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90e session, 3 - 20 juin 2002

Commission de la promotion des coopératives

Rapport
Texte de la Recommandation

Présentation, discussion et adoption
 

Le PRÉSIDENT — La Conférence est saisie ce matin du rapport de la Commission de la promotion des coopératives, qui figure dans le Compte rendu provisoire no 23. Le bureau de la Commission des coopératives se composait des personnes suivantes: le président était M. Pliszkiewicz (gouvernement, Pologne); le vice-président employeur était M. Tan (Philippines); le vice-président travailleur était M. Patel (Afrique du Sud); enfin, le rapporteur est Mme Raivio (gouvernement, Finlande).

J’invite donc Mme Raivio, en sa qualité de rapporteuse de la commission, à nous présenter son rapport.

Original anglais: Mme RAIVIO (déléguée gouvernementale, Finlande; rapporteuse de la Commission de la promotion des coopératives) — C’est pour moi un très grand honneur aujourd’hui que de présenter le rapport de la Commission de la promotion des coopératives. Nous avons eu, cette année encore, le grand avantage d’avoir à la présidence M. Pliszkiewicz, représentant le gouvernement de la Pologne, dont l’expérience, la sagesse et, par ailleurs, un merveilleux sens de l’humour ont permis à la commission d’aller de l’avant dans un réel esprit coopératif et de formuler de manière concrète un grand nombre de valeurs que sont les objectifs communs, la responsabilité et la participation et qui sont les bases du mouvement coopératif.

Un autre élément particulièrement important pour le succès de la commission a été la présence du vice-président employeur, M. Tan, des Philippines, et du vice-président travailleur, M. Patel, de l’Afrique du Sud.

Je reconnais également l’importance de la contribution de notre secrétariat extrêmement compétent, qui a travaillé avec beaucoup d’efficacité, sous la direction de M. Henriques. La commission a tenu 14 séances et le rapport qui inclut l’instrument préparé par la commission figure dans le Compte rendu provisoire no 23.

Reconnaissant l’importance des changements politiques et économiques qui ont affecté la situation des coopératives partout dans le monde depuis l’adoption de la recommandation (nº 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966, le Conseil d’administration du BIT avait décidé, lors de sa 274e session en mars 1999, d’inscrire la question de la promotion des coopératives à l’ordre du jour des 89e et 90e sessions de la Conférence internationale du Travail, en vue d’adopter une recommandation. Il a pensé que le développement d’une nouvelle norme reconnue sur le plan international pouvait permettre aux coopératives de développer leur propre potentiel à générer des emplois et à répondre à un certain nombre de problèmes socio-économiques parmi lesquels figure le chômage. Les coopératives permettent à leurs membres de faire entendre leur voix en mettant leurs ressources en commun, améliorant ainsi leur propre capacité à être efficacement compétitifs dans un marché de plus en plus globalisé, et à renforcer l’intégration sociale.

La commission était saisie des rapports IV (2A) et IV (2B) qui résumaient les commentaires et les amendements proposés par les mandants sur le texte élaboré par la commission à la 89e session de la Conférence. Ces rapports du Bureau ont constitué une base utile pour la discussion de la commission.

L’instrument, résultat du travail de la commission est substantiellement différent du texte de la recommandation de 1966 qu’il révise et remplace. La recommandation proposée représente les efforts conjoints des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, qui ont élaboré un document équilibré à caractère universel qui offre aux mandants de l’OIT et aux autres parties concernées des orientations concrètes et utiles. Cet instrument est pleinement conforme aux valeurs de l’OIT et à celles du mouvement coopératif. Ainsi le préambule reconnaît l’importance du rôle des coopératives dans la création d’emplois et la mobilisation des ressources ainsi que leur contribution à l’économie.

Il se réfère également à la Déclaration de Philadelphie, à la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail adoptée en 1998, aux conventions fondamentales de l’OIT et à un certain d’autres instruments pertinents.

L’instrument reconnaît que les coopératives opèrent dans tous les secteurs de l’économie et stipule que la recommandation s’applique à toutes les catégories et formes de coopératives. Il donne une définition des coopératives qui reflète les orientations de l’OIT et celles du mouvement coopératif international. La définition est ensuite renforcée par l’introduction des valeurs coopératives reconnues, à savoir l’entraide, la responsabilité personnelle, la démocratie, l’égalité, l’équité, la solidarité, ainsi qu’une éthique fondée sur l’honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale et l’altruisme.

Les principes coopératifs tels qu’établis par le mouvement coopératif international sont décrits dans l’annexe. Ces principes sont: l’adhésion volontaire et ouverte à tous; le pouvoir démocratique exercé par les membres; la participation économique des membres; l’autonomie et l’indépendance; l’éducation, la formation et l’informatique; la coopération entre coopératives et l’engagement envers la collectivité. Tout en soutenant fermement le principe de l’autonomie des coopératives, la Commission a recherché les moyens de permettre aux coopératives de fonctionner en même temps que les autres entreprises.

Les résultats des délibérations sont exposés dans la deuxième partie de l’instrument: les gouvernements sont appelés à définir et appliquer une politique de soutien aux coopératives, et un cadre juridique adapté à la nature et aux fonctions des coopératives, tel que par exemple un bon soutien pour la défense de l’environnement.

Autres questions importantes pour les politiques nationales définies dans l’instrument c’est de s’assurer que les législations du travail sont appliquées dans toutes les entreprises et que les meilleures pratiques en matière de travail sont suivies, assurant la promotion de l’égalité des sexes dans les coopératives, le développement des capacités techniques et professionnelles et des capacités d’entreprendre et de gérer les mesures destinées à garantir la sécurité et la santé sur le lieu de travail ainsi que l’accès au crédit et aux marchés.

Une attention particulière est accordée à l’éducation et à la formation aux principes et pratiques des coopératives à tous les niveaux ainsi qu’à la diffusion des informations sur les coopératives.

Il est nécessaire de favoriser la participation des femmes au mouvement coopératif et à tous les niveaux ainsi que les possibilités de développer des activités qui aident les groupes ou les régions les plus défavorisés.

Cet instrument demande aussi aux gouvernements de promouvoir le rôle important des coopératives dans la transformation d’activités de survie marginales désignées par les termes économie informelle en un travail bénéficiant d’une protection juridique et qui s’intègre pleinement dans la vie économique.

L’instrument reconnaît que l’équilibre d’une société exige qu’il existe des secteurs public et privé puissants ainsi qu’un puissant secteur composé de coopératives, de mutuelles et d’autres organisations sociales et non gouvernementales. C’est dans ce contexte que les gouvernements devraient mettre en place une politique et un cadre juridique favorables. Un certain nombre de services d’appui aux coopératives sont mentionnés. Le rôle important des organisations d’employeurs, des travailleurs et des coopératives est défini ainsi qu’une série de suggestions pour la coopération internationale dans certains domaines qui peuvent représenter un appui important au secteur des coopératives, et ce, à tous les niveaux.

Je suis ravi de remarquer que l’instrument mis au point par la commission est à la fois un document complet et un document, aussi, qui a un regard tourné vers l’avenir. Et je suis convaincu que ce document pourrait servir d’aide aux Etats Membres et à tous ceux qui se préoccupent de la promotion des coopératives.

Je conclurai en disant que c’est pour moi un très grand plaisir que de recommander l’adoption des documents soumis à la Commission de la promotion des coopératives.

Original anglais: M. TAN (délégué des employeurs, Philippines; vice-président employeur de la Commission de la promotion des coopératives) — Nous venons de terminer notre travail dans la Commission de la promotion des coopératives et vous êtes saisis du rapport de la commission et du projet de recommandation.

Lorsque nous, représentants des employeurs, avons abordé la deuxième discussion sur cette question, de nombreux obstacles se posaient à nous, et pas simplement des problèmes de libellé du texte.

Mais je dois dire, en toute équité, que, grâce au travail ardu et aux efforts des différents membres de la Commission, nous avons pu dégager des points communs. Et je commencerai par ceux-ci.

Premièrement, il apparaissait clairement dans les réponses des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, que nous voulions un instrument de caractère universel qui puisse être accepté par un éventail très large des Etats Membres de l’OIT. C’était la première chose qui nous réunissait.

Deuxièmement, nous étions tous d’accord pour reconnaître l’importance des grands principes et valeurs coopératifs et sommes convenus que tout cela devait être repris dans le texte du projet de recommandation, même si nous n’avions pas forcément à inclure les explications et illustrations de ces principes.

Troisièmement, nous étions aussi tout à fait à l’unisson pour limiter le rôle des gouvernements à la fourniture de mesures de soutien et de promotion des coopératives, conformément à la législation et à la pratique nationales.

Quatrièmement, nous étions également d’accord pour dire que les organisations d’employeurs et de travailleurs ont, dans leurs mandats respectifs, un rôle important à jouer pour aider et promouvoir les coopératives qui sont des entreprises autonomes, organisées pour répondre aux besoins de leurs membres.

Le texte du projet de recommandation dont vous êtes saisis reflète ces différentes influences, ces différentes idées avec plus ou moins d’intensité. Mais ce n’est pas un instrument parfait, et, pour être tout à fait franc, je sais que d’aucuns ont des réserves et pensent que ce projet de recommandation ne va pas assez loin pour défendre des principes que nous considérons comme fondamentaux. J’y reviendrai en les prenant un par un.

Le tout premier problème qui se pose à nous depuis l’année dernière est de savoir s’il faut centrer l’instrument sur les coopératives et leur promotion, ou sur la promotion des droits des travailleurs sur les normes de travail dans les coopératives. La lecture du texte original et du préambule était une grande déception parce qu’il n’y a pas de référence aux coopératives, mais simplement aux droits des travailleurs et aux instruments de l’OIT sur les normes de travail.

La commission a reconnu le bien-fondé de notre préoccupation en adoptant trois nouveaux paragraphes du préambule qui sont vraiment propres aux coopératives; il y a maintenant un minimum de pertinence et je pense que c’est un texte acceptable, mais à peine.

Le préambule n’était pas la seule partie où les normes de travail ont franchi la frontière d’un véritable instrument de promotion des coopératives.

Dans la section relative au cadre politique et au rôle des gouvernements, nous avons mis en question la nécessité d’inclure dans les politiques nationales la promotion des normes du travail de l’OIT qui n’a pas sa place dans un instrument pour la promotion des coopératives. Mais nous n’avons pas été suivis, et nous avons donc dû nous incliner devant la majorité. Les gouvernements et les travailleurs, en dernière instance, ont été très ouverts, et l’idée d’inclure dans la recommandation l’exercice par les travailleurs de coopératives du droit qu’ils ont de participer aux discussions qui les affectent directement et de leur donner accès à des informations aux fins de négociation collective, ne s’est pas matérialisée. Cette mesure avait nui au consensus émergeant entre les partenaires sociaux sur la nécessité d’adopter une recommandation utile sur la promotion des coopératives.

Le deuxième point fondamental au cœur de notre recommandation c’est cet impératif non négociable sur le principe d’une équité en matière de traitement des coopératives. Là, nous avons eu un débat très long et délicat.

Même au sein du groupe des employeurs, comme parmi les gouvernements, les pays industrialisés ne sont pas toujours d’accord avec le point de vue des pays en développement. L’expérience explique ces écarts: ceux qui ont l’expérience de coopératives très puissantes, ne peuvent pas accepter un traitement préférentiel, alors que ceux qui traitent avec de petites coopératives des zones rurales, agricoles ou de consommateurs, souhaitent plus de souplesse.

Il a donc été difficile d’arriver à un équilibre entre ces différentes tendances, mais disons que dans notre groupe, il y a eu tout de même un front uni pour insister sur cette notion d’équité.

La section relative au champ d’application, définitions et objectifs des coopératives, a reconnu le concept de libre concurrence dès le premier paragraphe qui déclare que «les coopératives opèrent dans tous les secteurs de l’économie».

Ensuite, on passe à la définition d’une coopérative et à l’adoption de mesures pour promouvoir le potentiel des coopératives de développer des activités génératrices de revenus. Ensuite, à la Section II, sur le cadre politique et le rôle des gouvernements, le débat sur l’égalité de traitement a permis d’aboutir à un bon compromis avec un libellé qui accorde aux gouvernements une certaine souplesse dans l’adoption de mesures concernant les coopératives. Au paragraphe 6, il est indiqué que les gouvernements doivent mettre en place une politique favorable visant à prévoir l’adoption de mesures de surveillance des coopératives dans des conditions adaptées à leur nature et à leurs fonctions, qui respectent leur autonomie, soient conformes à la législation et à la pratique nationales et ne soient pas moins favorables que celles applicables à d’autres formes d’entreprise et d’organisation sociale.

C’est une disposition importante de cette recommandation.

De même au paragraphe 7.2), le principe est de nouveau affirmé, après un débat compliqué sur le fond. «Les coopératives devraient bénéficier de conditions conformes à la législation et à la pratique nationales, qui ne soient pas moins favorables que celles dont bénéficient les autres formes d’entreprises et d’organisation sociale. Les gouvernements devraient prendre, s’il y a lieu, des mesures d’appui en faveur des activités des coopératives qui concernent certains objectifs des politiques sociales et publiques tels que la promotion de l’emploi ou la mise en œuvre d’activités qui s’adressent aux groupes ou régions défavorisés. Ces mesures pourraient inclure, entre autres et autant que possible, des avantages fiscaux, des prêts, des dons, des facilités d’accès aux programmes de travaux publics et des dispositions spéciales en matière de marchés publics.»

Section III: Mise en œuvre des politiques publiques de promotion des coopératives: on s’est efforcé d’introduire le mot «favorable et préférentiel» avant «mesures de soutien telles que l'accès au crédit». Mais là, ceci aurait gêné cette définition pure et dure des mêmes règles du jeu pour tous. Donc nous avons fait appel aux gouvernements et aux travailleurs pour que cela soit retiré, et ils ont fait ce geste dans le contexte de notre coopération tripartite. Nous pensons qu’il est important d’avoir des mesures qui facilitent l’accès aux coopératives et aux services de soutien tels qu’investissements, finances et crédits. Tout cela a été mis en place pour édulcorer un peu ce principe des règles du jeu qui doivent être les mêmes pour tous. Cela a été une façon d’arriver à un consensus au sein de la commission.

Il y a eu d’autres débats importants sur l’introduction des travailleurs du secteur social qui n’est pas acceptée au niveau universel. Il faut aussi se rendre compte que, grâce à la sagesse de la commission, cette phrase a été abandonnée. Nous aurions voulu la même chose pour l’audit social, qui n’a pas de réalité dans de nombreux pays, mais là, nous nous sommes inclinés devant la majorité. L’instrument comporte un certain nombre de points. D’abord, le préambule offre un contexte à la promotion des coopératives sur fond de dilution des normes du travail. Deuxièmement, le principe des coopératives et des valeurs est bien indiqué. Troisièmement, l’instrument est universel dans son application. Quatrièmement, le texte indique l’idée de libre concurrence et protège l’application du principe de la règle du jeu. En cinquième lieu, ce texte comble le fossé entre pays développés et pays en développement, donnant une souplesse suffisante aux gouvernements, afin qu’il soit dans le même sens que le droit et que la pratique nationaux. Ceci nous permet donc d’avoir des coopératives correspondant aux besoins sociaux et aux besoins de politique publique partout.

C’est une recommandation avec laquelle nous pouvons vivre et notre groupe recommande son soutien. Je vous ai dit que nous avions émis des réserves, en particulier concernant l’annexe, mais simplement d’un point de vue technique. Nous pensons qu’il n’y a pas lieu d’avoir une annexe à la recommandation et nous disons ceci après avoir beaucoup réfléchi au problème. Cette annexe est là simplement pour illustration; elle ne fait pas partie intégrante de la partie juridique du texte. Ce n’est pas un texte de l’OIT, en tant que tel et il n’a jamais été étudié en détail par la commission. D’autre part, il faudrait qu’il soit absolument dans le droit fil des dispositions et des procédures de l’OIT.

Pour terminer, je voudrais dire toute l’admiration que j’ai pour le président de la commission, pour sa sagesse, sa compétence, sa maestria en tant que président. Je tiens aussi à remercier le vice-président des travailleurs car il a fait preuve d’un dévouement total pour que l’instrument soit acceptable pour les partenaires sociaux et le secrétariat de l’OIT, ainsi que les interprètes qui nous ont aidés à communiquer et ont permis le succès dans nos délibérations.

Original anglais: M. PATEL (délégué des travailleurs, Afrique du Sud; vice-président travailleur de la Commission de la promotion des coopératives) — Nous sommes ici aujourd’hui pour examiner un instrument novateur et moderne mais pourtant ancré dans les valeurs immuables de l’OIT. Ce texte est le résultat d’efforts résolus et d’un dialogue fondé sur le partenariat. C’est pourquoi je tiens d’emblée à remercier le président de notre commission, M. Pliszkiewicz, le rapporteur et les nombreux gouvernements qui ont apporté une contribution enrichissante aux travaux de la commission. Je remercie aussi le personnel de l’OIT qui a travaillé avec diligence et les membres du groupe des travailleurs qui ont été une source d’inspiration, ainsi que Bob Kyloh d’ACTRAV pour ses conseils et son appui constant. Je tiens à rendre hommage à mon homologue employeur, M. Tan, qui a conduit son groupe avec élégance et dignité. Chacun des trois groupes retrouvera dans le texte final une partie, au moins, de ses préoccupations et de ses attentes.

Les débats se sont déroulés, à notre sens, dans un esprit constructif et amical. Je suis heureux que la majorité des conclusions aient été adoptées par consensus. Les instruments de l’OIT reflètent d’une manière générale l’expérience qui est la nôtre dans le monde diversifié dans lequel nous vivons et apportent des réponses utiles à nos problèmes. Le principal défi de notre époque est de savoir comment réagir aux pressions implacables de l’intégration économique mondiale. La mondialisation a été bénéfique pour certains qui ont profité de l’énorme expansion des avoirs économiques, l’accélération de la croissance rapide et de la modernisation auxquelles elle a donné lieu. Mais la mondialisation a aussi provoqué de graves problèmes sociaux, l’aggravation de la pauvreté et des inégalités de revenus, une immense concentration des richesses et un chômage de grande ampleur. Depuis quelques années, on recherche des moyens de réagir à la mondialisation. Certains ont tonné contre l’intégration économique et tenté de revenir aux certitudes du passé. D’autres ont cherché à remodeler la mondialisation de façon qu’elle soit mise au service des intérêts humains et sociaux. Cette dernière attitude a suscité une intense réflexion au sein de l’OIT et a incité celle-ci à créer la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation.

C’est ce défi qui a conduit le Directeur général à dire, dans son rapport intitulé Un travail décent, présenté à la Conférence il y a trois ans, qu’une économie mondiale qui ne repose pas sur un pilier social solide manquera de stabilité et de crédibilité politique.

L’essentiel du débat sur le pilier social a porté sur la dimension macroéconomique: le rôle des institutions multilatérales, l’importance des interventions des pouvoirs publics au niveau mondial. Mais ce qui manque, c’est une réflexion approfondie sur l’entreprise qui constitue un important mécanisme de création de richesse à l’échelon national. Les coopératives sont une forme d’entreprise qui est étonnamment apte à répondre aux défis que lance la mondialisation. La création des premières coopératives, au XIXe siècle, répondait à l’idée que l’activité économique se fondait sur des valeurs éthiques, la production et la consommation de biens et de services étant compatibles avec la promotion des valeurs humaines et de la solidarité humaine. A notre sens, ces valeurs ont encore plus d’importance aujourd’hui à l’ère de la mondialisation, elles sont plus actuelles et plus pertinentes que jamais.

C’est la raison pour laquelle la promotion des coopératives est essentielle pour parvenir à une société équilibrée et une économie mixte. Les valeurs éthiques et sociales sur lesquelles se fondent les coopératives ne sont pas des aspects secondaires mais des objectifs essentiels et explicites. Pour les coopératives, les valeurs économiques et sociales ne s’excluent pas mutuellement mais forment un tout.

Le projet de recommandation dont vous êtes saisis met en relief ce secteur social distinct, secteur qui allie esprit d’entreprise et conscience sociale.

Il représente une contribution adaptée et opportune à notre quête de justice sociale et de rentabilité économique. Son préambule énonce certains principes fondamentaux. Il reprend les termes de la Déclaration de Philadelphie, qui nous sont familiers, selon lesquels le travail n’est pas une marchandise. Il reconnaît que des formes plus puissantes de solidarité humaine s’imposent aux niveaux national et international afin de favoriser une répartition plus équitable des bienfaits de la mondialisation.

En cela, la recommandation inscrit les coopératives dans le contexte du travail décent et du développement social. Son dispositif exprime la triple caractéristique des coopératives, en faisant référence aux besoins des membres des coopératives, aux besoins des travailleurs des coopératives et aux besoins de l’entreprise coopérative. Ces besoins sont exposés de manière exhaustive, équilibrée et correcte.

Je suis donc heureux d’annoncer que les travailleurs appuient les conclusions auxquelles est parvenue la Commission de la promotion des coopératives.

Je voudrais maintenant revenir sur certaines des grandes questions traitées dans le texte. Premièrement, cette recommandation énonce les valeurs, les idéaux et les règles qui sont ceux – et doivent être ceux – des coopératives. Elle est imprégnée des valeurs de l’OIT. Le travail décent est devenu le cadre de référence des activités de l’OIT et, grâce à cet instrument, les coopératives sont pleinement intégrées dans ce cadre. La recommandation fait référence à la Déclaration sur les droits et principes fondamentaux au travail, aux conventions fondamentales de l’OIT et à d’autres normes internationales du travail; elle stipule que les normes fondamentales du travail s’appliquent à tous les travailleurs des coopératives sans distinction aucune. En ce sens, elle se fonde sur le savoir et les compétences spécifiques de l’OIT dans les domaines des normes applicables à l’emploi, des relations professionnelles et de la protection sociale. Elle tient compte de l’avantage comparatif que représente l’OIT dans le domaine de la politique internationale sur les coopératives.

L’instrument proposé reflète aussi les valeurs et principes sur lesquels repose le mouvement coopératif, valeurs et principes que l’OIT a entérinés; ce sont les valeurs coopératives de la démocratie, de l’égalité, de l’entraide, de la responsabilité personnelle, de l’équité et de la solidarité, ainsi que les valeurs éthiques de l’honnêteté, de la transparence, de la responsabilité sociale et de l’altruisme. Les principes coopératifs sont, entre autres, la participation économique des membres, le pouvoir démocratique exercé par les membres, l’autonomie et l’engagement envers la collectivité. Ces valeurs et principes déterminent l’orientation philosophique et morale de cet instrument et influent sur les questions de fond. La recommandation insiste sur la nécessité absolue de respecter les valeurs de non-discrimination et invite en particulier les Etats Membres à promouvoir l’égalité des sexes dans les coopératives et dans leurs activités. Ceci est important parce que dans de nombreux pays les femmes constituent la majorité des travailleurs.

La deuxième caractéristique de cette recommandation réside dans la promotion des coopératives en tant que secteur distinct et important de l’économie moderne.

Les coopératives sont une forme d’organisation économique qui promeut expressément tout un ensemble de politiques publiques. La principale caractéristique des coopératives est que leur principal objectif n’est pas de réaliser les plus grands profits possibles, ou des plus-values très importantes pour les actionnaires, mais de tenir compte avant tout des intérêts des parties prenantes. Leurs principaux objectifs sont que ce que les économistes qualifieraient de biens publics, à savoir, la promotion de l’emploi et le développement communautaire. La recommandation reconnaît cela et invite les Etats Membres à prendre des mesures spéciales pour aider les coopératives, qui sont des entreprises et des organisations s’inspirant de la solidarité, à répondre aux besoins de la société, y compris aux besoins des groupes et régions désavantagés afin de favoriser leur insertion sociale. La promotion de l’emploi est également reconnue comme étant l’un des principaux buts de telles mesures d’appui. Les entreprises qui adoptent explicitement ces objectifs sont souvent considérées comme faisant partie de l’économie sociale, ou du secteur social; elles sont donc différentes du secteur public et du secteur privé. Cette notion ressort clairement du texte.

La recommandation énonce tout un ensemble de mesures d’appui très concrètes qui peuvent aider les coopératives; ce sont notamment l’accès au financement et à l’investissement, les programmes de mise en valeur des ressources humaines, les œuvres de conseils sur les technologies et les innovations, les services de comptabilité et d’audit, les conseils juridiques et fiscaux et les services d’information en matière de gestion. La recommandation reconnaît que les coopératives doivent sans cesse améliorer leur niveau de productivité et de compétitivité ainsi que la qualité de leurs biens et de leurs services. Elle prévoit des mesures pour améliorer l’accès aux technologies de l’information et de la communication.

En ce sens, la recommandation jette les bases d’un mouvement coopératif moderne, dynamique, capable de travailler dans les secteurs de pointe de l’économie. Elle met l’accent sur l'appui que l’Etat peut apporter aux coopératives pour les promouvoir. Un ensemble de mesures sont prévues telles que les avantages fiscaux, les prêts, l’accès à des programmes de travaux publics et des dispositions particulières en matière d’approvisionnement. Cet appui de l’Etat est lié à la réalisation d’objectifs sociaux et publics spécifiques. Parallèlement, comme cet instrument reconnaît l’importance de l’autonomie des coopératives, l’appui fourni par l’Etat est censé tenir compte de la nécessité de respecter l’indépendance des coopératives.

En troisième lieu, la recommandation se caractérise par le fait qu’elle traite des principaux problèmes qui se posent de nos jours sur le marché du travail. Cet instrument donne des indications aux gouvernements et aux coopératives dans des domaines concernant l’économie informelle, les relations d’emploi déguisées, la mise en valeur des ressources humaines ainsi que le concept de pratiques recommandables dans le domaine des relations professionnelles.

L’économie informelle retient l’attention de l’OIT depuis plus de trente ans. Tout récemment, un consensus s’est dégagé sur le cadre politique des activités de l’OIT concernant le secteur informel. Il y a deux ans, la Conférence internationale du Travail a adopté un ensemble de conclusions en vertu desquelles le rôle des pouvoirs publics vis-à-vis du secteur informel doit être de transformer des activités qui ne sont souvent que des activités de survie marginales en travail décent pleinement intégré à l’économie formelle. Cette année grâce à l’unanimité qui s’est dégagée au sein de la commission, nous avons pu faire un pas de plus en incorporant cette idée dans un instrument de l’OIT. Le texte reconnaît que les Etats Membres devraient promouvoir le rôle important des coopératives dans la transformation des activités du secteur informel en un travail bénéficiant d’une protection juridique et qui s’intègre pleinement à la vie économique.

Les coopératives, qui sont souvent citées en exemple pour leur politique de l’emploi, sont des pionnières en ce qui concerne la participation des travailleurs à la prise de décisions économiques et entretiennent des relations très solides avec les syndicats. C’est ce que reconnaît et encourage la recommandation par le biais de dispositions qui prévoient des mesures visant à ce que les meilleures pratiques de travail soient suivies par les coopératives.

Au cours de ces deux dernières années, en commission, nous avons aussi entendu parler de certains cas où des coopératives sont créées uniquement pour éluder les normes de l’emploi et la législation du travail. La recommandation traite expressément de ce phénomène, elle invite les Etats Membres à promouvoir des politiques visant à éviter que des coopératives soient créées ou utilisées pour éluder la législation du travail ou qu’elles soient utilisées pour établir ce que l’on appelle dans cet instrument des relations d’emploi déguisées.

A la suite d’une demande présentée expressément par les pays en développement à la commission, la recommandation demande qu’une politique nationale soit mise en place pour combattre les pseudo-coopératives qui violent les droits des travailleurs, et de veiller ainsi à ce que la législation du travail s’applique dans toutes les entreprises. Cette clause a été adoptée avec un plein consensus qui traduit le large soutien exprimé à la commission pour traiter ce problème.

La mise en valeur des ressources humaines joue un rôle crucial pour les résultats économiques et le progrès social dans le monde moderne. La recommandation prévoit un certain nombre de composantes du développement des ressources humaines et met en place un cadre plutôt vaste pour ces politiques. Ce texte demande aux Etats Membres de développer des politiques favorables à la formation technique et professionnelle, au développement des compétences d’entreprise et de gestion, ainsi qu’aux politiques sociales et économiques en général. Ces compétences doivent être encouragées parmi les travailleurs, les membres et les dirigeants des coopératives. Il préconise en outre l’éducation et l’initiation aux principes et pratiques des coopératives au sein d’une société élargie et à tous les niveaux du système national d’éducation et de formation.

La quatrième caractéristique de la recommandation, c’est qu’elle reconnaît que le monde est aujourd’hui intégré et qu’il faut donner des orientations face à cette réalité. C’est ce que fait la recommandation en universalisant l’instrument et en mondialisant le concept de coopérative. L’instrument actuel, la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966, se limite aux pays en développement. Mais le nouvel instrument que nous proposons est universel sur un triple plan.

En effet, cet instrument s’applique à toutes les sociétés, qu’elles soient développées, en développement ou en phase de transition.

Elles s’appliquent à tous les types de coopératives et à tous les travailleurs des coopératives. Ceci est crucial dans un monde où les frontières économiques disparaissent, la recommandation reflète cette réalité. Elle appelle à une plus grande coopération internationale et à la mondialisation du concept de coopératives. Il s’agit notamment de mettre au point des directives régionales et internationales communes et des textes législatifs sur les coopératives, et sur tout un ensemble de mesures spécifiques visant à encourager des relations commerciales plus étroites entre les coopératives qui existent dans toutes les régions du monde.

En conclusion, la recommandation reconnaît le rôle capital que les syndicats, les organisations d’employeurs peuvent jouer pour encourager et appuyer la croissance des coopératives. Un certain nombre de mesures précises ont été énoncées et les syndicats attendent avec intérêt que l’on noue des relations très fortes avec le mouvement coopératif et que l’on mette en place un système de soutien et d’aide mutuels.

Nous appuyons ces conclusions parce que nous sommes convaincus que les coopératives ont leur importance dans cette économie mondiale, non seulement en raison de leur taille, mais aussi en raison de leurs valeurs fondatrices. Pour les quelque 100 millions de travailleurs qui sont employés dans le secteur des coopératives dans le monde et pour les quelque 800 millions de citoyens du monde qui sont membres de coopératives, cette recommandation prend tout son sens et vient au bon moment. C’est une recommandation flexible, pragmatique, qui reconnaît la diversité des expériences nationales ainsi que des systèmes juridiques et des pratiques et qui, dans le même temps, énonce un certain nombre de critères accessibles relatifs à la pratique. Cette recommandation se fonde sur l’énergie, la vigueur et la vitalité du monde des coopératives et peut jouer un rôle de catalyseur pour assurer une croissance soutenue et durable dans les coopératives.

Je vous invite instamment à appuyer la recommandation.

M. PLISZKIEWICZ (conseiller technique gouvernemental, Pologne; président de la Commission de la promotion des coopératives) — La Pologne a eu une fois de plus l’honneur de présider la commission chargée d’élaborer un projet de recommandation dans le domaine de la promotion des coopératives. Je pense que cela est dû au fait que la Pologne est un pays qui a une longue tradition du développement des coopératives, et à la fois un pays dans lequel le tripartisme est un instrument important pour résoudre des difficultés économiques et sociales liées à l’économie de marché, permettant de bâtir les fondations solides pour un développement économique et social durable.

J’ai été personnellement honoré d’accepter cette responsabilité tout en sachant que cela ne serait pas une tâche facile. Mais dès le début, j’ai été convaincu que le sujet de nos débats était d’une importance majeure, dans la mesure où nous voulons relever le défi de la lutte contre le chômage affectant un grand nombre des Etats Membres de l’OIT.

Il est de notoriété publique que les coopératives opèrent dans tous les secteurs de l’économie et qu’elles englobent une variété considérable de types, de formes et de tailles d’entreprises. Il ne fait pas de doute que les coopératives constituent un instrument important pour la création d’emplois dans les pays industrialisés et dans les pays en développement. Les coopératives ont montré leurs capacités à accroître le pouvoir économique des individus et à les rendre capables de bénéficier d’opportunités économiques.

Notre commission a cherché à développer un instrument qui reflète les besoins de tous les Etats Membres et de tous les mandants de l’OIT, ainsi que ceux exprimés par toutes les personnes travaillant pour le développement des coopératives.

Les coopératives sont un moyen très efficace qui permettent à des individus de se regrouper pour atteindre des objectifs économiques et sociaux communs et pour réaliser des économies d’échelle indispensables à la réussite, dans un marché devenu très compétitif. C’est ainsi que, par exemple, les coopératives jouent souvent un rôle clé en facilitant l’accès à des marchés et à des matières premières. Les coopératives d’appui aux entreprises peuvent aider les petites et moyennes entreprises à associer leurs ressources dans le but d’acquérir des matières premières à des conditions plus favorables que celles auxquelles les acheteurs individuels peuvent accéder. Les coopératives de commercialisations, peuvent permettre à des petites entreprises de réaliser des économies d’échelle et d’augmenter leur pouvoir de négociation sans lequel elles seraient incapables de faire face à la concurrence.

Dans d’autres circonstances, des arrangements coopératifs permettent à des opérateurs économiques d’une taille modeste d’acquérir et d’utiliser en commun des équipements coûteux qu’ils ne pourraient acheter tout seuls.

En Allemagne, par exemple, pratiquement tous les conseillers fiscaux sont membres d’une coopérative qui gère pour eux un impressionnant équipement informatique.

En outre, les coopératives permettent à des consommateurs de se mettre ensemble pour satisfaire leurs besoins plus efficacement par le biais, par exemple, des coopératives d’habitat, de consommation ou d’épargne de crédit. Les coopératives ont aussi prouvé leur aptitude à satisfaire les besoins de groupes défavorisés et marginalisés, un fait que notre commission a reconnu dans son projet de recommandation.

La commission a accepté la définition largement reconnue du terme «coopérative» ainsi que les valeurs et principes qui ont été formulés par le mouvement coopératif international et qui sera sans doute d’une grande utilité aux Etats Membres dans leurs efforts visant à promouvoir le mouvement coopératif. Les débats au sein de notre commission ont confirmé qu’un environnement politique, juridique et institutionnel, favorable au développement coopératif est d’une importance primordiale et ces débats ont fourni les indications précises quant aux éléments clés d’un tel environnement, ainsi que la méthodologie de sa mise en œuvre. Les discussions ont également souligné l’importance des services d’appui aux coopératives et de la mise en place de structures de collaboration tripartites afin de réaliser cet objectif.

Je suis heureux de pouvoir vous informer que les travaux de la commission se sont déroulés d’une façon tout à fait satisfaisante, de sorte que nous sommes en mesure de vous présenter un rapport qui reflète la richesse de nos débats ainsi que le consensus auquel nous sommes parvenus.

J’ai le plaisir de noter que les rapports et l’instrument proposé reflètent le climat constructif de nos discussions. Pour moi, il ne fait aucun doute que le nouvel instrument apportera aux Etats Membres de précieux conseils qui leur permettront de mieux relever le défi du plein emploi par la promotion d’entreprises coopératives.

Si les travaux de la commission ont progressé d’une manière aussi satisfaisante c’est grâce au professionnalisme et à l’esprit de coopération de tous les participants.

Monsieur le Président, j’aimerais maintenant exprimer mes sincères remerciements à tous ceux qui d’une manière ou d’une autre ont contribué au succès des travaux de la commission. Je voudrais plus particulièrement remercier les deux vice-présidents, M. A. Tan, du groupe des employeurs et M. E. Patel du groupe des travailleurs, qui tous deux, m’ont considérablement aidé dans ma tâche de conseiller auprès de la commission, maintenant le niveau élevé des débats et le climat de dia logue, de consensus et de bonne humeur qui a grandement facilité notre travail.

J’ai été très impressionné par leurs qualités humaines, exemplaires et leurs connaissances approfondies des sujets traités qui nous ont permis de surmonter certains passages difficiles de nos négociations.

J’aimerais aussi remercier les membres employeurs et travailleurs du Comité de rédaction. C’est surtout grâce à Mme T.Raivio, de Finlande, que nous avons pu adopter, dans un laps de temps extrêmement court, un rapport plein d’idées et de suggestions valables, qui sera certainement très utile lors de discussions futures. Je voudrais aussi exprimer ma reconnaissance à M. J. Wolas, de la France, et M. L. Hillier, du Canada, qui ont représenté les gouvernements au sein du Comité de rédaction. J’ai apprécié l’appui sans réserve des représentants gouvernementaux dans l’exécution de mes tâches à la commission et je suis particulièrement reconnaissant au groupe des représentants des gouvernements et à leur porte-parole très compétent, qui ont souvent apporté leur précieuse contribution en proposant des formulations sur des points clefs, acceptables par toutes les parties concernées. Bref, je suis reconnaissant à tous les membres de la commission présents dans cette salle car, à mon avis, chacun et chacune a contribué au résultat final.

Je voudrais enfin remercier M. M. Henriques, directeur du Département de la création d’emplois et du développement de l’entreprise du BIT et son équipe, pour avoir préparé une documentation très professionnelle et extrêmement utile ainsi que pour l’excellent appui technique et administratif dont nous avons pu bénéficier tout au long de nos discussions et de nos travaux. Je remercie également M. J. Schwettmann du même département et son équipe, qui a veillé sur la préparation des documents et sur la mise à jour du projet de la recommandation. Etant donné que le contenu des documents adoptés par la commission a déjà été présenté par notre rapporteur et les deux Vice-présidents de notre commission, j’aimerais conclure en vous recommandant d’adopter les documents soumis par la Commission de la promotion des coopératives.

Le PRÉSIDENT: La discussion générale du rapport de la Commission de la promotion des coopératives est maintenant ouverte.

Original anglais: M. ABDALLAH (conseiller technique gouvernemental, Nigéria) — Je saisis cette occasion pour remercier vivement l’assemblée de la coopération dont elle a fait preuve au cours des délibérations qui ont abouti au texte proposé. Il ne fait pas de doute dans mon esprit qu’en venant à cette Conférence importante, deux choses étaient claires; d’une part, les travailleurs et les employeurs collaborent toujours entre eux afin de parvenir à un consensus. Les deux semaines que nous avons passées ici ont conforté tous les Membres africains de la Conférence dans la certitude que les gouvernements peuvent jouer un rôle pour promouvoir et encourager les coopératives. Nous nous rendons bien compte qu’une fois que les travailleurs et les employeurs se mettent d’accord, les objectifs des gouvernements sont atteints. En fait, il s’agit de créer un environnement propice à la croissance et au développement des activités. Il ne fait aucun doute, et c’est un sentiment que partagent les autres gouvernements africains, qu’un environnement propice est le fruit de l’action des gouvernements qui agissent de sorte que les travailleurs et les employeurs fonctionnent dans un cadre collectif. La nouvelle recommandation va très loin dans le sens où elle rend les coopératives universelles, de même que son application. Lorsque nous regagnerons nos pays respectifs, nous ne manquerons pas de réfléchir à la question et d’encourager nos gouvernements à inclure de façon appropriée dans la législation les dispositions de ce nouveau texte afin d’aller de l’avant au niveau des coopératives en faisant prévaloir l’esprit du tripartisme. Les employeurs, les gouvernements et les travailleurs doivent œuvrer en faveur des coopératives. Au nom des délégués des gouvernements africains, je tiens à remercier l’OIT de nous avoir donné l’occasion non seulement de travailler ensemble mais surtout de collaborer et de nous comprendre dans un esprit de réciprocité. Au cours des semaines passées ensemble, nous avons réussi à régler à l’amiable les différends qui pouvaient nous opposer et c’est de cette façon que nous avons abouti à cette recommandation universelle que nous vous invitons à adopter. Nous avons fait beaucoup de chemin mais n’oublions pas que ce nouveau texte va de pair avec le plan d’action de Yaoundé qui a pour but de transformer les pays africains en entités tripartites, travaillant ensemble, parvenant à des accords dans un esprit de coopération dans le cadre du principe des coopératives. L’idée est d’appliquer la devise suivante: «un pour tous et tous pour un». Lorsque nous aurons regagné nos pays respectifs, nous devrons faire en sorte que cette recommandation soit réellement approuvée par les lois appropriées de sorte que les travailleurs soient pris en compte dans notre système. Je vous remercie et j’espère que demain, nous serons à même d’adopter ce texte que nous jugeons universellement acceptable et nous nous engageons à mettre tout en œuvre pour développer nos pays respectifs au moyen de coopératives dans un esprit de coopération.

Original anglais: Mme KATONYALA (conseillère technique des travailleurs, Namibie) — J’interviens pour appuyer cet instrument sur les coopératives, lesquelles présentent un grand avantage pour les syndicalistes des pays en développement. Il est très important que les organisations de travailleurs puissent créer leurs propres coopératives car c’est un moyen d’améliorer la situation de leurs membres. Par le biais des coopératives, les organisations de travailleurs peuvent recruter des membres. En Namibie, nous sommes convaincus qu’il doit y avoir un syndicat par branche d’activité. C’est pourquoi les coopératives de travailleurs dont les principes encouragent une participation active sont de nature à favoriser l’unité des travailleurs au sein d’une branche donnée.

Les membres partagent ainsi des valeurs démocratiques et vivent dans l’harmonie, ce qui décourage les querelles intestines et les conflits au sein des organisations de travailleurs. Les coopératives apportent un avantage manifeste, en ce sens qu’elles défendent les intérêts économiques et sociaux des membres des organisations de travailleurs, qui sont aussi membres de coopératives.

Plus largement, les coopératives de travailleurs permettent aux travailleurs des pays en développement de participer au développement économique et social de leur pays, ce qui, en retour, élève leur niveau de vie.

Je suis fermement convaincue qu’une fois cet instrument adopté, il contribuera à réduire la pauvreté dans les pays en développement. C’est pourquoi, pour conclure, Monsieur le Président, je plaide fermement en faveur de l’adoption de cet instrument. Merci.

Original anglais: Mme ANDREW (conseillère technique des employeurs, Canada) — Il y a un an, j’ai eu le privilège, en tant que représentante des employeurs canadiens, d’intervenir ici en plénière pour faire le bilan de ce qui avait été accompli au cours de la première discussion de la Commission de la promotion des coopératives.

J’ai abordé différents aspects qui préoccupent gravement les employeurs, en particulier la place excessive qu’occupent les normes de travail et les droits des travailleurs dans le texte, au point de faire passer au second plan l’objectif principal, à savoir la promotion des coopératives. Par ailleurs l’expression «travail décent», qui apparaît comme un coup de chapeau au Directeur général et à son thème favori, ne fait l’objet d’aucune définition adaptée aux fins pratiques d’un instrument juridique. Enfin, les références constantes au traitement spécial et à l’assistance aux formes coopératives d’entreprises, indépendamment de la taille des coopératives, de leurs objectifs et de leurs activités, a pour résultat de fausser les règles du jeu au détriment des autres formes d’entreprises.

La tâche des employeurs, durant cette session de juin 2002 de la Conférence a été de corriger les graves défauts du projet de la recommandation, de façon à leur permettre de se joindre à la commission tripartite pour approuver sans réserve la nouvelle recommandation selon ses mérites. Nous avons abordé cette discussion de 2002 en cherchant à modifier le texte sur quatre points clés.

Premièrement, simplifier le préambule et supprimer les références inutiles à toutes les conventions et recommandations possibles et imaginables de l’OIT, quel que soit leur rapport avec les coopératives.

Deuxièmement, les réformes au «travail décent», notion vague qui a en outre l’inconvénient de présenter une connotation fâcheuse dans toutes les langues.

Troisièmement, insérer des dispositions visant à garantir le respect des règles du jeu et l’égalité de traitement pour toutes les formes d’entreprises et veiller à ce que les coopératives soient traitées de manière comparable ou équivalant aux autres acteurs économiques.

Quatrièmement, mettre davantage l’accent sur la promotion des coopératives grâce à un instrument souple et universel qui permettra de prendre les décisions voulues dans tous les types de pays - en développement, en transition et développés.

Je déplore que, malgré tous nos efforts, nous n’ayons pas totalement réussi à atteindre notre objectif.

Au lieu de réduire le nombre des références du préambule aux instruments précédents, on en a ajouté trois à l’issue d’un long débat. Vu le climat qui régnait, notamment chez les travailleurs et certains gouvernements, nous avons retiré nos amendements sur le travail décent. Par ailleurs, nous n’avons pas détrompé les travailleurs et nombre de gouvernements sur le fait que toutes les coopératives ne sont pas des organisations fragiles et d’inspiration sociale. Cela a eu pour effet de détériorer encore le texte du projet de recommandation, qui semble suggérer que les coopératives représentent un «secteur social» ou «une économie sociale» unique.

Le fossé profond qui sépare les gouvernements des pays en développement de ceux des pays développés au sujet de l’égalité de traitement n’a pu être comblé par notre proposition tendant à lier l’appui et l’assistance aux activités relatives aux objectifs de politique publique, et non simplement à la forme coopérative d’organisation. Cette solution aurait écarté les puissantes coopératives commerciales et aurait permis de réserver l’aide publique à celles qui se battent pour aider les gens à améliorer leur sort.

La commission a fini par se mettre d’accord sur le libellé suivant: «Conformément à la législation et à la pratique nationales»; cette formulation laisse en fait toute latitude à chaque pays pour ce qui est de l’équité au niveau national. Chacun des pays et des groupes tripartites s’en est accommodé.

Il est fort regrettable que les pays développés comme le mien, qui ont une longue et solide expérience des coopératives, n’aient pu apporter davantage aux débats. J’aurais aimé pouvoir insister sur la nécessité de prévoir des conditions favorables à un développement équilibré, notamment en ce qui concerne les PME, qui constituent un important instrument de croissance de l’économie et de création d’emplois.

Une personne non informée qui lirait le texte de la recommandation penserait que les deux premières choses à faire, lorsqu’on crée une coopérative, c’est de faire venir le syndicat et de faire appel à l’aide du gouvernement.

Si l’on juge positif à l’OIT le fait d’accepter des compromis lors d’un débat tripartite, les travaux de notre commission ont été éminemment positifs. Vu les circonstances, le projet de recommandation concernant la promotion des coopératives est finalement le meilleur texte auquel il était possible d’aboutir.

Je saisis cette occasion pour remercier tous ceux qui ont participé à ce travail, particulièrement notre président, M. Pliszkiewicz, et notre vice-président employeur, M. Tan, pour l’élégance et l’humour dont ils ont fait preuve pendant toute la durée de nos débats prolongés.

Original anglais: M. POOLE (conseiller technique des travailleurs, Royaume-Uni) — C’est pour moi un grand plaisir d’intervenir pour appuyer la recommandation concernant la promotion des coopératives.

Il y a plus de cent cinquante ans, un petit groupe de personnes s’est réuni à Rochdale, en Angleterre, pour fonder la première coopérative. De ces timides débuts est né un mouvement international qui a gagné le monde entier et qui compte aujourd’hui des dizaines de millions de membres, de clients et de travailleurs.

D’emblée, le mouvement coopératif a entretenu des relations étroites avec le mouvement syndical. Nous partageons les idées de solidarité qui sont si nécessaires dans le monde actuel.

La recommandation dont nous sommes saisis aujourd’hui actualise la recommandation qu’elle remplace, mais permet aussi aux coopérateurs de faire le nécessaire, en ce siècle qui commence, pour que le mouvement puisse faire face aux problèmes que pose la mondialisation, et tirer parti des avantages qu’elle offre.

En tant que syndicalistes, nous avons toujours reconnu que le mouvement coopératif fait partie du secteur social, que l’on appelle économie sociale dans mon pays. C’est ce qui ressort des paragraphes 4h) et 6 de la recommandation. Au reste, ce ne sont pas seulement les syndicats du Royaume-Uni qui ont cette conviction mais aussi le gouvernement britannique, qui a créé, au sein du ministère du Commerce et de l’Industrie, un service chargé de promouvoir l’économie sociale dans le pays. Nous convenons tous au Royaume-Uni que le mouvement coopératif représente la part la plus importante de l’économie sociale. Dans ce monde interdépendant, la création de davantage de coopératives, fondées sur le principe de la solidarité, est cruciale pour garantir le bien-être de la population mondiale.

C’est vrai pour le monde en développement, mais aussi pour les pays industrialisés. L’intérêt de cette recommandation réside dans sa souplesse. Tous les pays pourront la mettre en place en tenant compte de leur législation, de leurs pratiques et de leurs procédures.

Elle est acceptable pour le mouvement coopératif car elle tient compte de ses vues sur les normes du travail et sur le travail décent.

Elle est tout à fait conforme à l’idée des fondateurs du mouvement coopératif. Je crois qu’ils seraient fiers de ce que nous avons réussi.

Au cours de nos délibérations, bien sûr, il y a eu des désaccords sur le contenu et à la formulation de la recommandation. Grâce à notre Président, nous avons pu surmonter ces désaccords avec courtoisie et dans la bonne humeur.

Les plaisanteries matinales du Président, et ses talents de chanteur, sont maintenant célèbres. J’estime d’ailleurs que les prochains présidents devraient obligatoirement avoir les mêmes talents.

Nous tenons à féliciter les délégués des employeurs de l’esprit avec lequel ils ont abordé cette discussion. Nous félicitons aussi les délégués gouvernementaux qui nous ont aidés à trouver la voie lorsqu’elle était jonchée d’écueils.

Les syndicats, j’en suis convaincu, sont prêts à assumer leurs responsabilités à contribuer à la création de coopératives, et à demander aux gouvernements de traduire dans les faits cette excellente recommandation, pour créer de nouveaux emplois durables et faire que chacun dans le monde puisse tirer parti des bienfaits de l’activité économique.

Permettez-moi de vous rappeler que l’Angleterre a gagné son dernier match de coupe du monde par trois à zéro. Je crois que, avec cette recommandation, les populations du monde développé et du monde industrialisé ont entre les mains une victoire qui dépasse de loin celle de l’équipe de football d’Angleterre.

J’attends avec intérêt les prochains résultats de mon équipe mais j’espère avec plus d’intérêt encore que, grâce à cette recommandation, le mouvement coopératif international progressera et se développera davantage.

Mme DIALLO (déléguée des travailleurs, Guinée) — Merci, Monsieur le Président de m’avoir donné la parole devant cette auguste assemblée. Mon intervention est pour appuyer cet instrument international du travail sur la promotion des coopératives. Je voudrais commencer par dire avec satisfaction que la Commission de la promotion des coopératives a encore fait cette année, plus que l’année dernière, preuve d’efficacité et de compétence en livrant un instrument plein de sens pour la promotion et la gestion des coopératives qui sont aujourd’hui un créneau idéal pour le travail décent pour l’égalité des sexes.

La commission a fait preuve de beaucoup de créativité en démontrant que, dans cette atmosphère de mondialisation, il faut être solidaire.

Dans une bonne atmosphère, ce groupe tripartite a travaillé avec sagesse et un esprit de dialogue positif. L’aide des gouvernements a été précieuse, mais aussi, avec émotion, les employeurs ont prouvé qu’ils sont venus dans un esprit de bien faire. La commission a prouvé qu’un groupe tripartite est capable de se mettre ensemble et d’être efficace pour trouver la solution à travers un consensus.

Nous travailleurs, nous trouvons que cet instrument est bien défini. Il est plein de vitalité qui répond aux vœux de tout le monde d’avoir un travail décent.

Promouvoir les coopératives pour nos pays du tiers monde est une valeur inestimable car il s’agit d’abord de création d’emplois et de richesses. Il s’agit aussi d’assurer un environnement sain, une économie moins discriminatoire, un milieu plus démocratique. Les coopératives ont un rôle nécessaire et important à jouer pour lutter contre la pauvreté.

Nous saluons cet instrument international du travail sur la promotion des coopératives car la femme y trouve sa place. Avec l’ajustement structurel, les femmes ont été les premières victimes. Ce sont elles surtout qui ont perdu leur emploi, mais aussitôt, courageuses, pleines d’énergie, elles se sont regroupées autour d’un idéal commun pour renforcer leur solidarité.

C’est dire que cet instrument vient à point nommé. Il va impliquer de faire participer la femme positivement. Je permettrai que la femme ne soit plus utilisée pour la production seulement mais assure des responsabilités aussi dans les coopératives.

Cet instrument, qui n’est pas un instrument de concurrence aux entreprises existantes, pourra aussi résoudre le problème des jeunes sans emploi et, c’est certain, il pourra nous faire éviter des tensions sociales et de la délinquance. Il permettra de mieux promouvoir le dialogue social.

Je ne pourrais terminer sans féliciter vivement le président de la commission et les deux vice-présidents, employeur et travailleur, pour leur engagement, leur disponibilité et leur patience dans le déroulement des débats et pour le bon résultat obtenu.

Original anglais: M. ERIXON (délégué des employeurs, Suède) — Il y a cent cinquante ans, la Suède était l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Dans les années 1860, nous avons connu trois années de famine consécutives et avant que n’éclate la première guerre mondiale, un quart de la population avait émigré aux Etats-Unis.

Au milieu du XIXe siècle, un certain nombre de changements institutionnels ont été mis en œuvre aux plans politique et économique. La règle parlementaire et l’autodétermination municipale ont commencé à être acceptées ainsi que l’économie de marché et le libre-échange.

Ces changements institutionnels ont permis de tirer avantage de la grande vague d’industrialisation qui a commencé alors à submerger l’Europe. Ainsi entre 1870 et 1970, la Suède a connu une croissance pratiquement unique au monde à l’exception de celle du Japon. Les idées-force de ce processus étaient la libéralisation des marchés et la déréglementation. Les coopératives ont joué un rôle dans ce développement même s’il fut limité. Elles n’étaient ni les uniques acteurs ni les principaux vecteurs de ce changement. En règle générale, elles ont reçu le même traitement que les autres types d’entreprises. Cette politique, à quelques exceptions près, est restée la même jusqu’à ce jour.

Toutefois, pour leurs adhérents, les coopératives ont, à bien des égards, fait partie intégrante de leur développement économique et social. Cet exemple sert, entre autres, à souligner qu’il importe de respecter le caractère autonome des coopératives et de ne pas tenter de leur faire jouer un autre rôle.

Il est très compréhensible toutefois que beaucoup de pays veulent imiter le progrès économique de la plupart des pays développés. Il est clair que cela est impératif si l’on veut lutter contre la faim et la misère. Les employeurs européens comprennent très bien que ce soit l’objectif premier de nombreux gouvernements.

La nouvelle recommandation pour la promotion des coopératives a pris corps à l’issue de délibérations qui ont été difficiles et du fait que ce document résulte d’un compromis, il est loin d’être parfait, quel que soit le point de vue où l’on se place.

Du point de vue des employeurs, il a le défaut de vouloir servir deux intérêts contraires. D’abord le fait que les gouvernements voudraient encore une fois utiliser les coopératives pour les buts qui sont les leurs et deuxièmement, le fait que les travailleurs mettent plus d’accent sur les droits des travailleurs et les normes de travail que sur les problèmes qui nous préoccupent réellement.

Nous jugeons par ailleurs inquiétante la tendance à vouloir accorder un traitement préférentiel aux coopératives. En effet, la recommandation n’est pas la panacée pour résoudre le chômage et les problèmes sociaux, comme on pourrait le croire à la lecture de ce texte.

D’autres formes d’entreprises économiques et d’organisations sociales peuvent aussi contribuer à faire du monde un monde meilleur. Peut-être beaucoup plus dans certains cas que les coopératives. Toutefois, la recommandation pourrait être mise en œuvre de façon utile et fructueuse. Les employeurs ont quelque fois senti qu’on les poussait très loin pour essayer de leur faire accepter certaines des dispositions. Il a tout de même été tenu compte de certaines de leurs préoccupations qui revêtaient une importance cruciale surtout du point de vue européen.

Nous espérons donc que ce texte sera suivi d’une mise en œuvre judicieuse et qu’il contribuera effectivement à l’amélioration des conditions économiques et sociales qui prévalent dans de nombreuses parties du monde.

Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à ce travail et je remercie plus particulièrement le président et les deux vice-présidents qui nous ont guidés et nous ont amenés à bon port et à une conclusion satisfaisante.

Original anglais: Mme KOFIE (conseillère technique des travailleurs, Ghana) — Je tiens à exprimer ma gratitude pour la possibilité qui m’est offerte d’intervenir à propos du rapport de la Commission sur la promotion des coopératives. Le rapport dont nous sommes saisis résulte des délibérations consciencieuses, difficiles, et bien mûries, dont tous les groupes de la famille tripartite de l’OIT ont lieu, je crois, d’être satisfaits. Mais au-delà de cela, il devrait être possible à toutes les parties d’apporter le soutien nécessaire à la promotion des coopératives. Elle devrait permettre de relever les défis du chômage, du sous-emploi et décourager le désœuvrement dans les pays en développement qui sont submergés par les problèmes des jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi.

Les coopératives, en tant que concept, présentent bien des avantages. Le fait de les accepter et de vivre selon leurs valeurs peut avoir une incidence positive sur la vie de leurs membres lorsque la gestion s’inspire de pratiques démocratiques et lorsque les membres de ces coopératives assument leurs responsabilités. Tout montre que les coopératives ont transformé la vie de nombreuses personnes qui étaient pauvres, dans l’impossibilité de se faire entendre et tenues par la société à l’écart de toute vie digne et respectable, sans que cela soit de leur faute. C’est un fait que ces sociétés aussi s’en sont trouvées radicalement transformées.

En ce qui concerne l’instrument dont nous sommes saisis, je crois qu’il permettra d’intégrer des segments marginalisés de la société. C’est un véritable espoir pour l’avenir de nombre de nos pays qui n’ont pas encore récolté les fruits de la mondialisation dont jouissent déjà les pays riches et prospères du Nord. Cet instrument rencontrera peut-être au début des difficultés liées à telle ou telle situation. L’OIT devrait prêter son concours à la réalisation de sa vision du travail décent pour la majorité de nos populations. Cela sera possible par la mise en place de programmes d’éducation et de formation et par la fourniture des compétences requises.

Etant donné la richesse de ces documents, il est impératif que les gouvernements accordent la priorité à leur application en adoptant les mesures législatives et politiques appropriées et en allouant les ressources nécessaires pour en faciliter la mise en œuvre. Il faut également lancer des campagnes et des programmes de sensibilisation pour que les gens s’intéressent aux coopératives. Et c’est là que les syndicats devraient puiser dans leur expérience afin d’élaborer des stratégies efficaces de développement de différents types de coopératives, dans l’unité et la solidarité. Je crois que tous ceux qui souhaitent le progrès, qui veulent l’épanouissement des personnes et la création de richesses, voudront assurément éradiquer la misère. Et l’un des moyens les plus sûrs d’atteindre cet objectif consiste à encourager et soutenir les personnes qui ont accepté de manière volontaire de se constituer en coopérative dans l’espoir d’améliorer leur sort économique et social.

Cet instrument est tout à fait essentiel en ce sens que dans cette croisade pour la création d’emplois stables, il est parfaitement conforme aux principes du travail décent, y compris celui de la protection sociale. Pour cette raison, il devrait bénéficier du soutien de tous, car il représente un pont qui permettra d’améliorer les conditions de vie des groupes vulnérables de nos sociétés et de favoriser la justice sociale.

Enfin, il est de notre devoir, et c’est notre responsabilité, de faire en sorte que cet instrument soit adopté et mis en œuvre dans nos pays respectifs en vue de créer, pour nos populations et nos nations, les conditions d’une vie de prospérité et de progrès.

M. TRICOCHE (conseiller technique des travailleurs, France) — La Commission de la promotion des coopératives a adopté un instrument qui se veut de portée universelle tant la diversité des mesures qu’il préconise, ainsi que leur souplesse, peuvent permettre de développer ce type d’entreprises particulières que sont les coopératives, dans l’ensemble des pays, pays en développement autant que pays industriellement développés.

La qualité de l’instrument adopté est le fruit de la vigueur du tripartisme qui fonde l’originalité de l’OIT. Sur un dossier qui nécessite de trouver un juste équilibre entre la place des entreprises commerciales privées et celle des entreprises de type coopérative, entre le rôle des partenaires sociaux et celui plus particulier des gouvernements dans les secteurs qui touchent notamment à l’activité sociale, il a fallu dégager des consensus et ce fut le cas à la commission, ce qui confère à cette recommandation une portée renforcée, tout autant que l’application de ses préconisations dans l’ensemble des régions du monde.

S’appuyant sur la vitalité des coopératives, dont l’action est reconnue dans l’ensemble des secteurs économiques, la recommandation propose des mesures spécifiques que devront prendre les gouvernements pour permettre notamment l’action des coopératives dans les secteurs non pourvus pour accueillir des entreprises de l’économie de marché, et aussi en direction des groupes défavorisés pour faciliter leur insertion dans la société.

D’autre part, la recommandation a pour objet de favoriser la compétitivité des coopératives, particulièrement par la formation et le développement des compétences de gestion de leurs membres, et aussi par un investissement dans les ressources humaines, et en diffusant par l’éducation les principes qui fondent les coopératives dans la société.

Ces principes, qu’il faut rappeler dans la recommandation, sont porteurs d’égalité, de solidarité et d’entraide, mais aussi porteurs d’esprit d’entreprise, de meilleures pratiques de gouvernance et de négociation collective.

Je voudrais insister sur deux axes qui, à mon sens, fondent particulièrement le rôle de cette recommandation. Les coopératives doivent contribuer au développement économique et social en favorisant la création d’emplois décents. En s’inscrivant dans le droit fil de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, la recommandation apporte une contribution positive au volet social de la mondialisation et aux efforts déployés par l’OIT et le BIT dans ce sens.

Enfin, le texte de la recommandation reconnaît que l’équilibre social et économique d’une société exige la présence de trois secteurs forts: un secteur privé, un secteur public et un secteur de l’économie sociale, dans lequel les coopératives doivent constituer le pilier, mais dans lequel on trouve aussi des mutuelles et d’autres formes d’association non gouvernementale.

Les coopératives vont donc contribuer à développer l’ensemble de ces activités dans ces deux secteurs, laissant aux gouvernements leur responsabilité et évitant le phénomène de substitution.

Je voudrais, au regard des arguments déjà avancés, inviter l’ensemble des membres de cette noble assemblée à appuyer cette recommandation dont la portée universelle a été rappelée par les intervenants à plusieurs reprises, et surtout remercier pour leur professionnalisme et leur compétence, l’ensemble des acteurs de la commission, qui ont permis l’élaboration de cet instrument, et particulièrement notre président et les vice-présidents employeurs et travailleurs, particulièrement M.Ibrahim Patel.

Original anglais: M. ROELANTS (conseiller technique et délégué suppléant des employeurs, Italie) — Tout d’abord, au nom des trois confédérations italiennes de coopératives que je représente au sein du groupe des employeurs, j’aimerais remercier les différentes parties qui ont permis l’élaboration de cette recommandation.

Premièrement, le Conseil d’administration du BIT qui a été suffisamment clairvoyant pour inscrire cette question à son ordre du jour.

Deuxièmement, le Bureau international du Travail et plus précisément son service des coopératives pour le travail considérable qu’il a effectué au cours de ces deux ans et demi pour préparer cet instrument.

Troisièmement, les divers représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs qui ont travaillé au sein de cette commission pendant deux sessions de deux semaines, et surtout le président M. Pliszkiewicz (membre gouvernemental, et les vices-présidents), M. Tan (membre employeur) et M. Patel (membre travailleur) ainsi que le rapporteur, Mme Raivio.

J’aimerais également remercier les pays qui ont permis aux représentants des organisations de coopératives d’être officiellement accrédités et ce faisant de faire partie intégrante de chacun des trois groupes, par exemple l’Italie, l’Allemagne, l’Egypte et la Slovaquie pour le groupe des employeurs, le Japon pour le groupe des travailleurs, le Costa Rica, la Pologne, le Kenya et Israël pour le groupe gouvernemental. Il ne s’agit là que de quelques exemples.

Je crois que c’était très important pour garantir le succès des discussions. En fait, nous avons réussi à transmettre le point de vue des coopératives dans leur ensemble– coopératives qui représentent 800millions de personnes– après avoir engagé pendant ces douze derniers mois des consultations au niveau mondial auxquelles ont directement participé des organisations de coopératives venues d’une cinquantaine de pays.

La recommandation telle qu’elle est rédigée n’est pas idéale. Toutefois, il me semble qu’elle peut être très utile. Tout d’abord, elle affirme pour la première fois au niveau international que les coopératives sont en fait des entreprises, autonomes, actives dans tous les secteurs de l’économie. En outre, à l’heure où l’élaboration de normes internationales dans tous les domaines revêt une importance déterminante, la recommandation fixe des règles d’entreprise spécifiques qui s’appliquent aux coopératives. Il est donc très important que les règles sur l’identité coopérative sur lesquelles les trois groupes de la commission se sont mis d’accord correspondent exactement à celles que le mouvement coopératif a établies au niveau interne il y a sept ans, après un très long débat démocratique.

La concordance entre les normes internationales sur les coopératives et les normes internes est très importante, et cela pour deux raisons: d’abord parce que les acteurs des coopératives s’identifieront à ces normes et deuxièmement parce que cela permettra de parvenir plus facilement à un consensus entre les gouvernements, les employeurs et les syndicats, ainsi qu’avec les organisations de coopératives sur des politiques de promotion des coopératives.

En fait, cette recommandation ne porte pas seulement sur l’identité des coopératives mais également sur leur promotion. M. Ivano Barberini, président actuel de l’Alliance coopérative internationale, l’a souligné lors d’une séance d’information organisée au début de la Conférence. Il a dit: «Nous ne demandons pas de privilèges». Comme le souligne également la recommandation, les coopératives produisent des biens sociaux qui sont liés à leur nature même, leurs fonctions et leurs objectifs. Et ce n’est que par cette fonction que ces politiques de promotion se justifient. En effet, les coopératives incarnent un type particulier d’entreprenariat.

En termes d’impact, cette recommandation aura certainement une incidence rapide à tous les niveaux. En fait, cela a déjà commencé, vu que le 3 juin, premier jour de la Conférence, l’Union européenne a approuvé le statut de la société coopérative européenne après dixans de discussion. En outre, la Commission européenne a étudié soigneusement le projet de recommandation du BIT avant de publier en novembre 2001 son propre projet de document intitulé Les coopératives dans l’Entreprise Europe.

Pour conclure, à l’heure où les plus grandes entreprises fusionnent et que des alliances sont créées pour élargir leur champ d’action et pour faire face à la concurrence mondiale, les coopératives sont extrêmement importantes dans le monde parce qu’elles permettent à des citoyens ordinaires d’accroître leurs activités commerciales en mettant en commun leurs ressources, leurs connaissances et leurs informations. A cet égard, leur compétence repose sur un siècle d’expérience.

Actuellement, les coopératives emploient directement 100millions de personnes et beaucoup plus, indirectement. Elles fournissent toute une gamme d’autres biens sociaux que l’emploi dans les domaines du logement, de l’école, de la santé, des services sociaux, et assurent l’insertion de citoyens défavorisés, le redressement d’entreprises en difficultés, etc. En ce sens, les coopératives peuvent intégrer le travail décent, une gestion transparente, responsable et démocratique ainsi qu’un esprit d’entreprise ancré dans l’économie, l’emploi durable et la cohésion sociale.

Les Nations Unies ont estimé en 1994 que la subsistance de près de 3milliards de personnes, c’est-à-dire près de la moitié de la population mondiale était garantie grâce aux entreprises coopératives. Personne n’a certainement osé évaluer ce qu’il adviendrait si les coopératives disparaissaient d’un coup de la surface de la planète, comme dans une horrible histoire de science-fiction. Quels seraient les coûts pour les gouvernements et les sociétés dans leur ensemble? Qui en tirerait profit? Personne, certainement.

En fait, cet instrument, en assurant la promotion des coopératives dans la mesure où elles produisent des biens sociaux conformément à leur nature particulière, à leurs fonctions et à leurs objectifs, peut engendrer une situation dans laquelle il n’y a que des gagnants, en vue d’instaurer une société équilibrée dans laquelle chacun a un rôle à jouer.

Original anglais: M. WOJCIK (délégué des travailleurs, Pologne) — La Commission de la promotion des coopératives a travaillé avec acharnement pendant près de deux semaines, dans un climat de coopération et de bonne volonté pour mettre au point les conclusions de la recommandation sur la promotion des coopératives qui a été adoptée l’an passé. Le résultat de ces efforts communs est à mon sens particulièrement utile et satisfaisant. Je n’ai pas l’intention d’examiner le contenu de ce document dans le détail, mais j’aimerais quand même appeler votre attention sur un passage de cette recommandation, à savoir l’importance de la recommandation pour les personnes handicapées.

Le document qui a été élaboré par l’OIT en 1996, intitulé Employment prospects for disabled people in transition countries, stipulait ce qui suit: «Du fait, en partie, de la longue tradition des coopératives dans les pays de la CEE», la coopérative intégrée, l’une des formes d’entreprise protégée, mérite une mention spéciale. Il s’agit d’un mouvement qui a pris naissance dès 1974 en Italie et qui s’est développé dans les dernières années. Ces entreprises fonctionnent selon les principes des coopératives formées par des groupes de personnes handicapées, principalement des anciens patients en psychiatrie des grands hôpitaux, et souvent en collaboration avec des personnes non handicapées. Cela montre que les personnes handicapées et socialement défavorisées peuvent être des travailleurs fiables, productifs et disciplinés autonomes.

Ces coopératives ont pour but d’être des entreprises productives sur le marché, permettant ainsi aux personnes handicapées d’interagir avec d’autres personnes, à l’intérieur comme à l’extérieur des entreprises.

Ces coopératives visent à augmenter l’autonomie ainsi que le pouvoir et la responsabilité des travailleurs handicapés.

Deux types de coopératives ont vu le jour. D’une part, les coopératives qui permettent d’améliorer les compétences professionnelles et, de l’autre, les coopératives intégrées de production ayant pour but de fournir un emploi à plein temps. Les résultats sont mitigés. Certaines coopératives se sont effondrées, bien d’autres ont survécu, d’autres encore sont devenues autonomes sur le plan financier.

Trois paragraphes de la recommandation sont particulièrement importants pour les personnes handicapées. Il s’agit des paragraphes 5, 7 et 10 et je suis convaincu que c’est une raison suffisante pour voter la recommandation, et j’appelle tous les délégués à procéder ainsi.

Enfin, j’aimerais dire que je tiens à exprimer ma plus profonde reconnaissance envers M. Marek Pliszkiewicz, Président de la commission, ainsi qu’envers les deux Vice-présidents, pour l’excellent travail qu’ils ont accompli.

Original espagnol: M. ZAPIRAIN (conseiller technique des travailleurs, Uruguay) — Nous soumettons à cette plénière le rapport et le texte qui ont été élaborés à la Commission de la promotion des coopératives et nous vous invitons à l’approuver car ce sera un instrument très important et utile pour la promotion de l’idéal coopératif de par le monde.

Ce texte a trois vertus qui en font un bon candidat à l’adoption. D’abord, il s’agit d’un instrument équilibré, qui tient compte de la diversité du secteur, riche et dynamique, des coopératives. Il est le produit d’un consensus auquel un long et fructueux débat a permis d’aboutir.

Ensuite, il s’agit d’un texte qui donne les grandes lignes d’action, les orientations et les grands principes que les Etats Membres devront respecter pour adopter leur politique de promotion des coopératives mais, qui, en même temps, est pragmatique parce qu’il tient compte de la diversité du phénomène coopératif et des réalités nationales.

Enfin, il s’agit d’un instrument normatif bien pensé, qui permettra aux gouvernements de promouvoir des structures coopératives utiles pour l’ensemble de la collectivité.

Cet instrument permettra, d’une part, de renforcer un secteur important de l’économie, et d’autre part, de favoriser la création d’emplois décents dans des conditions de dignité. Cela va dans le sens des droits fondamentaux du travail qui sont repris dans les conventions et les déclarations de l’OIT.

En conclusion, vous avez le texte et les arguments qui ont été avancés et utilisés. Il ne vous reste plus qu’à réfléchir et à adopter la décision juste que vous dictent votre conscience et votre raison, conformément au mandat qui vous a été accordé.

Nous espérons que ce texte sera approuvé tel quel.

Je lance donc un appel en faveur de l’adoption de la recommandation sur la promotion des coopératives.

Original anglais: M. AMPIAH (délégué des employeurs, Ghana) — Au nom des délégués africains de la Commission de la promotion des coopératives et des délégués des employeurs, j’ai l’honneur de vous livrer quelques réflexions sur les recommandations proposées concernant la promotion des coopératives.

Ces recommandations qui sont présentées aujourd’hui résultent de nombreux jours de débats qui visaient à concocter un document acceptable au niveau international et dont la viabilité ne pourra être jugée qu’à l’aune du temps.

Jusqu’à présent, le voyage n’a pas été facile, mais, dans un esprit de respect mutuel, de confiance et de maturité, les partenaires sociaux, qui formaient le groupe, grâce à des concessions et à la volonté de revoir leurs principes dans un esprit de progrès, nous ont permis de parvenir à un document qui fournira quelques orientations sur la promotion des coopératives dans nos pays respectifs.

La position des employeurs sur «l’égalité de traitement des entreprises», qui constitue la base de leur développement durable, a dû être contrebalancée par l’expression «conformément à la législation et à la pratique nationales». Bien que cette expression semble acceptable pour les gouvernements et les travailleurs, je dois malgré tout vous mettre en garde. Si l’on s’appuie trop sur ce principe, les coopératives pourraient en pâtir, ce qui pourrait aboutir à une dilution de l’esprit d’entreprise pour lequel la plupart des nations africaines ont lutté si durement. Nous devrions noter que les marchés du monde entier n’achètent qu’aux entreprises qui sont concurrentielles et qui peuvent fournir des produits de bonne qualité à des prix compétitifs. Il n’y aura pas de traitement préférentiel sur les marchés libéralisés pour les entreprises qui se considèrent comme spéciales. Elles n’auront d’autre choix que de remporter leurs produits et services chez elles et de mettre la clé sous la porte.

Pour nous, employeurs d’Afrique, notre mission en tant que promoteurs de coopératives ne sera remplie que lorsque les coopératives auront acquis une autonomie sur les marchés et lorsqu’elles fourniront des services qui pourront réussir l’épreuve des libres marchés aux niveaux national et international. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous serons convaincus que le potentiel des coopératives aura été pleinement exploité pour le développement des économies nationales et ce n’est qu’à ce moment-là que nous serons certains qu’un autre pilier économique qui permettra de libérer nos populations de la pauvreté aura été érigé. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous aurons l’espoir que les travailleurs des coopératives auront un emploi assuré. Ces étapes ne pourront pas être franchies si nous enfermons les coopératives dans un cocon en prétextant qu’elles sont différentes des autres entreprises car ce sont des coopératives et qu’elles exigent par conséquent un traitement privilégié. En fait, elles doivent prendre leur indépendance.

Il ne fait aucun doute que les coopératives ont un rôle important à jouer pour la cause de l’Afrique en faveur d’une croissance économique et d’un développement durable. Ce rôle est d’autant plus urgent que, comme chacun le sait, le développement économique en Afrique se heurte à des taux de chômage élevés qui continuent d’enfermer nos populations dans la pauvreté, réduisant cruellement les flux d’investissements étrangers directs et tendant de plus en plus à favoriser l’expansion du secteur informel, tendance qui devient chronique.

Les coopératives ont le pouvoir de faire passer les capitaux d’investissement du secteur informel dans le secteur formel. Elles devraient également permettre d’identifier les capacités d’entreprise de nos populations et de développer également l’esprit d’équipe et de copropriété qui est nécessaire au développement des entreprises en Afrique.

Pour réaliser notre objectif de promotion des coopératives, nous ne devrions pas oublier que les gouvernements, les membres des coopératives, les travailleurs et toutes les parties prenantes devraient comprendre que leur engagement doit aller dans le sens des intérêts des entreprises et non dans celui des droits individuels. On ne peut jouir pleinement de ces droits que lorsque le bateau vogue sur une mer calme.

J’aimerais ajouter que cette recommandation n’est pas une fin en soi, que les attentes définies ne seront concrétisées que lorsque nous ferons preuve d’un esprit de concertation, de dévouement et d’engagement au niveau de la mise en œuvre. Cette recommandation ne doit pas venir s’ajouter aux nombreuses solutions magiques que l’on propose pour le développement en Afrique et qui en fait restent lettre morte en attendant de voir la lumière du jour.

C’est dans cet esprit que nous recommandons à cette assemblée l’adoption de ce rapport car c’est un document porteur d’espoir pour les nombreuses personnes dans le monde qui souhaitent créer des richesses et réduire la pauvreté.

Original anglais: M. PHADU (conseiller technique et délégué suppléant des travailleurs, Afrique du Sud) — Monsieur le Président, au nom du Congrès des syndicats sud-africains et des autres organisations de travailleurs d’Afrique du Sud, j’ai le plaisir de prendre la parole au cours de cette 90e session de la Conférence internationale du Travail.

Tout d’abord, je tiens à féliciter l’OIT du travail accompli sous la direction compétente de son Directeur général, M. Juan Somavia, en particulier le travail accompli en faveur du travail décent pour tous.

Ce sont des activités qui se trouvent maintenant renforcées par la recommandation dont est saisie la plénière. Il s’agit de la recommandation sur la promotion des coopératives. Nous appuyons les conclusions de la Commission de la promotion des coopératives ainsi que la recommandation sur la promotion des coopératives, et, à cet égard, j’aimerais faire les observations suivantes.

Les coopératives sont appelées à jouer un rôle unique pour lutter contre l’exclusion économique et sociale de la majorité de la population mondiale. Les coopératives ont vu le jour au tout début du capitalisme, à l’époque où la situation était pour le moins chaotique. L’idée était de répondre aux attentes des travailleurs et de fournir une protection contre les dures réalités du marché.

Pour de nombreuses générations, les coopératives ont répondu aux besoins fondamentaux de leurs membres, par exemple, l’accès à une alimentation de qualité à des prix raisonnables, l’accès à un logement décent et à un travail décent.

La recommandation reconnaît que de tels efforts peuvent être efficaces et durables pour autant qu’ils soient accompagnés de mesures d’appui et de mesures juridiques adoptées par les gouvernements qui reconnaissent les caractéristiques propres aux coopératives. Les coopératives sont en effet différentes des entreprises prises dans le sens classique du terme.

Toutefois, nous reconnaissons tous que les coopératives ne sont certes pas une panacée permettant de régler tous les problèmes sociaux, mais comme le reconnaît la recommandation, une société équilibrée a besoin non seulement d’un secteur coopératif ou d’un mouvement coopératif solide, elle a aussi besoin d’un secteur public solide et d’autres secteurs.

En Afrique du Sud, le gouvernement, le mouvement coopératif, ainsi que le mouvement syndical sont décidés à favoriser le développement des coopératives pour les membres de la société qui se trouvent exclus sur le plan social et économique.

C’est très important car cela permet de mettre en place un cadre qui vient appuyer le développement des coopératives.

Enfin, j’aimerais évoquer les valeurs et principes du mouvement des coopératives que partage le mouvement syndical. Il s’agit de valeurs de solidarité, d’égalité, de principes d’ouverture et d’appartenance volontaire, de contrôle démocratique, d’autonomie, d’indépendance, de souci pour la communauté. Ce sont là des principes et des valeurs que partage aussi la classe des travailleurs et nous pouvons les opposer aux valeurs et principes de la rapacité, de l’individualisme prônés par la libéralisation actuelle.

En Afrique du Sud, le mouvement syndical a l’intention de jouer un rôle important pour développer des stratégies conjointes avec le mouvement des coopératives et pour fournir des services à ses membres sur la base de coopératives et aussi pour réagir à certains des effets négatifs qu’entraîne la mondialisation. Je tiens à féliciter le président de la commission tripartite du succès des travaux de cette commission. Je tiens plus particulièrement à féliciter le vice-président travailleur, M. Brahim Patel, pour le rôle éminent qu’il a joué pour dégager un consensus au sein de la commission. Je recommande en conséquence cet instrument à votre attention et à votre adoption.

M. ATTIGBE (Délégué des travailleurs, Bénin) — Il me plaît de prendre la parole devant notre auguste assemblée pour féliciter les membres de la Commission tripartite chargée d’élaborer et de négocier la recommandation relative à la promotion de coopératives de l’ambiance conviviale dans laquelle les travaux se sont déroulés.

Je voudrais tout particulièrement dire ma satisfaction au Président et aux vice-présidents employeur et travailleur pour leur esprit d’ouverture et leur sens du compromis, qui nous ont permis de parvenir à un consensus. Grâce à leur qualité, nous avons eu affaire à un tripartisme vivant cher à notre institution. Notre vœu le plus ardent est que ce bel exemple de partenariat puisse franchir les murs du BIT et faire école dans nos pays.

Comme vous vous en doutez, la mondialisation, cette nouvelle trouvaille présentée au départ comme une panacée est loin de combler les attentes des populations. Le fossé ne cesse de se creuser entre pays riches et pays en voie de développement. La démocratie, y compris le dialogue interne et la bonne gouvernance sont mis à mal dans bon nombre de pays. A notre avis, l’initiative prise par le bureau du Conseil d’administration du BIT de soumettre à notre Conférence la recommandation sur la promotion des coopératives constitue un début de réponse aux préoccupations majeures de centaines de millions d’enfants, de femmes et d’hommes confrontés quotidiennement à un problème de survie. En effet, l’instrument qui est soumis à notre approbation intègre les préoccupations actuelles aussi bien des pays développés, des pays en transition que de ceux en voie de développement, à savoir la démocratie, la dignité humaine, la responsabilité personnelle, l’entraide, l’égalité, l’équité, la transparence pour ne citer que celles-là. Par ailleurs, la présente recommandation répond à l’un des objectifs de la mondialisation, qui consiste à unir les forces et les moyens pour produire en quantité et en qualité afin de satisfaire les besoins de la communauté.

Il nous revient à cet instant, donc, de saisir cette opportunité que nous offre ce nouvel instrument et sa mise en œuvre, pour qu’il ne connaisse pas le même sort que bon nombre de textes similaires adoptés dans ce type de forum. Le BIT, de concert avec les autres institutions des Nations Unies, doit procéder à sa vulgarisation de manière à ce que la population en soit largement informée. Il en est de même des partenaires tripartites que nous sommes. C’est sur ces mots que je voudrais mettre un terme à ma brève intervention en lançant un appel vibrant pour un vote franc et massif en faveur de cette recommandation par notre Conférence. Je vous remercie.

Original anglais: M. HOWARD (conseiller technique des employeurs, Etats-Unis) — Au nom des employeurs des Etats-Unis d’Amérique, j’aimerais faire quelques observations sur les travaux de la Commission de la promotion des coopératives. Le travail effectué par tous les participants à la Commission a abouti à un document qui, pour citer M. Tan, est un document que nous pouvons tous accepter. L’OIT s’appuie sur des principes solides tels que le dialogue tripartite, la démocratie, la transparence et l’équilibre. Ces principes ont servi l’Organisation et ses mandants depuis plus de quatre-vingts ans. La communauté des entreprises américaines adhère également à ces principes solides et c’est avec ces principes à l’esprit que je ferai quelques réflexions sur le produit final de la recommandation sur les coopératives.

J’aimerais en particulier axer mes remarques sur les points suivants qui, lors des discussions pendant les travaux de la commission, ont été soit ignorés soit dilués dans le texte final de la recommandation.

Premièrement, les coopératives sont des entreprises qui, pour survivre, doivent être dirigées par des personnes qui ont un talent créatif et un esprit d’entreprise pour garantir leur durabilité, et ce pour bénéficier non seulement à leurs membres, mais également aux travailleurs et à la société en général. Bien qu’il y ait eu une référence assez furtive aux compétences et à l’esprit d’entreprise, l’accent a été plutôt mis sur les obligations sociales des coopératives, c’est-à-dire l’accès à l’emploi, le travail décent et l’adoption des droits des travailleurs. Nous pouvons tous convenir qu’il s’agit là d’éléments fondamentaux pour une entreprise mais, en dernière analyse, si la coopérative ou toute autre entreprise échoue, aucun de ces objectifs ne sera réalisé. Nous estimons qu’il pourrait y avoir un plus grand équilibre entre les objectifs commerciaux des coopératives et leur obligation de fournir des emplois et d’aider les membres défavorisés de la société.

Deuxièmement, une recommandation devrait être conçue comme un document qui fournit des orientations générales et larges à ceux qui en bénéficieront et elle ne doit pas dicter dans les détails ce qu’il faut faire, qu’il s’agisse de financement, de crédit, de pénétration sur les marchés, de mandats sociaux ou de droits des travailleurs. En attestent la multitude des conventions de l’OIT qui ont été adoptées ces soixante-dix dernières années et qui sont toutes énoncées dans le préambule de la recommandation. Nous pensons que cette répétition est superflue et qu’à terme elle deviendra contraignante pour les futurs documents. La Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT devrait suffire, et toute autre référence peut prêter à confusion et être redondante pour les personnes qui ne connaissent pas l’OIT.

Le troisième point, essentiel pour nous, est la liberté syndicale et le droit des travailleurs à s’organiser. Nous croyons fermement en ces principes, mais nous croyons également qu’ils sous-entendent la liberté de choix, base de toute démocratie. En d’autres termes, les travailleurs peuvent choisir s’ils appartiendront à une organisation de travailleurs et, dans ce cas, ils peuvent accepter ou refuser de faire partie d’une organisation. La recommandation sur les coopératives ne parvient pas tout à fait à instaurer un équilibre pour la grande majorité des employeurs américains lorsqu’elle dispose, à la section IV, paragraphe 16 a), et je cite: «Les organisations de travailleurs devraient être encouragées à conseiller et assister les travailleurs des coopératives dans l’adhésion à des organisations de travailleurs». Aucune mention n’est faite du fait que la liberté syndicale, principe de l’OIT, implique une liberté de choix.

Quatrièmement, l’inclusion d’un document d’une ONG en annexe à la recommandation n’est pas nécessaire et peut créer un précédent qui pourrait avoir une incidence sur la nature tripartite de cette organisation.

Enfin, nous ne sommes pas favorables à l’insertion du terme «audit social» dans le document, étant donné qu’il s’agit d’un terme qui n’a pas été défini et qui n’a certainement pas une acception universelle. C’est cette absence d’équilibre dans le document qui nous préoccupe et amoindrit notre enthousiasme pour la recommandation sur la promotion des coopératives.

Original anglais: M. RAMAN (conseiller technique des travailleurs, Inde) — Venant de l’Inde et représentant les travailleurs à la Commission de la promotion des coopératives, j’ai l’honneur de prendre la parole devant cette auguste assemblée pour soutenir la recommandation qui nous est proposée.

Essayer de parler du mouvement des coopératives devant cette assemblée éclairée équivaudrait à apporter du charbon à Newcastle ou, devrais-je plutôt dire du chocolat à Genève. Je me limiterai donc à la tâche qui avait été confiée à notre commission et qu’elle a accomplie.

Quatre semaines de discussion tripartite au sein de notre commission, quatre semaines qui se sont étalées sur ces deux dernières années, ont permis de concocter le texte progressiste suivant: Il reconnaît le caractère complexe qui marque les secteurs public et privé d’aujourd’hui. Il défend l’autonomie des coopératives, il identifie les principes des coopératives, il prescrit un code de conduite pour les coopératives, il introduit des mesures de soutien en faveur des coopératives, il précise le rôle des gouvernements, des employeurs et des travailleurs et recommande un cadre politique pour la promotion des coopératives, et surtout il jette les bases d’une forme plus durable d’entreprises, à savoir les coopératives, qui représentent un secteur viable, dynamique et distinct de l’économie qui répond aux besoins sociaux et économiques de la communauté. Il permet de défendre nos intérêts communs en vue de réaliser l’objectif de développement durable.

Ce document est issu d’un consensus auquel nous sommes parvenus au sein de la commission, et il répondra aux aspirations et à l’appel lancé par chacun des mandants tripartites représentés dans cette commission.

Nous demandons non seulement une adoption, mais une adhésion entière à cette recommandation.

Le PRÉSIDENT — La liste des orateurs ayant demandé la parole ce matin est épuisée. Je vous propose maintenant de procéder à l’adoption du rapport qui rend compte des délibérations de la commission. Pour ce qui touche à l’adoption du rapport, paragraphes 1 à 325, avez-vous des objections? Le rapport est adopté.

(Le rapport – paragraphes 1 à 325 – est adopté.)

En l’absence d’objections, puis-je considérer que l’annexe au rapport, qui contient un extrait de la Déclaration sur l’identité coopérative adoptée par l’assemblée générale de l’Alliance coopérative internationale en 1995, est adoptée?

(L’annexe au rapport est adoptée.)

Projet de recommandation concernant la promotion des coopératives: Adoption

Le PRÉSIDENT — J’aimerais maintenant passer à l’adoption du projet de recommandation concernant la promotion des coopératives. S’il n’y a pas d’objections, puis-je considérer que le projet de recommandation est adopté dans son ensemble?

(Le projet de recommandation est adopté dans son ensemble.)

Conformément au paragraphe 7 de l’article 40 du Règlement de la Conférence, les dispositions du projet de recommandation que vous venez d’adopter seront transmises au comité de rédaction de la Conférence afin qu’il établisse le texte définitif de cet instrument. L’examen du rapport de la Commission de la promotion des coopératives et du projet de recommandation qui nous a été soumis pour adoption est maintenant achevé.

Avant de clore la discussion de ce point de l’ordre du jour, je tiens à adresser mes plus chaleureuses félicitations au président, aux vice-présidents et au rapporteur de la commission ainsi qu’à tous ses membres, pour le remarquable travail qui a été accompli. Qu’il me soit également permis de remercier tous les membres du secrétariat qui ont largement contribué aux bons résultats ainsi obtenus.

Le vote par appel nominal sur la recommandation concernant la promotion des coopératives aura lieu en plénière demain matin.

 Dernière modification par HK le 20 June 2002.