L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
ILO-fr-strap

Compte rendu provisoire

8

Quatre-vingt-huitième session, Genève, 2000


Huitième question à l’ordre du jour

Rapport de la mission de coopération technique
du BIT au Myanmar

TABLE DES MATIÈRES

Origine et déroulement de la mission

Discussions techniques avec les instances gouvernementales

Discussions techniques sur la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête

Assistance à la mise en œuvre et au suivi

Entretiens avec les ministres compétents

Entretiens et rencontres avec diverses personnalités, institutions et ambassades

Conclusions des discussions techniques et visites au premier secrétaire du SPDC, Lt-Gen Khin Nyunt.

Conclusions de la mission

Annexe 1 – Recommandations de la commission d’enquête

Annexe 2 – Communication du gouvernement du Myanmar au Directeur général en date du 27 mai 2000

Annexe 3 – Liste des réunions organisées


Origine et déroulement de la mission

L’échange de lettres reproduit dans l’annexe II du document CRP4 entre le gouvernement du Myanmar et le Directeur général depuis le 14 octobre 1999 explique l’origine et le sens de la mission. Il en résulte que le Directeur général n’a consenti à l’envoyer qu’après avoir obtenu l’assentiment des autorités sur le fait que le seul objet d’une telle mission serait «de fournir une assistance technique pour la mise en œuvre immédiate des recommandations de la commission d’enquête selon les conditions de la résolution adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 87e session (1999)».

Il résulte par ailleurs de sa lettre du 10 mai que le Directeur général a insisté pour que la mission puisse disposer des facilités (en particulier la liberté de prendre les contacts qu’elle jugerait utiles) ainsi que des immunités nécessaires pour l’accomplissement de sa tâche. C’est seulement le samedi 20 mai que le Directeur général a reçu, en des termes qu’il a jugés suffisamment précis pour être acceptables, confirmation que tel serait le cas.

La mission est partie pour Yangon le lundi 22 mai. Elle était composée comme suit: M. Francis Maupain, Conseiller spécial du Directeur général; M. Max Kern, chef de la Section de la liberté des travailleurs; M. Carmelo Noriel, fonctionnaire du Bureau régional de l’OIT pour l’Asie et le Pacifique.

La mission était accompagnée de M. Rueben Winston Dudley, Directeur adjoint du Bureau régional de l’OIT pour l’Asie et le Pacifique, et de M. Richard Horsey, conseiller du BIT.

La mission a été accueillie à Yangon le mardi soir 23 mai. Elle a quitté Yangon le samedi 27 dans l’après-midi pour être en mesure de faire rapport en temps utile à la Conférence internationale du Travail. Ne disposant que de trois journées pleines, elle a dû concilier dans ce court laps de temps un programme de discussions intensives avec les responsables des différents départements ministériels concernés, des entretiens avec les ministres du Travail, de l’Intérieur et des Affaires étrangères et, au dernier moment, le premier secrétaire du SPDC, des rencontres et entretiens avec des représentants de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), avec des ambassadeurs et diplomates en poste à Yangon, ainsi qu’avec les représentants de plusieurs organisations internationales.

La mission tient à cet égard à donner acte aux autorités gouvernementales qu’elles ont pleinement honoré leur engagement de laisser à la mission sa liberté d’action et de contacts, en acceptant de réajuster le programme des réunions avec les instances gouvernementales selon les nécessités des rencontres extérieures.

On trouvera en annexe 3 le programme détaillé des rencontres qu’a eues la mission ainsi qu’une liste récapitulative des personnes rencontrées.

Discussions techniques avec les instances gouvernementales

Le programme provisoire proposé par le comité de coordination gouvernemental du Myanmar prévoyait une série de réunions séparées avec les différents services ministériels concernés (ministères du Travail, de l’Intérieur et des Affaires étrangères); ainsi qu’avec des représentants du bureau du Procureur général et de l’administration de la Cour suprême.

La mission a suggéré au comité d’organisation que, compte tenu du peu de temps disponible et de la nécessité de parvenir dans ce peu de temps à des résultats concrets, il serait préférable d’engager les travaux par une séance commune où l’ensemble des départements ministériels et autres organes concernés pourraient être informés du contexte dans lequel la mission se présentait et des objectifs qu’elle croyait pouvoir se fixer.

Une réunion collective s’est donc tenue le mercredi matin. Au cours de cette réunion, la mission a (à la lumière de certains articles parus dans la presse) observé que l’image de l’OIT n’était pas nécessairement très amicale dans certains secteurs mais que, à défaut de la rendre plus amicale, elle pouvait au moins s’efforcer de la rendre plus exacte. A cette fin, la plus grande franchise était de rigueur pour créer une base de confiance. Contrairement aux allégations maintes fois avancées, l’intention de l’OIT n’était en aucune façon de porter atteinte à la souveraineté nationale. La philosophie de l’OIT est celle du volontarisme et du dialogue. Le premier de ces principes signifie que tout pays est libre de devenir Membre de l’OIT et de ratifier ses conventions. Toutefois, lorsqu’un pays a librement accepté de ratifier, ce pays est tenu de respecter ses engagements librement pris. La mission a souligné par ailleurs que, par l’effet de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, l’obligation d’œuvrer à l’élimination du travail forcé est désormais considérée comme inhérente à la qualité même de Membre de l’OIT, qu’il ait ou non accepté les obligations spécifiques résultant de la convention no 29.

En ce qui concerne le deuxième pilier de la philosophie de l’OIT, celle du dialogue, la mission a rappelé que la question qui fait l’objet de la visite n’est assurément pas nouvelle. Elle a fait l’objet depuis de très nombreuses années d’observations de la part de la commission d’experts en vue de remédier aux divergences constatées entre la législation nationale et les obligations résultant des conventions. La Constitution de l’OIT prévoit cependant certaines limites à cette possibilité de dialogue. Ces limites ont été atteintes avec la décision du Conseil d’administration de placer à l’ordre du jour la question de l’application au Myanmar de l’article 33 de la Constitution, suite aux défaillances de ce pays quant à la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête. La mission a brièvement rappelé, à cet égard, les trois catégories de mesures dont la Conférence se trouverait saisie sur proposition du Conseil d’administration et a fourni quelques indications au sujet de la procédure qui serait suivie pour leur examen.

Outre ces propositions, la Conférence se trouverait cependant saisie du rapport de la mission que celle-ci entend faire de manière complète et objective. Il appartiendra alors à la Conférence, au vu de ce rapport et des résultats de la mission, d’apprécier dans sa sagesse les conséquences à en tirer.

La mission a cependant tenu à souligner que, pour convaincre la Conférence, les résultats devaient être concrets, précis et engager les autorités au plus haut niveau. Il faut en effet surmonter le «déficit de crédibilité» qui s’est créé au fil des années par des promesses restées sans suite et qui, d’une certaine manière, s’est élargi du fait de l’attitude à l’égard de la commission d’enquête et de ses recommandations, ainsi que des justifications récentes avancées pour expliquer les carences de l’action sur le plan de la législation. En effet, si, comme cela était souvent avancé, le travail forcé n’existe pas ou est en voie de résorption, il devrait être d’autant plus facile de remédier aux contradictions qui subsistent dans les lois sur les villes et les villages héritées de la période coloniale. L’arrêté no 1/99 laissait à cet égard subsister des lacunes considérables quant à son champ d’application et quant à son contenu.

La modification de la législation ne devrait pas seulement s’avérer relativement aisée, elle était aussi dans l’intérêt évident du pays. Elle donnerait en effet à la communauté internationale et aux autres organisations un signal très fort quant à la volonté de changement. Elle ouvrirait la voie à l’OIT pour apporter son aide pour un suivi éventuel, sous forme de coopération technique.

Les représentants des départements ministériels ont dit apprécier la franchise de cet effort de clarification quant au contexte et aux objectifs de la mission. Les réunions qui ont suivi ont été consacrées à la discussion des aspects juridiques plus spécifiques de la mise en conformité de la législation et de son suivi éventuel.

Discussions techniques sur la mise en œuvre
des recommandations de la commission d’enquête

Conformément au mandat de la mission, qui portait sur la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête[1], un large échange de vues a eu lieu entre la mission et des représentants des ministères du Travail, des Affaires étrangères et de l’Intérieur, du bureau du Procureur général et de la Cour suprême. Cet échange de vues a porté sur les points indiqués ci-après.

A.      Modification de la législation

Les représentants du gouvernement ont fait valoir que l’arrêté no 1/99 promulgué par le ministère de l’Intérieur le 14 mai 1999 (arrêté ordonnant de ne pas exercer les pouvoirs conférés par certaines dispositions de la loi de 1907 sur les villes et de la loi de 1907 sur les villages[2]) a donné effet à la première recommandation de la commission d’enquête en modifiant la législation incriminée. Dans le système juridique du Myanmar, le gouvernement est habilité à légiférer et à modifier les lois, et l’arrêté no 1/99, promulgué à la demande du Conseil d’Etat pour la paix et le développement (SPDC), l’organe législatif, a pleinement force de loi.

La mission a pris bonne note de ce que le gouvernement est habilité à modifier la législation par arrêté mais a fait observer que, comme l’avait noté la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations dans son dernier rapport[3], la loi sur les villages et la loi sur les villes n’ont pas été modifiées; la différence entre modifier les lois elles-mêmes et se contenter de donner instruction à certaines autorités de ne pas exercer les pouvoirs qu’elles confèrent a des conséquences, notamment, pour les droits et obligations de chacun, y compris les citoyens qui peuvent être appelés à fournir un service ou un travail en application des lois. En outre, comme l’a noté la commission d’experts[4], l’arrêté no 1/99 réserve l’exercice des pouvoirs conférés par les dispositions pertinentes des lois sur les villages et les villes de plusieurs manières qui sont incompatibles avec la convention; seule l’exception pour les cas de force majeure prévus à la section 5 (a) est conforme à la convention et pourrait être conservée lors de la modification des lois. Par ailleurs, des suggestions spécifiques ont été faites pour la rédaction.

B.      Mesures prises pour mettre un terme
          à la pratique du travail forcé ou obligatoire

La mission a noté que le gouvernement n’a pas contesté le rapport et les conclusions de la commission d’enquête devant la Cour internationale de Justice, ainsi que l’y autorisaient les dispositions pertinentes de la Constitution. Les représentants du gouvernement ont indiqué que, à la suite de la promulgation de l’arrêté no 1/99, largement diffusé et publié, la pratique du travail forcé ou obligatoire a cessé et ils ont fait état de rapports de différents organes relevant du ministère de l’Intérieur concernant l’application de l’arrêté. Ils ont aussi réaffirmé qu’aucune plainte pour travail forcé ou obligatoire n’a été portée à la connaissance des organes chargés de faire respecter la loi depuis la promulgation de l’arrêté no 1/99. La mission a rappelé qu’elle n’a pas pour mandat d’établir les faits et que la commission d’experts a noté que, dans la pratique, du travail forcé continue à être imposé, en particulier par les militaires.

En réponse à l’observation de la mission notant que l’arrêté no 1/99 ne vise que les pouvoirs conférés par les lois sur les villages et les villes à certaines autorités civiles et qu’il ne porte pas sur les pouvoirs des militaires qui peuvent toujours ordonner aux autorités locales de leur fournir assistance, les représentants du gouvernement ont souligné que l’arrêté a été communiqué à tous les ministères, y compris le ministère de la Défense, et que les militaires doivent donc en tenir compte. La mission a rappelé que, selon les constatations de la commission d’enquête, les militaires, dans leurs ordres demandant de la main-d’œuvre pour du travail ou des services, ne se réfèrent jamais à la loi sur les villages ou à la loi sur les villes et que, selon la commission d’experts, cette pratique se poursuit.

Pour donner effet à la deuxième recommandation de la commission d’enquête, la mission a suggéré de remplacer l’arrêté no 1/99 par un arrêté du Conseil d’Etat pour la paix et le développement (SPDC) ordonnant aux autorités de l’Etat, et en particulier aux autorités militaires, aux forces de sécurité des frontières et à leurs officiers, de ne pas réquisitionner des personnes pour du travail ou des services, à quelque fin que ce soit, et de ne pas ordonner à des tiers de réquisitionner du travail ou des services, que ce travail ou ces services soient ou non rémunérés, sauf dans les cas de force majeure (tels qu’énumérés dans l’arrêté no 1/99). Il a été suggéré d’établir clairement dans le nouvel arrêté que cette interdiction vise notamment, sans s’y limiter, la réquisition de travail ou de services à toute une série de fins bien précisées[5]. Enfin, cette interdiction doit être complétée par des indications positives pour que les autorités civiles ou militaires ayant besoin de main-d’œuvre pour du travail ou des services, à quelque fin que ce soit, prennent au préalable les dispositions budgétaires pour obtenir cette main-d’œuvre par appel d’offres public ou en assurant aux personnes qui souhaitent offrir leur travail ou leurs services des salaires correspondant au taux du marché.

Il y a aussi eu un échange de vues sur la portée de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention pour les menus travaux de village[6].

Les représentants du gouvernement ont décliné l’offre de la mission de présenter par écrit à ce stade de possibles illustrations des amendements requis.

C.      Sanctions à l’encontre de ceux
          qui imposent du travail forcé

En ce qui concerne l’application aux militaires de l’article 374 du Code pénal du Myanmar, qui prévoit des sanctions contre celui qui contraint une personne à travailler contre son gré, les représentants du gouvernement ont, en réponse aux questions posées par la mission, indiqué que le Code pénal s’applique à tout le monde, civils ou militaires, et que, en cas de violation de l’article 374, les militaires seraient passibles de sanctions à la fois au titre du Code pénal et de l’article 72 de la loi de 1959 sur les services de défense. La mission a pris note de l’explication complémentaire des autorités selon laquelle l’imposition de travail doit être «illégale» pour être punissable en vertu de l’article 374 du Code pénal et a rappelé que les dispositions des lois sur les villages et les villes qui permettent aux militaires de demander aux autorités locales de fournir du travail ou des services pourraient devoir être modifiées pour rendre la contrainte au travail que cela signifie «illégale» en droit national et donc punissable en vertu de l’article 374 du Code pénal[7].

Assistance à la mise en œuvre et au suivi

Compte tenu de la complexité de la situation dans laquelle s’inscrivent les pratiques de travail forcé, la mission a évoqué la question de savoir comment l’OIT pourrait apporter un appui à la mise en œuvre du dispositif juridique et pratique visant à mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête de manière à ce qu’il se traduise de manière effective dans les réalités. Les interlocuteurs gouvernementaux ont fait objection à l’idée et au concept de « monitoring » utilisé au cours de la discussion en faisant observer qu’il dépassait les recommandations de la commission et, partant, le mandat de la mission. La mission a indiqué qu’abstraction faite du terme ce qui était en cause, c’était la possibilité d’aider le Myanmar à mettre en œuvre un plan d’opération crédible tel qu’il était évoqué dans la lettre du Directeur général du 10 mai. Dès l’instant où le Myanmar aurait manifesté sa détermination de mettre en œuvre le dispositif législatif, administratif et pratique prévu par les recommandations de la commission, il serait envisageable que le Bureau puisse apporter une assistance et un appui à leur mise en œuvre sous des formes diverses et, le cas échéant, à travers une présence de l’OIT sur place.

Entretiens avec les ministres compétents

Entretien avec le ministre du Travail,
Maj-Gen Tin Ngwe

La mission a présenté au ministre le contexte et les objectifs de sa visite tels qu’ils sont indiqués au premier paragraphe du présent rapport. Elle a souligné que, s’il n’était pas réaliste de s’attendre à ce que, dans le très court laps de temps disponible, il soit possible de mettre sur pied une nouvelle législation ainsi qu’un suivi crédible, cette mission pouvait au moins offrir au gouvernement une occasion de montrer de façon concrète et précise sa volonté de mettre en œuvre les recommandations de la commission.

Le ministre a présenté un exposé détaillé de la situation du pays et du point de vue du gouvernement. Le pays se trouve dans une situation de transition. Le gouvernement n’est pas un gouvernement élu et il doit donc prendre garde à la manière de procéder aux changements des lois et règlements. C’est pourquoi il procède par le biais de directives et d’arrêtés. C’est ainsi que l’arrêté no 1/99 était apparu comme la mesure la plus appropriée. Les lois sur les villes et les villages n’étaient qu’un exemple parmi beaucoup d’autres d’une législation ancienne qui devait être revue de façon globale et systématique. Cela prendrait cependant beaucoup de temps. Entre-temps, cependant, l’arrêté no 1/99 serait appliqué et les contrevenants punis. Mais aucune plainte n’a été reçue jusqu’ici par les autorités. Le ministre s’est interrogé sur la circonstance selon laquelle les plaintes (auxquelles s’est référée la CISL) ne s’étaient manifestées qu’après 1990, alors que c’est avant cette période que, en raison des opérations de pacification, la réquisition des porteurs aux fins des opérations militaires avait été la plus importante. La mission a rappelé qu’elle n’avait pas pour mandat de revenir sur la situation de fait, mais seulement de veiller à la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête. Elle a souligné l’urgence d’une action rapide à cet égard, étant donné que la Conférence serait saisie de la question dès la semaine suivante et que le gouvernement, même s’il n’était pas élu, pouvait donner des gages des actions qu’il entendait prendre à cet effet. Elle a relevé à nouveau que l’amélioration de la situation ne pouvait que rendre de tels changements plus faciles et qu’ils seraient tout à fait conformes à l’intérêt du pays et du rétablissement de relations normales avec l’ensemble de la communauté internationale. Le ministre a répondu qu’il y avait déjà de la part du gouvernement un engagement de principe mais qu’il devait se plier aux procédures appropriées. La mission a donné acte au ministre de cet engagement tout en exprimant le vœu qu’il lui soit possible de lui donner une forme plus concrète avant que la mission quitte le pays.

Entretien avec le ministre de l’Intérieur,
le Col. Tin Hlaing

La mission a à nouveau expliqué l’origine et les objectifs de sa visite en soulignant la nécessité de surmonter le «déficit de crédibilité» résultant de promesses répétées qui n’avaient pas été suivies d’effet et la nécessité de mesures concrètes et spécifiques pour procéder aux changements législatifs nécessaires, ainsi que pour mettre en œuvre un dispositif crédible en vue de leur suivi. La mission a expliqué qu’elle avait déjà tenu des discussions sur les plans technique et juridique au sujet des problèmes qui résultaient des lois sur les villes et villages ainsi que des lacunes de l’arrêté no 1/99 quant à son champ d’application et quant à son contenu. Elle a exprimé l’espoir que le ministre pourrait apporter son assistance afin que des gages précis et concrets quant à une action rapide sur le plan de la législation et de sa mise en œuvre puissent être fournis.

Le ministre a affirmé que les pratiques de travail forcé seraient poursuivies et punies conformément à la loi. Il a cependant contesté qu’il y eût de telles pratiques à présent. Il a souligné les efforts déployés par le gouvernement pour développer le pays malgré l’absence d’assistance extérieure. Il a affirmé l’intention du gouvernement de remettre la direction du pays aux mains d’un gouvernement démocratiquement élu dès qu’une stabilité suffisante serait rétablie sur le plan politique et militaire.

En réponse à une remarque du ministre selon laquelle l’expérience du CICR suffisait à démentir un certain nombre d’allégations extérieures accusant le gouvernement de dissimuler les réalités, la mission a souligné qu’elle s’intéressait en effet à cette expérience et aurait l’occasion d’en apprendre davantage à son sujet. Elle a relevé, par ailleurs, que non seulement des changements législatifs ne semblaient pas impossibles à la lumière des discussions techniques qui s’étaient déjà tenues, mais que ces changements et le message qu’ils feraient passer à l’extérieur étaient manifestement dans l’intérêt bien compris du pays. La mission a souligné que l’OIT serait certainement disposée pour sa part à apporter son aide quant aux points sur lesquels la législation pourrait être modifiée et de quelle manière, ainsi que sur la façon de mettre en œuvre ses recommandations. Mais il fallait d’abord qu’une volonté concrète se manifestât du côté du gouvernement. Le ministre a tenu à remercier la mission pour son avis, en soulignant que le gouvernement avait déjà manifesté son engagement et qu’il s’efforcerait de prendre l’action nécessaire en tenant compte de ce que la mission avait demandé.

Entretien avec le ministre des Affaires étrangères,
M. Win Aung

A nouveau, la mission a présenté le contexte de sa visite et ses objectifs. Le ministre a récusé les accusations de travail forcé en soulignant qu’elles étaient liées à une situation économique et militaire passée. Etant donné les progrès de la pacification dans le pays, le travail forcé dans les infrastructures ainsi que la réquisition des porteurs avaient cessé. Il a souligné que les autorités ne sauraient être animées d’autres sentiments que celui de la plus grande bienveillance à l’égard du peuple du Myanmar dont la mission pouvait elle-même apprécier les qualités humaines et spirituelles. Il a souligné que ce qui importait c’était la volonté du gouvernement et non point les dispositions de lois sur les villes et villages depuis longtemps obsolètes. Il a exprimé l’espoir que la visite de la mission serait suivie par d’autres et que l’OIT apporterait une coopération accrue. La mission a fait observer que, si l’ensemble de ses membres seraient certainement heureux à titre personnel de revenir dans un pays qu’ils n’avaient malheureusement pu qu’entrevoir, l’éventualité d’un tel retour dépendrait cependant des décisions qui seraient prises par la Conférence internationale du Travail à la lumière des résultats concrets de cette visite. La mission se devait en même temps de souligner très clairement que, si, en effet, c’est la volonté du gouvernement qui compte, il ne tient qu’à lui de donner des assurances que les actions requises soient prises et que des textes, datant de la période coloniale et dont il reconnaissait lui-même qu’ils étaient obsolètes, soient modifiés, conformément aux recommandations de la commission d’enquête. Si ces modifications étaient opérées, l’OIT serait certainement disposée à apporter son assistance à la mise en œuvre des changements législatifs et à la mise sur pied d’un plan d’opérations crédible. Dans cette perspective, une présence de l’OIT pourrait certainement devenir envisageable. Le ministre a fait part de sa bonne volonté et, dans l’immédiat, s’est engagé à intervenir afin que la mission, conformément aux vœux qu’elle avait exprimés, puisse avoir l’occasion de rencontrer le premier secrétaire du SPDC.

Entretiens et rencontres avec diverses personnalités,
institutions et ambassades

Entretien avec la Ligue nationale pour
la démocratie (NLD)

La mission a eu le privilège de rencontrer Mme Aung San Suu Kyi, secrétaire générale de la NLD, en présence de M. Aung Shwe, président de la NLD, ainsi que d’autres personnalités de la NLD. Elle a eu ainsi la possibilité d’expliquer l’objectif de la mission, sur l’opportunité de laquelle Mme Suu Kyi s’est d’abord interrogée. La mission a souligné que le Directeur général n’avait pris la décision d’envoyer cette mission que lorsqu’il avait eu la garantie que son objet s’inscrirait strictement dans le cadre fixé par la résolution de la Conférence internationale du Travail en juin 1999, à savoir que son objet serait d’assurer la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête. La mission a ensuite eu un échange de vues assez détaillé au sujet de certaines règles de fonctionnement de la Conférence internationale du Travail.

En ce qui concerne de manière plus spécifique le travail forcé, Mme Suu Kyi a souligné que la NLD était la seule organisation interne du pays à s’intéresser à cette question et à la suivre. Elle a insisté sur la gravité persistante du travail forcé en particulier du fait de son utilisation par les militaires et sur les formes extrêmes qu’il pouvait prendre avec l’enrôlement de soldats enfants. Elle a aussi évoqué de manière plus générale la situation misérable et précaire de l’ensemble des travailleurs qui étaient dépourvus de toute véritable protection sociale, y compris ceux qui étaient employés par des multinationales étrangères. La mission a souligné que son rôle n’était pas de revenir sur des situations de fait, mais de veiller à la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête à travers des changements législatifs et l’établissement d’un système crédible de suivi. Mme Suu Kyi a assuré la mission de son appui et l’a exhortée à rester ferme et résolue.

Rencontre avec des ambassadeurs
en poste à Yangon

La mission a tenu à expliquer le contexte de sa visite et ses objectifs et à répondre autant que possible à l’intérêt que sa visite avait suscité auprès d’un certain nombre d’ambassades ou missions diplomatiques. Cet effort de clarification paraissait d’autant plus opportun que certaines nouvelles d’agence de presse semblaient avoir présenté cette mission comme une mission d’enquête.

Conformément au mandat de la mission, l’objet de ces rencontres n’était pas de réunir des informations sur les faits, bien que, de manière spontanée, certains ambassadeurs ou représentants diplomatiques rencontrés aient livré leurs vues à ce sujet. Il était plutôt d’expliquer la signification de la mission par rapport aux mesures que la Conférence internationale du Travail serait appelée à prendre la semaine suivante, et auxquelles seraient associés les délégués de l’ensemble des pays concernés. L’objet de ces rencontres était aussi de recueillir l’avis des diplomates concernés quant à savoir comment l’OIT pourrait contribuer à aider le Myanmar à mettre en œuvre d’une manière réaliste et efficace les changements demandés. La mission a recueilli un éventail de points de vue assez divers sur l’ensemble de ces questions. Pour des raisons évidentes, il n’en sera pas donné plus de détails dans ce rapport.

Rencontre/débat avec l’équipe de pays des Nations Unies
et des institutions spécialisées à Yangon

Avant son départ, la mission avait pris contact avec le bureau du PNUD à Yangon. Le représentant coordonnateur des Nations Unies à Yangon, M. Patrice Cœur-Bizot, a organisé une réunion avec l’ensemble des représentants des organisations des Nations Unies et des organisations spécialisées (UNICEF, FAO, HCR, PAM, ONUSIDA). Cela a permis à la mission à la fois de répondre à l’intérêt et à la curiosité des collègues des Nations Unies au sujet d’un développement tout à fait inédit dans l’histoire de la coopération entre les Nations Unies et le Myanmar et, d’autre part, de recueillir et confronter leurs expériences respectives dans la mesure, en particulier, où elles pouvaient présenter un intérêt et une utilité pour le suivi de modifications éventuelles dans la législation pertinente et la pratique du Myanmar. Les représentants des différentes organisations se sont exprimés avec liberté et les éléments qu’ils ont apportés complétaient de manière très utile les informations recueillies ailleurs et en particulier auprès des ambassades.

Rencontre avec le délégué du CICR à Yangon

La mission a eu le privilège de s’entretenir assez longuement avec M. Léon de Riedmatten, délégué du CICR au Myanmar. Il a fait part de son expérience concrète de visites dans les prisons et camps où il a pu rencontrer librement aussi bien les prisonniers de droit commun que les prisonniers politiques. L’expérience du CICR paraissait particulièrement digne d’intérêt de plusieurs points de vue. En premier lieu, M. de Riedmatten est de l’avis général l’étranger qui a sans doute la meilleure connaissance des réalités de l’ensemble du pays à travers les visites qu’il y a effectuées dans les prisons et camps de toutes les régions du pays. En deuxième lieu, l’expérience de la coopération du CICR avec les autorités paraît particulièrement significative. En 1995, le CICR avait quitté le pays en raison de l’impossibilité de conduire sa mission dans des conditions acceptables. Son retour en 1999 a suscité au départ un certain nombre de réserves, en particulier du côté de l’opposition et de la NLD. Sa présence est cependant aujourd’hui unanimement appréciée. Le délégué du CICR a pu ainsi expliquer entre autres comment il avait gagné la confiance de l’ensemble des parties.

Visite au vénérable Myatha Sayadaw

Peu avant son départ, la mission a eu encore l’occasion de rencontrer un haut représentant de la communauté bouddhiste. Bien que très brève, compte tenu du peu de temps encore disponible, et en raison du fait que la question du travail fourni à la suite d’une réquisition ne pouvait être abordée que sous l’angle de la doctrine et en aucune façon sur le plan des faits et de la pratique, la mission a tout de même pu obtenir des précisions éclairantes. Il lui a été en particulier indiqué que, si le travail bénévole était méritoire, seuls les travaux effectués par un individu de sa propre volonté étaient susceptibles de lui acquérir de tels mérites.

Conclusions des discussions techniques
et visites au premier secrétaire du SPDC,
Lt-Gen Khin Nyunt

La mission a tenu avec les représentants des différents ministères et organismes gouvernementaux concernés une séance de synthèse le samedi matin. Il est clairement apparu aux deux parties cependant que les discussions détaillées d’un caractère technique et juridique qui s’étaient déroulées au cours des séances précédentes ne pourraient trouver une réponse, ou en tout cas déboucher sur un progrès concret, que par une intervention au plus haut niveau politique. Selon la structure institutionnelle du Myanmar existant à l’heure actuelle, ce niveau est représenté par le SPDC (Conseil d’Etat pour la paix et le développement) (antérieurement Conseil d’Etat pour le rétablissement de l’ordre public) qui représente le pouvoir suprême, détient le pouvoir législatif en l’absence de parlement élu et exerce son contrôle sur l’exécutif représenté par les divers ministres. Quelques heures seulement avant le retour de la mission à Genève (le lieutenant-général Khin Nyunt étant absent de Yangon les jours précédents), elle a pu se rendre à un rendez-vous avec le premier secrétaire du SPDC qui avait accepté de la recevoir malgré son programme très chargé. Cet entretien a eu lieu en présence du ministre des Affaires étrangères et du ministre du Travail.

Le premier secrétaire a affirmé que le Myanmar souhaitait avoir des relations amicales avec l’OIT. Il a présenté en détail les transformations très rapides qui étaient en train de se produire au Myanmar et qui, parfois, étaient la cause de certaines difficultés. Le Myanmar se distingue des autres pays de bien des manières. Il lui reste un long chemin à parcourir pour se mettre à niveau avec ses voisins. Mais le souhait du Myanmar est de ne pas rester comme une île parmi les autres Etats. Son désir est de développer ses relations avec ses voisins, la communauté internationale et les organisations internationales. Des discussions, telles que celles qui étaient en cours, pourraient permettre de créer la base de confiance nécessaire à cet effet.

La mission a remercié le premier secrétaire pour la possibilité qu’elle avait de le rencontrer. Elle a exprimé sa satisfaction pour les arrangements pratiques pris par les autorités, ainsi que pour la liberté qui lui avait été laissée de remplir son mandat. La mission avait pu s’exprimer au cours des entretiens avec une complète franchise. Avec la même franchise, ce dernier entretien permettait à nouveau à la mission de souligner au plus haut niveau de l’Etat que l’obstacle principal à surmonter, dans les relations du Myanmar avec l’OIT, était celui du «déficit de crédibilité» dû notamment à l’attitude du gouvernement à l’égard de la commission d’enquête. Ce «déficit de crédibilité» se trouvait, d’une certaine manière, encore accru par les justifications avancées pour expliquer l’absence de progrès sur les plans législatif et pratique. Si le problème du travail forcé avait disparu ou était en voie de résorption, comme cela était souvent affirmé, la modification d’une législation devenue obsolète ne devrait pas présenter de problème insurmontable. Les discussions approfondies que la mission avait pu tenir sur les plans technique et juridique avaient permis d’identifier clairement ce qui devait être fait. Si les mesures appropriées étaient prises sur ces points précis et mises en application de manière efficace, cela ferait passer un message de première importance à la communauté internationale pour lui faire comprendre, en effet, que, comme l’avait dit le premier secrétaire, le Myanmar ne voulait pas rester une île. Il appartient cependant au gouvernement de tirer lui-même en toute liberté les conséquences logiques de sa volonté d’ouverture. Le mandat de la mission était seulement de faire rapport sur toutes indications concrètes et précises des mesures que le gouvernement était disposé à prendre pour donner effet aux recommandations de la commission d’enquête. La mission donnait une occasion exceptionnelle au Myanmar de faire part de sa volonté d’accomplir un certain nombre de pas concrets et spécifiques pour la mise en œuvre des recommandations de la commission.

Le premier secrétaire a remercié la mission pour la franchise de son propos et a déclaré qu’il en comprenait le sens. Il a expliqué à nouveau en détail les efforts déployés par le gouvernement pour assurer le développement du pays et recréer une unité politique et économique en même temps que pourvoir aux réformes sociales. Il avait réussi, très largement, dans son effort de paix avec la rébellion armée. Toutefois, en raison de l’isolement dans lequel le pays avait été plongé pendant de très longues années, son infrastructure était extrêmement précaire et les améliorations en cours ne pouvaient être que progressives. Les sanctions économiques dont le Myanmar faisait l’objet s’ajoutaient aux autres obstacles. S’il reconnaissait que le recours au travail que l’on dit forcé avait pu se produire pour la construction des infrastructures, ces pratiques avaient cessé avant que le rapport de l’OIT n’ait été achevé.

La mission a rappelé que son mandat n’était pas de discuter la situation de fait et de droit, décrite dans le rapport de la commission, qui, juridiquement, avait désormais la valeur de la chose jugée. Le souci du gouvernement de pourvoir au développement économique et social du pays était tout à fait conforme aux objectifs constitutionnels de l’OIT, mais cet objectif était, selon la philosophie de l’OIT, soumis au respect d’un certain nombre de principes et droits fondamentaux. Chaque travailleur doit avoir la possibilité de développer librement tout son potentiel humain, et cette liberté est aussi la condition d’une véritable efficacité économique. Il est clair par ailleurs que le développement économique du pays pourrait être facilité par la coopération internationale et les investissements. La mission était persuadée que toute manifestation concrète et spécifique de la volonté du gouvernement d’assurer la pleine application des recommandations de la commission pourrait s’avérer décisive. Si la Conférence pouvait être convaincue par ces preuves concrètes, une assistance de l’OIT et, le cas échéant, sa présence sur place deviendraient envisageables.

Le premier secrétaire a fait part de sa confiance que la mission transmettrait un rapport équilibré à la Conférence. Le gouvernement était pleinement conscient que le Myanmar ne pouvait rester isolé à l’heure de la mondialisation. Il espérait que la Conférence internationale du Travail se laisserait guider par des considérations de justice et non par des préoccupations politiques. Les droits de l’homme ne devaient pas donner lieu à discriminations. La mission a conclu en assurant que les procédures de l’OIT donnaient toute garantie que la question serait traitée de façon objective. Il appartenait cependant au gouvernement de donner des gages concrets de sa volonté. La mission a exprimé l’espoir que cela pourrait encore se produire d’ici l’ouverture des travaux de la Conférence.

A la suite de cet entretien, et au moment de prendre congé, trois heures plus tard à l’aéroport, la mission a reçu une communication du ministre du Travail, destinée au Directeur général. Le texte intégral de cette communication figure en annexe 2.

Conclusions de la mission

La mission a souligné à plusieurs reprises au cours des entretiens que son rôle était d’exposer aux autorités du Myanmar ce qui devait être fait pour donner effet de manière crédible aux recommandations de la commission d’enquête, et de faire rapport ensuite à la Conférence au sujet des dispositions que le gouvernement en question entend prendre à cette fin. La lettre remise au Directeur général représente, d’une certaine manière, le résultat de la mission. Le rapport qui précède, même si, par la force des choses, il ne peut donner qu’une vision quelque peu kaléidoscopique du déroulement de la discussion, devrait aider la Conférence à mettre en perspective ce résultat.

Ceci dit, la mission croit utile d’ajouter deux remarques de conclusion à la lumière de ce rapport.

En premier lieu, la mission croit que les recommandations de la commission d’enquête pourraient être satisfaites de manière cohérente et effective si un dispositif d’ensemble d’ordre législatif, gouvernemental et administratif était adopté pour:

  1. rendre illégales dans le droit national l’ensemble des pratiques qui constituent du travail forcé au sens de la convention no 29, et assurer que toutes dispositions de la législation en vigueur qui permettent d’imposer du travail forcé soient abrogées ou modifiées en conséquence;
  2. donner des instructions spécifiques aux autorités de l’Etat et notamment aux responsables militaires quant aux conséquences à tirer de ce qui précède pour les différents types de travaux mentionnés dans le rapport de la commission et superviser leur mise en œuvre de façon que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par une quelconque autorité;
  3. informer de manière adéquate et complète l’ensemble de la population au sujet de ce dispositif ainsi qu’au sujet des peines applicables conformément à l’article 374 du Code pénal et tous ceux qui imposent du travail forcé ou obligatoire; et prendre des mesures concrètes pour que ces peines soient effectivement appliquées en pratique.

En deuxième lieu, comme cela a été indiqué aux autorités du Myanmar par la mission, le Bureau pourrait certainement aider à mettre au point un tel dispositif si la volonté du gouvernement en ce sens se manifeste de manière suffisamment claire aux yeux de la Conférence.

Ainsi qu’il résulte du rapport, la mission a abordé la question de l’appui que l’Organisation pourrait apporter pour la mise en œuvre effective et durable d’un tel dispositif. Elle a relevé que la possibilité d’un suivi éventuel sous des formes diverses, et peut-être sous celle d’une présence de l’OIT sur place, s’inscrivait dans la perspective d’un plan d’opération crédible évoqué par le Directeur général dans sa lettre du 10 mai. Il est clair toutefois que le gouvernement est entièrement libre de le solliciter ou non, de même qu’il appartiendra aux organes compétents de l’OIT d’apprécier si les conditions sont réunies pour que cet appui et cette présence deviennent envisageables.

La mission ne saurait terminer son rapport sans exprimer aux membres du comité de coordination sa gratitude pour l’accueil dont elle a bénéficier, l’excellence des dispositions pratiques qu’ils ont prises et pour leur disponibilité constante et efficace. Elle tient aussi à remercier le Coordonnateur résident des Nations Unies, M. Cœur-Bizot, ainsi que son assistante, Mme Jeanne Lennkh, pour l’appui logistique et pratique qu’ils lui ont apporté afin de réaliser un programme maximum de rencontres dans un laps de temps aussi limité.


Annexe 1

Recommandations de la commission d’enquête

Au paragraphe 539 de son rapport, la commission d’enquête exhorte le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer:

  1. que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, comme l’a déjà demandé la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et comme le gouvernement le promet depuis plus de trente ans et l’annonce de nouveau dans ses observations sur la plainte. Ceci devrait être effectué sans délai et achevé au plus tard le 1er mai 1999;
  2. que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et notamment par les militaires. Ceci est d’autant plus important que le pouvoir d’imposer du travail obligatoire paraît être tenu pour acquis, sans aucune référence à la loi sur les villages ou à la loi sur les villes. En conséquence, au-delà des modifications législatives, des mesures concrètes doivent être prises immédiatement pour chacun des nombreux domaines dans lesquels du travail forcé a été relevé aux chapitres 12 et 13 [du rapport de la commission d’enquête] afin d’arrêter la pratique actuelle. Ceci ne doit pas être fait au moyen de directives secrètes, qui sont contraires à un Etat de droit et ont été inefficaces, mais par des actes publics du pouvoir exécutif promulgués et diffusés à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et dans l’ensemble de la population. Aussi, les mesures à prendre ne doivent pas se limiter à la question du versement d’un salaire; elles doivent assurer que personne ne soit contraint de travailler contre son gré. Néanmoins, il faudra également prévoir au budget les moyens financiers nécessaires pour engager une main-d’œuvre salariée travaillant librement aux activités relevant du domaine public qui sont actuellement exécutées au moyen de travail forcé et non rémunéré;
  3. que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l’article 374 du Code pénal pour le fait d’exiger du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées, conformément à l’article 25 de la convention. Ceci demande de la rigueur dans les enquêtes et poursuites et l’application de sanctions efficaces à ceux reconnus coupables. Comme l’a relevé en 1994 le comité du Conseil d’administration créé pour examiner la plainte présentée par la CISL en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT, alléguant le non-respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, les poursuites pénales engagées à l’encontre de ceux qui recourent à la coercition paraissent d’autant plus importantes que l’absence de délimitations nettes entre travail obligatoire et travail volontaire, qui apparaissait tout au long des déclarations du gouvernement au comité, risque encore de marquer le recrutement effectué par les responsables locaux ou militaires. Le pouvoir d’imposer du travail obligatoire ne cessera d’être tenu pour acquis que lorsque ceux qui sont habitués à exercer ce pouvoir seront réellement confrontés avec leur responsabilité pénale[8].

Annexe 2

Communication du gouvernement du Myanmar
au Directeur général en date du 27 mai 2000

Monsieur le Directeur général,

Je souhaite vous dire ma satisfaction de votre réponse positive à notre demande d’envoi d’une mission de coopération technique à Yangon.

J’ai le plaisir de vous informer que les membres de cette mission et les hauts fonctionnaires des ministères du Travail, de l’Intérieur et des Affaires étrangères, ainsi que du bureau du Procureur général, ont pu avoir des entretiens approfondis au sujet de la convention no 29. J’ai eu également des entretiens utiles avec les membres de la mission. Malgré la brièveté de leur séjour, ils ont eu en outre la possibilité de se rendre aux ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur. Enfin, Son Excellence le lieutenant-général Khin Nyunt, premier secrétaire du Conseil d’Etat pour la paix et le développement, a bien voulu, malgré un emploi du temps très chargé, recevoir les membres de la mission et leur exposer d’une manière franche et ouverte la situation réelle du pays. Ces entretiens ont été fort utiles et ont permis de clarifier les questions à propos desquelles les points de vue différaient.

Le gouvernement a fait le maximum pour faciliter la tâche des membres de la mission et pour leur laisser toute liberté d’action. Notre seul regret est que, faute de temps, ils n’aient pas pu visiter d’autres lieux que Yangon, ce qui leur aurait permis de mieux comprendre la situation du pays.

Nous espérons avoir été en mesure, grâce aux discussions qui ont eu lieu et à la coopération dont a bénéficié la mission au cours de son séjour au Myanmar, de montrer que notre pays fait des efforts sincères pour résoudre le problème des allégations relatives au travail forcé.

Je souhaite profiter de l’occasion pour vous informer que nous avons pris et continuons à prendre les mesures nécessaires pour qu’aucun cas de travail forcé ne se produise au Myanmar. Permettez-moi de dire que notre pays est prêt à envisager des mesures administratives, gouvernementales et législatives propres à assurer que de telles pratiques ne se reproduiront pas dans l’avenir.

A cet égard, les entretiens qui ont eu lieu entre le Myanmar et la mission de coopération technique du BIT ont beaucoup contribué à une meilleure compréhension des questions en cause. Nous espérons ardemment que ce processus de consultation et de coopération technique dans le cadre de la recommandation de l’OIT se poursuivra en vue du règlement de l’affaire. En ce qui me concerne, je me réjouis à l’avance de vous rencontrer au cours de la session de la CIT qui va s’ouvrir.

Veuillez agréer, …

(Signé)   (Major-général Tin Ngwe),
Ministre du Travail,
Union du Myanmar.

Annexe 3

Liste des réunions organisées

La mission a tenu 27 réunions en cinq jours. Elle a rencontré à Yangon le lieutenant-général Khin Nyunt, premier secrétaire du SPDC; trois ministres (Travail, Intérieur, Affaires étrangères) de même que de hauts fonctionnaires des mêmes ministères et du Bureau des études stratégiques, et les directeurs généraux du bureau du Procureur général et de la Cour suprême; le président de la NLD, Aung Shwe, Aung San Suu Kyi et deux autres représentants de la NLD; des représentants de 11 missions diplomatiques, de six organismes des Nations Unies et du CICR; enfin, un haut représentant de la communauté bouddhiste. Avant de se rendre à Yangon, la mission a reçu, à l’aéroport de Bangkok, des informations détaillées de la directrice du Bureau régional de l’OIT pour l’Asie et le Pacifique.

Mardi 23 mai

14 h – 16 h, aéroport de Bangkok

             Mitsuko Horiuchi

Directrice du Bureau régional de l’OIT pour l’Asie et le Pacifique

20 h 30 – 21 h 10, Traders Hotel

             Thaung Tun

Directeur général adjoint, ministère des Affaires étrangères

             Kyaw Tint Swe

Directeur général, département des organisations internationales et de l’économie,
ministère des Affaires étrangères

             Tun Shin

Directeur général, bureau du Procureur général

21 h 30 – 23 h 20, bureau du PNUD

             Patrice Cœur-Bizot

Coordonnateur résident des Nations Unies

             Jeanne Lennkh

Assistante du Coordonnateur résident des Nations Unies

Mercredi 24 mai

11 h – 11 h 45, Traders Hotel

             Htay Maung

Directeur général, département de l’administration générale, ministère de l’Intérieur

             Thaung Tun

Directeur général adjoint, ministère des Affaires étrangères

             Soe Nyunt

Directeur général, département du Travail

             Tin Kyaw Hlaing

Ambassadeur à la retraite, conseiller spécial au département du Travail

             Tin Aye

Directeur général de la Cour suprême

             Sein Myint

Directeur général adjoint, département du Travail

             Jeanne Lennkh

Assistante du Coordonnateur résident des Nations Unies

12 h 30 – 12 h 55, Traders Hotel

             Aung Min

Lieutenant-général de police

             Htay Maung

Directeur, département de l’administration générale, ministère de l’Intérieur

             Thaung Tun

Directeur général adjoint, ministère des Affaires étrangères

             Kyaw Tint Swe

Directeur général, département des organisations internationales et de l’économie,
ministère des Affaires étrangères

             Soe Nyung

Directeur général, département du Travail

             Tun Shin

Directeur général, bureau du Procureur général

             Tin Kyaw Hlaing

Ambassadeur à la retraite, conseiller spécial au département du Travail

             Tin Aye

Directeur général de la Cour suprême

             Sein Myint

Directeur général adjoint, département du Travail

             Kyaw Win

Directeur, département du Travail

             Jeanne Lennkh

Assistante du Coordonnateur résident des Nations Unies

14 h 20 – 15 h 45, Traders Hotel

             Aung Min

Lieutenant-général de police

             Htay Maung

Directeur, département de l’administration générale, ministère de l’Intérieur

             Thaung Tun

Directeur général adjoint, ministère des Affaires étrangères

             Soe Nyung

Directeur général, département du Travail

             Tun Shin

Directeur général, bureau du Procureur général

             Tin Kyaw Hlaing

Ambassadeur à la retraite, conseiller spécial au département du Travail

             Tin Aye

Directeur général de la Cour suprême

             Sein Myint

Directeur général adjoint, département du Travail

             Kyaw Win

Directeur, département du Travail

             Membres du bureau du Procureur général

             Jeanne Lennkh

Assistante du Coordonnateur résident des Nations Unies

16 h – 16 h 50, ministère du Travail

             Major-général Tin Ngwe

Ministre du Travail

             Thaung Tun

Directeur général adjoint, ministère des Affaires étrangères (interprète pour le ministre)

             Kyaw Win

Directeur, département du Travail

             Jeanne Lennkh

Assistante du Coordonnateur résident des Nations Unies

17 h 10 – 17 h 50, ministère de l’Intérieur

             Colonel Tin Hlaing

Ministre de l’Intérieur (avec un interprète)

             Directeur général des prisons

             Directeur général de la police

             Directeur général du département de l’administration générale

             Jeanne Lennkh

Assistante du Coordonnateur résident des Nations Unies

18 h 10 – 18 h 45, Ambassade de Thaïlande

             Pensak Chalarak

Ambassadeur de Thaïlande

Soirée, Traders Hotel

             Phoebe Gomez

Ambassadrice des Philippines

             (Réunion informelle)

 

Soirée

              Lieutenant-colonel
              Hla Min
              (Réunion informelle)

Chef adjoint, département des affaires internationales,
Bureau des études stratégiques

Jeudi 25 mai

8 h 30, Ambassade de Malaisie

            Dato’ Mohammad
            Bin Noh

Ambassadeur de Malaisie

9 h 50 – 12 h, Traders Hotel

             Hla Tun

Brigadier général de police

             Aung Thein

Directeur général, département de l’administration générale, ministère de l’Intérieur

             Thaung Tun

Directeur général adjoint, ministère des Affaires étrangères

             Soe Nyung

Directeur général, département du Travail

             Tun Shin

Directeur général, bureau du Procureur général

             Tin Kyaw Hlaing

Ambassadeur à la retraite, conseiller spécial au département du Travail

             Tin Aye

Directeur général de la Cour suprême

             Sein Myint

Directeur général adjoint, département du Travail

             Kyaw Win

Directeur, département du Travail

13 h – 14 h 20, bureau du PNUD

             Membres de l’équipe de pays des Nations Unies:

 

Patrice Cœur-Bizot

Coordonnateur résident des Nations Unies

 

John Mendis

Représentant de l’UNICEF

 

Francis Rinville

Représentant de la FAO

 

Canh Nguyen-Tang

Chef de mission (HCR)

 

Bradley Guerrant

Représentant du PAM

 

Jennifer Ashton

Représentante de l’ONUSIDA

             Jeanne Lennkh

Assistante du Coordonnateur résident des Nations Unies

15 h – 16 h 45, résidence de Mme Aung San Suu Kyi

             Aung Shwe

Président de la NLD

             Aung San Suu Kyi

Secrétaire générale de la NLD

             Than Thun

Secrétaire aux Affaires du travail, NLD

             U Lwin

Secrétaire aux Affaires juridiques, NLD

18 h 10, ministère des Affaires étrangères

             Win Aung

Ministre des Affaires étrangères

             Khin Maung Win

Ministre adjoint des Affaires étrangères

             Directeurs généraux du ministère

             Patrice Cœur-Bizot

Coordonnateur résident des Nations Unies

Vendredi 26 mai

9 h – 9 h 50, Ambassade du Japon

             Yoshihiko Kamo

Chargé d’affaires à l’Ambassade du Japon

             Yoshinori Yakabe

Premier secrétaire à l’Ambassade du Japon

             Naoki Ito

Conseiller

10 h – 10 h 30, Ambassade des Etats-Unis

             Priscilla Clapp

Chargée d’affaires à l’Ambassade des Etats-Unis

             Debbie Kingsland

Première secrétaire à l’Ambassade des Etats-Unis

10 h 30 – 11 h 30, Ambassade des Etats-Unis

             Priscilla Clapp

Chargée d’affaires à l’Ambassade des Etats-Unis

             Debbie Kingsland

Première secrétaire à l’Ambassade des Etats-Unis

             John Jenkins

Ambassadeur du Royaume-Uni

             Victoria Billing

Deuxième secrétaire à l’Ambassade du Royaume-Uni

11 h 45 – 12 h 35, Ambassade de France

             Ambassadeurs des pays de l’UE:

 

John Jenkins

Ambassadeur du Royaume-Uni

 

Bernard du Chaffaut

Ambassadeur de France

 

Marius Haas

Ambassadeur d’Allemagne

 

Cesare Capitani

Ambassadeur d’Italie

13 h – 14 h

             Léon de Riedmatten

Chef de délégation, CICR

14 h 45 – 15 h 30, Traders Hotel

             Hla Tun

Brigadier général de police

             Aung Thein

Directeur général, département de l’administration générale, ministère de l’Intérieur

             Thaung Tun

Directeur général adjoint, ministère des Affaires étrangères

             Kyaw Tint Swe

Directeur général, département des organisations internationales et de l’économie, ministère des Affaires étrangères

             Soe Nyunt

Directeur général, département du Travail

             Tun Shin

Directeur général, bureau du Procureur général

             Tin Kyaw Hlaing

Ambassadeur à la retraite, conseiller spécial au département du Travail

             Tin Aye

Directeur général de la Cour suprême

             Sein Mynt

Directeur général adjoint, département du Travail

             Kyaw Win

Directeur, département du Travail

16 h 30 – 17 h 10, Ambassade de Chine

             Wang Zong Ying

Chef de la section politique et premier secrétaire, Ambassade de Chine

Soirée, Australian Club

             Douglas Foskett
             (Réunion informelle)

Chargé d’affaires à l’Ambassade d’Australie

Samedi 27 mai

10 h 15 – 10 h 55, Traders Hotel

             Aung Min

Lieutenant-général de police

             Thaung Tun

Directeur général adjoint, ministère des Affaires étrangères

             Kyaw Tint Swe

Directeur général, département des organisations internationales et de l’économie,
ministère des Affaires étrangères

             Soe Nyung

Directeur général, département du Travail

             Tun Shin

Directeur général, bureau du Procureur général

             Tin Kyaw Hlaing

Ambassadeur à la retraite, conseiller spécial au département du Travail

             Tin Aye

Directeur général de la Cour suprême

             Sein Myint

Directeur général adjoint, département du Travail

             Kyaw Win

Directeur, département du Travail

             Représentant du département de l’administration générale

14 h – 14 h 50, Pavillon du gouvernement

             Lieutenant-général              Khin Nyunt

Premier secrétaire, Conseil d’Etat pour la paix et le développement

             Win Aung

Ministre des Affaires étrangères

             Major-général Tin Ngwe

Ministre du Travail

             Thaung Tun

Directeur général adjoint, ministère des Affaires étrangères (traducteur)

15 h 30 – 15 h 50, Centre de méditation

             Vénérable Myatha              Sayadaw

Père supérieur du centre de méditation bouddhiste


[1] Voir annexe 1.

[2] Texte reproduit à l’annexe I du document GB.276/6.

[3] Conférence internationale du Travail, 88e session, 2000, rapport III (partie 1A), observations sur les conventions ratifiées, C.29, Myanmar.

[4] Ibid., paragr. 8 à 14.

[5] La liste suggérée provient des paragraphes 274 et suivants du rapport de la commission d’enquête.

[6] Voir paragr. 213 et 484 à 502 du rapport de la commission d’enquête.

[7] Voir paragr. 514 du rapport de la commission d’enquête.

[8] Paragraphe 539 du rapport de la Commission d’enquête instituée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930. Bulletin officiel, vol. LXXXI, 1998, série B, supplément spécial. Le texte intégral de ce rapport peut être consulté sur le site de l’OIT (http://www.ilo.org/public/french/standards/relm/gb/docs/gb273/Myanmar.html).


No 2 – Vendredi 2 juin 2000


Mise à jour par HK. Approuvée par RH. Dernière modification: 9 juin 2000.