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Conférence
internationale du Travail Rapport V(1) La protection de la maternité au travail Révision de la convention (no 103) (révisée) et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952 Cinquième question à l'ordre du jour
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Table des matières
1. La protection de la maternité au travail
5. Les prestations en espèces et les prestations médicales
6. La protection de la santé maternelle et infantile
Figures
Tableaux
A sa 268e session (mars 1997), le Conseil d'administration de l'Organisation internationale du Travail a décidé d'inscrire à l'ordre du jour de la 87e session de la Conférence internationale du Travail (1999) la révision de la convention (no 103) (révisée) et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952. Le présent rapport sur la législation et la pratique dans les différents pays a été rédigé en vue de faciliter la discussion à la Conférence.
Dès sa fondation en 1919, l'Organisation internationale du Travail a prêté la plus grande attention à la question de la protection de la maternité des travailleuses: l'un des premiers instruments adoptés a été la convention (no 3) sur la protection de la maternité, 1919. En 1952, cette convention a été révisée pour tenir compte de l'évolution de la législation et des pratiques nationales, notamment dans le domaine de la sécurité sociale. Depuis 1952, la participation des femmes à la vie active a beaucoup augmenté et la volonté d'éliminer la discrimination dans l'emploi n'a cessé de s'affirmer, rendant d'autant plus nécessaire la protection de la maternité au travail. Or ni la convention no 3 ni la convention no 103 n'ont suscité beaucoup de ratifications: en juin 1997, 36 pays avaient ratifié la convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, et 17 autres la convention (no 3) sur la protection de la maternité, 1919.
Le présent rapport passe en revue et analyse les principales dispositions légales relatives à la protection de la maternité des femmes qui travaillent dans les Etats Membres de l'OIT. Des exemples montrent que, dans la pratique, la protection effectivement octroyée peut être plus ou, au contraire, moins avantageuse que celle prévue par la loi.
Le chapitre 1 décrit l'évolution de l'emploi féminin dans les Etats Membres depuis 1952 et explique pourquoi les changements observés appellent un réexamen de la protection de la maternité au travail. Les taux de participation féminine à la vie active ont augmenté partout dans le monde, ce qui a renforcé le rôle économique de la femme dans la société et dans la famille. Dans beaucoup de pays, les lois qui protègent la maternité commencent à être considérées comme un moyen de réduire la discrimination que les femmes subissent dans leur vie professionnelle du fait qu'elles sont aussi des mères ou qu'elles pourraient le devenir.
Le chapitre 2 examine le champ d'application de la législation nationale relative à la protection de la maternité et indique quelles sont les catégories couvertes et celles qui en sont exclues. La portée des différentes dispositions régissant le congé, les prestations en espèces et les prestations médicales peut varier selon les textes, d'où une protection qui n'est pas forcément homogène. Une tendance à l'extension de la protection de la maternité à toutes les salariées semble se dégager, mais d'importantes catégories de travailleuses demeurent exclues du champ d'application.
Le chapitre 3 examine les dispositions relatives au congé de maternité dans les différents Etats Membres: durée, répartition avant et après la naissance, nature (obligatoire ou non), prolongation pour cause de maladie ou de complications liées à la grossesse ou à l'accouchement. Sont aussi indiquées certaines conditions d'admission qui peuvent empêcher la femme de bénéficier du congé normalement prévu.
Le chapitre 4 traite des droits fondamentaux en matière d'emploi - protection contre le licenciement et droit de retour au travail antérieur - des femmes enceintes ou allaitantes. Aujourd'hui encore, une femme peut perdre son emploi parce qu'elle est enceinte, et le congé de maternité peut se solder par un licenciement. Dans ce chapitre, on cherche à déterminer jusqu'où va la protection offerte par la législation des Etats Membres et quelles sont ses limites.
Le chapitre 5 porte sur les prestations en espèce et les prestations médicales dont bénéficient les travailleuses pendant le congé de maternité. Il examine l'évolution récente de la sécurité sociale et compare l'étendue de la protection pour ce qui est des soins médicaux et des prestations en espèces dans les différents Etats Membres. Le rôle des employeurs dans la fourniture des prestations de maternité est aussi examiné à la lumière des pratiques en vigueur.
Le chapitre 6 aborde la protection de la maternité sous l'angle de la sécurité et de la santé. Il indique les facteurs pris en considération pour réglementer le temps de travail et interdire les travaux dangereux ou malsains pendant la grossesse et l'allaitement, en passant en revue les mesures adoptées par les Etats Membres pour éviter que le travail ne nuise à la santé de la mère et de l'enfant. Enfin, les divers aspects de l'allaitement - santé, économie - sont examinés à la lumière des dispositions régissant les pauses d'allaitement dans les mois suivant le retour au travail.
Le chapitre 7, au-delà du rôle de la femme dans la procréation, se penche sur la question de l'éducation de l'enfant et examine les dispositions relatives au congé parental, au congé de paternité et au congé d'adoption dans les Etats Membres. Ces différents types de congé sont souvent considérés comme un moyen d'assurer l'égalité des chances en permettant tant aux femmes qu'aux hommes de concilier leur rôle de parent et leur vie professionnelle.
La Conférence internationale du Travail entreprendra la révision de la convention (no 103) (révisée) et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, selon la procédure de double discussion établie à l'article 10 du Règlement du Conseil d'administration et à l'article 39 de son Règlement. En vertu de ce dernier, le présent rapport ainsi que le questionnaire qui l'accompagne doivent parvenir aux gouvernements dix-huit mois au moins avant l'ouverture de la 87e session de la Conférence, en 1999. Afin que le Bureau ait le temps d'examiner les réponses à ce questionnaire et d'établir un deuxième rapport, les gouvernements sont priés d'envoyer leurs réponses de manière qu'elles parviennent au Bureau, à Genève, au plus tard le 30 juin 1998, le second rapport devant leur être adressé quatre mois au moins avant l'ouverture de la session.
Le Bureau souhaite appeler l'attention des gouvernements sur l'article 39 du Règlement de la Conférence internationale du Travail qui, au paragraphe 1, leur demande "de consulter les organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives avant d'arrêter définitivement leurs réponses". Les résultats de ces consultations devront se refléter dans leurs réponses. Les gouvernements sont priés d'indiquer dans leurs réponses les organisations qu'ils ont consultées.
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Ces cinquante dernières années, la protection de la maternité au travail a progressé sur le plan tant de la législation que de la pratique. Les esprits aussi ont évolué en faveur des droits des travailleuses pendant la période de procréation. Malgré ces progrès, la plupart des femmes - sinon toutes - continuent de se heurter un jour ou l'autre dans leur vie professionnelle à un problème fondamental, celui de l'inégalité de traitement dans l'emploi due à leur rôle dans la procréation.
Femmes au travail
Les femmes se ressentent d'autant plus de cette discrimination qu'elles sont de plus en plus nombreuses à occuper de plus en plus longtemps un emploi salarié. De fait, l'accroissement accéléré de la participation féminine à la vie active est l'un des changements les plus remarquables de ces cinquante dernières années. Le taux d'activité des femmes dans le monde est passé de 54 pour cent en 1950 à 66 pour cent en 1990 et devrait atteindre, selon les projections, près de 70 pour cent en l'an 2010. L'augmentation est encore plus spectaculaire dans les régions développées qui, partant d'un taux initial plus bas, 47 pour cent, devraient dépasser les 80 pour cent d'ici à 2010.
Il y a deux générations, les femmes entraient dans la vie active le plus souvent après leur vingtième année, beaucoup arrêtant de travailler quelques années plus tard pour élever leurs enfants. En 1950, le taux mondial d'activité économique des femmes était de 59 pour cent dans le groupe d'âge 20-24 ans et de 54 pour cent dans le groupe 30-34 ans; il se maintenait plus ou moins à ce niveau dans les groupes d'âges suivants jusqu'à 49 ans, pour décroître ensuite rapidement. En 1990, l'évolution du taux d'activité économique dans la vie d'une femme a changé: beaucoup commencent à travailler entre 20 et 30 ans, le pic de participation à la vie active se situe entre 30 et 40 ans et la baisse d'activité s'amorce à 50 ans. Autrement dit, un nombre croissant de femmes ont une activité salariée à l'âge de la maternité.
FIGURE 1. TAUX D'ACTIVITÉ DES FEMMES DANS LE GROUPE D'ÂGE 24-50 ANS EN 1950, 1970, 1990 ET 2010 (MONDE, RÉGIONS DÉVELOPPÉES, RÉGIONS MOINS DÉVELOPPÉES) 1
FIGURE 2. TAUX D'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE PAR SEXE ET GROUPE D'ÂGE EN 1950, 1970, 1990 ET 2010 (MONDE)
Cette courbe d'activité varie sensiblement d'une région à l'autre, ce qui montre l'incidence du niveau de développement économique et des mentalités, en particulier de la perception du rôle économique de la femme. En 1950, en Amérique du Nord et en Europe, le taux d'activité des femmes était relativement élevé entre 20 et 25 ans, montait à nouveau, quoique dans une moindre mesure, entre 35 et 45 ans, et baissait pendant la période de procréation. Ces vingt dernières années, la courbe d'activité des femmes se caractérise de la manière suivante: taux élevé d'entrée dans la vie active à partir de 20 ans, hausse continue de la participation jusqu'à 40-45 ans. A partir de là, elle se rapproche de la courbe d'activité des hommes.
FIGURE 3. TAUX D'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DES FEMMES PAR GROUPE D'ÂGE EN 1950, 1970, 1990 ET 2010 (AMÉRIQUE DU NORD ET EUROPE)
En 1950, en Amérique latine et dans les Caraïbes, c'est dans le groupe d'âge 20-24 ans que le taux d'activité économique des femmes était le plus élevé (27 pour cent); pendant le reste des années de maternité, ce taux tombait à 20 pour cent. La même année, en Océanie, le fort taux d'activité des femmes de 15 à 19 ans (64 pour cent) s'effondrait dans le groupe d'âge correspondant aux années de maternité, pour ne plus dépasser les 27 pour cent après 30 ans. Dans ces deux régions, la participation des femmes à la vie active a plus que doublé et pour certains groupes d'âge presque triplé dans les quarante années suivantes. Elles sont plus nombreuses à travailler - et pendant plus longtemps - au cours des premières années de leur période de procréation.
FIGURE 4. TAUX D'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DES FEMMES PAR GROUPE D'ÂGE EN 1950, 1970, 1990 ET 2010 (AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES, ET OCÉANIE)
En Afrique et en Asie, la courbe d'activité des femmes se présente différemment. Elle reste élevée pendant toute la vie et a comparativement peu évolué depuis 1950. Toutefois, on s'attend à un accroissement de la participation féminine à l'emploi d'ici à l'an 2010, le taux des femmes africaines se maintenant de 60 à 66 pour cent pendant les principales années de procréation, celui des femmes en Asie ne cessant d'augmenter, passant de 67 pour cent dans le groupe d'âge 20-24 ans à 75 pour cent dans le groupe 35-39 ans.
FIGURE 5. TAUX D'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DES FEMMES PAR GROUPE D'ÂGE EN 1950, 1970, 1990 ET 2010 (AFRIQUE ET ASIE)
L'idée que l'homme est le seul soutien économique de la famille est aujourd'hui dépassée. Désormais, dans toutes les régions du monde, de plus en plus de ménages dépendent de deux sources de revenu pour maintenir un niveau de vie décent. Dans beaucoup de pays, le revenu de la femme est indispensable à la survie de la famille. Une étude récente montre que 59 pour cent des femmes qui travaillent en Europe et 55 pour cent aux Etats-Unis contribuent pour 50 pour cent ou plus au revenu du ménage, tandis qu'une femme sur quatre en Europe assure la totalité du revenu familial2. En Inde, selon les estimations, 60 millions de personnes vivent dans des foyers dont l'entretien est assuré par des femmes. A l'échelle mondiale, les femmes sont la principale source de revenu d'environ 30 pour cent des ménages, et la vaste majorité des foyers dont le chef est un homme reçoit des apports des membres féminins sous forme de travail, de revenus et autres services3.
Que signifient ces changements? En premier lieu, le nombre des femmes qui travaillent pendant la période où elles sont en âge de procréer augmente en flèche, ce qui rend d'autant plus impérative la nécessité d'assurer une protection adéquate de la maternité. Il est indispensable que la femme, pour se maintenir en bonne santé et pouvoir retourner au travail, bénéficie non seulement d'un congé de maternité et de soins médicaux appropriés, mais aussi d'un revenu de remplacement pendant son congé, tant pour elle-même que pour le bien de son enfant et de sa famille.
En deuxième lieu, l'entretien de la famille étant de plus en plus assuré conjointement par l'homme et la femme, la discrimination dans l'emploi liée à la maternité effective ou potentielle a des répercussions sur l'ensemble de la société. De fait, les progrès signalés plus haut ne sauraient faire oublier une réalité préoccupante. Partout dans le monde, la travailleuse enceinte s'expose à plusieurs risques: perte de son emploi, suspension de ses gains, dégradation de sa santé, du fait de l'insuffisance des garanties qui lui sont offertes en matière d'emploi et des droits qui en découlent. La situation n'évolue que lentement. A l'aube d'un nouveau siècle, les gouvernements et les partenaires sociaux doivent prendre conscience du fait que, pour une multitude de travailleuses dans le monde, la protection de la maternité reste, pour ainsi dire, un vain mot. Protéger la santé et l'emploi des travailleuses et leur assurer un niveau raisonnable de revenu avant et après l'accouchement est un immense défi qui reste à relever.
La maternité sans risque: un défi à l'échelle du monde
Chaque année, la plupart des 200 millions de grossesses menées à terme dans le monde débouchent sur la naissance d'un bébé vivant d'une mère en bonne santé. Depuis quelques décennies, des efforts gigantesques sont déployés pour améliorer la sécurité sanitaire globale des femmes et le taux de survie des nouveau-nés. Ces efforts ont porté leurs fruits, comme il ressort du fait qu'entre 1970 et 1994 l'espérance de vie des femmes a augmenté et que le taux de fertilité a baissé dans toutes les régions du monde4. Entre 1960 et 1994, les taux de mortalité infantile ont eux aussi chuté, de 60 pour cent dans les Etats arabes (passant de 166 à 67 pour 1000 enfants nés vivants), de 70 pour cent en Asie de l'Est (passant de 146 à 41), de 65 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes (passant de 107 à 38), de plus de 50 pour cent en Asie du Sud (passant de 163 à 73) et de plus de 40 pour cent en Afrique subsaharienne (passant de 166 à 97)5. Ce progrès a coïncidé avec des taux d'emploi féminin élevés ou croissants.
Néanmoins, même s'ils ont baissé, les taux de mortalité maternelle et infantile demeurent inacceptables. De fait, de tous les indicateurs de santé publique, c'est pour le taux de mortalité maternelle que l'on observe les disparités les plus grandes entre pays riches et pays pauvres. Selon les estimations, 99 pour cent des décès maternels dans le monde (plus de 500000) sont enregistrés dans les pays en développement6. Le taux de mortalité maternelle est estimé à 416 pour 100000 enfants nés vivants dans le monde, à 31 pour 100000 dans les pays industriels et à 1 030 pour 100000 dans les pays les moins avancés7. En 1989, la probabilité de mourir d'une cause liée à la grossesse variait de 1 à 15 à 1 à 50 dans le monde en développement et de 1 à 4000 à 1 à 10000 dans le monde développé.
Ces chiffres, pour choquants qu'ils soient, ne représentent que la partie visible de l'iceberg car ils ne tiennent compte, en effet, que des décès officiellement enregistrés. Ils ne tiennent pas compte non plus des millions de femmes qui souffrent de problèmes graves ou chroniques de santé dus à des complications survenues pendant la grossesse et l'accouchement et qui n'ont pas été traitées. Environ 20 millions de cas de morbidité maternelle grave sont enregistrés chaque année et, bien que les taux de mortalité infantile aient chuté ces dernières décennies, 4 millions de nouveau-nés meurent encore chaque année dans le mois suivant la naissance, dont les deux tiers durant la première semaine8.
C'est dans ce contexte de souffrance subie par des millions d'êtres humains et qui, dans une large mesure, pourrait être évitée qu'il faut envisager une convention internationale visant à promouvoir la protection de la maternité.
Les taux de mortalité et de morbidité maternelles dans le secteur formel ne sont pas connus. Toutefois, certains observateurs font remarquer que les femmes qui continuent de travailler pendant leur grossesse, qui bénéficient d'un congé de maternité et retrouvent leur emploi à l'issue de ce congé, risquent beaucoup moins que les autres de se ressentir des effets négatifs de la grossesse du fait qu'elles maîtrisent mieux leur situation économique et qu'elles ont un meilleur accès aux soins de santé pendant la grossesse et l'accouchement et après la naissance. De fait, il apparaît que l'un des moyens fondamentaux de promouvoir la protection de la maternité est de renforcer les droits liés à l'emploi de manière à prévenir le licenciement pour cause de grossesse et à garantir que le congé de maternité n'entraîne pas la cessation discriminatoire de la relation d'emploi.
Egalité dans l'emploi: partout proclamée, nulle part pleinement réalisée
Certes, le taux d'activité des femmes a augmenté dans beaucoup de régions mais la qualité de l'emploi féminin reste nettement inférieure à celle de l'emploi masculin. Des inégalités demeurent dans bien des domaines, qu'il s'agisse des normes de recrutement, des possibilités de formation et de recyclage, de la rémunération ou des perspectives de promotion. Les femmes sont par ailleurs plus exposées au chômage et à la pauvreté9.
Ces inégalités sont à tel point reconnues que plus de 150 pays se sont engagés à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi, en leur assurant notamment "le droit aux mêmes possibilités d'emploi, y compris l'application des mêmes critères de sélection...; le droit au libre choix de la profession et de l'emploi, le droit à la promotion, à la stabilité de l'emploi et à toutes les prestations et conditions de travail, le droit à la formation professionnelle et au recyclage...; le droit à l'égalité de rémunération... aussi bien qu'à l'égalité de traitement pour un travail d'égale valeur"10.
De grandes conférences internationales ont aussi mis l'accent sur la nécessité de mettre un terme à la discrimination dans l'emploi, notamment le Sommet mondial pour le développement social (Copenhague, 1995)11 et la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995)12. La Conférence internationale sur la population et le développement (Le Caire, 5-13 sept. 1994) a appelé les pays à éliminer 13.
Les pratiques discriminatoires touchent parfois à la vie privée dans ce qu'elle a de plus intime. Dans certains pays, les employeurs peuvent demander aux candidates à un emploi qu'elles présentent un test de grossesse négatif, qu'elles se soumettent à un examen gynécologique ou qu'elles fournissent un certificat médical attestant qu'elles sont stérilisées. Ainsi, à propos de l'application par le Brésil de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, la commission d'experts de l'OIT note, citant un rapport présenté au Sénat fédéral par un comité parlementaire mixte d'investigation sur l'incidence de la stérilisation massive des femmes brésiliennes, que dans ce pays 14. Plusieurs pays ont adopté des dispositions pour abolir ces pratiques. Ainsi, au Brésil, les employeurs qui exigent un certificat de stérilisation à l'embauche s'exposent à de lourdes sanctions15. En Colombie, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, l'employeur n'a le droit d'exiger un test de grossesse que pour les emplois et les professions susceptibles d'être dangereux pour une femme enceinte16. Au Chili, le ministère du Travail a préparé un projet de loi qui interdit à l'employeur d'exiger de la candidate à un emploi un certificat médical attestant qu'elle n'est pas enceinte ou de lui demander de s'engager à ne pas le devenir pendant la durée de son contrat17.
Dans certains pays, les employeurs, lors de l'entretien d'embauche, demandent aux candidates si elles ont l'intention d'avoir des enfants. Il arrive qu'on leur pose des questions indiscrètes à propos de leur vie sexuelle (utilisation de contraceptifs, etc.)18. Certains pays s'efforcent de mettre un terme à ces pratiques. Au Royaume-Uni par exemple, la Commission de l'égalité des chances a publié un code pour l'abolition de la discrimination fondée sur le sexe ou le mariage et la promotion de l'égalité des chances dans l'emploi. Il est par exemple recommandé à l'employeur de ne poser, pendant l'entrevue, que des questions relatives aux exigences du poste et d'éviter toute question sur les projets de mariage ou de famille, cela pouvant être considéré comme discriminatoire à l'égard des femmes. Les renseignements nécessaires au dossier personnel du candidat peuvent être réunis une fois faite l'offre d'emploi19.
Une fois recrutée, la femme court le risque de perdre son emploi si elle tombe enceinte et que cela se sait. Il semble que, même dans les pays où cela et illégal, une femme peut être licenciée parce qu'elle est enceinte20. Au Royaume-Uni, plus d'une réclamation sur huit reçues par la Commission de l'égalité des chances concerne des cas de licenciement motivé par la grossesse21. En Espagne, l'Union générale des travailleurs (UGT) fait observer que des employeurs ont licencié des femmes ou n'ont pas renouvelé leur contrat parce qu'elles étaient enceintes et qu'il est arrivé que des contrats d'emploi de durée indéterminée soient offerts à des travailleuses temporaires sous réserve qu'elles renoncent à leurs droits en matière de maternité. Il est indiqué que cela arrive bien qu'il existe des procédures de recours pour les victimes de cette discrimination22.
La vulnérabilité des travailleuses au licenciement pendant le congé de maternité est une préoccupation constante. Il ressort des données de la direction du Ministère public et de l'Inspection du travail de la Fédération de Russie que le nombre de violations des droits des travailleuses a beaucoup augmenté ces dernières années. Il est courant que les femmes soient illégalement licenciées pendant leur congé de maternité ou lorsqu'elles allaitent, en particulier lorsque l'entreprise est en cours de restructuration ou change de propriétaire23. Les conventions nos 3 et 103 sur la protection de la maternité interdisent le licenciement pendant le congé de maternité et la recommandation no 95 dispose que la période de protection s'étend de la notification de la grossesse jusqu'à la fin du premier mois de retour au travail.
Lorsqu'elle reprend le travail, la femme qui vient d'avoir un enfant doit concilier ses responsabilités professionnelles avec ses nouvelles responsabilités familiales. La plupart des femmes assument alors les contraintes d'une double journée et s'efforcent de s'acquitter de leurs tâches au travail tout en répondant aux besoins de leur enfant. Il arrive que certaines subissent le ressentiment de collègues ou un traitement moins favorable de la part de l'employeur24. Il ressort d'une étude récemment effectuée auprès de 793 Chiliennes que 24 pour cent d'entre elles, après avoir repris le travail à l'issue d'un congé de maternité, ont subi une forme ou une autre de traitement défavorable, tel que transfert à un poste inférieur, perte de l'emploi, insultes, mise à l'écart25.
Les femmes cadres peuvent être affectées, directement ou de façon plus subtile, à des postes de moindre prestige et qui présentent moins de perspectives d'avancement. Certains obstacles de fait - réunions d'affaire en début de soirée, présomption de désintérêt pour les missions plus exigeantes - peuvent effectivement empêcher ces femmes de se réintégrer pleinement dans leur milieu de travail et amener certaines à renoncer à toute ambition et à se résigner à des perspectives professionnelles inférieures à celles que leur niveau de qualification leur permettrait d'espérer. Le renoncement à une carrière ne représente pas seulement un manque à gagner à long terme pour la femme et sa famille, mais, globalement, un incalculable gaspillage de potentiel au détriment de la croissance économique26. La discrimination fondée sur la maternité a un coût pour la femme, pour la famille et pour la société dans son ensemble.
Protection de la maternité: une condition de l'égalité
Ces cinquante dernières années, le principe de l'égalité entre hommes et femmes s'est ancré dans les constitutions et la législation des pays du monde entier. Cette consécration légale a profondément modifié l'idée que l'on se faisait du statut de la femme, de son rôle dans la société et de sa contribution à l'économie. Il a fallu reconnaître que l'amélioration de la situation de l'emploi des femmes dépend peut-être moins de mesures protectrices que de l'égalité de chances et de traitement au travail. Les femmes doivent être rémunérées selon des critères non entachés de discrimination fondée sur le sexe si l'on veut établir le fondement matériel de l'égalité. La convention (no 100) sur l'égalité de rémunération, 1951, et la recommandation no 90 qui l'accompagne établissent le principe de la non-discrimination entre hommes et femmes en vue d'assurer l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale.
Ce principe est renforcé avec l'adoption en 1958 de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et de la recommandation no 111 qui l'accompagne. A l'article 1, paragraphe 1, la convention définit comme suit le terme discrimination ~:
a) toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur ... le sexe ..., qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession.
A l'article 2, il est demandé aux Etats Membres qui ratifient la convention de s'engager à formuler et à appliquer une politique nationale visant à promouvoir l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession afin d'éliminer toute discrimination.
Depuis l'adoption de cette convention, la législation sociale et la législation du travail régissant l'emploi des femmes ont progressivement évolué. L'approche purement protectrice, qui visait à limiter l'exposition des femmes aux risques découlant du travail industriel, a été délaissée au profit d'une approche qui vise à promouvoir l'égalité des droits dans l'emploi et l'abolition des pratiques inéquitables. La législation protectrice qui caractérise la première moitié de ce siècle a été revue, mise en question, voire abrogée en raison de ses effets discriminatoires, comme cela a été le cas de l'interdiction générale du travail de nuit, de la limitation des heures de travail et de l'exclusion des femmes de certaines professions ou activités du fait qu'elles étaient des femmes et non de leur incapacité de réaliser le travail.
La Déclaration sur l'égalité de chances et de traitement pour les travailleuses, adoptée en 1975 par les Etats Membres, lie l'interdiction de la discrimination à l'encontre des femmes en raison de la grossesse ou de l'accouchement au droit à la protection de l'emploi pendant la grossesse et pendant le congé de maternité, ainsi qu'aux protections spécifiques prévues par la convention no 103. L'article 8 de la déclaration dispose aux paragraphes 1 et 3:
1. Aucune discrimination ne sera exercée contre les travailleuses en raison de la grossesse ou de l'accouchement et les femmes enceintes seront protégées contre toute mesure de licenciement en rapport avec leur maternité pendant toute la durée de la grossesse et du congé de maternité. Elles auront le droit de reprendre leur emploi sans perte des droits acquis.
3. Etant donné que la maternité est une fonction sociale, toutes les travailleuses bénéficieront pleinement de la protection de la maternité conformément aux normes minima prévues par la convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, et par la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, les frais devant être couverts par la sécurité sociale ou d'autres sources officielles, ou encore grâce à d'autres moyens de financement collectifs.
Par cette déclaration, les Etats Membres de l'OIT expriment leur conviction que l'égalité de chances et de traitement pour les travailleuses ne peut être réalisée que par une combinaison de mesures légales: abolition de la discrimination liée à la maternité; sécurité de l'emploi tout au long de la grossesse; droit à un congé et à des prestations de maternité; droit de reprendre le travail sans perte des droits acquis. L'octroi d'une protection spéciale aux travailleuses pendant la grossesse et après l'accouchement n'est pas considéré comme une exception à l'égalité de traitement, mais comme une condition de la non-discrimination dans l'emploi.
La mission des Etats Membres est claire: il s'agit d'assurer qu'au XXIe siècle la protection de la maternité réalise son double objectif, qui est de préserver la santé de la femme et de garantir ses droits en matière d'emploi pour qu'hommes et femmes puissent travailler ensemble dans des conditions d'égalité.
Notes
1 Les données utilisées pour les figures de ce chapitre sont tirées d'une publication du Bureau de statistique du BIT: Population active, 1950-2010, quatrième édition (Genève, 1996 et 1997).
2 H. Wilkinson et I. Briscoe: Parental leave: The price of family values (Londres, DEMOS, 1996), p. 7.
3 H. O'Connell: Women and the family (Londres, Zed Books, 1994), p. 67.
4 PNUD: Rapport mondial sur le développement humain 1997 (New York, 1997), , tableau 10, p. 245.
5 Ibid., tableau 8: Evolution du développement humain.
6 Nations Unies: Women: Challenges to the year 2000 (New York, 1991), p. 20.
7 PNUD, op. cit., tableau 12: Survie et développement de l'enfant, p. 245.
8 OMS: Le dossier mère-enfant: Guide pour une maternité sans risque, document WHO/FHE/MSM/94.11(Rev.1) (Genève, 1996), p. 8.
9 L.L. Lim: More and better jobs for women (Genève, BIT, 1996).
10 Ce sont là quelques-uns des droits prévus à l'article 11 de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Au 25 mars 1997, 97 pays avaient signé cette convention et 156 l'avaient ratifiée ou y avaient adhéré.
11 La Déclaration et le Programme d'action de Copenhague indiquent au paragraphe 56 b) qu'il faut "éliminer la discrimination fondée sur le sexe ... en matière d'embauche, de rémunération, d'accès au crédit, d'avantages professionnels, d'avancement, de formation, d'affectation, de conditions de travail, de sécurité de l'emploi et de prestations sociales".
12 La Déclaration et le Programme d'action de Beijing fixent, entre autres objectifs stratégiques, l'élimination de la ségrégation professionnelle et de toutes les formes de discrimination dans l'emploi. Le paragraphe 178 c) encourage les Etats membres des Nations Unies à "promulguer et appliquer des lois et mettre au point des règlements interdisant toute discrimination fondée sur le sexe sur le marché du travail, ... en matière d'embauche, de promotion, de rémunération et avantages accessoires et de sécurité sociale, ainsi que les conditions de travail discriminatoires et le harcèlement sexuel; établir des mécanismes pour assurer l'examen permanent de ces lois et le suivi de leur application".
13 Programme d'action de la Conférence, paragr. 4.4 f).
14 BIT: Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport III (partie 4A), Conférence internationale du Travail, 80 e session, 1993, p. 350.
15 Loi n o 9029 du 13 avril 1995. Cette loi vise à interdire les pratiques discriminatoires, y compris l'exigence par l'employeur d'un certificat de grossesse ou de stérilisation aux fins de l'admission à l'emploi ou du maintien de la relation légale d'emploi. (Diaro Oficial, n o 73, 17 avril 1995, p. 1)
16 Arrêté n o 3716 du 3 novembre 1994 du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations: , base de données ILOLEX 1997 (Genève, BIT, février 1995).
17 M.R. Velásquez: , Spotlight, n o 14, juin 1997, p. 2, bulletin du Programme travail et population, Département des politiques de développement, BIT, Genève.
18 Voir BIT: Protection des données personnelles des travailleurs, Recueil de directives pratiques (Genève, 1997): (paragr. 6.5); (paragr. 6.7). Les réponses inexactes ou incomplètes à des questions non conformes à ces principes ne devraient ni être sanctionnées par le licenciement ni entraîner de mesures disciplinaires (paragr. 6.8). Le recueil considère, comme la jurisprudence de beaucoup de pays, que, surtout lors de l'embauche, les travailleurs sont en droit de refuser de répondre aux questions incompatibles avec les dispositions du recueil (paragr. 6.8).
19 C. Palmer: Maternity rights (Londres, Legal Action Group, 1996), p. 26.
20 La convention (n o 158) sur le licenciement, 1982, dispose à l'article 5 que la grossesse ne constitue pas un motif valable de licenciement.
21 Pregnancy_and_dismissal ~, Labour Research (Londres), juillet 1996, p. 23.
22 BIT: Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport III (partie 4A), Conférence internationale du Travail, 80 e session (Genève, 1993), pp. 367-368.
23 Renseignements fournis au BIT par le ministère du Travail et du Développement social de la Fédération de Russie, mars 1997.
24 Le Programme d'action de Beijing recommande, entre autres mesures, d'eliminer la discrimination pratiquée par les employeurs au motif des fonctions deprocreation des femmes , paragr. 178 d).
25 H. Henríquez, V. Riquelme et T. Cárdenas: Las normas que protegen la maternidad en Chile: El comportamiento de las empresas (Santiago, ministère du Travail, Département des études, 1996).
26 BIT: La promotion des femmes aux postes de direction (Genève, 1997).
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Dès qu'elle est enceinte, la travailleuse se trouve confrontée à une multitude de problèmes relatifs à son emploi. Sera-t-elle protégée contre le licenciement pendant sa grossesse et pendant son absence du travail avant et après l'accouchement? Aura-t-elle droit à des prestations en espèces et à des prestations médicales? Si son emploi exige un effort physique, son employeur aura-t-il à modifier provisoirement ses tâches pour ménager sa santé? Les réponses à ces questions figurent dans les dispositions pertinentes de la législation nationale, dont le champ d'application détermine le droit de l'intéressée à une protection.
Les dispositions légales qui définissent les catégories de personnes auxquelles s'applique la protection de la maternité varient beaucoup d'un pays à l'autre. Nous les examinerons ci-après à la lumière des dispositions correspondantes de la convention (n o 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952.
Champ d'application de la convention no 103
Dans la convention n o 103, le terme "femme" désigne de façon générale "toute personne du sexe féminin, quels que soient son âge, sa nationalité, sa race ou ses croyances religieuses, mariée ou non", et le terme "enfant" "tout enfant, qu'il soit né d'un mariage ou non" 1 . Par cette définition du terme "femme", la convention n o 103 établit le principe de la non-discrimination à l'égard de toutes les travailleuses. L'instrument s'applique donc à toutes les femmes sans exception qui sont employées dans les types d'entreprises ou de travaux spécifiés.
Le champ d'application de la convention no 103 est assez large. Il inclut les femmes employées dans les entreprises industrielles aussi bien que les femmes employées à des travaux non industriels et agricoles, y compris les femmes salariées travailleuses à domicile 2 . La convention définit plus précisément les termes "entreprises industrielles" et énumère les branches d'activité concernées dans quatre grands secteurs, publics ou privés: les industries extractives; les industries manufacturières et la production de l'électricité; le bâtiment et les travaux publics; enfin le transport de personnes ou de marchandises par voie ferrée, voie d'eau maritime ou intérieure. L'expression "travaux non industriels" s'applique aux catégories suivantes d'entreprises, publiques ou privées: établissements commerciaux; postes et services de télécommunications; établissements et administrations dont le personnel est employé principalement à un travail de bureau; entreprises de presse; hôtels, pensions, restaurants, cercles, cafés et autres établissements où sont servies des consommations; établissements ayant pour objet le traitement ou l'hospitalisation des malades, infirmes, indigents et orphelins; entreprises de spectacles et de divertissements publics; et travail domestique salarié effectué dans des ménages privés. La convention no 103 s'applique donc aux femmes employées dans quatre catégories d'entreprises industrielles et leurs branches ainsi qu'à celles qui travaillent dans les nombreuses entreprises non industrielles, publiques ou privées, y compris dans l'agriculture 3 et à domicile.
La convention no 103 autorise des exclusions limitées. Outre la possibilité d'exempter les entreprises où sont seuls employés les membres de la famille de l'employeur 4 , elle permet aux Etats Membres de prévoir, par une déclaration accompagnant leur ratification, des dérogations visant certaines catégories de travaux non industriels; les travaux exécutés dans les entreprises agricoles autres que les plantations; le travail domestique salarié effectué dans des ménages privés; les femmes salariées travailleuses à domicile; et les entreprises de transport par mer de personnes ou de marchandises. Tout Membre qui aura fait une telle déclaration sera tenu de présenter un rapport périodique sur l'application de la convention aux catégories pour lesquelles il a prévu des dérogations 5 .
Champ d'application de la législation nationale
Il est difficile de déterminer exactement la mesure dans laquelle la législation nationale couvre les catégories de travaux ou d'entreprises visés par la convention no 103, étant donné la diversité des textes qui assurent la protection de la maternité dans les différents pays 6 . Dans de nombreux pays, les principales dispositions relatives à la protection de la maternité sont toutes réunies dans le Code du travail, auquel cas il existe une seule définition des personnes auxquelles les dispositions s'appliquent. Dans d'autres, les dispositions pertinentes sont éparpillées dans divers textes de loi portant chacun sur un aspect spécifique de la protection de la maternité, tel que la protection de l'emploi, la sécurité sociale, la sécurité et la santé, l'égalité de traitement, pour ne citer que les plus courants. En pareil cas, chaque instrument comporte une disposition distincte indiquant les personnes visées. Le champ d'application peut être identique d'un texte à l'autre, mais tel n'est pas toujours le cas. En outre, il peut aussi être modifié par voie de réglementation ou de convention collective.
Les différences de champ d'application et, parfois, le manque de clarté des dispositions qui le définissent font que la couverture n'est pas toujours complète. Aussi, dans un pays donné, une femme peut avoir droit à certains éléments de la protection de la maternité mais pas à d'autres. Le cas le plus courant est celui de la salariée qui a droit au congé de maternité en vertu de la législation générale du travail, mais pas aux prestations en espèces de la sécurité sociale, la législation dans ce domaine étant plus restrictive 7 .
La convention no 103 s'applique aux femmes employées dans l'ensemble des secteurs d'activité et des catégories de travaux spécifiés. Dans la convention no 102, sont protégées les personnes qui entrent dans des catégories prescrites à raison d'un pourcentage minimal, à savoir: 1) catégories prescrites de salariés formant 50 pour cent au moins de l'ensemble des salariés; 2) catégories prescrites de la population active formant au total 20 pour cent au moins de l'ensemble des résidents; 3) catégories prescrites de résidents formant 50 pour cent au moins de l'ensemble des résidents. Dans les pays dont l'économie n'a pas atteint un niveau de développement suffisant et qui décident d'appliquer la convention de façon progressive, les femmes protégées sont celles qui appartiennent à des catégories prescrites de salariés, formant au total 50 pour cent au moins de l'ensemble des salariés travaillant dans des entreprises industrielles d'au moins 20 personnes. Les épouses des salariés protégés ont droit aux prestations, mais non les salariées d'une catégorie prescrite qui n'atteint pas le pourcentage requis.
Une enquête sur la manière dont la législation nationale désigne les personnes, secteurs d'activité et catégories de travailleurs couverts fait apparaître que dans de nombreux pays le champ d'application est suffisamment étendu pour inclure les entreprises et les travaux visés dans la convention no 103. Néanmoins, d'importants problèmes subsistent quant à la protection des femmes employées dans l'agriculture, ou à domicile, en tant que personnel domestique ou à titre occasionnel, contractuel ou temporaire.
Personnes visées
Dans certains pays, la législation qui régit la protection de la maternité s'applique à toutes les femmes salariées, quoique avec des restrictions importantes tenant notamment à l'âge, au lieu de résidence ou au niveau de revenu.
Dans l'ensemble, la définition du terme "femme" est assez large et concorde avec celle de la convention no 103, mais quelques pays ont des dispositions plus restrictives. Une fourchette d'âge est parfois spécifiée pour l'ouverture du droit aux prestations, mais généralement elle correspond à la période de procréation et va même au-delà. Ainsi, pour avoir droit à des prestations en espèces, les femmes doivent avoir entre 16 et 60 ans à la Dominique, entre 14 et 60 ans en République dominicaine, entre 16 et 64 ans en Finlande. Le droit à des prestations médicales peut être limité aux résidents, question qui sera examinée au chapitre 5.
Il existe d'autres types de restrictions. La protection peut ne pas s'appliquer si le salaire dépasse un certain niveau (Afrique du Sud) ou si la femme occupe un poste de cadre supérieur (Paraguay) ou de directeur (Singapour). Dans certains pays, le droit au congé est parfois limité à un nombre déterminé de grossesses. Dans de rares cas, la femme enceinte ne peut prétendre à aucun droit si elle n'est pas mariée 8 .
Il peut arriver qu'une travailleuse entre dans le champ d'application de la législation nationale relative à la protection de la maternité, mais qu'elle n'ait pas droit aux prestations de sécurité sociale parce qu'elle n'a pas assez d'ancienneté ou qu'elle n'a pas assez cotisé. La législation et les conventions collectives prévoient souvent une période minimale de service de trois à douze mois. Si techniquement elles n'entrent pas dans la définition du champ d'application, les conditions d'admission ont pourtant souvent pour conséquence de restreindre le nombre de bénéficiaires. Ainsi, des femmes qui devraient normalement être protégées ne le sont pas pendant les premiers mois ou la première année de service.
Secteurs d'activité économique
Rares sont les cas où la législation nationale définit les entreprises industrielles et non industrielles visées avec autant de détails que la convention no 103. Les catégories d'entreprises sont souvent spécifiées, mais plus souvent encore le champ d'application définit des secteurs d'activité publics ou privés.
Secteur public et secteur privé
Dans bon nombre de pays, comme le Burundi, le Chili, l'Equateur, l'Egypte, Haïti et le Honduras, la législation relative à la protection de la maternité s'applique aux travailleuses des secteurs tant public que privé, avec parfois quelques exceptions. Les termes "entreprises publiques et privées" sont également utilisés dans d'autres pays, notamment l'Indonésie. Il s'ensuit en général une couverture étendue, malgré les dérogations légales.
Les travailleurs du secteur public, y compris les fonctionnaires et d'autres catégories de travailleurs employés par l'administration centrale ou par les collectivités locales, relèvent d'ordinaire d'une législation distincte en matière de protection de la maternité, comme c'est le cas en Equateur, en Grèce, en Inde, au Japon, au Luxembourg, à Madagascar et au Togo. Les dispositions sont souvent plus favorables que celles qui s'appliquent au secteur privé. Par exemple, les fonctionnaires ont parfois droit à un congé de maternité plus long ou à des prestations en espèces correspondant à un pourcentage plus élevé de leur salaire.
Secteur industriel et secteur non industriel
Certains pays mentionnent dans la définition des entreprises visées non seulement le secteur public et le secteur privé, mais aussi des branches d'activité spécifiques. En Allemagne, au Cambodge, au Liban, au Népal, la législation couvre des branches d'activité ou établissements industriels en général. Certains pays énumèrent également des catégories de branches d'activité. Sont expressément visées les usines et les industries extractives au Bangladesh et en Inde, les industries extractives et le bâtiment en République islamique d'Iran et les systèmes de transport au Cambodge. Certains pays font aussi spécialement mention du secteur non industriel: établissements commerciaux (Ghana, Grèce, Inde et Japon), services administratifs (Ghana), entreprises employant des personnes pour des spectacles de cirque ou autres représentations (Inde).
Il peut arriver, mais c'est assez rare, qu'un secteur économique fasse l'objet d'une dérogation. Certains pays, par exemple, ne protègent pas les travailleuses employées dans le transport des marchandises et dans des entreprises non industrielles, telles que théâtres et journaux, ou encore dans l'industrie de la pêche, exclusion qui ne figure pas dans la convention. Toutefois, dans la majorité des pays, la législation nationale assure une protection de la maternité aux femmes employées dans les entreprises industrielles et non industrielles du secteur privé.
Agriculture
Les travailleuses du secteur agricole sont expressément couvertes - souvent par une législation séparée - dans des pays comme Bahreïn, le Belize, le Cambodge, le Ghana, la Guinée-Bissau, la République islamique d'Iran, l'Italie, le Liban, la Grèce, la Hongrie, Madagascar et la République tchèque. Dans certains pays (Angola, Egypte), seules les travailleuses agricoles permanentes sont couvertes. En Inde, les travailleuses des plantations bénéficient d'une protection, de même qu'au Népal et au Pakistan (plantations de thé). Ces dernières années, plusieurs pays, dont l'Argentine, l'Equateur et le Portugal, ont étendu la protection de la maternité aux travailleuses agricoles.
En revanche, cette catégorie n'est pas couverte dans de nombreux pays comme l'Arabie saoudite, la Bolivie, le Brésil, la Dominique, El Salvador, le Lesotho, le Pérou, les Philippines, le Soudan, le Swaziland, la République arabe syrienne, la Turquie et le Yémen. Cette exclusion concerne une proportion importante de la main-d'?uvre féminine dans les pays où le secteur agricole est prépondérant, à savoir: 16 pour cent des salariées en Arabie saoudite; 28 pour cent en Bolivie; 10 pour cent au Brésil; 86 pour cent au Lesotho; 26 pour cent au Pérou; 34 pour cent aux Philippines; 84 pour cent au Soudan; 74 pour cent au Swaziland; 60 pour cent en République arabe syrienne; 84 pour cent en Turquie; 45 pour cent au Yémen 9 . L'exclusion des travailleuses agricoles prive donc un nombre considérable de femmes de toute protection de la maternité.
Catégories d'entreprises
L'une des caractéristiques de l'entreprise parfois utilisées pour délimiter le champ d'application de la législation nationale est le nombre de salariés, ce qui s'explique par la difficulté, pour les petites entreprises, de se conformer à la loi. Une enquête menée auprès d'employeurs du Royaume-Uni montre que, sur dix entreprises de moins de 25 salariés, quatre ont du mal à faire face à la charge de travail accrue qui résulte d'un départ en congé de maternité, contre deux sur dix entreprises de 25 à 499 salariés et moins d'une sur dix de plus de 500 salariés 10 . Aux Etats-Unis, la loi sur le congé familial et médical s'applique uniquement aux entreprises d'au moins 50 salariés, les entreprises d'au moins 15 salariés relevant de la loi fédérale sur les droits civils, qui interdit la discrimination à l'égard des femmes au motif de la grossesse.
Les entreprises employant moins d'un certain nombre de salariés sont exclues du champ d'application de la législation dans certains pays. C'est le cas en Inde des établissements commerciaux de moins de dix salariés, au Myanmar et au Népal des entreprises industrielles de cette taille et en République de Corée, en Jordanie et au Koweït des entreprises de moins de cinq salariés. La taille de l'entreprise est un critère qui peut priver de protection un très grand nombre de femmes, selon la répartition de la main-d'?uvre féminine sur le marché du travail. En République de Corée, 65 pour cent des salariées travaillent dans des entreprises de moins de cinq personnes 11 ; or seules les femmes employées dans des entreprises de plus de cinq travailleurs permanents ont droit à un congé et à des prestations.
D'autres caractéristiques peuvent être spécifiées dans la définition du champ d'application, notamment, comme dans la législation cambodgienne, la nature religieuse ou caritative de l'entreprise, ou son caractère familial. Les entreprises où sont employés les membres d'une même famille sont exclues dans beaucoup de pays, par exemple en République dominicaine, au Guyana, à Haïti, en Iraq, au Japon, en Jordanie, à la Grenade, au Mexique, au Myanmar, en Ouganda, au Pakistan, à Sainte-Lucie, en République-Unie de Tanzanie et en Tunisie. L'exclusion se limite parfois aux travailleurs d'une même famille employés par un conjoint ou parent, comme dans la province australienne de Nouvelle-Galles du Sud, ou aux membres de la famille vivant sous le même toit, comme en République de Corée.
Catégories de travailleuses
Le champ d'application de certaines législations nationales est défini non seulement en fonction du secteur dans lequel la femme travaille et des caractéristiques de l'entreprise qui l'emploie, mais aussi de la catégorie professionnelle ou du type de travail effectué. Diverses catégories de travailleuses sont expressément visées, par exemple les acrobates, les comédiennes, les artisans, les artistes, les athlètes, le personnel domestique, les travailleuses à domicile, les travailleuses intellectuelles, les travailleuses du secteur de l'assurance, les man?uvres ou travailleuses manuelles, les professions libérales (médecins, avocates), les représentantes de commerce, les travailleuses du secteur des services, les chauffeurs de taxi, et autres professions non spécifiées.
D'autres catégories sont expressément exclues, notamment les femmes travaillant dans les secteurs de la pêche et de la chasse (Territoire du Nord-Ouest, Canada), les travailleuses à domicile, le personnel domestique, les vendeuses, les travailleuses non couvertes par des conventions collectives et les travailleuses à temps partiel, les groupes les plus importants étant les travailleuses à temps partiel, les travailleuses à domicile et le personnel domestique.
Travailleuses à temps partiel
Les femmes constituent une large proportion de la main-d'?uvre à temps partiel. La part des femmes dans l'emploi à temps partiel était la suivante en 1995 dans différents pays de l'OCDE: 63 pour cent en Grèce, 69 pour cent au Canada, 70 pour cent au Japon, 74 pour cent en Australie, 88 pour cent en Belgique. Les femmes exerçant une activité à temps partiel représentent 8 pour cent de toutes les femmes salariées en Grèce, 28 pour cent au Canada, 35 pour cent au Japon, 43 pour cent en Australie et 30 pour cent en Belgique 12 . La même année, 85 pour cent des nouveaux emplois (net) occupés par des femmes dans les pays de l'Union européenne étaient des emplois à temps partiel 13 . La convention no 103 s'applique implicitement aux travailleuses à temps partiel occupées dans les secteurs ou aux travaux visés; en revanche, la convention (no 175) sur le travail à temps partiel, 1994, engage expressément les Membres qui la ratifient à assurer que les travailleurs à temps partiel bénéficient de conditions équivalentes à celles des travailleurs à plein temps se trouvant dans une situation comparable notamment dans le domaine de la protection de la maternité, étant entendu que les prestations pécuniaires pourront être déterminées à proportion de la durée du travail ou des gains.
Les travailleuses à temps partiel sont généralement couvertes par la législation nationale relative à la protection de la maternité. Celle-ci l'indique parfois expressément, comme en Côte d'Ivoire, à Cuba, à la Grenade et en République tchèque. S'il est rare qu'elles soient expressément exclues 14 , les travailleuses à temps partiel peuvent néanmoins avoir du mal à remplir les conditions ouvrant droit à prestations - ancienneté, période minimale de cotisation -, notamment parce que cela prend beaucoup de temps. En Espagne, la femme doit avoir travaillé 180 jours pour être admise au bénéfice de prestations. Si elle est occupée à temps partiel, il lui faudra beaucoup de temps pour atteindre l'équivalent de 180 jours. Un grand nombre de travailleuses peuvent ainsi être privées de protection.
Travailleuses à domicile
La restructuration des entreprises et l'évolution du marché du travail se sont traduites par une augmentation du travail à domicile ces vingt dernières années. Le travail à domicile s'entend généralement de la production de biens ou de la prestation de services pour le compte d'un employeur dans un lieu choisi par le travailleur, souvent chez lui. Des enquêtes montrent que les femmes forment le gros des effectifs des travailleurs à domicile, à savoir 90 à 95 pour cent en Allemagne, en Grèce, en Irlande, en Italie, au Japon et aux Pays-Bas 15 . Il ressort d'une enquête que, dans l'industrie australienne du vêtement, 95 pour cent des travailleurs à domicile sont des femmes. Dans les pays en développement, les pourcentages de femmes travaillant à domicile sont également élevés: près de 90 pour cent - soit près de 2 millions, dans le secteur des bidis (cigarettes) en Inde et dans la confection au Brésil. En Algérie, 97 pour cent des travailleurs à domicile recensés dans une enquête publiée en 1991 étaient des femmes. La convention (no 177) et la recommandation (no 184) sur le travail à domicile, adoptées en 1996 par la Conférence internationale du Travail, disposent que l'égalité de traitement entre les travailleurs à domicile et les autres travailleurs salariés doit être promue, en particulier en ce qui concerne la protection de la maternité.
Les travailleuses à domicile sont expressément couvertes par les lois sur la protection de la maternité dans plusieurs pays, comme l'Allemagne, le Chili, la République dominicaine, la France, la Guinée, la Hongrie, l'Islande et la République tchèque. En Autriche et aux Pays-Bas, la législation de la sécurité sociale s'applique à celles dont les gains sont supérieurs à un niveau minimum déterminé. Les travailleuses à domicile font l'objet d'une exclusion expresse en Argentine, à la Barbade, aux Philippines, au Swaziland et en Turquie. Dans la plupart des cas, la législation nationale ne mentionne pas expressément les travailleuses à domicile, qui ne sont protégées que si elles sont considérées comme des salariées ou des personnes "employées", et non comme des travailleuses indépendantes. Des groupes de défense des travailleurs à domicile 16 affirment que, parfois, c'est pour ne pas avoir à cotiser à la sécurité sociale que les employeurs engagent des travailleurs à domicile à titre occasionnel et non permanent.
Personnel domestique
Que ce soit dans les pays industriels ou dans les pays non industriels, les femmes représentent une forte proportion du personnel domestique. Dans certain pays, notamment la Belgique, la République dominicaine, l'Equateur, Fidji, la Grèce, la Guinée, le Honduras, l'Italie, la Jamaïque et le Maroc, le personnel domestique est couvert par la législation sur la protection de la maternité. Dans d'autres, comme l'Algérie et Sao Tomé-et-Principe, les employées de maison sont protégées, mais en vertu d'une législation distincte. Cependant, il est bien plus fréquent qu'elles en soient expressément exclues, comme c'est le cas dans les pays suivants: Afrique du Sud, Angola, Arabie saoudite, Argentine, Cambodge, République de Corée, El Salvador, Egypte, Emirats arabes unis, Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Haïti, Iles Salomon, Japon, Jordanie, Koweït, Liban, Jamahiriya arabe libyenne, Népal, Pérou, Philippines, Singapour, Soudan, Swaziland, République arabe syrienne, Thaïlande, Turquie, Yémen.
Ces exclusions peuvent toucher des effectifs très nombreux. En 1995, aux Philippines, la plupart des 766200 employés de maison étaient des femmes 17 .
Travailleuses occasionnelles, temporaires
ou
occupées en sous-traitance
Ces dernières années, l'emploi féminin occasionnel, temporaire ou en sous-traitance a augmenté. Au Royaume-Uni, en 1995, 770000 femmes, soit 8 pour cent de la main-d'?uvre féminine, qualifiaient leur emploi de "non permanent", qu'il s'agisse par exemple d'un "contrat de durée déterminée", d'un "travail temporaire obtenu par l'intermédiaire d'un bureau de placement" ou de travail "occasionnel" 18 . Ces catégories relèvent parfois du champ d'application de la loi, comme c'est le cas des travailleuses occupées en sous-traitance en Belgique et des travailleuses temporaires ou occasionnelles en République dominicaine. En Dominique, les travailleuses temporaires sont protégées à partir de la troisième semaine de service et, en Colombie, les travailleuses temporaires ou occasionnelles le sont après un mois de service.
Mais il arrive souvent qu'elles fassent l'objet d'exclusions expresses, comme c'est le cas des travailleuses occasionnelles en Afrique du Sud, en Angola, en Autriche, à Bahreïn, au Belize, au Brésil, au Guyana, à Haïti, aux Iles Salomon, au Koweït, à Sainte-Lucie, au Sri Lanka, au Viet Nam, au Yémen et au Zaïre et des travailleuses temporaires au Bahreïn et au Koweït. Même lorsqu'elles ne sont pas expressément exclues, il arrive que beaucoup de travailleuses de ces catégories ne bénéficient d'aucune protection, car elles ne parviennent pas à satisfaire aux critères requis d'ancienneté ou de durée minimale de cotisation à la sécurité sociale.
Vers un élargissement du champ d'application
Malgré la diversité des modes de détermination du champ d'application selon les pays, la présente étude montre que, dans la majorité des cas, la législation nationale relative à la protection de la maternité assure une couverture qui s'approche de celle prévue par la convention no 103, voire qui est plus étendue, et que la tendance est à l'extension d'une large protection à toutes les salariées. Les femmes sont généralement protégées dans l'ensemble des secteurs industriels et non industriels, publics ou privés. Il apparaît, en outre, que les Etats Membres octroient le droit aux prestations à des catégories de travailleuses autrefois exclues, comme par exemple les employées de maison au Brésil, en Jamaïque et au Portugal, les travailleuses agricoles en Argentine, en Equateur et au Portugal et les travailleuses à temps partiel en Côte d'Ivoire, en Espagne et à Singapour. Dans certains pays, même les femmes travaillant à leur compte sont désormais admises au bénéfice de prestations (Espagne, Finlande, Luxembourg, Portugal et Suède). C'est, pour toutes les travailleuses concernées, un immense progrès. Cependant, il reste encore beaucoup de laissées-pour-compte dans le secteur agricole, ainsi que dans les catégories étudiées plus haut, notamment les travailleuses à temps partiel, ou à domicile, les employées de maison et les travailleuses occasionnelles, temporaires ou occupées en sous-traitance. Certes, la situation a tendance à s'améliorer, mais beaucoup reste à faire pour que la législation assure à toutes ces femmes une protection effective. La préoccupation exprimée dès 1985 par la Conférence internationale du Travail n'a rien perdu de son actualité 19 : "L'extension progressive de la protection de la maternité aux femmes de tous les secteurs d'activité et des entreprises de toutes dimensions, y compris les femmes qui travaillent à titre occasionnel ou temporaire, à temps partiel, dans le cadre de contrats de sous-traitance ou de travail à domicile ou pour leur propre compte ou celui de leur famille, devrait être examinée en priorité, compte tenu des conditions nationales."
Notes
1 Dans la nouvelle convention no 103, les termes "race ou croyances religieuses" ont été ajoutés.
2 La convention no 103 étend le champ d'application de la convention n o 3, à savoir "les établissements industriels ou commerciaux, publics ou privés, ou leurs dépendances", aux femmes employées à des travaux non industriels et agricoles, y compris les travailleuses à domicile.
3 La convention (no 110) sur les plantations, 1958, contient également des dispositions relatives à la protection de la maternité, mais son champ d'application est limité à l'ensemble des travailleurs des plantations, lesquels entrent dans la catégorie des travailleurs agricoles prévue dans la convention no 103.
4 La convention no 3 contient une exemption similaire libellée en des termes légèrement différents: les pays peuvent exempter les "établissements où sont seuls employés les membres d'une même famille".
5 Sur les 34 pays qui ont ratifié la convention no 103, quatre seulement ont fait une déclaration excluant ces catégories, à savoir: l'Autriche (travail domestique), le Brésil (travaux agricoles et domestiques), les Pays-Bas (travaux agricoles et domestiques) et l'Espagne (entreprises de transport par mer de personnes).
6 BIT: Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 49 e session, Genève, 1965, paragr. 65, rapport III (partie IV), p. 212.
7 Ce cas est parfaitement illustré par la disparité des dispositions qui définissent le champ d'application de la convention no 103 et de la convention no 102 concernant la sécurité sociale (normes minimum).
8 Il en est ainsi par exemple pour les enseignantes à Trinité-et-Tobago.
9 Nations Unies: Les femmes dans le monde 1995, des chiffres et des idées (New York, 1995), pp. 147-151.
10 C. Callender, N. Millward, S. Lissenburgh, et J. Forth: Maternity rights and benefits in Britain, 1996 (Londres, Policy Studies Institute, 1997).
11 The equality of opportunity and treatment for workers and family responsibilities, rapport non publié élaboré pour le BIT (Bangkok, 1997).
12 OCDE: "OCDE en chiffres statistiques sur les pays membres, édition 1997", Supplément à L'Observateur de l'OCDE, n o 206 (Paris, juin-juillet 1997), pp. 10-11.
13 Commission européenne: Emploi en Europe (Bruxelles, 1996) V.
14 C'est le cas au Belize (pour celles qui travaillent moins de huit heures par semaine), à la Dominique (moins de vingt et une heures par semaine), en Afrique du Sud et à Trinité-et-Tobago (moins de dix heures par semaine).
15 BIT: Le travail à domicile, rapport V(1), Conférence internationale du Travail, 82 e session, Genève, 1995).
16 Voir, par exemple, le groupe européen sur le travail à domicile: "Portugal: Hidden hands", Homeworkers in Europe, Leeds, été 1997, pp. 6-7.
17 M. A. Abrera-Mangahas: "General situation of child domestic workers in the Philippines", OIT-IPEC: Consultation proceedings: Final report, consultations nationales des ONG sur les enfants domestiques aux Philippines, 2-4 août 1996, Quezon City, Philippines.
18 F. Sly: "Women in the labour market: Results from the spring 1995 Labour Force Survey", Labour market trends (Londres, mars 1996), p. 94.
19 Résolution sur l'égalité de chances et de traitement entre les travailleurs et les travailleuses en matière d'emploi, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 71 e session.
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Nul ne nie les impératifs physiologiques de la grossesse et de l'accouchement. Nécessaire à la protection de la santé de toute femme qui travaille et de son enfant, le droit de la femme à une période de repos à l'occasion de la naissance, avec l'assurance de retrouver son emploi à l'issue de son interruption d'activité et de disposer des ressources nécessaires pour son entretien et de faire ainsi face à ses dépenses et à celles de sa famille, est au c?ur même de tout dispositif visant à concilier le rôle de la femme dans la procréation avec une activité professionnelle. Ce droit, expressément consacré par la convention no 103 1 , voit son importance soulignée par l'absence, dans cette dernière, d'une quelconque condition de service pour en bénéficier. L'unique exigence formulée par la convention no 103, comme, avant elle, par la convention no 3, est la présentation d'un certificat médical indiquant la date présumée de l'accouchement. L'obligation d'informer l'employeur est également la seule condition prévue, au niveau européen, par la Directive 92/85 de la Commission européenne sur l'introduction de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses pendant leur grossesse, à l'occasion de la naissance d'un enfant ou pendant la période d'allaitement qui suit leur retour au travail, pour que la travailleuse puisse exercer son droit au congé de maternité sans risque pour son emploi et bénéficier des autres mesures de protection prévues 2 .
C'est du congé de maternité ainsi défini qu'il sera question dans le présent chapitre, c'est-à-dire du congé visant à protéger la santé de la femme employée en vertu d'une relation de travail et celle de l'enfant pendant la période qui entoure la naissance, que ce soit directement avant ou après celle-ci. Les autres congés liés à la naissance ou à l'arrivée dans le foyer d'un jeune enfant, naturel ou adoptif, qui ont pour objet l'éducation d'un enfant et la conciliation des responsabilités familiales avec la poursuite d'une activité professionnelle salariée font l'objet d'un autre chapitre. Toutefois, la frontière entre ces types de congé et le congé de maternité est parfois difficile à établir. Elle tend parfois à s'estomper, notamment lorsque le congé parental ne s'ajoute pas au congé de maternité mais peut s'y substituer.
Le droit au congé
D'après l'analyse des législations et pratiques nationales à laquelle le Bureau a procédé sur la base des informations dont il disposait au moment de la rédaction du présent rapport, le droit à un congé de maternité tel que défini ci-dessus apparaît presque universellement reconnu. Rares sont en effet les pays où les femmes salariées ne bénéficient pas d'un tel droit. Il peut soit être expressément énoncé par les législations nationales et précisé ou renforcé par des conventions collectives ou des sentences arbitrales applicables aux principaux secteurs d'activité, aux entreprises ou aux différentes catégories de travailleuses salariées, soit résulter de l'application des mesures qui établissent la période pendant laquelle la femme peut recevoir des prestations de maternité et fixent le montant de celles-ci (Algérie). Il convient de relever que le congé de maternité est fréquemment couvert par les conventions collectives. Ainsi, à Singapour, 92 pour cent des conventions collectives en vigueur au 31 décembre 1996 contenaient des dispositions relatives au congé de maternité 3 .
On soulignera que des progrès importants ont été réalisés dans la voie d'une reconnaissance de la nécessité d'un congé de la travailleuse au moment de la naissance. Aux Etats-Unis, par exemple, le droit au congé de maternité dépendait précédemment des accords passés dans l'entreprise et des lois ou règlements adoptés dans certains Etats; depuis 1993, le droit à un congé non rémunéré de 12 semaines pour raisons familiales ou médicales, avec garantie de réintégration dans l'emploi, est reconnu à l'échelon fédéral, par la loi sur le congé familial et médical. La maternité tout comme la santé et les responsabilités familiales font expressément partie des raisons pour lesquelles ce congé peut être pris. En Suisse, la protection de la maternité est inscrite dans la Constitution et réglementée par différents textes légaux non coordonnés. Un tout nouveau projet de loi sur l'assurance maternité, approuvé à la fin de juin 1997, prévoit d'introduire un congé de maternité indemnisé de 14 semaines 4 ; actuellement, seule est prévue une période d'interdiction d'emploi assortie d'une obligation limitée de poursuivre le versement du salaire pendant cette période.
Nombreuses sont les législations qui se contentent de lier l'octroi du congé de maternité à la présentation d'un certificat médical, conformément à la convention no 103. C'est le cas par exemple à Bahreïn, en Belgique, au Botswana, en Colombie, aux Fidji, en France, au Guatemala, à Haïti, au Honduras, en Iraq, en Islande, en Italie, au Liban, au Luxembourg, au Paraguay, au Portugal, aux Iles Salomon et en République arabe syrienne.
Il va de soi que l'obligation d'informer l'employeur ne signifie pas qu'aucune autre formalité ne soit, légalement ou en pratique, nécessaire pour bénéficier du congé de maternité. Ces formalités ont notamment pour objet de permettre à l'employeur de prendre, en prévision de l'absence de la femme enceinte, les arrangements voulus pour éviter ou limiter tout dysfonctionnement des activités de l'entreprise en procédant au recrutement d'une personne remplaçante, ou en répartissant la charge de travail entre les autres employés. Les procédures de notification, que cette dernière incombe directement à la travailleuse elle-même ou qu'elle soit concrétisée ou formalisée par un certificat émanant d'un médecin ou d'une autre autorité médicale compétente, sont plus au moins strictes, selon le cas. Ainsi, en Allemagne, l'employeur doit être informé de la grossesse et de la date présumée de l'accouchement le plus tôt possible. En Australie, la législation fédérale sur le congé de maternité et le congé parental dispose que la femme doit faire part de sa grossesse et de son intention de partir en congé à son employeur 10 semaines au moins avant son départ et établir sa demande de congé au moins quatre semaines avant, en précisant les dates de début et de fin du congé. En Autriche, la femme enceinte doit informer son employeur de sa grossesse et de la date prévue pour la naissance dès qu'elle a connaissance de son état; elle doit aussi lui signaler quatre semaines à l'avance la date à laquelle le congé prénatal doit commencer.
En Irlande et au Royaume-Uni, la notification fait l'objet d'une procédure assez stricte, dont l'inobservation risque de priver la femme de la protection des tribunaux en cas de conflit. Toutefois, en Irlande, un jugement récent (cas Gray c. Smith) a reconnu que, à défaut de directive de l'employeur sur les règles relatives à la maternité, le non-respect de la procédure à suivre ne saurait être opposé à la travailleuse. Le défaut d'information n'a pas non plus nécessairement de conséquences légales dans des pays comme la France, où la femme est protégée du fait même de sa grossesse et de la connaissance de celle-ci par l'employeur, quel que soit le moyen par lequel il en est informé. Il en est de même au Danemark, en Italie et en Grèce. En Finlande, pour bénéficier de tous les droits afférents à la protection, la travailleuse n'a à informer son employeur que si elle souhaite prendre son congé plus de 30 jours avant la date présumée de l'accouchement 5 .
Dans quelques pays, le bénéfice du congé est toutefois soumis à des conditions ou à des contraintes non prévues par la convention no 103. Il arrive que l'ouverture du droit soit fonction du nombre d'enfants ou de la fréquence des naissances, voire des deux, de la durée de service, ou encore des heures de travail. D'autres restrictions peuvent résulter des limites mises à l'application de la réglementation aux entreprises d'une certaine taille, comme le montre le chapitre précédent.
La première catégorie de limites se retrouve dans quelques pays d'Afrique, des Antilles anglophones et d'Asie, comme la Barbade, les Bahamas, l'Egypte, la Grenade, la Jamaïque, la Malaisie et le Népal. Dans ce dernier pays, la travailleuse n'a droit au congé de maternité que pour deux accouchements. Elle y a droit trois fois à la Barbade, à Grenade, en Egypte, à la Jamaïque et au Zimbabwe. Aux Bahamas et en Tanzanie, elle n'y a droit qu'une fois tous les trois ans. On notera que ces limites, qui sont contraires à la convention no 103, peuvent être inspirées par des préoccupations démographiques. Ce type de préoccupations amène, à l'inverse, certains pays industrialisés, qui disposent de plus grandes ressources et de systèmes de sécurité sociale développés, mais dont la population est vieillissante et la natalité et le taux de fécondité insuffisants pour assurer le renouvellement des générations, à octroyer un congé plus long ou d'autres avantages à partir d'un certain nombre d'enfants. C'est le cas en France, par exemple, à partir du troisième enfant et, en Pologne, à partir du second.
Plus fréquente, bien que limitée, est l'exigence d'une période minimale de service chez le même employeur pour bénéficier du congé de maternité. Cette période est, par exemple, de trois mois en Suisse, de six mois en Jamahiriya arabe libyenne, en République arabe syrienne (agriculture) et en Somalie (sauf interruption de travail justifiée), et de six mois au cours de l'année précédant l'accouchement en Egypte et aux Philippines. Elle est de 90 jours, au cours des six mois précédents, en Papouasie-Nouvelle-Guinée (ou 180 jours au cours des 12 derniers mois), de 150 jours à Belize, d'un an en Australie, aux Bahamas, aux Emirats arabes unis, à la Jamaïque, à Maurice, en Namibie et en Nouvelle-Zélande, de 18 mois à la Grenade, et de deux ans en Gambie et en Zambie.
La tendance observée dans le passé à l'extension de la protection à un nombre toujours croissant de femmes salariées, sinon à toutes, s'est poursuivie au cours des dernières années. Au Royaume-Uni, la législation conditionnait l'octroi du congé de maternité, assorti du droit à la réintégration et d'une indemnisation, à l'accomplissement d'une période minimale de service de deux ans pour les travailleuses effectuant moins de 16 heures de travail par semaine; cette période était de cinq ans pour les personnes travaillant de 8 à 16 heures par semaine, ce qui revenait à pénaliser une proportion importante de travailleuses, dans la mesure où les femmes sont particulièrement nombreuses à travailler à temps partiel. Ces limites ont été abrogées en 1994. Depuis, toute femme salariée britannique a droit au congé de maternité, sans condition de service auprès du même employeur. En Nouvelle-Zélande, des limites du type de celles qui ont existé au Royaume-Uni subsistent encore mais la période minimale de service et la durée hebdomadaire du travail nécessaires pour bénéficier du congé de maternité ont été réduites, passant respectivement de 18 à 12 mois et de 15 à 10 heures. De telles limites sont contraires à la convention n o 175 sur le travail à temps partiel, adoptée en 1994 par la Conférence internationale du Travail, qui mentionne la protection de la maternité comme l'un des domaines dans lesquels les travailleurs à temps partiel doivent bénéficier de conditions équivalentes à celles applicables aux travailleurs à plein temps se trouvant dans une situation comparable.
La durée du congé
La convention no 103 prévoit un congé de maternité d'une durée au moins égale à 12 semaines, dont 6 doivent être prises après l'accouchement. Cela revient à interdire la reprise du travail avant l'expiration d'une période de 6 semaines après la naissance de l'enfant mais permet à chaque Membre ayant ratifié la convention de déterminer la façon dont le reste du congé doit ou peut être réparti.
Les pays examinés établissent la durée du congé de maternité essentiellement de deux manières: en fixant sa durée globale ou en précisant séparément la durée du congé prénatal et celle du congé postnatal. Dans le premier cas, la répartition normale de tout ou partie du congé avant ou après la naissance peut aussi être précisée.
L'exigence d'un congé obligatoire, particulièrement après la naissance, existe dans beaucoup de pays et la durée du congé postnatal obligatoire atteint souvent six semaines. En revanche, la répartition du congé global de maternité entre ces deux périodes et son caractère varient d'un pays à l'autre. Il apparaît que les législations et les pratiques nationales, reflétant l'évolution des conceptions et des politiques à l'égard du travail féminin et les attentes plus clairement affirmées des femmes elles-mêmes quant à leur place au travail et dans la société, font peu à peu une place plus grande aux préférences et aux situations individuelles.
Le congé de maternité "normal" ou de base
Comme on le verra au chapitre relatif à l'indemnisation du congé par les systèmes de sécurité sociale ou d'assurance obligatoire, la femme n'a pas automatiquement droit à une compensation financière. La durée du congé ne correspond pas non plus toujours à celle pendant laquelle des indemnités en espèces sont versées par le système de sécurité sociale ou d'assurance.
Le tableau 1 ci-après indique la durée du congé de maternité normal, minimal ou de base ou, plus généralement, du congé de maternité auquel les salariées ont droit dans 152 pays. Il se fonde, pour l'essentiel, sur les mesures généralement applicables au secteur privé. Dans certains pays, cette durée diffère selon les secteurs - il arrive qu'elle soit plus longue ou assortie d'une sécurité de l'emploi accrue, notamment dans la fonction publique (en Egypte, en Islande, en Jordanie et en Uruguay), ou d'une meilleure compensation financière en vertu de régimes particuliers, ou encore de garanties supplémentaires en matière de conditions d'emploi en raison des améliorations apportées par la négociation collective ou le contrat de travail. Il existe aussi des variations selon les professions et les catégories professionnelles. Pour simplifier l'analyse et la comparaison, le tableau regroupe les informations disponibles en fonction de la durée du congé en distinguant les cas où elle est inférieure à la norme de 12 semaines prévue par la convention no 103, égale à cette norme ou supérieure.
TABLEAU
1. DURÉE DU CONGÉ DE MATERNITÉ
Durée |
Pays |
Moins de 12 semaines |
Tunisie (30 jours); Liban, Qatar (40 jours); Papouasie-Nouvelle-Guinée (6 semaines*); Bahreïn, Emirats arabes unis (45 jours); Egypte, Jamahiriya arabe libyenne (50 jours); Népal (52 jours); Bahamas, Ouganda, Singapour, Soudan, Suisse (8 semaines); Bolivie, Corée (République de), Erythrée, Guinée-Bissau, Iraq, Islande, Kenya, Malaisie, Mozambique, Philippines, Yémen (60 jours ou 2 mois); Arabie saoudite, Honduras, Jordanie, Koweït, Sao Tomé-et-Principe (70 jours ou 10 semaines); République arabe syrienne (75 jours). |
12 semaines |
Afrique du Sud, Bangladesh, Barbade, Belize, Botswana, Burundi, Colombie, Dominique, République dominicaine, El Salvador, Equateur, Etats-Unis, Fidji, Gambie, Ghana, Guatemala, Guinée équatoriale, Haïti, Iles Salomon, Inde, Israël, Jamaïque, Lesotho, Maroc, Maurice, Mexique, Myanmar, Namibie, Nicaragua, Nigéria, Pakistan, Paraguay, Rwanda, Sri Lanka, Swaziland, Tanzanie (République-Unie de), Turquie, Uruguay, Zambie. |
13 semaines |
Afghanistan, Angola, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Cambodge, Chine, Ethiopie, Grenade, Guyana, Indonésie, Iran (République islamique d'), République démocratique populaire lao, Pérou, Sainte-Lucie, Trinité-et-Tobago, Zimbabwe. |
14 semaines |
Algérie, Allemagne, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République centrafricaine, Comores, Côte d'Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée, Irlande, Japon, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Nouvelle-Zélande, Panama, Portugal, République démocratique du Congo, Royaume-Uni, Sénégal, Seychelles, Somalie, Suède, Tchad, Togo. |
15 semaines |
Mongolie (101 jours), Belgique, Congo, Finlande, Slovénie. |
16 semaines |
Autriche, Chypre, Costa Rica, Espagne, France, Grèce, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Roumanie. |
17 semaines et plus |
Brésil, Bulgarie, Canada (17 semaines);
Viet Nam (4-7 mois); Azerbaïdjan, Bélarus, Chili, Cuba,
Danemark, Estonie, Ukraine, Venezuela (18 semaines); Fédération
de Russie |
* Plus congé prénatal, si nécessaire. |
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Sources: législations nationales, données fournies au BIT en 1997 en réponse à une demande d'informations et Conditions of Work Digest : Maternity and Work , vol. 13, 1994. |
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Il convient de souligner que ni les modalités du congé ni sa nature - congé minimum ou obligatoire - ne sont neutres et qu'elles peuvent influer fortement sur sa durée effective. On ne saurait ainsi comparer les cas dans lesquels le congé de maternité est facultatif - comme aux Etats-Unis - à ceux où le congé global octroyé correspond à une durée minimale et où une partie, voire la totalité du congé, est obligatoire (Panama). Ces réserves étant faites, comme le montre le tableau 1, ce n'est que dans 31 pays, soit dans un pays sur cinq, que la durée légale du congé est inférieure à 12 semaines. Elle est supérieure dans plus de la moitié des pays (119) et atteint ou dépasse 14 semaines, période préconisée par la recommandation no 95 (qui correspond au congé minimum établi par la directive susmentionnée applicable aux Etats membres de l'Union européenne) dans 62 pays, soit 41 pour cent des pays.
Il faut par ailleurs relever qu'en pratique la négociation collective, dont l'importance a déjà été soulignée en la matière, permet souvent d'augmenter la durée du congé. C'est le cas au Mexique, où la durée légale du congé est de 12 semaines (84 jours). En vertu des conventions collectives en vigueur dans deux établissements bancaires (Banco Inverlat et Banco Union S.A.) et dans la Compagnie d'énergie et d'électricité du Nord, par exemple, les travailleuses ont droit à un congé de 90 jours et 110 jours respectivement. En Espagne, selon l'accord applicable au personnel enseignant des établissements privés du Pays basque, qui couvre 12000 personnes, les femmes bénéficient d'un congé de 17 semaines; d'après l'accord relatif au personnel des établissements publics d'enseignement de la même zone géographique qui concerne 18000 personnes, elles ont droit à un congé de 18 semaines, soit respectivement une et deux semaines de plus que ne le prévoit le régime légal général. Au Kenya, les femmes employées dans l'industrie du bâtiment ont droit à 12 semaines de congé de maternité, soit près d'un mois de plus que ne le prévoit la législation 6 . Au Royaume-Uni, une enquête effectuée en 1995 auprès de 240 établissements a montré que 85 pour cent d'entre eux ont, en matière de congé de maternité, des dispositions plus avantageuses que les dispositions statutaires 7 . En Suisse, la durée du congé de maternité prévue par les conventions collectives varie en fonction de la durée de service, s'inspirant en cela de l'approche de la législation; elle est en moyenne de 7,1 semaines pendant la première année de service, de 9,6 semaines pendant la deuxième, de 10,7 semaines pendant les troisième et quatrième années de service, de 14,6 semaines de la cinquième à la neuvième année de service, etc. 8 ; par comparaison, la durée du congé assorti d'une compensation financière correspond légalement à trois semaines au cours de la première année de service et à "une période plus longue fixée équitablement" au-delà 9 .
L'allongement du congé de maternité, constaté par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dès 1965 10 puis par le Conseil d'administration en 1982 11 s'est poursuivi depuis. La durée légale du congé est passée de 14 à 15 semaines en Belgique et de 90 jours à 14 semaines au Portugal, en 1995. Au Mozambique, le Comité consultatif du travail a récemment examiné la possibilité de porter le congé de maternité de 60 à 90 jours. Les politiques visant à améliorer la protection de la maternité dans différents pays au cours des quinze dernières années ont, de façon caractéristique, cherché à allonger le congé de maternité; aujourd'hui, il semble peu vraisemblable que cette tendance se poursuive, sauf dans des situations et cas particuliers qui justifient la prolongation du congé de maternité minimum ou de base 12 . Il y a à cela deux grandes raisons, étroitement liées l'une à l'autre.
La première raison résulte directement de l'objectif reconnu aussi bien au niveau international que national de parvenir à une réelle égalité des chances entre hommes et femmes au travail et dans la société. Il est d'autant plus important que la part des femmes en âge de procréer dans la population active salariée atteint des niveaux élevés dans de nombreux pays, en particulier - bien que non exclusivement - dans les pays industrialisés. Cette part n'a cessé de croître au cours des dernières décennies. En France, plus de la moitié des naissances enregistrées en 1977 ont été le fait de femmes actives salariées (380000 sur 750000) 13 . En Suisse, on estime que, sur environ 81000 naissances enregistrées par an, 54000 sont le fait de mères exerçant une activité lucrative 14 . En 1993, dans tous les pays membres de l'Union européenne sauf le Danemark (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni), l'emploi des femmes ayant des enfants âgés de moins de 10 ans avait, partout depuis 1985, progressé à un rythme plus rapide que celui des femmes dans leur ensemble 15 . Ces quelques chiffres expliquent pourquoi les entreprises et les responsables politiques des pays préoccupés par le vieillissement de leur population s'intéressent de plus en plus aux moyens de concilier les responsabilités professionnelles et les responsabilités familiales qui découlent de la fonction maternelle 16 . Ils portent un éclairage particulier sur la nécessité largement reconnue de mesures tenant compte du rôle biologique de la femme dans la conception et la mise au monde des enfants afin que ce rôle ne soit pas une source de discrimination à leur encontre en matière d'emploi. Toutefois il faut éviter que cette différence biologique irrémédiable entre hommes et femmes, dans laquelle réside le fondement du congé de maternité et des mesures corrélatives de protection de l'emploi de la femme enceinte et de celle qui vient d'avoir un enfant, ne donne lieu à des mesures trop protectrices qui risquent de se retourner contre la femme. Ce risque est accru lorsque le congé de maternité est très long car les problèmes d'organisation du travail que pose l'absence d'un travailleur, en particulier dans les petites entreprises qui occupent beaucoup de femmes, se compliquent encore. Le rôle biologique de la femme dans la procréation doit être protégé, mais il faut prévenir les effets négatifs d'une surprotection. C'est pourquoi il importe de distinguer les contraintes de ce rôle biologique, qui ne concerne qu'une période réduite de l'activité professionnelle de la femme, de l'éducation des enfants et des soins qu'ils réclament, qui peuvent être partagés entre l'homme et la femme 17 . C'est à cette préoccupation que tente de répondre le congé parental abordé plus loin dans le rapport.
La seconde raison a trait aux possibilités d'accès à des services de garde d'enfants. Le congé de maternité ne saurait en effet se substituer à de tels services. Il faut prendre garde à ce que l'allongement du congé de maternité au-delà de limites raisonnables afin de faire face aux problèmes de garde d'enfants ne compromette les chances de la femme de retourner à la vie active à l'issue de son congé et de participer effectivement à la vie de l'entreprise et à l'activité économique.
La répartition et le caractère du congé
avant et après la naissance
La part respective du congé prénatal et du congé postnatal et leur durée minimale ou obligatoire déterminent à la fois la durée effective du congé, notamment en cas d'erreur sur la date de l'accouchement, et la marge de man?uvre dont la femme bénéficie dans la répartition du congé de maternité. Le tableau 2 ci-après reprend les dispositions légales générales applicables dans différents pays. La durée du congé prénatal est établie par rapport à la date présumée de l'accouchement. D'ordinaire, lorsque l'accouchement intervient plus tôt que prévu et que la réglementation établit la durée minimale globale du congé de maternité, la durée du congé postnatal est prolongée en conséquence d'une période égale à la différence entre la date prévue et celle de l'accouchement.
Comme le tableau 2 le montre, un congé postnatal obligatoire est prévu par la législation de nombreux pays s'inspirant en cela de la convention n o 103. Sa durée est de six semaines en Arabie saoudite, en Australie (Victoria), au Bangladesh, à Belize, au Botswana, au Burundi, au Canada (Alberta et Colombie britannique), en République centrafricaine, en Colombie, en République démocratique du Congo, en République dominicaine, en Dominique, en Espagne, aux Fidji (fonctionnaires), en France, à Haïti, au Honduras, en Hongrie, en Inde, en Jordanie, au Lesotho, à Madagascar, en Mauritanie, au Maroc, à Maurice, au Niger, au Nigéria, en Norvège, au Pakistan, au Paraguay, au Rwanda, au Salvador, aux Iles Salomon, au Sénégal, aux Seychelles, en République-Unie de Tanzanie, au Togo, en Turquie et en Uruguay. La durée du congé postnatal obligatoire est supérieure à six semaines dans certains pays où la durée du congé de maternité global dépasse, parfois nettement, 12 semaines. C'est le cas à Chypre (7 semaines), en Allemagne, en Afrique du Sud, en Autriche, en Belgique, au Brésil, au Gabon, en Guinée, au Luxembourg, au Japon, au Nicaragua, au Panama, aux Pays-Bas et au Tchad (huit semaines), au Viet Nam (deux mois). En Suisse, l'interdiction d'emploi, qui ne concerne que la période suivant la naissance, est également de huit semaines. Elle est de dix semaines en Equateur, de 12 semaines au Chili et de trois mois au Costa Rica. La durée du congé postnatal obligatoire est en revanche inférieure à six semaines dans plusieurs pays: elle est de deux semaines au Danemark et au Royaume-Uni, de quatre semaines aux Bahamas, au Mali, en Ouganda, à Singapour et au Sri Lanka; de 30 jours en Guinée-Bissau, au Liban, en Jamahiriya arabe libyenne et à Sao Tomé-et-Principe.
TABLEAU
2. CONGÉ DE MATERNITÉ OBLIGATOIRE
Congé prénatal obligatoire |
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Durée |
Pays |
1 mois ou moins |
Belgique, Fidji (7 jours); Chypre, Equateur, France, Madagascar, Mauritanie, Seychelles, Zimbabwe (2 semaines); Mali (3 semaines); Afrique du Sud, Brésil, Croatie, Honduras, Nicaragua, Sénégal, Slovénie (4 semaines); Costa Rica (1 mois). |
6 semaines ou plus |
Allemagne, Australie 1 , Chili, République dominicaine, Guinée, Haïti, Panama, Turquie, Venezuela (6 semaines); Argentine (45 jours); Autriche (8 semaines); Italie (2 mois) |
Congé postnatal obligatoire |
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Durée |
Pays |
Moins de 6 semaines |
Danemark, Royaume-Uni (2 semaines); Mali, Ouganda, Singapour, Sri Lanka (4 semaines); Guinée-Bissau, Liban, Jamahiriya arabe libyenne, Sao Tomé-et-Principe (30 jours); Egypte, République arabe syrienne (40 jours). |
6 semaines |
Arabie saoudite, Australie 2 , Bangladesh, Belize, Botswana, Burundi, Canada 3 , République centrafricaine, Colombie, République démocratique du Congo, République dominicaine, Dominique, El Salvador, Espagne, Fidji 4 , France, Haïti, Honduras, Hongrie, Inde, Iles Salomon, Jordanie, Lesotho, Madagascar, Mauritanie, Maurice, Maroc, Niger, Nigéria, Norvège, Pakistan, Paraguay, Rwanda, Sénégal, Seychelles, République de Tanzanie, Togo, Turquie, Uruguay. |
6 semaines ou plus |
Angola, Argentine, Pérou (45 jours); Chypre (7 semaines); Afrique du Sud, Allemagne, Autriche, Belgique, Brésil, Gabon, Guinée, Japon, Luxembourg, Nicaragua, Panama, Pays-Bas, Suisse (8 semaines); Portugal, Viet Nam (2 mois); Equateur (10 semaines); Chili, Venezuela (12 semaines); Costa Rica, Italie (3 mois); Croatie (6 mois). |
1 Pour les fonctionnaires fédéraux et dans les Etats d'Australie méridionale et d'Australie occidentale. 2 Dans l'Etat de Victoria. 3 Dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie britannique. 4 Pour les fonctionnaires. |
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Un congé prénatal obligatoire est également prévu dans certains pays. Cette mesure vise à permettre à la femme de se reposer et à éviter qu'elle travaille jusqu'au dernier moment, même si elle tend d'elle-même à préférer le congé postnatal, pour bénéficier de la plus longue période de repos possible après la naissance. La durée légale de ce congé varie d'un pays à l'autre: une semaine en Belgique et aux Fidji; deux semaines à Chypre, en Equateur, en France, à Madagascar, en Mauritanie, aux Seychelles et au Zimbabwe; trois semaines à Mali; quatre semaines en Afrique du Sud, au Brésil, au Honduras, au Sénégal et en Slovénie; un mois au Costa Rica; six semaines en Allemagne, en Australie (fonctionnaires, Australie occidentale méridionale), au Chili, en République dominicaine, en Guinée, à Haïti, au Panama, en Turquie et au Venezuela. La durée légale du congé prénatal peut être accrue par négociation entre les partenaires sociaux. Ainsi au Danemark, dans le secteur public, la femme peut prendre son congé huit semaines avant l'accouchement, au lieu de quatre comme le prévoit la loi 18 .
Deux enseignements peuvent être tirés des exemples qui précèdent: le premier est que l'exigence d'un congé prénatal obligatoire est beaucoup moins fréquente que celle d'un congé postnatal obligatoire. Le second est que, lorsque ce congé existe, sa durée est limitée et en tout cas nettement inférieure à celle du congé postnatal obligatoire, ce qui correspond aux attentes des femmes, mais pas nécessairement aux préoccupations des milieux médicaux. Le souci de ces derniers est en effet d'éviter une naissance prématurée 19 qui peut être source de graves handicaps dont les coûts sont fort lourds, non seulement pour la femme et la famille, mais aussi pour les systèmes de santé et pour la société. La question qui se pose est donc de savoir comment concilier ces préoccupations médicales avec les attentes et les préférences des femmes que les législations et les pratiques nationales tendent à prendre de plus en plus en considération en autorisant la femme, au moins dans certaines limites, à choisir la répartition de son congé avant et après la naissance. C'est ainsi qu'au Pérou, la possibilité de reporter tout ou partie du congé prénatal après l'accouchement est assortie de deux conditions: la femme doit informer son employeur de son intention et présenter un certificat médical attestant qu'elle est en état d'user de cette possibilité. Dans le même esprit, mais d'une manière différente, la loi qui régit le congé de maternité en Nouvelle-Zélande fixe la durée normale maximale du congé prénatal à six semaines et laisse à la travailleuse ou à l'employeur et à la travailleuse le soin de déterminer ensemble la date de début du congé. Elle donne néanmoins à l'employeur le droit de fixer le début du congé, plus de six semaines avant la date prévue pour la naissance, lorsque la femme n'est pas en mesure d'effectuer son travail sans risques pour elle-même ou les autres. La directive 92/85 de la Commission européenne se contente de prévoir un congé prénatal et/ou postnatal obligatoire de deux semaines, ce qui donne à chaque pays une marge de man?uvre importante pour déterminer la façon dont le congé peut être réparti. Le maintien d'une période de congé minimale obligatoire répond par ailleurs au souci d'éviter que des pressions de toutes sortes tenant à la situation financière de la femme, à sa position dans l'entreprise ou à la situation de l'entreprise, ne portent préjudice à la santé de la femme.
Prolongation du congé
La convention n o 103 prévoit que le congé de maternité doit être prolongé dans deux cas: en cas d'erreur sur la date de l'accouchement - lorsque celui-ci a lieu après la date prévue, le congé prénatal doit être prolongé jusqu'à la date effective de l'accouchement, sans réduction de la durée du congé obligatoire après l'accouchement; en cas de maladie résultant de la grossesse ou de l'accouchement, sa durée maximale pouvant être fixée par l'autorité compétente.
Ces deux types de prolongation sont expressément prévus par la législation de certains pays. Le premier type existe en Allemagne, en Angola, à la Barbade, en Belgique, au Brésil, au Burkina Faso, au Cameroun, au Chili, à Cuba, en Ethiopie, en Grèce, en Guinée, en Guinée-Bissau, à Haïti, aux Iles Salomon, en Irlande, en Italie, au Japon, au Lesotho, au Luxembourg, au Mali, à Malte, en Mongolie, au Nicaragua, au Panama, au Pérou, en Roumanie, en Somalie, au Swaziland, au Venezuela et au Zimbabwe. Sa durée est fonction de la différence entre la date présumée de l'accouchement et sa date effective. La prolongation pour cause de maladie est plus fréquente (voir tableau 3 ci-après). Sa durée peut varier de deux semaines (cas le plus courant) à trois mois et plus et n'est pas forcément précisée ou limitée, dans la mesure où il est difficile de déterminer à la fois la nature des complications qui peuvent survenir et la durée du repos nécessaire. Il apparaît d'ailleurs que la délimitation entre le congé pour cause de maladie liée à la grossesse ou à l'accouchement et le congé de maladie est floue. Dans plusieurs pays (Antigua-et-Barbuda, Argentine, Erythrée, Malte, Philippines, Soudan, Zambie), le congé de maternité est prolongé sous forme d'un congé de maladie.
Le tableau 3 reflète aussi les informations disponibles sur les prolongations du congé de maternité prévues par les législations nationales dans d'autres circonstances, par exemple en cas de naissances multiples. D'autres prolongations sont parfois prévues, notamment en cas d'allaitement, de conditions de travail préjudiciables à la santé de la mère et de l'enfant (à défaut de mutation à des fonctions compatibles avec son état, par exemple), ou lorsque l'enfant est malade (six mois en Argentine lorsqu'il est atteint du syndrome de Down). En Nouvelle-Zélande, en l'absence de précision, un congé spécial de dix jours peut être pris par la future mère pendant la période qui précède la naissance et le congé de maternité proprement dit.
TABLEAU
3. EXTENSION DU CONGÉ DE MATERNITÉ: MOTIFS ET DURÉE
Complications ou maladies |
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Moins d'un mois |
Afghanistan, Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus, Botswana (autre prolongation possible), Burkina Faso, République centrafricaine, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Estonie, Gabon, Ghana, Lesotho, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mongolie, Maroc, Niger, Philippines, Fédération de Russie, Sénégal, Togo, Tunisie, Tchad, Ukraine. |
1 à 3 mois |
Argentine, Bahamas, Barbade, Brésil, Cameroun, Costa Rica, Fidji, France, Grenade, Guatemala, Guinée, Guyana, Honduras, Inde, Indonésie, Israël, République démocratique populaire lao, Jamahiriya arabe libyenne, Malte, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Ouganda (non rémunéré), Portugal, Royaume-Uni, Swaziland, Thaïlande (non rémunéré). |
Plus de 3 mois |
Equateur (non rémunéré), Emirats arabes unis (non rémunéré), Iraq, Jamaïque (prolongation possible de 3 semaines), Koweït (non rémunéré), Pays-Bas, République arabe syrienne (congé de maternité compris). |
Aussi long que nécessaire |
Chili, El Salvador, Honduras (non rémunéré), Mexique, Iles Salomon, Venezuela. |
Période non déterminée |
Antigua-et-Barbuda, Belize, Bénin, Bolivie, République dominicaine (non rémunéré), Guinée équatoriale, Erythrée, Italie, Nigéria, Norvège, Nouvelle-Zélande, Panama, Paraguay, Philippines, Seychelles, Soudan, Zambie, Zimbabwe (non rémunéré). |
Naissances multiples |
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Moins d'un mois |
Afghanistan, Azerbaïdjan, Bélarus, Chine, Espagne, Estonie, Géorgie, Ghana, Guinée, République islamique d'Iran, Israël, Norvège*, Ukraine, Yémen. |
1 à 2 mois |
Allemagne, Arménie, Autriche, Cuba, Islande*, Japon, Luxembourg, Mongolie, Fédération de Russie, Viet Nam*. |
Plus de 2 mois |
Finlande*, France, Iraq, Pologne, Suède*, République tchèque. |
* Par enfant supplémentaire. |
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Cas spéciaux
Plusieurs pays prévoient dans leur législation des mesures destinées à prendre en compte des situations et des problèmes particuliers que posent notamment l'hospitalisation du nouveau-né après sa naissance ou celle de la mère, voire le décès de l'un ou de l'autre.
Dans les pays suivants, le congé de maternité peut être interrompu ou reporté pour permettre à la mère d'en bénéficier lorsque l'enfant sort de l'hôpital: Belgique (si l'enfant a été hospitalisé plus de huit semaines après sa naissance), Guinée-Bissau, Hongrie, Israël, Pologne, Portugal, Sao Tomé-et-Principe. Des mesures particulières s'appliquent aussi parfois lorsque l'enfant décède. Tel est le cas en Angola, où la mort du nouveau-né avant la fin du congé de maternité précipite le terme de ce dernier: la femme doit reprendre son travail six jours après le décès si celui-ci intervient après le congé postnatal obligatoire de 45 jours. Le congé est de même réduit lorsque l'enfant est mort-né ou décède en Bulgarie, à la Grenade (si le décès intervient dans le mois qui suit la naissance), à Haïti, au Honduras, en Hongrie, en Israël (avec le consentement de la femme) et au Portugal.
L'utilisation par le père salarié de la partie du congé de maternité inutilisé par la mère hospitalisée ou décédée après la naissance est prévue en Belgique, en Bulgarie, au Chili, en Croatie, en Espagne, en France, en Irlande, en Italie, au Portugal, en Fédération de Russie et en Slovénie. Au Portugal, l'usage du congé par le père, à l'exclusion du congé postnatal obligatoire de deux semaines, peut aussi résulter d'une décision conjointe des parents.
L'analyse qui précède confirme l'importance du congé de maternité. Considéré comme la mesure la plus nécessaire pour sauvegarder la santé de la femme, de l'enfant à naître et du nouveau-né, il demeure l'élément clé de la protection des femmes qui travaillent pendant la période de maternité. Ce rôle est universellement reconnu et il est consacré par le fait que tous les pays examinés ont des dispositions légales qui traitent du congé de maternité, y compris ceux où les autres types de congé et les conditions de travail sont d'ordinaire déterminés par les partenaires sociaux. Ces derniers n'en jouent pas moins un rôle très important pour accroître la durée du congé, surtout là où elle est relativement courte, et plus encore pour améliorer le revenu dont la femme dispose pendant le congé.
Au fil des ans, des changements importants sont intervenus dans de nombreux pays, reflétant l'évolution du rôle et de l'image de la femme au travail et dans la société et celle de ses propres attentes. En dépit des hésitations parfois exprimées dans les débats qui ont agité le monde du travail au cours des deux dernières décennies à propos des moyens d'assurer une réelle égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes et des mesures de protection ne s'appliquant qu'à ces dernières, le congé de maternité voit aujourd'hui son rôle à la fois clarifié et compliqué.
Plus clairement perçue est en effet l'importance d'un congé de maternité qui permette aux femmes de concilier leur rôle biologique particulier et une activité professionnelle. De fait, vu ce rôle, comment pourrait-on parler d'égalité entre hommes et femmes sans assurer à ces dernières le droit d'interrompre leur activité à la naissance d'un enfant et de retrouver ensuite leur emploi?
Plus compliquées sont aussi parfois les mesures prises pour faire en sorte que les responsabilités familiales, et non plus les contraintes physiologiques, qui résultent directement de la naissance - ou de l'adoption - d'un enfant ne pèsent pas que sur la femme ou pèsent moins lourdement sur elle. Il en est de même des liens que ces mesures ont entre elles. C'est pourquoi il importe que le congé de maternité ou la partie du congé parental, prévu dans différents pays après la naissance d'un enfant et qui est parfois réservé à la mère, ne dépasse pas certaines limites. Il faut aussi que les infrastructures sociales permettent aux parents de faire garder leur enfant pendant qu'ils travaillent. On notera toutefois que la complexité de l'ensemble des dispositions qui répondent à ces préoccupations n'est parfois qu'apparente et qu'un autre facteur se dégage peu à peu: celui d'une plus grande flexibilité tenant compte des besoins et des préférences de la femme comme de l'employeur.
Notes
1 Article 3.
2 "Directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en ?uvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail", Journal officiel des Communautés européennes, vol. 35, no L.348, 28 novembre 1992, pp. 1-7. L'article 2 de la directive définit la "travailleuse enceinte" comme suit: "toute travailleuse enceinte qui informe l'employeur de son état, conformément aux législations et/ou pratiques nationales".
3 Réponse du gouvernement à la demande d'informations formulée par le Bureau en 1997.
4 Office fédéral des assurances sociales (OFAS): Assurance maternité: Message, documentation en relation avec la décision du Conseil fédéral du 25 juin 1997.
5 S. Prechal et L. Senden: Mise en application de la Directive 92/85 (travailleuses enceintes): Rapport spécial 1995 du Réseau des Experts concernant la mise en ?uvre des directives égalité, document no V/1717/96-FR (Bruxelles, Commission européenne, octobre 1996).
6 Regulation of Wages (Building and Construction Industry) Order 1994, arrêté du 1 er mars 1994, Kenya Gazette, supplément, n o 11, 4 mars 1994, pp. 506-521.
7 "Maternity arrangements '95: Part 1", Equal Opportunities Review (Londres), septembre-octobre 1995.
8 Elle peut atteindre 28,5 semaines à partir de 20 années de service, ce qui en réduit évidemment la portée en pratique. OFAS: op. cit.
9 Code des obligations, article 324a, 2 e et 3 e al.
10 BIT: "La protection de la maternité", Rapport de la Commission d'experts, pour l'application des conventions et recommandations, Rapport III (Partie IV), Conférence internationale du Travail, 49 e session, Genève, 1965, pp. 193-308.
11 GB. 219/SC/2/2.
12 La limite des 16 semaines, atteinte ou dépassée dans 27 des 152 pays examinés, apparaît aujourd'hui comme un objectif difficile à surpasser.
13 P. Cabanes: Maternité et travail, rapport remis au Ministre du Travail et de la Participation et au Secrétaire d'Etat à l'emploi féminin (Paris, avril 1979).
14 OFAS, op. cit.
15 P. Moss: "Parental employment in the European Union, 1985-1993", Labour Market Trends (Londres), décembre 1996.
16 Sur ce sujet, voir: Commission européenne: Congés spéciaux accordés aux travailleurs qui ont des enfants, état de la situation en matière de congés spéciaux dans les Etats membres de la Communauté européenne, ainsi qu'en Autriche, Finlande, Norvège et Suède, document V/773/94-FR (Bruxelles, janvier 1994).
17 C. Paoli: "Les travailleuses et la maternité. Quelques exemples choisis en Europe occidentale", Revue internationale du Travail (Genève, BIT), vol. 121, n o 1, 1982, pp. 1-16.
18 Ministère du Travail: Denmark - Labour Market Policy, Equality at Work, juin 1996.
19 En France, le rapport Maternité et travail, précédemment cité, recommandait une extension du congé prénatal.
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La garantie pour les femmes enceintes et les jeunes mères de ne pas perdre leur emploi du fait de leur grossesse, de leur absence pendant le congé de maternité, ou encore du fait qu'elles viennent d'avoir un enfant, est un élément essentiel de la protection de la maternité. Une telle garantie est indissociable de leur droit à un congé de maternité et au maintien de leurs ressources pendant celui-ci. C'est aussi une condition pour éviter que la maternité ne soit une source de discrimination à l'encontre des femmes en matière d'emploi. A cette fin, il importe que l'absence de la femme en congé de maternité n'ait pas d'effets négatifs sur la reprise et la poursuite de son activité professionnelle à l'issue de ce congé et sur les droits liés au contrat d'emploi, et notamment à l'ancienneté dans l'entreprise, comme les congés annuels payés, ou à la durée de l'activité professionnelle, comme la retraite.
La convention no 103, comme avant elle la convention no 3, établit une interdiction absolue de licenciement pendant le congé de maternité et sa prolongation éventuelle en raison d'une maladie résultant de la grossesse ou de l'accouchement 1 . Cette protection est importante, puisqu'elle n'autorise le licenciement dans aucune circonstance, fût-elle exceptionnelle 2 ; elle est aussi limitée, puisqu'elle ne concerne que la période pendant laquelle la femme est en congé de maternité, soit 12 semaines selon ces conventions, et sa prolongation éventuelle. En revanche, la recommandation n o 95 prévoit la possibilité d'étendre la protection contre le licenciement de manière à ce que celle-ci commence dès que l'employeur a pris connaissance de la grossesse et se prolonge pendant au moins un mois après la fin du congé de maternité 3 .
Toutefois, ni la convention no 103 ni la recommandation no 95, qui se situent, il est vrai, dans le cadre strict de la protection de la femme déjà employée, ne prévoient le cas de la femme à la recherche d'un emploi qui est sans doute le plus lourd de sens au regard de l'égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes. C'est aussi le plus délicat, dans la mesure où la maternité et les responsabilités familiales qui en résultent continuent d'influencer fortement l'image de la femme au travail et risquent d'intervenir dans la sélection des candidats à un poste par les employeurs. La question qui se pose est de taille: comment faire en sorte que ceux-ci n'écartent pas les postulantes en âge de procréer alors qu'elles assument toujours la plus grande part des responsabilités familiales et que leur absence potentielle pendant le congé de maternité ou le congé parental, plus long encore, les contraindra à des efforts d'organisation, voire, le cas échéant, à leur verser personnellement une indemnité pendant cette absence? La question est d'autant plus délicate qu'elle relève de la sphère privée, des moyens de la protéger et de la concilier avec les exigences professionnelles. L'importance de ces aspects, qui ne retiennent vraiment l'attention que depuis relativement peu de temps, n'a, dans différents pays, échappé ni au législateur ni aux partenaires sociaux. En 1997, le BIT a par ailleurs adopté et publié un recueil de directives pratiques sur la protection des données personnelles des travailleurs qui précise que le traitement des données personnelles ne devrait pas entraîner une discrimination illégale dans l'emploi et la profession 4 , objet de la convention no 111. Lu avec cette convention qui joue un rôle prépondérant dans la promotion de l'égalité et vise à garantir le droit à l'examen équitable de toute candidature à un emploi, sans discrimination fondée sur différents critères dont le sexe, l'état civil, l'état matrimonial, la situation de famille, la grossesse et l'accouchement, le recueil en question jette un éclairage nouveau sur la discrimination qui résulterait, par exemple, d'une démarche visant à détecter un éventuel état de grossesse au moment du recrutement.
La protection contre le licenciement
L'interdiction absolue de licenciement
pendant le congé de maternité
L'interdiction absolue de licencier pendant le congé de maternité - ou de signifier le licenciement pendant ledit congé - se retrouve dans la législation d'un certain nombre de pays, qui s'inspire en cela de la convention no 103. Il n'est pas question ici de procéder à une analyse exhaustive de la jurisprudence qui, dans les différents pays, permettrait seule d'apprécier la portée réelle des dispositions légales, mais cela semble être le cas dans les pays suivants: Bahreïn, Belize, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Fidji, Gabon, Ghana, Inde, Israël, Lesotho, Jamahiriya arabe libyenne, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Nigéria, Ouganda, Sénégal, Iles Salomon, Sri Lanka, Tchad et Uruguay.
A cette interdiction de licencier pendant le congé s'ajoutent, dans bon nombre de ces pays, des dispositions qui étendent la protection contre le licenciement au-delà de la période de l'absence en congé de maternité, c'est-à-dire à la grossesse et à une certaine période après le retour au travail. En effet, il faut bien constater à nouveau que la seule interdiction de licencier pendant le congé de maternité, même lorsqu'elle est absolue, n'offre aux femmes qu'une protection limitée: elle ne les protège contre le licenciement ni pendant la grossesse, ni, par exemple, lorsqu'elles reprennent le travail une fois le congé de maternité terminé.
L'interdiction de licenciement pour un motif
lié à la maternité
La protection contre le licenciement établie par la convention no 103 apparaît d'ailleurs comme l'un des éléments de la protection de la maternité qui ont connu le plus de modifications dans les Etats Membres, la protection qu'ils offrent dans ce domaine s'éloignant de plus en plus de l'approche suivie par la convention, et ce pour deux raisons. La première, historique, réside dans le fait que la convention no 103 a été adoptée il y a plus de quatre décennies, à une époque où la protection de l'ensemble des travailleurs contre le licenciement n'était pas encore développée et ne s'adressait qu'à certaines catégories considérées plus particulièrement «à risque» et nécessitant des garanties spéciales, comme les femmes en congé de maternité, ou encore les représentants syndicaux. La seconde raison, encore peu explicitée au moment de l'adoption de la convention no 103, est étroitement liée à la reconnaissance de plus en plus affirmée que la protection de la maternité est une condition de la mise en ?uvre réelle de l'égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes 5 . Deux exemples illustrent cette évolution. L'un est l'adoption par la Conférence internationale du Travail, en 1982, de la convention no 158 sur le licenciement; avant cette date, la question ne faisait l'objet que d'une recommandation adoptée en 1963, soit onze ans après la convention no 103 6 . L'autre concerne l'évolution de la législation britannique sous l'effet des amendements introduits en 1994, notamment à la suite de la Directive européenne 92/85 précitée. Ces amendements représentent un changement majeur de l'approche légale non seulement de la protection contre le licenciement mais aussi de ce qui constitue ou non une discrimination fondée sur le sexe: désormais, au Royaume-Uni, le licenciement pour une raison liée à la grossesse est considéré comme abusif et il semble par ailleurs que le licenciement au simple motif que la femme est enceinte constitue un traitement discriminatoire fondé sur le sexe, sans qu'il soit besoin d'établir une comparaison avec un homme, comme par le passé 7 .
Au fil des ans, les législations et pratiques nationales, notamment sous l'effet de la jurisprudence, ont évolué dans de nombreux pays pour ajouter à la sécurité de l'emploi pendant le congé de maternité une protection plus large englobant la grossesse et la période qui suit la naissance. Ce faisant, la protection a aussi changé de caractère. Elle n'est plus aussi absolue et admet le licenciement pour des motifs considérés comme légitimes et non liés à la maternité, conformément aux dispositions générales sur la cessation de la relation de travail, tels que faute grave ou manquement grave de la travailleuse aux obligations résultant du contrat de travail, cessation des activités de l'entreprise, cas de force majeure ou d'expiration normale du contrat de travail ou achèvement des travaux pour lesquels la femme a été recrutée.
Parmi les pays où le licenciement est autorisé pour des motifs considérés comme légitimes et non liés à la maternité, figurent l'Arabie saoudite, l'Autriche, le Bélarus, la Chine, la République de Corée, l'Equateur, El Salvador, la France, la Hongrie, l'Indonésie, l'Italie, le Liechtenstein, Madagascar, la Malaisie, Malte, le Mozambique, la Namibie, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, Panama, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Fédération de Russie, Singapour, la Suède, le Swaziland, la République arabe syrienne, le Venezuela et le Viet Nam. C'est donc aujourd'hui un principe bien établi - et formulé de façons très diverses - que la femme enceinte, absente en congé de maternité ou qui a repris son travail à l'expiration de ce dernier, ne peut être licenciée que pour un motif valide, sans lien avec son état, son absence, l'allaitement ou le fait qu'elle est une jeune mère. Cette approche se retrouve dans la convention no 158 sur le licenciement, selon laquelle ni la grossesse, ni l'absence du travail pendant le congé de maternité, ni les responsabilités familiales ne constituent des motifs valables de licenciement 8. La Directive européenne 92/85 demande pour sa part aux Etats membres de l'Union européenne de prendre les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses dès le début de leur grossesse et jusqu'au terme de leur congé de maternité, «sauf dans les cas d'exception nom liés à leur état» 9 .
Pour que la protection contre le licenciement soit efficace, il faut aussi qu'elle couvre la période qui suit le retour au travail. Cette protection fait l'objet de dispositions spéciales dans différents pays, la période considérée variant beaucoup d'un pays à l'autre. Elle correspond à la période d'allaitement en Chine, à Haïti et en Roumanie, sans que la durée de celle-ci soit précisée. Elle est de 30 jours après le congé de maternité en Belgique et en République de Corée, de 12 semaines après la naissance en Côte d'Ivoire et au Luxembourg, de trois mois après la fin du congé de maternité à Chypre, de 16 semaines après la naissance en Suisse, de quatre mois après la naissance en Allemagne, en Autriche et en Ethiopie, de cinq mois au Brésil, de six mois en Hongrie, de neuf mois en République démocratique populaire lao, d'un an après la naissance en Afghanistan, en Angola, en Bolivie, en Grèce, au Mozambique, en Somalie, au Venezuela et au Viet Nam, de quinze mois au Mali et au Sénégal. Elle atteint deux ans en Mongolie et trois ans au Bélarus et en Ukraine. Dans d'autres pays, la protection contre le licenciement pendant la période qui suit la reprise du travail à l'issue du congé de maternité est assurée par la référence aux responsabilités familiales, celles-ci ne constituant pas un motif valide de licenciement, comme le prévoit la convention no 158.
La protection assurée par la législation est évidemment un aspect des choses. La principale question, comme toujours en matière de licenciement, est de s'assurer qu'en pratique la femme ne pourra être licenciée que pour un motif sans rapport avec la grossesse, le congé de maternité et la présence au foyer d'un jeune enfant. Les tribunaux du travail jouent un rôle déterminant pour garantir le respect des dispositions légales et apprécier la validité des motifs invoqués par l'employeur et leur lien avec la maternité. Il semble d'ailleurs qu'il y ait beaucoup de cas litigieux 10.
Le recours aux tribunaux n'intervenant qu'en dernier ressort, différents moyens existent pour faire en sorte que la protection contre le licenciement soit effectivement assurée. Ces moyens comprennent le plus souvent l'obligation, pour l'employeur, d'indiquer, par écrit, le motif du licenciement, comme le prévoient la Directive européenne 92/85 et la plupart des législations des Etats membres de l'Union européenne, la mise à la charge de l'employeur de la preuve, et l'information ou l'autorisation préalable de l'autorité compétente - inspection du travail ou conseil ou comité d'entreprise. C'est le cas en Colombie, où l'autorisation de licenciement peut être accordée pour les seuls motifs prévus par le Code du travail. Au Guatemala, cette autorisation doit être donnée par un tribunal du travail, au Chili, par un juge et, en Israël, par le ministère du Travail. Les changements introduits à la législation du Portugal en 1995 subordonnent le licenciement d'une femme enceinte ou qui vient de donner naissance à un enfant à l'avis de la Commission pour l'égalité dans le travail et dans l'emploi, organisme tripartite du ministère de l'Emploi et de la Sécurité sociale; cette commission doit donner son avis dans les trente jours qui suivent le moment où elle a été saisie. La protection peut aussi être assurée par des mesures dissuasives. En Irlande, tout licenciement lié à la grossesse, à l'accouchement ou à l'allaitement est considéré comme un licenciement abusif et est interdit; les sanctions légales sont très lourdes et l'employée licenciée peut être réintégrée ou recevoir une compensation pouvant atteindre deux années de salaire brut. En Belgique, lorsque le licenciement est illégal, outre l'indemnité de licenciement, une allocation spéciale de protection égale à six mois de salaire brut est payée. En Finlande, l'indemnité pour licenciement abusif peut atteindre 24 mois de salaire. En Suède, le licenciement pour cause de grossesse peut aussi constituer un licenciement discriminatoire interdit par la législation sur l'égalité entre hommes et femmes 11 .
Enfin, dans certains pays, la loi protège contre le licenciement abusif lié à la maternité en prévoyant expressément que la femme peut être licenciée en raison d'une baisse de productivité pendant la grossesse. C'est le cas en Grèce et au Honduras.
En concluant cette section, on ne saurait ignorer qu'il arrive qu'une femme soit licenciée et il faut donc se demander quel est l'effet d'un tel licenciement, si celui-ci intervient pour un juste motif, comme la faillite ou la cessation des activités de l'entreprise qui l'emploie, ou une faute grave de sa part juste avant ou pendant son congé de maternité 12 . Il semble qu'il faille distinguer deux situations: celle où la femme remplit les conditions requises pour bénéficier des prestations de maternité fournies dans le cadre d'un système de sécurité sociale ou d'assurance, et celle où elle ne remplit pas ces conditions ou n'est pas couverte par un tel système, qu'elle en soit exclue pour une raison ou pour une autre, ou qu'un tel système n'existe pas et que l'indemnisation du congé soit à la charge de l'employeur. Dans le premier cas, le licenciement sera d'ordinaire sans effet sur le paiement des indemnités et la femme pourra normalement bénéficier de celles-ci pendant son congé. Dans le second cas, sa situation apparaît plus précaire. Toutefois, dans quelques pays, il est spécifiquement prévu que l'indemnisation sera maintenue. Ainsi, au Botswana, la législation prévoit que le licenciement n'annule pas l'obligation de paiement par l'employeur.
Les droits liés au contrat de travail
Comme à l'issue de toute absence justifiant l'octroi d'un congé, le droit de retrouver son poste ou un travail équivalent rétribué au même taux 13 revêt une grande importance pour la travailleuse qui vient d'avoir un enfant. Ce droit est d'autant plus important que le modèle traditionnel selon lequel les femmes arrêtaient leur activité professionnelle après la naissance de leurs enfants afin de les élever et reprenaient un travail une fois cette tâche accomplie appartient de plus en plus au passé. D'après les enquêtes disponibles, les femmes sont de plus en plus nombreuses à reprendre le travail après la naissance d'un enfant. Au Royaume-Uni, en 1988, cela a été le cas de 45 pour cent de celles qui avaient travaillé pendant leur grossesse 14 . D'après une enquête plus récente effectuée auprès de mères de nouveau-nés en vue de mesurer les effets des réformes apportées en 1994 à la protection légale de la maternité, 92 pour cent de celles-ci avaient l'intention de retourner travailler après leur congé de maternité 15 . En Finlande, aux Pays-Bas et en Suède, la plupart des bénéficiaires d'un congé parental - principalement des femmes - reprennent leur travail à l'issue de ce congé 16 . La situation varie selon les pays, la participation des femmes à l'activité salariée et le nombre d'enfants, ainsi qu'en fonction des services de garde existants, des perspectives de travail à temps partiel et des autres possibilités de concilier travail et responsabilités familiales. Ainsi, la proportion de femmes qui reprennent le travail après la naissance d'un enfant est de 50 pour cent en Allemagne et en Espagne, de 33 pour cent en Autriche, de 78 pour cent en Italie et de 80 pour cent en France. En Allemagne, en 1987, cette proportion atteignait 80 pour cent pour les mères élevant seules un enfant et 66 pour cent pour celles élevant deux enfants ou plus 17 . De fait, quelle qu'elle soit, la part des femmes qui reprennent leur activité salariée après la naissance d'un enfant semble partout en augmentation.
Les législations nationales de différents pays prennent par ailleurs en considération le cas des mères qui, pour une raison ou une autre, ne veulent ou ne peuvent pas (par exemple si les services de garde sont insuffisants) reprendre leur activité, en prévoyant qu'elles peuvent démissionner sans préavis pendant leur grossesse ou pendant la période d'allaitement 18 . Tel est le cas dans plusieurs pays d'Afrique francophone (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République centrafricaine, Congo, Côte d'Ivoire, République démocratique du Congo, Djibouti, Gabon, Madagascar, Mali 19 , Niger, Sénégal, Rwanda 20 ). Ces dispositions sont certes utiles pour les femmes qui souhaitent interrompre leur activité, mais force est de constater que ce n'est pas là le principal problème auquel les travailleuses sont confrontées en matière de cessation de la relation d'emploi. Bien plus importante en effet est une protection effective contre la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur.
Le retour au travail antérieur
Le droit pour la femme de reprendre son travail après le congé de maternité résulte d'ordinaire implicitement du congé lui-même, l'activité étant temporairement suspendue de la même manière qu'elle l'est pendant le congé annuel, sans que cela fasse l'objet de dispositions légales expresses. De telles dispositions figurent toutefois dans la législation de plusieurs pays (Comores, Mali). Ailleurs, c'est le droit de la femme de retrouver son poste antérieur dans l'entreprise qui est énoncé. Il en est ainsi en Bolivie, au Brésil, en Colombie, à Cuba, en Dominique, en Irlande et en Mongolie. En Espagne et au Mexique, le poste de la travailleuse lui est conservé pendant un an après la naissance. En France, le droit de la femme de retrouver son poste antérieur est expressément garanti dans le cas où celle-ci a dû être transférée à un autre poste pendant sa grossesse. En Afghanistan, aux Bahamas, à la Barbade, en Finlande, au Luxembourg, à Malte et au Swaziland, la femme a le droit de reprendre son poste ou un poste équivalent. Au Costa Rica, la réintégration concerne le poste antérieur ou une position adaptée aux capacités et à la compétence de la travailleuse, sous réserve, dans ce dernier cas, que la rémunération soit identique.
Le droit de retrouver le poste occupé avant le congé de maternité connaît, dans la législation britannique, deux exceptions. L'une concerne les petites entreprises occupant cinq travailleurs ou moins, qui ne peuvent pas raisonnablement permettre à la femme de reprendre son poste ou de lui offrir un autre travail à des conditions qui ne soient pas moins favorables que celles qui lui auraient été appliquées si elle n'avait pas été absente en congé de maternité. L'autre peut intervenir lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur de permettre à la femme de reprendre son poste du fait que sa main-d'?uvre est excédentaire. Si un poste devient vacant, il doit être proposé à la femme. Un nouveau contrat est alors établi, sous réserve que le travail convienne à l'employée et soit adapté à ses capacités, et que ses conditions d'emploi ne soient pas substantiellement inférieures à celles auxquelles elle aurait eu droit dans le cadre d'un retour normal au travail.
Dans de nombreux pays, le retour au travail antérieur s'exerce automatiquement: la femme reprend son poste à l'expiration de son congé de maternité. Il arrive aussi que l'exercice de ce droit s'accompagne d'un certain nombre de formalités, par exemple d'une notification préalable, comme à la Grenade et en Irlande.
A défaut de dispositions légales, ces formalités sont parfois précisées dans les conventions collectives. Ainsi, aux Bahamas, où une convention collective applicable à l'hôtellerie et à la restauration prévoit que l'employeur doit être informé de l'intention de la femme de reprendre son travail dans les six semaines qui suivent la naissance; l'absence de notification peut être interprétée par l'employeur comme signifiant que la travailleuse se propose de ne pas reprendre le travail et permet à celui-ci de rompre la relation de travail. Dans certains cas, les exigences liées à l'exercice du droit de reprendre le travail comprennent la présentation d'un certificat médical attestant que la femme est bien en mesure de le faire. Le retour après une absence plus longue, notamment après un congé parental, est parfois aussi assujetti à une notification préalable plus précoce.
Le droit de la femme de reprendre son travail n'est cependant pas universel. Aux Etats-Unis, la loi sur le congé familial et médical prévoit que l'employeur peut refuser de réintégrer certains salariés à rémunération élevée ce refus est nécessaire pour prévenir une atteinte économique grave et substantielle à ses activités. Comme on l'a vu pour le Royaume-Uni, même lorsqu'il est expressément prévu, le droit de retourner au travail antérieur ou à un travail équivalent peut souffrir certaines exceptions qui en limitent la portée pratique.
Autres droits liés au contrat de travail
Le droit de retrouver son poste antérieur ou un poste équivalent, pour important qu'il soit et pour autant qu'il soit effectivement reconnu et appliqué, ne suffit pas à faire en sorte que le rôle de la femme dans la procréation ne constitue pas un obstacle à la réalisation de l'égalité de chances et de traitement. A cette fin, il apparaît aussi souhaitable que l'absence pendant le congé de maternité et sa prolongation éventuelle ne se traduisent pas par la perte des droits ou avantages liés au contrat de travail ou par leur réduction, ce qui ne peut que renforcer les différences souvent importantes qui subsistent entre hommes et femmes salariés. Force est toutefois de constater qu'on est encore loin du compte, en dépit des mesures qui assimilent le congé de maternité à une période de service effective pour le calcul des droits liés à l'ancienneté ou autres droits liés au contrat de travail.
Nombreux sont les pays examinés où le congé de maternité est considéré comme une période de service aux fins du calcul des avantages liés à l'emploi. C'est le cas notamment au Costa Rica, au Honduras, à la Jamaïque, à Madagascar et au Portugal. Dans d'autres pays, comme le Bélarus, l'Espagne, la France, le Mexique et le Nicaragua, il est expressément prévu que le congé de maternité doit être pris en considération pour déterminer les droits liés à l'ancienneté. Certains pays ont adopté un dispositif très détaillé à cet égard. En Namibie, la loi sur le travail de 1992 dispose que la femme ne sera privée d'aucun des droits liés à son contrat de travail qui lui étaient reconnus à la veille de son départ en congé de maternité, qu'il s'agisse des droits liés à l'ancienneté, des droits applicables en matière de promotion ou des avantages dont elle pouvait se prévaloir à des fins de couverture médicale ou de retraite.
En Algérie, en Côte d'Ivoire, en Hongrie et en Fédération de Russie, la loi prévoit que le congé de maternité est inclus dans la période de service prise en compte pour déterminer à la fois le droit au congé annuel payé et la durée de ce dernier. A Madagascar, elle précise que l'absence en congé de maternité ne peut pas venir en déduction du congé annuel. Il arrive aussi que les conventions collectives complètent la législation ou s'y substituent pour expliciter les effets - ou l'absence d'effets - du congé de maternité sur les droits liés à l'emploi. C'est le cas d'un accord collectif qui a été conclu au Ghana en 1995 dans le secteur du commerce.
Si les droits liés à l'ancienneté, notamment les congés annuels payés, semblent assez largement reconnus et garantis, ce n'est pas le cas d'autres aspects aussi importants, mais beaucoup plus complexes car non liés automatiquement à l'ancienneté, tels que l'accès à la formation et l'avancement dans la carrière. Or ce sont sans doute là des domaines dans lesquels les femmes sont le plus défavorisées par rapport à leurs homologues masculins.
L'analyse qui précède met en lumière l'évolution des législations et pratiques nationales en matière de protection de la travailleuse contre le licenciement au regard des normes prévues par la convention no 103. On s'oriente en effet vers une protection plus large, dans la mesure où celle-ci ne couvre pas la seule période de l'absence pendant le congé de maternité mais intervient dès la grossesse et s'étend à la période qui suit la reprise du travail et qui comporte des responsabilités familiales; mais cette protection est aussi relative puisqu'on admet, conformément aux règles applicables à la protection contre le licenciement en général, que la femme peut être licenciée pour des raisons n'ayant pas de lien avec la maternité. C'est là que résident les difficultés, car il est vrai qu'il n'est pas aisé de s'assurer que le licenciement soit vraiment sans aucun lien avec le rôle de la femme dans la procréation. C'est une tâche qui concerne à la fois les employeurs, les travailleuses, leurs organisations représentatives, le législateur et la justice de chaque pays.
Plus lourde encore est la tâche qui consiste, comme on l'a mentionné au début de ce chapitre, à veiller à ce que la maternité ne constitue pas un obstacle dès l'embauche pour celles, toujours plus nombreuses, qui doivent ou veulent concilier celle-ci et l'exercice d'une activité professionnelle. C'est une responsabilité que tentent de plus en plus d'assumer ceux que préoccupe la réalisation de l'égalité entre hommes et femmes au travail et dans la société. De fait, un nombre croissant de pays, en particulier des pays industrialisés, adoptent des mesures pour combattre la discrimination au moment du recrutement en interdisant toute démarche de l'employeur visant à déceler si la postulante est enceinte. Toutefois, des progrès restent à faire pour réaliser cet objectif et pour que ce souci louable ne nuise pas, indirectement, à l'emploi des femmes en âge de procréer.
Notes
1 Article 6 de la convention no 103 (article 4 de la convention no 3) en vertu duquel il est illégal pour l'employeur de licencier la femme pendant son absence durant le congé de maternité ou de lui signifier son congé «à une date telle que le délai de préavis expire » pendant ladite absence.
2 On notera, comme l'avait relevé, en 1965, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations lorsqu'elle a procédé à l'examen des législations et pratiques nationales en matière de protection de la maternité, que cette interdiction n'a pas pour effet "d'obliger par exemple un employeur qui cesse son activité ou un employeur qui constate une faute grave ... à maintenir le contrat de travail d'une travailleuse enceinte ou en couches malgré les motifs qui pourraient justifier son licenciement, mais tout simplement de prolonger au maximum la durée légale du préavis d'un délai supplémentaire, égal au temps nécessaire pour que s'achève la période de protection prévue...".
3 Paragraphe 4.
4 Paragraphe 5.10.
5 Pour une analyse récente des législations et pratiques nationales en matière d'égalité dans l'emploi et la profession, voir BIT: Egalité dans l'emploi et la profession, Rapport III (partie 4B), Conférence internationale du Travail, 83 e session, Genève, 1996.
6 Recommandation (no 119) sur la cessation de la relation de travail.
7 Cas Webb c. EMO Aircargo (UK) Ltd., 1994, IRLR 482. Au moment de la rédaction de ce chapitre, ce cas n'avait pas encore été reconsidéré par les tribunaux britanniques auxquels il doit être renvoyé.
8 Article 5 d) et e). La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a procédé en 1995 à une étude d'ensemble sur l'effet donné à cette convention et à la recommandation no 166 qui la complète: Protection contre le licenciement injustifié, rapport III (partie 4B), Conférence internationale du Travail, 82 e session, Genève, 1995.
9 Article 10.1).
10 Comme on l'a vu au chapitre 1, au Royaume-Uni, le plus grand nombre des demandes reçues par la Commission d'égalité des chances concernent la grossesse et le congé de maternité, et plus d'une sur huit portent sur des licenciements.
11 S. Prechal et L. Senden: Mise en application de la Directive 92/85 (travailleuses enceintes), Rapport Spécial 1995 du Réseau des Experts concernant la mise en ?uvre des directives égalité, document V/1717/96-FR (Bruxelles, Commission européenne, octobre 1996).
12 La situation de la femme salariée qui se retrouve au chômage est traitée par la convention (no 168) sur la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage, 1988, et la recommandation no 176 qui la complète.
13 Recommandation no 95, paragr. 4(3).
14 C. Callender, N. Millward, S. Lissenburgh et J. Forth: Maternity rights and benefits in Britain, 1996 (Londres, Policy Studies Institute, 1997), p. 101.
15 Ibid., p. 61.
16 OCDE: , chap. 5, Perspectives de l'emploi (Paris, juillet 1995).
17 Ibid., p. 202; M.-J. Saurel-Cubizolles: Reprise du travail après la naissance d'un enfant et santé des femmes, Rapport de synthèse, juin 1996 (Villejuif, Unité de Recherches épidémiologiques sur la Santé des Femmes et des Enfants, 1996), p. 28.
18 Et sans être redevables d'une compensation pour rupture du contrat de travail.
19 Avec un préavis de 24 heures.
20 A Djibouti et à Madagascar, cette possibilité est offerte pendant 15 mois après la naissance.
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Des progrès remarquables ont été accomplis en matière de prestations de maternité depuis que les Etats Membres de l'OIT, en 1919, ont adopté la première convention sur la protection de la maternité. A l'époque, neuf seulement des vingt-neuf pays qui avaient institué le congé obligatoire de maternité prévoyaient le versement de prestations dans le cadre d'un régime d'assurance. En 1952, une quarantaine de pays s'étaient dotés d'une législation régissant l'assurance sociale obligatoire qui prévoyait des prestations de maternité. Aujourd'hui, plus de 100 pays dans le monde reconnaissent le droit de la femme au congé payé de maternité et assurent par conséquent l'octroi de prestations de sécurité sociale avant et après l'accouchement.
Le présent chapitre porte sur l'évolution des prestations en espèces et des prestations médicales au cours des dernières années et sur certaines questions fondamentales à considérer dans la perspective de la révision de la convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952. Parmi celles-ci figure la diversité des conditions d'admission et des modalités en matière de financement des prestations en espèces et des prestations médicales. Ces points sont examinés à la lumière des instruments pertinents de l'OIT, brièvement passés en revue.
L'égalité de traitement entre hommes et femmes reste purement théorique dès lors que les systèmes de sécurité sociale et les dispositifs de protection sociale ne prennent pas en charge les besoins des femmes résultant de la maternité 1 . En effet, dans beaucoup d'Etats Membres, les systèmes de sécurité sociale sont la principale source de prestations en espèces et de prestations médicales. Des améliorations sensibles ont été enregistrées ces dernières années en ce qui concerne le taux de couverture. Dans la plupart des pays industriels à économie de marché, le bénéfice de la protection sociale a été étendu à la quasi-totalité des femmes actives, et par ailleurs le congé de maternité a été allongé, dépassant dans presque tous les cas la période minimale de 12 semaines avec droit à prestations, prévue par la convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, et la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952. Parallèlement, on a relevé le niveau des prestations, qui est déterminé en proportion du gain antérieur de chaque femme. Dans l'immense majorité des pays industriels, les prestations sont supérieures aux deux tiers stipulés dans la convention no 103.
Dans beaucoup de pays, le nombre de femmes ayant droit à une protection de la maternité a augmenté, principalement du fait que les régimes de sécurité sociale ont été étendus à des secteurs qui jusque-là en étaient exclus, tels que l'agriculture, les services domestiques et l'emploi indépendant. Par exemple, des prestations de maternité sont offertes aux travailleuses agricoles en Equateur, au Maroc et en Tunisie, aux employées de maison au Brésil, en Jamaïque et au Pérou, et à ces deux catégories à Trinité-et-Tobago.
Dans certains pays, les travailleuses indépendantes peuvent désormais bénéficier de la sécurité sociale. Aux Bahamas, au Costa Rica, en Finlande, aux Philippines, au Portugal, en Slovaquie et en Tunisie, elles sont protégées selon les mêmes critères que les salariées, au même taux de prestations et pendant la même période 2 . En Albanie et au Danemark, les taux de prestations en espèces sont différents pour ces deux catégories de travailleuses; en Belgique, en Espagne, en France, au Gabon et au Luxembourg, des systèmes spéciaux s'appliquent aux travailleuses indépendantes. Elles sont également protégées en Allemagne, à la Barbade, en Grèce, en Hongrie, en Israël, aux Seychelles et en Suède. A Belize, au Nicaragua, au Panama, au Paraguay et au Pérou, elles ont la possibilité de participer à un système de protection volontaire. En Thaïlande, un système de ce type entrera en vigueur le 2 septembre 1998.
Etant donné le poids accru des femmes dans l'économie, la question de l'égalité de traitement avec les hommes est passée au premier plan. Des efforts ont été faits pour aider les femmes à concilier activité professionnelle et responsabilités familiales, et la quasi-totalité des pays où des changements ont été introduits ont essayé d'améliorer les prestations en conférant des droits aux pères. C'est le cas au Danemark, où le père, qu'il soit salarié ou indépendant, a droit à deux versements hebdomadaires pendant la période de 14 semaines qui suit l'accouchement. En Suède, le père a droit à un congé de 10 jours après l'accouchement.
Cependant, les progrès ne sont pas uniformes. Les prestations de maternité, traditionnellement avantageuses dans les pays d'Europe orientale, ont été réduites par suite de la restructuration de l'économie, en particulier les prestations en espèces. Le passage à l'économie de marché a entraîné une déréglementation des institutions du marché du travail, des systèmes de sécurité sociale et de la protection de l'emploi. La montée consécutive du chômage a singulièrement frappé les femmes qui, du coup, ne remplissent plus les conditions requises pour le versement de prestations en espèces.
Si, dans les pays développés, les prestations de maternité se sont généralisées, dans les pays en développement les disparités sont immenses. Dans les nouveaux pays industriels, la protection de la maternité a beaucoup progressé et, dans certains cas, les droits prévus dépassent les normes minimales de l'OIT. En Amérique latine et dans certaines régions d'Asie, les travailleuses du secteur structuré sont relativement bien protégées à cet égard. Les prestations médicales s'améliorent et, dans les pays dotés d'une infrastructure de santé suffisante, les soins médicaux et l'hospitalisation pendant la grossesse, pendant l'accouchement et au cours de la période postnatale sont pris en charge soit par le système de sécurité sociale, soit par les services de santé publique. En revanche, dans d'autres régions, notamment en Afrique subsaharienne, la protection ne s'est guère développée. Elle dépend dans une large mesure de l'aide sociale et non d'un système de sécurité sociale, et sa portée, sa durée et son efficacité demeurent insuffisantes. Au Bénin, par exemple, selon les estimations 5 pour cent seulement de la population active étaient couverts par la sécurité sociale en 1992. En Côte d'Ivoire, le chiffre correspondant était de 7 pour cent en 1995 et au Cameroun de 10 pour cent en 1994 3 .
Une grande partie des femmes actives demeurent sans protection parce qu'elles sont sous-représentées dans le secteur couvert par le système de sécurité sociale, à savoir le secteur structuré. Ce problème est particulièrement aigu dans les pays en développement, encore qu'il ne se pose pas uniquement dans ceux-ci. En 1994, en Colombie, 52 pour cent des femmes actives étaient employées dans le secteur informel; en 1995, le chiffre était de 48 pour cent au Pérou et de 10 pour cent en Pologne.
Normes de l'OIT relatives à la sécurité sociale
Etant donné que la plupart des pays accordent des prestations de maternité par le truchement de la sécurité sociale, il importe que toute révision de la convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, tienne compte des normes minimales applicables en matière de sécurité sociale. Les quatre principaux instruments pertinents sont la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, la recommandation (no 67) sur la garantie des moyens d'existence, 1944, la recommandation (no 69) sur les soins médicaux, 1944, et la convention (no 130) concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie, 1969. Ces instruments abordent la question de la protection de la maternité dans la perspective plus large de la fourniture de soins de santé et de la garantie des moyens d'existence.
La convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, considère les prestations de maternité comme l'une des neuf branches de la sécurité sociale. La partie VIII, qui porte sur les prestations de maternité, prévoit des soins médicaux et des paiements périodiques en cas de suspension du gain. Au 31 décembre 1996, la partie VIII de la convention no 102 avait été ratifiée par 26 pays: Allemagne, Autriche, Belgique, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Costa Rica, Croatie, Ex-République yougoslave de Macédoine, France, Grèce, Italie, Jamahiriya arabe libyenne, Luxembourg, Mexique, Niger, Pays-Bas, Pérou, Portugal, Sénégal, Slovaquie, Slovénie, Suède, République tchèque, Turquie, Venezuela et Yougoslavie.
L'un des principes directeurs de la recommandation (no 67) sur la garantie des moyens d'existence, 1944, est que "tout régime de garantie des moyens d'existence devrait soulager le besoin et prévenir l'indigence, en rétablissant jusqu'à un niveau raisonnable les moyens d'existence perdus en raison de l'incapacité de travailler". Le paragraphe 10 de la recommandation dispose que l'éventualité qui devrait donner lieu à prestations de maternité est la perte de gain en raison d'abstention de travail pendant des périodes fixées, avant et après les couches.
La recommandation (no 69) sur les soins médicaux, 1944, souligne que la fourniture de soins médicaux constitue un élément essentiel de la sécurité sociale. Le paragraphe 21 précise que les soins fournis devraient comprendre les soins de praticiens de médecine générale et de spécialistes à des personnes hospitalisées ou non hospitalisées (y compris les soins à domicile); les soins dentaires; les soins d'infirmières soit à domicile, soit dans un hôpital ou dans une autre institution médicale; les soins donnés par des sages-femmes diplômées et autres services de maternité, à domicile ou dans un hôpital; l'entretien dans un hôpital ou autre institution médicale; dans toute la mesure possible, toutes fournitures dentaires, pharmaceutiques et autres fournitures médicales ou chirurgicales qui seraient nécessaires. Il est indiqué au paragraphe 29 que tout l'outillage nécessaire à l'établissement du diagnostic et à l'administration de soins, les conseils et les soins de spécialistes, des services d'infirmières et de sages-femmes et des services pharmaceutiques devraient être à la disposition du praticien de médecine générale à l'usage de ses malades.
Octroi des prestations
Qu'elles soient fournies dans le cadre de l'assurance sociale par prélèvement sur des fonds publics ou au moyen d'un système mixte de financement public et privé, les prestations de maternité comprennent en général, dans les Etats Membres de l'OIT, les soins médicaux et une forme ou une autre de compensation de la perte de revenu pendant le congé 4 .
En examinant les systèmes de sécurité sociale, on constate qu'ils sont essentiellement de deux sortes. Les premiers offrent des prestations en espèces et des prestations médicales à toutes les femmes assurées, comme c'est le cas en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Cameroun, en Espagne, en France, en Iran, au Liban, au Pakistan, en Pologne, en Slovaquie et en Thaïlande (uniquement dans les entreprises de plus de 10 travailleurs), ainsi que dans les pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. Les seconds couvrent tous les résidents, mais leur champ d'application n'est pas forcément le même pour les prestations médicales et pour les prestations en espèces. L'Islande offre ces deux catégories de prestations à toutes les femmes résidentes; l'Australie, le Canada, Cuba, le Danemark, la Finlande, la Géorgie, l'Irlande, la Lettonie, la Norvège, l'Ouzbékistan, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède, entre autres pays, servent des prestations médicales à l'ensemble des résidentes, mais réservent les prestations en espèces aux femmes assurées. En fait, les systèmes universels de santé financés par des fonds publics prévoient l'attribution de prestations médicales dans un grand nombre de pays.
La convention (no 3) sur la protection de la maternité, 1919, ne fait aucune mention des conditions d'accès aux prestations de maternité, alors que la convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, dispose que les femmes qui remplissent les conditions requises auront droit aux prestations médicales et aux prestations en espèces. Les conditions d'admission seront déterminées par la législation et la pratique nationales. L'article 4, paragraphe 5, de la convention no 103 dispose en outre que les femmes qui ne peuvent prétendre, de droit, à des prestations recevront des prestations appropriées par prélèvement sur les fonds de l'assistance publique, sous réserve des conditions relatives aux moyens d'existence.
Les conditions requises varient largement d'un pays à l'autre suivant que les prestations prennent la forme de soins de santé ou de versements en espèces. Il peut s'agir notamment d'une attestation de résidence, d'une période minimale de cotisation ou de service. En Espagne, il n'y a pas de conditions à remplir pour obtenir des prestations médicales, tandis que le droit aux prestations en espèces est assujetti à une période de cotisation de 180 jours au cours des cinq dernières années. Au Canada, en Islande et en Nouvelle-Zélande, une pièce justificative attestant la durée de résidence est exigée pour l'attribution de prestations médicales.
Dans les pays où la couverture médicale n'est pas universelle, les prestations médicales sont subordonnées à une période de cotisation. Il en est ainsi au Brésil, en Colombie, en République dominicaine, en Egypte, en Equateur, en Grèce, au Nicaragua, au Pérou, aux Philippines (pour les non-pensionnés), au Sénégal et en Thaïlande. En Algérie, en Guinée et en Tunisie (salariées non agricoles), une période minimale d'emploi est requise; en France et en Mauritanie, le critère retenu est la période d'emploi cotisée.
En ce qui concerne les prestations en espèces, leur attribution dépend souvent d'une période minimale de cotisation, comme c'est le cas en Albanie, en Allemagne, en Belgique, en Côte d'Ivoire, en Espagne, en Grèce, au Guatemala, au Honduras, en République islamique d'Iran, en Irlande, en Israël, au Mexique, au Nicaragua, au Paraguay, au Pérou, aux Philippines, au Royaume-Uni, en République tchèque et en Zambie. Dans d'autres pays, une période déterminée d'emploi est requise (Algérie, Argentine, Bangladesh, Canada, France et Norvège). En République centrafricaine, au Gabon, en Guinée, à Madagascar, au Mali et en Tunisie, les prestations de maternité sont subordonnées à une période minimale d'emploi assuré. En Australie et en Nouvelle-Zélande, les prestations de maternité en espèces sont mises sous conditions de ressources.
Prestations en espèces
Toutes les normes de l'OIT relatives à la protection de la maternité prévoient des prestations en espèces dont l'objet est de remplacer une partie du gain perdu par la femme du fait de l'interruption de son activité professionnelle. Sans cet appui financier, la perte de gain subie par la femme obligée de s'absenter de son travail, à quoi s'ajoute le surcroît de dépenses occasionné par la grossesse et la naissance, mettrait dans la gêne un grand nombre de familles. En pareil cas, la femme pourrait se sentir contrainte de reprendre son activité professionnelle avant d'avoir épuisé son droit au congé, même si cela n'est pas médicalement recommandé. Les prestations en espèces donnent corps au droit au congé et, à certaines exceptions près, la période d'octroi des prestations en espèces correspond à la durée du congé.
La convention no 3 adoptée en 1919 dispose que, pendant le congé de maternité, la femme recevra des prestations en espèces pendant une période de 12 semaines. Le niveau de ces prestations n'est pas précisé, et il appartient à chaque Etat d'en fixer le montant exact. Il est simplement indiqué que l'indemnité doit être suffisante pour l'entretien de la femme et de son enfant dans de bonnes conditions d'hygiène. La convention ajoute qu'aucune erreur de la part du médecin ou de la sage-femme, dans l'estimation de la date de l'accouchement, ne pourra empêcher la femme de recevoir l'indemnité à laquelle elle a droit, à compter de la date du certificat médical jusqu'à celle à laquelle l'accouchement se produira.
La convention no 103 de 1952 dispose que les prestations seront versées pendant l'absence prescrite par la loi, c'est-à-dire 12 semaines au moins, et pendant toute prolongation du congé accordée quand l'accouchement a lieu après la date présumée ou en cas de maladie attestée par certificat médical comme résultant de la grossesse ou des couches 5 . En ce qui concerne le montant, la convention reprend les termes de la convention de 1919, puisqu'elle dispose que le taux des prestations sera fixé par la législation nationale "selon un niveau de vie convenable". Elle indique que les prestations fournies dans le cadre d'un système d'assurance sociale ne devront pas représenter moins des deux tiers du gain antérieur pris en considération.
La recommandation no 95 de 1952 suggère que, chaque fois qu'il sera possible, les prestations en espèces devraient être fixées à un taux supérieur au taux minimum prévu par la convention et, dans la mesure du possible, représenter 100 pour cent du gain antérieur de la femme pris en considération pour le calcul des prestations.
La convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, dispose que les prestations en espèces en cas de maternité consisteront en un paiement périodique calculé sur la base du gain antérieur de la personne assurée, ce qui correspond à 45 pour cent au moins du salaire que la femme percevait avant qu'elle ne s'absente de son travail. Le montant de ce paiement peut varier, pour autant que cela n'entraîne pas une réduction du montant moyen de la somme susmentionnée. Les prestations en espèces qui visent à remplacer le revenu doivent, conformément à la recommandation no 67, rétablir à un niveau raisonnable les moyens d'existence perdus en raison de l'incapacité de travailler. Dans tous ces instruments, la notion de "raisonnable" se définit par rapport au gain antérieur du bénéficiaire. La convention no 102 contient, en annexe à sa partie XI, un tableau des paiements périodiques qui présente une série de pourcentages de substitution du revenu jugés souhaitables par la Conférence internationale du Travail pour diverses éventualités. Pour les prestations de maternité, le pourcentage indiqué est de 45 pour cent du salaire du bénéficiaire type. Comme il est indiqué plus haut, la convention no 103 sur la protection de la maternité porte ce taux aux deux tiers du salaire pris en considération aux fins de la sécurité sociale.
Dans la pratique, les prestations en espèces fournies dans le cadre d'un système de sécurité sociale ne remplacent pas entièrement la perte de revenu résultant d'une interruption de travail. Elles correspondent en général à un pourcentage du gain assuré ou à un pourcentage du gain pris en considération. Il est rare que les gains soient entièrement assurés, et les prestations sont d'ordinaire calculées sur la base d'une partie seulement du salaire total; c'est pourquoi les prestations en espèces peuvent ne représenter qu'une fraction relativement faible du gain antérieur. Au Canada, par exemple, les prestations de maternité étaient fondées en 1995 sur un taux de 55 pour cent du gain antérieur moyen assuré et ne pouvaient pas dépasser le gain maximal considéré aux fins de la pension; toutefois, le plafond des prestations étant fixé à 1792 dollars canadiens par mois, le taux effectif de remplacement du revenu peut représenter un pourcentage beaucoup plus faible du revenu réel. Les prestations sont plafonnées dans plusieurs pays, notamment en Autriche, à El Salvador, en France, au Gabon, en Irlande, au Maroc et en Thaïlande.
La législation nationale s'efforce néanmoins de garantir le versement d'une prestation qui ne soit pas inférieure à un certain niveau, même si le gain antérieur du bénéficiaire est faible. Un taux de remplacement inférieur à 100 pour cent n'entraîne pas nécessairement la perte d'un certain niveau de vie.
Les prestations en espèces servies dans le cadre d'un système de sécurité sociale peuvent être calculées soit sur la base du gain assuré à la date présumée de l'accouchement, soit en fonction du gain moyen assuré au cours des précédents mois ou de l'année écoulée. En ce qui concerne l'Europe, les pourcentages suivants s'appliquent pendant la période normale du congé de maternité: Turquie: 66,66 pour cent du gain; Belgique: 82 pour cent du gain le premier mois, 75 pour cent par la suite; Autriche, Israël, Fédération de Russie: 100 pour cent du gain; France: 100 pour cent du salaire journalier de base; Hongrie: 100 pour cent du gain moyen net journalier si la salariée a totalisé 270 jours d'assurance au cours des deux dernières années, ou 65 pour cent si elle n'en compte que 180; Espagne: 100 pour cent du traitement journalier sur la base duquel les cotisations ont été versées au cours des mois précédant le congé de maternité.
En Amérique latine, le taux des prestations représente 100 pour cent du gain en Argentine, au Brésil et en Uruguay; au Mexique, il est égal au gain moyen. Au Chili, dans le secteur public, il représente 100 pour cent du gain net, et dans le secteur privé il est égal au gain mensuel moyen net perçu au cours des trois derniers mois. En Afrique, certains pays - Bénin, Cameroun, Sénégal, etc. - servent des prestations équivalant à 100 pour cent du gain. En Asie, le taux applicable en Inde est de 100 pour cent du gain moyen, et aux Philippines de 100 pour cent du salaire moyen journalier des six meilleurs mois sur les douze précédant la naissance. Le Japon verse 60 pour cent du traitement de base, ainsi qu'une somme forfaitaire à titre d'allocation de naissance, et la Thaïlande 50 pour cent du salaire. En Australie et en Zambie, une somme forfaitaire est prévue. Ces exemples, tirés de la législation des pays considérés, sont souvent théoriques car d'autres facteurs - taxes, plafonds - influent sur le montant effectif des prestations.
Dans de nombreux pays, le congé payé de maternité est plus long en cas de naissances multiples. En Arménie et au Turkménistan, les femmes ont droit à des prestations en espèces pendant 180 jours au lieu de 140. En Islande, les prestations en espèces sont versées pendant un mois supplémentaire par enfant au-delà du congé payé de six mois qui est accordé pour la naissance d'un seul enfant. Au Luxembourg, les prestations sont versées pendant 20 semaines au lieu de 16 normalement. En Estonie, en Géorgie et en Ouzbékistan, le congé postnatal est porté de 8 à 10 semaines en cas de naissances multiples. En Pologne, le congé passe de 16 à 26 semaines; en Slovaquie, de 28 à 37 semaines et, en Espagne, de 16 à 18 semaines. En Afghanistan et en Chine, le congé payé est allongé de 15 jours, et au Viet Nam de 30 jours.
Certains pays augmentent la période de versement des prestations pour les familles nombreuses. En France, à partir du troisième enfant, les prestations en espèces sont versées pendant 8 semaines avant et 18 semaines après l'accouchement, contre 6 semaines avant et 10 semaines après l'accouchement pour le premier et le deuxième enfant. La limitation du nombre d'enfants pour lesquels des prestations de maternité sont accordées soulève des questions d'ordre éthique. La Déclaration universelle des droits de l'homme consacre le droit à la sécurité sociale de toute personne, y compris les femmes et les enfants, en tant que membres de la société 6 .
Prestations médicales
Les normes internationales relatives à la protection de la maternité disposent qu'une femme a droit à des soins médicaux ainsi qu'à des prestations en espèces. Aux termes de la convention no 3 de 1919, une femme enceinte a droit aux soins gratuits d'un médecin ou d'une sage-femme.
La convention n o 103 de 1952 est plus précise. Elle dispose que les prestations médicales comprendront les soins prénatals, les soins pendant l'accouchement et les soins postnatals donnés par une sage-femme diplômée ou par un médecin, et l'hospitalisation lorsqu'elle est nécessaire. Le libre choix du médecin et le libre choix entre un établissement public ou privé seront respectés.
La recommandation no 95 de 1952 énumère à son paragraphe 2(2) les prestations médicales qui doivent être accordées. Chaque fois qu'il sera possible, ces prestations devraient comprendre "les soins de praticiens de médecine générale et de spécialistes à des personnes hospitalisées ou non hospitalisées, y compris les visites à domicile, les soins dentaires, les soins donnés par une sage-femme diplômée et d'autres services de maternité aussi bien à domicile que dans un hôpital, l'entretien dans un hôpital aussi bien que dans toute institution médicale; les fournitures pharmaceutiques, dentaires et autres fournitures médicales ou chirurgicales, et les soins dispensés par des membres d'une autre profession légalement reconnus compétents pour fournir des services associés aux soins de maternité". Ces dispositions rappellent celles qui figurent dans la recommandation (no 69) sur les soins médicaux, 1944, citée plus haut.
Au paragraphe 2(3), la recommandation no 95 note que les prestations médicales devraient tendre à préserver, à rétablir ou à améliorer la santé de la femme protégée, ainsi que son aptitude à travailler et à faire face à ses besoins personnels. Il est indiqué au sous-paragraphe (4) que les départements gouvernementaux ou institutions attribuant les prestations médicales devraient encourager les femmes protégées à recourir aux services généraux de santé mis à leur disposition par les autorités publiques ou par d'autres organismes reconnus par les autorités publiques. Cette recommandation fait écho aux dispositions de l'article 49, paragraphe 4, de la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952.
Ainsi, la protection de la maternité répond à un objectif plus vaste d'intégration sociale que ne le fait la protection classique de la sécurité sociale, dans la mesure où elle prévoit non seulement un revenu de substitution, rempart contre le besoin, mais aussi des services de santé appropriés, parmi lesquels, par exemple, les programmes de santé maternelle et infantile. En outre, beaucoup de pays envisagent d'introduire dans leur législation le droit à des allocations prénatales et de naissance qui tiennent compte des dépenses liées à la grossesse (bilans prénatals) et à la naissance (prestations postnatales). Des allocations pour l'achat de lait et de layette viennent souvent s'ajouter aux prestations ordinaires. Ce genre de prestations en nature ou en espèces est mentionné au paragraphe 2(6) de la recommandation no 95.
Les services de santé varient d'un pays à l'autre. Le développement général des systèmes de santé publique et des hôpitaux relevant de la sécurité sociale a entraîné des améliorations dans de nombreux pays. Dans les pays anglophones et francophones d'Afrique, les soins médicaux sont en général fournis dans des hôpitaux dépendant du système de santé publique, tandis qu'en Amérique latine ce sont les institutions de sécurité sociale qui les dispensent dans leurs propres services et avec leur propre personnel. Le choix du médecin et de l'hôpital peut être limité. Certains pays sous-traitent des services auprès d'institutions médicales publiques ou privées lorsque le système de sécurité sociale ne dispose pas encore de services propres. Lorsqu'elles peuvent recourir à des services de qualité déjà disponibles dans le secteur public ou dans le secteur privé, il arrive que les autorités responsables de la sécurité sociale s'abstiennent délibérément de créer leur propre infrastructure. Dans certains pays, des conventions spéciales peuvent influer sur les services fournis. En France, par exemple, l'assuré paie les services fournis et se fait rembourser par sa caisse d'assurance maladie conformément aux dispositions des conventions conclues à cet effet. Une liste d'hôpitaux agréés est dressée à l'intention des bénéficiaires. En Allemagne, les patients peuvent choisir leur médecin parmi ceux agréés par la caisse, laquelle rembourse les frais d'honoraires, d'hospitalisation et de médicaments.
Financement des prestations de maternité
Les conventions no 3 de 1919 et no 103 de 1952 spécifient que les prestations de maternité (prestations médicales et prestations en espèces) sont financées dans le cadre d'un système d'assurance ou d'une caisse publique. Il en découle "qu'en aucun cas l'employeur ne doit être personnellement tenu responsable du coût des prestations dues aux femmes qu'il emploie" (art. 48 de la convention no 103). Cette disposition est guidée par le souci d'éviter que le coût de la protection de la maternité ne dissuade les employeurs de recruter des femmes.
En ce qui concerne les méthodes utilisées pour financer le coût des prestations de maternité, l'article 4, paragraphe 7, de la convention no 103 dispose que toute contribution due dans le cadre d'un système d'assurance obligatoire prévoyant des prestations de maternité et toute taxe qui serait calculée sur la base des salaires payés et qui serait perçue aux fins de fournir les prestations susmentionnées "doivent être payées d'après le nombre total d'hommes et de femmes employés dans les entreprises intéressées, sans distinction de sexe, qu'elles soient payées par les employeurs ou, conjointement, par les employeurs et par les travailleurs".
Les méthodes de financement des prestations de maternité semblent dans beaucoup de pays conformes aux dispositions des instruments de l'OIT. Dans la plupart des pays d'Europe et d'Amérique latine, ainsi que dans plusieurs pays d'Afrique et d'Asie, les prestations de maternité sont fournies dans le cadre d'un système d'assurance sociale, généralement obligatoire et souvent financé par les cotisations que versent employeurs et travailleurs des deux sexes sans distinction quant à l'âge. Dans plus d'un tiers des pays examinés, les cotisations sociales sont principalement, si ce n'est entièrement, à la charge des employeurs. Il arrive que l'Etat couvre les coûts administratifs ainsi que les déficits éventuels. Un grand nombre de pays recourent également à l'impôt pour faire face aux coûts des prestations.
Dans plusieurs pays, les prestations de maternité sont financées par l'Etat, généralement dans le cadre d'un régime de prévoyance. Mais, alors que les systèmes d'assurance qui comptent sur des ressources financières et des services médicaux spécialement prévus à cet effet sont en général à même de garantir une protection efficace, les systèmes fondés sur la prévoyance, lorsqu'ils sont étendus à des segments plus larges de la population, ne peuvent offrir que de modestes prestations. Il en résulte que le niveau des prestations médicales diffère selon que la femme accède aux soins en tant que salariée couverte par la sécurité sociale ou qu'elle doive faire appel à un système universel de santé publique.
Les prestations de maternité servies par l'aide sociale servent parfois à compléter les prestations financées par l'assurance sociale. Elles peuvent être accordées aux travailleuses qui n'ont pas droit à cette dernière ou s'ajouter aux prestations de l'assurance sociale pour étendre la protection. Tel est le cas en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Finlande, en France, au Luxembourg, en Norvège, aux Pays-Bas et en Suède.
Les travailleuses qui ne sont pas couvertes par la législation de la sécurité sociale peuvent obtenir des prestations de maternité dans le cadre des conventions collectives. Au Pakistan par exemple, une convention conclue entre l'Union fédérale orientale (EFU), la General Insurance Limited et le Syndicat des travailleurs du secteur de l'assurance (EFU) stipule que les femmes salariées recevront 4000 roupies pour un accouchement normal et 7000 roupies pour un accouchement nécessitant une intervention chirurgicale. Dans certains pays, les conventions collectives ne font que reprendre les dispositions légales régissant le congé et les prestations.
Financement par l'employeur
Les employeurs financent la totalité ou la majeure partie des prestations de maternité dans de nombreux pays, en particulier dans les pays en développement dont les systèmes de sécurité sociale sont insuffisants. L'employeur est légalement responsable du paiement des prestations de maternité en Arabie saoudite, en République démocratique du Congo, dans les Emirats arabes unis, les Iles Salomon, en Malaisie, à Malte, à Maurice, au Mozambique, au Népal, en Ouganda, au Pakistan, au Rwanda, à Singapour, en Somalie, au Soudan, à Sri Lanka, en République arabe syrienne, en République-Unie de Tanzanie, en Thaïlande, en Zambie et au Zimbabwe. Au Botswana, dans des secteurs déterminés, l'employeur est tenu de verser aux femmes 25 pour cent de leur salaire. Au Mexique, au Panama et à Sao Tomé-et-Principe, si la femme ne remplit pas les conditions d'admission à la sécurité sociale, l'employeur lui verse son salaire pendant son congé de maternité. Comme il a été indiqué précédemment, dans plusieurs pays, l'employeur cotise à l'assurance sociale pour les prestations de maternité en espèces sans participation du travailleur.
On a longtemps considéré que cette responsabilité dissuadait l'employeur de recruter des femmes en âge de procréer, et allait donc à l'encontre de la promotion de l'égalité entre hommes et femmes 7 . Il est communément admis que le juste équilibre entre équité et solidarité ne peut être atteint que grâce au financement collectif et à l'action redistributive de la sécurité sociale. Au Burkina Faso, les syndicats qui gèrent la Caisse nationale de sécurité sociale ont obtenu que ce soit elle qui verse le salaire des travailleuses pendant les trois mois de congé de maternité. En Chine, où l'on cherche à s'orienter vers un système d'assurance sociale, la question de l'assujettissement de l'employeur est en cours d'examen.
Rien n'empêche les employeurs, en dépit du principe selon lequel ils ne devraient pas être tenus personnellement responsables du paiement des prestations, de relever le niveau des prestations de la sécurité sociale en versant des allocations complémentaires. Cette formule - qu'elle soit volontaire, fondée sur une convention collective, inscrite dans le contrat de travail ou prévue par la loi - existe dans plusieurs pays. A Sao Tomé-et-Principe, l'employeur doit payer la différence entre les prestations de sécurité sociale et le salaire de la femme pendant toute la durée du congé. Au Bénin, au Burundi, au Congo et au Togo, les employeurs paient 50 pour cent du salaire, le solde étant financé par le système d'assurance nationale. A Trinité-et-Tobago aussi, l'assurance nationale garantit le remplacement de 60 pour cent du gain, les employeurs devant verser les 40 pour cent restants dans certains secteurs comme la restauration, ou pour certaines catégories professionnelles telles que les vendeuses, les aides ménagères, les enseignantes.
En France, les conventions collectives en vigueur en 1997 dans le secteur de l'assurance (compagnies générales) et dans le commerce de détail (grands magasins) prévoient que la femme qui compte au moins une année de service devra toucher un supplément aux prestations versées par la sécurité sociale de manière à continuer de percevoir la totalité de son salaire pendant son congé de maternité. Au Canada, le personnel enseignant touche une allocation complémentaire pendant la période réglementaire de deux semaines au cours de laquelle aucune autre indemnité n'est prévue. Le taux varie de 60 à 100 pour cent du salaire, suivant la province et la juridiction scolaire. Il ressort d'une enquête récente effectuée au Royaume-Uni auprès de 243 établissements que 149 d'entre eux offrent des prestations en espèces d'un taux plus élevé que celui qui est prévu par la loi. L'augmentation des prestations tient souvent à l'ancienneté 8 .
Les Etats Membres de l'OIT défendent avec vigueur le principe de l'octroi de prestations en espèces et de prestations médicales aux travailleuses en congé de maternité. Les moyens qu'ils utilisent en vue d'atteindre cet objectif varient beaucoup, et sa réalisation dépend notamment du degré de développement économique du pays, de l'état du système de sécurité sociale, de la qualité et de l'étendue de l'infrastructure médicale et de la volonté politique de mettre la pratique en harmonie avec la loi. L'organisation et le financement des services de santé et le mode de remplacement du revenu sont très différents d'un pays à l'autre.
Beaucoup de pays ont des systèmes qui combinent services publics et services privés de santé. Le financement des soins médicaux est assuré par différentes sources: fonds publics, assurance obligatoire, assurance volontaire et paiement direct par l'employeur ou le travailleur. L'amélioration des prestations médicales est souvent allée de pair avec le développement général des systèmes de santé publique et des hôpitaux de la sécurité sociale. Les systèmes mixtes permettent de fournir des soins prénatals, des soins pendant l'accouchement et des soins postnatals à une grande proportion de la main-d'?uvre féminine, ce qui est appréciable quand les ressources sont rares, mais le choix du médecin et de l'hôpital peut être limité.
La plupart des Etats Membres prévoient une forme ou une autre de remplacement du revenu pendant le congé de maternité qui vise à assurer pleinement l'entretien de la femme et celui de son enfant dans de bonnes conditions d'hygiène et selon un niveau de vie convenable. Cependant, l'assurance sociale obligatoire ne permet pas aux nombreux pays en développement dont les régimes sociaux ne sont pas parvenus à maturité d'atteindre cet objectif. La couverture est trop étroite et le taux des prestations trop faible, ce qui a donné lieu à des systèmes où le régime d'assurance se charge d'une partie des paiements et l'employeur du solde. Dans beaucoup de pays, l'employeur peut être tenu de verser directement aux travailleuses leur salaire pendant le congé de maternité, et dans d'autres de supporter aussi le coût des soins médicaux. Les prestations fournies par le système d'assurance sociale, lorsqu'il en existe un, peuvent être calculées à un taux inférieur au taux prescrit par la convention no 103 - les deux tiers des gains assurés -, mais néanmoins être suffisantes pour protéger la femme contre le dénuement pendant la durée de son congé. Dans certains pays, l'écart entre la législation et la pratique est immense et les conventions collectives jouent un rôle décisif dans l'octroi de prestations aux travailleuses. Celles qui ne sont pas couvertes par ces conventions courent le risque de ne bénéficier d'aucune protection effective en cas de maternité.
Compte tenu de la diversité des facteurs qui déterminent la fourniture de soins médicaux et le remplacement du revenu et, en particulier, des différences de développement économique des Etats Membres, dont dépend leur capacité d'octroyer des prestations, il convient d'examiner avec réalisme les moyens les plus efficaces d'atteindre l'objectif commun de la protection de la maternité.
Notes
1 BIT: Conclusions concernant la sécurité sociale et la protection sociale: égalité de traitement des hommes et des femmes, rapport de la Réunion tripartite d'experts sur la sécurité sociale et la protection sociale: égalité de traitement des hommes et des femmes, 21-25 nov. 1994 (Genève, document TMESSE/1994/D.1), p. 12.
2 C'est aussi le cas à Chypre, en Equateur, à El Salvador, en Guinée équatoriale, au Guyana, en Italie, en Jamahiriya arabe libyenne, en Norvège et en Uruguay.
3 Base de données de l'OIT sur la sécurité sociale.
4 Les références à des pays reposent sur des informations tirées d'un rapport du Bureau de recherche et de statistique de l'administration américaine de la sécurité sociale intitulé: Social security programs throughout the world - 1995, Research Report No. 64 (Washington, 1995).
5 La convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, ne précise pas la durée du congé mais indique que le versement des prestations en espèces peut être limité à 12 semaines, à moins qu'une période plus longue d'abstention du travail ne soit imposée ou autorisée par la législation nationale, auquel cas les paiements ne pourront pas être limités à une période de moindre durée.
6 Art. 22 de la Déclaration, adoptée et proclamée par l'Assemblée générale dans sa résolution no 217A(III) du 10 décembre 1948.
7 Les experts ont soulevé la question de savoir si la disposition qui prévoit que l'employeur ne doit pas être tenu responsable du coût des prestations de maternité pouvait être un obstacle à la ratification de la convention no 103, vu le nombre de pays en développement dans lesquels les employeurs supportent le coût principal de ces prestations. Voir BIT: rapport de la Réunion tripartite d'experts sur la sécurité sociale et la protection sociale, op. cit., p. 3.
8 "Maternity arrangements '95: Part 1", Equal Opportunities Review (Londres), sept.-oct. 1995, p. 9.
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La grossesse, l'accouchement et la période postnatale sont trois phases du cycle de procréation de la femme qui présentent des risques particuliers pour la santé et qui exigent une protection particulière au travail. Un suivi médical régulier et, si nécessaire, l'adaptation des activités de l'intéressée à sa condition peuvent réduire considérablement les risques menaçant sa santé, favoriser l'issue heureuse de la grossesse et le développement harmonieux de l'enfant.
La convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, accorde une place considérable aux questions de santé prévoyant, aux articles 4 et 5, des soins médicaux et des prestations en espèces destinés à assurer l'entretien matériel de la mère et de l'enfant. Les prestations médicales comprennent les soins prénatals, les soins pendant l'accouchement et les soins postnatals donnés par une sage-femme diplômée ou par un médecin, ainsi que l'hospitalisation lorsqu'elle est nécessaire. Ces dispositions couvrent trois des "quatre piliers" sur lesquels l'Organisation mondiale de la santé a fondé ses recommandations relatives à la maternité sans risques, à savoir la planification familiale, les soins prénatals, un accouchement sans risques et dans de bonnes conditions d'hygiène, et les soins obstétricaux essentiels. Il est avéré que ces quatre éléments stratégiques réduisent l'incidence de la mortalité et de la morbidité maternelles et améliorent le taux de survie et l'état de santé des nouveau-nés.
La recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, fournit des directives sur la protection de la santé des femmes au travail. Elle interdit le travail de nuit, les heures supplémentaires et les tâches préjudiciables à la santé de la mère et de l'enfant. Ces mesures visent à limiter la fatigue, à réduire les tensions physiques et mentales et à épargner aux femmes les tâches dangereuses ou insalubres. Les paragraphes 4 et 5 prévoient le droit pour les intéressées d'être transférées à des postes sans danger.
Ces dispositions, ainsi que d'autres, se reflètent dans la législation de beaucoup de pays. On peut distinguer trois grandes catégories de dispositions.
La première concerne la protection de la maternité en tant que telle, généralement par l'octroi d'un congé, de prestations médicales et en espèces et d'un surcroît de sécurité de l'emploi. Ces aspects de la protection ont été examinés dans les chapitres précédents.
La législation relative à la sécurité et à la santé au travail vise à garantir de bonnes conditions de travail aux femmes enceintes et aux mères allaitantes. La protection est souvent assurée par des mesures limitant les types de tâches que peuvent effectuer les intéressées ou interdisant par exemple l'exposition à des substances ou procédés dangereux. Ces interdictions et ces restrictions visent aussi la protection du f?tus, souvent de manière implicite, parfois de manière explicite. La législation traite fréquemment des questions suivantes: adaptation du temps de travail ou modification des tâches, droit pour l'intéressée d'être temporairement transférée à un autre poste, prolongation du congé. Dans le présent chapitre, on examinera la législation et la pratique relatives à la durée du travail, à l'adaptation des tâches et à la protection des femmes enceintes et des mères allaitantes contre les tâches insalubres ou dangereuses.
La troisième catégorie de dispositions relatives à la santé des femmes qui travaillent vise à protéger - et parfois à promouvoir - l'allaitement maternel. La législation nationale prévoit le droit à des pauses d'allaitement durant les heures de travail et, dans certains cas, incite, voire oblige, l'employeur à fournir les moyens nécessaires à cet effet. La convention no 103 (article 5) et la recommandation qui l'accompagne (paragraphes 2 et 3, section III) disposent que les interruptions de travail aux fins d'allaitement doivent être rétribuées comme temps de travail et que des installations doivent être prévues à cet effet. Pour terminer, le présent chapitre passe en revue les législations et pratiques nationales relatives à l'allaitement sur le lieu de travail.
Sécurité et santé au travail: vers une nouvelle approche de la protection
Trois grandes évolutions ont marqué la loi et la pratique relatives à la sécurité et à la santé des travailleuses enceintes ou allaitantes depuis l'adoption en 1952 de la recommandation no 95. La plus fondamentale est que l'on a abandonné les mesures, typiques de la première moitié du siècle, qui interdisaient certains emplois à toutes les femmes, au profit de mesures de protection visant les groupes à risques, par exemple les femmes avant et après l'accouchement. Cette évolution résulte de trois grands facteurs: amélioration générale de la sécurité au travail dans l'industrie, participation accrue des femmes à tous les aspects de la vie économique, redéfinition des rôles de l'homme et de la femme dans la société. La difficulté est de concilier le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes et la nécessité de protéger les femmes enceintes et les mères allaitantes des risques particuliers auxquels elles sont exposées au travail. Pour résoudre tout conflit apparent entre ces objectifs, il est important de reconnaître que les adaptations à apporter aux conditions et à la durée du travail sont du même type que celles requises en cas d'incapacité temporaire ou autres handicaps pouvant, un jour ou l'autre, frapper tout salarié.
Parallèlement à cette tendance - et en rapport étroit avec elle -, on constate une évolution vers une meilleure adaptation des mesures de protection aux besoins et préférences personnelles des travailleurs à chaque stade de leur vie professionnelle. Au lieu d'imposer à de vastes catégories de travailleurs - par exemple les femmes en âge de procréer - des restrictions d'accès à certains types de tâches, on demande aux employeurs d'évaluer les risques et d'adapter les conditions de travail au cas par cas. Les travailleuses sont aujourd'hui plus libres d'accepter ou de refuser une affectation ou de demander un transfert pour des raisons de santé liées à la procréation. Pour que la décision soit prise en connaissance de cause, il est fondamental de mettre en place des mécanismes propres à améliorer la communication entre employeurs et travailleurs et leurs organisations. En effet, le succès de cette approche dépend largement de la qualité des informations dont disposent les employeurs et les travailleurs ainsi que de leur capacité d'utiliser les connaissances acquises pour prendre leurs décisions.
On a également constaté, au cours des quarante-cinq dernières années, une prise de conscience de l'influence du milieu de travail sur la santé génésique et des risques que présente pour la grossesse l'exposition de la mère ou du père à des substances, agents ou procédés dangereux. Cette prise de conscience a conduit certains pays à revoir leur législation relative à la sécurité et à la santé pour qu'elle ne vise plus exclusivement les femmes enceintes, les mères allaitantes et les femmes en âge de procréer mais qu'elle protège aussi bien les travailleurs que les travailleuses des risques menaçant la fonction de procréation. On attache une importance tout aussi grande à l'égalité de traitement en matière d'emploi et à la satisfaction des besoins de l'ensemble des travailleurs en matière de sécurité et de santé. Au lieu de supprimer simplement la protection prévue pour les femmes en âge de procréer, on cherche à réduire ou à éliminer les risques dans la mesure du possible, à accroître le niveau de protection des travailleurs des deux sexes et à proposer un transfert aux hommes comme aux femmes en cas d'exposition à des agents dangereux pour la fonction de procréation 1 .
Au milieu des années soixante-dix, un certain nombre de pays ont entrepris de déterminer si la législation visant la protection de la femme se justifiait scientifiquement et s'il fallait la maintenir ou la réviser, la compléter, l'élargir ou l'abroger. En ce qui concerne les normes de l'OIT, la résolution sur l'égalité de chances et de traitement entre les travailleurs et les travailleuses en matière d'emploi, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1985, stipule que les instruments de protection devraient être réexaminés à intervalles réguliers afin de déterminer si leurs dispositions sont encore adéquates et appropriées au vu de l'expérience acquise depuis leur adoption, de l'information scientifique et technique et du progrès social. Le protocole relatif à la convention (no 89) sur le travail de nuit (femmes) (révisée), 1948, adopté en 1990, et la convention (no 171) sur le travail de nuit, 1990, adoptée la même année, sont les premiers résultats de cet effort permanent de révision. Un examen plus approfondi de ces deux instruments fait apparaître certains éléments de l'approche nouvelle en matière de sécurité et de santé qui gagne du terrain depuis quelques années, à savoir: protection ciblée durant des périodes spécifiées, possibilité de transfert temporaire à d'autres tâches ou, à défaut, prolongation du congé.
Travail de nuit
La recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, prévoit au paragraphe 5(1) que "le travail de nuit et les heures supplémentaires devraient être interdits aux femmes enceintes ou allaitant leur enfant, et [que] leurs heures de travail devraient être réparties de telle sorte que des périodes de repos adéquates leur soient assurées". Cette disposition concrétise l'approche protectrice adoptée par la convention (no 89) sur le travail de nuit (femmes) (révisée), 1948, tout en étendant l'interdiction aux entreprises non industrielles.
Peu de mesures protectrices des femmes au travail ont été aussi controversées et ont fait l'objet d'aussi larges révisions depuis 1952 que celles relatives au travail de nuit. Quinze des soixante-cinq Etats Membres de l'OIT qui ont ratifié la convention no 89 l'ont dénoncée depuis, et deux autres ont ratifié le Protocole de 1990 qui prévoit certaines exceptions 2 . L'une des sources de la controverse est la constatation que l'interdiction générale faite aux femmes de travailler la nuit est finalement discriminatoire. Dans de nombreux pays, cependant, la suppression de la protection pourrait aggraver le sort des femmes, qui seraient ainsi exposées à des horaires plus pénibles pour de maigres salaires tout en risquant de se faire harceler, notamment dans les transports de nuit. L'interdiction du travail de nuit ferme l'accès des femmes à l'ensemble des emplois de nuit, et les dérogations accordées s'appliquent généralement aux secteurs et métiers fortement féminisés et peu rémunérateurs. Toute la difficulté consiste à trouver un équilibre entre l'égalité de traitement et la nécessité d'une protection spéciale. L'interdiction du travail de nuit a réduit la liberté des femmes d'adapter leur horaire de travail à leurs préférences personnelles et à leur situation familiale, mais réduire le travail de nuit à un minimum pour les travailleurs des deux sexes semble à beaucoup préférable à une simple abrogation des restrictions au travail de nuit des femmes.
La convention (no 171) sur le travail de nuit, 1990, n'interdit pas le travail de nuit aux femmes enceintes ou allaitantes. L'article 7 prévoit l'adoption de mesures visant à assurer qu'une alternative au travail de nuit existe pour les travailleuses avant et après la naissance d'un enfant, pendant une période d'au moins seize semaines et durant un laps de temps supplémentaire si cela est nécessaire pour la santé de la mère ou de l'enfant. La convention prévoit, entre autres, le transfert à un travail de jour, la fourniture de prestations de sécurité sociale ou un allongement du congé de maternité.
Une enquête menée par l'OIT en 1987 3 montre qu'une vingtaine de pays parmi lesquels Antigua-et-Barbuda, le Danemark, Haïti, l'Ouganda et le Qatar n'avaient aucune disposition interdisant le travail de nuit aux femmes. Dans un certain nombre de pays, dont la Barbade, l'Espagne, l'Irlande, Israël et le Suriname, ce genre de dispositions a été abrogé, à partir surtout du milieu des années soixante-dix. La législation fédérale relative à ce sujet ainsi que la législation de la plupart des Etats ont aussi été abrogées en Australie et aux Etats-Unis.
Dans un petit nombre de pays, le travail de nuit est interdit aux hommes comme aux femmes, à certaines exceptions. En Belgique et en Suisse, les exemptions sont plus larges et plus faciles à obtenir pour les hommes que pour les femmes, ce qui n'est pas le cas en Norvège et en Suède. Aux Pays-Bas, une loi de 1986 a rapproché les exemptions applicables aux femmes de celles applicables aux hommes.
C'est entre ces deux pôles - absence totale d'interdiction, interdiction générale - que se situe, dans la grande majorité des Etats Membres, la législation relative au travail de nuit des femmes, y compris les femmes enceintes ou allaitantes. En fait, malgré les réserves que suscite l'interdiction du travail de nuit, nombre de pays maintiennent des restrictions de ce type. Dans un quart environ des pays examinés, une interdiction générale s'applique à l'ensemble des secteurs économiques, mais il est vrai que les exemptions sont fréquentes dans l'agriculture, la santé, l'hôtellerie, la restauration, les spectacles. Dans un tiers des pays examinés, le travail de nuit est interdit aux femmes dans l'industrie.
Dans le cas d'une interdiction générale du travail de nuit, des dispositions spéciales applicables aux femmes enceintes ou allaitantes ne sont requises que pour autant que la législation offre effectivement des possibilités d'exemption ou d'exception. En Italie, par exemple, les exceptions à l'interdiction faite aux femmes de travailler de nuit dans l'industrie - qu'elles soient prévues par la législation ou par des conventions collectives - ne peuvent s'appliquer durant la grossesse ou les sept mois qui suivent l'accouchement. Des restrictions de ce type existent dans d'autres pays, notamment l'Angola, l'Autriche et la Roumanie.
Dans près de 10 pour cent des pays examinés, le travail de nuit des femmes n'est interdit ou réglementé qu'en cas de maternité. La gamme des professions visées est souvent large. En Albanie, au Chili, en Chine, à Cuba, au Panama et à Singapour, l'interdiction du travail de nuit vise seulement les femmes enceintes. Cette interdiction s'étend souvent à la période suivant le retour au travail et elle est parfois liée au fait que la femme allaite son enfant, comme c'est le cas en Afghanistan, en Bulgarie, en Hongrie, en Mongolie et en Fédération de Russie. Au Mozambique, le travail de nuit est interdit du cinquième mois de la grossesse au sixième mois d'allaitement.
L'interdiction du travail de nuit aux femmes enceintes peut, comme au Chili et en Ethiopie, s'appliquer dès que la grossesse est connue, ou viser seulement la période ultérieure, par exemple les trois mois précédant la date présumée de l'accouchement (Lesotho). Dans certains pays (Namibie), la période durant laquelle la femme n'est pas autorisée à travailler de nuit peut être prolongée sur avis médical.
Dans certains pays (Japon), le travail de nuit n'est pas interdit mais, à sa demande, la femme enceinte ou allaitante peut en être dispensée. En Israël, le refus d'une femme ayant des responsabilités familiales de travailler la nuit ne peut justifier le refus de l'embauche ou son licenciement. A Singapour, où une femme ne peut travailler de nuit que si elle y consent expressément, un certificat médical attestant qu'elle est apte à travailler de nuit peut être exigé.
Une directive de 1992 du Conseil de l'Union européenne 4 prévoit que les Etats Membres doivent prendre les mesures nécessaires pour que les travailleuses ne soient pas tenues d'accomplir un travail de nuit pendant leur grossesse et au cours d'une période consécutive à l'accouchement, sous réserve de la présentation d'un certificat médical. Les mesures prises dans les Etats Membres doivent comporter la possibilité d'un transfert à un travail de jour ou d'une dispense de travail ou d'une prolongation du congé de maternité, lorsqu'un tel transfert n'est pas techniquement ou objectivement possible ou ne peut être raisonnablement exigé pour des motifs dûment justifiés.
Adaptation des horaires de travail
Selon les normes sanitaires relatives à la protection de la maternité chez les ouvrières, approuvées par l'OMS en 1991 5 , la travailleuse enceinte doit être protégée contre "les horaires de travail prolongés et emplois du temps irréguliers ou mal conçus qui ne permettent pas ... de se reposer convenablement". Cette préoccupation se retrouve au paragraphe 5(1) de la recommandation no 95, qui interdit les heures supplémentaires et indique que les "heures de travail devraient être réparties de telle sorte que des périodes de repos adéquates [leur] soient assurées".
La législation interdit aux femmes enceintes de faire des heures supplémentaires au Chili, en République de Corée, en Guinée équatoriale et au Panama. L'interdiction s'étend aux mères allaitantes en Allemagne, en Autriche et en Belgique, et aux femmes dont l'enfant n'a pas atteint un âge spécifié en Afghanistan, en Chine, à Cuba, au Ghana, en Hongrie, en République démocratique populaire lao et au Yémen. Dans quelques pays, l'interdiction n'est pas absolue et ne s'applique que si la santé de l'intéressée est en danger. En Pologne, les femmes enceintes et celles dont les enfants n'ont pas atteint un âge spécifié sont autorisées à faire des heures supplémentaires si elles le souhaitent mais ne peuvent y être contraintes.
Bien qu'elles soient assez fréquentes, les autres restrictions en ce domaine ont, semble-t-il, été jusqu'ici moins sujettes à controverse, peut-être parce qu'elles sont considérées comme justifiées du point de vue de la santé et de la sécurité ou qu'elles permettent aux travailleuses de trouver un équilibre entre leurs responsabilités professionnelles et familiales. Il s'agit notamment des dispositions relatives au repos hebdomadaire et aux jours fériés. Dans une vingtaine de pays, le repos hebdomadaire fait l'objet de dispositions particulières applicables aux femmes. Elles consistent en général à interdire les dérogations à l'obligation du repos hebdomadaire dans le cas des femmes enceintes et des mères allaitantes. Quelques pays, comme l'Autriche, le Cambodge et la Guyane, prévoient une interdiction totale de travailler le dimanche et les jours fériés.
Le droit de travailler à temps partiel sur demande, associé à celui de reprendre le travail à temps plein ultérieurement, peut favoriser les travailleuses qui veulent conserver leur activité professionnelle durant la grossesse et l'allaitement, mais souhaitent en même temps diminuer leurs heures de travail pour éviter une fatigue excessive. Nombre de travailleuses continuent à assumer le double fardeau d'un emploi à plein temps et d'un horaire chargé à la maison. L'Organisation mondiale de la santé note que, s'agissant des aménagements relatifs à la grossesse et à la naissance, il faut tenir compte de l'ensemble de la charge de travail des intéressées, y compris les tâches ménagères et les soins aux enfants.
Seuls quelques pays ont des dispositions légales relatives au droit de travailler à temps partiel sur demande. Cette faculté est ouverte à toutes les femmes au Bélarus, aux mères qui allaitent (fonctionnaires) en Uruguay et aux mères ayant des enfants de moins de six ans en Roumanie, s'il n'existe pas de crèche. En Croatie, les mères peuvent travailler à mi-temps jusqu'au premier anniversaire de leur enfant (jusqu'à trois ans pour les jumeaux ou à partir du troisième enfant). En Mongolie, le droit de travailler à temps partiel n'est accordé aux femmes enceintes que sur présentation d'un certificat médical.
Qu'il soit utile et possible de réduire la durée du travail est largement admis, comme en témoigne le fait que les employeurs de certains pays autorisent les mères qui allaitent à convertir le temps alloué aux pauses d'allaitement en temps libre pris au début ou à la fin de la journée de travail, ce qui permet aux intéressées d'arriver plus tard ou de partir plus tôt.
Les examens prénatals réguliers permettent de dépister les facteurs de risques qui pourraient exiger une attention médicale particulière, de suivre la santé des intéressées tout au long de la grossesse et de détecter et de traiter les affections potentiellement mortelles à un stade précoce. Reconnaissant l'importance du suivi médical de la grossesse, la législation de beaucoup de pays accorde du temps libre aux travailleuses enceintes pour les examens prénatals.
La directive européenne de 1992 et ses textes d'application illustrent cette approche. En France, les examens médicaux durant la grossesse sont obligatoires, et le temps qui y est consacré est compté comme temps de travail pour le calcul des congés payés et de l'ancienneté. Au Portugal, les femmes enceintes peuvent disposer de temps libre aussi longtemps et aussi fréquemment que nécessaire pour les soins prénatals. Dans certains pays - par exemple la Pologne -, le droit de disposer de temps libre peut être limité aux cas où il n'est pas possible de faire les examens en dehors des heures de travail. En Ethiopie, un certificat médical peut être exigé.
En général, la loi ne précise pas la durée du temps libre autorisé. A Cuba, les femmes enceintes bénéficient de 6 journées entières ou de 12 demi-journées pour les soins prénatals et les soins dentaires jusqu'à la 34 e semaine de grossesse. La législation turque prévoit du temps libre au moins une fois par mois après les trois premiers mois. Au Japon, l'employeur doit s'efforcer d'aménager les horaires de travail pour que les femmes enceintes, toutes les quatre semaines et jusqu'au septième mois de la grossesse, disposent du temps nécessaire pour le suivi et les examens médicaux. En Israël, un seuil est prescrit: les absences ne peuvent dépasser quarante heures durant la grossesse si l'intéressée travaille plus de quatre heures par jour et vingt heures si elle travaille moins.
Adaptation des tâches, transfert, congé
L'aménagement du temps de travail est l'une des mesures les plus couramment et les plus facilement appliquées par les employeurs pour répondre aux besoins des femmes enceintes ou allaitantes. L'ajustement de l'horaire de travail, visant à épargner à la femme un excès de fatigue, offre, durant des périodes spécifiées, une protection ciblée qui peut assez aisément être adaptée à des cas individuels. De fait, nombre de ces aménagements font quotidiennement l'objet d'accords à l'amiable. S'agissant des risques plus graves pour la sécurité et la santé, un transfert temporaire à d'autres tâches ou, à défaut, un allongement du congé est la solution qui offre la sécurité maximale.
Au paragraphe 5(2) de sa section V, la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, dispose que "l'emploi d'une femme à des travaux reconnus par l'autorité compétente comme dangereux pour sa santé ou celle de son enfant devrait être interdit pendant la grossesse et pendant trois mois au moins après l'accouchement ou plus longtemps encore, si la femme allaite son enfant". Le paragraphe 5(3) dresse une liste non exhaustive des types d'activité visés. Aux termes du sous-paragraphe (4) de la section V, "une femme employée habituellement à un travail reconnu par l'autorité compétente comme dangereux pour la santé devrait avoir le droit d'être transférée sans réduction de salaire à un autre travail non préjudiciable à son état". Le sous-paragraphe (5) dispose qu'"un tel droit de transfert pour cause de maternité devrait également être accordé dans des cas individuels à toute femme qui produit un certificat médical indiquant qu'un changement dans la nature de son travail est nécessaire dans l'intérêt de sa santé et de celle de son enfant".
L'Union européenne traite, de façon très structurée, des risques professionnels en général et des risques spécifiques auxquels sont exposées les travailleuses enceintes, celles qui viennent d'accoucher et celles qui allaitent. Les risques professionnels comprennent l'action des agents chimiques, physiques et biologiques ainsi que les procédés industriels considérés comme comportant un risque pour la sécurité ou la santé des travailleuses enceintes ou allaitantes, de même que les conditions de travail comprenant des postures et mouvements dangereux, la fatigue mentale et physique et les autres types de stress physique ou mental. La directive de l'UE mentionnée plus haut prévoit l'adoption par la Commission européenne de lignes directrices devant permettre à l'employeur d'évaluer la nature, la gravité et la durée de l'exposition à des risques sur les lieux de travail. Il incombera alors à l'employeur d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité, de décider des mesures à prendre et d'informer les travailleurs ou leurs représentants des résultats de l'évaluation et des mesures à prendre.
Si les résultats de l'évaluation révèlent un risque pour la sécurité ou la santé, l'employeur prend dans un premier temps les mesures nécessaires pour que, par un aménagement provisoire des conditions de travail et/ou du temps de travail de la travailleuse concernée, l'exposition de celle-ci au risque soit évitée. Si l'aménagement des conditions de travail et/ou du temps de travail n'est pas techniquement et/ou objectivement possible, ou ne peut être raisonnablement exigé pour des motifs dûment justifiés, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer à la travailleuse concernée un changement de poste. Si ce changement de poste n'est pas techniquement et/ou objectivement possible, ou ne peut être raisonnablement exigé pour des motifs dûment justifiés, la travailleuse concernée est dispensée de travail pendant toute la période nécessaire pour la protection de sa sécurité ou de sa santé 6 .
Tâches dangereuses, pénibles ou insalubres
La législation des Etats Membres varie beaucoup dans ce domaine. Elle peut interdire toute tâche dangereuse, pénible ou insalubre à l'ensemble des travailleuses, prévoir des restrictions par secteur ou profession, réglementer l'exposition à certains agents ou substances ou imposer des restrictions spécifiques applicables exclusivement aux femmes enceintes et aux mères qui allaitent. Seuls quelques pays ont abordé la question des risques pour la santé génésique non seulement du point de vue des travailleuses, mais aussi des travailleurs, et les recherches en ce domaine en sont encore à leurs débuts. Cependant, les résultats d'études scientifiques montrent que l'exposition du père, particulièrement aux rayonnements ionisants et à certains produits chimiques dangereux, n'est pas sans risque pour la grossesse, et il est probable que cela débouchera sur l'élaboration d'une réglementation applicable aux deux sexes.
Interdictions générales
Dans une centaine de pays, les travaux dangereux, pénibles ou insalubres sont totalement ou partiellement interdits aux femmes. Dans la moitié d'entre eux environ, la législation pose une interdiction générale, le plus souvent applicable à l'ensemble des secteurs d'activité. Dans près de 90 pays, la loi interdit aux femmes les travaux souterrains (ceux-ci pouvant être inclus dans les tâches dangereuses, pénibles ou insalubres dans d'autres pays). Dans plus de 50 pays, pour certaines opérations manuelles - soulever, porter, pousser, tirer des charges - des restrictions s'appliquent aux femmes, habituellement dans l'ensemble des activités et secteurs.
Dans une vingtaine de pays, la loi permet simplement à l'autorité compétente de décider par voie réglementaire quelles sont les tâches dangereuses, pénibles ou insalubres à interdire aux femmes. Dans d'autres, la législation dresse une liste plus ou moins détaillée. Les activités les plus fréquemment interdites sont les suivantes: chargement et déchargement des navires; lubrification, nettoyage et réparation de machines en mouvement; travail dans des lieux où les parties dangereuses des machines ne sont pas convenablement protégées; travail dans des caissons à air comprimé; transport par tricycle à pédales; fabrication ou manutention d'explosifs; utilisation d'outils pneumatiques et autres machines produisant des vibrations. Quelques pays interdisent l'affectation de femmes à des travaux effectués sous l'eau ou par des températures extrêmes. Sont également interdits aux femmes les travaux produisant des poussières ou des substances irritantes ou toxiques, ou susceptibles de provoquer des maladies, tels que la tannerie, la production d'engrais; le travail de l'or et de l'argent; la production de sulfates, la production et le traitement du plomb. Comme on l'a noté à propos des dispositions relatives au travail de nuit, ces interdictions générales peuvent avoir des effets discriminatoires et justifier un réexamen à la lumière des connaissances nouvelles et de l'amélioration des techniques, en tenant compte aussi de la nécessité de promouvoir l'égalité de traitement. Le but à atteindre devrait être la suppression ou la réduction maximale des risques et l'amélioration de la protection de tous les travailleurs, indépendamment de leur sexe.
Un certain nombre de pays interdisent de manière générale l'emploi des femmes - ou parfois seulement des femmes enceintes - à des travaux ou procédés entraînant l'exposition à des agents dangereux ou à des substances toxiques. On trouve fréquemment des dispositions visant spécifiquement l'exposition au plomb et à ses produits, au benzène et aux rayonnements ionisants. Les dispositions relatives à l'exposition aux produits en plomb ont été généralement adoptées bien avant celles qui concernent le benzène ou les rayonnements, ces dernières distinguant de manière plus précise les interdictions et limitations applicables à l'ensemble des femmes et celles applicables aux femmes enceintes ou à celles en âge de procréer. Les travaux entraînant l'exposition au plomb et à ses produits sont interdits à toutes les femmes dans de nombreux pays, notamment en Chine, aux Emirats arabes unis et au Luxembourg. C'est dans de rares pays seulement, comme la Belgique et la Suède, que cette interdiction est limitée aux femmes enceintes ou allaitantes, ou encore à celles en âge de procréer. En revanche, c'est habituellement à ces catégories de femmes que se limite l'interdiction relative à l'exposition au benzène (Espagne, France, Guinée, Pologne).
En ce qui concerne les travaux comportant un risque d'exposition à des rayonnements, les interdictions sont rares, tant pour les femmes en général que pour les femmes enceintes ou allaitantes. La plupart des dispositions fixent simplement un seuil plus bas pour les femmes en âge de procréer que pour les travailleurs de sexe masculin (Canada, Equateur et Venezuela) ou encore plus bas pour les femmes enceintes (Brésil, Grèce, Japon, Royaume-Uni, Suisse, Tunisie). Les directives internationales sur la protection contre les rayonnements stipulent que la déclaration de grossesse ne doit pas être considérée comme un motif de licenciement. L'employeur doit adapter les conditions de travail en ce qui concerne le degré d'exposition de manière que l'embryon ou le f?tus bénéficie du même niveau de protection réglementaire que la population en général. Ces directives disposent également que l'employeur doit faire le maximum raisonnable pour offrir un autre emploi aux travailleurs qui ne peuvent continuer d'effectuer des tâches où ils risquent d'être exposés à des rayonnements. Il doit, par ailleurs, fournir aux travailleuses des informations adéquates sur les risques d'exposition pour le f?tus ou l'embryon, sur l'importance d'une déclaration précoce de la grossesse et sur le risque d'absorption de substances radioactives par le nouveau-né nourri au sein 7 .
L'exposition aux produits chimiques toxiques, aux agents biologiques, aux métaux lourds et aux rayonnements ionisants est une source de grave préoccupation pour les travailleuses en âge de procréer, car il est établi qu'elle a un rapport avec l'accroissement du nombre d'avortements spontanés, de morts à la naissance, de malformations f?tales et de cancers de l'enfant. Les effets mutagènes, tératogènes, cancérigènes et embryotoxiques de ces substances se produisent à différents stades de la grossesse, et dans certains cas l'exposition avant la grossesse de l'un des deux parents peut avoir des effets négatifs.
Selon une enquête menée aux Etats-Unis en 1983, les travailleurs sont exposés à plus de 1100 produits chimiques considérés comme dangereux pour la santé génésique, parmi lesquels divers métaux lourds, pesticides, solvants organiques, gaz anesthésiques et certains médicaments anticancéreux. Malheureusement, l'information fiable sur les conséquences de beaucoup de ces substances pour la santé génésique est très en retard sur le développement de leur utilisation par les travailleurs. Selon le ministère du Travail des Etats-Unis 8 , la plupart des 70000 produits chimiques actuellement dans le commerce n'ont jamais été testés pour évaluer leurs effets sur la procréation humaine ou sur les autres dangers qu'ils pourraient présenter. Il y a là à l'évidence une voie à explorer.
Protection visant exclusivement les femmes enceintes ou allaitantes
Dans beaucoup de pays, la loi dispose que les femmes enceintes et les mères allaitantes ne doivent pas être autorisées à effectuer des tâches qui dépassent leurs forces, qui comportent des risques, qui sont dangereuses pour leur santé ou celle de l'enfant ou qui exigent un effort physique incompatible avec leur état. Ces interdictions générales peuvent être difficiles à appliquer en l'absence de règles clairement établies pour la détermination du degré d'exposition lié à telle ou telle tâche et de la capacité individuelle de la femme d'effectuer le travail sans risques pour sa santé ou celle de son enfant. Les rôles respectifs de l'employeur, de l'inspecteur du travail, du médecin du travail, du médecin privé et de la travailleuse elle-même doivent être définis de manière à assurer sa protection et celle de son enfant.
L'une des façons de régler le problème des emplois qui exigent de gros efforts physiques est de modifier les tâches. Une vingtaine de pays restreignent plus strictement le transport manuel de charges par les femmes enceintes et les jeunes mères que par les femmes en général. Ainsi, dans beaucoup de pays francophones d'Afrique il est interdit aux femmes enceintes et à celles qui ont repris le travail après l'accouchement depuis moins de trois semaines de porter toute charge.
Dans nombre de pays, lorsqu'une femme enceinte ou une mère allaitante est employée à des tâches dangereuses ou insalubres et que les tâches sont considérées par l'autorité médicale comme excessives pour elle ou nuisibles à sa santé, elle a le droit d'être transférée à un autre type de travail ou de cesser de travailler en bénéficiant d'une indemnité au lieu d'un préavis. Dans certains pays, notamment en France, le transfert peut être obtenu même si le travail n'est pas dangereux en lui-même, mais qu'un médecin a certifié qu'il est nuisible à la santé de l'intéressée. Au Canada et en Suisse, un transfert est possible à la demande de l'intéressée. Lorsque la loi autorise l'employeur à proposer un transfert, mais qu'il y a désaccord avec la travailleuse, un médecin du travail déterminera s'il existe une raison médicale de procéder à un transfert et si l'état de santé de l'intéressée lui permet d'assumer les tâches qui lui sont proposées. En général, l'inspection du travail ou l'intéressée elle-même sont habilitées à demander cet avis médical.
Dans certains pays, notamment dans l'Union européenne, aux Etats-Unis et en Finlande, la possibilité d'un transfert existe tant pour les hommes que pour les femmes qui sont exposés à des risques génésiques. Le transfert ne doit pas pénaliser l'intéressé, qu'il s'agisse du salaire ou de l'ancienneté, et celui-ci doit avoir le droit d'être réaffecté au poste précédent lorsqu'il n'a plus de raison impérieuse d'être protégé.
Mesures d'application
Il est essentiel de déclarer la grossesse aussitôt que possible pour permettre à l'employeur d'adapter les conditions de travail de l'intéressée ou de l'affecter à des tâches moins dangereuses. Cependant, les femmes qui craignent pour leur emploi préfèrent informer l'employeur aussi tard que possible. Certaines considèrent qu'en déclarant leur grossesse elles risquent de compromettre leur situation ou d'être licenciées. Malheureusement, beaucoup d'entreprises n'ont pas la possibilité de transférer les femmes enceintes à des postes sans danger, ce qui entraîne leur licenciement. La nécessité économique peut, en dépit des risques, contraindre la femme enceinte à continuer de travailler.
On peut considérer la déclaration précoce de la grossesse comme une atteinte à la vie privée. C'est sur ce principe que se fonde implicitement la législation du Venezuela, qui interdit à l'employeur d'exiger des tests de grossesse, mais qui autorise la femme à demander ce test si elle souhaite bénéficier de la protection prévue pour les femmes enceintes. Il faut peser les risques inhérents à certains types de travail et les avantages d'une déclaration précoce de la grossesse afin de concilier le besoin de protection et le respect de la vie privée 9 .
Dans quelques pays, des précautions sont prises pour garantir le respect par l'employeur de ses obligations envers les travailleuses enceintes. En Autriche, par exemple, l'employeur est tenu de notifier la grossesse des salariées à l'inspection du travail ou autre autorité compétente. Au Paraguay, la loi fait obligation à l'Institut de la sécurité sociale ou au ministère de la Santé publique de contresigner le certificat médical. Au Brésil, c'est l'employeur qui doit contresigner le certificat, ce qui revient à reconnaître qu'il est dûment informé de l'état de l'intéressée.
La Directive de l'UE dispose dans son préambule que les mesures visant la protection de la santé des travailleuses enceintes et des mères qui allaitent "n'auraient pas d'effet utile si elles n'étaient pas assorties du maintien des droits liés au contrat de travail, y compris le maintien d'une rémunération et/ou le bénéfice d'une protection adéquate".
Un certain nombre de pays s'efforcent d'éviter que les transferts pour raisons de sécurité et de santé n'aient des effets préjudiciables sur le revenu ou le droit à l'emploi de l'intéressée. Souvent la loi dispose que celle-ci doit conserver son salaire antérieur même si le salaire correspondant au poste auquel elle a été transférée est inférieur. En République démocratique populaire lao, la femme enceinte perçoit son salaire antérieur pendant trois mois, puis est rémunérée au taux correspondant au poste qu'elle occupe effectivement. En Fédération de Russie, la femme qui ne peut plus faire son travail normal doit être transférée à un poste adapté et percevoir son salaire durant la période pendant laquelle on lui cherche un nouveau poste. En Roumanie, la différence entre les deux salaires est payée par la sécurité sociale, formule qui permet d'éviter de faire supporter le coût de la protection de la maternité par les employeurs. En France comme dans d'autres pays, la législation dispose que le transfert est temporaire et que la travailleuse doit être réaffectée à son ancien poste à son retour au travail ou à une date ultérieure spécifiée.
Vers une entreprise à l'écoute des mères
Fondée sur de solides raisons médicales, la promotion de l'allaitement maternel est devenue un élément des politiques sanitaires nationales et internationales. L'allaitement maternel exclusif peut contribuer à réduire notablement l'incidence, la gravité et la durée des maladies courantes du nouveau-né, en particulier les infections de l'appareil respiratoire supérieur, les infections gastro-intestinales et les otites de l'oreille moyenne. De fait, les autorités médicales considèrent que l'allaitement maternel exclusif de la naissance à l'âge de 4 ou 6 mois est le moyen idéal d'assurer le meilleur développement de l'enfant 10 . Le lait maternel est un aliment complet et équilibré qui contient des anticorps et a des propriétés antibiotiques assurant une protection immunologique efficace contre l'infection.
Par ailleurs, on reconnaît de plus en plus les vertus de l'allaitement au sein pour les mères elles-mêmes. Dans l'immédiat, il entraîne une réduction de l'hémorragie post-partum et un retour plus rapide au poids normal et, à moyen terme, une baisse temporaire de la fertilité, qui contribue à l'espacement des naissances. A long terme, il réduit le risque de cancer du sein ou de cancer des ovaires 11 .
Outre ces avantages, importants en eux-mêmes, l'allaitement au sein présente des avantages économiques, tant au niveau national qu'à celui de l'entreprise et à celui des ménages, lorsqu'il s'appuie sur une politique et une pratique d'ensemble favorables: action des services sanitaires, volonté des employeurs de répondre aux besoins des mères et décision des femmes de concilier le retour au travail et leur désir d'allaiter leur enfant.
Au niveau national, l'incidence économique se traduit essentiellement par une réduction de la demande de soins de santé maternelle et infantile et par des gains de productivité résultant du meilleur état de santé de la main-d'?uvre. Ce sont là des facteurs importants, puisque les femmes en âge de procréer constituent dans de nombreux pays la composante de la main-d'?uvre qui s'accroît le plus rapidement. Par ailleurs, depuis quelques années, on accorde beaucoup d'attention au coût que représente l'importation de substituts du lait maternel. Nombre de pays ont adopté une politique nationale en ce domaine, à la fois pour profiter des avantages sanitaires de l'allaitement maternel et pour réduire le coût en devises des importations.
Pour les entreprises qui ont choisi de faciliter la vie au travail des femmes qui allaitent, les avantages économiques peuvent se traduire tout d'abord par une réduction des coûts d'assurance maladie. Selon une étude interne menée par un important organisme sanitaire américain, Kaiser Permanente, les politiques visant à promouvoir l'allaitement maternel dans l'entreprise devraient non seulement améliorer à long terme la santé du nouveau-né et de la mère, mais aussi diminuer notablement les coûts de santé en réduisant le besoin de consultations médicales, de médicaments et d'hospitalisation des nourrissons pendant la première année de vie 12 .
La mise en place d'une politique de ce type par le Service de l'énergie et de l'eau de la ville de Los Angeles, qui emploie quelque 11000 salariés, a eu différents effets bénéfiques: baisse de l'absentéisme, loyauté accrue du personnel, taux plus élevé de retour au travail après la naissance. Avant l'adoption de cette politique, on estimait que les départs faisant suite aux congés de maternité coûtaient à ce service un million de dollars par an et que les coûts de santé annuels étaient d'environ 70 millions de dollars. La mise en ?uvre de cette politique a permis d'obtenir une baisse de 20 pour cent de l'absentéisme et de 35 pour cent des dépenses de santé. Le soutien actif apporté aux travailleuses qui allaitent leur enfant a permis de réduire les dépenses de 7 dollars pour chaque dollar investi 13 .
De nombreuses mères choisissent de sevrer leur nourrisson avant de reprendre le travail à temps plein. D'autres, qui continuent de l'allaiter durant plusieurs mois après la fin du congé de maternité, peuvent avoir besoin que l'employeur leur accorde des facilités allant au-delà des obligations légales minimales (aménagement des horaires, installations pour l'allaitement). Les programmes d'allaitement des entreprises, qui comprennent des conseils prénatals et un soutien aux mères qui allaitent, sont de plus en plus considérés comme un investissement efficace puisqu'ils contribuent à l'amélioration du moral des travailleuses et à la réduction de l'absentéisme et du taux de rotation des effectifs. Beaucoup de travailleuses considèrent que ces programmes les aident à concilier leur activité professionnelle et leurs responsabilités familiales.
Pauses d'allaitement
Dans son article 3 d), la convention (no 3) sur la protection de la maternité, 1919, déclare qu'une femme "aura droit, si elle allaite son enfant, à deux repos d'une demi-heure pour lui permettre l'allaitement".
La convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, va plus loin à l'article 5 (paragr. 2): "les interruptions de travail aux fins d'allaitement doivent être comptées dans la durée du travail et rétribuées comme telles dans les cas où la question est régie par la législation nationale ou conformément à celle-ci; dans les cas où la question est régie par des conventions collectives, les conditions seront réglées selon la convention collective pertinente". Il est indiqué au paragraphe 1 de l'article 5 que la durée de l'interruption (ou des interruptions) de travail aux fins d'allaitement sera déterminée par la législation nationale.
L'octroi de pauses spéciales aux mères qui allaitent est prévu dans la législation de plus de 80 pays. Dans la moitié d'entre eux environ, il est indiqué expressément que ces pauses s'ajoutent aux périodes normales de repos. La loi dispose généralement que les pauses d'allaitement doivent être comptées comme temps de travail et rémunérées en conséquence, sauf dans certains pays, comme par exemple au Japon, où la rémunération doit être fixée par voie de négociation collective.
La très grande majorité des pays qui accordent des pauses d'allaitement prévoient une durée d'une heure par jour à cet effet, souvent divisée en deux périodes de trente minutes. Dans certains pays, il est possible d'opter pour des pauses plus fréquentes, mais plus courtes. En Haïti, par exemple, la femme peut prendre deux pauses journalières de trente minutes ou une pause d'un quart d'heure toutes les trois heures. Quelques pays ne précisent pas la durée des pauses, d'autres, comme l'Indonésie et la Suisse, indiquent simplement que "le temps libre nécessaire" doit être octroyé. En Colombie, l'employeur est tenu d'accorder davantage que les deux pauses rémunérées de trente minutes prévues par la loi si la travailleuse fournit un certificat médical indiquant les raisons pour lesquelles elle a besoin de temps supplémentaire. En Chine, les mères qui allaitent peuvent bénéficier d'une pause supplémentaire de trente minutes par jour et par enfant en cas de naissance multiple.
La durée des pauses d'allaitement peut être accrue s'il n'existe pas de crèche dans l'entreprise. Aux Pays-Bas, par exemple, la femme a droit à deux pauses de quarante-cinq minutes si l'entreprise dispose d'une pièce spéciale pour l'allaitement, et à un quart de son temps normal de travail si elle doit retourner chez elle pour allaiter. En Italie et au Venezuela, les deux pauses de trente minutes prévues par la loi sont portées à une heure s'il n'y a pas de crèche sur place. Dans certains pays, les pauses d'allaitement peuvent être converties en une réduction du temps de travail pour permettre à la mère d'arriver plus tard au travail ou d'en partir plus tôt. En pratique, les employeurs acceptent souvent cette formule, qui est consacrée par la loi en Estonie, en Norvège et en Roumanie.
L'expression "pause d'allaitement" semble indiquer que seules les mères qui pratiquent l'allaitement maternel bénéficient de ces pauses. En fait, il apparaît que, dans certains pays, les mères qui alimentent leur enfant au biberon y ont également droit. En République démocratique populaire lao, par exemple, les femmes ont droit à une pause pour "allaiter l'enfant ou s'en occuper". Le père a également droit à ces pauses dans certaines circonstances, comme par exemple en Italie, en cas de décès ou de grave maladie de la mère. En Espagne, mère et père ont le même droit aux pauses.
La période durant laquelle les pauses d'allaitement sont autorisées varie d'un pays à l'autre: six mois au Honduras; un an en République de Corée, en République dominicaine, en France, en Guinée-Bissau et au Mozambique; quinze mois à Madagascar, au Mali et au Tchad; jusqu'à deux ans en Iran. Dans certains pays, la législation délimite cette période par des expressions telles que: "durant la période d'allaitement", "jusqu'au sevrage de l'enfant", "en tant que de besoin"; dans d'autres, aucune durée n'est fixée. L'Argentine, le Brésil et le Guatemala font partie des pays qui autorisent une prolongation de la période d'allaitement sur avis médical.
Installations pour l'allaitement
La recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, préconise la mise en place d'installations pour l'allaitement des enfants ainsi que pour les soins à leur donner pendant la journée. Plus de 20 pays, principalement en Afrique, en Asie et en Amérique latine, prévoient qu'une pièce spéciale doit être réservée à cet usage. En général, la réglementation s'applique dans tous les secteurs d'activité aux entreprises employant un nombre minimum de femmes, à savoir 100 en Egypte, et plus fréquemment 25, comme en Côte d'Ivoire et à Madagascar, 30 (Costa Rica, Nicaragua) ou 50 (République centrafricaine, Equateur, Maroc, Népal, Tchad, Tunisie). La législation chinoise dispose que, si cinq travailleuses au moins allaitent leur enfant, l'entreprise doit leur réserver une salle à cette fin. Comme on l'a vu plus haut, un certain nombre de pays modulent la durée des pauses d'allaitement selon qu'il existe ou non des installations à cet effet.
Dans un nombre limité de pays, comme la Chine, une salle de repos spéciale doit être réservée aux femmes enceintes et aux mères allaitantes. La législation camerounaise précise que la pièce réservée à l'allaitement doit comporter des sièges et disposer d'eau potable et d'installations permettant de faire chauffer les biberons et la nourriture. Même lorsque la législation ne fait pas obligation à l'employeur de prévoir des installations spéciales, nombre d'entreprises organisent une crèche ou une pièce calme où les mères qui allaitent peuvent exprimer leur lait pour le donner plus tard à l'enfant. La pièce est équipée en principe d'un réfrigérateur pour conserver le lait; des tire-lait sont aussi parfois fournis ainsi que des récipients isolants pour transporter le lait à la maison. Ce type d'organisation est très apprécié des mères qui préfèrent laisser leur bébé à la maison, mais n'ont pas le temps de retourner chez elles durant les pauses d'allaitement.
Malheureusement, nombre d'entreprises ne disposent pas d'installations de ce genre propres, sûres et bien entretenues, ce qui peut contraindre les travailleuses à un choix difficile: sevrer prématurément l'enfant ou l'allaiter dans de mauvaises conditions d'hygiène, dans l'atelier, le bureau, les toilettes ou les vestiaires. Aucune de ces deux options n'est satisfaisante. En outre, à moins que le local d'allaitement ne soit clairement indiqué et adéquatement situé, la femme risque d'être privée de la tranquillité et de la sécurité nécessaires. L'équipement requis est minime: tables, chaises, eau courante potable, électricité et, idéalement, un réfrigérateur pour stocker le lait maternel. Pourtant, aujourd'hui encore, beaucoup d'entreprises ne fournissent pas ce minimum.
Notes
1 Pour un examen approfondi de ces questions, voir BIT: Mesures spéciales de protection pour les femmes et l'égalité de chances et de traitement, Réunion d'experts sur les mesures spéciales de protection pour les femmes et l'égalité de chances et de traitement, document MEPMW/1989/7 (Genève, 1989).
2 Le Protocole de 1990 relatif à la convention (no 89) sur le travail de nuit (femmes) (révisée), 1948, maintient l'interdiction du travail de nuit pour les femmes durant une période minimale de seize semaines avant et après la naissance, dont au moins huit avant la date présumée de l'accouchement, mais permet la levée de cette interdiction à la demande expresse de la travailleuse concernée, à condition que ni sa santé ni celle de son enfant ne soient mises en danger.
3 BIT: Conditions of Work Digest. Women workers: Protection or equality?, vol. 6, no 2 (Genève, 1987).
4 "Directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 concernant la mise en ?uvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail", Journal officiel des Communautés européennes, vol. 35, n o L.348, 28 novembre 1992, pp. 1-7.
5 Ces normes sont encore en vigueur aujourd'hui.
6 Directive du Conseil 92/85/CEE du 19 octobre 1992 et ses annexes, op. cit.
7 Agence internationale de l'énergie atomique: Normes fondamentales internationales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des sources de rayonnement, collection Sécurité, no 115 (Vienne, 1996). Ces normes sont l'?uvre commune de l'OIT, de la FAO, de l'AIEA, de l'OCDE/AEN, de l'OPS et de l'OMS.
8 Administration de la sécurité et de la santé des travailleurs: Reproductive hazards, site WEB:http://www.osha.gov/oshinfo/priorities/ reproductive.html, 14 mars 1997, 3 pages.
9 Voir BIT: Protection des données personnelles des travailleurs, Recueil de directives pratiques du BIT, Genève, 1997. Pour un examen approfondi des politiques et des pratiques relatives à la vie privée des travailleurs, voir l'étude en trois parties du BIT: Conditions of Work Digest (Part I: Protection of personal data, vol. 10, no 2, 1991; Part II: Monitoring and surveillance in the workplace, vol. 12, no 1, 1993; Part III: Testing in the workplace, vol. 12, no 2, 1993.
10 L'Organisation mondiale de la santé recommande l'allaitement maternel de la naissance à l'âge de 4 à 6 mois, à l'exclusion de tout autre aliment solide ou liquide, y compris l'eau.
11 P. Van Esterik, et L. Menon: Being mother-friendly: A practical guide for working women and breastfeeding (Penang, Alliance mondiale pour l'allaitement maternel, 1996), pp. 10-12.
12 "Costs of NOT breastfeeding", étude de Kaiser Permanente, site WEB: http://www.winternet.com/artmama/kaiser.htm, 29 avril 1997, 4 pages.
13 Wellstard Intl. et UNICEF: Investing in the future: Women, work and breastfeeding, présentation vidéo des programmes de soutien à l'allaitement maternel dans l'entreprise (Washington, 1995).
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Outre le congé de maternité, qui vise à protéger les travailleuses pendant leur grossesse et après l'accouchement, il existe d'autres types de congé - congé parental, congé de paternité, congé d'adoption - dont l'objet est d'aider les parents à s'adapter à l'arrivée d'un enfant et à trouver un équilibre entre les obligations familiales et les responsabilités professionnelles. Dans ce chapitre, on examinera la législation relative à ces types de congé, dont on s'efforcera de déterminer l'efficacité.
L'organisation de la vie familiale est une question qui concerne directement une grande partie de la main-d'?uvre. Dans les années quatre-vingt, le nombre de ménages avec de jeunes enfants dont les deux parents travaillent à plein temps a augmenté, ce qui a entraîné une demande croissante de services de prise en charge des enfants. Le désir des femmes de rester dans la vie active pendant leur période de procréation, l'importance fondamentale des soins donnés dans la petite enfance, le coût des structures d'accueil pour les enfants et leur insuffisance ont poussé à la recherche d'autres moyens plus adaptés.
La création de conditions qui permettent aux travailleurs de choisir, sans faire l'objet de discrimination, le type d'emploi le mieux adapté à leur situation familiale joue un rôle déterminant dans la concrétisation du principe d'égalité de chances et de traitement dans l'emploi. En 1981, la Conférence internationale du Travail a adopté la convention no 156 et la recommandation no 165 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales. Les mesures visant à permettre aux hommes et aux femmes de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales découlent naturellement du principe bien accepté de l'égalité, et la convention no 156 et la recommandation no 165 doivent être considérées comme une partie intégrante des efforts visant à donner à tout homme et à toute femme la possibilité de jouer un rôle à part entière dans la vie sociale, économique, publique et familiale.
La recommandation no 165 dispose que la mère ou le père salariés devraient pouvoir obtenir un congé parental, la durée et les conditions de ce congé devant être fixées par chaque pays. Le congé parental est considéré comme l'un des éléments d'une approche intégrée, et non comme une initiative isolée, ce qui peut faciliter la conciliation des obligations familiales et des responsabilités professionnelles. D'autres moyens de soutenir les travailleurs ayant des responsabilités familiales sont envisagés dans la recommandation, notamment: la promotion de services de soins aux enfants, l'assouplissement des horaires, la réduction progressive de la durée journalière du travail, l'offre d'emploi à temps partiel avec des prestations sociales ou des allégements fiscaux.
Le droit au congé parental
Le droit au congé parental - congé de longue durée visant à permettre aux parents de s'occuper d'un nourrisson ou d'un enfant en bas âge - est largement reconnu comme un moyen important de concilier le travail et la vie familiale. Les enfants ne sont pas les uniques bénéficiaires de ce congé, qui présente aussi des avantages pour les travailleurs, pour les employeurs et pour la société dans son ensemble.
Le bien-être de l'enfant est la raison d'être du congé parental. Les recherches sur le développement de l'enfant montrent que rien n'est plus important, pour le développement de l'individu et pour sa vie tout entière, que les trois premières années 1 . Les mesures sociales visant les tout petits et leur famille - revenu, services (soins et soutien), temps libre pour élever l'enfant - sont donc un moyen fondamental d'aider les travailleurs à concilier leurs responsabilités parentales et professionnelles et d'assurer aux enfants un bon départ dans la vie.
En donnant tant au père qu'à la mère la possibilité de prendre un congé pour s'occuper de son enfant, le congé parental aide à promouvoir l'égalité entre les sexes. Il est important de noter que, si les impératifs physiologiques de la grossesse et de l'accouchement ne concernent que la femme, l'éducation des enfants et les soins à leur donner intéressent autant l'homme que la femme. Ainsi qu'il est dit dans un rapport d'un syndicat africain: "Si la nature veut que seules les femmes puissent donner naissance à un enfant, en revanche, il n'y a rien de naturel dans le fait que, dans beaucoup de sociétés, les femmes sont censées assumer seules la responsabilité de l'éducation des enfants. Il est particulièrement difficile aux femmes qui ont un emploi salarié d'assumer leur double rôle de mère et de travailleuse" 2 .
A l'aube du XXI e siècle, nombreux seront les employeurs qui auront à gérer un personnel dont la productivité et la disponibilité dépendront directement de leur aptitude à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Le congé parental, en faisant baisser le taux de rotation de la main-d'?uvre et l'absentéisme, peut être pour les entreprises un moyen de mieux utiliser les ressources humaines. Il peut aussi contribuer à l'amélioration du rendement à la reprise du travail, dans la mesure où il accroît la motivation et réduit le stress. D'après une étude faite en Allemagne à la demande de l'Institut de planification du développement, dans 90 pour cent des entreprises interrogées, le congé parental n'a provoqué ni problèmes majeurs ni augmentation notable des coûts 3 . En Belgique, il semble que le système d'"interruption de la carrière" a permis à l'Etat de faire des économies. D'après les estimations, le remplacement des travailleurs en congé par des travailleurs au chômage a permis, grâce aux économies ainsi réalisées sur les allocations chômage, de réduire les dépenses publiques de 7,85 milliards de francs belges en 1992 4 .
Trente-six des 138 Etats Membres dont la législation a été examinée, pour la plupart des pays industrialisés, ont adopté des dispositions en matière de congé parental. Les pays nordiques sont ceux qui offrent les avantages les plus intéressants aux parents qui travaillent; le Danemark et la Suède, par exemple, subventionnent des services de garde des enfants hors du foyer de grande qualité tout en donnant aux parents la possibilité de prendre du temps pour s'occuper de leurs enfants. Ce système s'accompagne de prestations assurant un taux élevé de remplacement du revenu: allocation parentale, allocations familiales, entretien garanti de l'enfant.
La législation fédérale des Etats-Unis a ceci de particulier qu'elle ne fait aucune distinction entre les sexes. Comme en Australie et en Nouvelle-Zélande, le congé n'est pas rémunéré. La loi sur le congé familial et médical accorde aux travailleurs le droit de prendre douze semaines de congé non rémunéré pour des raisons médicales ou familiales spécifiées (naissance, soins au nouveau-né, etc.). Aucune distinction n'est faite entre congé de maternité et congé de paternité. Avec l'accord de l'employeur, le congé peut être pris par fractions ou sous la forme d'un horaire réduit.
Dans les pays d'Europe centrale et orientale, les systèmes de garde d'enfants, autrefois très développés, se restreignent sous l'effet de la fermeture de centres et de l'imposition de tarifs extrêmement élevés qui en ferment l'accès à une grande partie de la population 5. Le retour aux valeurs traditionnelles, que met en évidence une étude sociologique récente6, fait que beaucoup de femmes accueillent favorablement l'idée de rester chez elles, une solution qui apparaissait jusque-là comme un luxe réservé aux femmes occidentales. Il n'est donc pas étonnant que cela ait donné lieu à une politique de garde des enfants à domicile, moins coûteuse pour l'Etat et plus bénéfique pour les enfants que les centres de qualité médiocre. En revanche, les mères subissent les inconvénients d'une rupture de continuité dans l'emploi.
Dans la plupart des pays, la législation garantit le retour à l'emploi du travailleur qui prend le congé parental, qu'il s'agisse du père ou de la mère. Toutefois, il existe des différences importantes quant aux conditions à remplir, au mode de paiement des prestations et au degré de flexibilité offert aux parents. Ces différences n'ont rien de théorique. En effet, de la structure des prestations dépend en grande partie leur efficacité. C'est ainsi que dans certains pays le congé parental s'est avéré dans une certaine mesure utile, alors que dans beaucoup d'autres la législation n'a pas nécessairement répondu aux besoins des parents qui travaillent.
Conditions d'ouverture du droit
Dans tous les pays, le droit au congé parental et aux prestations dont il s'assortit est subordonné à des conditions légales déterminées. Certains pays excluent expressément des catégories, comme les travailleurs saisonniers ou les travailleurs employés dans des branches ou professions spécifiques, ou dans les petites entreprises.
Il peut arriver que soient imposées des conditions supplémentaires, touchant le plus souvent aux antécédents professionnels. Les critères peuvent varier d'un pays à l'autre, mais en général il faut pouvoir justifier de six à douze mois de travail sans interruption auprès du même employeur. Certains pays (Bélarus, République de Corée, Finlande, Hongrie, Italie, Japon, Norvège, Fédération de Russie, Tunisie, Ukraine) n'ont pas d'exigence de ce type. Avec la précarisation croissante de l'emploi, le critère de la durée de service devient plus difficile à remplir, en particulier pour les femmes qui ont en général moins d'ancienneté et qui, quel que soit leur âge, ont des liens plus ténus avec l'emploi 7 . Dans les pays de l'OCDE, par exemple, le taux de rotation des femmes sur une courte période était supérieur à celui des hommes en 1991. En moyenne, 22 pour cent des femmes actives occupées étaient au service de leur employeur depuis moins d'un an 8 . Dans tous les pays de l'Union européenne, le taux d'emploi temporaire des femmes était plus élevé que celui des hommes 9 . Enfin, si dans des pays comme l'Autriche, l'Islande ou la Norvège, les conditions à remplir sont plus strictes pour les prestations que pour le congé, dans d'autres, comme l'Allemagne, la Pologne ou la Fédération de Russie, le droit au congé est automatiquement assorti de prestations.
Prestations
Il est très important, lorsqu'on évalue les dispositifs de congé parental, de savoir si le congé est rémunéré ou non. S'il ne l'est pas, les travailleurs qui touchent de bas salaires pourront difficilement - voire ne pourront pas - se prévaloir de cette possibilité. Dans 11 pays des 36 ayant adopté des dispositions relatives au congé parental, les parents doivent pouvoir compter sur leurs propres ressources pour prendre un tel congé, l'Etat n'accordant aucune aide financière. La plupart des autres pays offrent soit une indemnité forfaitaire très réduite (600 deutsche marks par mois en Allemagne; 55.70 livres par semaine au Royaume-Uni), soit une indemnité en pourcentage du salaire (30 pour cent en Italie et en Pologne; 50 pour cent en Tunisie; 60 pour cent à Cuba et en Lituanie). La durée maximale du congé et celle du droit à prestations ne coïncident pas nécessairement. Dans des pays tels que l'Allemagne, le Canada, la Grèce, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède, la durée du droit à prestations est plus courte que celle du congé.
Toutefois, un certain nombre de pays, dont la France et le Royaume-Uni, ont essayé de compenser l'absence ou le bas niveau des prestations par d'autres prestations familiales visant à améliorer les conditions matérielles de vie des enfants et à maintenir, jusqu'à un certain point, le niveau de vie des femmes. Au Royaume-Uni, par exemple, la grande majorité des mères célibataires reçoivent une allocation de soutien du revenu, dont elles dépendent pour vivre tant que leurs enfants sont petits 10 .
D'après une étude de l'OCDE 11 , qui compare le taux d'utilisation du congé parental dans les pays où il est assorti de prestations élevées et dans ceux où les allocations parentales sont réduites, voire inexistantes, il y aurait un lien très étroit entre le taux de compensation de la perte de revenu et le taux d'utilisation du congé. Dans des pays comme le Danemark, la Norvège et la Suède, où les allocations compensent jusqu'à un certain point la perte de salaire, pratiquement toutes les familles qui ont droit au congé parental font valoir ce droit 12 .
Le congé parental comme instrument d'égalité: le rôle du père
Dans la grande majorité des pays où il existe, le congé parental est considéré comme un droit familial à partager entre la mère et le père, et qui, en général, ne peut pas être pris par les deux en même temps. En Arménie, un congé non rémunéré, à temps partiel ou complet, peut être pris par l'un ou l'autre des deux parents, par un des grands-parents ou tout autre membre de la famille pour s'occuper d'un enfant jusqu'à l'âge de trois ans. Le même congé est prévu en Azerbaïdjan, mais il est partiellement rémunéré. Dans des pays comme la République de Corée, Cuba, la Jordanie, le Mexique, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Tunisie et la Turquie, seule la mère peut prendre un congé pour s'occuper de son enfant.
On constate que dans les pays où les hommes ont accès au congé parental, c'est la mère qui l'utilise presque exclusivement. Le taux d'utilisation des hommes est bas dans l'ensemble. Des études menées en Allemagne, au Danemark, en Finlande et en Norvège montrent que moins de 5 pour cent des pères remplissant les conditions requises font valoir leur droit au congé parental 13 . En Suède, la situation est très différente puisque, en 1987, 24,5 pour cent environ des pères y ayant droit ont pris un congé parental, qui a duré en moyenne vingt-six jours 14 . D'après une enquête auprès d'entreprises du secteur public et du secteur privé effectuée en France en 1992 à l'instigation de la Caisse nationale d'allocations familiales, parmi les parents qui avaient pris un congé parental, 99 pour cent étaient des mères 15 . En Autriche, jusqu'en janvier 1997, il y avait parmi les personnes qui avaient demandé un congé parental 75912 femmes, mais pas plus de 485 hommes 16 .
Quelles sont les raisons de ce phénomène? Certes, la répartition traditionnelle des rôles entre l'homme et la femme a, en l'occurrence, son importance, mais d'autres facteurs influent considérablement sur le taux d'utilisation du droit au congé par les pères. L'inégalité entre les sexes qui règne sur le marché du travail et la structure des prestations expliquent en partie le faible taux masculin. Dans la majorité des cas, les pères ne prennent un congé parental que s'il existe une compensation relativement élevée de la perte de gains. Etant donné que la structure des professions et des salaires a encore tendance à favoriser les hommes, la perte de revenu du père est plus lourde à supporter pour la famille. De plus, la plupart des pays ayant opté pour une allocation forfaitaire assez réduite, le congé parental n'est aujourd'hui une formule viable que pour les familles biparentales appartenant à la classe moyenne supérieure. Le plus souvent, l'homme est le principal apporteur de revenu de la famille et la mère s'occupe des enfants à la maison. Au lieu de réduire l'inégalité entre les sexes sur le marché du travail, il se pourrait donc que le congé parental contribue à la maintenir.
Pour que les femmes puissent travailler, des mesures spécifiques doivent être prises qui leur permettent d'équilibrer leur vie professionnelle et leur vie familiale. Mais, pour qu'elles soient plus efficaces, ces mesures doivent parfois être complétées par des initiatives visant à combattre la ségrégation horizontale et verticale et la discrimination salariale. En outre, pour que le père et la mère puissent tous deux organiser au mieux leur congé parental en fonction de leurs besoins, il faut prévoir un assouplissement du dispositif.
Pour encourager les pères à prendre le congé parental, des pays comme la Belgique, le Danemark, la Grèce et les Pays-Bas ont réparti le congé entre les deux parents, chacun en recevant une portion individuelle et "non transférable". C'est aussi la formule qu'a retenue l'Union européenne dans sa Directive n o 96/34/CE 17 , qui transpose dans la législation de l'Union européenne l'accord-cadre conclu par les partenaires sociaux au niveau européen. La plupart de ces instruments sont en vigueur depuis trop peu de temps pour pouvoir juger de leur incidence à long terme sur le déroulement de la carrière des femmes.
Les droits en matière d'emploi
Pour que les parents ne perdent pas le contact avec le marché du travail, il faut les protéger contre le licenciement. La plupart des systèmes garantissent, quoique à un degré variable, une telle protection qui fait partie intégrante du droit au congé. En Allemagne, aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande, au Portugal et dans la Fédération de Russie, les salariés qui prennent un congé parental ont le droit, au terme de leur congé, d'être réengagés à un poste similaire; dans d'autres pays comme le Bélarus, Chypre et la République de Corée, ils sont assurés de retrouver leur emploi antérieur. En Espagne, garanti pendant la première année de congé, le droit de réintégration se transforme en droit préférentiel si le congé est prolongé pendant deux ans.
Durée du congé parental
Dans beaucoup de pays, les parents peuvent prendre un long congé pour s'occuper de leurs enfants. Ce sont l'Allemagne, l'Azerbaïdjan, le Bélarus, l'Espagne, la Finlande, la France, la Norvège et la Pologne qui prévoient le congé le plus long (jusqu'à trois ans); la durée la plus courante est d'une année (Autriche, République de Corée, Danemark, Israël, Japon, Nouvelle-Zélande, Roumanie, Fédération de Russie, Slovénie, Suède, Ukraine). Le Royaume-Uni prévoit un congé d'une année et un mois. Il peut durer six mois au Canada, en Islande et en Turquie, trois mois à Chypre et aux Etats-Unis.
Une prolongation peut être accordée au niveau de la branche ou de l'entreprise. En Allemagne, les salariés du commerce de détail qui ont au moins quatre ans de service à la naissance de l'enfant peuvent prendre jusqu'à quatre années de congé, à partager entre les parents lorsque ceux-ci travaillent dans le même établissement. Ils peuvent ensuite être réintégrés à un poste équivalent, et les années de congé parental entrent dans le calcul de la majoration du salaire. En vertu d'un accord conclu avec le Syndicat allemand des employés de bureau, depuis le 1 er janvier 1996, IBM accorde aux salariés ayant accompli dix-huit mois de service ininterrompu une prolongation du congé parental d'une durée maximale de dix ans s'ils ont plusieurs enfants. L'entreprise s'engage à offrir un "emploi comparable" à l'issue du congé et se réserve le droit de proposer un emploi dans un établissement proche si aucun poste permanent n'est vacant dans l'établissement initial 18 .
La durée du congé influe beaucoup sur l'aptitude du salarié à reprendre le travail. Lorsque le congé est court, il arrive, à son issue, que le parent ne souhaite pas reprendre le travail, ce qui le met devant un choix difficile: prolonger le congé pour continuer de s'occuper de l'enfant (sans garantie de réintégration) ou placer l'enfant dans une crèche et reprendre le travail. Quand, au contraire, le congé est très long, il y a un risque d'érosion des compétences qui peut compliquer le retour au travail, à moins qu'une formation adaptée de réinsertion soit prévue. En Espagne, les salariés ont droit à des cours de formation pendant leur congé, et l'employeur est censé offrir une formation appropriée, plus particulièrement à l'approche de la date de reprise du travail.
Souplesse dans l'aménagement du congé: temps partiel, "fractionnement" et autres arrangements
Une plus grande souplesse dans l'aménagement du congé permet aux parents d'organiser leur congé au mieux compte tenu des besoins familiaux. Depuis 1994, la Norvège a introduit dans son dispositif de congé parental une certaine souplesse et des possibilités de choix qui permettent aux parents de fractionner le congé, qu'ils peuvent prendre à temps plein ou à temps partiel, avec des prestations en espèces correspondantes. Plusieurs formules sont possibles, compte tenu des préférences du salarié, qui peut notamment choisir d'effectuer 50, 60, 75, 80 ou 90 pour cent de la durée normale du travail. Lorsqu'il opte pour une journée de travail plus longue, il reçoit une compensation moindre. Il peut donc aménager son congé très librement en fonction de ses propres besoins.
Un certain degré de flexibilité a été introduit dans les dispositifs existant en Croatie, en Finlande, en France, en Norvège, dans la Fédération de Russie, en Slovénie, en Suède et en Ukraine: dans ces pays, congé parental et travail à temps partiel peuvent coexister. En Autriche, en Espagne, en Finlande, en Norvège et en Suisse, les parents peuvent opter pour un horaire de travail réduit jusqu'au début de la scolarité obligatoire de l'enfant. Ces aménagements permettent aux parents qui travaillent de garder un lien avec le monde du travail, ce qui évite l'érosion des compétences et facilite le retour au travail à temps plein 19 .
Dans certains pays, le congé parental est un prolongement du congé de maternité. Dans d'autres, comme l'Allemagne, les Etats-Unis, la Grèce, la Pologne, la Roumanie et la Suède, les parents ont la possibilité de fractionner leur congé ou le prendre en une seule fois. Ces dispositions peuvent accroître le taux d'utilisation du congé par les pères, plus susceptibles de prendre un congé parental lorsque les enfants sont plus grands. En Suède, par exemple, parmi les pères qui ont pris un congé parental en 1989-90, 21 pour cent l'ont fait pour s'occuper d'un enfant de moins de 6 mois, 35 pour cent pour un enfant de 9 à 11 mois, et 50 pour cent pour un enfant de plus de 14 mois 20 .
Congé de paternité
Dans la plupart des pays, les pères ont droit à un certain nombre de jours de congé à la naissance d'un enfant. Ce congé, dit de paternité, vise à permettre au père de passer quelque temps avec le nouveau-né et la mère, de participer aux célébrations familiales liées à cette naissance et de s'occuper des formalités. La durée de ce congé est de un à trois jours en Algérie, en Arabie saoudite, en Argentine, dans la République démocratique du Congo, en Egypte, en Espagne, au Guatemala, au Paraguay et en Tunisie, et de deux semaines au Danemark, en Norvège et en Nouvelle-Zélande. Dans quelques pays, comme la Mongolie, les Pays-Bas, la Roumanie et le Viet Nam, la durée n'est pas précisée. Aux Pays-Bas, elle doit être "telle que jugée équitable". Au Bangladesh et au Myanmar, les hommes ont droit à un congé dit "occasionnel", de dix et six jours respectivement, pour des raisons qui ne sont pas précisées. Dans un certain nombre de pays africains, dont le Bénin, le Cameroun, la République centrafricaine, les Comores, le Congo, Djibouti, le Gabon, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Tchad et le Togo, les hommes ont droit à dix jours de congé pour "événements familiaux".
Lorsque la législation ne prévoit pas de congé de paternité, comme au Costa Rica, au Honduras, au Mexique et aux Philippines, les conventions collectives de certains secteurs d'activité économique comprennent généralement des dispositions à cet effet. En Uruguay, le congé de paternité n'existe de droit que pour les fonctionnaires, mais certains accords d'entreprise l'ont étendu à d'autres travailleurs. Au Royaume-Uni, faute de dispositions réglementaires, certains syndicats ont obtenu par voie de négociation collective qu'un congé de paternité soit octroyé aux pères. En vertu des conventions collectives du secteur privé, le congé de paternité dure en moyenne trois jours, contre quatre à cinq jours dans le secteur public 21 . Aux Bahamas, un accord collectif conclu entre le Conseil hospitalier des Bahamas et l'Association des services publics des Bahamas prévoit un maximum de vingt jours de congé de paternité non rémunéré par année.
Congé d'adoption
Les salariés qui décident d'adopter un enfant ne relèvent pas forcément des dispositifs de congé prévus pour les parents biologiques. Cependant, beaucoup de pays ont instauré un congé d'adoption régi par des dispositions comparables à celles qui régissent le congé de maternité, le congé de paternité ou le congé parental.
Le congé d'adoption commence généralement lorsque l'enfant arrive dans le foyer. Sa durée peut donc être inférieure à celle du congé de maternité, qui comprend un congé prénatal obligatoire. Au Danemark, elle est inférieure de quatre semaines à celle du congé prévu pour les couples qui s'occupent de leur propre nouveau-né, et en Finlande de quarante et un jours. En France, une salariée qui prend soin d'un enfant en vue de l'adopter a droit à un maximum de dix semaines de congé à partir du moment où l'enfant arrive dans le foyer, de vingt-deux semaines en cas d'adoptions multiples, et de dix-huit semaines si l'enfant adopté porte à trois le nombre total d'enfants dans la famille. En Australie, en Finlande, en Islande, en Nouvelle-Zélande et dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, les dispositions relatives au congé parental prévoient le même droit à un congé pour une adoption que pour une naissance.
Notes
1 S.B. Kamerman et A.J. Kahn: "Politique familiale et enfants de moins de trois ans: l'argent, les services et le temps dans un programme d'action", Revue internationale de sécurité sociale (Genève), vol. 47, numéro double 3-4/94, p. 42.
2 Union nationale des travailleurs érythréens: General conditions of Eritrean women factory workers (A case study of Asmara area) (Addis-Abeba, 1995), chap. 34.
3 Réseau de la Commission européenne spécialisée dans les soins aux enfants et dans d'autres mesures destinées à concilier l'emploi et les responsabilités familiales: Leave arrangements for workers with children: A review of leave arrangements in Member States of the European Union and Austria, Finland, Norway and Sweden, document n o V/773/94-EN (Bruxelles, 1994), p. 32.
4 Ibid ., p. 34.
5 Parlement européen. Direction générale des études. Portrait de femmes d'Europe centrale et orientale, Série Droits des femmes, no W-8 (Bruxelles, 1995).
6 Ibid.
7 OCDE: "Chapitre 5: Le congé parental de longue durée dans les pays de l'OCDE", Perspectives de l'emploi (Paris, juillet 1995), p. 183.
8 OCDE: Perspectives de l'emploi (Paris, juillet 1993), p. 145.
9 J. Rubery, M. Smith et P. Fagen: Occupational segregation of men and women and atypical work in the European Union, document no V/5619/95-EN (Bruxelles, Commission européenne, 1995), p. 1.
10 Kamerman et Kahn, op. cit., p. 45.
11 Perspectives de l'emploi, 1995, op. cit., p. 200.
12 Réseau concernant la garde des enfants de la Commission européenne, Leave arrangements for workers with children, op. cit., pp. 25 et 26.
13 OCDE, Perspectives de l'emploi,1995, op. cit., p. 201.
14 Ibid.
15 Réseau spécialisé dans la garde des enfants de la Commission européenne, Leave arrangements for workers with children, op. cit., p. 13.
16 Information fournie au BIT par la Division féminine du Syndicat autrichien de la métallurgie, des mines et de l'énergie, mars 1997.
17 "Directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l'accord-cadre sur le congé parental conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES", Journal officiel des Communautés européennes, no L.145, 19 juin 1996, pp. 4-9.
18 Incomes Data Services: Pay and conditions in Germany 1996, IDS International Documents (Londres, 1996).
19 H. Wilkinson et I. Briscoe: Parental leave: The price of family values? (Londres, DEMOS, 1996).
20 Réseau spécialisé dans la garde des enfants de la Commission européenne, Leave arrangements for workers with children, op. cit., p. 26.
21 "Paternity leave continues to improve", Labour Research, vol. 86, no 1, janv. 1997, p. 32.
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A sa première session, la Conférence internationale du Travail a adopté, entre autres instruments, la convention (no 3) concernant l'emploi des femmes avant et après l'accouchement, 1919. Cette convention établissait les principes fondamentaux de la protection de la maternité, à savoir: le droit à un congé, le droit à des prestations médicales et le droit au remplacement du revenu pendant le congé. Le congé devait commencer jusqu'à six semaines avant l'accouchement, sur présentation d'un certificat médical, et sa durée obligatoire après l'accouchement était de six semaines. Les prestations médicales devaient comprendre les soins gratuits d'un médecin ou d'une sage-femme qualifiée. Les prestations en espèces devaient être suffisantes pour l'entretien de la mère et celui de son enfant dans de bonnes conditions d'hygiène, le montant exact de l'indemnité étant fixé par l'autorité compétente dans chaque pays. La convention prévoyait que l'indemnité serait prélevée sur les fonds publics ou fournie par un système d'assurance. Le droit au congé était renforcé par l'interdiction formelle de licencier la femme absente de son travail pendant son congé de maternité ou à une date telle que le délai de préavis expirerait pendant cette absence.
La convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, retient les mêmes éléments fondamentaux de protection, à savoir le droit à un congé de maternité, à des prestations médicales et à des prestations en espèces, en précisant comment et selon quelles modalités ces prestations devraient être octroyées. La période de congé minimale - douze semaines - doit comprendre une période de congé postnatal obligatoire d'au moins six semaines. Un congé supplémentaire doit être prévu en cas de maladie attestée par certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l'accouchement. Les prestations médicales doivent comprendre les soins prénatals, les soins pendant l'accouchement et les soins postnatals donnés par une sage-femme diplômée ou par un médecin, et l'hospitalisation si nécessaire. Le libre choix du médecin et le libre choix de l'établissement - public ou privé - doivent être respectés. Les prestations en espèces, fournies dans le cadre de l'assurance sociale, ne doivent pas représenter moins des deux tiers du gain antérieur pris en considération. Les taxes calculées sur la base des salaires versés doivent être payées d'après le nombre total d'hommes et de femmes employés dans l'entreprise, sans distinction de sexe. Le principe de la non-responsabilité personnelle de l'employeur est affirmé. L'interdiction de licencier la femme absente pendant son congé de maternité demeure, mais n'est pas renforcée.
Aucune de ces deux conventions n'a obtenu un grand nombre de ratifications: 33 seulement pour la convention no 3, qui reste ouverte à ratification, et 36 pour la convention no 103. Seize Etats Membres ont ratifié les deux instruments, ce qui donne au total 53 ratifications.
L'examen, dans les chapitres précédents, de la législation et de la pratique nationales montre que tant les Etats Membres pris individuellement que l'Organisation dans son ensemble accordent une priorité élevée à la protection de la maternité. Le champ de cette protection s'étend progressivement, mais la couverture n'est toujours pas universelle dans beaucoup de pays. La législation prévoit souvent un congé d'une durée supérieure aux douze semaines prévues par la convention no 103. La quasi-totalité des Membres ont des mesures spéciales de protection de la santé et de la sécurité des femmes enceintes ou allaitantes sur le lieu de travail, mais ces mesures varient beaucoup selon l'approche adoptée, allant d'interdictions généralisées à l'adaptation des conditions de travail en fonction des besoins individuels. En matière de congé parental, certains pays encouragent le partage des responsabilités familiales entre le père et la mère, tandis que d'autres, dans lesquels ce sont essentiellement les femmes qui prennent ce congé, autorisent simplement celles-ci à prolonger leur absence du lieu de travail après l'accouchement. L'emploi est protégé à des degrés divers dans beaucoup d'Etats Membres, mais dans aucun la discrimination fondée sur la maternité n'a été entièrement éliminée.
Toutefois, la législation et la pratique des Etats Membres diffèrent de façon importante des dispositions de la convention no 103. Les exclusions de secteurs ou de professions font qu'un grand nombre de femmes ne bénéficient d'aucune protection, comme par exemple les travailleuses agricoles ou les employées de maison. La plupart des pays octroient des prestations en espèces d'un taux plus ou moins avantageux, soit dans le cadre de l'assurance sociale, soit par prélèvement sur des fonds publics, à moins qu'elles ne soient fournies directement par l'employeur ou encore selon un système mixte. Il est à noter qu'en vertu de la convention no 103 l'employeur ne peut en aucun cas être tenu responsable du paiement des prestations. Les prestations médicales sont en général assurées par les institutions de santé publique ou de la sécurité sociale, auquel cas le choix du docteur et de l'hôpital peut être limité. Dans certains pays, ce sont les employeurs qui assument le coût des soins médicaux.
Comme il ressort du présent rapport, la protection de la santé maternelle et infantile et les droits des travailleuses en matière d'emploi occupent une place prioritaire dans la législation de presque tous les Etats Membres examinés. Cependant, beaucoup de pays ont des difficultés à ratifier des instruments très normatifs. On a constaté dans le passé que des Etats Membres dont la législation et la pratique sont en conformité avec les dispositions essentielles de tel ou tel instrument international sont parfois incapables de le ratifier ou de l'accepter officiellement en raison de divergences comparativement mineures entre son libellé précis et leur propre législation. Ces divergences peuvent porter sur le champ d'application de l'instrument ou sur certains détails d'application des principes fondamentaux.
Un esprit de réalisme doit donc présider à l'élaboration de toute nouvelle convention si l'on veut qu'elle réponde aux besoins et aux aspirations de la majorité, sinon de tous les Etats Membres. En mettant l'accent sur des principes reconnus par tous, assortis de dispositions permettant aux gouvernements et aux partenaires sociaux de travailler ensemble à la réalisation d'objectifs adaptés aux conditions nationales, on se donnera peut-être les moyens d'assurer aux femmes qui travaillent une maternité sans risque et des conditions d'emploi équitables.
Le questionnaire qui accompagne le rapport a été conçu en tenant compte de ces considérations. Les éléments fondamentaux de la protection de la maternité, à partir desquels s'est construit au fil des ans un consensus international, à savoir le droit à un congé, à des prestations médicales et à un revenu de remplacement, pourraient former le contenu de la convention possible. Pour ce qui est de la durée du congé, le questionnaire offre la possibilité d'une approche dynamique en fixant la norme minimale à douze semaines - un objectif déjà atteint dans un grand nombre d'Etats Membres -, mais en prévoyant aussi des consultations tripartites nationales chargées d'examiner régulièrement la possibilité de l'allonger. Cette approche encouragerait ceux qui en sont capables à aller au-delà des dispositions actuelles.
Le même type d'approche dynamique peut être appliqué aux prestations en espèces. Le principe de la convention no 103 est retenu, à savoir que les prestations ont pour objet de permettre à la femme de subvenir pleinement à son entretien et à celui de son enfant dans de bonnes conditions de santé et selon un niveau de vie convenable, mais une certaine flexibilité est prévue dans la réalisation de cet objectif, et cela de deux façons importantes. Premièrement est posée la question du niveau des prestations: doit-il assurer un remplacement du revenu à raison des deux tiers des gains antérieurs de la femme ou des montants pris en considération pour le calcul des prestations, ou doit-il s'agir d'un montant forfaitaire approprié? De nouveau, des consultations tripartites nationales pourraient périodiquement examiner la possibilité d'accroître le taux ou le montant des prestations servies. La possibilité est aussi envisagée de permettre de ratifier la convention à un Membre qui octroie des prestations en espèces d'un taux inférieur à celui prévu par la convention, dans le cas où son économie et son système de sécurité sociale sont insuffisamment développés et à condition que ces prestations soient d'un taux au moins égal à celui des prestations de maladie ou d'incapacité temporaire prévues par la législation et la pratique nationales. Un Membre qui se prévaudrait de cette possibilité devrait, dans ses rapports sur l'application de la convention, indiquer les mesures prises en vue de relever ce taux. Le deuxième élément de flexibilité concerne le financement des prestations. La question est posée dans la section du questionnaire relative au contenu d'une recommandation possible en vue d'autoriser des variations de la législation et de la pratique dans ce domaine. Le financement des prestations doit-il être assuré a) par le biais d'une assurance sociale obligatoire, b) par prélèvement sur les fonds publics ou c) d'une façon déterminée par la législation et la pratique nationales?
Une autre question relative au contenu possible d'une convention offre la possibilité de renforcer les droits en matière d'emploi afin de protéger la femme contre un licenciement injuste et de garantir son droit de reprendre le travail à l'issue de son congé. L'accès à des éléments de protection liés à l'emploi, tels que le congé et les prestations médicales et en espèces, pourrait ainsi être assuré.
Les questions relatives au contenu d'une recommandation couvrent un certain nombre de points soulevés dans les chapitres précédents à propos desquels la législation et la pratique varient beaucoup d'un pays à l'autre, mais qui pourraient faire l'objet d'un consensus pour ce qui est de fixer des objectifs souhaitables. Ces points concernent la durée, la répartition et les prolongations possibles du congé; le niveau et l'étendue des prestations; leur financement; la protection de l'emploi; la protection de la santé; les dispositions relatives aux mères allaitantes; les types apparentés de congé.
Les Membres sont invités à indiquer, en réponse à une question relative au contenu possible d'une convention ou d'une recommandation, qu'ils souhaiteraient que la disposition visée figure dans l'autre instrument. Ils sont aussi invités à préciser dans leur réponse s'il existe dans leur législation ou leur pratique des particularités concernant la protection de la maternité qui pourraient leur créer des difficultés dans l'application de l'instrument international, et d'indiquer quelles sont leurs suggestions pour résoudre ces difficultés.
Mise à jour par VC. Approuvée par RH. Dernière modification: 26 janvier 2000.