu dans une cellule surpeuplée avec une dizaine ou une quinzaine d'autres prisonniers, et on lui a refusé toute assistance médicale. Il était trop faible pour comparaître devant le tribunal la deuxième fois et il avait des difficultés pour avaler la nourriture que sa famille lui apportait.

478. Les plaignants craignent que la justice ne soit pas indépendante en Ethiopie. Les documents du tribunal délivrés à l'ETA les sommaient simplement de comparaître devant le tribunal le 10 novembre 1998 pour justifier la raison pour laquelle ils avaient refusé de céder leurs locaux à l'organisation rivale. Aucune mention n'a été faite de la saisie immédiate de ces locaux ni de l'arrestation des dirigeants de l'ETA.

479. Pendant la semaine du 12 octobre 1998, des personnes appartenant au syndicat soutenu par le gouvernement ont pénétré par effraction dans les locaux de l'ETA qui avaient été mis sous scellés; elles les ont fouillés et ont lu les documents qui s'y trouvaient. Toutes les serrures ont été changées afin d'en interdire l'accès à l'ETA tout en le donnant à l'organisation rivale.

480. Les plaignants estiment que ce type de comportement de la part des autorités est de toute évidence conçu pour éliminer tout syndicat qui n'est pas directement contrôlé par le gouvernement ou ses partisans. Ils prétendent que cette tactique a réussi contre un grand nombre d'autres syndicats.

C. Nouvelle réponse du gouvernement

481. En ce qui concerne les chefs d'inculpation retenus contre le Dr Woldesmiate, le gouvernement réitère qu'il a été arrêté car il avait participé, avec cinq autres personnes, à la constitution d'une organisation terroriste connue sous le nom de «Front patriotique national d'Ethiopie», dont le but était de renverser le gouvernement légitime par la force, en violation des articles 32/1/A et 252/1/A du Code pénal.

482. Le gouvernement indique que le Dr Woldesmiate a été arrêté le 30 mai 1996, et le 1er août 1996 des chefs d'inculpation ont été retenus contre lui. Ils reposent sur les faits suivants: i) collecte de fonds par la terreur; ii) activités terroristes mettant en danger la vie des personnes, en particulier celle des étrangers, dans l'intention de troubler l'ordre et la paix, créant ainsi une fausse impression d'instabilité et de troubles dans le pays; iii) cambriolages dans certains établissements économiques clés, notamment les banques et les entreprises de transport; iv) recrutement en vue d'une rébellion armée; v) tentatives d'assassinat perpétrées sur des fonctionnaires du gouvernement et des sympathisants; vi) responsabilité indirecte concernant le bombardement des bureaux de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) en février 1995; vii) enlèvement de deux ressortissants étrangers en septembre 1995 qui ont été, par la suite, libérés.

483. Selon le gouvernement, le tribunal a demandé au Dr Woldesmiate de répondre aux cinq premiers chefs d'accusation énumérés ci-dessus, étant donné que les deux autres ont fait l'objet d'un non-lieu. Le Dr Woldesmiate est actuellement emprisonné dans la prison centrale d'Addis Abeba. Il est détenu avec un ancien haut fonctionnaire de l'actuel gouvernement qui est accusé d'outrage. Le gouvernement réaffirme que les chefs d'accusation retenus contre le Dr Woldesmiate n'ont rien à voir avec ses activités syndicales ou sa position dans l'ETA.

484. Le gouvernement affirme que la nouvelle allégation selon laquelle le Dr Woldesmiate est resté menotté du 28 juillet 1998 au 28 septembre 1998 n'est pas fondée, étant donné que le tribunal n'a jamais rendu de décision dans ce sens; l'accusé n'était pas enchaîné et n'a souffert d'aucun mauvais traitement. Cependant, le jour où il a dû comparaître devant la Haute Cour fédérale, le gouvernement déclare que le Dr Woldesmiate a fait preuve d'indiscipline, provoquant des troubles, et n'a fait aucun cas des magistrats qui demandaient que l'ordre soit rétabli. Par conséquent, le tribunal a ordonné qu'on lui mette les menottes s'il ne changeait pas d'attitude; toutefois, il a été immédiatement pardonné, car il a présenté des excuses.

485. En ce qui concerne l'allégation de détention et de harcèlement des membres et dirigeants de l'ETA, le gouvernement nie à nouveau que quiconque ait été arrêté sur la base de son appartenance à l'ETA ou de ses activités syndicales, à moins qu'il n'ait agi contre la loi. Le gouvernement déclare en outre que «quelques rares» anciens dirigeants de l'ETA ont été accusés d'avoir constitué une organisation clandestine et d'accomplir des activités illégales. Ils ont été arrêtés sous mandat judiciaire et traduits devant la deuxième chambre criminelle de la Haute Cour fédérale le 6 août 1996 après avoir été inculpés par le ministère public. Le tribunal, après avoir examiné les preuves présentées par le procureur, a entendu la défense. Certains cas sont encore en instance. Le gouvernement déclare aussi que, «conformément à l'application de la loi dans le pays, [les syndicalistes] jouissent normalement d'un procès juste et de toutes les garanties nécessaires à leur défense tout comme les autres prisonniers. Ils ont le droit de communiquer avec leurs conseillers juridiques, qui peuvent leur rendre visite.»

486. Pour ce qui est du décès de M. Assefa Maru, le gouvernement indique que l'intéressé a refusé de se rendre à la police et qu'il est décédé lors d'un échange de coups de feu. Il affirme que «les circonstances de cet incident ont été correctement établies et rendues publiques par le gouvernement au moment où il s'est produit».

487. Pour ce qui est de l'allégation d'ingérence dans les affaires de l'ETA, le gouvernement prétend qu'un différend a éclaté entre les deux comités exécutifs de ce syndicat, dont l'un était dirigé par le Dr Woldesmiate et l'autre par M. Yeshewas Admassu, chacun d'eux prétendant être l'unique représentant légal de l'organisation. Comme ils se sont trouvés dans l'incapacité de résoudre leur différend, chacun des comités a intenté un procès à l'autre devant la Haute Cour d'Addis Abeba. Le comité exécutif dirigé par le Dr Woldesmiate, dans sa plainte civile no 2586/85, demande à être reconnu comme l'unique représentant légal de l'ETA. Le comité exécutif dirigé par M. Yeshewas Admassu, dans sa plainte no 926/86, a demandé au tribunal d'ordonner que lui soient transférés tous les biens appartenant à l'ETA et détenus par le comité exécutif dirigé par le Dr Woldesmiate. Le tribunal a traité les deux plaintes simultanément (plainte no 2586/85) et rendu son arrêt le 12 décembre 1994. Cet arrêt est fondé sur une analyse de la législation pertinente, y compris le Code civil et les statuts de l'ETA. Il statue notamment:

488. Le gouvernement insiste sur le fait que le tribunal n'a légitimé ni l'un ni l'autre des comités exécutifs; il a renvoyé la question à l'assemblée générale de l'ETA, afin qu'elle en décide; compte tenu de la décision du tribunal, l'assemblée générale de l'ETA a été convoquée le 18 octobre 1995. Lors de cette réunion, et à la suite d'une discussion approfondie, l'assemblée a décidé que le comité exécutif dirigé par le Dr Woldesmiate ne pouvait en aucun cas être le représentant légitime du syndicat. L'assemblée générale a donc élu les membres du comité exécutif, et le gouvernement affirme qu'il n'a fait aucun obstacle à ce processus électoral non plus qu'il n'a manifesté un favoritisme quelconque. Il prétend qu'il ne s'est jamais ingéré dans l'administration et le fonctionnement de l'ETA et qu'il a pleinement respecté la décision de la Haute Cour ainsi que les conventions internationales du travail qu'il a ratifiées.

489. En ce qui concerne le gel des avoirs de l'ETA, le gouvernement souligne que cette mesure a été prise pour donner suite à un arrêt de la Haute Cour fédérale du 26 juin 1998 dans le cadre de la plainte no 119/90. La Haute Cour a ordonné que les biens de l'ETA soient inventoriés et mis sous scellés. Elle a également ordonné la suspension du transfert du véhicule Toyota (plaques no 4- 0704) à une quelconque tierce partie. En même temps, le comité exécutif de l'ETA nouvellement élu a reçu l'ordre de fournir une garantie de 100 000 birr couvrant toutes dépenses ou dommages que cette suspension pourrait entraîner. Ce n'est qu'après la fourniture de cette garantie que la décision de la Cour a été rendue et appliquée.

490. Le gouvernement prétend que l'allégation concernant le gel des comptes bancaires de l'ETA par lui est totalement infondée. Le compte de l'ETA a été gelé par une décision de la Cour fédérale en première instance rendue le 22 juillet 1993 (plainte no 2461/85), qui a été annulée ensuite par une décision de ce même tribunal le 18 octobre 1993. Cette dernière décision a ensuite été communiquée à la Banque commerciale d'Ethiopie où l'ETA avait ouvert un compte. Le gouvernement affirme qu'il n'a pris aucune mesure visant à geler les avoirs et les comptes bancaires de ce syndicat.

D. Conclusions du comité

491. Le comité rappelle que ce cas concerne de graves allégations relatives à la liberté syndicale, en particulier l'ingérence du gouvernement dans l'administration interne de l'ETA, le meurtre, l'arrestation, la détention, le harcèlement, le licenciement et la mutation de membres et de responsables de l'ETA. Les plaignants allèguent que ces schémas d'action répressive de la part du gouvernement à l'encontre de l'ETA se sont non seulement poursuivis mais ont encore empiré depuis le dernier examen de ce cas par le comité.

492. Tout en reconnaissant que le gouvernement a fourni une réponse plus détaillée que celle qu'il avait fournie par le passé, le comité déplore pourtant vivement le fait que le gouvernement n'a pas encore fourni toutes les informations qui lui ont été demandées concernant ces allégations.

493. En ce qui concerne l'allégation d'ingérence gouvernementale dans l'administration et le fonctionnement de l'ETA, le comité note que, pour ce qui est notamment de la volonté du gouvernement de respecter la décision du tribunal relative à la reconnaissance de l'ETA, les informations fournies par les plaignants et par le gouvernement sont diamétralement opposées. Les plaignants déclarent que la Haute Cour d'Ethiopie a décidé, en décembre 1994, que les responsables élus et dirigés par le Dr Woldesmiate constituaient la représentation légitime de l'ETA, et que l'organisation rivale a interjeté un appel contre cette décision; cependant, aucune décision n'a été rendue en ce qui concerne cet appel car l'affaire a été ajournée à plusieurs reprises. Dans sa réponse la plus récente, le gouvernement décrit d'une manière assez détaillée les procédures judiciaires concernant la direction de l'ETA. Selon lui, le tribunal a effectivement étudié le cas en décembre 1994 mais il n'a pris aucune décision en ce qui concerne la représentation légitime de l'ETA; il a déclaré que cette décision devait être prise par l'assemblée générale du syndicat. Le gouvernement ne fait aucune mention d'un appel contre cette décision. Il affirme ensuite que l'assemblée générale a été convoquée à nouveau et qu'elle a dûment élu les membres du comité exécutif, dont la composition ne comprenait pas les personnes dirigées par le Dr Woldesmiate. Cependant, les plaignants ont affirmé que les syndicalistes dirigés par le Dr Woldesmiate se disent prêts à se soumettre à de nouvelles élections pour confirmer le choix des enseignants, mais que le groupe rival s'y refuse. [Voir 308e rapport, paragr. 330.]

494. Le comité prend note de la réponse du gouvernement à ses demandes spécifiques concernant la reconnaissance de l'ETA et de l'intention du gouvernement de respecter la décision du tribunal. Le comité note, en outre, que selon la traduction de la décision de la Haute Cour du 12 décembre 1994, présentée par le gouvernement, la Cour rejette en fait l'opinion du ministre de l'Intérieur selon laquelle l'ETA, dirigée par le Dr Woldesmiate, a «perdu sa légitimité». Cependant, quant à la question de savoir lequel des deux comités exécutifs représente légitimement l'organisation, la Cour a maintenu que la décision ne relevait pas de sa compétence. Une opinion divergente a pourtant affirmé le contraire. Le comité estime que la décision rendue le 12 décembre 1994 ne résout pas la question de la représentation légitime de l'ETA, ni pour le plaignant ni pour le gouvernement. Le comité demande en outre au gouvernement de l'informer sur tout appel qui serait interjeté à ce propos, et de lui faire connaître toute décision ou tout jugement y afférent. Le comité demande également au gouvernement de fournir des informations quant au rôle qu'il a joué vis-à-vis de l'ETA avant que le jugement de la Haute Cour n'ait été rendu, car, selon l'ETA, la décision était motivée par le fait que le gouvernement avait effectivement suspendu l'ETA par le biais des autorités administratives et qu'il avait transféré les cotisations syndicales au groupe rival et gelé les avoirs du syndicat. [Voir 308e rapport, paragr. 330.] Toute autre information provenant soit du gouvernement soit du plaignant et permettant de jeter davantage de lumière sur cette affaire serait également la bienvenue.

495. Les allégations selon lesquelles les comptes bancaires de l'ETA ont été gelés et que ses avoirs et biens ont été détournés sont étroitement liées à la question de la reconnaissance du syndicat. Le comité, là encore, note une contradiction dans les faits évoqués et un manque d'information de la part du gouvernement. S'il faut en croire les plaignants, ces comptes bancaires ont été gelés peu après que les tribunaux aient été saisis de la question de la direction du syndicat en 1994. L'allégation la plus récente porte sur un retrait d'argent à partir d'un compte gelé et sur son transfert à l'organisation rivale en mai 1998. En ce qui concerne les biens de l'ETA, les plaignants ont déclaré que 134 bureaux régionaux de l'ETA ont été fermés. [Voir 308e rapport, paragr. 331.] Plus récemment, ils ont allégué qu'en août 1998 les bureaux de l'ETA ont été occupés et mis sous scellés, et qu'en octobre 1998 les serrures ont été changées, ce qui permettait l'accès aux locaux à l'organisation rivale et l'interdisait aux plaignants. Selon ces derniers, les locaux de l'ETA ont également été mis sous scellés. Pour ce qui est des comptes bancaires, le gouvernement déclare qu'ils ont été gelés sur ordre du tribunal en juillet 1993, mais que cet ordre a été annulé en octobre 1993. En ce qui concerne le gel des avoirs de l'ETA, le gouvernement se justifie en faisant référence à des décisions rendues récemment par le tribunal (juin 1998).

496. Le comité note que les avis des plaignants et du gouvernement en ce qui concerne la situation des comptes bancaires de l'ETA sont diamétralement opposés. Cependant, le gouvernement reconnaît que les avoirs ont été gelés et fait référence à un récent jugement pour justifier cette action. A cet égard, le comité rappelle l'importance du droit à la protection des fonds et des avoirs syndicaux contre l'intervention des autorités publiques. [Voir Résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, 1970, Conférence internationale du Travail, paragr. 15.] Etant donné que, selon le gouvernement, cette décision est datée du 26 juin 1998, le comité prie le gouvernement de fournir des informations quant au rôle qu'il a joué dans le gel des avoirs avant cette date. Le comité note, en se fondant sur les documents fournis par le gouvernement, que la décision du tribunal relative au dégel du compte bancaire de l'ETA est datée du 18 octobre 1993, alors que l'ordre communiquant cette décision à la banque concernée est daté du 6 août 1997. Le comité prie le gouvernement de lui fournir des informations sur ce retard. Le comité demande également des informations concernant l'allégation selon laquelle le gouvernement a informé les locataires du bâtiment de l'ETA de lui verser directement le montant de leur loyer.

497. Pour ce qui est des allégations relatives à l'occupation et à la mise sous scellés de bureaux de l'ETA, ainsi que de la mise sous scellés de la salle de réunions de l'ETA au cours d'un atelier ETA/EI, le comité rappelle que l'inviolabilité des locaux syndicaux a comme corollaire indispensable que les autorités publiques ne peuvent exiger de pénétrer dans ces locaux sans l'autorisation préalable des occupants ou sans être en possession d'un mandat judiciaire les y autorisant; un contrôle judiciaire indépendant devrait être exercé par les autorités concernant l'occupation ou la mise sous scellés de locaux syndicaux, étant donné les risques importants de paralysie que ces mesures font peser sur les activités syndicales. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 175, 183.] Le comité demande instamment au gouvernement de répondre aux allégations spécifiques concernant l'occupation et la mise sous scellés des locaux de l'ETA. Quant à l'allégation selon laquelle l'atelier ETA/EI a été fermé par les forces de sécurité, le comité rappelle que le droit des organisations professionnelles de tenir des réunions dans leurs propres locaux pour y examiner des questions professionnelles, sans autorisation préalable ni ingérence des autorités, constitue un élément essentiel de la liberté d'association, et les autorités devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice, à moins que cet exercice ne trouble l'ordre public ou ne le menace de manière grave ou imminente. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 130.] Le comité prie le gouvernement de lui fournir des informations concernant cette allégation.

498. En ce qui concerne le Dr Woldesmiate, le gouvernement confirme qu'il a été arrêté en mai 1996, qu'il n'a été inculpé que deux mois après, et qu'il est encore en prison. Le comité regrette que le gouvernement ne fasse aucune référence à la première arrestation du Dr Woldesmiate qui a eu lieu en mai 1995, selon les allégations des plaignants [voir 308e rapport, paragr. 332], et il prie instamment le gouvernement de lui fournir des informations quant à la date de cette arrestation, la date à laquelle l'intéressé a été inculpé et les faits sur lesquels cette inculpation est fondée.

499. Le comité ne peut que déplorer le fait que le Dr Woldesmiate ait été détenu pendant deux mois avant d'être inculpé et qu'il soit resté en détention depuis mai 1996, c'est-à-dire pendant trois ans, sans être jugé. Le comité rappelle que le fait que tout détenu doit être déféré sans délai devant la juridiction compétente constitue l'un des droits fondamentaux de l'individu et, lorsqu'il s'agit d'un syndicaliste, la protection contre toute arrestation et détention arbitraires et le droit à un jugement équitable et rapide font partie des libertés civiles qui devraient être assurées par les autorités afin de garantir l'exercice normal des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 94.] En outre, tout individu arrêté devra être informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de l'accusation portée contre lui. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 95.] Etant donné qu'il a été détenu pendant deux mois sans être inculpé et qu'il a passé trois ans en prison sans être jugé, le Dr Woldesmiate s'est vu refuser tous ses droits civils élémentaires, ce qui pourrait contribuer à alimenter un climat d'intimidation et de crainte préjudiciable au déroulement normal des activités syndicales. Par conséquent, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la libération immédiate du Dr Woldesmiate. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.

500. Pour ce qui est du harcèlement et de la détention des dirigeants et des membres de l'ETA, le comité regrette profondément que le gouvernement ait fourni une réponse de nature générale à des allégations qui étaient très spécifiques. Le gouvernement avait été prié de fournir d'urgence des informations sur toutes les personnes qui sont détenues selon les allégations (voir annexe 2); or il s'est contenté de répondre que «quelques rares» anciens membres du conseil exécutif de l'ETA avaient été accusés et arrêtés et que certains de ces cas étaient encore en instance de jugement. Le comité se voit une fois encore dans l'obligation de prier instamment le gouvernement de fournir d'urgence des précisions concernant toutes les personnes figurant dans la liste de l'annexe 2, ainsi que Abate Angorie, Awoke Mulugeta et Shimalis Zewdie, mentionnés dans les allégations les plus récentes, et de faire connaître notamment la date, le lieu et les raisons de leur arrestation et de leur détention, les chefs d'inculpation qui auraient éventuellement été retenus contre ces personnes, les conditions de leur détention, les procédures judiciaires qui ont été appliquées, ainsi que toute décision ou jugement qui en découlerait. Le comité note avec préoccupation que, selon les allégations les plus récentes, Abate Angorie, Awake Mulugeta et Shimalis Zewdie sont arrêtés depuis un mois sans qu'aucun chef d'inculpation n'ait été retenu contre eux, et que M. Shimalis Zewdie s'est vu refuser des soins médicaux appropriés. Le comité rappelle que les mesures d'arrestation de syndicalistes peuvent créer un climat d'intimidation et de crainte, empêchant le déroulement normal des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 76.] Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les dirigeants et membres de l'ETA qui sont détenus ou inculpés soient libérés, et que tous les chefs d'inculpation soient abandonnés. En outre, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu'à l'avenir les travailleurs ne soient pas soumis à un harcèlement ou à des arrestations à cause de leur appartenance à un syndicat ou de leurs activités syndicales.

501. En ce qui concerne le licenciement des dirigeants et des membres de l'ETA (voir annexe 1), le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni davantage d'informations et il rappelle une fois encore que le licenciement d'un travailleur en raison de son appartenance à un syndicat ou de ses activités syndicales porte atteinte aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 690, 702.] Par conséquent, le comité prie instamment une fois encore le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les dirigeants et les membres de l'ETA qui ont été licenciés soient réintégrés dans leur emploi, s'ils le désirent, et que leur soient versées des indemnités pour compenser les pertes de salaires et de prestations qu'ils ont subies; le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

502. Le comité regrette la rareté des informations fournies par le gouvernement concernant la mort de M. Assefa Maru, secrétaire adjoint de l'ETA chargé de la coopération et du développement, membre du comité exécutif, qui, selon les allégations, a été tué par la police, alors qu'il se rendait à pied à son lieu de travail, sans arme, et qu'il ne tentait ni de résister ni de s'enfuir. Le gouvernement a simplement dit qu'il avait refusé de se rendre à la police, qu'il était mort à la suite d'un échange de coups de feu, et que «les circonstances de l'incident avaient été correctement établies et rendues publiques à ce moment-là par le gouvernement». Le comité déplore qu'en dépit de la nature extrêmement grave de l'allégation le gouvernement ait clairement indiqué qu'il n'a aucune intention de diligenter une enquête judiciaire indépendante sur ce meurtre. Le comité se voit donc dans l'obligation, une fois encore, de prier instamment le gouvernement de veiller à ce qu'une enquête judiciaire indépendante soit diligentée immédiatement pour établir les faits, déterminer les responsabilités, et sanctionner dûment les coupables, le cas échéant. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à l'égard de l'ouverture et de l'issue de cette enquête.

503. Le comité, rappelant que, selon une allégation, le gouvernement aurait introduit unilatéralement un système d'évaluation des enseignants afin de harceler l'ETA, donnant ainsi lieu à un grave conflit, réitère sa demande au gouvernement de procéder à des consultations avec l'ETA sur la question, et de veiller à ce que ce système ne serve pas de prétexte à une discrimination antisyndicale; le comité prie le gouvernement de le tenir informé des progrès qui seront accomplis à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de répondre à une nouvelle allégation selon laquelle il aurait refusé de donner suite aux tentatives de l'ETA d'établir avec lui une relation de travail constructive.

Recommandations du comité

504. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:


Annexe 1

Membres de l'ETA qui auraient été licenciés


Mulugheta W/Quirqos

Ghebayaw Niguse

Ketema Belachew

Ghetachew Feysia

Mesfin Mengistu

Asrat Woldeyes

Ayke Asfaw

Taye Mekuria

Yohanns Tola

Alemayehu Tefera

Alemayehu Melake

Alemayehu Haile

Abeta Anghure

Worku Tefera

Sira Bizu

Mekonnen Bishaw

Eyassu Albezo

Befekadu Degifie

Eshato Denege

Ayele Terfie

Tesegaye Hunde

Alemayehu Haile

Taye W/Semayat

Tsehay B. Sellassie

Ghemoraw Kasa

Assefaw Desta

Shimellis Zewde

Messay Kebede

Adinew Ghetanhun

Taddese Beyene

Aweqe Mulugheta

Seifu Metaferia

Assefa Maru

Tesfaye Shewaye

Abate Anghure

Negatu Tesfaye

Hailu Araya

Aynalem Ashebir

Admassu Wassie

Berhanu Bankashie

Sebhat M/Hazen

Lealem Berhanu

Mekonnen Dilgassa

Huluanten Abate

Solomon Terfa

Mekuria Asffa

Tamiru Hawando

Feleke Desta

Fesseha Zewdie

Solomon Wondwossen

Dawit Zewdie

Shiferaw Agonafir

Ayele Tarekegn

Zerihun Teshome

Fekade Shewakena

Mendaralew Zewdie

Akilu Taddese

Meskerem Abebe


Membres du comité exécutif et responsables régionaux de l'ETA qui auraient été licenciés


Dr Taye Woldesmiate - président de l'ETA depuis avril 1993

M. Abate Angorie, responsable des affaires syndicales depuis janvier 1993, Addis Abeba, mars 1993

M. Gemoraw Kassa, secrétaire général de l'ETA depuis juillet 1993, Addis Abeba

M. Shimalis Zewdie, secrétaire général adjoijt de l'ETA depuis juillet 1993, Addis Abeba

M. Adinew Getahun, responsable de l'administration et des finances depuis juillet 1993, Addis Abeba

M. Awoke Mulugeta, responsable des affaires humanitaires et des fournitures depuis juillet 1993, Addis Abeba

M. Assefa Maru, responsable des coopératives depuis juillet 1993, Addis Abeba

M. Mulatu Mekonnen, responsable du Département des arts et de la recherche depuis juillet 1993, Addis Abeba (a récemment été réintégré dans ses fonctions)

M. Muhammed Umer, Wollo du Sud, février 1994

M. Fekadu Negash, Gonder du Sud, juin 1994

M. Alula Abegaz, Wollo du Nord, septembre 1994


Annexe 2

Membres de l'ETA qui auraient été détenus plusieurs fois
en raison de leur participation à des activités syndicales
au sein de l'ETA


Ato Gennene H/Silasie

Ato Nikodmos Aramdie

Ato Moges Taddese

Ato Ambachew W/Tsadik

Ato Ashenafi Legebo

Ato Demeke Seifu

Ato Mohammed Ussien

Ato Wondimu Bekele

Ato Yibellae

Ato Sollomon Tesfaye

Ato Endalkachew Molla

Ato Zewdu Teshome

Ato Mohamed Umer

Ato Girma Tolossa

Ato Mekonnen Dawud

Ato Gemoraw Kassa

Ato Wogayehu Tessema

Ato Adinew Getahun

Ato Wollee Ahmed

Ato Shimalis Zewdie

Ato Yimam Ahmed

Ato Getachew Feyisa

Ato Sollomon H/Silsie

Ato Gebayaw Nigusie

Ato Sisay Mitiku

Ato Assefa Maru

Ato Limenih Nienie

Ato Ashenafi Mengistu

Ato Getinet Asnake

Ato Kebede Aga

Ato Befikadu Firdie

Ato Wubie Zewdie

Ato Baye Abera

Ato Asfaw Tessema

Ato Desta Titto

Ato Abate Angorie

Ato Woreyelew Demissie

Ato Ashetu Deneke

Ato Desie Keffele

Ato Bekele Mengistu

Ato Tarekegn Terefe

Ato Kinfie Abate

Ato G/Hiywot Gebru

Ato Tomas Egzikuret

Ato Fekade Nidda

Ato Sollmon Girma

Ato Mulugeta W/Kiros

Ato Fereja Feleke

Ato Mohamed Seid

Ato Demissie Tesfaye Haile

Ato Wondafrash Millon

Ato Gizachew Balcha

Ato Melessie Taye

W/t S/Wongel Belachew

Ato Ali Mengesha

Ato Yigzaw Mekonnen

Ato Getaneh Abebe

Ato Fekadu Negash

Ato Merkebu Taddesie

Ato Tesfaye Daba

Ato Mudisu Yasin

Ato Diana Kefeni

Ato Bekele Abay

Ato Berrecha Kumssa

Ato Hailu Derso

W/ro W/Yesus Mengesha

Ato Keteme Belachew

Ato Tamirat Daba

Ato Mesfin Mengistu

Ato Futa Sori

Ato Alemayehu Melake

Ato Legesse Lechissa

Ato Yohannes Tolla

Ato Admasu W/Yesus

Ato Aykie Asfaw

Ato Abbie Dessalegn

Ato Alemu W/Silasie

Ato Shukie Dessalegn

Ato Fikru Melka

W/ro Tewabech H/Michael

Ato Workneh Dinssa

Dr Taye W/Semiat

Ato Assefa Geleta

Ato Alemu Desta Ketema


Cas no 1960

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Guatemala
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: refus de reconnaître des syndicats;
actes de discrimination antisyndicale dans le cadre
de conflits collectifs

505. La plainte figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 3 avril 1998. Cette organisation a présenté de nouvelles allégations par une communication datée du 16 juillet 1998. Le gouvernement a envoyé ses observations par des communications en date des 10 et 18 mai ainsi que des 28 juillet et 25 septembre 1998.

506. Lors de sa session de novembre 1998, le comité a demandé à l'organisation plaignante et au gouvernement concerné de fournir des informations et des observations plus détaillées afin qu'il puisse examiner le cas en toute connaissance de cause. [Voir 311e rapport, paragr. 5.] Le gouvernement a envoyé de nouvelles informations dans une communication du 29 janvier 1999. L'organisation plaignante n'a pas envoyé les informations demandées.

507. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

508. Dans sa communication datée du 3 avril 1998, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) allègue que les patrons des exploitations agricoles bananières Mopá et Panorama (département d'Izabal) ont pris diverses mesures antisyndicales à l'encontre des travailleurs, notamment de ceux qui tentaient d'encourager la constitution de syndicats, et à l'encontre du Syndicat des travailleurs des exploitations bananières d'Izabal (SITRABI), qui s'est solidarisé avec les travailleurs de ces exploitations. La CISL indique que, lorsque les syndicats qui s'étaient constitués ont déposé les documents y afférents à l'Inspection générale du travail, les employeurs ont ordonné, par écrit, un arrêt du travail dans les plantations, prétendant par la suite qu'il s'était agi d'une grève illégale; de même, ils ont fait état de documents frauduleux, selon lesquels les travailleurs des exploitations susmentionnées avaient été licenciés un jour avant la constitution du syndicat.

509. Selon la CISL, les mesures prises contre les fondateurs des nouveaux syndicats, les travailleurs et le Syndicat des travailleurs bananiers d'Izabal (SITRABI) étaient notamment des poursuites judiciaires et des mandats d'arrêt contre 19 travailleurs membres du comité exécutif du SITRABI, ainsi que la militarisation de la zone.

510. L'organisation plaignante ajoute que la manipulation judiciaire qui consiste à ne prendre en compte que les allégations des employeurs pour protéger leurs intérêts remet en question la nature de l'action du pouvoir judiciaire et sa responsabilité dans la garantie de l'Etat de droit.

511. Dans sa communication du 16 juillet 1998, la CISL allègue que le Syndicat des travailleurs du port Santo Tomás de Castilla a connu de graves problèmes. Ainsi, l'officier de port a pris des mesures répressives antisyndicales pour détruire cette organisation. Il a procédé à des licenciements sans motif justifié et il a offert à chaque travailleur 500 quetzales pour qu'il renonce à s'affilier au syndicat, afin de s'affilier à une association solidariste; il a également offert la somme de deux millions de quetzales pour la création d'une coopérative solidariste.

512. La CISL fait également référence aux problèmes qu'ont connus les travailleurs des exploitations agricoles Alabama et Arizona et explique que, le 9 février 1998, ils ont présenté un cahier de revendications au tribunal du travail de Puerto Barrios; selon les dispositions de la loi, cette procédure exclut toutes les formes de représailles et exige l'autorisation du tribunal en cas de licenciement. Cependant, les 12 et 13 février 1998, l'entreprise a licencié plus de 500 travailleurs. La CISL ajoute que, lorsque les travailleurs ont entamé les formalités légales afin d'être réintégrés à leur poste de travail, les employeurs ont réagi en entamant des poursuites judiciaires, en introduisant des groupes d'hommes armés pour empêcher la libre circulation des travailleurs et les intimider, afin qu'ils renoncent à constituer leur syndicat, et à revendiquer de meilleures conditions de travail. Les travailleurs ont donc dû participer à une manifestation pacifique en mars 1998 et occuper la route qui va de Guatemala à Puerto Barrios pour obtenir la constitution d'une commission de haut niveau qui assurerait une médiation dans la solution de ce conflit du travail (la commission a été constituée mais, à ce jour, les cas n'ont pas encore été résolus).

513. Actuellement, les travailleurs des exploitations agricoles Alabama et Arizona sont toujours illégalement licenciés bien que, conformément à la législation, les fondateurs d'un syndicat jouissent d'une protection contre le licenciement et que la tentative de constitution d'un syndicat dans l'exploitation agricole Arizona vienne d'échouer pour la troisième fois.

514. Par ailleurs, la CISL indique que, le 14 avril 1998, plus de 120 travailleurs de l'exploitation agricole El Paraíso se sont mis en grève pour protester contre le licenciement illégal de 16 travailleurs qui tentaient de constituer un syndicat (le 6 avril 1998, ces 16 travailleurs de l'exploitation agricole El Paraíso avaient demandé une protection judiciaire pour éviter que l'entreprise ne procède à leurs licenciements, protection qui leur avait été accordée).

515. La CISL indique également que, le 14 avril 1998, l'un des membres de la police privée de l'exploitation agricole El Paraíso, qui par la suite a été identifié sous le nom de M. Abel Ipiña, a tiré contre les travailleurs, blessant au thorax le travailleur Oscar René Soto.

516. La CISL indique que le juge du tribunal du travail de première instance d'Izabal a déclaré illégale la grève des travailleurs de Mopá et de Panorama et qu'il s'est refusé à étudier les preuves présentées par ces travailleurs, selon lesquelles ils avaient été victimes d'un lock-out. Ce même juge s'est prononcé le 18 mars 1998 en faveur de la réintégration à leur poste de travail des travailleurs licenciés de l'exploitation agricole Panorama, et il a reconnu que leur licenciement était dû à la constitution d'un syndicat.

B. Réponse du gouvernement

517. Dans ses communications datées des 10 et 18 mai ainsi que des 28 juillet et 25 septembre 1998, le gouvernement indique que des conflits ont éclaté dans les exploitations agricoles bananières d'Izabal, et qu'ils étaient motivés notamment par le licenciement de 19 travailleurs des exploitations agricoles Mopá et Panorama et de 21 travailleurs des exploitations agricoles Alabama et Arizona. Selon le gouvernement, en dépit des efforts déployés par le ministère du Travail, les conflits n'ont pas pu être résolus dans les exploitations Mopá et Panorama et, après épuisement des recours administratifs, les tribunaux du travail et les tribunaux pénaux ont été saisis du problème (il en est allé de même dans les exploitations agricoles Alabama et Arizona). Le conflit qui a éclaté dans les exploitations Mopá et Panorama était dû, d'après les travailleurs, à un lock-out mais, selon l'entreprise, il s'agissait d'une grève illégale. Le gouvernement indique que les tribunaux de justice de première et deuxième instance ont déclaré qu'il s'était agi d'une grève illégale, éliminant ainsi l'éventualité d'un lock-out. Selon lui, les syndicats de ces exploitations ont été reconnus par des résolutions en date du 1er juin 1998. Il fait également savoir que, parallèlement à ce conflit du travail, l'entreprise est entrée en conflit avec le syndicat SITRABI, dont les membres n'appartenaient pas aux exploitations agricoles susmentionnées.

518. Le gouvernement décrit en détail les nombreuses mesures prises par les autorités, y compris le Président de la République et le ministre du Travail, ainsi que la constitution d'une commission de haut niveau, composée de divers ministres, chargée de trouver une solution au conflit depuis que les plaintes des travailleurs et des employeurs ont été reçues en mars 1998.

519. Selon la liste des mesures prises par les autorités citées par le gouvernement, les tribunaux ont rendu des décisions prévoyant l'expulsion des travailleurs des exploitations Mopá et Panorama, décisions qui, par la suite, ont été suspendues provisoirement. Le gouvernement indique également que le ministère public a ordonné une enquête sur les coups de feu reçus par le travailleur Oscar René Soto et qu'un mandat d'arrêt a été émis contre le présumé coupable. Par ailleurs, en ce qui concerne les mandats d'arrêt contre les dirigeants syndicaux mentionnés dans les allégations, le gouvernement fait savoir que seulement deux dirigeants syndicaux du SITRABI ont été arrêtés sur ordre de l'autorité judiciaire le 12 mai 1998; les personnes arrêtées ont par la suite été libérées.

C. Nouvelle réponse du gouvernement

520. Dans sa communication du 29 janvier 1999, le gouvernement nie avoir encouragé la répression à l'encontre de syndicalistes ou visant la destruction de l'organisation syndicale de l'entreprise portuaire nationale Santo Tomás de Castilla: il n'y a eu ni licenciement massif ni licenciement injustifié; par ailleurs, l'entreprise ne disposait pas de fonds suffisants pour convaincre des travailleurs de renoncer à leur affiliation à un syndicat, et elle n'avait aucune intention d'entraver leurs droits; il n'y a eu aucune demande, quelle qu'elle soit, de constituer une association solidariste dans l'entreprise.

521. Pour ce qui est des exploitations agricoles Mopá, Panorama et El Paraíso, le gouvernement déclare qu'elles sont gérées par des producteurs indépendants qui louent la terre à l'entreprise Bandegua. Au moment où le conflit a éclaté, les travailleurs de ces exploitations n'étaient pas organisés en syndicats. Il ne s'agissait pas d'un conflit de nature exclusivement sociale, car il présentait également des éléments de nature pénale et commerciale. L'aspect social a entraîné une série de mesures judiciaires de la part des deux parties: les employeurs ont exigé que la grève soit déclarée illégale et les travailleurs voulaient établir qu'ils avaient été victimes d'un lock-out; tour à tour, les tribunaux du travail et de première et deuxième instance ont déclaré illégale la grève décrétée par les travailleurs, au moyen de discussions très claires qui laissent sans justification l'assertion selon laquelle il se serait agi d'un lock-out. D'autres organisations de travailleurs (non pas ceux des exploitations agricoles en conflit mais ceux des organisations syndicales de l'entreprise propriétaire de la terre louée aux employeurs indépendants) ont pris des mesures concrètes pour faire pression sur les employeurs et sur Bandegua pour qu'ils fassent droit à leurs revendications. Devant cette situation, Bandegua a entamé une procédure judiciaire civile afin de résilier les baux de location; le tribunal lui ayant donné gain de cause, il est rentré en possession de ses terres; cette mesure a été révoquée ultérieurement et le juge a ordonné que l'utilisation des terres soit dévolue au producteur indépendant. Ces éclaircissements permettent de comprendre que les aspects non sociaux du conflit, c'est-à-dire l'aspect pénal et l'aspect commercial, découlent du comportement des groupements syndicaux susmentionnés, notamment le syndicat SITRABI.

522. En dépit de ce qui précède, et reconnaissant l'importance des graves implications sociales et économiques du conflit, le gouvernement a tenté de participer dès le début et au plus haut niveau à sa solution. Il a notamment veillé à: 1) renforcer la Sous-inspection du travail de Puerto Barrios; 2) organiser de nombreuses réunions avec les représentants des deux parties pour trouver des solutions; 3) constituer une commission de haut niveau composée de divers ministres d'Etat qui s'est réunie plusieurs fois avec les secteurs concernés; 4) organiser la rencontre du Président de la République en exercice avec certains ministres pour analyser la situation; cette réunion a permis la constitution d'une commission composée des vice-ministres de l'Intérieur et du Travail et de l'Inspecteur général du travail, chargée de constater les faits in situ: les membres de la commission se sont rendus dans les exploitations agricoles où se déroulait le conflit; 5) nommer une autre commission chargée spécifiquement de faire une enquête sur le comportement du personnel de la Sous-inspection du travail de Puerto Barrios, enquête qui a mené à la destitution du personnel dudit bureau; 6) le vice-ministre du Travail a saisi le ministère public pour qu'il enquête sur les faits survenus dans l'exploitation agricole El Paraíso, ce qui a entraîné l'envoi d'un mandat d'arrêt à l'encontre de M. Abel Ipiña; 7) le dialogue a été permanent entre le gouvernement et les représentants des travailleurs, les centrales syndicales concernées, les employeurs et leurs représentants légaux, le président de la commission du travail du Congrès de la République, le président de la Cour suprême de justice et les autres autorités judiciaires afin de chercher des solutions négociées à ce conflit, etc.

523. Le gouvernement souligne en outre que les syndicats des travailleurs des exploitations El Paraíso, Mopá et Panorama ont obtenu la personnalité juridique et qu'ils ont été enregistrés, et il joint les documents le prouvant. Par ailleurs, il a participé d'une manière active et permanente aux travaux de la commission de haut niveau convoquée par le Procureur des droits de l'homme, à la demande des travailleurs; cette commission était composée entre autres du ministre et du vice-ministre de l'Intérieur, du Procureur de la République, du secrétaire de la Cour suprême de justice, du ministre et du vice-ministre du Travail, de l'Inspectrice générale du travail et des représentants de MINUGUA. Les travaux de cette commission se sont conclus par une résolution du Procureur des droits de l'homme, qui précise qu'en l'absence de volonté de négociation de toutes les parties il est impossible de poursuivre la médiation.

524. Le gouvernement ajoute que, dans l'exploitation agricole El Paraíso, le problème a été résolu grâce à l'intervention du vice-ministre de l'Intérieur, le 14 mai 1998; à cette occasion, une ordonnance d'habeas corpus avait été présentée en faveur des personnes concernées; à la même date, un accord a été signé entre les deux groupes de travailleurs de l'exploitation agricole, des contrats de travail ont été établis et les travaux ont repris sans interruption jusqu'à présent. C'est dans cette exploitation qu'a eu lieu l'incident à la suite duquel le travailleur Soto a été blessé. A ce propos: 1) le présumé coupable, M. Abel Ipiña, qui sous le coup d'un mandat d'arrêt aurait fui au Honduras; 2) le travailleur Soto n'a souffert que de blessures superficielles, et il est sorti de l'hôpital quelques jours après; 3) selon certaines explications données dans l'exploitation agricole, aucun fusil AK-44 n'a été utilisé dans cette entreprise; il s'agissait plutôt d'une altercation entre deux personnes (MM. Ipiña et Soto) et non pas d'une agression de nature syndicale.

525. Le gouvernement fait également savoir que M. Littman, locataire des exploitations agricoles Mopá et Panorama, est arrivé à un accord avec M. Manuel Ayau, afin que ce dernier achète les plus productives de ces exploitations; à cet effet, le consentement de Bandegua, propriétaire des terres, a été obtenu et, en principe, un accord a été signé avec les travailleurs selon lequel le syndicat et la négociation collective doivent être respectés, étant entendu que la réintégration au travail sera progressive compte tenu de l'état des exploitations agricoles, et que les parties signeront une trêve de plusieurs années jusqu'à ce que les plantations soient complètement remises en état. Le problème, par conséquent, est en voie de résolution.

526. Le gouvernement affirme qu'il s'est efforcé d'assurer une médiation dans les limites de sa compétence pour résoudre les problèmes mentionnés dans la plainte mais, malheureusement, le comportement des parties n'a pas toujours permis de parvenir à des solutions négociées espérées sur tous les sujets. Par ailleurs, le ministère du Travail a mis en œuvre: 1) un programme d'emploi visant à porter secours aux victimes de l'ouragan Mitch dans la zone bananière d'Izabal; 2) une partie de l'agenda des 100 jours, et 3) un programme de reconstruction. Il s'agissait de donner un emploi aux travailleurs qui n'en avaient plus, tout en leur fournissant des produits alimentaires pour nourrir leurs familles.

D. Conclusions du comité

527. Le comité observe que les allégations se réfèrent: 1) à des conflits collectifs dans les exploitations bananières de Mopá, Panorama, Alabama, Arizona et El Paraíso (département d'Izabal), où les travailleurs ont tenté de constituer des syndicats ou de présenter des cahiers de revendications; ces actions ont donné lieu à des centaines de licenciements, à des poursuites judiciaires de la part des diverses parties (y compris contre des dirigeants syndicaux du SITRABI) ou à des mandats d'arrêt à l'encontre de syndicalistes, à des lock-out dans les exploitations, à la militarisation de la zone et à des tirs de coups de feu sur un travailleur par un des membres de la police privée de l'exploitation El Paraíso; 2) à des licenciements sans motif justifié, qui ont eu lieu dans le port Santo Tomás de Castilla, et à des pressions à l'encontre des travailleurs pour qu'ils renoncent à leur appartenance au syndicat et s'affilient à une association solidariste. Le comité prend note des observations du gouvernement et du fait que le plaignant n'a pas envoyé les informations qui lui avaient été demandées.

528. Pour ce qui est des conflits dans les exploitations bananières, le comité prend note des déclarations du gouvernement et des nombreuses mesures prises par les autorités pour tenter de trouver une solution. Le comité prend note avec intérêt du fait que, dans l'exploitation agricole El Paraíso, le problème a été résolu grâce à l'intervention du vice-ministre de l'Intérieur, le 14 mai 1998, puisqu'un accord a été signé entre les deux groupes de travailleurs de l'exploitation, que des contrats de travail ont été établis et que les travaux ont repris. Quant aux coups de feu reçus par le travailleur Oscar René Soto (exploitation agricole El Paraíso), le comité prend note du fait que le gouvernement déclare qu'il s'agissait d'une altercation entre deux personnes et non d'une agression de nature syndicale, que M. Soto n'a souffert que de blessures légères et qu'un mandat d'arrêt a été lancé contre le coupable qui se serait enfui au Honduras. Le comité prend note également du fait que, dans les exploitations Mopá et Panorama, un accord est intervenu, en principe avec les travailleurs, pour que le syndicat et la négociation collective soient respectés, étant entendu que la réintégration au travail sera progressive compte tenu de l'état des exploitations agricoles, et que les parties signeront une trêve de plusieurs années jusqu'à ce que les plantations soient totalement remises en état (elles ont été victimes de l'ouragan Mitch); le gouvernement estime donc que le problème est en voie de solution. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

529. Par ailleurs, le comité prend note avec intérêt du fait que les syndicats des exploitations agricoles Mopá, Panorama et El Paraíso ont été reconnus. Etant donné que le gouvernement n'a pas envoyé d'information sur la reconnaissance des syndicats des exploitations Alabama et Arizona, le comité le prie de les reconnaître sans délai et de le tenir informé à cet égard. En ce qui concerne le conflit qui sévit dans ces deux dernières exploitations, et notamment l'allégation relative au licenciement de plus de 500 travailleurs et à des poursuites judiciaires de la part des employeurs, le comité regrette que l'organisation plaignante n'ait pas fourni à cet égard toutes les informations qui lui avaient été demandées. Le comité prend note des efforts de médiation déployés par les autorités et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

530. Par ailleurs, en ce qui concerne les allégations de poursuites judiciaires et de mandats d'arrêt lancés contre 19 travailleurs membres du comité exécutif du SITRABI, qu'aurait entraînés le conflit qui se déroule dans les exploitations Mopá et Panorama, le comité regrette que l'organisation plaignante n'ait pas envoyé les informations demandées et prend note du fait que, selon le gouvernement, seuls deux dirigeants syndicaux du SITRABI ont été arrêtés en application d'un mandat d'arrêt, et qu'ils ont depuis recouvré la liberté.

531. Enfin, pour ce qui est des allégations de l'organisation plaignante relatives aux licenciements sans motif justifié dans le port Santo Tomás de Castilla, et des allégations relatives à des pressions exercées sur les travailleurs pour qu'ils renoncent à leur affiliation au syndicat et qu'ils s'affilient à une association solidariste, le comité prend note du fait que le gouvernement nie catégoriquement ces allégations et indique qu'aucune association solidariste n'a été constituée dans l'entreprise.

Recommandations du comité

532. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver le présent rapport, et notamment les recommandations suivantes:

Cas no 1970

Rapport intérimaire

Plaintes contre le gouvernement du Guatemala
présentées par
- la Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG)
- la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)
- la Confédération mondiale du travail (CMT) et
- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: assassinats, agressions physiques, menaces de mort,
violation de domicile et tentative d'enlèvement à l'encontre
de dirigeants syndicaux et de syndicalistes;
licenciements antisyndicaux; entraves à la négociation collective;
homologation d'accords collectifs de travail

533. Les plaintes figurent dans des communications de la Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG), datées des 16 juin et 11 juillet 1998 et dans des communications de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), datées des 9, 23 et 29 octobre 1998 et du 10 février 1999. Dans une communication du 14 septembre 1998, la Confédération mondiale du travail (CMT) a appuyé les plaintes en question. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté des allégations dans une communication datée du 20 janvier 1999.

534. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 22 septembre 1998, 29 janvier et 29 mars 1999.

535. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

536. Dans ses communications des 16 juin et 11 juillet 1998, la Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG) déclare que les travailleurs qui exercent leurs droits syndicaux sont exposés à des licenciements massifs, des représailles, des manœuvres d'intimidation, des menaces de mort ou des modifications de leurs conditions de travail. Les travailleurs affiliés à un syndicat sont éloignés des travailleurs non syndiqués, les conventions et accords collectifs ne sont pas appliqués, et le ministère du Travail a supprimé les aspects les plus importants des accords collectifs de travail, les soumettant à des réserves visant à empêcher leur respect et leur application.

537. L'organisation plaignante allègue que, dans de nombreuses entreprises, un grand nombre de travailleurs ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales. Il s'agit des cas suivants:

538. Les organisations plaignantes critiquent en outre le décret no 35-96 portant modification de la loi syndicale et de la réglementation de la grève s'appliquant aux travailleurs de l'Etat (décret no 71-86). Selon elles, ce décret régit les droits syndicaux et le droit de grève des travailleurs au service de l'Etat ou de ses organes autonomes. Il restreint l'exercice du droit de grève pour les travailleurs de certains secteurs et il précise, dans son article 2, que la voie directe est obligatoire pour la négociation d'accords collectifs ou de conventions, c'est-à-dire que les travailleurs doivent d'abord s'adresser à l'administration publique et lui soumettre leurs plaintes et leurs cahiers de revendications avant de pouvoir se tourner vers un organe judiciaire. Dans le cas contraire, s'il n'est pas prouvé que la voie directe a été épuisée, la loi contraint le juge à refuser d'examiner le cas. De la sorte, si le patronat apprend que les travailleurs ont l'intention de s'associer, de s'organiser ou de lui soumettre des revendications, il peut, sans être sommé par le juge compétent de ne pas licencier les travailleurs sans autorisation préalable, identifier les personnes qui sont à l'origine du mouvement et les licencier sur-le-champ, étant donné qu'ils ne bénéficient d'aucune immunité ni tutelle légale.

539. L'organisation plaignante allègue également des cas de violation du droit de négociation collective dans les entreprises et institutions suivantes:

540. Enfin, l'organisation plaignante critique l'attitude du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, qui homologue de façon arbitraire les accords collectifs de travail. Selon la CGTG, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale désapprouve certains aspects des accords collectifs et toutes les prestations de nature économique et sociale qui ont des retombées financières pour le patronat, et il les assortit de réserves qui, en conséquence, les excluent de fait des accords. Dans ce sens, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, en œuvrant contre la nature et la raison d'être de la négociation collective, est devenu un véritable obstacle à sa réalisation, notamment dans le cas des accords signés par des syndicats de travailleurs au service de l'Etat, d'organes publics autonomes ou de municipalités, comme c'est le cas des municipalités d'Esquipulas et de Puerto Barrios, de la Confédération sportive autonome du Guatemala ou de la Contrôlerie générale des comptes de la nation.

541. Dans ses communications du 8 septembre 1998, des 9, 23 et 29 octobre 1998 et du 10 février 1999, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) allègue que:

542. Dans sa communication du 20 janvier 1999, la CISL allègue l'assassinat des syndicalistes Hugo Rolando Duarte et José Alfredo Chacón Ramírez en 1998, et celui du dirigeant syndical Manuel Morales Canales, le 12 janvier 1999; ces trois personnes appartenaient au Syndicat des travailleurs de la municipalité de Zacapa.

B. Réponse du gouvernement

543. Dans sa communication du 22 septembre 1998, le gouvernement déclare:

Au sujet des licenciements:

Au sujet de la législation:

Au sujet de la négociation collective:

544. Pour conclure, le gouvernement fait une série de commentaires généraux sur la plainte et indique qu'il trouve surprenant que les cas soumis à l'Organisation internationale du Travail n'aient jamais été soumis au ministère compétent, comme cela aurait pu être le cas. Le gouvernement actuel a toujours adopté une attitude de dialogue ouvert, franc et permanent, ce dont les organisations syndicales peuvent témoigner.

545. Dans ses communications des 29 janvier et 29 mars 1999, le gouvernement déclare:

C. Conclusions du comité

546. Le comité constate que les allégations présentées par les organisations plaignantes dans le présent cas se réfèrent à des assassinats, des agressions physiques, des menaces de mort, une violation de domicile assortie d'une tentative d'enlèvement, à l'encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, ainsi qu'à de nombreux licenciements antisyndicaux et à des entraves posées à la négociation d'accords collectifs de travail. En outre, les organisations plaignantes contestent une disposition du décret no 35-96 relatif à la réglementation de la grève, qui s'applique aux travailleurs de l'Etat, et la pratique du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale qui consiste à homologuer (approuver) de manière arbitraire les accords collectifs de travail.

547. Le comité observe pour commencer que, dans sa réponse, le gouvernement déclare à plusieurs reprises que les faits incriminés se sont produits plusieurs années avant l'entrée en fonction du gouvernement actuel, si bien «qu'aucune responsabilité institutionnelle» ne pourrait être invoquée à ce sujet. Le comité souligne à ce propos qu'«en présence d'allégations relatives à la violation des droits syndicaux par un gouvernement le comité a rappelé qu'un gouvernement qui lui succède dans le même Etat ne peut pas, du seul fait de ce changement, échapper à la responsabilité que des événements survenus sous un gouvernement précédent peuvent avoir engagée. Le nouveau gouvernement est en tout cas responsable de toutes suites que de tels événements peuvent avoir. En cas de changement de régime dans un pays, le nouveau gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences que les faits sur lesquels porte une plainte auraient pu continuer à avoir depuis son arrivée au pouvoir, bien que ces faits se soient produits sous le régime de son prédécesseur.» [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 18.]

Assassinats, agressions physiques, menaces de mort,
violation de domicile et tentative d'enlèvement
à l'encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes

548. Le comité note avec préoccupation qu'au cours des derniers mois de l'année 1998 et des premiers mois de l'année 1999 cinq dirigeants syndicaux et syndicalistes ont été assassinés et que plus de dix dirigeants syndicaux et syndicalistes ont été menacés de mort. Le comité déplore profondément ces faits et rappelle que «la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 46.] Le comité demande au gouvernement d'ouvrir sans délai les enquêtes nécessaires pour retrouver et punir les coupables, et il rappelle que «l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 55.]

549. S'agissant de l'allégation selon laquelle il ne serait pas possible de savoir si des poursuites judiciaires sont en cours au sujet des assassinats des syndicalistes Cesario Chanchavac (30 octobre 1992), Carlos Lijuc (12 juin 1994), Manuel de Jesús Alonso (30 octobre 1994), Pablo A. Guerra (3 octobre 1995), José F. Vivas (5 janvier 1996), Carlos H. Solorzano G. (30 mai 1996), Ismael Mérida M. (26 juillet 1996) et Luis A. Bravo P. (5 octobre 1996), le comité prend note des déclarations du gouvernement, qui affirme que: 1) la Commission de la vérité a été saisie du cas de M. Luis Armando Bravo Pérez; 2) M. Pablo A. Guerra est mort renversé par un véhicule, l'auteur de l'homicide a été arrêté et une décision doit être rendue quant à la nécessité de faire débuter l'audience ou de la suspendre parce que les faits revêtent un caractère délictueux; 3) dans le cas de M. Manuel de Jesús Alonso, les autorités judiciaires ont ordonné le classement provisoire de l'affaire en mai 1996. Sur ce point, le comité regrette que le gouvernement ne lui ait pas fourni d'informations sur l'existence éventuelle d'une procédure judiciaire en cours au sujet des syndicalistes Cesario Chanchavac, Carlos Lijuc, José Vivas, Carlos Solorzano et Ismael Mérida. Dans ces conditions, le comité demande instamment au gouvernement d'assurer qu'une enquête judiciaire a été ouverte sans délai au sujet des assassinats en question et de le tenir informé sur ce point ainsi que sur les enquêtes en cours au sujet des assassinats de MM. Luis A. Bravo et Pablo. A. Guerra.

550. S'agissant de l'allégation relative à l'assassinat de Mme Miguelina Alvarez Rojas, dirigeante du Syndicat unifié des chauffeurs de taxis et assimilés de l'aéroport international La Aurora, et des menaces de mort prononcées contre le secrétaire général et le secrétaire exécutif de ce syndicat, MM. Rolando Quinteros et Mario Garza, le comité prend note des déclarations suivantes du gouvernement: 1) selon la Police nationale civile, trois personnes sont soupçonnées de l'assassinat de la dirigeante syndicale; 2) l'enquête et les dépositions des témoins ont montré que les faits sont liés à un différend opposant le Syndicat unifié des chauffeurs de taxis et assimilés de l'aéroport international La Aurora et la coopérative de l'Unité R.L. au sujet de la station de taxis de l'aéroport; et 3) il s'agit d'un différend commercial, sans aucun lien avec des considérations professionnelles ou syndicales. A ce propos, le comité déplore l'assassinat de la dirigeante syndicale et regrette que le gouvernement n'ait pas communiqué ses observations sur les menaces de mort proférées contre le secrétaire général et le secrétaire exécutif du syndicat dont il est fait état dans les allégations. Le comité demande donc instamment au gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour qu'une enquête judiciaire soit ouverte au sujet des allégations relatives aux menaces de mort et qu'il le tienne informé sur ce point. De même, étant donné qu'un dirigeant du syndicat en question a été assassiné, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des dirigeants Rolando Quinteros et Mario Garza.

551. S'agissant de l'allégation selon laquelle l'employeur de M. Oswaldo Monzón Lima, secrétaire général du Syndicat des chauffeurs transportant des combustibles et assimilés, aurait menacé ce dernier dans le quartier Jacarandas le 17 octobre 1998, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement, qui a déclaré que le bureau du ministère public du Département d'Escuintla examinait la plainte déposée par le dirigeant syndical concerné et que, le 11 novembre 1998, le dossier avait été transmis au premier tribunal de paix pénal, qui a considéré que les faits constituaient une infraction. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue des poursuites judiciaires et, s'il s'avère que des menaces de mort ont bien été proférées contre M. Oswaldo Monzón Lima, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de ce dirigeant syndical et garantir que ces faits ne se reproduisent plus à l'avenir.

552. S'agissant de l'allégation relative à la violation de domicile et à la tentative d'enlèvement dont aurait été victime, le 29 décembre 1997, M. David Urízar Valdez, secrétaire chargé des conflits du Syndicat des travailleurs des exploitations agricoles San Rafael Panan et Ofelia, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles: i) l'employeur aurait obtenu l'autorisation de mettre fin à la relation de travail du syndicaliste en question, et celui-ci, qui occupait un logement à l'intérieur du domaine, aurait été invité à le libérer, ce qu'il n'aurait toujours pas fait à ce jour; ii) le travailleur aurait affirmé avoir été victime d'une tentative d'enlèvement le 29 décembre 1997 sur ordre du propriétaire du domaine mais, pour les besoins de l'enquête, l'employeur aurait produit son passeport, dans lequel il serait inscrit que, durant tout le mois de décembre et une partie du mois de janvier, il était absent du pays. Dans ces conditions, remarquant que l'organisation plaignante a indiqué qu'une plainte aurait été déposée auprès de la police nationale, du ministère public et du service du Procureur aux droits de l'homme, le comité demande au gouvernement de le tenir informé des résultats des enquêtes ouvertes par ces institutions.

553. S'agissant de l'allégation relative aux menaces de mort proférées contre M. Juan Gutiérrez García, dirigeant du Syndicat de l'entreprise agricole Atitlán SA et de l'exploitation agricole Panamá et contre d'autres membres de l'organisation, pour la raison que ceux-ci avaient exigé le versement de leur salaire, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale aurait porté l'affaire devant le tribunal compétent le 7 août 1998 et que celui-ci n'aurait pas encore rendu sa décision. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de l'enquête en cours.

554. Par ailleurs, le comité note que le gouvernement n'a pas envoyé d'observations sur les allégations relatives: 1) à la municipalité de Zacapa: assassinats de M. Robinson Manolo Morales Canales, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Zacapa (SINTRAMUZAC), le 12 janvier 1999, et de M. Hugo Rolando Duarte Cordón et de M. José Alfredo Chacón Ramírez, le 28 janvier 1999, et menaces de mort proférées contre MM. José Angel Urzúa, Maximiliano Alvarez Gonzaga, Elmer Salguero García, Herminio Franco Hernández, Everildo Revolario Torres, Feliciano Izep Zuruy, José Domingo Guzmán et Zonia de Alvarez; 2) aux exploitations agricoles Santa Fe et La Palmera: menaces de mort contre les dirigeants du syndicat, qui avaient soumis un cahier de revendications au pouvoir judiciaire; 3) à l'hôtel Camino Real: harcèlement des dirigeants syndicaux par la direction de l'entreprise et agression physique (attaque à coups de couteau) contre le secrétaire général du syndicat; et 4) exploitation agricole El Arco: violation du domicile de M. Francisco Ajtzoc, dirigeant syndical, par son employeur. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas transmis ses observations sur ces questions. Le comité prie instamment le gouvernement de lui communiquer sans retard ses observations sur ces allégations.

Licenciements antisyndicaux

555. Le comité note avec préoccupation que les allégations relatives à des licenciements et à d'autres actes de discrimination antisyndicaux touchent des dirigeants syndicaux, syndicalistes et travailleurs ayant exercé des activités syndicales, sont nombreuses et que, selon l'organisation plaignante, dans un grand nombre de cas, les décisions judiciaires ordonnant la réintégration des syndicalistes dans leurs fonctions n'ont pas été respectées. Le comité souligne à ce propos que «le licenciement d'un travailleur en raison de son appartenance à un syndicat ou de ses activités syndicales porte atteinte aux principes de la liberté syndicale» et que «nul ne devrait faire l'objet de discrimination antisyndicale en raison de ses activités syndicales légitimes, et [que] la possibilité d'être réintégrées dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l'objet de discrimination antisyndicale». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 702 et 755.]

556. Le comité note que, selon les allégations, les licenciements suivent fréquemment la réalisation d'une activité syndicale (création d'un syndicat, présentation d'un cahier de revendications, etc.) et rappelle que «l'existence de normes législatives fondamentales interdisant les actes de discrimination antisyndicale est insuffisante si celles-ci ne s'accompagnent pas de procédures efficaces qui assurent leur application dans la pratique. C'est ainsi que, par exemple, il peut être souvent difficile, sinon impossible, à un travailleur d'apporter la preuve qu'il a été victime d'une mesure de discrimination antisyndicale. C'est dans ce sens qu'il faut prendre en considération l'article 3 de la convention no 98 qui prévoit que des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d'organisation.» [Voir Recueil, op. cit., paragr. 740.] Ce faisant, le comité souligne qu'il convient de prendre les mesures qui s'imposent pour renforcer la protection contre les licenciements antisyndicaux afin que les organisations de travailleurs ne risquent pas de disparaître. Le comité rappelle sur ce point que «du fait que des garanties inadéquates contre les actes de discrimination, notamment contre les licenciements, peuvent conduire à la disparition des syndicats eux-mêmes lorsqu'il s'agit d'organisations qui ne comprennent que les travailleurs d'une seule entreprise, d'autres mesures devraient être envisagées afin d'assurer aux dirigeants de toutes les organisations, aux délégués et aux membres des syndicats une protection plus complète contre tous actes discriminatoires». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 700.]

557. Le comité prend note des allégations relatives: i) au licenciement, le 7 août 1994, des trois fondateurs du comité permanent de travailleurs de l'exploitation agricole El Arco, qui avaient présenté un cahier de revendications par la voie judiciaire dans le but de parvenir à la signature d'une convention collective de travail, et à la non-application d'une décision judiciaire ordonnant leur réintégration émise le 14 décembre 1994; ii) au licenciement, le 22 mai 1995 et en octobre 1996, des sept fondateurs du syndicat créé au sein de l'exploitation agricole Santa Lucía La Mayor, qui venaient de présenter un cahier de revendications dans le but de négocier et de signer une convention collective de travail (selon l'organisation plaignante, les autorités judiciaires ont ordonné la réintégration des travailleurs mais l'employeur a contesté cette décision); et iii) au licenciement, le 28 novembre 1996, de 25 travailleurs syndiqués de l'exploitation agricole La Argentina (selon l'organisation plaignante, une procédure de recours visant la réintégration des travailleurs licenciés a été engagée). Le comité remarque à ce propos que, selon le gouvernement, ces affaires seraient en cours d'instance et que l'organisation plaignante n'aurait pas apporté la preuve que les décisions judiciaires mentionnées ont bien été adoptées sans toutefois avoir été appliquées. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni d'informations précises sur ces allégations, qui se réfèrent pour certaines à des poursuites engagées il y a plus de quatre ans. Le comité prie donc instamment le gouvernement de s'assurer des résultats des poursuites judiciaires mentionnées et de prendre les mesures nécessaires pour que les décisions ordonnant la réintégration des travailleurs soient immédiatement mises en application si de telles décisions ont effectivement été rendues en faveur des travailleurs licenciés en raison de leurs activités syndicales, comme les plaignants l'affirment.

558. S'agissant de l'allégation relative au licenciement, le 2 avril 1997, de dix travailleurs de l'exploitation agricole El Tesoro, qui venaient de soumettre un cahier de revendications, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles ce cas serait en cours d'instance devant des tribunaux de justice. Le comité exprime l'espoir, à ce propos, que les autorités judiciaires rendront leur décision rapidement et il demande au gouvernement de lui faire parvenir copie du jugement dès qu'il sera rendu et de garantir son application.

559. S'agissant de l'allégation relative au licenciement de 14 syndicalistes qui n'avaient pas accepté certaines modifications apportées à leurs conditions de travail, dans l'exploitation agricole San Carlos Miramar, et seraient empêchés de négocier un projet d'accord collectif depuis deux ans, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles, comme l'organisation plaignante l'indique, le cas des personnes licenciées a déjà été examiné par les autorités judiciaires, qui ont estimé que la décision de l'employeur de révoquer les contrats de travail des 14 employés concernés était fondée. Sur ce point, le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations sur le fait qu'il n'a pas été possible de négocier le projet d'accord collectif soumis il y a deux ans.

560. S'agissant de l'allégation relative au licenciement de deux dirigeants du syndicat de l'entreprise de produits alimentaires Rene SA, à leur réintégration postérieure, effectuée suite à l'intervention de l'inspection générale du travail, et au fait que l'entreprise a alors ordonné de mettre les travailleurs concernés en marge et de les tenir éloignés de leurs collègues de travail en les confinant dans la guérite des gardes de sécurité, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles l'intervention de l'inspection générale du travail dans cette affaire aurait été opportune et efficace, qu'un accord collectif de travail aurait finalement été conclu et qu'aucune plainte n'aurait été présentée récemment. Sur ce point, remarquant que le gouvernement n'a pas communiqué d'informations précises sur les conditions de travail des dirigeants syndicaux réintégrés à leur poste de travail, le comité demande au gouvernement de s'assurer que ces deux dirigeants ne sont pas tenus à l'écart ni soumis à des mesures inhumaines et de le tenir informé à cet égard.

561. S'agissant des allégations relatives au licenciement de plus de 700 travailleurs, parmi lesquels figuraient tous les membres du comité exécutif et du comité consultatif du syndicat de l'entreprise Copesgua SA et Pesca SA, parce que l'un des quais de l'ancien port de Champerico avait subi quelque dommage, et du fait que l'entreprise a alors demandé la suspension des contrats de travail avant de reprendre ses activités sous une nouvelle raison sociale, embauchant des travailleurs non syndiqués, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles: i) à la suite de phénomènes naturels, les installations portuaires de Champerico auraient été gravement endommagées, empêchant la poursuite du travail, si bien que l'entreprise a demandé, comme la loi le prévoit, qu'on l'autorise à suspendre la totalité des contrats de travail au motif qu'elle ne pouvait plus poursuivre ses activités; ii) à la connaissance du gouvernement, l'entreprise n'aurait pas changé de statut; iii) l'entreprise aurait assuré que, lorsque la situation reviendrait à la normale, elle entendait reprendre ses activités. Le comité demande au gouvernement d'ouvrir une enquête au sujet de l'allégation relative à l'existence de nouvelles embauches de travailleurs non syndiqués et de le tenir informé sur ce point.

562. S'agissant de l'allégation relative à l'élaboration d'un programme de départs à la retraite volontaires assorti de menaces de licenciements massifs pour ceux qui refuseraient d'en bénéficier, suite à la création, au sein du Secrétariat de la Présidence de la République pour l'action sociale, d'un comité permanent de travailleurs chargé de préparer un cahier de revendications devant servir de base à une convention collective, le comité prend note que, selon le gouvernement: i) par l'accord gouvernemental no 818-97 du 27 novembre 1997, un programme temporaire portant sur des départs à la retraite volontaires conclus par consentement mutuel a été mis sur pied et les travailleurs qui l'ont souhaité en ont bénéficié; ii) lors de l'application de ce programme, une série de malentendus et de désaccords ont surgi avec la personne dirigeant le secrétariat mais le gouvernement a alors remplacé cette personne; et iii) le nouveau secrétaire a favorisé le dialogue avec les travailleurs, si bien qu'aujourd'hui l'atmosphère est à l'entente et les relations professionnelles sont satisfaisantes. Le comité exprime sur ce point l'espoir qu'à l'avenir, lorsque des programmes portant sur des départs à la retraite volontaires seront mis sur pied, les organisations syndicales du secteur en question seront consultées.

563. S'agissant des allégations relatives: 1) au licenciement de 15 travailleurs des exploitations agricoles San Rafael Panan et Ofelia, qui avaient présenté un cahier de revendications, et à la non-application d'une décision judiciaire ordonnant leur réintégration; 2) au licenciement, le 28 octobre 1993, de 40 travailleurs syndicalisés, parmi lesquels figuraient la totalité des membres du comité exécutif du syndicat, dans l'exploitation Santa Anita; 3) au licenciement, le 23 août 1995 et le 14 mars 1996, de deux syndicalistes de l'exploitation agricole La Patria et annexe et à la non-application d'une décision judiciaire ordonnant leur réintégration; 4) au licenciement de dirigeants syndicaux et de travailleurs des exploitations agricoles Santa Fe et La Palmera parce qu'ils avaient constitué un syndicat et soumis un cahier de revendications au pouvoir judiciaire, le comité regrette que le gouvernement ait omis de fournir des informations sur ces allégations de discrimination antisyndicale - alors que certains des faits incriminés remonteraient à plus de cinq ans en arrière - et le prie instamment d'envoyer ses observations sans retard.

Difficultés et entraves à la négociation de conventions collectives

564. S'agissant de l'allégation relative au fait qu'il n'a pas été possible d'entreprendre des négociations sur un projet d'accord collectif de travail présenté en 1995, une convention de travail ayant entre-temps été signée en marge du syndicat, le comité prend note que, selon le gouvernement, une convention de travail aurait été discutée, négociée et approuvée au sein du Congrès de la République et que cette convention serait actuellement en vigueur et respectée par les deux parties. Sur ce point, le comité remarque que, dans la convention collective que le gouvernement joint en annexe à sa réponse, il est dit que les parties à cet accord sont «l'organe législatif de la République du Guatemala», «le comité ad hoc de travailleurs», qui a été constitué spécifiquement pour les besoins de cette négociation collective donnée, et les travailleurs de l'organe législatif. Compte tenu de ce que, selon l'organisation plaignante, le syndicat des travailleurs n'a pas pris part à la négociation de la convention collective, le comité prie le gouvernement de lui envoyer des informations sur la représentativité du syndicat et du comité ad hoc afin de pouvoir examiner cette allégation en pleine connaissance de cause.

565. S'agissant des allégations relatives aux refus ou obstacles opposés à la négociation d'accords collectifs de travail, sous la forme de différents recours et de plaintes portés devant les tribunaux par les autorités de la municipalité de Chiquimulilla, de l'Entreprise portuaire nationale Santo Tomás de Castilla, de l'hôtel Camino Real et de l'exploitation agricole Nueva California, le comité prend note des déclarations suivantes du gouvernement: 1) dans le cas de la municipalité de Chiquimulilla, les autorités ont fait usage de moyens de recours prévus par les lois en vigueur; 2) dans le cas de l'Entreprise portuaire nationale Santo Tomás de Castilla, les autorités de l'entreprise ont fait usage des recours judiciaires prévus par le droit national; 3) dans le cas de l'hôtel Camino Real, l'accord collectif de travail a été dénoncé en dehors des délais fixés par la loi, si bien que l'accord n'a pas été tenu pour dénoncé, comme l'a confirmé le Tribunal du contentieux administratif; et 4) dans le cas de l'exploitation agricole Nueva California, le cas a déjà été traité par le Comité de la liberté syndicale lors de sa session de mai 1997.

566. Le comité rappelle à ce sujet que: «il importe qu'employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties» et que «le principe selon lequel les employeurs comme les syndicats doivent négocier de bonne foi et s'efforcer de parvenir à un accord suppose que soit évité tout retard injustifié dans le déroulement des négociations». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 815 et 816.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que ces principes soient respectés et de s'efforcer de stimuler et de promouvoir, entre les employeurs et les organisations de travailleurs, le développement et l'usage de processus de négociation volontaires visant à réglementer les conditions de travail par le biais de conventions collectives.

Homologation d'accords collectifs de travail

567. S'agissant de l'allégation relative au fait que le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale désapprouve, dans les accords collectifs, toutes les prestations de nature économique et sociale comportant des implications financières pour les employeurs, les assortissant de réserves qui les excluent de fait de ces accords (l'organisation plaignante cite le cas des municipalités d'Esquipulas et de Puerto Barrios et celui de la Confédération sportive autonome du Guatemala et de la Contrôlerie générale des comptes de la nation), le comité regrette que le gouvernement n'ait pas envoyé ses observations sur le sujet et lui demande de le faire sans tarder.

Décret no 35-96 sur la réglementation de la grève
s'appliquant aux travailleurs de l'Etat

568. S'agissant des critiques formulées par la CGTG quant à la disposition de ce décret qui rend la voie directe obligatoire pour la négociation d'un accord ou d'une convention, les travailleurs devant ainsi s'adresser directement à l'administration publique pour lui soumettre leurs plaintes et leurs revendications avant de pouvoir se tourner vers les autorités judiciaires, le comité note que le gouvernement déclare que les organes de contrôle de l'OIT ont déjà examiné cette question et ont conclu que ce texte de loi était conforme aux conventions et aux recommandations de l'OIT. Sur ce point, le comité souhaite rappeler que, lorsqu'elle a examiné l'application de la convention no 98 par le Guatemala, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a estimé que le décret en question, dont «l'article 2 b) dispose que, s'il n'est pas prouvé que la procédure directe a été épuisée, il ne sera pas donné suite au processus de règlement du conflit, et il appartient au juge de prendre d'office les mesures nécessaires pour constater cet état de fait», n'est pas en contradiction avec la convention no 98. [Voir le Rapport III (partie 1A), 1998, p. 254 de la version française.] Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l'examen de cette allégation.

Recommandations du comité

569. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 février 2000.