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GB.275/4/1
275e session
Genève, juin 1999


316e rapport du Comité de la liberté syndicale (...suite)

Cas no 1939

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de l'Argentine
présentée par
- la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et
- la Centrale des travailleurs argentins (CTA)

Allégations: morts, arrestations, agressions physiques
et menaces de mort dirigées contre des dirigeants syndicaux
et des syndicalistes, violations de locaux syndicaux
et du domicile de syndicalistes, demande d'annulation
du statut syndical

88. Le comité a déjà examiné ce cas lors de sa réunion de juin 1998 et il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 310e rapport, paragr. 107-122, approuvé par le Conseil d'administration à sa 272e session (juin 1998).]

89. Le gouvernement a envoyé des observations dans des communications datées des 22 octobre 1998, 29 avril et 6 mai 1999.

90. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

91. Lors de l'examen antérieur de ce cas, au sujet des allégations concernant des morts violentes, des arrestations, des agressions physiques et des menaces de mort dirigées contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, des violations des locaux syndicaux et des domiciles de syndicalistes et une demande d'annulation du statut syndical d'une organisation syndicale, le comité avait formulé les recommandations suivantes [voir 310e rapport, paragr. 122, alinéas a) et b)]:

B. Réponse du gouvernement

92. Dans ses communications des 22 octobre 1998, 22 avril et 6 mai 1999, le gouvernement a fait parvenir les informations suivantes en ce qui concerne les faits survenus dans la province de Neuquén:

93. Enfin, le gouvernement indique en ce qui concerne les événements survenus dans la province de Buenos Aires, au sujet des prétendues menaces et agressions physiques contre les dirigeants syndicaux de l'ATE à Lanus et les prétendues menaces contre les dirigeants syndicaux de l'ATE à San Martin à Quilmes, que la secrétaire d'Etat au Travail de la province de Buenos Aires a souligné qu'aucune action administrative n'a été enregistrée concernant les protagonistes de ces violations alléguées à la liberté syndicale mais que, cependant, les plaintes devant le juge d'instruction et devant la police font l'objet d'investigations malgré le peu d'éléments contenus dans les plaintes et se trouvent encore à l'étape de l'instruction, c'est-à-dire de la recherche de preuves.

C. Conclusions du comité

94. Le comité observe que les allégations qui étaient restées en instance lors de l'examen de ce cas à sa session de juin 1998 avaient trait à l'attaque menée contre des locaux syndicaux, à la détention de syndicalistes et à la violation de leur domicile, à des agressions physiques et des menaces de mort contre des syndicalistes, et à la demande d'annulation du statut syndical de deux organisations syndicales. Le comité observe également que, lors de son dernier examen de ce cas, il avait demandé au gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires entamées en ce qui concerne la mort de Mme Teresa Rodríguez, causée par des membres de la police au cours d'une manifestation organisée le 12 avril 1997 dans la province de Neuquén.

95. En ce qui concerne les allégations relatives aux attaques menées les 15 et 24 mai 1997 contre le local du syndicat de l'ATE de la province de Neuquén, le comité prend note du fait que le gouvernement a indiqué les faits suivants: 1) pour ce qui est de la plainte selon laquelle le local de l'Association des travailleurs de l'Etat de Cutral-Co a fait l'objet d'un attentat à la bombe incendiaire, les membres de la police du commissariat 14 de Cutral-Co ont pris la déposition de M. Miguel Dante Alvarez, et ils ont constaté, suite à un appel téléphonique, qu'un incendie avait effectivement eu lieu dans le local de l'ATE et qu'il avait provoqué des dégâts. Ils ont pris les mesures nécessaires afin d'établir les faits, en procédant notamment à une expertise qui a été menée à bien par qui de droit; 2) en ce qui concerne la plainte selon laquelle un groupe d'inconnus a tiré sur la façade du siège du local de l'ATE Cutral-Co, M. Celso Fabián Quesada a fait une déposition dans le commissariat 14 de Cutral-Co expliquant expressément qu'il ne soupçonnait personne; les membres de la police ont pris les mesures nécessaires pour instruire une procédure. Le comité prend également note du fait que le gouvernement indique que les mesures judiciaires pertinentes ont été prises en ce qui concerne ces deux faits lamentables et que les autorités compétentes ne ménagent aucun effort pour parvenir à un éclaircissement rapide. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des enquêtes judiciaires en cours.

96. Quant à l'allégation relative à la violation du domicile et à l'arrestation subséquente par la police le 23 juin 1997 des syndicalistes de la Centrale des travailleurs argentins de Cutral-Co (CTA), MM. Sandro Botron, Juan Bastías, Cristián Rodríguez, Oscar Chávez, Mme Beatriz Parra, MM. Cristián Valle et Angel Lucero, ainsi qu'à la mise en accusation de trois d'entre eux (MM. Rodríguez, Botron et Mme Parra), le comité prend note du fait que le gouvernement déclare que: 1) à la suite d'un grave conflit qui a surgi entre les autorités gouvernementales et les travailleurs dans la localité de Cutral-Co, province de Neuquén, le 13 juin 1997, une délégation composée de hauts fonctionnaires du gouvernement est arrivée sur place afin de trouver rapidement une solution pour satisfaire aux revendications des travailleurs; en dépit de négociations ardues, les parties ne sont pas arrivées ce jour-là à une solution satisfaisante, et la délégation a décidé de quitter le bâtiment où les réunions avaient lieu, car il a été virtuellement assiégé par des manifestants. Selon le gouvernement, des coups d'armes à feu de petit calibre auraient été tirés par les manifestants qui se trouvaient réunis à l'extérieur du bâtiment, et l'hôtel de ville a été pratiquement détruit par un assaut au cours duquel trois agents de police ont été blessés. Ces lamentables incidents ont déclenché les poursuites judiciaires pertinentes, qui visent à établir les actes illicites éventuellement commis, à déterminer les responsabilités et à identifier les coupables. Une enquête judiciaire a été ouverte dans le cadre de laquelle les mesures préconisées par la loi seront prises pour établir la vérité objective, notamment la perquisition de domicile et l'arrestation des présumés coupables; 2) la perquisition de domicile et la détention des syndicalistes de la CTA, MM. Sandro Botron, Juan Bastías, Cristián Rodríguez, Oscar Chávez, Mme Beatriz Parra, MM. Cristían Valle et Angel Lucero, ont été effectuées sur l'ordre de l'autorité compétente, de jour, par les membres de la police dotés de toutes les compétences nécessaires à cette fin, et dans le respect de toutes les dispositions prévues par la loi afin de garantir les droits du citoyen. Le gouvernement précise qu'il s'est agi de procédures engagées dans le cadre constitutionnel, conformément au droit, et effectuées sur ordre écrit du juge compétent, et que tout a été fait pour éviter l'utilisation de la force publique et que l'on n'y a fait appel qu'en dernier recours et dans une moindre mesure pour assurer l'exécution de l'ordre. Il est également précisé que c'est un agent de police qui a été blessé lors de l'exécution de cet ordre.

97. A cet égard, tout en notant que le gouvernement indique que la perquisition du domicile et l'arrestation subséquente des syndicalistes, MM. Sandro Botron, Juan Bastías, Cristián Rodríguez, Oscar Chávez, Mme Beatriz Parra, MM. Cristián Valle et Angel Lucero, ont été effectuées sur mandat judiciaire, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la situation de ces syndicalistes, et notamment des charges qui ont été retenues contre eux ainsi que de la durée de leur détention.

98. En ce qui concerne la mort violente de la travailleuse Mme Teresa Rodríguez, qui aurait été causée par des membres de la police au cours d'une manifestation organisée le 12 avril 1997 dans la province de Neuquén, le comité note que, d'après le gouvernement, les autorités judiciaires poursuivent leurs investigations. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l'enquête.

99. Par ailleurs, le comité note que le gouvernement n'a pas fourni d'informations sur le cours des enquêtes judiciaires concernant certaines allégations qui étaient restées en instance lors du précédent examen du cas: l'agression dont a été victime le délégué de l'ATE, M. Jorge Villalba, le 13 juin 1997, à Lanús; la menace de mort adressée le 23 juin 1997 à Mme Nélida Curto, membre de la commission administrative de l'ATE-Lanús; la menace adressée le 26 juin 1997 à Mme Ana María Luegurcho, déléguée de l'ATE pour l'hôpital Arturo Melo de Remedios de Escalada; la menace de mort adressée à M. Daniel Saavedra, délégué de l'ATE-Lanús; la menace de mort adressée à M. Víctor Bordiera, secrétaire général de l'ATE-San Martín; la menace adressée le 10 juillet 1997 à M. Ricardo Caffieri, délégué général adjoint de l'ATE-General Rodríguez. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des enquêtes judiciaires entreprises.

100. Enfin, en ce qui concerne les autres allégations qui restaient en instance: l'attaque contre le domicile du secrétaire adjoint de l'ATE-National, M. Juan González; l'attaque et le pillage des locaux de l'ATE-section Comodoro Rivadavia et de l'ATE-section Goya, qui ont eu lieu en juillet 1997; et la demande émise par le gouverneur de la province de Neuquén en vue de l'annulation du statut syndical dont bénéficiaient le syndicat de l'Etat et celui des enseignants (ATE et ATEN), qui sont affiliés à la CTA, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas envoyé des informations complètes. A cet égard, rappelant l'importance de mener à bien des enquêtes indépendantes, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des enquêtes soient ouvertes sur ces allégations et de le tenir informé de leurs résultats.

Recommandations du comité

101. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1949

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de Bahreïn
présentée par
- le Syndicat des travailleurs de Bahreïn et
- la Fédération syndicale mondiale

Allégations: violation du droit de constituer des syndicats,
actes de discrimination antisyndicale

102. La Fédération syndicale mondiale et le Syndicat des travailleurs de Bahreïn ont présenté une plainte contre le gouvernement de Bahreïn dans des communications en date des 7 septembre et 6 octobre 1997, des 10 février, 16 mars, 27 août et 30 décembre 1998. Le gouvernement a fait parvenir ses observations en date du 1er avril 1998 et du 24 février 1999.

103. Bahreïn n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

104. De façon générale, la plainte présentée par les organisations plaignantes porte sur le déni du droit d'organisation à Bahreïn; elles soutiennent en effet que le gouvernement est hostile à toutes formes d'organisation des travailleurs, nie leurs droits syndicaux et leur interdit toute activité syndicale.

105. Aspects législatifs. Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement refuse d'appliquer les articles 27 et 28 de la Constitution du pays concernant les droits syndicaux et le droit d'établir des syndicats et de s'y affilier. Dans ce contexte, le gouvernement a adopté deux ordonnances ministérielles en 1981 (nos 9/1981 et 10/1981) qui omettent toute référence aux droits des travailleurs de s'organiser et qui établissent comme principe celui de la représentation conjointe travailleurs-employeurs (commissions paritaires). Selon les organisations plaignantes, ces ordonnances ont confirmé en fait le refus du gouvernement de permettre l'organisation d'un syndicat pour les travailleurs de Bahreïn.

106. Au surplus, les organisations plaignantes ajoutent que le gouvernement a violé les droits syndicaux en abrogeant la loi sur les syndicats de 1957 et en la remplaçant par une simple disposition dans le Code du travail de 1976 (art. 142 de la loi no 23/1976) qui dispose que:

107. Les organisations plaignantes allèguent que cette disposition a pour effet de substituer les commissions paritaires employeurs-travailleurs aux syndicats traditionnels.

108. Les organisations plaignantes estiment que, en modifiant les lois relatives au travail et en établissant les commissions paritaires du travail, le gouvernement a établi une forme inacceptable de représentation des travailleurs et nie ainsi aux travailleurs le droit d'établir leurs propres organisations qui pourraient par la suite les représenter au sein de telles commissions paritaires. En outre, les organisations plaignantes critiquent le fait que la composition de ces commissions, formées de quatre représentants d'employeurs et du même nombre de représentants travailleurs, est soumise à une autorisation ministérielle, le ministre pouvant refuser tout candidat travailleur en raison de motifs fondés sur la sécurité nationale.

109. Le gouvernement a également mis sur pied une Commission générale des travailleurs de Bahreïn qui est, selon les organisations plaignantes, soumise à son étroit contrôle. A l'appui de leurs allégations, les organisations plaignantes soumettent des communications qui révèlent que le gouvernement exige qu'un représentant ministériel assiste et contrôle les assemblées générales de la Commission générale des travailleurs de Bahreïn. Les organisations plaignantes estiment que la Commission générale des travailleurs de Bahreïn ne répond d'aucune façon aux principes de la liberté syndicale et ne jouit d'aucun des droits syndicaux définis dans les conventions internationales du travail. De toute manière, les organisations plaignantes plaident que le concept même de représentation paritaire est en soi illogique lorsqu'elle se substitue à une représentation syndicale réelle et effective.

110. En outre, le gouvernement aurait adopté une disposition pénale (art. 132 du Code pénal de 1976) aux termes de laquelle tout citoyen qui contacte, en quelque capacité que ce soit, des représentants de syndicats, organisations, associations ou fédérations est passible d'une peine d'emprisonnement pour une période d'au moins trois mois ou d'une amende d'au moins 100 dinars ou les deux à la fois. Les organisations plaignantes indiquent que, en août 1997, le ministre du Travail a pris des mesures supplémentaires contre la liberté syndicale en interdisant à la Commission générale des travailleurs de Bahreïn elle-même de participer à toute activité internationale et en lui enjoignant de travailler conformément aux instructions ministérielles.

111. Ces dispositions législatives auraient causé de graves préjudices à l'organisation plaignante, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn. Cette organisation ne peut en effet, au regard des dispositions mêmes de la loi, librement s'organiser sur le territoire de l'Etat. Les organisations plaignantes expliquent en effet que l'annonce officielle de l'établissement du Syndicat des travailleurs de Bahreïn a été prononcée le 15 février 1978 à la suite d'une entente conclue entre les syndicats du pays sous la supervision de la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA), le Syndicat des travailleurs du Koweït et le Syndicat des travailleurs du Yémen. Dès le 11 avril 1984, le programme de l'organisation a été annoncé et enregistré auprès de la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA). Quelques jours plus tard, le programme était soumis au ministre du Travail et des Affaires sociales et publié dans nombre de journaux locaux et arabophones. A cette même époque, l'organisation a entamé une procédure auprès du ministère de la Justice afin qu'il requît le ministère du Travail et des Affaires sociales de reconnaître l'organisation et qu'il cessât de poursuivre, arrêter et déporter les syndicalistes en raison de leurs activités syndicales. Au début du mois de juillet 1989, l'organisation a présenté à nouveau ses documents constitutifs au ministère du Travail en vue de son enregistrement et de sa reconnaissance comme organisation syndicale légalement constituée. Les organisations plaignantes précisent que le Syndicat des travailleurs de Bahreïn est depuis le mois d'avril 1989 affilié à la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA) ainsi qu'à la Fédération syndicale mondiale. Dans ces circonstances, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn, qui compte plus 6 000 membres, est représenté à l'extérieur du pays par deux dirigeants qui sont également délégués auprès de la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA), MM. Hameed Ibrahim Awachi et Mohamed Abdul Jalil Al-Murbati. Ces derniers mènent leurs principales activités à partir de l'extérieur du territoire de Bahreïn puisque le gouvernement leur refuse systématiquement à eux et aux membres de leurs familles l'accès au pays. M. Awachi aurait tenté de retourner à Bahreïn en avril 1993; il aurait alors été arrêté et détenu pendant une semaine avant d'être expulsé du territoire.

112. Pour ce qui est de la situation personnelle de M. Al-Murbati, les organisations plaignantes allèguent qu'il fait l'objet de mesures de discrimination antisyndicale de la part des autorités publiques. Les organisations plaignantes rappellent que M. Al-Murbati, chef incontesté du mouvement syndical à Bahreïn, a participé activement aux activités syndicales nationales entre 1969 et 1973; il a été élu à l'unanimité par les aiguilleurs de l'aéroport de Bahreïn où il a travaillé à titre de technicien. M. Al-Murbati est également membre des conseils généraux de la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA) et de la Fédération syndicale mondiale. Tel que mentionné précédemment, M. Al-Murbati est contraint depuis de nombreuses années à l'exil; dans ce contexte, lui et les membres de sa famille se sont vu refuser la nationalité bahreïnite contrairement aux dispositions mêmes de la Constitution du pays qui disposent que la nationalité est décidée par la loi. La perte de la nationalité n'est en fait possible qu'en cas de haute trahison et de double nationalité. Or M. Al-Murbati possède la nationalité bahreïnite de par sa naissance, son passeport issu en 1967 (no 54739) en faisant foi. Il n'a du reste jamais été jugé pour actes de haute trahison et n'a jamais possédé d'autre nationalité; il a dès lors, selon les organisations plaignantes, plein droit à la nationalité bahreïnite et c'est par décision arbitraire que les autorités ont refusé de renouveler son passeport lorsqu'il en a fait la demande en 1977. Les organisations plaignantes estiment que les mesures prises contre M. Al-Murbati s'inscrivent dans le cadre d'une politique généralisée en vue d'affaiblir, voire annihiler, le mouvement syndical au pays.

B. Réponse du gouvernement

113. Le gouvernement estime que les allégations des organisations plaignantes sont sans fondement et sont exclusivement motivées par des intérêts politiques. Selon le gouvernement, ces communications ignorent totalement le système de relations professionnelles à Bahreïn qui assure pleinement la protection des droits des travailleurs et leur permet de régler pacifiquement leurs différends.

114. Les allégations des organisations plaignantes ne reconnaissent pas non plus la réalité de ce pays insulaire qui, avec ses 600 000 habitants, occupe le cinquième rang au niveau mondial pour ce qui est du nombre d'habitants par mètre carré. En outre, bien que plus de 60 pour cent des revenus de l'Etat proviennent de la production pétrolière, les autorités de Bahreïn ont tenté de diversifier leurs sources de revenus en investissant notamment dans les secteurs financier et touristique. Selon le gouvernement, de bonnes raisons justifient l'absence de syndicats dans le pays: par exemple, au moment où le Code du travail a été adopté, plus de 90 pour cent des travailleurs étaient des étrangers non nationaux. Dans ce contexte, il n'était ni approprié ni pratique de prévoir l'établissement de syndicats dans le sens strict du terme.

115. De toute manière, le gouvernement insiste sur le fait qu'il existe des organes et des mécanismes qui permettent la représentation des travailleurs. Ces organes protègent les droits de ceux qu'ils représentent et contribuent à la création d'une atmosphère de coopération et de consultation entre les travailleurs, les employeurs et le gouvernement. En fait, ils peuvent être considérés comme des syndicats, sauf pour ce qui est de leur nom. Cette structure s'est avérée bénéfique pour tous et a permis une amélioration de la productivité et une réduction d'interruptions du travail qui s'avéraient particulièrement coûteuses pour l'économie.

116. Pour leur part, les commissions paritaires composées d'employeurs et de travailleurs se sont avérées d'excellents organes pour promouvoir de saines relations professionnelles à Bahreïn. Implantées dans 19 sociétés, ces commissions sont composées de huit à dix membres, les employeurs et les travailleurs étant représentés en nombre égal en leur sein. Le gouvernement insiste sur le fait que tout employé peut se porter candidat et qu'il n'a pour ce faire qu'à démontrer sa bonne conduite. D'un autre côté, la Commission générale des travailleurs de Bahreïn constitue le syndicat national. Le gouvernement précise que cette commission est consultée sur les questions qui la concernent et fait partie de nombreux organes nationaux; ses membres sont élus au scrutin secret parmi les membres des commissions paritaires d'entreprise. Au dire du gouvernement, la Commission générale des travailleurs de Bahreïn est entièrement intégrée au processus démocratique du pays et joue un rôle majeur dans la définition des relations professionnelles. Si les différends du travail ne sont pas réglés à ce niveau, le ministre enquête et tient une médiation. Si cette procédure échoue, les parties peuvent soumettre leur différend à une instance juridictionnelle.

117. Pour le gouvernement, l'organisation plaignante, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn, outre qu'elle véhicule de fausses informations en ce qui concerne la situation des travailleurs à Bahreïn, ne constitue pas une organisation syndicale bona fide et ne devrait pas dès lors se voir reconnaître de locus standi devant le Comité de la liberté syndicale. En effet, ni le syndicat en tant que tel ni son unique dirigeant, M. Abdul Jalil Jaffer Al-Murbati, n'ont d'intérêt légitime et réel dans les relations professionnelles à Bahreïn. Pour appuyer ses déclarations, le gouvernement précise que le Syndicat des travailleurs de Bahreïn a établi son siège à l'extérieur du pays, à Damas, en Syrie. Il n'a pas de lien effectif avec le pays et n'y possède aucune adresse ou propriété. Il ne compterait aucun membre à Bahreïn. Son existence est tout-à-fait artificielle, n'ayant ni structure ni dirigeant ni constitution.

118. Le gouvernement ajoute, pour ce qui est de M. Abdul Jalil Jaffer Al-Murbati, qu'il a volontairement quitté Bahreïn depuis vingt-cinq ans, époque où il faisait l'objet d'une enquête relative à la possession d'armes, de substances explosives et était suspecté d'appartenir à une organisation illégale visant le renversement du gouvernement par la force. Il a alors choisi d'émigrer en Syrie où il a élevé sa famille. Il posséderait désormais la nationalité yéménite (passeport no 125522 issu le 21 juillet 1992). Le gouvernement rappelle que, dans tous les cas, M. Abdul Jalil Jaffer Al-Murbati peut se prévaloir de la loi de Bahreïn et demander le rétablissement de sa nationalité d'origine. Le gouvernement déclare n'avoir jamais privé M. Al-Murbati de sa nationalité d'origine. Enfin, le gouvernement insiste sur le fait que M. Al-Murbati n'a pas été élu par ses pairs et n'a été assigné à aucun groupe ou organe qui représenterait les travailleurs de Bahreïn sur le territoire étatique.

C. Conclusions du comité

119. Le présent cas se réfère, de façon générale, à des allégations relatives à des divergences entre la législation nationale de Bahreïn et les principes de la liberté syndicale, et, de façon plus spécifique, au déni du droit pour les travailleurs de Bahreïn de créer les organisations de leur choix et de s'y affilier.

120. D'emblée, le comité observe qu'il a déjà examiné au cours des dernières années des plaintes contre le gouvernement de Bahreïn qui se référaient à des questions similaires. [Voir notamment cas no 1043, 211e rapport, paragr. 572-589, cas no 1211, 233e rapport, paragr. 580-592, et 234e rapport, paragr. 39-45, cas no 1413, 259e rapport, paragr. 553-563, et 272e rapport, paragr. 171-196.]

121. Objection préliminaire. Dans ce contexte, l'objection préliminaire soulevée par le gouvernement, aux termes de laquelle il met en doute la compétence de l'organisation plaignante, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn, de soumettre une plainte étant donné qu'il a son siège à l'extérieur du pays, a déjà été examinée et décidée par le comité. [Voir cas no 1043, paragr. 584.] Dans son examen précédent, le comité avait rappelé que, dans d'autres cas où il avait examiné la recevabilité de plaintes émanant d'organisations syndicales situées en dehors du pays en cause, il avait signalé systématiquement que, conformément à la procédure en vigueur en matière de soumission de plaintes relatives à des violations de la liberté syndicale, les plaintes doivent émaner soit d'organisations de travailleurs ou d'employeurs, soit de gouvernements. Toutefois, il était parfois suggéré que des personnes prétendant agir au nom d'une telle organisation n'avaient pas qualité pour le faire, sous prétexte que l'organisation en question avait été dissoute ou que les plaignants avaient cessé de résider dans le pays intéressé. Le comité avait alors considéré qu'il ne serait pas conforme au but dans lequel a été instituée la procédure d'examen des plaintes relatives aux atteintes à l'exercice des droits syndicaux d'admettre que la dissolution d'une organisation en vertu d'une mesure gouvernementale met fin au droit de cette organisation d'invoquer ladite procédure.

122. Toutefois, le comité avait alors reconnu que, dans de tels cas, il pourrait être difficile de savoir exactement si les personnes qui prétendent agir au nom de l'organisation intéressée ont bien qualité pour ce faire et connaissent suffisamment les faits dont il s'agit, et avait souligné les problèmes de fiabilité liés au témoignage de personnes ne résidant plus dans le pays dont il est question. Le comité avait alors déclaré qu'il était prêt à accorder aux questions soulevées par de telles situations toute l'attention qu'elles pourraient mériter, mais qu'il ne considérerait aucune plainte comme irrecevable pour le simple motif que le gouvernement mis en cause avait dissous ou se proposait de dissoudre l'organisation au nom de laquelle la plainte avait été formulée ou que la personne ou les personnes de qui émanait la plainte étaient réfugiées à l'étranger. En adoptant ces vues, le comité s'était inspiré des conclusions adoptées à l'unanimité par le Conseil d'administration en 1937 au sujet de l'île Maurice, lors de l'examen d'une réclamation déposée au titre de l'article 24 de la Constitution de l'OIT où il avait indiqué qu'il possédait une entière liberté pour décider si une organisation peut être considérée comme organisation professionnelle au sens de la Constitution de l'OIT et qu'il ne se considérait lié par aucune définition nationale de ces mots. Au regard de ces considérations, le comité avait estimé à l'époque que la plainte du Syndicat des travailleurs de Bahreïn était recevable. En l'absence de tout élément de preuve justifiant de s'écarter de ces considérations, le comité estime que, en l'espèce, cette décision doit être maintenue et que la plainte présentée, dans le présent cas, par le Syndicat des travailleurs de Bahreïn est recevable.

123. Aspects législatifs. Le comité a déjà examiné en détail dans les cas précédents concernant le Bahreïn les dispositions qui font l'objet de la présente plainte, à savoir notamment le chapitre 17 de la loi de 1976 sur le travail (loi no 23/1976) et les ordonnances ministérielles nos 9 et 10 de 1981. [Voir cas no 1043, 211e rapport, paragr. 588, et cas no 1413, 254e rapport, paragr. 489.] Dans le cas présent, les organisations plaignantes allèguent que ces dispositions, en imposant la mise en place de commissions paritaires au niveau de l'établissement et, à l'échelon national, un organisme élu, la Commission générale des travailleurs de Bahreïn, nient aux travailleurs le droit de constituer les organisations de leur choix ou de s'y affilier. En outre, elles soutiennent que ces commissions paritaires ne sont pas pleinement autonomes et indépendantes par rapport aux autorités publiques puisqu'elles sont soumises à un strict contrôle gouvernemental. Pour sa part, le gouvernement estime que tant les commissions paritaires que la Commission générale des travailleurs de Bahreïn prennent en considération le système des relations du travail du pays et s'avèrent d'excellents instruments pour promouvoir de saines relations professionnelles au pays.

124. Plus spécifiquement, le chapitre 17 de la loi de 1976 (loi no 23/1976) vise la création des commissions paritaires et conseils. Au regard des dispositions qui composent ce chapitre, il est prévu que des commissions paritaires composées de représentants travailleurs et employeurs peuvent être établies au sein de tout établissement; ces commissions visent en fait à promouvoir la collaboration «dans le règlement des différends, l'établissement de meilleures normes sociales pour les travailleurs, l'organisation de services sociaux, la fixation de salaires, l'augmentation de la productivité et toutes autres questions présentant un intérêt mutuel pour les deux parties» (loi no 23/1976, art. 142). C'est l'ordonnance no 9/1981 qui précise les exigences selon lesquelles les représentantes employeurs et travailleurs sont élus au sein de ces commissions paritaires. En fait, l'employeur doit désigner ses représentants et organiser l'élection pour ce qui est des représentants travailleurs (ordonnance no 9/1981, art. 2 et 3). Pour être élu, un travailleur ne doit pas notamment avoir été condamné «pour quelque crime ou délit» ou ne pas avoir été engagé dans des activités qui pourraient porter atteinte à la sécurité, l'unité ou l'intérêt de l'Etat (ibid., art. 4). C'est le ministre du Travail et des Affaires sociales qui a le pouvoir de refuser une candidature qui ne répondrait pas à toutes les exigences et conditions fixées par la loi.

125. Etant entendu que les dispositions en question ne semblent pas avoir été modifiées depuis le dernier examen effectué par le comité, ce dernier se voit obligé de rappeler les conclusions qu'il avait alors formulées et qui se référaient notamment au droit pour les travailleurs d'élire librement leurs représentants et à l'authenticité de la représentation des travailleurs instituée par la législation en cause. En ce qui concerne la question de la représentation des travailleurs par des commissions paritaires, le comité estime que, dans certaines circonstances, il y a un risque que les représentants des travailleurs dans les commissions paritaires ne soient pas élus librement, étant donné notamment que c'est l'employeur lui-même qui organise les élections des représentants travailleurs. De plus, le ministre du Travail a le pouvoir de refuser tout candidat travailleur qui aurait été jugé pour «quelque crime» ou en raison de motifs liés à la sécurité de l'Etat. A cet égard, le comité se dit préoccupé du large pouvoir discrétionnaire octroyé au ministre et souhaite rappeler que toute condamnation pour une activité qui, de par sa nature, ne saurait porter préjudice à l'exercice correct de fonctions syndicales officielles ne devrait pas constituer un motif de disqualification pour les mandats syndicaux; tout texte législatif interdisant ces fonctions aux personnes condamnées pour tout type de délit est incompatible avec les principes de la liberté syndicale.

126. En outre, le comité regrette que les dispositions de l'ordonnance no 10 de 1981 qui concerne la Commission générale des travailleurs de Bahreïn qui avaient fait l'objet de commentaires n'ont, depuis leur dernier examen, pas été modifiées. Le comité doit dès lors rappeler que sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale les articles 2 et 8 de l'ordonnance no 10 qui prévoient que les règles s'appliquant à la conduite des affaires de la Commission générale des travailleurs de Bahreïn et leurs modifications doivent être approuvées par le ministre du Travail et des Affaires sociales ainsi que l'article 10 qui interdit à la Commission générale des travailleurs de Bahreïn d'investir ses fonds ou d'accepter des dons sans l'approbation préalable du ministre, et lui interdit également de se livrer à des activités politiques. Dans ces circonstances, le comité doit à nouveau prier instamment le gouvernement de réexaminer les ordonnances nos 9 et 10 de 1981 prises au regard de la loi no 23 de 1976 sur le travail en vue de les harmoniser avec les principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

127. Le comité est sensible au fait que la situation dans laquelle se retrouve l'organisation plaignante, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn, ainsi que ses dirigeants est due en grande partie au cadre législatif bahreïnite qui ignore les organisations syndicales et leur substitue les commissions paritaires. Le comité rappelle que les principes de la liberté syndicale exigent que le gouvernement assure aux travailleurs le droit de s'organiser librement et de constituer les organisations de leur choix ou de s'y affilier. Le comité observe que les organisations de travailleurs ainsi créées pourraient dûment représenter les travailleurs au sein des commissions paritaires créées. Dans ces conditions et de façon générale, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soit effectivement garanti aux travailleurs le droit de s'organiser librement et prie notamment le gouvernement de rendre sa législation en conformité avec les principes de la liberté syndicale. Le comité rappelle que l'assistance technique du Bureau est à sa disposition s'il le souhaite. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

128. Pour ce qui est du refus des autorités bahreïnites d'émettre le passeport de M. Al-Murbati, le comité observe que les déclarations des parties sont contradictoires à cet égard; les organisations plaignantes affirment en effet que M. Al-Murbati ne posséderait que la nationalité bahreïnite alors que le gouvernement affirme que M. Al-Murbati serait détenteur d'un passeport yéménite, ce qui l'empêcherait d'en détenir un émis par Bahreïn. Bien que les questions relatives à la nationalité ne relèvent pas de la compétence du comité, ce dernier prend note toutefois de la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'a aucunement l'intention de priver M. Al-Murbati de sa nationalité bahreïnite et qu'il est prêt à examiner attentivement toute demande en vue de son rétablissement.

Recommandations du comité

129. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1992

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Brésil
présentée par
la Centrale unique des travailleurs (CUT)

Allégations: licenciements faisant suite à une grève
et autres actes antisyndicaux

130. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Centrale unique des travailleurs (CUT) datée du 31 août 1998. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 23 février 1999.

131. Le Brésil n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

132. Dans sa communication du 31 août 1998, la Centrale unique des travailleurs (CUT) indique que les travailleurs de l'Entreprise brésilienne des postes et télégraphes (ECT) - une entreprise publique fédérale - sont représentés par plus de deux douzaines de syndicats de travailleurs et par une fédération nationale. L'organisation plaignante indique que la date du 1er août a été fixée pour signer chaque année le renouvellement de la convention collective qui régit les conditions de travail dans l'entreprise. Or, lors des négociations en vue du renouvellement de la convention pour la période 1997-98, l'entreprise a rejeté les revendications des travailleurs, qui ont déclenché une grève qui a duré vingt et un jours. D'après la CUT, le gouvernement et l'entreprise ont commis divers actes de discrimination antisyndicale au cours des négociations, pendant la grève et à la suite de la grève. Concrètement, l'organisation plaignante fait valoir ce qui suit:

B. Réponse du gouvernement

133. Dans sa communication du 23 février 1999, le gouvernement déclare que, le 26 juin 1997, l'Entreprise brésilienne des postes et télégraphes (ECT) a reçu une longue liste de revendications de la Fédération nationale des travailleurs des entreprises des postes et télégraphes et assimilés (FENTECT) et, entre autres, une demande d'ajustement de 21,39 pour cent des salaires, plus 5 pour cent d'augmentation réelle. Le 28 août 1997, l'entreprise a formulé une contre-proposition suggérant une réédition de l'accord antérieur et un ajustement des salaires compatible avec la politique économique et le marché du travail local, sans préjudice de la poursuite des négociations sur ce point. Par la suite, l'entreprise a présenté à la table de négociation une nouvelle proposition consistant à offrir une augmentation de 5 pour cent pour les facteurs, le personnel de guichet des bureaux de poste, les motocyclistes, etc., qui composent 85 pour cent du personnel de l'entreprise, en maintenant entre-temps une augmentation de 2 pour cent pour le personnel opérationnel. Le gouvernement indique que, bien que des négociations fussent en cours, les syndicats affiliés à la FENTECT ont déclenché une grève sans aucun fondement et en violant le processus de négociation, une grève qui, la CUT elle-même l'admet, a duré 21 jours. Dans un esprit de conciliation, l'entreprise a reçu la FENTECT le 11 septembre 1997 et a présenté sa proposition finale, qui consistait à maintenir l'ajustement des bénéfices en les augmentant d'un bonus de 200 reales pour tous les employés.

134. Le gouvernement indique que les efforts déployés par l'entreprise pour faire aboutir les négociations n'ont pas été suffisants pour que l'on parvienne à un accord et, n'approuvant pas la situation et conformément aux règles élémentaires dans n'importe quelle négociation, l'entreprise n'a eu d'autre alternative que de retirer sa proposition et de subordonner la reprise des négociations à l'arrêt de la grève. La position de l'entreprise est restée parfaitement conforme aux principes démocratiques les plus élémentaires, étant donné que la grève, outre qu'elle ne représentait pas le désir de la majorité des travailleurs, a sérieusement gêné les usagers et le personnel qui voulait travailler, sans compter les préjudices financiers qu'elle a causés et la propagande négative concernant le service du courrier à laquelle la grève a donné lieu.

135. L'attitude des organisations syndicales en cause a été contraire à la législation régissant les grèves, en particulier pour ce qui est de l'autorisation des assemblées qui ne pouvaient déclarer le mouvement de grève sans préavis, une condition qui n'est pas remplie par une simple communication concernant une éventuelle grève, sans respecter les conditions et procédures prévues par la loi no 7783/94. La loi sur les grèves dispose: «Article 3. Si la négociation échoue ou s'il s'avère impossible de recourir à l'arbitrage, la cessation collective du travail est permise. Paragraphe unique. L'employeur ou ceux de ses employés qui sont directement intéressés doivent être avisés de la grève au moins 48 heures à l'avance. Article 4. L'organisation syndicale intéressée doit convoquer, de la façon prévue par ses statuts, une assemblée générale qui définit les revendications de la catégorie et délibère sur l'arrêt collectif de la prestation de services. Paragraphe 1. Les statuts de l'organisation syndicale doivent prévoir les formalités de convocation et de quorum pour la délibération, le déclenchement et l'arrêt de la grève.»

136. Etant donné qu'il s'agissait d'une grève désapprouvée par l'immense majorité des travailleurs de l'entreprise, les dirigeants des syndicats affiliés à la FENTECT, prévoyant la fragilité du mouvement, ont menacé d'installer des piquets de grève agressifs et d'envahir les locaux, et ces menaces ont été confirmées par des actes de violence et de vandalisme dans diverses unités de l'entreprise. Devant cette situation, l'entreprise a pris des mesures conservatoires judiciaires. Les autorités judiciaires ont décidé que le syndicat des travailleurs de l'Entreprise brésilienne des postes et télégraphes et assimilés de Ribeirão Preto e Região devait s'abstenir de toute activité ayant pour but de restreindre ou d'empêcher l'accès ou la sortie du public ou des fonctionnaires des succursales de l'entreprise ECT occupant des fonctions administratives, opérationnelles ou de surveillance et qu'il fallait assurer le droit des travailleurs souhaitant exercer normalement leurs fonctions, ainsi que du public en général, d'accéder librement au mouvement du trafic postal et de sortir des locaux. Le gouvernement indique que, ignorant complètement la loi sur les grèves et les mesures conservatoires adoptées, les grévistes ont commis des actes de violence et de vandalisme, tels que des dommages au patrimoine public, des outrages aux employés, aux dirigeants de l'entreprise et aux usagers, des agressions physiques contre les employés et l'intrusion dans des bâtiments publics.

137. Devant les graves fautes commises, l'entreprise, s'appuyant sur la législation applicable et en particulier sur la loi sur les grèves, a licencié pour justes motifs 157 travailleurs grévistes. Ses actes ayant été reconnus illicites, la FENTECT a été contrainte, le 23 septembre 1997, de mettre fin à la grève et de demander à l'entreprise de reprendre les négociations, ce qui a été rapidement accordé. Faisant preuve de tolérance et montrant sa disposition au dialogue, l'entreprise a élargi sa proposition en offrant notamment: de réexaminer dans un délai de vingt jours jours, après la signature de la collection collective de travail, les licenciements prononcés pendant la grève; un panier d'aliments de base pour les employés ayant participé à la grève qui retourneraient au travail et signeraient la convention avant le 30 septembre 1997. La représentation syndicale a rejeté la convention le 1er octobre 1997 et, en tant que dernière tentative pour éviter l'intervention du pouvoir judiciaire pour régler la question du licenciement collectif, l'entreprise a informé la FENTECT qu'elle attendrait sa décision à cet égard jusqu'au 17 octobre 1997; en réponse, de nouvelles assemblées ont été convoquées pour prévoir le déroulement d'une nouvelle grève prévue pour début décembre 1997. Le gouvernement indique que l'affirmation selon laquelle l'entreprise ECT a commis des actes contraires aux normes internationales ratifiées par le Brésil est inexacte.

138. En ce qui concerne la publication d'un manuel préconisant des pratiques antisyndicales, le gouvernement déclare que ce manuel fait la synthèse d'une série d'orientations ayant pour objet d'instaurer de bonnes relations entre l'employé et l'employeur dans le domaine syndical. Il ajoute que le manuel en question n'est plus en usage car il est dépassé, et il a été actualisé par un ensemble de normes plus modernes.

139. Le gouvernement indique par ailleurs que la cassette vidéo à laquelle se réfère la CUT prouve l'agressivité des dirigeants syndicaux pendant la grève menée en 1997 et montre que la violence ne peut être niée puisque ses protagonistes figurent clairement dans le film.

140. Le gouvernement ajoute qu'il n'est pas vrai qu'à la fin de la grève l'entreprise ait lancé une campagne de représailles contre les grévistes et que les autorités aient procédé à des licenciements massifs. Selon le gouvernement, cela peut être vérifié au moyen du document signé par les participants à la commission nationale de négociation de la FENTECT et de l'ECT - le procès-verbal de la réunion du 14 novembre 1997 - dans lequel a été consigné ce qui suit dans le cadre de la convention collective de travail pour 1997-98: les grévistes qui se sont absentés de leur poste de travail pendant plus de 15 jours durant la grève du mois de septembre recevront, outre le panier distribué au mois de novembre, le panier d'aliments de base qu'ils auraient perdu le droit de recevoir dans des conditions normales, car ils récupèrent ce droit en vertu de l'accord passé entre les parties; l'entreprise s'engage à réexaminer les licenciements pour juste motif prononcés pendant la grève de septembre 1997 dans un délai de vingt jours à compter de la date de la signature de l'acte contenant l'approbation et l'acceptation des bases de la convention collective de travail. Chaque fois qu'un licenciement réexaminé sera annulé, l'intéressé sera réintégré. Les licenciements non résolus pourront faire l'objet d'un réexamen si des faits nouveaux ou une nouvelle preuve non examinée sont présentés.

141. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle 1 500 travailleurs, dont 300 dirigeants syndicaux, auraient été licenciés, le gouvernement déclare que l'entreprise a réexaminé le licenciement de toutes les personnes licenciées pour justes motifs, qui ne dépassait pas 157. Sur ces 157 travailleurs, 103 ont été réintégrés, et le licenciement de 54 autres a été maintenu. Enfin, le gouvernement explique que les licenciements mentionnés par la CUT (plus de 1 500) résultent de résiliations de contrats intervenues vers le milieu de 1997, c'est-à-dire avant la grève de septembre 1997.

C. Conclusions du comité

142. Le comité observe que les allégations dans le présent cas ont trait à un conflit collectif entre l'Entreprise brésilienne des postes et télégraphes et la Fédération nationale des travailleurs des entreprises des postes et télégraphes et assimilés (FENTECT) qui a provoqué, dans le cadre de la négociation d'une convention collective et après une grève, le licenciement massif de grévistes (1 500 travailleurs, dont 300 dirigeants ou représentants des travailleurs selon l'organisation plaignante). Le comité observe également que l'organisation plaignante affirme que l'entreprise en cause: i) aurait diffusé une cassette vidéo contenant des informations fausses sur le syndicat et sur la grève; ii) ne permet pas l'accès des dirigeants syndicaux aux lieux de travail et fait obstacle à la libération des dirigeants syndicaux de leurs obligations professionnelles pour qu'ils puissent exercer leurs activités syndicales; iii) a publié un manuel de relations syndicales qui contient des dispositions antisyndicales.

143. En ce qui concerne le licenciement massif de grévistes après une grève lancée dans le cadre de la négociation d'une convention collective de travail, le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles: 1) bien que des négociations fussent en cours, les syndicats affiliés à la FENTECT ont lancé une grève sans aucun fondement, violant ainsi le processus de négociation; 2) les efforts déployés par l'entreprise pour faire aboutir les négociations n'ont pas été suffisants pour que l'on parvienne à un accord et, désapprouvant la situation et conformément aux règles élémentaires dans n'importe quelle négociation, l'entreprise n'a eu d'autre alternative que de retirer sa proposition et de subordonner la reprise des négociations à l'arrêt de la grève; 3) l'attitude des organisations syndicales intéressées a été contraire à la législation régissant les grèves, en particulier pour ce qui est de l'autorisation des assemblées qui ne pouvaient déclarer la grève sans observer le préavis légal, une condition qui n'est pas remplie par une simple communication concernant une grève éventuelle, sans respecter les exigences et procédures prévues par la loi no 7783/94; 4) les grévistes ont commis des actes de violence et de vandalisme, tels que des dommages au patrimoine public, des outrages aux employés, aux dirigeants de l'entreprise et aux usagers, des agressions physiques contre les employés et l'invasion de bâtiments publics; 5) devant les graves fautes commises, l'entreprise a licencié pour justes motifs 157 travailleurs grévistes; 6) dans le cadre de la convention collective de travail pour 1997-98 conclue en novembre 1997, il est indiqué que l'entreprise s'engage à réexaminer les licenciements prononcés pendant la grève de septembre 1997 dans un délai de vingt jours à compter de la date de la signature de l'acte contenant l'approbation et l'acceptation des bases de la convention collective de travail et que, chaque fois qu'un licenciement réexaminé sera annulé, les intéressés seront réintégrés, et les licenciements non résolus pourront faire l'objet d'un réexamen si des faits nouveaux ou une preuve non examinée sont présentés; 7) l'entreprise a réexaminé le licenciement de toutes les personnes licenciées, dont le nombre ne dépassait pas 157 et dont 103 ont été réintégrées, le licenciement des 54 autres ayant été maintenu; 8) les licenciements mentionnés par la CUT (plus de 1 500) résultent de résiliations de contrats intervenues vers le milieu de 1997, c'est-à-dire avant la grève qui a eu lieu en septembre 1997.

144. Le comité constate que le gouvernement nie qu'il y ait eu 1 500 licenciements, mais reconnaît que, dans le cadre de la grève effectuée en septembre 1997, 157 grévistes ont été licenciés, et qu'il souligne que les syndicats qui ont déclaré la grève n'ont pas respecté le préavis légal et que les travailleurs licenciés ont commis des actes de violence et de vandalisme, tels que des dommages au patrimoine public, des outrages aux employés, aux dirigeants de l'entreprise et aux usagers, des agressions physiques contre les employés et l'invasion de bâtiments publics.

145. Quoi qu'il en soit, le comité observe avec intérêt qu'à la suite du conflit les parties ont conclu une convention collective pour 1997-98, dans lequel l'entreprise s'est engagée à réexaminer les licenciements, et qu'elle a déjà réintégré 103 travailleurs. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de l'informer des causes des licenciements des cinquante-quatre travailleurs restants.

146. En ce qui concerne l'allégation concernant la diffusion par l'administration de l'entreprise d'une cassette vidéo contenant des informations erronées sur le syndicat et sur la grève, le comité note que, d'après le gouvernement, cette cassette vidéo prouve l'agressivité des dirigeants syndicaux pendant la grève menée en septembre 1997 et montre que la violence ne peut être niée puisque ses protagonistes figurent clairement dans le film. A cet égard, le comité estime qu'il n'est pas en mesure de déterminer si le contenu de la cassette vidéo correspond ou non à la réalité.

147. En ce qui concerne la publication par l'entreprise ECT d'un manuel de relations syndicales (envoyé par l'organisation plaignante) dans le dessein de discréditer les syndicats, le comité observe que ce manuel contient des dispositions relatives à des sanctions contre les grévistes, à des communications avec les familles des éventuels grévistes, à la prévention en matière de sécurité, etc. A cet égard, le comité prend note de ce que le gouvernement déclare que ce manuel n'est plus en usage car il est dépassé par un ensemble de réglementations plus modernes. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de lui envoyer une copie des nouvelles réglementations en matière de relations syndicales appliquées à l'ECT afin de pouvoir les comparer avec les précédentes.

148. Quant à l'allégation selon laquelle les dirigeants syndicaux ne bénéficieraient plus de congés syndicaux pour qu'ils puissent exercer leurs activités syndicales, le comité observe que le gouvernement n'a pas communiqué ses observations à ce sujet. Le comité note à cet égard que la convention collective de travail pour 1997-98 (années auxquelles se réfèrent les allégations - le gouvernement a joint à sa réponse une copie de la convention) prévoit à la clause 29, paragraphes 1, 2 et 3, qu'un certain nombre de dirigeants des syndicats de l'entreprise et de la FENTECT doivent être libérés de leurs obligations professionnelles pour mener à bien leurs activités syndicales. Dans ces conditions, le comité souligne l'importance qu'il accorde au respect des clauses des conventions collectives librement conclues par les parties. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer des informations sur la mise en œuvre de ces clauses dans la pratique.

149. Enfin, le comité demande au gouvernement de communiquer ses observations sur l'allégation relative à l'impossibilité pour les dirigeants syndicaux, après la grève de septembre 1997, d'accéder aux lieux de travail.

Recommandations du comité

150. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1997

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Brésil
présentée par
la Confédération nationale des travailleurs des transports maritimes,
fluviaux et aériens, de la pêche et des ports (CONTTMAF)

Allégations: ingérence des autorités
dans l'application d'une convention collective

151. La plainte figure dans une communication de la Confédération nationale des travailleurs des transports maritimes, fluviaux et aériens, de la pêche et des ports (CONTTMAF) en date du 16 octobre 1998. Le gouvernement a fait connaître ses observations par une communication en date du 14 avril 1999.

152. Le Brésil n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la confédération plaignante

153. Dans sa communication du 16 octobre 1998, la Confédération nationale des travailleurs des transports maritimes, fluviaux et aériens, de la pêche et des ports (CONTTMAF) indique que les syndicats de travailleurs des ports de l'Etat de Rio Grande do Sul l'ont informée que, à la suite de négociations collectives menées conformément aux dispositions de la loi et aux règles qui régissent les libertés et garanties consacrées par la Constitution du Brésil, ils ont signé une convention collective avec les représentants des entreprises du secteur. Le 1er septembre 1998, après de nombreuses menaces, le secrétaire exécutif du Groupe exécutif pour la modernisation des ports (GEMPO) a réuni les chefs d'entreprise du secteur portuaire dans une installation militaire de la ville de Porto Alegre et les a sommés de dénoncer immédiatement la convention collective signée d'un commun accord par les travailleurs et les employeurs. Selon l'organisation plaignante, le secrétaire exécutif a notamment fait valoir qu'il ne pouvait pas accepter cette convention et il a donné aux entreprises un délai de trente jours pour cesser de l'appliquer, sous peine de mesures coercitives (contrôle fiscal, retrait des autorisations, amendes).

B. Réponse du gouvernement

154. Dans sa communication du 14 avril 1999, le gouvernement explique que, le 27 avril 1995, un décret du Président de la République (décret no 1467), a créé le Groupe exécutif pour la modernisation des ports (GEMPO) dont le rôle est de coordonner les mesures nécessaires à la modernisation du système portuaire brésilien et de veiller à la pleine application des dispositions de la loi no 8630/93. L'article 2 du décret prévoit l'adoption de mesures réglementant les relations entre les travailleurs et les usagers des services portuaires, conformément aux dispositions de la loi no 8630 de 1993, ainsi que de mesures visant à rendre effectif le fonctionnement des organes de gestion de la main-d'œuvre et des conseils portuaires et à rationaliser les structures et les procédures des administrations portuaires. Depuis que le décret a été promulgué, le GEMPO s'est attaché à donner effet à l'engagement pris par le gouvernement de modifier sous tous ses aspects la vie portuaire brésilienne, de façon démocratique, dans l'esprit de la loi no 8630/93 qui fait de la négociation un élément primordial de la relation entre le capital et le travail; le GEMPO a mis à l'épreuve un modèle de privatisation pour l'exploitation de l'activité portuaire et une grande partie du pouvoir de décision qui appartenait à l'Etat a été déléguée à la communauté portuaire locale. Le GEMPO s'est attaché à promouvoir les modifications exigées par la loi, en y faisant largement participer la communauté portuaire et la société elle-même et en se préoccupant avant tout des aspects sociaux, afin que chacun bénéficie du processus de modernisation.

155. Le gouvernement indique que, à Puerto Alegre, les directions syndicales ont fait obstacle à l'application de la loi susmentionnée afin d'empêcher tout changement d'une situation qui avait fini par s'imposer au fil des décennies. Cette situation était caractérisée par les abus inacceptables commis par les syndicats en vertu de la faculté que l'Etat leur avait confiée d'administrer la fourniture de main-d'œuvre temporaire, ce dont ils avaient profité pour défendre les intérêts de quelques-uns au détriment de l'immense majorité des travailleurs. Ces directions syndicales souhaitent maintenir cette situation honteuse caractérisée par l'obligation de faire appel à des travailleurs plus nombreux qu'il n'est nécessaire et par un favoritisme qui profite à certains travailleurs au détriment des autres, parfois même par la conclusion d'accords et de conventions collectives qui violent de façon flagrante la législation du pays.

156. Le gouvernement ajoute que, dans ce contexte, le secrétaire exécutif du GEMPO a réuni les chefs d'entreprise à la capitainerie des ports de la ville de Porto Alegre (il s'agit d'une installation publique à laquelle ont accès les citoyens brésiliens) et leur a conseillé de dénoncer la convention collective du secteur en raison des abus commis par les syndicats sous le couvert de cette convention, abus qui avaient donné lieu à des enquêtes sur la gestion de l'Organe de gestion de la main-d'œuvre (OGMO) de la part de l'inspection du travail, conformément aux dispositions de la législation en vigueur. En outre, cette convention collective confiait illégalement aux syndicats des responsabilités qui, en vertu de la loi no 8630/93, incombent à l'OGMO; de fait, les syndicats ont commis toutes sortes d'abus à la suite de cette délégation de pouvoirs. Le gouvernement nie que le secrétaire exécutif du GEMPO ait menacé les chefs d'entreprise de sanctions (contrôle fiscal et retrait des autorisations) et ajoute que la réunion a été organisée à la demande de certaines entreprises portuaires qui souhaitaient mettre un terme au chaos dans lequel se trouvait l'Organe de gestion de la main-d'œuvre de Porto Alegre, ce qui avait déclenché des enquêtes de la part de l'inspection du travail.

157. Enfin, le gouvernement signale que le secrétaire exécutif du GEMPO s'est conformé aux attributions que lui confère la législation du pays pour défendre les intérêts de la société et des travailleurs. A propos de la réunion organisée le 1er septembre 1998, le gouvernement indique que le secrétaire exécutif a discuté avec les participants de la nécessité de restructurer l'Organe de gestion de la main-d'œuvre de Porto Alegre, le plus vite possible, en raison des enquêtes dont cet organe faisait l'objet de la part des inspections du ministère du Travail et de l'Institut national de la sécurité sociale. Le secrétaire exécutif a aussi conseillé aux entreprises de dénoncer la convention collective auprès des tribunaux du travail vu qu'elle était en contradiction avec la législation en vigueur, notamment en ce qui concerne les attributions de l'OGMO qui ne peuvent être déléguées.

C. Conclusions du comité

158. Le comité note que la confédération plaignante indique que la direction du Groupe exécutif pour la modernisation des ports (GEMPO) a réuni les chefs d'entreprise du secteur des ports de l'Etat de Rio Grande do Sul et les a sommés de dénoncer la convention collective qui avait été conclue avec les syndicats des travailleurs du secteur, en donnant à ces chefs d'entreprise un délai de trente jours pour cesser d'appliquer la convention sous peine de mesures coercitives (contrôle fiscal, amendes, etc.).

159. Le comité observe que, selon le gouvernement, à la demande de certaines entreprises portuaires qui souhaitaient mettre fin au chaos dans lequel se trouvait l'Organe de gestion de la main-d'œuvre de Porto Alegre (ce qui avait donné lieu à des enquêtes de la part de l'inspection du travail), le secrétaire exécutif du GEMPO a réuni les chefs d'entreprise du secteur portuaire à la capitainerie des ports de Porto Alegre et leur a conseillé de dénoncer la convention collective pour les raisons suivantes: 1) les abus commis par les syndicats sous le couvert de cette convention, ce qui avait donné lieu à des enquêtes sur la gestion de l'Organe de gestion de la main-d'œuvre (OGMO) de la part de l'inspection du travail, et 2) la convention collective comportait des dispositions contraires à la législation en vigueur. De même, le comité note que le gouvernement nie que les entreprises du secteur portuaire aient été menacées de sanctions si elles appliquaient la convention collective.

160. Le comité note, en premier lieu, que, en ce qui concerne le déroulement de la réunion avec les entreprises du secteur portuaire de Porto Alegre, convoquée par le GEMPO, les versions de l'organisation plaignante et du gouvernement sont contradictoires; selon la première, le GEMPO a «sommé» les entreprises de dénoncer la convention collective tandis que, selon le gouvernement, il leur a «conseillé» cette dénonciation. Le comité fait observer à ce sujet que, conformément aux dispositions du décret no 1467/95 portant création du Groupe exécutif pour la modernisation des ports (GEMPO), ce dernier a la faculté de convoquer une réunion en cas de problèmes de gestion de l'Organe de gestion de la main-d'œuvre de Porto Alegre (l'article 2, alinéa iv, de ce décret dispose ce qui suit: «Il appartient au GEMPO d'adopter des mesures ayant pour objectif de rendre effectif le fonctionnement des organes de gestion de la main-d'œuvre.»).

161. En outre, le comité observe que, à la date de l'examen du présent cas (soit plus de huit mois après la réunion convoquée par le GEMPO), ni l'organisation plaignante, ni le gouvernement ne signalent que des entreprises du secteur portuaire de Porto Alegre ont dénoncé la convention collective à la suite de la réunion qui fait l'objet de la plainte de l'organisation plaignante, ni que des sanctions ont été prises à cause de l'application de cette convention. Dans ces conditions, le comité demande à l'organisation plaignante et au gouvernement de le tenir informé de la situation à cet égard.

Recommandation du comité

162. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Cas no 1989

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de la Bulgarie
présentée par
- le Syndicat des conducteurs et mécaniciens de locomotives
de Bulgarie (SCMLB) et
- la section syndicale du SCMLB au Dépôt de locomotives de Sofia

Allégations: violation du droit de grève,
discrimination sur la base d'activités syndicales,
et harcèlement et représailles à l'encontre de syndicalistes

163. Le Syndicat des conducteurs et mécaniciens de locomotives de Bulgarie (SCMLB) et la section syndicale du SCMLB au Dépôt de locomotives de Sofia ont soumis une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Bulgarie dans une communication non datée, reçue le 6 octobre 1998. De nouvelles allégations ont été formulées et de plus amples informations fournies dans une communication datée du 9 février 1999. Le gouvernement a adressé sa réponse aux allégations dans une communication en date du 1er mars 1999.

164. La Bulgarie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

165. Dans leur communication, reçue le 6 octobre 1998, le Syndicat des conducteurs et mécaniciens de locomotives de Bulgarie (SCMLB) et la section syndicale du SCMLB au Dépôt de locomotives de Sofia font valoir que les normes et principes de la liberté syndicale ont été violés par certaines mesures prises à la suite d'une grève d'avertissement des conducteurs de locomotives. Ils maintiennent en particulier que le droit de grève a été violé par l'application tendancieuse de lois dont les termes sont vagues, par l'exigence d'un accord sur les services minimums, et par l'imposition de conditions préalables déraisonnables pour qu'une grève soit légale. Ils affirment en outre que les conducteurs de locomotives licenciés à la suite de la grève ont fait l'objet d'une discrimination basée sur leurs activités syndicales. Dans leur communication du 9 février 1999, les organisations plaignantes prétendent en outre que des pressions ont été exercées sur les membres du SCMLB pour qu'ils quittent le syndicat.

166. Les organisations plaignantes déclarent qu'elles sont membres de l'Union des syndicats des transports de Bulgarie, qui est affiliée à la Confédération des syndicats indépendants de Bulgarie. Le SCMLB compte 2 456 membres et le Dépôt de locomotives de Sofia, 487. Les membres du SCMLB et de la section syndicale du SCMLB au Dépôt de locomotives de Sofia sont principalement des conducteurs de locomotives, mais ils représentent aussi d'autres types de personnel, comme les aides-conducteurs de locomotives et les mécaniciens.

167. Les organisations plaignantes déclarent que le SCMLB avait résolument appuyé l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel en avril 1997 et qu'en conséquence, pendant plus de six mois, elles n'ont formulé aucune exigence et entrepris aucune action à propos des problèmes avec la Société nationale des chemins de fer bulgares (SNCB). A la fin de 1997, comme il n'y avait eu aucune amélioration à la SNCB, les membres du SCMLB ont commencé, dans diverses instances, à exiger que des mesures soient prises pour tenter d'obtenir une hausse des salaires. La direction du syndicat et celle de la SNCB se sont réunies plusieurs fois et, le 21 novembre 1997, un protocole d'accord portant sur la discussion d'un projet d'augmentation des salaires des conducteurs de locomotives a été signé. Deux mois plus tard, le 22 janvier 1998, aucun projet n'ayant été élaboré et aucune discussion n'ayant eu lieu, le comité exécutif du SCMLB a soumis au directeur général de la SNCB une déclaration écrite contenant des revendications dans le contexte d'un conflit du travail, comme l'exige l'article 3 2) de la loi de 1990 sur les conflits collectifs du travail. La principale revendication concernait une augmentation salariale équivalant à quatre fois le salaire moyen dans le secteur public. Conformément à l'article 3 3) de la loi, le SCMLB a également insisté pour que les négociations soient engagées dans les sept jours et a indiqué les noms de cinq représentants du SCMLB qui y participeraient.

168. A la suite de la déclaration du SCMLB, une réunion avec la SNCB a eu lieu le 30 janvier 1998. Les représentants du SCMLB ont réitéré leurs revendications et déclaré leur intention d'entamer la procédure pour le règlement des conflits. La SNCB a soumis au SCMLB deux offres concernant une augmentation de salaire. Les représentants du syndicat ont proposé que les deux parties signent un protocole consignant les accords, ce que la SNCB a refusé; en conséquence, le protocole du 30 janvier n'a été signé que par le SCMLB. Le syndicat a continué de s'efforcer d'obtenir la coopération de la SNCB pour le règlement du conflit, et une autre réunion a eu lieu le 10 février 1998. Le 20 février 1998, les représentants du SCMLB ont notifié par écrit au ministre des Transports leurs revendications et leur intention de déclencher une grève s'ils n'obtenaient pas de réponse satisfaisante, et ils ont demandé la tenue d'une réunion pour négocier. Une réunion a eu lieu avec le président du conseil de la SNCB, mais aucun accord n'est intervenu.

169. D'après les organisations plaignantes, le 5 mars 1998, 150 conducteurs de locomotives se sont réunis à Sofia; cette réunion a débouché sur une autre déclaration au ministre demandant la poursuite des négociations, et avertissant qu'en l'absence de réponse ils se mettraient en grève. Aucune réponse n'ayant été reçue du ministère, et pour honorer son engagement de servir les intérêts de ses membres, le SCMLB s'est préparé à déclencher une grève.

170. Les organisations plaignantes soulignent que, conformément à la loi sur les conflits collectifs du travail, une grève doit être autorisée par la majorité des travailleurs (qu'ils soient ou non syndiqués) d'une entreprise ou d'une unité (art. 11 2)). Au Dépôt de locomotives de Sofia et dans d'autres dépôts de locomotives, il a été décidé de commencer par des grèves d'avertissement qui, en vertu de la loi sur les conflits collectifs du travail, n'ont pas besoin de faire l'objet d'un préavis. Les organisations plaignantes déclarent que l'appui des travailleurs aux grèves d'avertissement a été écrasant. Elles maintiennent qu'ils auraient sans nul doute facilement pu prendre la décision de déclencher une véritable grève, et que leur décision de faire une grève symbolique a montré leur bonne volonté et leur désir de ne pas recourir à des formes extrêmes de protestation.

171. Le 12 mars 1998, les conducteurs de locomotives de service ont arrêté les trains pendant une heure là où ils se trouvaient. Les organisations plaignantes indiquent que, comme la plupart des conducteurs de locomotives voulaient prendre part à la grève d'avertissement et qu'ils travaillaient par équipes, les trains ont été arrêtés non seulement le 12 mars mais aussi les sept jours suivants, chaque jour pendant une heure. Les travailleurs étaient convaincus qu'ils participaient à une grève d'avertissement légitime, puisque la loi est vague sur ce point et n'exclut pas expressément qu'une grève d'avertissement puisse avoir lieu en des jours différents, en particulier lorsque les salariés travaillent par équipes. Les organisations plaignantes citent une décision du tribunal régional de Burgas en date du 30 mars 1998 qui interprète ce type d'action répétée avec des personnes différentes travaillant par équipes comme une grève d'avertissement légitime au sens de la loi sur les conflits collectifs du travail.

172. Les organisations plaignantes affirment que, face à l'action des conducteurs de locomotives, le gouvernement et la SNCB ont mené une «propagande agressive» contre les grévistes, en particulier par le biais des médias contrôlés par le gouvernement, qui ont créé un climat hostile. Les grèves d'avertissement ont pris fin après qu'un accord fut intervenu le 21 mars 1998, aux termes duquel la SNCB devait présenter, avant le 15 avril 1998, une nouvelle grille de rémunération satisfaisante pour le SCMLB.

173. Les organisations plaignantes poursuivent en donnant des indications sur les procédures judiciaires engagées par la SNCB à la suite de la grève. Les plaintes dénonçant l'illégitimité d'une grève sont examinées par des tribunaux régionaux, dont les décisions sont sans appel. Selon les organisations plaignantes, de ce fait, aucune cour d'appel ne fixe de normes uniformes pour l'application de la loi au niveau national, ce qui donne lieu à des décisions contradictoires, d'où l'impossibilité pour les travailleurs d'orienter leur action clairement et rationnellement. Elles estiment également que cela ouvre par conséquent la voie à l'arbitraire de la part des employeurs et des autorités publiques.

174. Pour les organisations plaignantes, la jurisprudence des tribunaux régionaux concernant les grèves d'avertissement du SCMLB prouve les lacunes du cadre établi par la loi sur les conflits collectifs du travail. Les tribunaux régionaux ont tous déclaré les grèves illicites, mais pour des raisons différentes et souvent contradictoires. Les organisations plaignantes estiment que les décisions ont été prises dans une atmosphère de campagne d'information hostile, et sont partiales en ce sens qu'elles adoptent une approche extrêmement formaliste et tirent parti du manque de précision de la loi au détriment des travailleurs. Les organisations plaignantes divisent en cinq catégories les raisons alléguées pour déclarer la grève illicite et notent que, bien que certaines de ces raisons aient été acceptées par certains des tribunaux, elles ont été rejetées par d'autres: i) une grève d'avertissement ne peut durer qu'une heure pendant une seule journée et non pendant plusieurs jours consécutifs et, par conséquent, les conditions préalables à une véritable grève auraient dû être remplies; ii) la déclaration du 22 janvier 1998 n'a pas été acceptée en tant que présentation valable des revendications des travailleurs; iii) le SCMLB a mis fin aux négociations de façon unilatérale et injustifiée. Ces décisions, d'après les organisations plaignantes, semblent contraindre les travailleurs à négocier, au point qu'il leur est pratiquement impossible de déclencher une grève; iv) il n'a pas été prouvé que la grève avait été autorisée par la majorité des travailleurs. Les procès-verbaux des réunions attestant que plus de la moitié des travailleurs du dépôt ont voté pour la grève n'ont pas été acceptés comme preuve (or la loi n'énonce pas de procédure particulière). Dans certains cas, les tribunaux ont reproché l'absence de formalités au détriment des travailleurs, par exemple le fait que tous les numéros d'identification des travailleurs ne figuraient pas sur les pétitions, ce qui en soi rend une grève impossible; v) dans un cas, le tribunal a décidé qu'il n'y avait pas eu une mais plusieurs grèves d'avertissement consécutives et que toutes les conditions requises par la loi, excepté le préavis de sept jours, auraient dû être observées, notamment l'exigence de la conclusion d'un accord sur les services minimums trois jours au moins avant la grève. Les organisations plaignantes estiment que l'imposition de cette condition est contraire aux principes de la liberté syndicale, puisque les chemins de fer ne sont pas considérés comme des «services essentiels» par les organes de contrôle de l'OIT.

175. Comme la loi sur les conflits collectifs du travail permet l'adoption de mesures disciplinaires en cas de participation à une grève illicite, les organisations plaignantes déclarent que la SNCB a immédiatement saisi l'occasion d'infliger des sanctions disciplinaires dès que les actions de protestation ont été déclarées illégales. Dix-huit personnes ont été licenciées, dont la plupart étaient des organisateurs membres du syndicat. Les organisations plaignantes affirment que ces mesures sont contraires à l'article 333 3) du Code du travail, qui dispose qu'un employeur ne peut licencier un dirigeant syndical qu'avec l'accord préalable de l'organe du syndicat. Le SCMLB a été la cible délibérée des mesures disciplinaires, et les organisations plaignantes affirment en outre que même des dirigeants syndicaux ne faisant pas partie des travailleurs soumis aux procédures judiciaires ont été licenciés. Elles en veulent pour preuve les licenciements prononcés au Dépôt de locomotives de Sofia, où aucun des quatre travailleurs licenciés n'apparaît sur la liste des grévistes figurant dans la décision du tribunal compétent. Le 21 mai 1998, l'Union des syndicats des transports a adressé une lettre à la SNCB contenant une liste des dirigeants syndicaux dont elle n'autorisait pas le licenciement. Les licenciements ont eu lieu en dépit de cette lettre.

176. Les organisations plaignantes affirment que le licenciement des conducteurs de locomotives qui ont pris part à la grève et de ceux censés être des organisateurs alors qu'ils n'ont pas pris part à la grève revient à une discrimination antisyndicale. D'après les organisations plaignantes, les organisateurs et les dirigeants du SCMLB ont été visés et, en tout état de cause, les sanctions infligées sont disproportionnées. Les organisations plaignantes demandent que les travailleurs licenciés soient immédiatement réintégrés, que leurs arriérés de salaire leur soient payés, de même que les frais de procédure. Elles demandent également que la loi sur les conflits collectifs du travail soit révisée afin qu'elle définisse clairement les conditions d'exercice du droit de grève, notamment par rapport à la procédure de négociation, au vote de grève et au concept de services essentiels.

177. Dans leur communication du 9 février 1999, les organisations plaignantes déclarent qu'en décembre 1998 et janvier 1999 la direction de la SNCB a exercé de fortes pressions sur plusieurs membres du SCMLB, principalement du Dépôt de locomotives de Sofia, afin qu'ils quittent le syndicat. Voici ce qui leur a été dit: i) quittez le syndicat ou la vie deviendra impossible; ii) adhérez au Syndicat des travailleurs des chemins de fer; iii) les membres du SCMLB auront un mauvais emploi du temps ou seront «déplacés» (sur des trains de marchandises); iv) le syndicat sera bientôt «détruit»; v) ceux qui resteront membres du SCMLB seront licenciés ou affectés à l'avenir par des compressions de personnel.

178. Les organisations plaignantes déclarent en outre que, le 1er février 1999, le président du SCMLB a porté ces faits à l'attention du directeur général de la SNCB et lui a demandé de suspendre deux instructeurs de la compagnie qui participaient aux «entretiens» avec les membres. Le 3 février 1999, le président du SCMLB a déposé un rapport résumant les plaintes ci-dessus. Aucune réponse n'a encore été reçue de la SNCB. Les organisations plaignantes estiment que les menaces étaient motivées par le fait que le SCMLB a déposé auprès de l'OIT une plainte en violation de la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

179. Dans sa communication du 1er mars 1999, le gouvernement déclare qu'avant même que la plainte ait été soumise au comité le gouvernement a contribué à la réintégration des travailleurs temporairement mis à pied. En même temps, et là encore avec l'aide du gouvernement, les mises à pied disciplinaires d'un nombre important de travailleurs ont été annulées. Lorsqu'il a reçu les informations relatives à la plainte, le ministre du Travail et de la Politique sociale a organisé une réunion des parties afin d'examiner les revendications, et la nécessité d'amender la loi sur les conflits collectifs du travail concernant les grèves au niveau d'une branche et au niveau national a été reconnue. Après que le gouvernement eut rédigé ses observations sur ce cas, une deuxième réunion a été organisée avec les organisations plaignantes, au cours de laquelle ces observations ont été portées à leur connaissance. En ce qui concerne l'exigence de la réintégration des travailleurs, le gouvernement souligne que cela est du ressort des tribunaux, dont les décisions sont contraignantes pour les deux parties. Le gouvernement déclare être prêt à intervenir «dans les limites de sa compétence» au cas où les employeurs violeraient les décisions des tribunaux favorables aux travailleurs.

180. Le gouvernement déclare que la législation du travail de Bulgarie consacre et établit le droit à la liberté syndicale. Le droit syndical est reconnu par la Constitution comme l'un des droits fondamentaux des citoyens. Le Code du travail précise ce droit, en prévoyant notamment le droit de créer librement des syndicats - qui peuvent adopter librement leur programme d'action et leurs statuts, aucune autorisation préalable n'étant requise, et les autorités étatiques et les employeurs étant obligés de créer des conditions permettant aux syndicats de mener à bien leurs activités et de coopérer avec eux -, le droit à des congés payés pour mener des activités syndicales, la protection des dirigeants syndicaux contre un licenciement, et la représentation devant les tribunaux. Le gouvernement estime que les droits du SCMLB n'ont pas été violés: le syndicat a été traité sur un pied d'égalité avec les autres syndicats et bénéficie des possibilités offertes par la loi.

181. En ce qui concerne le droit de grève, le gouvernement déclare que, avec l'aide du BIT et dans le cadre des changements démocratiques, le droit de grève a été reconnu et réglementé pour la première fois en 1990 avec l'adoption de la loi sur les conflits collectifs du travail. Ce droit est également reconnu dans la Constitution nationale de 1991. En raison des caractéristiques particulières des activités accomplies par les travailleurs des chemins de fer, il est réglementé par une législation spéciale - le décret no 9 concernant le travail du personnel et de la direction des chemins de fer, et un statut disciplinaire. Les règles de discipline pour le travail sont essentielles, vu qu'il est indispensable d'assurer la sécurité du trafic ferroviaire.

182. Concernant les décisions divergentes des tribunaux à propos des grèves, le gouvernement déclare qu'il n'est pas à même d'évaluer la conformité de ces décisions avec la loi. Ce qui importe, c'est que chaque tribunal est parvenu indépendamment à la même conclusion, à savoir que l'action était illégale, et il n'y a pas lieu, sur la base du mécontentement exprimé par l'une des parties au sujet des procédures judiciaires, d'arguer que le droit de grève fait l'objet de restriction. Le gouvernement affirme que les organisations plaignantes n'expliquent pas ce qui, à leur avis, est la cause d'une restriction du droit de grève - les décisions des tribunaux ou la loi, les instances en justice, ou la substance du droit subjectif.

183. Le gouvernement indique que le conflit collectif du travail portait sur une demande d'augmentation des salaires des travailleurs de la SNCB. Les travailleurs et les responsables sont représentés dans le conflit par des syndicats, dans la mesure où d'autres organes ou personnes n'ont pas été autorisés (art. 1 2) de la loi sur les conflits collectifs du travail). Cependant, le gouvernement estime qu'on ne sait pas très bien quels intérêts le SCMLB représente, puisqu'un autre syndicat - le Syndicat des travailleurs des chemins de fer - a conclu un accord avec la direction de la SNCB sur une augmentation de 20 pour cent des salaires des travailleurs des chemins de fer. Ainsi, le différend concernant l'augmentation de la rémunération dans le système des chemins de fer avait déjà été réglé par l'un des moyens volontaires prévus par la loi sur les conflits collectifs du travail (art. 3), sans qu'il soit nécessaire d'entreprendre une grève. De ce fait, le conflit du travail concernant la rémunération n'est pas conforme à la loi sur les conflits collectifs du travail. Le gouvernement émet en outre l'avis que le SCMLB n'a exprimé le mécontentement que d'une partie des travailleurs du système de la SNCB, à savoir les conducteurs de locomotives, mais que même certains conducteurs de locomotives étaient membres du Syndicat des travailleurs des chemins de fer et de la Confédération du travail «Podkrepa». Pour revendiquer une augmentation de salaire pour une profession donnée dans le système de la SNCB, les organisations plaignantes auraient dû conclure une convention collective par profession en vertu de l'article 51 1) du Code du travail, au lieu de s'en remettre aux procédures prévues par la loi sur les conflits collectifs du travail. Le gouvernement affirme que «l'aspect essentiel de la présente plainte est qu'il n'y a pas de conflit collectif du travail avec les travailleurs de la SNCB, dont le SCMLB prétend représenter les intérêts».

184. Quant à la question du droit des travailleurs et des responsables de se mettre en grève au niveau d'une branche, d'un secteur et au niveau national, le gouvernement concède que la législation comporte une lacune, car seules les procédures pour annoncer et mener une grève au niveau de l'entreprise sont réglementées par la loi sur les conflits collectifs du travail. Le gouvernement déclare que, dans le contexte de la réforme de la législation du travail, il soumettra une proposition visant à améliorer la loi sur les conflits collectifs du travail et reconnaît à cet égard le bien-fondé des revendications du SCMLB.

185. Le gouvernement nie qu'il y ait eu discrimination antisyndicale du fait des sanctions infligées à l'occasion d'une grève illégale. Il note que la loi sur les conflits collectifs du travail autorise l'adoption de mesures disciplinaires pour la participation à une grève illégale, mais pour infliger une sanction disciplinaire il faut respecter les droits et procédures énoncés dans le Code du travail (art. 186 à 198). Ce n'est que si la gravité de la violation, les conditions dans lesquelles elle a été perpétrée et le comportement des travailleurs le justifient que la sanction disciplinaire la plus sévère est choisie. L'obtention au préalable du consentement de l'inspection du travail pour les personnes qui sont expressément protégées par l'article 333 du Code du travail est nécessaire, et ce n'est qu'alors que la procédure visant à infliger des sanctions disciplinaires peut être poursuivie en vertu de l'article 9 2) du décret no 9. Le gouvernement affirme que la direction de la SNCB a procédé ainsi, ne considérant que la responsabilité de chaque travailleur et de chaque responsable de la compagnie des chemins de fer au regard des violations de la discipline du travail, concernant en particulier la sécurité du transport ferroviaire. Le gouvernement invoque le procès-verbal no 8 du 2 mai 1998 comme preuve de ce qu'aucune sanction disciplinaire n'a été infligée à la majorité des syndicalistes et il assure que, lorsqu'une telle sanction a été infligée, la plupart des intéressés ont été réintégrés. Cependant, ceux qui ont commis de graves violations de la discipline du travail ont été licenciés. Le gouvernement déclare à cet égard qu'il n'est pas tolérable que des trains soient arrêtés dans n'importe quelle gare et que l'ensemble du trafic ferroviaire soit menacé, ni que des travailleurs non grévistes soient agressés. Les critères énoncés à l'article 45 du statut disciplinaire ont été appliqués à chaque cas individuel avant d'infliger des sanctions disciplinaires: la gravité de la violation, les dommages causés et les circonstances dans lesquelles la violation des règles disciplinaires a été commise, ainsi que le comportement du travailleur ou du responsable ont été examinés. La législation prévoit également que ces travailleurs peuvent faire appel contre leur licenciement. En vertu de l'article 344 du Code du travail, ils ont le droit de demander que leur licenciement soit reconnu illégal et d'obtenir leur réintégration et le versement de leur rémunération pour la période de chômage qu'ils ont connue en raison de leur congédiement. La législation garantit le droit du travailleur illégalement licencié de reprendre son travail. S'ils n'assument pas leur obligation de réintégrer le travailleur, les responsables doivent répondre de leur décision sur les plans disciplinaire, administratif et pénal et sur leurs biens. A présent, selon le gouvernement, aucune décision judiciaire valablement rendue ne déclare illégaux les licenciements prononcés à la suite de la grève et n'exige la réintégration des intéressés.

C. Conclusions du comité

186. Le comité note que le présent cas a trait à des allégations portant sur des violations du droit de grève et des licenciements en raison d'activités syndicales, faisant suite à des grèves d'avertissement lancées par les organisations plaignantes et par leurs membres, principalement des conducteurs de locomotives, pour obtenir une hausse des salaires. Les organisations plaignantes se plaignent également de harcèlements et de menaces de représailles à l'encontre des membres du SCMLB qui ne se retireraient pas du syndicat.

187. En ce qui concerne le droit de grève, les organisations plaignantes maintiennent qu'elles ont présenté leurs revendications et ont essayé de négocier en conformité avec la loi de 1990 sur les conflits collectifs du travail («la loi»). Ce n'est qu'après plusieurs tentatives infructueuses pour parvenir à un accord que les travailleurs du Dépôt de locomotives de Sofia et d'autres dépôts ont décidé de lancer des grèves d'avertissement, conformément à l'article 11 5) de la loi, qui dispose que «les travailleurs peuvent faire une grève d'avertissement sans notification préalable. Cette grève d'avertissement ne peut durer plus d'une heure.» Les organisations plaignantes affirment que le soutien des travailleurs à la grève d'avertissement a été écrasant. Pour que tous ceux qui travaillaient dans des équipes différentes puissent participer à la grève d'avertissement, les trains ont été arrêtés le 12 mars 1998 pendant une heure, puis de nouveau pendant une heure les sept jours suivants.

188. La plainte concerne plus particulièrement les raisonnements contradictoires qui sous-tendent les décisions des tribunaux après la grève et l'absence de procédure d'appel pour assurer une application uniforme de la loi. Le comité note que tous les tribunaux régionaux chargés de déterminer la légalité des grèves ont considéré que les conditions requises par la loi n'avaient pas été remplies; en conséquence, les grèves ont été déclarées illégales. Les organisations plaignantes contestent plusieurs aspects des décisions et dénoncent l'absence de procédure d'appel. Premièrement, l'imprécision des conditions requises pour entreprendre une grève d'avertissement, puisqu'un tribunal au moins a conclu qu'une grève d'une heure pendant plusieurs jours consécutifs ne constituait pas une violation de la loi, alors que les autres ont considéré qu'il y avait violation. Deuxièmement, certains des tribunaux ayant jugé que le SCMLB n'avait pas fait suffisamment d'efforts pour négocier, les organisations plaignantes estiment que la condition relative à la négociation a été interprétée de telle sorte qu'il est pratiquement impossible de faire grève. Troisièmement, certains des tribunaux ont jugé qu'il n'y avait pas de preuves suffisantes du soutien des grèves par la majorité des travailleurs, comme l'exige l'article 11 2) de la loi, ce qui, de l'avis des organisations plaignantes, fait qu'il est pratiquement impossible d'entreprendre une grève légale. Enfin, la condition relative au service minimum qui fait l'objet de l'article 14 de la loi serait contraire aux principes de la liberté syndicale.

189. Tout en notant que les raisons qui ont motivé les décisions des divers tribunaux régionaux concernant les grèves d'avertissement diffèrent, le comité ne considère pas que l'absence d'une procédure d'appel est contraire aux principes de la liberté syndicale, puisque la responsabilité de déclarer une grève illégale incombe déjà à un organe indépendant. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 522.] Quant à la question de savoir si des efforts suffisants ont été faits pour négocier avant d'entamer une grève, le comité note que la loi peut restreindre temporairement les grèves jusqu'à ce que toutes les procédures de négociation existantes aient été épuisées, pour autant que les procédures légales ne soient pas si compliquées et que, dans la pratique, il soit impossible de se mettre légalement en grève. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 499, 501.]

190. S'agissant du soutien requis pour déclarer une grève légale, le comité relève que les moyens de déterminer le degré de soutien ne sont pas indiqués dans la loi, car l'article 11 2) dispose simplement que «la décision de se mettre en grève est prise par les travailleurs d'une entreprise ou d'une unité à la majorité simple». Etant donné que certains tribunaux semblent avoir accepté la preuve d'un appui majoritaire fournie par l'organisation plaignante alors que d'autres ne l'ont pas fait, le comité note que le manque de précision de la loi sur ce point peut entraîner des difficultés. Le comité observe également - et c'est un point que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations soulève depuis plusieurs années - que l'article 11 2) requiert l'appui de la majorité de tous les travailleurs, et non de la majorité de ceux qui déposent un bulletin de vote. Le comité rappelle que, bien qu'il ait déjà considéré que l'obligation de respecter un certain quorum peut être considérée comme admissible [voir Recueil, op. cit., paragr. 510], «la majorité absolue des travailleurs concernés pour le déclenchement d'une grève peut être difficile à atteindre, en particulier dans les cas de syndicats regroupant un grand nombre d'adhérents. Une disposition exigeant une telle majorité peut donc entraîner un risque de limitation importante au droit de grève.» [Voir Recueil, op. cit., paragr. 508.] En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender cette disposition afin qu'il ne soit tenu compte que des votes exprimés. Le comité appelle également l'attention de la commission d'experts sur cet aspect du présent cas.

191. Le comité note que l'article 14 de la loi dispose qu'un accord écrit doit être conclu entre les travailleurs et les employeurs trois jours au moins avant une grève, et que cet accord doit établir «les conditions de la réalisation des activités dont le non-accomplissement ou l'arrêt pendant la grève peut créer des risques pour: i) les services journaliers et publics et le transport de la population ...». Le comité rappelle que les services de transport ne sont pas des services essentiels au sens strict du terme [voir Recueil, op. cit., paragr. 545] et a reconnu, de façon générale, que l'établissement d'un service minimum en cas de grève dans les chemins de fer est légitime. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 567.]

192. Le comité relève avec intérêt que le gouvernement déclare avoir l'intention de soumettre une proposition en vue d'améliorer la loi sur le point du droit des travailleurs de se mettre en grève au niveau d'un secteur, d'une branche et au niveau national. Dans le contexte de cette réforme législative, le comité demande au gouvernement d'envisager également des amendements pour surmonter certaines des difficultés causées par l'imprécision des dispositions évoquées plus haut, et de consulter les parties concernées au cours du processus de réforme.

193. En ce qui concerne la question de la discrimination antisyndicale, le comité prend note des graves allégations selon lesquelles 18 personnes auraient été renvoyées à la suite de la grève, dont la plupart étaient des organisateurs du syndicat et dont certaines n'ont pas participé à la grève. Selon les organisations plaignantes, l'intention était de licencier les organisateurs et les dirigeants du SCMLB. Le comité rappelle qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 724.] Le comité note que le gouvernement déclare avoir contribué à la réintégration de certains des travailleurs temporairement mis à pied, et qu'il a fait annuler un «nombre important» de mises à pied disciplinaires. Le comité demande aux organisations plaignantes et au gouvernement de fournir des informations précises concernant les travailleurs qui n'ont pas été réintégrés et les raisons avancées pour justifier leur renvoi. Le comité demande également au gouvernement de fournir une copie du décret no 9 concernant le travail du personnel et de la direction des chemins de fer et une copie du statut disciplinaire.

194. L'allégation de licenciements antisyndicaux est étroitement liée à l'allégation selon laquelle des pressions, sous forme de menaces, sont exercées sur les membres du SCMLB afin qu'ils se retirent du syndicat et adhèrent au Syndicat des travailleurs des chemins de fer, le syndicat rival. Le comité souligne l'importance du principe selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent pouvoir effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement [voir Recueil, op. cit., paragr. 274], et aussi du principe selon lequel nul ne devrait subir de préjudice dans son emploi en raison de son affiliation syndicale, même si le syndicat dont il s'agit n'est pas reconnu par l'employeur comme représentant la majorité des travailleurs intéressés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 693.] Le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu à cette allégation et lui demande de le faire.

Recommandations du comité

195. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 février 2000.