L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
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87e session
Genève, juin 1999


 

Rapport du Directeur général:
Un travail décent

 

 


 

 

Bureau international du Travail Genève

 

ISBN 92-2-210804-3
ISSN 0251-3218

 

 


   

Un travail décent pour les femmes et les hommes du monde entier: tel est le but fondamental qu'il est proposé à l'OIT de se donner en cette période de transition, de mondialisation. C'est le besoin le plus répandu, l'aspiration de tous – individus, familles, collectivités –, quels que soient le mode d'organisation sociale ou le degré de développement. C'est un défi auquel doivent faire face le monde politique comme le monde économique. De la manière dont nous saurons le relever dépendra en grande partie notre avenir commun.

Il est donc proposé dans ce rapport de focaliser les énergies de l'OIT sur ce problème majeur de notre temps. Il s'agit de promouvoir une communauté de vues des mandants – gouvernements, employeurs et travailleurs – quant au but à atteindre afin de transmettre à l'opinion publique une image claire de ce que l'OIT entend faire.

C'est la deuxième étape du processus de réforme et de modernisation qui a débuté en mars dernier avec la présentation d'un projet de budget dans lequel les trente-neuf grands programmes étaient remplacés par quatre objectifs stratégiques, à savoir les principes et droits fondamentaux au travail, l'emploi, la protection sociale, le dialogue social.

Le présent rapport complète de trois manières les Propositions de programme et de budget pour 2000-01. Premièrement, il fait ressortir la convergence des quatre objectifs stratégiques et ainsi la cohérence de ce que l'OIT entend faire. Deuxièmement, il traduit concrètement ces intentions en termes de priorités et de capacités. Troisièmement, il envisage les activités de l'OIT sous l'angle régional car, vu la disparité des niveaux de développement et la diversité des institutions, l'uniformisation du monde du travail n'est pas ressentie partout de la même manière.

Le présent rapport doit beaucoup aux contributions et vues d'un grand nombre de personnes – mandants, membres du personnel, universitaires. Il s'adresse à tous ceux qui s'intéressent à l'avenir de l'OIT, à ceux qui partagent ses valeurs, à ceux qui ont le privilège de la servir.


   

    Table des matières

Préface

1. Le but fondamental

2. Les programmes prioritaires

3. Perspectives régionales

4. Les capacités institutionnelles


   

Le monde et l'OIT traversent une période de turbulences. Mais, on le sait, ces périodes sont riches de possibilités.

Le cadre social

L'OIT a vu le jour en 1919 dans un monde ravagé par la guerre, menacé par la révolution, hanté par la misère et la détresse des travailleurs. L'objectif était d'édifier un cadre social propre à garantir la paix et la stabilité et ainsi à assurer la prospérité économique et la justice sociale, dans la vie des travailleurs et dans le monde du travail. Pour atteindre cet objectif, l'OIT a dès le départ utilisé divers moyens d'action: elle a entrepris une action normative, a encouragé la création d'institutions et s'est efforcée d'infléchir les politiques publiques. A la suite de multiples luttes sociales et politiques, son message est devenu, à bien des égards, une réalité dans la législation et la pratique de ce que l'on considère aujourd'hui comme les sociétés développées. L'épreuve du temps a montré que l'OIT défend des valeurs auxquelles les gens sont attachés.

La mondialisation économique

Toutefois, ces vingt dernières années, les bases traditionnelles de son action ont changé à cause de la transformation de l'environnement économique et social provoquée par la mondialisation.

Les politiques de libéralisation économique ont modifié la relation entre l'Etat, le travail et le capital. L'activité économique est désormais davantage influencée par les forces du marché que par la médiation des acteurs sociaux, la législation ou l'intervention de l'Etat. Les marchés internationaux des capitaux ne sont plus en phase avec les marchés du travail nationaux, d'où des risques et des avantages asymétriques pour le capital et le travail. On a le sentiment d'un divorce entre l'économie «réelle» et les systèmes financiers.

L'évolution de la relation d'emploi, des marchés du travail et des relations professionnelles a eu beaucoup d'impact sur les mandants de l'OIT, notamment sur les syndicats et les organisations d'employeurs.

La mondialisation a apporté la prospérité mais aussi des inégalités qui mettent à l'épreuve la responsabilité sociale collective.

Pour l'OIT qui, par sa vocation, se situe à l'intersection entre la société, l'économie et la vie de chaque être humain, ces changements représentent un bouleversement. Mais ils définissent aussi les bases de son rôle futur. Les forces qui ont transformé l'ancien modèle créent en effet de nouvelles demandes et de nouvelles possibilités d'action sociale.

L'évolution de la conscience sociale

L'évolution de la technologie et des systèmes de production a modifié la conscience sociale et a conduit à accorder plus de place à l'identité personnelle et aux droits de l'homme. Le choix accru qui est offert aux consommateurs, les possibilités d'accès au savoir et les nouveaux moyens de communication font que les personnes et les institutions sociales ne sont pas seulement les sujets mais les acteurs potentiels de la mondialisation. Les préférences sociales ont une influence sur les résultats commerciaux et un impact sur la réputation des entreprises. Désormais, il est de plus en plus difficile à une entreprise de réussir sans une bonne image sociale.

La dimension politique de la précarité et du chômage

Le changement n'est pas seulement économique et social. Politiquement, beaucoup de pays se trouvent désormais mis en examen par les marchés et par l'opinion publique et ne peuvent plus compter sur le bénéfice du doute ni sur les appuis financiers qui leur étaient acquis du temps de la guerre froide.

Dans beaucoup de pays, la précarité et le chômage sont redevenus le problème politique numéro un. La dimension sociale de la mondialisation, du fait de l'impact de celle-ci sur le monde du travail, devient le problème de tous. De plus en plus, on se rend compte que les marchés ne sauraient être envisagés isolément du cadre social et politique. La protection sociale et le dialogue social, par exemple, sont de plus en plus considérés comme des parties intégrantes du processus d'ajustement. L'expérience des pays en transition, la polarisation sociale de plus en plus marquée, l'exclusion de l'Afrique et la crise qui a récemment frappé les marchés émergents sont autant de facteurs qui montrent la nécessité d'un cadre social solide pour étayer la recherche d'une nouvelle architecture financière.

Donner un visage humain à une économie mondialisée

De tous bords, on insiste sur la nécessité de donner un visage humain à l'économie mondialisée. Le pape Jean-Paul II a ainsi souligné qu'il faut «déterminer qui est responsable de garantir le bien commun mondial et l'exercice des droits économiques et sociaux. Laissé à lui-même, le marché ne saurait s'acquitter de cette tâche car, en fait, beaucoup de besoins humains n'y ont pas leur place.» Il est à noter que le monde économique lui-même se préoccupe désormais de ce problème. Klaus Schwab, qui a organisé le Forum économique mondial de Davos, fait observer que «les marchés financiers semblent être pris de folie: ils humilient les gouvernements, réduisent le pouvoir des syndicats et d'autres acteurs de la société civile et créent un sentiment d'extrême vulnérabilité chez le simple particulier confronté à des forces et à des processus de décision qui lui échappent totalement».

Cet état de choses conforte la position de l'OIT. Celle-ci réunit en effet autour d'une même table employeurs, travailleurs et gouvernements. Ses instruments sont le dialogue social et des politiques qui visent à promouvoir les principes et droits fondamentaux au travail, l'emploi et la sécurité de chacun.

Une OIT plus actuelle que jamais

L'utilité des services que l'OIT offre à la communauté internationale se trouve renforcée: c'est un centre mondial de connaissances pour tout ce qui touche à l'emploi et au travail; le centre de l'action normative visant le monde du travail; une tribune pour les discussions et négociations internationales concernant la politique sociale; une source de services de persuasion, d'information et d'élaboration des politiques.

Le moment est venu pour l'OIT de faire de nouveau la preuve de sa capacité historique de s'adapter, de se rénover, de changer.

Il ne faut pas laisser passer l'occasion car elle ne durera pas éternellement. Encore faut-il, pour pouvoir l'exploiter, que l'OIT surmonte deux problèmes persistants.

Aller de l'avant: fixer des priorités

Le premier tient à la tendance des institutions à lancer des programmes de plus en plus divers sans définir clairement des priorités opérationnelles, ce qui est pourtant indispensable pour organiser et intégrer les activités. Cela a nui à l'impact de l'OIT, rendu floue son image, réduit son efficience et désorienté le personnel. Dans une certaine mesure, ce problème est dû à la richesse exceptionnelle du mandat de l'OIT. Sa mission, parfaitement décrite dans la Déclaration de Philadelphie, est de permettre à «tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ... de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales». La réalisation de cet idéal suppose tout un ensemble de programmes allant, par exemple, de la promotion des droits des travailleurs au renforcement institutionnel. Elle suppose aussi que les activités de l'OIT ne se limitent pas au lieu de travail – ou espace de travail – et s'étendent à l'économie tout entière. En outre, il faut répondre à l'évolution des besoins avec des budgets dont le montant est gelé, d'où des activités qui sont forcément modestes et souvent fragmentées. Ces problèmes imposent à l'OIT de recentrer périodiquement son programme, de reformuler son message en fonction des besoins du moment et de mobiliser des partenariats extérieurs afin d'accroître ses ressources et ses compétences. Ils exigent aussi une recherche permanente de la focalisation, de l'excellence et de l'efficacité dans le domaine de la gestion.

Aller de l'avant: renforcer la communauté de vues

Deuxièmement, la fin de la guerre froide, puis l'impact de la mondialisation sur tous les acteurs sociaux ont affaibli la communauté de vues des mandants quant au but à poursuivre. Le recul de l'idéologie et des conflits de classe, la multiplication des interactions sociales en dehors du lieu de travail et la tendance à la décentralisation des négociations collectives ont rendu plus fragile le consensus parmi les mandants tripartites de l'OIT. Cela signifie que, si les mandants peuvent porter un grand intérêt à tel ou tel programme, rares sont les programmes qui bénéficient d'un appui actif et quasi unanime de la part des trois groupes. Une OIT sans consensus interne est une OIT sans influence externe.

Les deux problèmes sont naturellement liés. Les domaines dans lesquels il sera possible de parvenir à un consensus seront d'autant plus nombreux, et le consensus d'autant plus solide, que chacun percevra clairement le but commun et portera le même intérêt à ce que fait l'OIT.

Il faut donc commencer par définir clairement un dessein commun.

* * *

Le but

L'OIT a pour mission d'améliorer le sort de chaque être humain dans le monde du travail. Cette mission prend une dimension particulière en cette époque de grands changements, où le souci de beaucoup de gens est de trouver un travail décent et durable.

A chacun un travail décent

Le but fondamental de l'OIT aujourd'hui est que chaque femme et chaque homme puissent accéder à un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d'équité, de sécurité et de dignité.

Tel est le grand dessein de l'Organisation, le point de convergence de ses quatre objectifs stratégiques, à savoir la promotion des droits au travail, l'emploi, la protection sociale et le dialogue social. C'est ce qui doit guider ses politiques et définir son rôle international dans les années à venir.

Des politiques adaptées au but poursuivi

Un tel objectif a plusieurs conséquences importantes, dont toutes sont implicites dans le mandat de l'Organisation. Il s'agit maintenant de les rendre explicites et d'adopter des politiques qui leur soient adaptées.

Se soucier de tous les travailleurs

L'OIT se préoccupe du sort de tous les travailleurs. Du fait de ses origines, l'OIT s'est surtout intéressée aux besoins des salariés – hommes en majorité – travaillant dans des entreprises de type classique. Mais ce n'est qu'une partie de son mandat et qu'une partie du monde du travail. Presque tout le monde travaille, ce qui ne signifie pas que tout le monde a un employeur. En outre, il y a beaucoup de personnes surchargées de travail et beaucoup de chômeurs aussi. L'OIT ne doit pas s'occuper uniquement du marché du travail officiel mais aussi des salariés non protégés, des travailleurs indépendants, des travailleurs à domicile. En Amérique latine, la part du secteur informel dans l'emploi total avoisine les 40 pour cent. En Afrique, ce secteur a créé plus de 90 pour cent des nouveaux emplois urbains durant la dernière décennie.

Promouvoir les droits au travail

Tous ceux qui travaillent ont des droits au travail. La Constitution de l'OIT vise une amélioration des «conditions de travail», que la main-d'œuvre soit organisée ou non et qu'elle travaille dans le secteur formel, dans le secteur informel, à domicile, dans une collectivité ou encore dans le secteur associatif.

Promouvoir l'emploi

La promotion de l'emploi est un objectif central. La défense des droits au travail implique nécessairement que l'on s'attache à promouvoir les possibilités de travail. La fonction normative de l'OIT s'accompagne de la responsabilité de faire en sorte que chacun puisse valoriser ses capacités personnelles, trouver un travail productif et gagner décemment sa vie. L'OIT cherche à élargir le monde du travail, pas seulement à l'étalonner. Elle se préoccupe donc tout autant du sort des chômeurs – et des politiques propres à combattre le chômage et le sous-emploi – que de la promotion des droits des travailleurs. Un environnement propice à l'essor des entreprises est capital pour promouvoir l'emploi.

Assurer un travail décent

L'OIT cherche à promouvoir un travail décent. Il ne s'agit pas seulement de créer des emplois mais de créer des emplois d'une qualité acceptable. Il ne saurait y avoir de divorce entre le volume de l'emploi et sa qualité. Toutes les sociétés ont une notion du travail décent mais la qualité de l'emploi peut signifier beaucoup de choses. Elle peut renvoyer à différentes formes de travail, à différentes conditions de travail ainsi qu'à des idées de valeur et de satisfaction. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est concevoir des systèmes sociaux et économiques qui garantissent le minimum indispensable en matière de sécurité et d'emploi, sans que cela empêche de s'adapter à l'évolution rapide d'un marché mondial très concurrentiel.

Protection contre la vulnérabilité au travail

Protection contre la vulnérabilité et les aléas. Vu son souci pour la dimension humaine du travail, l'OIT doit se préoccuper des vulnérabilités et des aléas dont les travailleurs risquent d'être les victimes – chômage, perte des moyens de subsistance, maladie, vieillesse.

Le dialogue social: un droit et un moyen

Promotion du dialogue social. Le dialogue social, qui suppose participation et liberté syndicale, est un attribut de la démocratie. C'est un moyen de régler les différends, de promouvoir l'équité sociale et de faciliter la mise en œuvre des politiques. C'est par ce moyen que les droits sont défendus, l'emploi promu et le travail rendu plus sûr. C'est un gage de stabilité à tous les niveaux, depuis l'entreprise jusqu'à la société dans son ensemble.

Vers un travail décent: les quatre objectifs stratégiques

Les activités relatives aux quatre objectifs stratégiques de l'OIT doivent contribuer de manière équilibrée et intégrée à la réalisation du but visé, à savoir un travail décent. Les mandants – gouvernements, employeurs et travailleurs – devront faire preuve de créativité pour concilier des intérêts divergents afin de répondre à la demande d'un travail décent qui leur est adressée par les individus, les familles et les collectivités du monde entier.

Avant d'en venir aux implications opérationnelles de ce but, il faut examiner le contexte dans lequel s'inscriront à l'avenir les activités de l'OIT.

Le contexte

Nous traversons une longue période d'ajustement à la mondialisation. La crise qui a récemment éclaté sur les marchés émergents n'est que le dernier d'une série d'ajustements qui a commencé avec les chocs pétroliers et qui s'est poursuivie avec la crise de la dette en Afrique et en Amérique latine dans les années soixante-dix et quatre-vingt et avec la crise des pays européens en transition dans les années quatre-vingt-dix, pour ne pas parler de la situation particulière dans laquelle se trouvent aujourd'hui le Japon et les pays de l'Union européenne.

Mondialisation et ajustement

Au cours de la prochaine décennie, le grand défi sera d'adapter les économies et les institutions nationales à la mondialisation et d'adapter celle-ci aux besoins de l'homme. La nature du problème et les solutions varieront d'une région à l'autre mais tous les pays, toutes les régions, seront concernés. La mondialisation a fait de l'«ajustement» un phénomène universel qui touche aussi bien les pays riches que les pays pauvres. Elle a un effet sur le développement en déplaçant les pôles de croissance à long terme et en modifiant la distribution des revenus. Si rien n'est fait pour remédier aux tendances actuelles, la plus grande menace qui pèsera sur nous sera l'instabilité engendrée par l'aggravation des inégalités.

Au cours de la prochaine décennie, l'OIT sera appelée à faire face à des crises récurrentes d'ajustement et de développement. Elle doit s'y préparer.

L'OIT doit définir une politique qui soit cohérente, conforme à ses valeurs et compétences, et adaptée à la diversité des besoins régionaux. Elle doit pouvoir mettre en œuvre des programmes multidisciplinaires en mobilisant ses capacités techniques dans chacun de ses quatre domaines d'action stratégiques et en les intégrant. Elle doit faire entendre sa voix dans le débat international sur les systèmes futurs de gouvernance propres à assurer la stabilité économique et un développement équitable. Tout cela exige de nouvelles capacités sur le plan organisationnel et dans le domaine de la recherche, comme on le verra aux chapitres 3 et 4.

Les prescriptions traditionnelles

La politique traditionnellement préconisée a été formulée par les institutions de Bretton Woods dans les années quatre-vingt, au moment de la crise de la dette, puis a été appliquée dans les économies en transition. Elle repose sur deux grands postulats: le marché libre suffit à assurer la croissance, et il n'est pas loin de suffire à assurer la stabilité sociale et la démocratie politique. La stratégie à adopter pour que le succès économique soit au rendez-vous consistait essentiellement à transférer la responsabilité de la régulation de l'Etat au marché par la mise en œuvre de différentes politiques: privatisation, libéralisation du marché des capitaux et du marché du travail, stabilisation financière. Le rôle essentiel de la politique macroéconomique était, non de stimuler la croissance, mais de combattre l'inflation. L'emploi était considéré comme un dérivé secondaire de ces politiques. Les marchés du travail avaient pour unique fonction d'assurer un ajustement sans heurt aux variations de la demande. La gouvernance mondiale visait l'application de ces politiques par les organisations internationales responsables de la stabilisation financière et de l'ajustement, de la libéralisation des échanges et du développement économique.

Ces politiques ont eu de l'influence parce qu'elles étaient simples et universelles. Elles garantissaient la discipline macroéconomique nécessaire et favorisaient la concurrence et la créativité dans le monde de l'entreprise. Elles ouvraient la voie à l'application de nouvelles technologies et de nouveaux modes de gestion. Malheureusement, elles confondaient les moyens d'action techniques – par exemple, la privatisation et la déréglementation – avec la finalité sociale et économique du développement. Devenues inflexibles, elles ne tenaient pas suffisamment compte de l'environnement social et politique dans lequel opèrent les marchés. Elles ont parfois eu un effet dévastateur sur les gens et sur leurs familles. Leur efficacité, déjà mise en question au bout de dix ans d'application dans les économies en transition, est de plus en plus controversée depuis que la crise a éclaté sur les marchés émergents. Cette crise a marqué un tournant dans l'opinion publique. Elle a accru les incertitudes mais aussi la réceptivité à une plus large gamme d'opinions, y compris les vues des pays en développement et de la société civile.

Le nouveau débat

Les solutions sont encore loin d'être claires. On a préconisé de mettre en place une nouvelle «architecture financière mondiale». Toute une série de mesures ont été proposées. En ce qui concerne l'action au niveau international, on a suggéré de modifier le fonctionnement des organisations financières internationales, de mieux coordonner les politiques économiques nationales en vue de promouvoir la croissance, de créer des systèmes d'alerte rapide, d'agir sur les politiques de taux de change et de réglementer les flux de capitaux spéculatifs. Au niveau national, les mesures suggérées vont d'un renforcement de la surveillance et de la réglementation du secteur financier à une amélioration des systèmes juridiques et comptables ainsi que de la gouvernance des entreprises. La plupart de ces questions ne sont pas du ressort de l'OIT. En revanche, celle-ci peut insister sur l'importance de l'emploi et des droits au travail, quelle que soit l'architecture financière finalement mise en place, et aider ses mandants à suivre le débat en cours et à y faire entendre leur voix. En l'absence d'un solide fondement social, une économie mondialisée manquera de stabilité et de crédibilité politique.

La contribution de l'OIT

Parallèlement, un débat s'est engagé sur la nécessité d'un cadre social pour les politiques de stabilisation, d'ajustement et de développement, en tant que partie intégrante des mesures visant à renforcer le système financier mondial. A l'évidence, l'OIT a son mot à dire dans ce débat. Elle doit avoir des propositions à faire quant aux moyens de parer aux conséquences sociales à court et à long terme de l'instabilité financière et économique.

Elle doit faire ressortir, faits à l'appui, que les politiques de l'emploi et les institutions de protection sociale et de dialogue social sont importantes non seulement du point de vue de la justice sociale, mais aussi pour le succès des politiques d'ajustement et pour le développement à long terme. La crise en Asie a montré à quel point sont nécessaires les institutions et systèmes de protection sociale et de dialogue social. Ces institutions ont trop souvent été négligées en période de croissance rapide, ce qui, au moment de la crise, a entravé l'ajustement et la restructuration des entreprises.

L'OIT doit aussi avoir ses vues sur la conception des politiques macroéconomiques à moyen terme. En particulier, elle doit être à même de donner un avis sur les mérites relatifs des instruments budgétaires et monétaires du point de vue de leur incidence sur l'emploi et sur la politique sociale. Elle devrait insister sur la complémentarité des politiques macroéconomiques et des politiques du marché du travail pour promouvoir l'emploi.

En résumé, l'OIT doit élaborer et mettre en œuvre des ensembles de politiques – visant l'emploi, la protection sociale et le développement institutionnel – adaptées à différentes situations régionales. Ces idées sont développées dans les chapitres 3 et 4.

Ces politiques doivent s'appuyer sur un cadre normatif global qui soit universellement accepté et qui, au niveau national, se reflète dans le développement, dans les systèmes législatifs et dans les structures institutionnelles.

Les dispositions constitutionnelles

Les dispositions inscrites dans la Constitution de l'OIT ont garanti le respect des prescriptions normatives de l'Organisation et ont permis à cette dernière de conserver sa légitimité politique et son universalité malgré tous les conflits du XXe siècle. Elles reposent sur le principe d'obligations volontaires qui, une fois acceptées, font l'objet d'un contrôle systématique et de débats ouverts. Elles prévoient que l'OIT parvienne à ses fins en agissant sur l'opinion publique et en renforçant les institutions plutôt qu'en usant de mesures coercitives ou punitives. Elles se fondent sur un consensus international et sur le dialogue national. Cette approche est essentielle pour gérer les tensions sociales engendrées par la mondialisation.

L'OIT doit agir conformément aux dispositions de sa Constitution et faire valoir son mandat normatif dans la communauté internationale. C'est ce que soulignait, il y a longtemps déjà, Albert Thomas, premier Directeur général du BIT, en s'adressant à la Conférence: «Pour être certains de l'avenir de notre œuvre, pour être sûrs de dégager la pensée commune, les espérances qui nous animent tous, il n'est qu'un moyen, c'est que le Bureau international du Travail se tienne solidement à sa Charte constitutive, c'est qu'il la rappelle sans cesse, dans sa lettre et dans son esprit.»

Pour que l'OIT puisse guider la communauté internationale à l'avenir, il faut qu'elle soit efficace.

La meilleure garantie de crédibilité réside dans l'efficacité des activités normatives de l'Organisation et dans l'intégrité de ses mécanismes de contrôle et de supervision. Comme point de départ, il faut que tous les mandants – gouvernements, employeurs et travailleurs – reconnaissent que rien ne doit être fait qui puisse compromettre ses principes ou affaiblir son fonctionnement. Ce qu'il faut, c'est moderniser le processus afin que le travail réalisé soit plus utile à tous les mandants, qu'il ait des effets plus concrets et qu'il soit mieux connu de l'opinion publique. L'amélioration de la visibilité, de l'efficacité et de la pertinence du système normatif de l'OIT doit devenir une priorité politique. Des propositions détaillées sont présentées dans le chapitre 2.

La Déclaration de l'OIT

La Déclaration a été adoptée comme un instrument promotionnel. Elle doit être mise en œuvre dans cet esprit. Pour être efficace, pour être universelle et pour conserver sa légitimité, elle ne saurait s'assortir d'aucune condition. Sur cette base, elle devrait devenir un objectif commun du système multilatéral dans son ensemble. Mais, pour qu'elle soit crédible, il est impératif que son suivi soit efficace et rapide.

Il faut assurer le respect des droits fondamentaux au travail et promouvoir leur réalisation dans la pratique économique et sociale. La Déclaration a un rôle important à jouer sur ce plan. En invitant l'OIT à aider les Membres qui en font la demande, non seulement à promouvoir, mais aussi à réaliser différents principes fondamentaux, la Déclaration fournit à l'Organisation un cadre plus clair pour le développement.

Un cadre pour le développement

Etant donné que l'engagement de réaliser les principes fondamentaux est indépendant de la ratification des conventions où ils sont énoncés, la Déclaration permet à l'OIT d'exploiter au mieux les possibilités de la coopération technique. La Déclaration devrait donc être considérée comme un instrument promotionnel permettant de traduire les valeurs de l'Organisation en programmes de développement intégré. Le respect des droits fondamentaux est une fin en soi mais il a en outre pour avantage de faciliter le développement. Par exemple, la garantie des droits au travail permet à chacun de réclamer librement une juste part de la richesse qu'il a contribué à créer et de chercher à améliorer quantitativement et qualitativement sa situation professionnelle. C'est donc aussi la garantie d'un processus permanent de conversion de la croissance économique en équité sociale et en emploi à tous les stades du développement.

La coopération technique

La Déclaration devrait donc renforcer et étayer les activités de coopération technique de l'OIT dans leur ensemble. Ces activités doivent nécessairement répondre à toute une gamme de besoins des mandants au niveau national et elles doivent être guidées par les quatre objectifs stratégiques de l'Organisation. Etant donné que ces objectifs sont interdépendants, la réalisation des droits fondamentaux au travail facilitera celle des autres objectifs stratégiques, et vice versa.

Le suivi de la Déclaration ouvre aussi la voie à un débat de fond sur le développement et les droits au travail au sein de l'OIT. Ce débat pourrait permettre de mieux comprendre les problèmes et les perspectives des différents pays et régions et de trouver de meilleurs moyens d'y répondre. L'efficacité du suivi sera déterminante pour réduire les tensions politiques résultant de la mondialisation. Sa transparence, ses répercussions sur la coopération technique, l'accent mis sur la promotion et le développement, l'intégration des questions d'égalité entre les sexes et la sensibilisation de l'opinion publique aux conditions du progrès social et du développement sont autant de facteurs clés qui renforceront la crédibilité de l'approche adoptée par l'OIT pour promouvoir la réforme sociale dans un monde interdépendant.

Développement, parité, entreprise

A l'avenir, le contexte dans lequel s'inscriront toutes les activités de l'OIT sera déterminé par les besoins d'ajustement dans un monde interdépendant, mais trois grandes questions méritent de retenir particulièrement l'attention. Il s'agit de l'intégration du développement et de la parité entre femmes et hommes dans l'ensemble des activités de l'OIT, ainsi que de l'intérêt accru à porter à l'entreprise. Un effort dans ces trois domaines est indispensable pour assurer la pertinence future de l'Organisation.

Intégration du développement social et économique

Depuis toujours, l'OIT soutient que le développement économique et le progrès social sont deux aspects d'un même processus, qu'ils doivent aller de pair et se renforcer mutuellement. Ce lien ressort parfaitement des quatre objectifs stratégiques de l'OIT. Le développement doit s'appuyer sur le respect des principes et droits au travail – ce sont les règles de base. C'est par le biais de l'emploi et des revenus que le processus de production et son résultat se traduisent par une demande solvable et par un niveau de vie décent. La protection sociale garantit la sécurité de chacun et son intégration dans la cité et permet la réforme économique. Le dialogue social établit un lien entre production et distribution des richesses, et assure équité et participation dans le processus de développement.

Le Sommet de Copenhague a réaffirmé, au plus haut niveau international, cette vision intégrée du développement. Il est temps que l'OIT aille de l'avant sur la base du mandat qui lui a été confié.

Capacités de recherche

D'importantes propositions visant à permettre à l'OIT de promouvoir un développement intégré ont déjà été formulées à propos du suivi de la Déclaration et de la réponse de l'Organisation aux défis de la mondialisation. Mais il reste beaucoup à faire. L'OIT doit démontrer la complémentarité du développement économique et du développement social en s'appuyant sur une analyse des faits et sur des études théoriques. Cela exige qu'elle mène des recherches et que le Bureau renforce sa capacité d'analyse économique et financière. Ces questions sont examinées au chapitre 4.

Un effort particulier en faveur des travailleurs pauvres

Une politique de développement intégré exige de l'OIT qu'elle accorde une attention particulière aux problèmes des travailleurs pauvres. Il est clair depuis longtemps que la croissance économique ne suffit pas pour que l'économie formelle absorbe l'excédent de main-d'œuvre. En réalité, les soubresauts de la croissance et les changements dans l'organisation de la production ont favorisé l'essor du secteur informel. Ce sont les travailleurs de ce secteur qui sont confrontés aux problèmes les plus graves. Ce sont leurs droits qui sont le moins respectés. Ils sont sous-employés et mal payés, n'ont pas de protection sociale et, pour eux, dialogue social et participation sont des mots en grande partie vides de sens. Le moment est venu pour l'OIT d'adopter une politique cohérente en faveur de ces travailleurs, notamment en ce qui concerne la création d'emplois, la protection sociale et l'organisation sociale, domaines dans lesquels leurs besoins sont les plus aigus. Les programmes focaux décrits dans le chapitre 2 sont un premier pas dans cette direction.

Le renforcement des institutions

Le renforcement des institutions, notamment des institutions qui garantissent la participation et la représentation des parties prenantes et qui leur permettent de faire entendre leur voix ainsi que des institutions de dialogue social et de protection sociale, est aussi un point important de l'ordre du jour de l'OIT en matière de développement. L'OIT s'en préoccupe depuis longtemps, mais pourrait tirer parti des progrès récents des recherches sur l'économie des institutions, en s'appuyant sur les théories et les pratiques mentionnées au chapitre 4.

Sexospécificité et marché du travail

Les femmes ont transformé le marché du travail partout dans le monde. Dans beaucoup de pays, l'évolution de l'emploi est surtout déterminée par l'augmentation de leur taux d'activité. On note que leur taux d'activité est en hausse, tandis que celui des hommes est en baisse. La transformation structurelle des économies, l'évolution démographique, l'essor du secteur informel et les aménagements du temps de travail ont modifié les conditions de vie et de travail des femmes comme des hommes.

Ces facteurs ont aussi modifié la distribution des rôles entre hommes et femmes sur le marché du travail. Certaines femmes bénéficient désormais de plus de possibilités et d'une plus grande autonomie économique. Mais beaucoup aussi ont été victimes du changement. La mondialisation et les restructurations économiques favorisent le développement de relations d'emploi flexibles, dont beaucoup échappent à la législation du travail, ne s'assortissent pas d'une protection sociale et se caractérisent par de bas revenus et une grande précarité. Les hommes sont eux aussi touchés par ce phénomène, mais les femmes sont plus vulnérables. Il en résulte une ségrégation professionnelle: les femmes se concentrent dans les secteurs de l'économie les moins protégés. L'augmentation du nombre de ménages ayant une femme à leur tête, à cause des migrations, des divorces et des abandons, a aussi pour conséquence que l'insécurité de l'emploi des femmes a un effet direct sur leurs enfants et les autres personnes à leur charge.

L'absence de parité entre femmes et hommes se reflète souvent dans les institutions du travail. Les organismes de sécurité sociale, par exemple, postulent fréquemment que l'entretien de la famille est assuré par un homme. La segmentation du marché du travail en fonction du sexe engendre des disparités salariales structurelles auxquelles les politiques traditionnelles du marché du travail peuvent difficilement remédier.

Il est impératif que l'OIT s'attache à promouvoir l'égalité entre femmes et hommes, non seulement pour des raisons d'équité, mais aussi parce que cette question est au cœur de son travail. Elle ne doit pas se limiter à réaffirmer la nécessaire égalité entre hommes et femmes ainsi que les droits de ces dernières et doit ajouter une dimension sexospécifique à tous ses programmes et activités. Par exemple, des considérations sexospécifiques ont été prises en compte dans les recherches de l'OIT sur les marchés du travail et la pauvreté, mais les résultats ont été fragmentaires. On ne leur a pas accordé la priorité institutionnelle et, fondamentalement, les politiques n'ont pas changé. Le Directeur général a tenu à réaffirmer son attachement à une politique sexospécifique lors d'une réunion spéciale organisée au BIT le 8 mars 1999 pour célébrer la Journée internationale de la femme.

Une politique sexospécifique

L'OIT doit envisager le monde du travail sous un angle sexospécifique. Il s'agit, en s'appuyant sur les activités déjà entreprises pour promouvoir la parité, d'étudier les rôles économiques et sociaux des femmes et des hommes et d'identifier les forces qui conduisent à une inégalité dans différents domaines. On ne saurait s'en tenir à la situation de jure: il faut considérer la réalité, c'est-à-dire l'effet des politiques économiques, de la législation et de l'évolution du marché du travail sur différents groupes de femmes et d'hommes.

Cela suppose d'ajouter une dimension sexospécifique à tous les programmes et activités de l'OIT. Cette politique, qui est bien établie dans le système des Nations Unies et largement appliquée dans d'autres organisations et programmes, n'en est encore qu'à un stade embryonnaire à l'OIT.

Une telle politique exige une action à trois niveaux: niveau politique, programmes techniques, niveau institutionnel.

Un intérêt accru pour l'entreprise

Les entreprises sont la clé de la croissance et de l'emploi dans les économies ouvertes. Leurs activités ont des répercussions dans tous les domaines qui intéressent l'OIT et une influence décisive sur l'évolution des modes de relations professionnelles, sur l'amélioration des compétences et sur l'emploi. Il est essentiel que l'OIT accorde suffisamment d'attention aux entreprises si elle veut être au fait des pratiques et des réalités du monde du travail. Les petites entreprises jouent un rôle très important dans la création d'emplois et dans l'amélioration des conditions de travail, d'où la proposition de leur consacrer un programme focal.

A bien des égards, l'OIT est idéalement placée pour exploiter les potentialités offertes par les entreprises et le monde des affaires. Ces entités sont directement représentées au sein de l'Organisation et celle-ci fait de plus en plus de place à leurs préoccupations. Le Forum des entreprises qui est organisé par le BIT commence à intéresser de plus en plus le monde économique.

Promouvoir l'entreprenariat

L'OIT a déjà mis en place toute une gamme de programmes qui concernent les entreprises. Ces programmes visent notamment à promouvoir l'entreprenariat, la formation à la gestion et le développement de la petite entreprise. Il faut les renforcer en tenant compte du rôle des organisations d'employeurs et des services qu'elles peuvent offrir à leurs membres dans ces domaines.

Sociétés multinationales

Désormais, il ne faut plus se limiter aux petites entreprises. Il faut aussi répondre aux besoins des sociétés multinationales, principaux vecteurs des transferts de capitaux, de technologies et de nouvelles pratiques de travail dans une économie mondialisée. Un thème qui pourrait retenir l'attention est celui des initiatives sociales des entreprises. De plus en plus, l'opinion publique presse les entreprises d'adopter de bonnes pratiques. Ces pratiques ont un effet direct sur la demande de consommation et sur la réputation des entreprises car, si les médias aident beaucoup les entreprises à se faire connaître et à valoriser leur image, ils les rendent aussi beaucoup plus vulnérables. Les grandes sociétés se préoccupent des pressions de l'opinion publique non seulement parce qu'elles risquent de nuire à leurs résultats, mais aussi parce qu'elles pourraient conduire le pouvoir politique à remettre en question la réglementation et le régime des échanges. Ces pressions sociales interviennent en outre à un moment où les marchés sur lesquels opèrent les entreprises ne sont plus aussi faciles à définir ou à contrôler. Beaucoup d'entreprises ont adopté des codes de conduite, mais des problèmes de surveillance et de contrôle se posent, parce que, du fait notamment de la sous-traitance, les filières d'approvisionnement sont de plus en plus complexes. Dans ces conditions, les marchés pourraient facilement se transformer en champs de mines. Le problème consiste avant tout à trouver les moyens de répondre au besoin des entreprises d'une référence extérieure reconnue par des mesures internationales qui offrent un cadre cohérent pour évaluer les initiatives individuelles. De par ses compétences, l'OIT est bien placée pour aller de l'avant dans ce domaine, tout en restant attentive aux obligations légales et à la susceptibilité des entreprises. Les formations nécessaires pour une gestion multiculturelle des questions sociales et pour des restructurations socialement responsables pourraient aussi devenir d'importants domaines d'activités de l'OIT.

L'image de l'OIT dans le monde de l'entreprise

Dans le monde de l'entreprise, l'OIT fait souvent encore figure d'organisation lointaine et impénétrable. Elle doit donc améliorer son image et se rapprocher du monde des affaires en faisant un effort de communication et en facilitant l'accès à ses bases de données et à ses services de formation et autres. L'OIT doit se présenter comme le centre international de compétences et de données utiles aux entreprises dans des domaines tels que les normes et les codes, la législation nationale et les systèmes de relations professionnelles, la sécurité et la santé des travailleurs, et la diffusion de bonnes pratiques dans un contexte multiculturel.

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Un effort partagé

Le présent rapport propose une vision ambitieuse mais son intention est on ne peut plus pratique. Il s'agit de donner à l'OIT l'orientation politique, technique et organisationnelle voulue pour qu'elle franchisse avec optimisme et assurance le seuil du XXIe siècle.

Aucune de ces propositions n'est simple. Toutes sont nécessaires. Il faudra du temps pour les appliquer. Elles exigent un effort exceptionnel de la part de tous les intéressés: il faut que les mandants fassent totalement leur un but commun, que le personnel redouble d'efforts pour accéder à l'excellence dans de nouveaux domaines et que l'Organisation dans son ensemble mène vigoureusement campagne pour affirmer sa présence dans le monde entier.

L'aboutissement de ces propositions exige avant tout un engagement commun et un effort partagé du Bureau et des mandants. Le présent rapport est donc, plus qu'un plan, un document vivant qui signale des pistes qu'il faudra explorer par la consultation et le dialogue. C'est finalement une déclaration de confiance dans le partenariat.


   

Le présent chapitre traduit la vision stratégique de l'OIT en programmes d'action. Il met en lumière les priorités immédiates, ainsi que les nouvelles initiatives qui seront prises à l'avenir. Il établit donc le cadre général dans lequel ces priorités seront mises en pratique au cours des années à venir.

Les objectifs stratégiques de l'OIT

La première section aborde les principes et droits fondamentaux au travail. Elle explique pourquoi les normes de l'OIT doivent faire l'objet d'une attention renouvelée et pourquoi il importe de jeter un regard neuf sur les moyens et instruments complémentaires à mettre en œuvre à cet effet. L'application effective de la Déclaration peut constituer un important pas en avant vers une mise en œuvre réellement globale des droits fondamentaux. La deuxième section concerne la création de nouvelles possibilités d'emploi et de revenu pour les femmes et les hommes. La nouvelle économie mondiale a révélé l'énorme potentiel de créations d'emplois qu'elle recélait pour autant que les conditions s'y prêtent, ainsi que les nombreux dangers qui existent. Il importe d'explorer de nouvelles options pour promouvoir une orientation des stratégies macroéconomiques axées sur la création d'emplois, la transformation de systèmes de production et la réduction de la pauvreté et des inégalités. La troisième section traite de la protection sociale. Dans une situation économique de plus en plus volatile, le besoin de sécurité acquiert une importance grandissante. Les systèmes actuels sont sous pression et la couverture de protection sociale demeure une préoccupation majeure. Enfin, la quatrième section étudie la question du dialogue social et du tripartisme, et passe en revue les divers moyens de renforcer la capacité institutionnelle des mandants de l'OIT ainsi que leur contribution à l'instauration du dialogue.

Créer des emplois décents

Ces quatre objectifs envisagés conjointement définissent la manière dont l'OIT peut promouvoir son objectif essentiel, à savoir «des emplois décents». Il faut entendre par là un travail productif allant de pair avec la protection des droits et permettant d'obtenir un revenu suffisant et de bénéficier d'une protection sociale appropriée. Cette notion implique aussi un volume de travail suffisant dans la mesure où tout un chacun doit avoir pleinement accès à des possibilités d'emploi lucratif. Elle marque la voie royale qui mène au développement économique et social et qui permet d'assurer des emplois, un revenu et une protection sociale sans compromettre les droits des travailleurs ni les normes sociales. Le tripartisme et le dialogue social constituent des objectifs en soi, car ils garantissent la participation et le processus démocratique, tout en permettant d'atteindre tous les autres objectifs stratégiques de l'OIT. L'évolution de l'économie mondiale offre des possibilités favorables pour tous; encore faut-il que ces possibilités soient garanties par des institutions sociales participatives, de sorte que les politiques économiques et sociales acquièrent la légitimité et la durabilité nécessaires.

Les programmes focaux

Pour atteindre ses objectifs, l'OIT doit concentrer ses efforts. Elle ne peut pas tout faire simultanément et il lui faut donc choisir les domaines dans lesquels elle concentrera ses ressources. En premier lieu, huit programmes internationaux focaux correspondant aux différents objectifs stratégiques ont été définis dans les Propositions de programme et de budget pour 2000-01. Etablis sur la base des activités actuelles du Bureau, ils transcendent les limites départementales actuelles de manière à concentrer une masse critique de recherches et de coopération technique dans des secteurs clés. Ils seront mis au point de manière à compléter et à renforcer le travail correspondant à chaque objectif stratégique et à renforcer la cohérence des activités de coopération technique de l'OIT, ainsi qu'on le verra au chapitre 3 du présent rapport.

Les priorités de l'OIT dans le domaine des droits de l'homme

L'une des grandes victoires du XXsiècle a été la promotion des droits de l'homme. L'OIT y a largement contribué, mais il lui faut encore intensifier ses efforts et explorer des voies nouvelles. Elle a à cet égard trois priorités. Tout d'abord, elle entend promouvoir la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi. Deuxièmement, elle redoublera d'efforts pour éliminer le travail des enfants. En troisième lieu, il faudra conférer un élan nouveau aux normes de l'OIT. En tout état de cause, le but est de promouvoir un développement allant de pair avec la dignité humaine et la justice sociale.

La Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail

En juin 1998, la Conférence internationale du Travail a réaffirmé son engagement à l'égard des idéaux sur lesquels l'OIT a été fondée et elle a adopté la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi. Par cette déclaration, tous les Etats Membres de l'OIT s'engagent à respecter, promouvoir et réaliser de bonne foi les principes concernant les droits fondamentaux, à savoir:

Les déclarations sont des instruments que l'OIT a utilisés avec parcimonie. A la différence des conventions internationales du travail, qui ne lient que les Membres les ayant ratifiées, une déclaration s'applique automatiquement à tous les pays qui ont accepté la Constitution de l'OIT, qu'ils aient ou non ratifié les conventions fondamentales de l'OIT. Quoi qu'il en soit, tous les pays sont encouragés à procéder à la ratification de ces conventions.

Protéger et respecter les droits fondamentaux des travailleurs

La Déclaration répond au souci général de faire en sorte que la croissance économique soit accompagnée par la justice sociale.

Le Sommet mondial pour le développement social, tenu à Copenhague en 1995, a exprimé cette préoccupation et a lancé un appel à la sauvegarde et au respect des droits fondamentaux des travailleurs. La Réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, tenue à Singapour en 1996, a pour sa part réaffirmé le rôle de l'OIT comme organisme compétent pour établir les normes du travail essentielles et en suivre l'application. L'OIT a répondu à cet appel en adoptant la Déclaration qui constituera un jalon essentiel sur la voie du développement.

Une référence pour la communauté mondiale

La Déclaration sert également de point de référence pour toute la communauté mondiale, qu'il s'agisse des organisations d'employeurs et des travailleurs, des législateurs, des ONG, des entreprises multinationales et d'autres organisations internationales. En fait, la Déclaration donne mandat à l'OIT d'encourager les autres organisations internationales avec lesquelles elle a établi des liens à contribuer à l'instauration d'un climat propice au développement économique et social, et respectueux des principes et droits fondamentaux au travail.

Programme focal relatif à la Déclaration

Pour promouvoir la Déclaration, l'OIT entend lancer un programme focal de sensibilisation, d'approfondissement de la compréhension et de promotion des politiques visant à mettre en œuvre ses principes dans le respect de l'égalité entre les sexes et dans la perspective du développement (encadré 2.1).
 

Encadré 2.1
InFocus – Promouvoir la Déclaration

Le nouveau programme visant à promouvoir la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail aura un triple objet: mieux faire connaître la Déclaration dans les pays et dans les régions, et à l'échelon international; mieux faire comprendre comment les principes et droits fondamentaux favorisent le développement, la démocratie, l'équité et l'émancipation tant des femmes que des hommes; promouvoir des politiques donnant effet dans la pratique à ces principes, compte tenu des conditions de développement de chaque pays.

Compte tenu de l'objectif de la Déclaration et de son suivi, qui est de stimuler les efforts, le programme se composera des éléments suivants:

  • campagnes éducatives et auprès des médias , visant divers objectifs culturels et économiques;
  • recherches sur les liens existant entre les droits et principes et la croissance économique, la création d'emplois, la réduction de la pauvreté et l'égalité entre les sexes;
  • analyses sociales , en réponse aux demandes des pays qui souhaitent savoir ce qui entrave ou facilite la mise en œuvre de la Déclaration;
  • conseils sur les politiques à suivre : création d'emplois et protection sociale s'appuyant sur le respect des principes et droits fondamentaux;
  • soutien juridique , destiné à renforcer la capacité des législateurs et des administrations du travail de mettre en œuvre une législation souscrivant aux droits et principes fondamentaux;
  • élargissement de la participation : collaborer avec les organisations d'employeurs, les syndicats et d'autres groupes de la société civile, et avec des organisations régionales et internationales, pour mettre à profit la Déclaration;
  • diffusion : perfectionner les méthodes permettant de faire en sorte que le respect de ces principes et droits imprègnent l'ensemble des activités de l'Organisation .

Une nouvelle information au service de la coopération technique et du développement

Le suivi de la Déclaration ouvrira à l'OIT de nouvelles voies d'information. Il s'agira notamment des rapports annuels destinés aux pays qui n'ont pas ratifié les conventions pertinentes et de rapports globaux couvrant à la fois les pays ratificateurs et les pays non ratificateurs. Ces rapports permettront de déterminer les domaines dans lesquels une assistance technique devrait être apportée aux pays pour les aider à appliquer les principes et droits fondamentaux. La Déclaration guidera par conséquent les activités de coopération technique et les services consultatifs de l'OIT et permettra de dispenser une assistance pratique aux gouvernements, aux organisations d'employeurs et aux syndicats. Parallèlement, l'Organisation utilisera les informations disponibles pour favoriser une meilleure compréhension des processus interactifs entre ces principes et droits et le développement économique et social.

Le travail des enfants dans le monde

Le travail des enfants est un problème pressant d'ordre social et économique, qui touche également aux droits de l'homme. On estime que, dans le monde entier, 250 millions d'enfants au moins travaillent, sont privés d'éducation et des libertés fondamentales et souffrent de mauvaise santé. Les enfants eux-mêmes paient le prix évidement le plus élevé, mais leurs pays pâtissent également de cette situation. En effet, sacrifier le potentiel de la population jeune ne fait que compromettre la capacité d'une nation de croître et de se développer.

Les normes de l'OIT sur le travail des enfants Le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC)

Le principe de l'abolition effective du travail des enfants exprimé dans la Déclaration repose sur les normes existantes de l'OIT et notamment sur la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973. Les normes actuelles seraient renforcées par l'adoption de nouveaux instruments sur l'élimination des pires formes de travail des enfants, en juin 1999. Ce type d'approche progressive indique que l'Organisation a parfaitement conscience du fait que le travail des enfants est un problème complexe enraciné dans la pauvreté et dans le manque de possibilités d'éducation. Il fournira un cadre législatif convenu pour les activités que l'OIT mènera dans le cadre de son Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC). Ce programme se caractérise par le partenariat et la complémentarité. De nombreuses entités y participent, qu'il s'agisse de gouvernements, d'organisations d'employeurs et de travailleurs, d'ONG et d'institutions multilatérales telles que l'UNICEF, et cette diversité institutionnelle est riche d'enseignements pour d'autres activités de l'Organisation.

Le travail de l'IPEC

L'IPEC complète aussi plusieurs programmes de l'OIT tels que ceux qui portent sur le secteur non structuré, les PME et l'égalité entre les sexes. Un élément important de l'IPEC est la collecte de données. Le travail statistique sera intensifié par la collecte d'informations en séries chronologiques, ventilées selon l'âge et le sexe, qui puissent être utilisées pour cibler des programmes et projets, et permettre un contrôle plus précis des progrès réalisés. Cette activité devrait comprendre la mesure de l'étendue du travail des enfants et de ses effets sur le développement.

Améliorer le fonctionnement de l'IPEC

Le succès ne va pas sans poser de problèmes. L'essor rapide du programme IPEC a mis en lumière la nécessité de réexaminer de façon précoce ses activités pour assurer l'équilibre et la cohérence du programme, un soutien logistique suffisant et l'interface avec d'autres programmes de l'OIT, et pour renforcer également le dialogue entre les donateurs, les bénéficiaires et les mandants.

Programme focal sur l'élimination progressive du travail des enfants

Le programme focal sur l'élimination progressive du travail des enfants (encadré 2.2) va plus loin que l'interdiction de ce travail. Il s'efforce de promouvoir le développement en offrant les possibilités éducatives appropriées aux enfants et l'accès à un travail décent, un revenu suffisant et la sécurité pour leurs parents. Le programme sera axé sur les pires formes du travail des enfants et l'accent sera mis sur la situation respective des deux sexes. Il accordera une attention particulière aux groupes cibles prioritaires, y compris la situation des fillettes qui travaillent dans des conditions intolérables, et le travail caché, par exemple le commerce sexuel et services domestiques.
 

    Encadré 2.2
    InFocus – Eliminer progressivement le travail des enfants,
    promouvoir le développement

Le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) intensifiera ses efforts globaux en renforçant les activités en cours et en continuant d'innover dans les domaines suivants:

  • partenariat – procéder à une vaste mobilisation des groupes associés pour financer les activités et aider à atteindre les enfants qui travaillent dans des conditions particulièrement pénibles;
  • capacités et politiques nationales – elles seront renforcées grâce à la mise au point et à la réalisation de vastes programmes de durée limitée et à des mécanismes renforcés de contrôle intégrés aux plans d'action nationaux et sectoriels;
  • législation – promouvoir l'application et le contrôle de la législation à l'appui de la Déclaration et des conventions grâce à des liaisons avec les programmes et la coopération technique au niveau national;
  • remplacement du travail des enfants – promouvoir et appuyer, conjointement avec les activités déployées dans d'autres secteurs, des programmes visant à retirer les enfants du travail et à leur offrir des possibilités d'éducation, les familles se voyant proposer pour leur part d'autres sources de revenu et de sécurité;
  • élimination des pires formes de travail des enfants – entreprendre des efforts ciblés par secteur et par profession, l'accent étant mis sur les groupes cibles prioritaires tels que les enfants asservis, les très jeunes enfants et les groupes particulièrement vulnérables de fillettes contraintes de travailler, sans oublier le travail invisible tel que l'exploitation dans le commerce sexuel;
  • développement et reproduction des programmes – promouvoir et partager l'information sur les meilleurs programmes et pratiques;
  • données fiables en vue d'une action efficace – renforcer les systèmes nationaux de collecte et d'analyse de données d'information, avec l'assistance du Programme élargi d'information statistique et de suivi de l'IPEC (SIMPOC), comme composante de la planification des programmes et de l'élaboration des politiques;
  • sensibilisation du public – renforcer le travail d'information de manière à sensibiliser davantage les communautés, les écoles et les entreprises au travail des enfants.

Le développement et l'élimination du travail des enfants

Mettre fin au travail des enfants est un but en soi; mais c'est également un moyen puissant de promouvoir le développement économique et la mise en valeur des ressources humaines. L'élimination du travail des enfants permettra d'investir davantage dans les capacités humaines, de promouvoir l'idéal d'un travail décent et digne, et d'atténuer la pauvreté. Inversement, le développement permet d'accroître le revenu des ménages, de promouvoir l'accès à l'éducation et de trouver un travail décent pour les membres adultes de la famille, tous éléments qui concourent à éliminer le travail des enfants.

La plupart des normes de l'OIT sont mal connues

Les conventions et recommandations de l'OIT constituent un moyen essentiel de protection des travailleurs dans le monde entier. Toutefois, à l'exception d'une poignée de conventions, la plupart des normes de l'OIT sont mal connues. La ratification pose aussi des problèmes croissants en raison de l'accumulation des traités. Sur les vingt-trois conventions et les deux protocoles adoptés en quinze ans, c'est-à-dire de 1983 à 1998, trois seulement ont fait l'objet d'au moins vingt ratifications. Même lorsqu'elles sont ratifiées, maintes conventions sont très peu appliquées.

Nécessité de revivifier les normes internationales du travail

Si l'on veut que l'OIT continue d'affirmer sa présence dans ce domaine et d'insister sur l'utilité des normes internationales, il faudra qu'elle redouble d'efforts, qu'elle fasse de nouvelles expériences et qu'elle adopte de nouvelles conceptions. Fort heureusement, la Constitution de l'Organisation ouvre la porte à toute une gamme d'activités et elle fournit les instruments nécessaires. Ce travail est d'ailleurs déjà en cours, puisqu'il a commencé avec la session de 1994 de la Conférence et qu'il s'est poursuivi lors des sessions ultérieures et au sein du Conseil d'administration, notamment pour ce qui est de la révision des normes. C'est là un débat qui devrait être élargi et approfondi.

Comment renforcer le travail normatif de l'OIT

Un certain nombre d'actions sont nécessaires pour conférer au travail normatif de l'OIT une meilleure image et en accroître la portée:

Réévaluer le processus normatif

Le processus normatif lui-même devrait être réexaminé. Cela exigerait des consultations plus étroites avec les mandants de l'OIT, la prise en compte des préoccupations de toutes les régions et la mise à profit des progrès de la technologie des communications. Cela exigerait également un travail technique d'assise plus large qui analyse les normes proposées en fonction de l'impact qu'elles peuvent avoir sur la politique économique et sociale – sans oublier les préoccupations relatives à l'égalité entre les sexes – et sous l'angle de leur complémentarité avec d'autres instruments internationaux.

Choix des thèmes appropriés

D'emblée se pose le problème qui consiste à choisir des thèmes appropriés. Les conventions internationales du travail créent des obligations aux pays qui les ratifient. Ce sont de puissants instruments. Or tous les problèmes ne peuvent pas être résolus par une approche juridique, ce qui fait que, lorsqu'elle étudie de nouvelles normes, l'Organisation doit également envisager d'autres moyens de résoudre les problèmes.

Réexamen des conventions existantes

Les nouvelles normes éventuelles doivent bien entendu être envisagées en fonction des instruments existants, qu'ils relèvent de l'OIT ou d'autres institutions. Ainsi, les conventions anciennes de l'OIT doivent être réévaluées de façon que l'on puisse déterminer si elles sont toujours adaptées à l'évolution contemporaine, par exemple l'essor de l'économie parallèle et la tendance à recourir à des formes d'emploi plus précaires. Des normes nouvelles peuvent être adoptées pour compléter les instruments existants.

L'exemple de la sécurité sociale

L'évolution du marché de l'emploi et de la vie familiale est un défi lancé à maints instruments de l'OIT. Il faut aussi mentionner le grand nombre d'instruments consacrés à la sécurité sociale. La convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, a été adoptée à une époque où la plupart des travailleurs des pays industriels occupaient un emploi permanent, à plein temps, et où les divorces, les séparations et les familles monoparentales étaient peu nombreux. Des régimes fondés sur ce modèle ne peuvent que continuer à pénaliser les femmes qui, fréquemment, n'ont pas occupé d'emploi continu aussi longtemps que les hommes. Avec la précarité accrue des emplois, on constate que de tels régimes n'offrent une protection qu'à un nombre décroissant de travailleurs du sexe masculin. Le défi consiste à trouver des solutions qui renforcent la protection tout en respectant les principes fondamentaux de la sécurité sociale.

Compléter les conventions de base

Une conception de l'action normative qui mérite une étude plus approfondie est celle des conventions de base. Ces conventions consacrent les principes essentiels et immuables présidant à un thème donné. Toutefois, pour tenir compte des conditions nouvelles qui existent, telles que l'évolution, les marchés de l'emploi, la démographie, la technologie ou l'organisation du travail, les conventions essentielles peuvent être complétées par des instruments spécialisés qu'il serait possible de mettre à jour de façon plus fréquente. Par exemple, les principes qui sous-tendent la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, sont complétés par des recueils de directives pratiques reconnus et propres à chaque secteur. Cette conception pourrait également permettre de tenir compte des différences régionales. Les experts de chaque région pourraient identifier des éléments universels à insérer dans une convention de base, tout en mettant en lumière d'autres aspects qui reflètent les traditions régionales et qui devraient être intégrés à des instruments supplémentaires non contraignants.

Flexibilité

La Constitution offre d'autres possibilités d'adaptation que l'Organisation devrait étudier de façon plus approfondie. Les idées exprimées dans les rapports du Directeur général aux sessions de 1994 et de 1997 de la Conférence méritent également une attention approfondie. Par ailleurs, l'OIT pourrait trouver des idées novatrices en s'inspirant des techniques normatives appliquées par d'autres institutions.

Revoir la procédure d'adoption des normes

L'OIT pourrait également reconsidérer la procédure d'adoption des normes. A l'heure actuelle, celle-ci est hautement stylisée et fait fréquemment appel à des méthodes ne se prêtant guère à des compromis. Dans ces conditions, l'Organisation pourrait tirer parti de l'expérience qu'elle a acquise dans le domaine de la prévention ou de la solution des différends du travail et utiliser des méthodes tenant compte des intérêts divergents ou convergents de ses mandants. La convention (no 171) sur le travail de nuit, 1990, a bien mis en lumière les possibilités qui existent à cet égard puisque l'on est arrivé à un compromis qui tenait compte des préoccupations des mandants en matière d'égalité entre les sexes et de protection des travailleurs. La même méthode pourrait être étendue à d'autres problèmes qui, jusqu'ici, n'ont pas pu déboucher sur des accords, par exemple la révision des instruments de l'OIT sur la durée du travail.

Le contexte plus large du droit international

Il importe d'étudier de nouvelles normes dans le contexte plus vaste du droit international car de nombreuses autres organisations et conférences internationales ont abouti à des traités sur des sujets connexes tels que l'environnement et les droits de l'homme. La nouvelle convention proposée sur les pires formes de travail des enfants, par exemple, a été préparée de cette manière en tenant compte non seulement des conventions de l'OIT mais également d'autres instruments. Une méthode analogue a été suivie dans le rapport sur les travailleurs migrants soumis à la présente session de la Conférence et pour la révision proposée de certaines conventions de l'OIT relatives aux produits chimiques et aux substances dangereuses.

Intensifier les efforts promotionnels

Elaborer des normes n'est bien entendu qu'un commencement. L'OIT a besoin d'intensifier ses efforts promotionnels visant la ratification et l'appli-cation des normes. Cela suppose que les conventions et recommandations soient bien comprises, que l'on prépare des publications précises et bien informées et que l'on oriente les efforts, au-delà des ministères du travail, des organisations d'employeurs et de syndicats, vers d'autres groupes, notamment les parlementaires, les commissions de réforme législative, les magistrats, les milieux d'affaires, les ONG, les groupes féminins, les étudiants, les universitaires et les chômeurs. Il importe tout particulièrement que les gouvernements comprennent bien que les conventions de l'OIT comportent des mécanismes intrinsèques qui en assurent la flexibilité et qu'elles recèlent donc un potentiel d'évolution dont peu d'entre eux tirent parti.

Axer les efforts sur les normes les plus importantes

L'un des principaux problèmes que pose la ratification réside dans le fait que les parlements du monde entier sont souvent saisis d'une longue liste de textes à examiner, c'est-à-dire, outre les normes de l'OIT, de nombreux autres instruments bilatéraux ou multilatéraux. Etant donné cette «concurrence», l'OIT se doit de vouer toute son attention aux normes les plus sensibles de manière qu'elles sortent du lot. La Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi a joué un rôle important à cet égard en mettant en exergue les normes du travail fondamentales. Le Conseil d'administration a également désigné comme priorités une poignée de normes institutionnelles dont celles qui concernent les consultations tripartites, l'inspection du travail et la politique de l'emploi. Les partenaires sociaux souhaiteront peut-être désigner à l'attention d'autres instruments et les programmes focaux pourraient aussi être utiles à cet égard.

Aider les gouvernements à appliquer les conventions

L'OIT doit adopter une attitude plus volontariste dans le domaine de l'application et aider les gouvernements à donner effet aux conventions qu'ils ont choisi de ratifier. Concrètement, cela pourrait consister à aider les gouvernements à réviser leur législation du travail et à améliorer leurs services d'inspection du travail. Pour promouvoir l'application des instruments, une bonne méthode consisterait à sensibiliser les intéressés à la valeur et à l'utilité pratiques des normes. Ces intéressés devraient par exemple comprendre que les normes sur la santé et la sécurité non seulement sauvent des vies mais également accroissent la productivité. Lorsque les parties intéressées seront bien conscientes que les normes ne sont pas des fardeaux mais des instruments, elles seront mieux disposées à les mettre en pratique et à les intégrer aux stratégies nationales de développement.

Les normes du travail sont une composante de toute politique

Les normes dont il est apparu qu'elles jouent un rôle utile sur le marché du travail peuvent être prises en ligne de compte dans le cadre des trains de mesures qui considèrent les préoccupations sociales au sens large comme des compléments naturels de la politique économique.

Ce message ne peut être que renforcé lorsque l'on constate que les conventions contribuent à la solution des problèmes puisqu'elles associent les parties intéressées à la réalisation d'objectifs communs. Elles peuvent même inspirer les efforts de maintien de la paix. En 1996, les partenaires sociaux ont appuyé les négociations entreprises par les Nations Unies pour ramener la paix au Guatemala, et ce sur la base de la convention (n169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989. Plus loin dans le temps, l'OIT avait proposé avec succès ses bons offices auprès des gouvernements de l'Egypte, de la Jamahiriya arabe libyenne et de la Tunisie lorsqu'il s'est agi d'appliquer plusieurs conventions relatives aux travailleurs migrants. Puisque l'Organisation a désormais affirmé fortement sa présence sur le terrain, elle pourrait développer ce type de conciliation.

Contribution à l'application des normes étrangères à l'OIT

En outre, l'OIT devrait continuer à promouvoir l'application de normes qui ne sont pas les siennes. L'Organisation contribue régulièrement aux activités entreprises en application de toute une gamme d'instruments, y compris la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle a également apporté une contribution technique précieuse concernant les aspects sociaux d'accords commerciaux comme le MERCOSUR.

Un suivi renforcé

Indépendamment de la promotion des normes, l'un des rôles les plus importants de l'OIT consiste à surveiller ces instruments. Qu'ils se situent à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Organisation, les divers mécanismes de contrôle sont généralement considérés comme indépendants, objectifs et impartiaux, mais le système dans son ensemble est de plus en plus freiné par sa propre pesanteur. Par exemple, la procédure des rapports présentés en vertu de l'article 22 de la Constitution devrait être simplifiée de façon que les gouvernements puissent plus facilement s'acquitter de leurs obligations à cet égard, sans toutefois en diminuer l'utilité pour les organisations d'employeurs et de travailleurs. Il arrive aussi que le système soit trop monolithique et qu'il accorde autant d'importance aux questions les plus graves qu'à celles qui relèvent de détails. Par ailleurs, le système de contrôle serait plus efficace s'il pouvait dépasser la simple procédure d'examen des textes officiels.

Des rapports améliorés

La présentation des rapports pourrait être améliorée. Les rapports des organismes de contrôle seraient encore plus utiles s'ils passaient également en revue l'état de l'application des normes en général par région ou par thème, par exemple. Ils pourraient aussi offrir davantage d'encouragements si, conjointement avec l'ensemble du système de contrôle, ils mettaient davantage en lumière les succès obtenus et les efforts authentiques de progrès.

Associer le suivi des normes aux activités de coopération technique et de recherche de l'OIT

Il faudrait veiller davantage à établir des liens entre le suivi et d'autres aspects du travail de l'OIT, en particulier la coopération technique. Ainsi, les représentations et plaintes dûment étayées présentées en vertu des articles 24 et 26 de la Constitution, ainsi que les graves violations constatées par le Comité de la liberté syndicale, devraient inciter l'Organisation à recentrer son assistance technique sur les zones à risques, non pas pour imposer des conditions mais pour offrir un appui mieux ciblé. Le travail des organismes de contrôle serait aussi plus transparent et plus efficace s'il pouvait être consigné dans des bases de données facilement accessibles, et utilisables non seulement pour la coopération technique mais également pour les recherches. Cela pourrait marquer le début d'une vaste campagne de diffusion publique de données relatives aux activités des organismes de contrôle de l'OIT.

Les codes de conduite

Un problème important mais distinct se pose, celui de la prolifération des «codes de conduite», c'est-à-dire des initiatives volontaires habituellement mises en œuvre à l'échelon de l'entreprise ou du secteur. Ces codes peuvent compléter mais ne sauraient remplacer la mise en œuvre de la législation nationale et des normes internationales. Les codes volontaires pourraient prendre en compte les normes de l'OIT à titre de référence et de source d'inspiration. Cela pourrait déboucher sur la préparation de manuels d'accompagnement de ces codes, manuels qui contiendraient des informations sur les diverses conventions, sur la Déclaration de 1998 et sur la Déclaration de principes tripartite de 1977 relative aux entreprises multinationales et à la politique sociale. Ces codes de conduite pourraient alors fournir à l'OIT des occasions supplémentaires de diffusion de ses principes et valeurs.

L'emploi est au cœur du mandat de l'OIT. Sans emploi productif, des objectifs tels qu'un niveau de vie décent, le développement économique et social et l'épanouissement personnel demeurent illusoires. Il existe une convention de l'OIT sur la politique de l'emploi, mais il n'y a pas de consensus sur les politiques les plus à même de créer des emplois. Pour certains, la solution réside dans la croissance; pour d'autres, dans la flexibilité du marché de l'emploi. D'autres encore estiment que la réponse doit être trouvée dans les qualifications et les capacités humaines, voire dans des mesures de partage du travail disponible.

Les problèmes d'emploi dans le monde

Il n'est pas facile de résumer les problèmes d'emploi au moyen de simples chiffres. Selon les estimations globales de l'OIT, 150 millions de personnes sont totalement inemployées, mais ce n'est là que la pointe de l'iceberg car bien d'autres personnes sont contraintes de gagner durement leur vie avec des emplois temporaires ou occasionnels, ou grâce à un emploi indépendant faiblement productif ou à d'autres formes de sous-emploi. Lorsque le taux de chômage visible est bas, on s'aperçoit en y regardant de plus près que des emplois de médiocre qualité et faiblement rémunérateurs le remplacent et qu'un grand nombre de travailleurs – des femmes en général – sont exclus des statistiques. En dépit d'efforts déployés pendant des années, cette situation ne semble guère s'améliorer. Au contraire, maints pays qui pouvaient faire état de certains succès sur le front du chômage il y a quelques années affrontent désormais de nouveaux problèmes. Le chômage a réapparu en Asie de l'Est. Les pays en transition d'Europe centrale et orientale sont confrontés à des problèmes persistants du marché de l'emploi. En Amérique latine, on peut observer à la fois un chômage croissant et un développement constant du secteur non structuré. Les problèmes de chômage qui se posent en Afrique paraissent insolubles. Si l'emploi a progressé dans quelques pays de l'OCDE, notamment aux Etats-Unis, un taux élevé de chômage persiste dans d'autres.

Des causes diverses

La persistance du chômage peut refléter soit un problème général de croissance et de développement, soit un problème structurel d'inégalité sur le marché du travail. Les problèmes actuels de chômage qui se posent en Asie de l'Est découlent en premier lieu de l'inversion des tendances macroéconomiques, alors que la lente croissance de l'emploi en Europe au cours des deux dernières décennies peut être en grande partie attribuée à de médiocres résultats économiques globaux. Or, la croissance n'est qu'un aspect du problème. Les inégalités structurelles ont aussi leur importance. Même dans les pays qui réussissent le mieux, les systèmes de production admettent certains travailleurs et en excluent d'autres. Les travailleurs possédant les aptitudes et qualifications demandées peuvent accéder à des emplois productifs et rémunérateurs, tandis que les autres constatent que les bons postes leur sont définitivement interdits. De ce fait, la politique de l'emploi joue un rôle important dans la répartition des revenus.

L'inégalité entre les sexes sur le marché du travail

Les différences de traitement sur le marché du travail selon le sexe sont un aspect important de cette inégalité. Les femmes sont généralement cantonnées dans des emplois subalternes et moins bien rémunérés. Par ailleurs, elles sont plus exposées au chômage. Selon des chiffres récents de l'OIT (L'emploi dans le monde, 1998-99), le taux de chômage des hommes n'est plus élevé que celui des femmes que dans 22 pays sur 70 pour lesquels des statistiques faisant une distinction entre les sexes sont disponibles. Pour lutter contre le chômage, il faut prêter attention à ces problèmes structurels de base qui ne disparaîtront pas car ils sont enracinés dans le mode même de fonctionnement des systèmes économiques.

Répercussions de la mondialisation et de la technologie sur l'emploi

La mondialisation et l'évolution rapide des systèmes de production créent à la fois de vastes possibilités et d'importants problèmes d'emploi. Dans le monde entier, les entreprises doivent s'adapter de plus en plus vite aux nouvelles techniques, aux nouvelles formes de concurrence et à des flux financiers erratiques. Cela se fait souvent au détriment de l'emploi, notamment dans les grandes entreprises, lorsque le travail est réorganisé en fonction d'objectifs de productivité ou que des systèmes à fort coefficient de capital sont adoptés pour répondre aux exigences de qualité des marchés mondiaux. La croissance rapide de la productivité, notamment dans l'industrie, a conduit certains observateurs à soutenir que le coefficient d'emploi de la croissance n'avait cessé de diminuer. Or, les recherches entreprises par l'OIT n'appuient pas cette affirmation, surtout lorsque l'on constate une croissance plus rapide de l'emploi dans d'autres secteurs et notamment dans les services. Cependant, on observe une polarisation croissante des marchés du travail à mesure que la demande de qualifications de haut niveau s'accroît, tandis que les pressions sur les coûts entraînent l'augmentation des effectifs d'une main-d'œuvre faiblement rémunérée, mal protégée et souvent occasionnelle. En conséquence, on constate un développement du secteur non structuré allant de pair avec l'essor de systèmes de production globaux faisant appel aux techniques les plus avancées.

L'OIT et la politique de l'emploi

La politique de l'emploi est un domaine dans lequel l'OIT a acquis une forte capacité de recherche et de coopération technique au cours des trois dernières décennies. Bien que les contraintes pesant sur les ressources et la fragmentation organique aient été des facteurs limitatifs ces dernières années, l'Organisation continue d'apporter une contribution majeure à la facette «emploi» de la politique de marché du travail, du développement du secteur non structuré, de l'essor de l'infrastructure, des systèmes de formation, des politiques d'égalité entre les sexes, du développement des entreprises et d'autres domaines. Récemment, les travaux sur les stratégies de développement entreprises comme suivi du Sommet mondial pour le développement social ont permis de regrouper tous ces éléments dans des enquêtes globales sur les politiques nationales de l'emploi. Ces recherches ont mis en lumière l'importance du dialogue social pour la mise au point des politiques de l'emploi.

De nouvelles priorités pour la politique de l'emploi de l'OIT

Le nouvel environnement international exige que de nouvelles priorités soient adoptées et que l'OIT intensifie ses efforts pour donner de nouvelles formes à la combinaison des recherches et des actions pratiques dans des domaines critiques pour le développement futur de la politique de l'emploi, le plein emploi étant l'objectif ultime. A cet égard, on se consacrera à trois facteurs essentiels de l'emploi: la politique macroéconomique, la réforme des systèmes de production et des stratégies d'entreprise, et l'égalité d'accès à l'emploi et au marché du travail. En tout état de cause, le but sera de conserver une place prééminente aux objectifs d'emploi dans les politiques nationales.

La politique macroéconomique et l'emploi

La politique macroéconomique

Le succès macroéconomique est l'un des facteurs déterminants de la croissance de l'emploi. Toutefois, la croissance et le développement à long terme et les fluctuations économiques à court terme ont des effets majeurs sur le marché de l'emploi. Faire de l'emploi un objectif primordial de la politique macroéconomique est une des responsabilités essentielles de l'OIT. Bien entendu, les domaines où la politique macroéconomique doit être réformée dans le cadre de la lutte contre le chômage et la pauvreté dépassent de loin les préoccupations et les compétences actuelles de l'OIT. Néanmoins, la politique économique est un facteur trop important de développement de l'emploi pour être ignorée. Les problèmes qui devraient être analysés par l'OIT comprennent entre autres:

Effets des chocs financiers sur l'emploi

La demande de main-d'œuvre

Politique macroéconomique et politique du marché du travail

Investissements et marché du travail

Une meilleure coordination des efforts internationaux

Un élargissement des compétences de l'OIT est certainement de nature à soutenir les politiques de l'emploi au niveau national, mais il existe des problèmes au sujet desquels la communauté internationale dans son ensemble doit mettre au point de nouvelles structures de gestion à plus fort contenu social. De plus en plus, l'intégration des marchés mondiaux des biens et des capitaux implique la nécessité de recadrer la politique macroéconomique nationale dans le contexte d'efforts coordonnés à l'échelon international, soit dans le cadre de l'intégration régionale, soit au niveau mondial. L'OIT peut apporter une contribution majeure à l'édification de cette nouvelle architecture institutionnelle.

Rôle de l'OIT dans les informations et analyses concernant l'emploi

Les éléments fondamentaux qui doivent présider à cet effort sont l'information et l'analyse. Le Bureau doit être le centre mondial des informations globales, mises à jour, sur l'emploi, de façon à éclairer le débat public, à guider la politique publique et à intégrer les préoccupations sociales dans les politiques macroéconomiques. Il devrait entreprendre des analyses régulières des tendances et politiques macroéconomiques, y compris les mesures de stabilisation à court terme et les politiques de développement à long terme, en identifiant les liaisons existant entre l'emploi et d'autres objectifs, les incidences sur l'égalité entre les sexes et d'autres préoccupations prioritaires. Il devrait également distinguer ces problèmes pour qu'ils fassent l'objet de débats tripartites et de débats publics. Cette analyse, complétée si nécessaire par des projections à court et moyen termes, fournira la base des positions publiques à adopter sur les politiques prioritaires à l'échelon national et au niveau international. L'OIT a déjà réalisé des progrès notables en publiant la série de rapports sur L'emploi dans le monde. Ces rapports continueront d'être publiés et ils analyseront en profondeur les préoccupations macroéconomiques prioritaires en tenant dûment compte de ces priorités générales que sont l'égalité entre les sexes et le développement.

Promouvoir l'emploi dans des systèmes de production en mutation

Evolution des systèmes de production et des marchés du travail

Un autre facteur majeur conditionne les évolutions en matière d'emploi, c'est la réforme des systèmes de production et des marchés du travail. Des pressions croissantes en faveur de l'adaptabilité exercées à la fois par les entreprises et les travailleurs sont en train de modifier les règles de la création d'emplois. Maints secteurs ont été profondément transformés par la mondialisation et les différentes étapes de la production sont désormais dispersées, qu'il s'agisse du plan géographique ou des fournisseurs.

La nouvelle vague des technologies de l'information et de la communication est en train de transformer complètement la manière dont certaines personnes vivent et travaillent, et cela en créant de nouvelles occupations dispersées sur le plan géographique et en en détruisant d'autres. Les connaissances acquises et l'éducation permanente sont de plus en plus considérées comme la clé du succès dans les affaires.

Effets sur l'emploi

La plupart de ces changements sont induits par les entreprises multinationales qui assurent les transferts globaux non seulement de capitaux et de technologie, mais également de nouvelles méthodes de travail, en établissant des chaînes de production qui ont des effets considérables sur l'emploi, sur l'acquisition de qualifications et sur les rôles respectifs des travailleurs et des travailleuses. Ces transformations des systèmes de production ouvrent des perspectives nouvelles. Toutefois, dans le même temps, la pression accrue de la concurrence favorise le secteur non structuré et des travailleurs de plus en plus nombreux se voient totalement exclus de ce processus de changement.

L'adaptation au changement

Cette évolution a une importance cruciale pour la politique de l'emploi. Des emplois décents seront créés lorsque les entreprises et les travailleurs seront capables de s'adapter et d'acquérir de nouvelles capacités de façon à bénéficier des nouvelles possibilités qui s'ouvrent. Les politiques de l'emploi doivent donc anticiper l'évolution technique et institutionnelle, de sorte que les travailleurs soient mieux à même d'occuper de nouveaux postes et que les entreprises aient les connaissances voulues et la volonté de les créer.

Le rôle des petites entreprises

Avec cette évolution des systèmes de production, les petites entreprises jouent un rôle plus important dans la chaîne des fournisseurs, en tant qu'éléments du réseau local de producteurs ou, ce qui est moins positif, dans la mesure où elles offrent du travail aux personnes qui n'ont pas accès au secteur structuré. Bien que les grosses entreprises exercent une forte influence sur la création d'emplois, on doit néanmoins constater que la plupart des nouveaux postes sont créés par les petites entreprises. Celles-ci peuvent être fort diverses, allant du travailleur indépendant du secteur non structuré à des unités de production complexes occupant des dizaines de salariés. Beaucoup de ces emplois assurent un revenu garanti et un environnement de travail décent. Toutefois, il y a aussi beaucoup d'emplois médiocres, de faible productivité, dangereux ou n'assurant aucune protection sociale de base. Les femmes sont largement surreprésentées dans ces catégories. L'hétérogénéité de ce secteur est telle que l'on peut parfaitement percevoir la complexité des mesures à prendre.

Programme focal de promotion de l'emploi par le développement de la petite entreprise

Diverses initiatives ont été prises ou sont en voie de l'être par l'OIT pour promouvoir l'emploi et la productivité dans le secteur non structuré et dans les petites entreprises. Ces efforts seront centralisés dans le cadre du programme focal prévu pour ce domaine (encadré 2.3).
 

    Encadré 2.3
    InFocus – Stimuler l'emploi par le développement
    des petites entreprises

Ce nouveau programme mettra à profit les diverses capacités techniques de l'OIT pour promouvoir la création de nombreux emplois de qualité dans les petites entreprises. L'OIT possède une vaste expérience pratique des petites entreprises: essor des entreprises, conditions de travail, microcrédit, développement du secteur non structuré, cadre réglementaire et fiscal, options d'organisation et de représentation.

L'Organisation développera un cadre de mesures susceptibles d'appuyer la création d'emplois décents, rémunérateurs et favorisant l'égalité entre les sexes, dans tout un éventail de cadres de production. Il faudra pour cela entreprendre de nouvelles recherches sur le fonctionnement et la dynamique des petites entreprises. Il faudra acquérir de nouvelles connaissances sur la manière dont les mesures de création d'emplois dans les petites entreprises peuvent faciliter la réalisation d'autres objectifs majeurs tels que l'abolition du travail des enfants ou l'accès à un niveau décent de protection et de sécurité. La situation des femmes dans les petites entreprises – qu'il s'agisse de favoriser l'esprit d'entreprise ou de faciliter l'accès à de bons emplois – doit faire l'objet d'une attention particulière. Le cadre réglementaire devra être examiné en fonction des conséquences économiques et sociales.

L'emploi dans l'économie parallèle revêt une importance particulière. Il est probable que, longtemps encore, des travailleurs de plus en plus nombreux participeront aux activités du secteur non structuré. Dans ces conditions, si l'OIT souhaite entreprendre une action vigoureuse pour lutter contre la pauvreté, elle doit élaborer des solutions efficaces pour les entreprises du secteur non structuré et non organisé, qu'il s'agisse de crédit ou de services commerciaux susceptibles de les aider à rejoindre l'économie réglementée ou – au bas de l'échelle – de transferts directs et de promotion de l'emploi dans le cadre de vastes programmes antipauvreté.

Cette base de connaissances élargie permettra d'aider toute une gamme de services techniques de soutien et de conseil. Ces services tireront avantage des nouveaux instruments tels que la recommandation adoptée à la session de 1998 de la Conférence, et de l'aptitude des mandants de l'OIT à promouvoir de nouvelles formes de représentation et d'organisation des petites entreprises et de leur personnel.

Pour cela, divers services devront être intégrés; étant donné que l'OIT ne peut atteindre l'ensemble du personnel des petites entreprises, elle devra faciliter la création et le maintien d'institutions pouvant assurer de tels services sur une grande échelle. Il faudra trouver des institutions et des partenaires qui puissent fournir le capital nécessaire au développement des entreprises et il faudra également étudier la participation tripartite aux systèmes de microcrédit. L'objectif devrait être de placer carrément les petites entreprises au centre de la stratégie de l'emploi et de faire en sorte qu'elles parviennent à créer davantage d'emplois de meilleure qualité.

Réorganisation de l'entreprise

L'accent mis sur l'entreprise sera un élément fondamental de l'approche de l'OIT en matière de création d'emplois, dont un aspect important sera la réorganisation de l'entreprise elle-même. Dans maints pays, l'ajustement structurel et l'évolution de l'avantage concurrentiel semblent induire un processus continu de restructuration des grandes entreprises, qui implique généralement des compressions d'effectifs. Des millions de salariés ont été ainsi touchés, notamment en Amérique du Nord et en Europe, mais également dans de nombreux pays à revenus moyens. Toutefois, des études récentes montrent que cette évolution a souvent pour effet de nuire aux résultats des entreprises et qu'elles entraînent des compressions d'effectifs répétées. Les chefs d'entreprise signalent que les compressions d'effectif n'ont pas seulement pour effet de nuire au moral et à la confiance, mais également de diminuer la productivité. Dans ces conditions, les employeurs comme les travailleurs ont tout intérêt – d'où de bonnes perspectives de partenariat – à élaborer des stratégies de restructuration qui concernent les ressources humaines et les énergies de l'entreprise en vouant une attention appropriée à l'aspect humain et social de la restructuration. Quant à l'égalité entre les sexes, elle revêt également une grande importance; en effet, on s'aperçoit que, lors d'une restructuration, les hommes sont souvent les grands perdants.

Faire l'unanimité sur la restructuration de l'entreprise

L'OIT dispose d'un avantage relatif pour ce qui est de mettre au point et de promouvoir des conceptions propres à rallier l'unanimité sur la restructuration de l'entreprise et la conservation de la fidélité et de la participation des salariés. L'Organisation doit être prête à fournir des informations et des conseils, à montrer comment les emplois peuvent être préservés sans préjudice des objectifs économiques et comment des emplois peuvent être créés. Elle doit également étudier les incidences du progrès technique sans perdre de vue ces mêmes objectifs.

Relever la qualité de l'emploi

On peut de la même manière soutenir la nécessité d'efforts accrus de l'OIT pour sensibiliser et les travailleurs et les employeurs à la nécessité de relever la qualité de l'emploi. A mesure que les marchés du travail deviennent plus flexibles, les entreprises demandent à être libres d'ajuster leur main-d'œuvre et les conditions d'emploi aux conditions prévalant sur le marché. Elles soutiennent que les tentatives faites pour assurer aux travailleurs une plus grande protection accroissent leurs coûts, réduisent leur compétitivité et sapent leurs possibilités de créer des emplois. Beaucoup d'employeurs souscrivent aux grands objectifs universels, tels que la non-discrimination ou l'élimination du travail des enfants, mais ils sont moins unanimes lorsqu'il s'agit d'autres normes du travail.

Qualité de l'emploi et gains de productivité

L'OIT a déjà souligné l'importance de la réglementation des marchés du travail, pour prévenir l'exploitation, promouvoir la sécurité, obtenir une adhésion générale et encourager l'intégration sociale. Toutefois, l'Organisation doit aller au-delà du respect des idéaux moraux élevés et fonder également son dossier sur des raisons économiques. Des lieux de travail sûrs et garantis ne font pas que répondre aux besoins vitaux des travailleurs, ils contribuent également à accroître la productivité et à permettre le développement de l'entreprise. Si le cadre institutionnel est bon, les travailleurs jouissent d'une plus grande sécurité et s'investissent davantage dans leur emploi. L'adaptabilité est nécessaire et débouche parfois sur le sacrifice d'emplois ou d'entreprises. Toutefois, la politique sociale peut également constituer un facteur productif dans la mesure où elle favorise l'augmentation de productivité et l'amélioration de l'environnement social. L'OIT doit, par conséquent, s'efforcer de réunir systématiquement, en en faisant la synthèse, les éléments qui montrent que l'amélioration de la qualité de l'emploi est payante car elle permet des gains de productivité. Si l'OIT est en mesure d'intensifier ses efforts dans ce domaine, elle disposera d'une base scientifique plus solide pour résoudre les conflits apparents ou les problèmes de compatibilité entre la «qualité» et la «quantité» des emplois.

Rôle essentiel de l'éducation et de la formation

Dans le contexte de l'évolution des systèmes de production, on perçoit de plus en plus le rôle clé que l'éducation et la formation jouent dans la réalisation des objectifs économiques et sociaux. Aucune entreprise ne saurait réussir dans un environnement mondialisé à moins que son personnel ne possède les connaissances et les qualifications requises. En effet, celles-ci ne sont pas seulement essentielles pour maintenir la compétitivité et permettre aux entreprises de s'adapter et de continuer à produire, mais elles jouent également un rôle indispensable dans l'épanouissement personnel et dans le progrès social. En particulier, un système cohérent d'éducation et de formation facilite l'intégration économique et sociale en offrant des possibilités à de nombreux groupes qui seraient autrement exclus du marché du travail. C'est un facteur particulièrement important pour promouvoir l'égalité entre les sexes et éliminer les diverses formes de discrimination.

Stratégies intégrées de renforcement et d'utilisation des capacités humaines

Il est frappant de voir que l'éducation permanente et le perfection-nement professionnel sont désormais considérés comme la clé de voûte des stratégies de promotion de l'emploi; en effet, on s'aperçoit également que les tentatives faites pour créer des emplois grâce à des programmes de formation ont en général échoué. Ce que ces expériences ont montré, c'est que les stratégies intégrées de promotion de l'emploi sont nécessaires pour renforcer les capacités humaines et, dans le même temps, créer des possibilités d'utilisation de ces qualifications. Il ne suffit pas de tenir compte de la demande ou de l'offre.

Obstacles à l'élaboration de stratégies intégrées

Dans des marchés du travail fragmentés, il n'est pas facile d'élaborer de telles stratégies intégrées. Les travailleurs mobiles, qui doivent s'adapter, ont peu de chance de se perfectionner, et les employeurs ne sont guère incités à investir dans la formation d'un personnel mouvant. Cela entraîne une polarisation accrue dans la mesure où les travailleurs qui n'ont pas accès au savoir et aux qualifications sont plus ou moins laissés à leur sort. A l'intérieur des pays et à l'échelon international, les différentiels de salaires entre travailleurs qualifiés et travailleurs non qualifiés se sont creusés ces dernières années, de sorte que l'incapacité d'investir dans la formation et l'éducation semble être un facteur majeur de l'inégalité globale croissante. La question essentielle est ici de déterminer la meilleure manière d'accroître les investissements consacrés à l'acquisition de qualifications, notamment dans les pays à faibles revenus et pour les travailleurs non qualifiés.

Activités de formation de l'OIT

Dans le passé, l'OIT s'est beaucoup investie dans de nombreux domaines de la formation. Les services consultatifs techniques de l'Organisation, y compris ceux du Centre de Turin, ont été très demandés, notamment lorsqu'il s'agissait de réformer les systèmes de formation et de revoir les politiques en faveur des travailleurs mis à pied. Toutefois, indépendamment de la formation des cadres, les activités déployées au niveau de l'entreprise ne se sont guère développées. En outre, jusqu'à une date récente, les activités de formation étaient distinctes des efforts consacrées au marché du travail et à la politique de mise en valeur des ressources humaines.

Le programme focal d'investissement dans les connaissances, les compétences et l'employabilité

A l'avenir, la formation sera intégrée à un cadre plus large de développement. Le rapport le plus récent sur L'emploi dans le monde, qui était centré sur la formation productive, a mis en lumière la nécessité d'adopter de nouvelles conceptions et d'harmoniser la formation avec les autres mesures de promotion de l'emploi. Etant donné l'importance de ce problème pour les entreprises comme pour travailleurs, un nouveau programme focal aidera à faire de l'accès à la formation la pierre angulaire des efforts visant à créer davantage d'emplois de meilleure qualité (encadré 2.4).
 

    Encadré 2.4
    InFocus – Investir dans les connaissances, les compétences
    et l'employabilité

Dans la plupart des pays, les investissements tant publics que privés dans la mise en valeur des ressources humaines sont insuffisants. Le marché du travail et les établissements de formation sont souvent trop lents à s'adapter à l'évolution des connaissances nécessaires à la mise en œuvre des systèmes de production. L'inégalité prévaut, notamment entre les sexes, dans l'accès à l'éducation, aux connaissances et aux qualifications. Aussi, le potentiel de perfectionnement des qualifications qui permettraient de réduire le chômage demeure-t-il en grande partie inutilisé.

Ce programme focal constituera une nouvelle initiative stratégique centrée sur les méthodes permettant de mettre en valeur les ressources humaines de façon à faciliter la croissance de l'emploi. Il mettra l'accent sur la contribution de l'éducation permanente à la compétitivité, à la création d'emplois et à l'augmentation de la productivité dans un environnement technologique en pleine mutation, et il s'efforcera de trouver des solutions pour accroître les investissements consacrés aux qualifications et aux aptitudes dans les petites entreprises. Il portera également sur la discrimination selon le sexe dans les systèmes d'enseignement et de formation, et sur les solutions permettant d'y remédier, ainsi que sur la manière de faciliter le passage de l'école à la vie professionnelle afin de réduire le chômage des jeunes; l'efficacité des diverses formes d'apprentissage sera notamment étudiée. Le programme envisagera également la manière dont le perfectionnement des qualifications et des aptitudes peut contribuer à promouvoir efficacement la réintégration économique et sociale des travailleurs licenciés.

L'OIT entend se doter d'un important potentiel d'action pour aborder ces problèmes, non seulement à l'intérieur de l'Organisation, mais également en collaboration avec des réseaux extérieurs. Ce travail permettra d'identifier et de juger les résultats positifs obtenus, de déterminer quels investissements dans le perfectionnement professionnel ont donné les meilleurs résultats et d'identifier les institutions qui ont inspiré utilement ce processus.

Le plus gros du travail sera accompli en collaboration avec les centres nationaux et internationaux qui ont acquis une expérience dans ce domaine. La valeur ajoutée par l'OIT consistera à situer cette information dans un contexte international et à l'utiliser pour offrir des directives et des références pour l'élaboration des politiques par les mandants du monde entier.

Cette base de connaissances élargie soutiendra toute une gamme de services techniques d'appui et de conseil. En particulier, elle permettra d'identifier les nouveaux domaines d'importance primordiale où des mesures doivent être prises, de réunir des informations sur les solutions techniques applicables, et de les traduire en programmes d'action à l'échelon national par l'intermédiaire des services consultatifs techniques de l'OIT.

Ce programme devrait permettre de renforcer sensiblement la capacité des mandants de l'OIT dans ce domaine, et également d'élargir l'éventail des solutions permettant d'intégrer les connaissances, la formation et le perfectionnement dans les grands objectifs de l'OIT visant la création d'emplois et l'intégration sociale.

La durée du travail

Enfin, les activités futures porteront aussi sur la durée du travail. C'est un problème qui a toujours été au cœur des préoccupations de l'OIT, mais toute une série d'évolutions récentes ont attiré l'attention. De nouveaux régimes de travail apparaissent et cela ne va pas sans influer sur l'économie et sur la société. Il y a de nouveaux systèmes de production, de nouvelles combinaisons des responsabilités familiales, communautaires et profession-nelles, de nouvelles relations d'emploi fondées sur l'information et la communication, et de nouveaux besoins d'éducation permanente. On considère généralement la durée du travail comme un moyen de promouvoir l'emploi ou d'en améliorer la qualité, mais ce rapport ne va pas de soi et la durée du travail augmente en fait fréquemment. Il semble que l'on s'oriente sur une plus grande diversité des régimes de travail et que la réglementation actuelle et les institutions du marché du travail aient de plus en plus de mal à y faire face. Il conviendrait de vouer davantage d'attention à ce problème, lequel a des incidences considérables non seulement sur l'emploi, mais également sur les objectifs stratégiques de l'OIT.

Promouvoir l'accès généralisé à l'emploi et au revenu

L'accès à l'emploi et au revenu

Promouvoir l'emploi exige une plus grande égalité d'accès à l'emploi et au revenu. Les tendances générales actuelles semblent aggraver plutôt que diminuer les inégalités. Il faut que les politiques de l'emploi favorisent l'accès universel aux emplois et au revenu, afin non seulement de réduire la pauvreté et l'exclusion, mais aussi de tirer pleinement avantage de la capacité humaine de créer des revenus et des richesses.

Inégalité d'accès aux marchés du travail et emplois médiocres

Les programmes focaux consacrés aux petites entreprises, aux connaissances et aux compétences, mentionnés plus haut, sont axés sur le problème de l'inégalité. Deux aspects de ce problème méritent considération. Le premier a trait aux facteurs structurels qui compromettent l'égalité d'accès au marché du travail et qui sont directement responsables à la fois du chômage et de la médiocrité des emplois, et ils exigent donc une attention soutenue. Deuxièmement, beaucoup de situations de pauvreté peuvent être tout simplement imputables à un emploi insuffisant et les programmes de création d'emploi continuent donc de jouer un rôle important dans la solution de ce problème. Aucun de ces deux aspects n'est nouveau, mais il faut continuer d'œuvrer dans ces domaines de façon à apporter une importante contribution complémentaire à la solution des problèmes macroéconomiques et de production plus généraux mentionnés plus haut.

L'inégalité entre les sexes dans l'emploi

Les travailleurs ne sont pas distribués au hasard dans les différents emplois ou dans les différentes situations professionnelles. Les postes qu'ils occupent sont largement conditionnés par divers facteurs tels que la race, l'origine ethnique, la caste, l'âge ou le sexe. L'inégalité selon le sexe existe partout. Les femmes forment la majorité des travailleurs sous-payés, atypiques ou découragés. Les recherches de l'OIT et les efforts qu'elle a consacrés à ce problème pendant de nombreuses années doivent être mieux intégrés à la politique de l'emploi. Etant donné que les inégalités selon le sexe sont omniprésentes, on ne saurait résoudre ce problème de façon isolée; il doit au contraire être étudié en fonction de chacun des aspects du problème de l'emploi.

Le programme pour des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes

L'Organisation déploie dans ce domaine divers programmes et activités. Le programme pour des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes fait appel à des approches intégrées relatives à l'emploi des femmes et met en lumière le lien existant entre l'élimination de la pauvreté, l'usage effectif des ressources humaines et la réduction du travail des enfants. L'accent mis sur l'amélioration de la qualité des emplois reflète la nécessité de tenir compte des aspects quantitatifs et qualitatifs des relations d'emploi. Le programme doit conduire à des plans d'action nationaux visant à créer un environnement économique et social favorable à l'emploi des femmes et à cibler des interventions destinées à accroître les possibilités d'accès au marché du travail pour certains groupes vulnérables. Huit plans nationaux d'action ont déjà été préparés en étroite collaboration avec les partenaires sociaux; beaucoup d'autres sont prévus. Divers projets portant sur des aspects différents de l'emploi féminin sont en préparation ou ont été entrepris.

Le programme de promotion de l'emploi, de l'égalité entre les sexes et de l'élimination de la pauvreté

Un autre programme important de l'OIT traite de l'égalité entre les sexes, de l'élimination de la pauvreté et de l'emploi. Il vise à faire en sorte que tous les programmes et mesures de développement reflètent les priorités en matière d'égalité entre les sexes et d'emploi. Il porte en particulier sur les groupes vulnérables, notamment les femmes, les travailleurs à domicile et les travailleurs «invisibles» de l'économie parallèle, et il propose des stratégies visant à accroître la qualité de l'emploi de ces groupes.

Recherches et action en faveur de l'égalité entre les sexes

Ces programmes et d'autres encore feront partie d'une politique à large spectre destinée à favoriser des recherches et des actions dans le domaine de l'égalité des sexes et dans le cadre de toute la gamme des activités de l'OIT ayant trait à l'emploi et à l'entreprise.

Le chômage des jeunes

Les inégalités d'accès au marché du travail sont plus particulièrement manifestes dans les difficultés d'emploi des jeunes, hommes ou femmes. Les jeunes sont plus fréquemment contraints d'accepter un emploi occasionnel et irrégulier, et leur taux de chômage est en général beaucoup plus élevé que celui des adultes. En 1997, dans les pays de l'OCDE, le taux de chômage du groupe d'âge 15-24 ans était en moyenne de 13 pour cent, soit deux fois le taux des adultes. Dans les pays en développement, le taux de chômage de la jeunesse urbaine peut atteindre 40 pour cent ou plus. Le chômage des jeunes n'est pas un problème que l'on puisse résoudre isolément car ce n'est pas seulement une question d'employabilité mais aussi le résultat du déficit de demande de main-d'œuvre et de la manière inégale dont les marchés du travail répartissent les chances. Pour améliorer le passage de l'école à la vie active, il faut agir à la fois sur l'offre et sur la demande. Le programme focal d'investissement dans les connaissances, les compétences et l'employabilité s'attachera tout particulièrement à cette question. Beaucoup de gouvernements ont mis en place des politiques actives du marché du travail conçues pour aider les jeunes, et des programmes récents de l'OIT ont évalué leurs effets; il s'agit donc d'un domaine dans lequel l'Organisation est bien placée pour donner des conseils techniques.

Problèmes d'emploi d'autres groupes vulnérables

Il existe un certain nombre d'autres groupes de travailleurs qui sont particulièrement vulnérables à l'inégalité des chances sur le marché du travail. Les travailleurs âgés qui ont perdu un emploi régulier et protégé sont souvent exclus prématurément de toute activité professionnelle ou échouent dans des emplois précaires. Les travailleurs handicapés doivent aussi affronter de sérieux problèmes. Les programmes focaux consacrés à l'emploi s'attacheront aussi à répondre aux besoins de ces groupes. Ainsi, le programme consacré aux petites entreprises visera à ouvrir des possibilités d'emploi pour eux, et le programme des connaissances et compétences devrait présenter un intérêt tout particulier pour ces groupes.

Le rôle des services de l'emploi

Les services de l'emploi ont une importante contribution à apporter à la solution des problèmes d'égalité sur le marché du travail. En principe, ils devraient être intégrés dans les politiques du marché du travail, de formation et d'assurance chômage, et ce dans un cadre cohérent et unique. Certains problèmes doivent être abordés conjointement de façon que l'on puisse offrir un ensemble cohérent d'informations publiques, de conseils et de services de placement et de formation englobant à la fois l'offre et la demande de main-d'œuvre. Une approche intégrée revêtirait une importance particulière pour les travailleurs mis à pied à la suite des restructurations économiques – problème que le programme focal sur les qualifications s'attachera à résoudre. Une action intégrée revêt également une grande importance pour d'autres groupes qui se trouvent désavantagés à long terme sur le marché du travail. Il faudrait intensifier les efforts de soutien des politiques nationales dans ce domaine, et l'OIT pourrait prendre la tête de cette action en promouvant de nouvelles recherches au niveau international sur la meilleure manière de développer les institutions intégrées nécessaires.

La politique de l'emploi et la pauvreté

Le dernier problème qui sera abordé dans la présente section est la contribution de la politique de l'emploi à la lutte contre la pauvreté. Il a été fait référence dans le chapitre 1 à la nécessité de résoudre en priorité les problèmes des travailleurs pauvres. L'OIT a largement participé à l'octroi d'une assistance directe, pour la mise au point de stratégies de création d'emplois lucratifs en faveur des groupes à faible revenu. Ces politiques prévoyaient le relèvement des capacités de production des petites entreprises rurales et urbaines, des initiatives de développement local, diverses mesures visant à faciliter l'absorption de main-d'œuvre dans l'économie rurale et un certain nombre de projets d'infrastructure à coefficient élevé de main-d'œuvre.

Promotion de l'emploi grâce à l'amélioration de l'infrastructure

Maints pays en développement peuvent tirer de multiples avantages de projets soigneusement étudiés d'amélioration du réseau routier, d'irrigation, de réseaux d'égouts et d'autres éléments d'infrastructure. Tout en apportant des avantages à l'ensemble de la société, les projets à fort coefficient de main-d'œuvre créent des emplois pour de nombreuses personnes, mobilisant fréquemment les petites entreprises du secteur non structuré qui emploient de nombreux travailleurs parmi les plus pauvres. Leurs incidences sur la réduction de la pauvreté sont encore amplifiées lorsque les installations en question sont spécialement conçues pour avantager les groupes à faible revenu ou pour accroître la valeur de leurs terres, de leurs habitations ou d'autres actifs. Les sources de revenu des groupes pauvres sont régulièrement sapées par l'érosion des sols, la pollution de l'eau, le déboisement et d'autres formes de dégradation de l'environnement. Il convient de vouer davantage d'attention à ces problèmes écologiques et environnementaux qui exercent une forte influence sur l'emploi. La régénération du milieu pourrait être en elle-même une source importante d'emplois et, à long terme, un développement favorable à l'environnement conduira également à la création d'emplois durables. Ainsi, les programmes qui visent à restaurer l'environnement non seulement se traduisent par des avantages pour l'ensemble de la société, mais contribuent également à accroître les moyens de subsistance de ceux qui travaillent dans de tels environnements. Il conviendrait d'explorer davantage ces possibilités.

Expansion des services sociaux

Les gouvernements peuvent également créer des emplois en développant les services sociaux; en investissant dans certains domaines comme la santé, l'éducation et la nutrition, et dans des activités de formation technique et professionnelle, ils obtiennent des résultats favorables en matière d'emploi. Dans l'immédiat, ils créent des emplois à l'échelon local pour les travailleurs des services de santé ou pour les enseignants. Or, des avantages sur le plan de l'emploi peuvent également être obtenus à long terme; une population plus saine, mieux éduquée et plus qualifiée est le facteur le plus favorable conduisant à une productivité supérieure et à l'élévation du niveau de vie.

Des ensembles de mesures cohérentes

Pendant des années, l'OIT a appuyé les activités de recherche et de coopération technique axées sur la création d'emplois comme moyen de réduire la pauvreté, parfois sur une grande échelle. Ces dernières années, cette méthode a été étendue à divers problèmes tels que la reconstruction des pays ayant subi des conflits. L'expérience acquise avec ces programmes a confirmé la nécessité d'adopter des ensembles cohérents de mesures, y compris les mesures d'intervention directe visant à créer des emplois, les politiques du marché de l'emploi, les politiques axées sur le renforcement des capacités de production et des mesures complémentaires visant à assurer la sécurité des revenus. Ces programmes doivent comprendre un important élément d'égalité pour les sexes, de façon à éviter de perpétuer les inégalités existantes.

Programme focal sur la reconstruction et les investissements à forte intensité d'emploi

Le programme focal sur la reconstruction et les investissements à forte intensité d'emploi sera mis au point pour poursuivre les activités dans ce domaine. Ce programme devrait contribuer à maintenir le rythme des activités, à intensifier les efforts et à garantir une importante participation de l'OIT. Il sera axé en particulier sur les situations qui apparaissent dans le sillage des crises et dans des conditions de pauvreté extrême (encadré 2.5).
 

    Encadré 2.5
    InFocus – Reconstruction et investissements
    à forte intensité d'emploi

La création d'emplois dépend sur le long terme d'une croissance économique soutenue. Or, de nombreux groupes qui se heurtent dans l'immédiat ou à moyen terme à des problèmes de revenu et d'emploi pourraient bénéficier largement d'interventions directes créatrices d'emplois et de revenus. Les problèmes les plus urgents surgissent au moment où se produisent des crises naturelles ou artificielles telles que la guerre, les mauvaises récoltes, les fluctuations macroéconomiques ou les catastrophes climatiques, mais des solutions analogues peuvent également être appliquées à des situations de pauvreté extrême persistantes.

Maintenir les niveaux de revenu dans ces conditions exige généralement tout un train de programmes adaptés aux besoins des différents groupes cibles. Cependant, pour assurer la reconstruction et garantir les revenus, de tels programmes, dont la durée est généralement brève, doivent être associés à des investissements à long terme dans la capacité de production.

C'est là un domaine où l'OIT a acquis une sérieuse expérience technique; aussi, une nouvelle initiative vise-t-elle à renforcer et à accroître la contribution de l'Organisation. Il faudra pour cela mettre au point de nouvelles interventions globales adaptées aux différentes situations, et les appliquer aux activités de coopération technique. Les interventions seront axées sur la garantie d'un revenu à court terme grâce au développement de l'infrastructure et à d'autres projets d'emploi public, tout en renforçant les capacités de production. Ce dernier volet comprendra, indépendamment des programmes d'infrastructure proprement dits, des programmes concernant le perfectionnement des qualifications, les entreprises, les systèmes de crédit et les marchés. Par conséquent, le programme visera également des objectifs de développement à long terme, y compris la promotion de l'égalité entre les sexes, la sécurité et l'offre de possibilités de travail stable et décent. Il faudra pour cela établir tout un éventail de partenariats avec d'autres organisations, tant nationales qu'internationales – la Banque mondiale, le PNUD et d'autres institutions – dans le cadre de stratégies globales de lutte contre la pauvreté.

Modèles de protection sociale

La réforme des systèmes de protection sociale est devenue une priorité absolue dans presque tous les pays. Pendant la plus grande partie du XXe siècle, on a appliqué deux conceptions, l'une dans les pays à planification économique centralisée, l'autre dans divers types d'Etats-providence. De nos jours, la première formule est en voie de disparition et l'autre est soumise à de fortes pressions en raison du taux élevé du chômage, du vieillissement de la population, du nombre croissant de ménages dirigés par des femmes, de l'incidence toujours plus forte de la pauvreté, de la mobilité accrue et de l'évolution des exigences pesant sur les systèmes de protection sociale. Ces systèmes constituent l'une des grandes réalisations du XXe siècle. Bien qu'ils aient pris des formes diverses selon les pays, leur objectif premier a toujours été d'atténuer la dureté des forces à l'œuvre sur le marché de façon à prévenir la pauvreté, à maintenir les revenus et à assurer un accès adéquat aux soins médicaux et aux services sociaux. L'OIT a joué un rôle majeur dans les efforts déployés à cet égard, en élaborant des normes appropriées et en aidant ses mandants à mettre au point des systèmes efficaces.

Réexamen des systèmes nationaux de protection sociale

Maints pays procèdent actuellement au réexamen de leurs systèmes et mettent en question leurs structures, leurs effets, leur efficacité et leur impartialité. Selon les critiques formulées dans les pays industriels, les systèmes de protection sociale qui sont en place seraient trop coûteux; ils auraient aussi enfreint les principes de solidarité sociale et d'universalité, ou encore freineraient le progrès économique en ralentissant la croissance et en diminuant la compétitivité et le niveau de l'emploi. Dans les économies en transition, la protection sociale classique semble incapable de s'étendre à des pans entiers de la population. Des critiques formulées dans les pays en développement mettent en question l'utilité de systèmes qui ne protègent que peu de personnes et qui n'assurent en tout état de cause qu'un faible niveau de protection. Dans le monde entier, on remet en question l'impartialité et l'efficacité des systèmes classiques fonctionnant dans le contexte d'emplois flexibles et instables, où des travailleurs très nombreux sont employés dans l'économie parallèle.

Le besoin accru de protection sociale

Cette évolution exige un renforcement de la protection sociale et non sa diminution. Dans un monde caractérisé par l'aggravation de l'exclusion sociale, les arguments en faveur de la protection sociale conservent toute leur validité. A coup sûr, la nécessité d'amortir les effets de la crise économique s'impose toujours; la crise financière asienne n'est qu'un exemple de récession entraînant un désastre social. Elle frappe en particulier les sociétés en voie d'urbanisation qui ont abandonné les formes traditionnelles de protection sociale car l'exode rural et l'urbanisation ont tari les réseaux familiers de soutien fondés sur la famille élargie, la parenté et la communauté.

Avantages potentiels de la protection

La protection sociale peut certes répondre à des besoins essentiels pour la survie des populations, mais ses avantages potentiels ont une portée encore plus grande. Dans des sociétés qui se développent rapidement, la protection sociale peut renforcer la stabilité, atténuer l'agitation sociale et aider les pays à s'adapter plus facilement à l'évolution sociale et politique. Elle peut également jouer un rôle économique en permettant aux industries et aux entreprises de se restructurer et d'obtenir de meilleurs résultats, tout en facilitant l'acceptation des changements par les travailleurs.

Le rôle promotionnel de l'OIT

L'OIT doit continuer à préconiser une protection sociale plus efficace. Dans le cadre d'une économie de marché, la responsabilité individuelle doit aller de pair avec la protection sociale, l'une renforçant l'autre. La protection sociale a fait ses preuves dans les pays industriels. La tâche de l'OIT est de développer ce potentiel économique et social dans le monde entier.

Les stratégies d'ajustement

Les stratégies de protection sociale doivent s'adapter au contexte contemporain. De nombreuses sociétés ont connu une évolution radicale sur divers plans: composition et taille des familles, structure des âges de la population, équilibre entre populations urbaine et rurale, et structure de l'emploi. On a aussi assisté à des réorientations radicales des valeurs, notamment de celles qui mettent l'accent sur l'importance de l'individu et qui exigent une totale égalité entre les sexes. Ces transformations ne sont pas sans effet sur la protection sociale.

Pays industriels

Dans les pays industriels, cette évolution a donné lieu à un vaste débat. Bien que ces pays aient accompli une œuvre énorme dans ce domaine, la croissance et la portée des régimes de sécurité sociale ont suscité des questions quant à leur viabilité financière. Toutefois, l'un des points forts des systèmes de protection sociale est leur capacité d'évolution et d'adaptation. Grâce à sa structure tripartite, l'OIT est bien placée pour promouvoir et appuyer le genre de dialogue social actif qui est nécessaire pour rallier une nouvelle unanimité sur la manière d'assurer la protection sociale à tous.

Pays en développement

Dans de nombreux pays pauvres, le principal problème qui se pose a trait à la très faible portée des systèmes de protection sociale. Les systèmes classiques de sécurité sociale ne couvrent guère plus de 20 pour cent de la main-d'œuvre dans la plupart des pays en développement, et moins de 10 pour cent dans la majeure partie de l'Afrique au sud du Sahara. Les pays en développement supposaient que les systèmes officiels de sécurité sociale se développeraient progressivement pour protéger de plus en plus de personnes, mais cela ne s'est pas produit.

Economies en transition

Dans de nombreux pays en transition, l'ancien système de protection sociale s'est effondré sans que rien ne soit prévu pour le remplacer. Les pays à planification économique centralisée assuraient des prestations et des transferts sociaux par l'intermédiaire des entreprises et des syndicats, mais la disparition de nombreux secteurs industriels anciens a fait que des communautés entières sont désormais sans protection et recherchent désespérément de nouvelles solutions (encadré 2.6).
 

    Encadré 2.6
    L'insécurité sociale en Europe orientale

Au cours des années quatre-vingt-dix, les pays d'Europe centrale et orientale ont commencé à connaître davantage de liberté et de démocratie, mais nombre d'entre eux ont dû lutter pour assurer à leurs populations une protection sociale suffisante. Antérieurement, les grandes entreprises d'Etat géraient des systèmes de protection couvrant toute la vie des individus. Ces systèmes se sont maintenant étiolés. La pauvreté et l'inégalité se sont aggravées à un rythme rapide. Dans certains pays, notamment ceux qui appartenaient à l'ancienne Union soviétique, le taux de mortalité a augmenté tandis que l'espérance de vie diminuait. Des millions de personnes sont décédées qui seraient encore vivantes si l'espérance de vie était restée au même niveau qu'à la fin des années quatre-vingt.

Il faut donc élaborer de nouveaux systèmes, mais il est évident que des régimes trop ambitieux ne conviendront pas et qu'ils seront difficiles à gérer. La plupart de ces sociétés sont, compte tenu de leurs structures administratives, peu armées pour mettre en œuvre des formules ou des conditions d'affiliation fondées sur les ressources. Etant donné que des millions de personnes sont désormais dépendantes, pour leur survie, de prestations accordées sous condition de ressources, nombreux sont ceux qui sont passés au travers du filet. Les anciens mécanismes doivent être d'urgence reconvertis en systèmes légaux, viables et socialement équitables, conformes aux nouvelles réalités économiques, de façon à répondre aux besoins des groupes les plus pauvres et les plus vulnérables.

Un minimum de protection sociale pour tous

Chaque personne – quel que soit le lieu où elle réside – a besoin d'un minimum de protection sociale et de sécurité de revenu, selon les capacités et le stade de développement de la société où elle vit. Or cela ne va pas de soi. L'expérience montre qu'il ne suffit pas de compter sur le développement économique et démocratique. Chaque pays doit mettre au point, grâce au dialogue social, un système national de protection sociale qui réponde aux besoins de toute la population, et en particulier à ceux des femmes et des groupes exclus travaillant dans l'économie parallèle.

Extension de la sécurité sociale: approches pluralistes

Certains pays parviendront à ce résultat en réorganisant les systèmes existants de sécurité sociale et en accroissant leur portée. Toutefois, d'autres pays ne peuvent guère développer les systèmes existants. Il leur faut alors adopter une approche plus pluraliste et mettre au point des mesures complémentaires pour couvrir ceux qui sont laissés sans protection. Chaque pays doit adopter des priorités en fonction des ressources et des conditions locales. Les pays en développement peuvent avoir à opérer des choix différents de ceux des pays industriels. C'est ainsi que, alors que les pays riches se préoccupent davantage de la sécurité des revenus des personnes âgées, les pays pauvres accorderont peut-être une priorité d'un rang plus élevé à des soins médicaux appropriés et à l'assurance invalidité et décès.

Systèmes de soutien mutuel

Les systèmes officiels doivent fonctionner en coopération étroite avec les régimes communautaires. Faute d'un soutien public, de nombreuses communautés et de nombreux groupes de travailleurs ont créé leurs propres systèmes de soutien mutuel afin de partager risques et ressources. Ces asso-ciations jouent un rôle important et elles doivent être aidées et développées (encadré 2.7). L'OIT a également adopté cette approche plus pluraliste pour un projet global de protection sociale élargie: il s'agit du projet STEP (Stratégie et instruments contre l'exclusion sociale et la pauvreté).
 

    Encadré 2.7
    La protection sociale de base dans les communautés à faible revenu

Dans les communautés et pays à faible revenu, le défi essentiel consiste souvent à faire en sorte que chacun dispose d'un revenu suffisant et ait accès aux services de base pour pouvoir survivre. Pour répondre aux besoins locaux, un certain nombre de systèmes expérimentaux ont été mis au point, parfois avec l'appui des autorités locales, d'autres fois à l'initiative de groupes privés, d'autres fois encore grâce à des partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Certains de ces systèmes reposent sur la culture locale, mais d'autres peuvent être reproduits ailleurs dans le monde. L'OIT devrait identifier ces systèmes, analyser leur mode de conception et leur efficacité pour l'amélioration du sort des groupes pauvres, et examiner leur viabilité et la possibilité de les reproduire, ainsi que leur rôle dans les systèmes nationaux et sous-nationaux de protection sociale. Cette analyse devrait tenir compte des problèmes de financement, de la portée des prestations, de toute tendance à exclure certains groupes, notamment les femmes, et de la nécessité d'une réassurance pour couvrir le risque de faillite. L'OIT devrait également analyser les risques moraux potentiels ou les caractéristiques négatives de ces systèmes. L'objectif primordial devrait être d'identifier les bonnes pratiques pouvant être appliquées dans des situations difficiles. Les communautés appauvries ne peuvent se permettre d'attendre que des solutions idéales soient trouvées; elles ont besoin de structures de base sur lesquelles un système viable puisse être édifié.

Renforcement des régimes existants de sécurité sociale

Mettre l'accent sur l'élargissement de la protection sociale ne doit pas signifier que l'on ignore l'emploi dans le secteur structuré. L'OIT continuera d'aider les Etats Membres à mettre au point des stratégies intégrées qui puissent à la fois renforcer les régimes de sécurité sociale et accroître la gamme des prestations.

Problèmes de gestion

Les systèmes de sécurité sociale des pays industriels et de certains pays à revenus moyens sont relativement bien gérés, mais d'autres régimes fonctionnent moins bien, en partie faute d'une bonne gestion. Cela peut se produire à un stade quelconque du processus, qu'il s'agisse de la planification ou de la conception du système, de l'élaboration de la législation pertinente, de la mise en place des arrangements institutionnels, ou du fonctionnement au jour le jour. Certaines lacunes se retrouvent un peu partout. La répartition des responsabilités est souvent imprécise, notamment lorsqu'il s'agit de définir les rôles respectifs du ministre, du conseil d'administration et du principal responsable. L'administration est souvent pauvre; ses archives sont fréquemment mal tenues et ses coûts sont élevés. En outre, les régimes sont souvent affectés par la fraude et la corruption ou sont soumis à des décisions arbitraires qui en compromettent la crédibilité et la viabilité. Par ailleurs, dans de nombreux cas, les partenaires sociaux n'ont guère de possibilités de participation.

Les causes

Certaines de ces défaillances sont compréhensibles. La coordination, la surveillance et le contrôle de la qualité de nombreux régimes distincts coexistant au sein d'un réseau national de protection sociale constituent une tâche complexe à laquelle bien des décideurs et des gestionnaires sont mal préparés. Les gouvernements sont fréquemment tentés de promettre plus que ce que leurs faibles systèmes administratifs peuvent fournir et attendent d'eux qu'ils fonctionnent et qu'ils fournissent des services sans en avoir la capacité ni le budget.

Difficultés de financement

Le financement est un problème permanent. En fait, le potentiel de financement public de la sécurité sociale semble s'affaiblir de plus en plus. Dans la plupart des pays industriels, la protection sociale représente une part importante du revenu national mais la base contributive va s'amenuisant sous l'effet de la mondialisation, de l'instabilité économique, de la flexibilité des marchés du travail et du développement de l'économie parallèle.

Domaines à réformer

Ces pressions sont telles que l'on exige désormais des réformes radicales. Les gouvernements réétudient la question de savoir qui devrait assurer la protection sociale et se penchent sur la répartition des responsabilités entre le gouvernement central et les autorités locales, les entreprises publiques, les entreprises privées, les organisations bénévoles et les personnes. Tout au long de ce processus, ils doivent faire face au problème consistant à équilibrer et à harmoniser la protection des travailleurs selon qu'ils ressortissent au secteur structuré ou à l'économie parallèle.

Décentralisation des responsabilités

Lorsque les systèmes officiels de sécurité sociale sont limités, la meilleure manière d'en assurer la légitimité, l'équité et l'efficacité peut être de déléguer la responsabilité aux autorités locales. Cela permettrait également d'élargir la participation, notamment des groupes qui sont le plus exposés à l'exclusion, en particulier les femmes, les handicapés et d'autres personnes ayant des besoins spéciaux. Cette approche d'un caractère plus pluraliste a des avantages, mais elle soulève aussi un gros problème. Comment des systèmes dispersés pourraient-ils assurer la solidarité sociale et partager les responsabilités entre tous les groupes sociaux? Par exemple, qui garantira les petites caisses privées d'assurance de façon que la protection puisse être poursuivie même en cas de faillite? Un autre problème est celui de la participation aux décisions et à la gestion des différents régimes. Les travailleurs, les employeurs, les bénéficiaires et d'autres intéressés seront-ils représentés?

Gestion des fonds de pension

Des questions se posent également au sujet de la gestion des fonds de pension. Si l'on passe de systèmes de répartition à des systèmes de capitalisation, on résoudra certains problèmes anciens mais on en posera d'autres, notamment en ce qui concerne les investissements. Dans un certain nombre de pays, les caisses de pension ont pris une telle importance que le choix des investissements a d'importantes répercussions économiques et sociales qui demandent réflexion.

L'assistance de l'OIT aux organismes gouvernementaux et aux institutions de sécurité sociale

Dans ce contexte nouveau et plus complexe, l'OIT sera soumise à des pressions plus fortes qu'autrefois. L'Organisation doit aider les organismes gouvernementaux et les institutions de sécurité sociale à mieux gérer des réseaux complexes de protection sociale de façon à en assurer la viabilité financière et économique à long terme. L'Organisation continuera donc à fournir des conseils techniques, juridiques et de gestion, indépendamment des services de formation qu'elle assure déjà en faveur des planificateurs, des gestionnaires et des responsables de la sécurité sociale. Il faudrait pour cela mettre au point et diffuser des technologies quantitatives, former le personnel national et fournir des conseils sur toute une gamme de questions législatives, actuarielles, financières et économiques.

Coordination des politiques d'emploi et de protection sociale

Les systèmes de protection sociale transfèrent des revenus aux personnes malades et aux autres personnes qui ne peuvent gagner leur vie. Les mesures sociales et les politiques de création d'emplois s'efforcent d'accroître le nombre d'emplois décents. Ces deux ensembles de mesures doivent être complémentaires. Un pays qui offre une protection sociale suffisante réduira le chômage visible tout en facilitant les ajustements requis sur le marché du travail. Un pays qui poursuit une politique de plein emploi réduira les exigences pesant sur son système de protection sociale. Il peut également y avoir un effet de retour négatif. Par exemple, si les politiques du marché du travail encouragent les retraites anticipées ou offrent des conditions généreuses aux personnes handicapées, elles augmenteront du même coup les rapports de dépendance et le coût des pensions, ce qui risque de grever lourdement les budgets de protection sociale. Ces liaisons et bien d'autres encore exigent que les politiques du marché du travail et les politiques de protection sociale soient étudiées conjointement.

Réinsertion des groupes marginaux sur le marché du travail

Maints gouvernements conjuguent très explicitement ces deux séries de mesures et utilisent la protection sociale pour réinsérer des groupes marginaux sur le marché du travail. Leur but est d'éviter les risques «moraux» qui font que certains pourraient être tentés de rester «abonnés» aux prestations, et ils s'efforcent également de les aider à échapper au piège de la pauvreté et au piège du chômage. Les programmes les plus actifs comportent divers régimes de prévoyance et d'assistance qui réduisent les prestations tout en accroissant dans la même mesure les incitations à travailler et en facilitant le passage à l'emploi. Dans certains cas, les systèmes de protection sociale créent directement des emplois pour ces exclus du marché du travail primaire. Tous ces régimes soulèvent d'importantes questions de principe, d'efficacité et d'équité que l'OIT devra suivre avec attention conjointement avec les propositions de mise en valeur du travail non rémunéré.

Soins médicaux

Dans le monde entier, l'un des problèmes les plus pressants de protection sociale demeure celui des soins médicaux. Dans maints pays, ce problème a moins attiré l'attention que les pensions, mais dans les premières années du XXIe siècle, le renforcement de la protection sociale et de la solidarité sociale s'articulera peut-être davantage sur une réforme des soins médicaux que sur une réforme des pensions. L'OIT a une longue tradition d'activité normative et de conseils pratiques en ce qui concerne le financement et la fourniture des soins de santé et, à l'avenir, tout en continuant à préconiser l'extension de l'assurance maladie, l'Organisation étudiera les possibilités d'adopter des systèmes novateurs tels que la microassurance à base communautaire. Cela pourrait se faire en collabo-ration avec d'autres institutions, notamment l'Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale – approche coopérative qui devrait permettre d'éviter le type de débat international prolongé et les confusions qui ont caractérisé les réformes des pensions au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.

L'économie de protection

Des millions de personnes passent une grande partie de leur vie à s'occuper des autres. Cela fait partie de la croissance mondiale du travail bénévole et communautaire, de caractère généralement privé. Ce travail est bien réel et il incombe en grande partie aux femmes; aussi mérite-t-il d'être traité comme un travail en soi, et rémunéré en tant que tel. Sur le plan international, on est de plus en plus sensibilisé à cette réalité, et à juste titre. Jusqu'ici, ce problème n'a préoccupé que quelques pays industriels et, même dans ce cas, on ne savait pas très bien quels principes devaient guider les responsables politiques. Plusieurs approches ont été explorées, y compris l'assurance soins introduite en Allemagne, la proposition formulée aux Etats-Unis d'accorder des dégrèvements fiscaux pour compenser le coût des soins à long terme dispensés à des personnes âgées ou handicapées, et l'annonce faite récemment au Royaume-Uni que des crédits de pension seraient alloués aux personnes fournissant des soins. L'OIT doit tenir compte de ces débats de façon à évaluer la possibilité d'encourager la fourniture de soins décents selon d'autres modalités, de façon que les personnes assurant les soins soient convenablement protégées et rémunérées et que celles qui reçoivent les soins soient soignées et protégées de façon adéquate, qu'il s'agisse d'assurer leur simple survie ou de leur permettre de jouer leur rôle de citoyens actifs.

Egalité entre les sexes

La façon dont la question des soins est traitée influe directement sur la situation des femmes dans la société. Un danger à éviter est celui qui consisterait à rejeter les femmes dans un secteur délimité de services où elles seraient mal payées et exploitées et où la pression morale les condamnerait à effectuer de longues heures d'un travail ardu. Comment éviter une telle situation, et comment assurer des soins d'une façon qui soit bénéfique et pour les bénéficiaires et pour les fournisseurs de soins? Tel est le défi qui est lancé à la politique sociale et à celle du marché du travail et qui mérite d'être examiné en priorité, contrairement à ce qui a été fait au cours du siècle qui vient de s'écouler. L'OIT entend étudier l'évolution des systèmes privés et publics dans les Etats Membres, et préparer un rapport où les différentes solutions seront exposées. Ce faisant, nous devons veiller à ce que les valeurs de base de la solidarité, de la responsabilité familiale et de l'amitié ne soient pas érodées par une vue purement mercantile du problème.

L'assurance chômage

L'un des domaines auxquels une attention doit être accordée d'urgence est celui des prestations de chômage. Même dans les pays industriels, il apparaît que le système de prestations est de plus en plus insuffisant. D'une part, le nombre important de chômeurs de longue durée grève lourdement les budgets; d'autre part, de nombreux autres chômeurs n'ont pas droit à des prestations. La situation est encore bien pire dans les pays en développement et dans les pays en transition où seule une minorité de personnes sont protégées par l'assurance chômage, laquelle n'assure d'ailleurs que de très modiques prestations. Dans ce cas également, un nombre encore plus grand de personnes se trouvent exclues de la protection, d'une part, en raison de modifications législatives et administratives et, d'autre part, en raison du développement de l'emploi flexible et du travail dans le secteur non structuré.

Analyse des régimes de prestations de chômage par l'OIT

L'OIT se propose d'entreprendre une analyse des régimes de prestations de chômage et d'étudier les autres possibilités d'assurer la sécurité des revenus aux chômeurs et aux personnes appartenant marginalement à la main-d'œuvre. Il est important de regarder au-delà des systèmes de prestations de chômage qui peuvent ne plus convenir à des marchés du travail plus flexibles, notamment à ceux qui seront dominés par l'économie parallèle, et d'étudier des systèmes composites tenant davantage compte des situations familiales et de l'expérience professionnelle.

Une protection sociale dynamique

Les économies dynamiques exigent des systèmes dynamiques de pro- tection sociale. Ceux-ci devraient encourager l'adaptation au changement tout en garantissant que les intéressés aient accès à la sécurité sociale et économique de base qui leur permettra de tirer parti de leur propre potentiel, que ce soit au travail ou dans leur famille, ou dans l'intérêt de la société. Les priorités varieront selon les régions. Les pays en développement ont besoin de mécanismes qui puissent étendre la protection sociale aux personnes qui survivent marginalement; dans le même temps, ces mécanismes doivent s'intégrer dans des concepts nationaux pluralistes de protection sociale universelle. Les pays en transition ont, eux, besoin d'édifier des systèmes qui répondent mieux aux réalités des changements structurels majeurs qu'ils subissent. Quant aux pays industriels, ils devraient porter un regard neuf sur la protection et sur l'adéquation et la viabilité financière de maintes formes de protection sociale de façon qu'elles soient mieux adaptées à des marchés du travail plus flexibles et plus décentralisés et à l'évolution des structures familiales. Dans le monde entier, les pays devront intégrer les différents types de protection sociale pour former un tout cohérent, bénéficiant d'une adhésion nationale et se développant en permanence grâce au dialogue social.

Programme focal de promotion de la sécurité économique et sociale au XXIe siècle

Un programme focal de promotion de la sécurité économique et sociale au XXIe siècle sera mis en œuvre (voir encadré 2.8).
 

    Encadré 2.8
    InFocus – La sécurité économique et sociale au XXI e siècle

Les années quatre-vingt-dix ont été placées sous le signe de l'«insécurité». Dans les pays en développement, la grande majorité des gens ont dû affronter une longue période d'insécurité chronique, mais, même dans les pays industriels, de nombreuses personnes ressentent angoisse et incertitude quant à leur place dans la société et au travail, et elles sentent qu'elles sont vulnérables aux effets d'une évolution économique et sociale sur laquelle elles n'ont aucun contrôle. De nombreux groupes sont désormais hors d'atteinte des services de prévoyance sociale, et cela en partie du fait que les marchés du travail sont désormais plus souples et moins structurés et que le taux de chômage a augmenté. Même les personnes qui se croyaient à l'abri du besoin en raison de leurs qualifications constatent que celles-ci sont rapidement dépassées en raison des changements structurels et de l'évolution technologique. Les personnes les plus exposées sont celles qui travaillent dans l'économie parallèle qui ne possède guère d'institutions susceptibles d'offrir ne serait-ce qu'un minimum de sécurité collective, et les femmes, soumises à toutes sortes de violence qui menacent leur sécurité chez elles, dans les rues et dans leur communauté.

L'OIT a l'intention de lancer un programme qui aura pour but d'identifier les facteurs qui nuisent à la sécurité et les options politiques qui peuvent la renforcer, en vouant une attention particulière aux régimes en vigueur dans les pays et communautés à faible revenu et aux besoins et aspirations spécifiques des femmes. Ce programme permettra d'établir un rapport global qui analysera les tendances actuelles et présentera des options politiques cohérentes propres à renforcer la sécurité économique et sociale tout en promouvant la croissance à long terme et le plein emploi. Il permettra également d'établir un ensemble composite d'indices de sécurité socio-économique, favorisant les indicateurs standards utilisés pour suivre les résultats de l'économie.

Le programme anticipera également l'évolution future. Au cours du XXI e siècle, des personnes de plus en plus nombreuses, dans le monde entier, auront une vie professionnelle flexible, contrairement à la norme qui avait cours pendant le XX e siècle. Dans les pays en développement, beaucoup de personnes continueront de travailler dans l'économie parallèle, tandis que, dans les pays industriels, les travailleurs acquerront progressivement de nouvelles qualifications et changeront fréquemment de statut professionnel, intégrant le marché du travail ou en sortant, ou encore combinant les activités. Ils ne travailleront productivement et efficacement que s'ils bénéficient d'une sécurité personnelle suffisante. Dans ces conditions, le défi lancé aux responsables politiques, aux employeurs et aux syndicats consistera à élaborer des mesures propres à promouvoir cette flexibilité personnelle dans la sécurité. L'OIT suivra donc l'évolution des pays membres et fera rapport sur les résultats obtenus lors d'une réunion technique tripartite.

Sécurité et santé des travailleurs

Au niveau de l'entreprise, le problème essentiel de la protection sociale est celui de la santé et de la sécurité des travailleurs. Chaque année, quelque 250 millions de travailleurs sont victimes d'accidents du travail et plus de 300 000 d'entre eux y perdent la vie. Si l'on tient compte de tous les travailleurs qui succombent à des maladies professionnelles, on peut dire que le taux annuel de mortalité est de plus d'un million de personnes. Pourtant, à l'échelon international, les problèmes de santé et de sécurité des travailleurs ne sensibilisent guère l'opinion publique et les mesures prises dans ce domaine sont limitées. Maints pays en développement et en transition ne livrent guère au public d'informations sur ce sujet; ils auraient besoin de renforcer leur capacité de concevoir et d'appliquer des mesures et des programmes efficaces à cet égard. Même de nos jours, de nombreuses décisions d'investissements nouveaux continuent d'ignorer les problèmes de sécurité, de santé et d'environnement.

Programme focal sur le travail sans risque

L'OIT s'est toujours préoccupée de la santé et de la sécurité des travailleurs et elle entend lancer un programme focal consacré à ce domaine (encadré 2.9). Compte tenu des ressources limitées, des choix devront être opérés. Le programme sera axé sur les emplois et les secteurs dangereux et sur les groupes de travailleurs particulièrement exposés à des accidents du travail et à des maladies professionnelles, y compris les groupes vulnérables par leur sexe ou leur âge, et les travailleurs du secteur urbain non structuré. Le programme visera à créer des alliances et des partenariats dans ce domaine, tout en fournissant une assistance technique à l'appui de l'action nationale.
 

    Encadré 2.9
    InFocus – Travail sans risque: sécurité et productivité
    par la protection des travailleurs et de leur santé

On estime que le total des décès imputables au travail (accidents du travail et maladies professionnelles) est d'au moins un million par an. Le programme «Travail sans risque» sera destiné à provoquer, à l'échelon mondial, une sensibilisation quant au nombre et aux conséquences des accidents du travail et des lésions et maladies professionnelles. Ce programme visera à promouvoir l'objectif d'une protection de base pour tous les travailleurs, conformément aux normes internationales du travail, et il renforcera la capacité des Etats Membres et de l'industrie de concevoir et de mettre en œuvre des mesures et programmes préventifs et protecteurs efficaces. Le cas échéant, cela exigera de renforcer l'inspection du travail. L'accent sera mis en premier lieu sur les professions dangereuses.

Ce programme comportera deux volets. Tout d'abord, il s'agira de créer des alliances et des partenariats en entreprenant des activités dont les mandants de l'OIT, les ONG et les groupes s'occupant des droits de l'homme pourront tirer parti dans leurs campagnes de sensibilisation et pour inciter les gouvernements à entreprendre une action énergique. En second lieu, il s'agira d'appuyer les actions nationales grâce à un programme intégré d'assistance technique directe. Ce volet comprendra la mise au point d'instruments de gestion et de services de contrôle et d'information qui contribueront à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, et à protéger à la fois les travailleurs et l'environnement. Les activités comprendront les éléments suivants:

  • une campagne mondiale de sensibilisation;
  • un programme statistique mondial;
  • des programmes nationaux d'action;
  • des programmes de formation;
  • des réunions techniques pour l'échange international d'informations et d'expériences sur la sécurité et la santé des travailleurs.

Les nouveaux problèmes de santé dans le monde du travail

Un certain nombre de nouveaux problèmes de santé sont apparus depuis quelques années dans le monde du travail. C'est ainsi que de vives préoccupations ont été exprimées au sujet de l'épuisement professionnel, résultant du stress subi par les «bourreaux du travail» et du surmenage, notamment parmi les «cols blancs» à rémunération élevée. L'OIT préparera un rapport spécial, établi selon une ventilation par sexe, qui fera le point sur ces formes relativement nouvelles de risques professionnels et qui préconisera des mesures pour en réduire l'incidence.

L'évolution des migrations internationales de travailleurs

Jusqu'ici, la mondialisation a surtout attiré l'attention par ses incidences sur la circulation des capitaux et des biens. Toutefois, la mondialisation et la régionalisation ont modifié la nature des migrations internationales de travailleurs. Bien qu'on ne dispose pas de statistiques fiables, on estime à environ 100 millions le nombre de migrants vivant avec leur famille hors de leur pays. On note, parmi eux, une proportion croissante de femmes qui voyagent souvent seules et qui cherchent désespérément à travailler et à obtenir un revenu.

Conséquences sociales

A long terme, les migrations internationales sont bénéfiques dans la mesure où elles contribuent à répartir les possibilités de travail et les ressources de façon plus efficace et où elles présentent des avantages pour les pays d'accueil comme pour les pays d'origine, et pour les migrants eux-mêmes. Toutefois, dans l'immédiat, des migrations non réglementées risquent de provoquer des perturbations et d'entraîner des conséquences sociales nuisibles et inacceptables conduisant, d'une part, à l'exploitation des travailleurs clandestins et, de l'autre, à encourager des attitudes et un comportement politiques qui peuvent être dangereux. L'OIT se préoccupe depuis longtemps de ces questions et de la protection à offrir aux travailleurs migrants. L'Organisation a également préconisé des politiques permettant de rendre le processus migratoire plus avantageux pour les pays d'origine et les pays d'accueil et pour le marché du travail en général.

Le nouveau programme sur les migrations de main-d'œuvre dans l'économie mondiale

Au cours du prochain biennium, les activités de l'OIT refléteront l'importance croissante des migrations de main-d'œuvre dans l'économie mondiale. L'objectif primordial devrait être d'aider à rallier une unanimité internationale – des pays d'accueil comme des pays d'origine – sur la manière d'offrir une protection adéquate aux travailleurs et travailleuses migrantes et à leur familles, tout en organisant de manière plus systématique et plus bénéfique les déplacements de travailleurs à la recherche d'une vie meilleure. La Conférence sera saisie du rapport que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a consacré à divers instruments de l'OIT dans ce domaine. De nouvelles initiatives pourraient être adoptées à l'occasion du suivi quinquennal des réunions de Copenhague, du Caire et de Beijing.

Les intermédiaires

L'Organisation doit procéder à une évaluation systématique du rôle des intermédiaires dans les migrations. Les entrepreneurs de main-d'œuvre et autres agents jouent un rôle de plus en plus important; certaines agences sont exemplaires, mais d'autres travaillent frauduleusement, exploitent la main-d'œuvre ou participent à la traite internationale des femmes. Il est temps de réaliser une vaste étude sur les entrepreneurs de main-d'œuvre et les agences tant officielles qu'officieuses de façon à identifier les meilleures pratiques et les réglementations les plus efficaces, et à procéder ainsi à une harmonisation internationale.

Avantages du dialogue social

L'OIT est une enceinte où ses mandants parviennent à des accords unanimes. Sa structure tripartite reflète la conviction que les meilleures solutions découlent du dialogue social sous ses diverses formes et à ses différents niveaux, depuis les consultations et la coopération tripartites nationales jusqu'à la négociation collective au niveau de l'entreprise. En engageant le dialogue, les partenaires sociaux renforcent également le processus démocratique et édifient des institutions du marché du travail solides et adaptables qui contribuent à l'instauration de la stabilité et de la paix sociales et économiques à long terme.

Conditions préalables d'un dialogue fécond

Le dialogue social est un instrument puissant qui a aidé à résoudre nombre de problèmes ardus et à favoriser la cohésion sociale. Or, il ne va pas toujours de soi. Développer des réflexes de consultation et de négociation demande du temps et de la constance. Il faut aussi que les partenaires sociaux aient la capacité et le désir de participer de façon responsable à ce processus, et qu'ils soient suffisamment forts et flexibles pour s'adapter aux conditions contemporaines et exploiter les nouvelles possibilités qui s'offrent.

Liberté syndicale et négociation collective

L'Etat a un rôle important à jouer en préconisant et en favorisant toutes les formes de dialogue social. Il doit instaurer un climat favorable permettant d'encourager la participation des employeurs, des travailleurs et d'autres groupes dont la contribution est indispensable. Encore faut-il que la liberté syndicale et la négociation collective soient respectées.

Les obstacles au dialogue

Bien que son utilité soit reconnue, on ne peut pas dire que l'on ait toujours pleinement recours au dialogue social. Dans certains pays, la liberté syndicale est encore limitée; dans beaucoup d'autres, le champ d'action de la négociation collective a été restreint ces dernières années. L'affiliation syndicale décline dans de nombreux pays. Dans certaines entreprises anciennes, les pratiques hiérarchiques en matière de personnel risquent de provoquer le mécontentement et le départ des travailleurs, et d'aboutir à l'instauration d'une culture d'entreprise caractérisée par des affrontements chroniques, ce qui, à la longue, est néfaste à la fois pour l'entreprise et pour les travailleurs.

Relâchement des liens sociaux

Indépendamment des problèmes bien connus, le dialogue social a été défavorisé par un certain nombre de faits nouveaux qui font que l'on a tendance à favoriser l'action individuelle au détriment de l'action collective. Des formes d'emplois plus complexes et plus flexibles ont ainsi entraîné le relâchement de beaucoup de liens sociaux et ont creusé l'écart entre les travailleurs qualifiés et les travailleurs non qualifiés, entre le secteur structuré et l'économie parallèle, entre les jeunes et les travailleurs âgés, entre les hommes et les femmes. S'ajoutant aux taux élevés de chômage, ces écarts grandissant ont affaibli la solidarité qui soutenait antérieurement le dialogue social.

L'évolution des relations professionnelles

Parallèlement, de nombreuses entreprises ont subi des modifications de structures, démantelant l'édifice hiérarchique qui soutenait traditionnellement le système de relations professionnelles et laissant de côté la négociation collective. En outre, dans de nombreux pays, la négociation collective – lorsqu'elle existe – est devenue plus décentralisée.

Nouveaux acteurs de la société civile

Un autre fait nouveau important ayant des répercussions sur les partenaires sociaux est l'apparition de groupes nouveaux dans la société. Dans la perspective de l'OIT, deux groupes présentent un intérêt particulier, indépendamment de ses propres mandants. Le premier comprend des personnes se situant à la périphérie des systèmes officiels d'emploi. Il s'agit de micro-chefs d'entreprise indépendants du secteur non structuré qui sont en passe de devenir des employeurs, et également d'anciens salariés licenciés, par exemple, ou d'associations de travailleurs à domicile qui commencent à se constituer en syndicats. A mesure que les activités de ces groupes se développent et se structurent, ces personnes pourraient être conduites tout naturellement à entrer dans le cercle des employeurs ou dans le camp des syndicats.

Les organisations non gouvernementales

Le second groupe est constitué par la myriade d'ONG qui se sont développées au nord comme au sud pour traiter de problèmes allant du réchauffement de l'atmosphère au travail des enfants, en passant par les systèmes locaux d'adduction d'eau. La croissance et le dynamisme des ONG sont des caractéristiques de notre époque. Elles constituent une contrepartie importante des programmes de coopération internationale. Les ONG ont été à l'origine de bien des initiatives bénévoles dans le domaine de la culture d'entreprise et du bien-être des travailleurs, par exemple les codes de conduite et le label social. Les ONG les plus connues sont solides, flexibles et imaginatives. Elles ont cependant leurs défauts: leur action peut être sporadique, leur représentation incertaine, leur durée de vie limitée et leur financement irrégulier. L'OIT doit trouver des moyens permettant à ses mandants de travailler de façon plus efficace, en partenariat, avec ces groupes, de façon à poursuivre des objectifs communs. Des liens plus étroits avec la société civile, lorsqu'ils sont bien définis, peuvent conduire au renforcement de l'OIT et de ses mandants.

L'évolution du marché du travail ne va pas sans entraîner d'importantes répercussions sur les associations d'employeurs, encore que leur capacité de réaction aux mutations nécessaires varie considérablement.

Nécessité de comprendre le nouveau contexte

Un important défi a été lancé aux associations d'employeurs lorsqu'il s'est agi pour elles d'aider leurs membres à mieux comprendre le nouveau climat des affaires et à répondre aux nouvelles demandes portant sur une gamme de plus en plus étendue de services. Tout en préconisant et en faisant connaître les bonnes méthodes d'exploitation des ressources humaines et de relations professionnelles, ces associations ont partagé des préoccupations communes quant à la restructuration et ont aidé les entreprises à améliorer leur image de marque et à contribuer à la mise en place de réseaux professionnels.

La décentralisation

Le degré de décentralisation mesure le rôle des organisations d'employeurs. Lorsque la négociation est conduite au niveau sectoriel ou central, les associations centrales d'employeurs demeurent fortes, mais lorsque la négociation se déroule plutôt au niveau de l'entreprise, elle tend alors à se décentraliser. Avec le déclin général de la négociation collective, l'influence des associations d'employeurs s'est affaiblie dans ces domaines. Elles doivent en outre affronter la concurrence de plus en plus vive de cabinets de consultants privés et d'autres associations offrant des services analogues.

Les organisations d'employeurs rencontrent des problèmes particuliers dans les pays en développement où le secteur privé moderne est peu développé ou diffus. Elles ont eu encore plus de mal à se développer dans les pays en transition où elles se heurtent fréquemment à des obstacles juridiques, culturels et économiques.

Elargissement de l'action et de l'engagement des organisations d'employeurs

Aussi, les organisations d'employeurs sont-elles résolues à élargir leur action et à s'engager davantage. Elles développent actuellement leur capacité de contribuer à l'élaboration des politiques économiques touchant des problèmes tels que la sécurité sociale, l'éducation, le commerce et l'environnement. Elles élargissent également la gamme des services qu'elles fournissent à leurs membres en ce qui concerne le renforcement de la compétitivité et l'augmentation de la productivité, les techniques de l'information, la formation et les services consultatifs. Par ailleurs, elles accordent une attention croissante aux PME tout en s'efforçant d'atteindre également les grandes entreprises. Il est un domaine qui se prêterait parfaitement à leur action, c'est le développement des services consultatifs concernant les problèmes liés à la réorganisation des entreprises et à la responsabilité sociale. Des groupes communautaires et de consommateurs exercent actuellement de fortes pressions sur de nombreuses entreprises pour qu'elles manifestent leur sens des responsabilités sociales. Il en résulte que les organisations d'employeurs ont ainsi la possibilité de conseiller leurs affiliés et de les aider à collaborer avec la communauté internationale dans ces domaines.

L'assistance de l'OIT aux organisations d'employeurs

L'OIT intensifiera ses activités de renforcement des entreprises et d'assistance aux organisations d'employeurs. L'Organisation a effectué un travail de recherche sur toute une gamme de thèmes intéressant les entreprises. Elle a également proposé d'aider directement les organisations d'employeurs à définir leurs objectifs de développement et à établir des plans d'action en conséquence. En ce qui concerne l'avenir, il sera tout particulièrement opportun d'aider les organisations d'employeurs à soutenir les politiques d'emploi favorisant les PME, qui sont l'élément moteur de la croissance dans le monde entier. Les codes de conduite constituent un autre domaine de travail pour les futures activités.

Les défis de la mondialisation

En ce qui concerne les organisations de travailleurs, les défis lancés par l'économie mondiale sont tout aussi complexes, sinon plus. Ici encore, les problèmes se posent de façon très différente d'un pays à l'autre. Dans maints pays industriels, par exemple, les syndicats ont été affaiblis par l'essor de la négociation à l'échelon de l'entreprise, et il est désormais plus difficile pour les syndicats d'affermir une solidarité nationale; de plus, ils ont pâti du développement du secteur des services qu'ils ont plus de mal à organiser. Dans les économies en transition, les syndicats luttent pour définir leur nouveau rôle; antérieurement, ils servaient en grande partie d'intermédiaires au gouvernement et ils ont abandonné cette fonction sans véritablement trouver d'activités de remplacement. Dans les pays en développement, où le secteur structuré est en général peu développé, les syndicats peuvent exercer une influence politique hors de proportion avec le nombre de leurs affiliés. En outre, dans le monde entier, un nombre curieusement élevé de pays imposent encore des restrictions législatives paralysantes aux syndicats, qu'il s'agisse de leur organisation ou de la négociation collective. Un peu partout, les syndicats doivent affronter les conséquences de la mondialisation et de la concurrence internationale. C'est ainsi que les syndicats participent de plus en plus à des négociations qui portent non seulement sur les salaires et la protection, mais également sur la compétitivité et la productivité. Il leur faut, dans ces conditions, acquérir les connaissances et les facultés analytiques nécessaires. En outre, les organisations de travailleurs doivent désormais être capables de procéder à des analyses macroéconomiques de façon à pouvoir défendre plus efficacement les intérêts de leurs membres. Etant donné que de nombreuses décisions d'entreprise sont maintenant adoptées à l'échelon mondial, les syndicats établissent également des réseaux intersectoriels et internationaux.

Nouveaux services et activités des syndicats

Les syndicats doivent continuer à diversifier leurs activités internes et externes. Sur le plan interne, ils attirent davantage de travailleurs en leur proposant une nouvelle gamme de services telle que des conseils juridiques et financiers, ou une aide au perfectionnement professionnel. Sur le plan externe, ils renforcent leur position en s'efforçant de conclure de nouvelles alliances au sein de la société civile – avec des groupes de protection de l'environnement, par exemple ou avec des associations féminines ou des associations communautaires. En faisant cause commune avec de tels groupes, de nombreux syndicats ont été en mesure de rallier un vaste appui public sur de graves problèmes d'emploi, tels que le sort des travailleurs les moins rémunérés.

La position des ministres du Travail

Les gouvernements, tout comme les organisations d'employeurs et de travailleurs se trouvent devant un monde du travail nouveau. Traditionnellement, le partenaire gouvernemental de l'OIT était le ministère du Travail. Or, ici également, la situation s'est compliquée. Au fil des ans, les compétences des ministères responsables du travail se sont modifiées. De nombreux ministères du Travail n'assument plus que des responsabilités étroitement définies et, lorsque l'on aborde les grands problèmes économiques et sociaux, leur voix n'est guère entendue. En fait, de nombreux pays n'ont même plus de ministère du Travail; les questions d'emploi et de main-d'œuvre sont traitées par un service qui s'occupe de problèmes connexes, tels que la compétitivité, le développement des entreprises ou l'égalité entre les sexes. La politique gouvernementale exerce également une influence sur les travailleurs et les employeurs par l'intermédiaire d'autres ministères, en particulier ceux qui sont responsables des finances, de l'industrie ou de la planification.

Adoption de politiques du travail plus cohérentes et mieux intégrées

Dans ces conditions, l'OIT doit contribuer, avec divers partenaires gouvernementaux à encourager l'adoption de politiques de travail plus cohérentes et mieux intégrées. S'agissant des autorités responsables du travail, l'OIT doit les aider à utiliser à bon escient leurs ressources limitées, qu'il s'agisse d'encourager le dialogue social, de résoudre les différends du travail ou d'explorer de nouveaux modes d'organisation de l'inspection du travail.

Le rôle consultatif de l'OIT

L'Etat est aussi un gros employeur et il participe lui-même au dialogue social et aux relations professionnelles en consultant les organisations qui représentent son propre personnel et en négociant avec elles. Les périodes d'ajustement structurel et de transition ont soulevé maintes difficultés qui peuvent être résolues au mieux par la négociation et la consultation. L'OIT peut appuyer de tels efforts grâce à des services consultatifs équilibrés fournis aux administrations et aux syndicats du secteur public, en les aidant à mieux appliquer les techniques de négociation, à prévenir les différends et à les résoudre et en adoptant des structures de participation. De même, l'OIT peut continuer à suivre les efforts de privatisation de manière à déterminer les pratiques permettant de mieux faire intervenir le dialogue social.

Favoriser le dialogue social

Comment l'OIT peut-elle aider tous les partenaires sociaux, à savoir les organisations d'employeurs et de travailleurs et les gouvernements, à relever les défis du monde du travail nouveau? Les possibilités qui s'ouvrent dans ce domaine peuvent être classées en quatre grands groupes: tout d'abord préconiser efficacement le dialogue social; ensuite, renforcer les partenaires sociaux; troisièmement établir des alliances avec les groupes de la société civile; quatrièmement, faire connaître les exemples de réussite du dialogue social et de bonnes pratiques de relations professionnelles.

Préconiser le dialogue social. L'OIT devrait continuer à mettre l'accent sur la valeur des consultations tripartites et de la négociation collective, en aidant les employeurs et les travailleurs à comprendre qu'un climat favorable aux relations professionnelles est propice aux changements, aux innovations et à la compétitivité. De nombreuses décisions de caractère politique, qu'il s'agisse de la formation, des assurances sociales, des services assurés aux personnes dépendantes ou de la politique fiscale, ne peuvent être prises efficacement qu'à un niveau se situant au-dessus de celui de l'entreprise, et les consultations tripartites joueront ici un rôle majeur. L'évolution du marché du travail, y compris la restructuration des entreprises, crée de nouveaux espaces pour le dialogue social et les relations professionnelles.

Programme focal sur le renforcement des partenaires sociaux

Pour qu'un dialogue social fructueux s'instaure, il faut que les partenaires sociaux soient suffisamment forts. Il importe par-dessus tout de renforcer la capacité des partenaires sociaux, de les aider à recruter de nouveaux membres et de nouveaux alliés, et de favoriser des formes dynamiques de dialogue social. Un programme focal sera réalisé pour renforcer les organisations d'employeurs, les organisations de travailleurs et les autorités gouvernementales, responsables du travail (encadré 2.10). Ce programme fera également une grande place à l'égalité entre les sexes.
 

    Encadré 2.10
    InFocus – Renforcer les partenaires sociaux

Pour que le tripartisme et le dialogue social puissent être utilisés plus efficacement à tous les niveaux, il faut renforcer les partenaires sociaux. A cette fin, le programme focal comportera trois volets:

  • Renforcement de la représentation . Il s'agira d'aider les organisations de travailleurs et d'employeurs à trouver de nouveaux affiliés, notamment parmi les femmes et les jeunes, en utilisant le potentiel des techniques de communication. Il s'agira également de faire connaître aux syndicats les meilleures techniques d'organisation et, en ce qui concerne les employeurs, de développer les relations avec les protagonistes de la création d'emplois, à savoir les PME et les grandes entreprises.
  • Renforcement des capacités et des services . Le but est ici d'améliorer la qualité et la portée des services proposés aux membres. Il s'agira notamment d'aider les organisations à mettre au point une administration interne efficace et à désigner des responsables qualifiés et ouverts aux changements qui soient capables d'assurer des services novateurs et de forger des alliances nouvelles. L'accent sera mis sur l'égalité entre les sexes. Le programme renforcera également la capacité des partenaires sociaux de participer efficacement à des discussions sur la politique économique et sociale aux niveaux national et international.
  • Renforcement des institutions communes de gestion . Le programme identifiera les contacts essentiels qui, au sein du gouvernement, s'occupent des questions sociales et des questions connexes, et il contribuera à créer et à développer des réseaux administratifs qui seront également reliés aux organisations d'employeurs et de travailleurs. Le programme s'efforcera également de forger des liens plus solides entre les responsables politiques et les représentants des travailleurs et des employeurs au niveau régional et à l'échelon international. Il mettra également l'accent sur l'importance de l'édification d'institutions bipartites et tripartites vigoureuses. A cet effet, il fera connaître les réussites obtenues en matière de prévention et de solution des différends, et les nouvelles solutions appliquées à la négociation au niveau de l'entreprise et au niveau sectoriel. Il fera également connaître les organismes ou pactes économiques et sociaux ayant contribué de diverses manières à la paix sociale et à la croissance économique. Le programme essaiera de souligner les paramètres politiques clés ayant permis le lancement de ces initiatives et le renforcement des partenaires sociaux.

Les liens avec la société civile

Forger des liens avec la société civile. Collaborer avec la société civile n'implique pas que l'OIT doive modifier sa structure ou s'éloigner de ses mandants traditionnels. Il s'agit simplement de reconnaître le potentiel de la société civile comme base d'alliances en vue d'atteindre des objectifs communs. En tirant parti d'un tel potentiel, on peut également sensibiliser toutes les parties intéressées aux préoccupations touchant l'égalité entre les sexes. Dans un monde où prolifèrent les organisations non gouvernementales, cela ne pourrait que renforcer les partenaires sociaux et la position de l'OIT. Parmi les différentes manières de procéder, l'une des plus efficaces consisterait à établir des liens avec des groupes féminins, ce qui permettrait aux partenaires sociaux de déceler, parmi les femmes, de nouvelles personnalités ayant vocation à assumer des responsabilités.

Mettre à profit le dialogue social à des fins traditionnelles et pour atteindre de nouveaux objectifs

Faire connaître les exemples de dialogue social réussi. L'OIT devrait faire connaître les résultats positifs du dialogue social dans les activités traditionnelles et pour la réalisation d'objectifs nouveaux (encadré 2.11). C'est ainsi que la négociation collective n'est plus exclusivement consacrée aux questions salariales et qu'elle assume d'autres fonctions, telles que la négociation de la nouvelle organisation du travail, par exemple, et qu'elle aborde même des questions plus sensibles, telles que les compressions de personnel. Il ressort des informations réunies dans le monde entier que la présence de syndicats peut en fait faciliter l'adoption de nouvelles techniques de gestion des ressources humaines. Or, le dialogue social s'est révélé utile dans bien d'autres domaines. L'une de ses applications classiques est l'obtention d'un large accord sur des modifications législatives. La formation professionnelle est un autre domaine où des partenariats impliquant les entreprises, les pourvoyeurs publics et privés de formation et les syndicats peuvent être établis tout naturellement. Le dialogue social est aussi très utile dans le domaine de la création d'emplois au niveau national et régional. Les recherches entreprises par l'OIT sur les politiques de l'emploi de l'Autriche, du Danemark, de l'Irlande et des Pays-Bas ont révélé que les politiques fructueuses d'emploi et du marché du travail appliquées dans ces pays avaient fait l'objet d'arrangements institutionnels de promotion du dialogue social. L'OIT devrait suivre de près de tels exemples et établir une vaste base de données spécialisée qui serait mise à la disposition des partenaires sociaux dans le monde entier.
 

    Encadré 2.11
    Mettre en lumière les résultats positifs du dialogue social

Afrique du Sud . Le Conseil national de développement économique et social a contribué, grâce à sa structure «tripartite plus», à rallier une unanimité autour des changements de politique et des modifications législatives portant sur toute une gamme de questions.

Afrique de l'Ouest . Avec le soutien du projet de coopération technique de l'OIT financé par la Belgique, les cinq pays qui composent l'Entente (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Niger et Togo) ont ranimé le dialogue social comme moyen de résoudre les problèmes économiques et sociaux.

El Salvador . Le dialogue social a largement contribué à l'instauration du processus de paix et de progrès.

République de Corée . Les consultations tripartites ont aidé à amortir certains des chocs dus à la crise économique.

Etats-Unis . A New York, un accord impliquant les fabricants, les syndicats et les autorités locales vise à améliorer les conditions de travail des travailleurs du textile, tout en encourageant les investissements et le progrès des petites unités manufacturières.

Indonésie . Depuis juin 1998, d'importantes consultations tripartites ont permis de procéder à une réforme de la législation nationale du travail, conformément aux normes de l'OIT.

Irlande . Des pactes «tripartites plus» ont contribué à l'instauration d'un climat favorable aux relations professionnelles, à une croissance économique saine et à la réduction du chômage.

Italie . Le dialogue social a joué un rôle important dans les initiatives de création d'emplois en Italie du Nord. Chacun des partenaires sociaux a un rôle à jouer en attirant les investissements dans la région de façon à créer des emplois décents dans les entreprises utilisant des technologies de pointe.

L'intégration régionale et le dialogue social

L'OIT est elle-même une tribune pour le dialogue social. On a constaté que les accords régionaux d'intégration économique et commerciale avaient de plus en plus tendance à inclure, sous diverses formes, les préoccupations sociales.

L'Union européenne est allée plus loin dans cette voie en donnant aux partenaires sociaux la possibilité de négocier, au niveau européen, des solutions qui puissent être automatiquement transformées en directives communautaires, en ce qui concerne par exemple le congé parental et le travail à temps partiel.

Les pays d'Afrique, des Amériques et d'Asie ne sont pas aussi étroitement liés sur le plan économique, mais les questions de travail jouent un rôle important dans l'intégration régionale. C'est ainsi que la Coopération pour le développement de l'Afrique australe dispose d'un organisme permanent, s'occupant des questions de travail, qui a négocié un code de conduite à propos du SIDA et du lieu de travail. La Coopération économique Asie-Pacifique, qui a adopté une approche consensuelle et non obligatoire, dispose d'un groupe de travail chargé de la mise en valeur des ressources humaines. En Amérique latine, un accord sur les aspects sociaux de l'intégration régionale (encadré 2.12) a récemment été conclu dans le cadre du MERCOSUR.

L'OIT pourrait apporter une importante contribution à cette évolution. La vaste expérience qu'elle possède dans ce domaine en fait une source naturelle d'informations, de conseils et de services de coopération technique.
 

    Encadré 2.12
    Les problèmes de travail dans le MERCOSUR

Les partenaires sociaux ont fait en sorte que les problèmes sociaux et les problèmes de travail fassent partie intégrante du pacte d'intégration économique MERCOSUR. Les membres en sont l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay; la Bolivie et le Chili sont membres associés.

La Déclaration MERCOSUR sur les affaires sociales et le travail, signée en décembre 1998, engage les Etats Membres à promouvoir le dialogue social à l'échelon national et régional grâce à la mise en place de mécanismes permanents et efficaces de consultation avec les représentants des employeurs et des travailleurs, afin de promouvoir une croissance économique durable et la justice sociale dans la sous-région. Une commission tripartite des affaires sociales et du travail a été créée pour passer en revue les données sur l'application de la Déclaration et faire rapport au Groupe du marché commun.

L'accord réaffirme les droits et principes fondamentaux au travail applicables dans toute la zone d'intégration économique et prend des engagements relatifs à la promotion de l'emploi, à la protection des chômeurs, à la formation, à l'information sur le marché du travail, à la sécurité et à la santé des travailleurs, à l'inspection du travail, à la sécurité sociale et à la non-application de la Déclaration MERCOSUR à d'autres fins.

Lorsque le MERCOSUR a été lancé au début des années quatre-vingt-dix, un projet de coopération technique de l'OIT parrainé par l'Espagne (RELASUR) a répondu aux demandes des partenaires sociaux visant le renforcement du dialogue social à l'échelon national et régional. Plus récemment, l'OIT a participé aux travaux du sous-groupe n o 10 du MERCOSUR, groupe de travail technique et tripartite chargé des questions de travail, d'emploi et de sécurité sociale. Parallèlement, des efforts ont été déployés pour assurer l'information et les consultations entre les pays contractants, et, dans certains cas, pour mener à bien des négociations collectives internationales sur l'emploi.


   

Le chapitre précédent situait les programmes de l'OIT dans une perspective technique. Il faut maintenant les envisager sous l'angle des besoins régionaux. Ces deux perspectives devront être intégrées à l'avenir pour que l'OIT conserve son statut de référence internationale.

Problèmes structurels de croissance et de développement

Le présent chapitre traite des aspects régionaux du travail de l'OIT et en particulier des orientations futures en matière de coopération technique. Les priorités exposées au chapitre 2 reflètent le défi essentiel qui est lancé à l'Organisation pour les années à venir: aider ses mandants à optimiser les effets de la mondialisation dans le domaine du travail en tirant parti des possibilités qu'elle offre et en atténuant ses effets négatifs. Certes, de nombreuses questions essentielles de politique sociale sont indépendantes de la mondialisation; il s'agit de problèmes structurels de croissance et de développement. Toutefois, les mesures à prendre pour éliminer les inégalités et incertitudes anciennes, dans les pays les plus pauvres, comme dans les pays industriels riches, doivent tenir compte des crises récurrentes de l'ajustement dans les économies hautement interdépendantes du monde d'aujourd'hui.

Diversité régionale

Si la mondialisation comporte un certain nombre de thèmes et de défis communs à tous les pays, ses effets n'en varient pas moins d'une région à l'autre. Les problèmes du développement et de l'ajustement sont enracinés dans des contextes historiques, culturels, économiques et sociaux fort divers. L'OIT doit tenir compte de ces réalités multiples et en tirer des enseignements. Il n'existe pas de modèle unique ni de pratique universelle, mais seulement des expériences comparées et de bonnes pratiques. Lors de la conception et de la mise en œuvre de ses services, l'OIT doit faire preuve de flexibilité et de compréhension, compte tenu des diversités régionales.

Activités futures de coopération technique de l'OIT

La coopération technique a un rôle clé à jouer à cet égard. Les futures activités de coopération technique de l'OIT s'inspireront étroitement des priorités et objectifs stratégiques de l'Organisation et elles répondront aux besoins nationaux. Des programmes bien ciblés, fondés sur une analyse pertinente et sur l'expérience technique, devraient permettre à l'Organisation d'obtenir des fonds provenant de sources multiples. Toutefois, en dernière analyse, les activités de coopération technique de l'OIT devront s'appuyer sur des partenariats globaux reposant sur des alliances conclues au sein de l'ensemble de la communauté internationale.

Régionalisation

Bien que la mondialisation implique une réorganisation universelle sur un plan global, il faut observer que, dans la pratique, l'intégration s'est surtout faite à l'échelon régional. En fait, même si la mondialisation lui a conféré un élan nouveau, la régionalisation est déjà ancienne et elle a revêtu maintes formes. En Asie de l'Est et du Sud-Est, par exemple, des entreprises se sont réunies pour constituer des réseaux de production à l'échelon régional; dans le monde entier, de nombreux Etats se sont associés pour coopérer dans différents domaines, notamment dans celui des échanges. Quelle qu'ait été la procédure adoptée, elle s'est toujours traduite par une intensification des échanges intrarégionaux non seulement de biens et de capitaux, mais également de personnes, lorsque des travailleurs migrants se rendent dans des pays voisins à la recherche d'un meilleur emploi.

Impact social de l'intégration régionale

On peut concevoir l'intégration régionale comme une tentative pour faciliter et gérer ces échanges dans l'intérêt d'économies plus compétitives. Or l'intégration a également des effets majeurs sur les marchés du travail dans la mesure où elle influe sur l'emploi, les salaires, les conditions de travail et les relations professionnelles. En conséquence, le sort de millions de personnes est déterminé non seulement par la politique de leur propre gouvernement ou par les répercussions de la mondialisation, mais également par les choix des populations voisines. D'ailleurs, tout succès national en matière de développement est de plus en plus déterminé par la vigueur et la densité des liens régionaux dans le domaine économique, politique ou culturel.

Apparition de nouvelles institutions à différents niveaux

Pour aborder les divers problèmes soulevés par la régionalisation – ajustement, coordination, réglementation, sécurité, etc. –, les gouvernements mettent en place de nombreuses organisations nouvelles. Ce fait est particulièrement perceptible dans certaines régions comme l'Union européenne. Mais ce n'est pas tout car, dans le monde entier, de nouvelles institutions se créent au-dessus ou au-dessous des pouvoirs politiques nationaux. En Amérique centrale et dans les Caraïbes, par exemple, des entités sous-régionales assument désormais des fonctions autrefois dévolues aux Etats. Quant aux triangles de croissance d'Asie et aux microrégions européennes, ce sont d'autres exemples d'infrastructures institutionnelles et de cadres politiques nouveaux.

Le nécessaire renforcement des capacités régionales de l'OIT

Il faut que l'OIT s'adapte à cette nouvelle réalité. Ces dernières années, l'Organisation a eu tendance à se polariser, soit au niveau mondial, où elle fixe ses priorités, ses politiques et ses normes, soit au niveau national qui est le niveau auquel elle fournit ses services. Concrètement, la dimension régionale n'a souvent joué qu'un rôle relativement faible, sur le fond plutôt que sur le plan de l'organisation, bien que ce soit fréquemment à ce niveau que soit abordée collectivement la dimension sociale de la mondialisation. L'OIT doit renforcer sa capacité d'analyser des tendances régionales, d'élaborer des politiques et de répondre rapidement aux défis régionaux touchant l'ajustement et le développement.

Renforcement des liens avec les institutions régionales

L'OIT doit également renforcer ses liens avec les institutions régionales, y compris les banques de développement, les commissions régionales des Nations Unies, des organisations telles que l'Union européenne et d'autres entités régionales et sous-régionales. Le plan d'action pour la promotion de la Déclaration de Viña del Mar, adopté lors de la onzième Conférence interaméricaine des ministres du Travail, en octobre dernier, illustre bien la manière dont les résolutions prises à l'échelon régional réagissent sur les activités de l'OIT et fournissent d'utiles orientations.

Adaptation régionale des objectifs stratégiques et des priorités opérationnelles

Les objectifs stratégiques et les priorités opérationnelles exposés au chapitre 2 seront donc centrés sur les régions. En fait, ils ont été déterminés à la suite de consultations avec les mandants de l'OIT dans chaque région. Certaines de leurs préoccupations majeures sont décrites ci-dessous. Elles ont trait essentiellement aux problèmes de développement et d'ajustement des économies en développement et en transition. Avant de les exposer, deux points importants doivent être soulignés.

Importance fondamentale de l'égalité entre les sexes

Tout d'abord, le problème de l'égalité entre les sexes devra être abordé dans toutes les régions. L'OIT doit remplir son mandat qui est d'ouvrir des perspectives concrètes à cet égard. Dans toutes les régions du monde se fait jour une exigence non satisfaite d'égalité entre les sexes, de création d'un environnement favorable à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses. La quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995), par exemple, s'est déroulée après des consultations régionales approfondies (encadré 3.1).
 

    Encadré 3.1
    La demande globale d'une plus grande égalité entre les sexes

Lors de la préparation de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, des réunions régionales ont adopté des déclarations d'intention. Voici quelques-unes des plus marquantes.

Plate-forme d'action africaine (Dakar, 1994)

Garantir le droit de toutes les femmes d'acheter, de vendre, de posséder, d'hériter et d'administrer des biens, et le droit absolu au travail.

Réformer le système judiciaire pour qu'il soit davantage sensibilisé aux questions d'égalité entre les sexes et établir et/ou renforcer des institutions de soutien et d'assistance permettant aux femmes de jouir de leurs droits.

Plan d'action arabe pour la promotion de la femme d'ici à l'an 2005 (Amman, 1994)

Une législation devrait être adoptée et appliquée de façon à garantir l'égalité de chances aux femmes pour l'obtention d'un emploi, le recrutement, l'emploi, la rémunération, la promotion et le perfectionnement. L'accent devrait être mis sur la nécessité d'une protection des femmes sur le plan de l'assurance et de la sécurité sociale. Des instruments législatifs devraient être promulgués pour garantir le droit des femmes à des recours juridiques en cas de discrimination sexuelle ou sociale à leur encontre. Des mesures de suivi devraient être prises en ce qui concerne les instruments nécessaires de contrôle et d'application de la législation par le secteur privé.

Des lois et des arrêtés devraient être adoptés pour garantir des plans de carrière officiels fondés sur des conditions de travail flexibles de façon à permettre aux hommes ainsi qu'aux femmes, en fonction de leur situation personnelle et familiale, de travailler selon des régimes flexibles. Il s'agira par exemple de travail à temps partiel garantissant aux intéressés, et notamment aux femmes, le droit de reprendre leur emploi après des interruptions pour cause de responsabilités familiales.

Des lois devraient être adoptées pour garantir aux femmes un congé payé leur permettant de s'acquitter de leurs responsabilités. Les coûts afférents ne devraient être supportés que par l'employeur.

Déclaration de Jakarta pour la promotion de la femme en Asie et dans le Pacifique (1994)

Formuler une proposition de convention de l'OIT sur la protection des droits des travailleurs à domicile.

Toute une gamme de moyens devraient être utilisés pour sensibiliser aux droits des femmes et à l'importance de leur pleine et égale participation au gouvernement, à l'administration, à l'action législative, aux activités syndicales et aux activités des employeurs et des groupes communautaires.

Les gouvernements devraient adopter, le cas échéant, des politiques, des pratiques et une législation en vue d'éliminer le harcèlement sexuel sur les lieux de travail et de mettre en place des mécanismes permettant de considérer un tel comportement comme un délit.

Programme d'action régional – Les femmes dans un monde en mutation – Dispositions à prendre dans l'optique de la CEE (Vienne, 1994)

La législation et la réglementation relatives aux droits et à la protection des travailleurs peuvent exiger un réexamen et une modification – portant notamment sur les salaires, la durée du travail, les avantages sociaux et d'autres termes et conditions – de façon à garantir leur application appropriée aux travailleurs à temps partiel et autres travailleurs hors normes, et également pour faire en sorte que les femmes et les hommes puissent avoir droit aux mêmes prestations, notamment en ce qui concerne les femmes travaillant dans le secteur non structuré et dans les régions rurales.

Programme régional d'action en faveur des femmes d'Amérique latine et des Caraïbes, 1995-2000 (Mar del Plata, Argentine, 1994)

Promouvoir une législation qui garantisse des possibilités égales d'emploi aux femmes et aux hommes et qui comprenne des mesures de lutte contre la discrimination selon le sexe.

Promouvoir la promulgation d'une législation de rattrapage propre à accélérer le processus d'égalisation entre les femmes et les hommes.

Promouvoir la reconnaissance du travail ménager comme une contribution économique dans la législation pertinente.

Etablir et renforcer des mécanismes garantissant le respect des conventions internationales et de tous les programmes d'action à l'échelon régional et national, afin de combler le fossé existant entre l'égalité de jure et l'égalité de facto et de garantir que les femmes, notamment celles qui sont les plus vulnérables, participent pleinement aux activités de tous les secteurs de la société.

L'OIT et les pays industriels

Deuxièmement, le travail régional de l'OIT doit impliquer tous ses Membres, y compris les pays industriels. L'ajustement à la mondialisation est en effet un défi qui est également lancé à ces pays. Ces dernières années, ces pays se sont de plus en plus orientés vers les services et la recherche, et leurs marchés du travail se sont fortement diversifiés, évolution qui a été marquée par l'essor du travail à temps partiel ou occasionnel, lequel a ouvert bien des perspectives professionnelles, notamment aux femmes qui souhaitent travailler. Toutefois, cette évolution n'a pas toujours été positive. Un certain nombre de pays présentent encore des niveaux de chômage excessifs qui, joints à une instabilité croissante du statut des travailleurs, exacerbent les problèmes de la pauvreté, de l'inégalité et de l'exclusion sociale, tout en imposant des efforts sévères aux systèmes de sécurité sociale.

L'expérience de l'OIT

L'OIT devrait être en mesure de participer à des études comparées des marchés du travail et de servir de forum international pour l'étude des politiques pertinentes. L'un des points forts de l'OIT est l'étendue de son expérience, laquelle couvre les pays industriels, les pays en transition et les économies en développement. A une époque d'interdépendance mondiale, cette expérience devrait être encore plus précieuse que jamais. Sur le plan pratique, les connaissances spécialisées de l'OIT dans le domaine de la politique sociale pourraient aider l'Union européenne et l'OCDE à faciliter l'adhésion de pays d'Europe centrale et d'Europe orientale. Les conseils de l'OIT devraient aider ces pays à apporter les modifications nécessaires à leurs politiques sociales et à leurs structures institutionnelles.

Situation sociale, économique et politique de l'Afrique

Cette région continue d'être la proie de conflits ethniques et de guerres civiles exacerbés par les échecs économiques. Deux décennies d'ajustement structurel n'ont pas permis de rompre véritablement ce cercle vicieux hélas familier. La pauvreté et l'inégalité engendrent des conflits sociaux et des violences, lesquelles mènent à leur tour à l'instabilité et à l'incertitude politiques, d'où de faibles investissements, une croissance lente et une aggravation de la pauvreté. Dans l'ensemble de la région, la situation économique demeure fragile. Les investissements privés demeurent, en proportion du PIB, au-dessous des niveaux des années soixante-dix. Quant à la situation sociale, elle est toujours critique: les deux tiers de la population vivent toujours dans des conditions de pauvreté absolue. Toutefois, plusieurs pays ont accompli des progrès significatifs dans la voie d'une plus grande participation sociale, d'une plus grande responsabilité publique de l'Etat et de politiques économiques supportables.

Nécessité d'accroître l'emploi et les revenus

Les mandants africains de l'OIT soulignent la nécessité de développer l'emploi et d'accroître les revenus. Le projet pilote sur «L'entreprenariat et le développement des petites entreprises en liaison avec les syndicats africains», conçu par l'Organisation de l'unité syndicale africaine, est un exemple restreint mais remarquable de potentiel de création d'emplois. Un tel programme exige une approche polyvalente: promotion de la formation professionnelle, développement des petites entreprises et accroissement de la productivité, renforcement de la sécurité économique et sociale, lutte contre le travail des enfants, et règlement des crises politiques et sociales aiguës. Toutes ces mesures sont pertinentes, et les programmes focaux exposés au chapitre 2 constituent des enveloppes d'action idéales. Ces mesures seront réunies pour former des programmes cohérents susceptibles d'attirer l'intérêt des donateurs internationaux.

Des emplois pour l'Afrique

En fait, le Bureau s'est déjà orienté dans cette direction avec son programme «Des emplois pour l'Afrique» dont la pleine mise en œuvre constituerait un pas important vers la satisfaction des besoins régionaux (encadré 3.2). Ce programme répond à maintes préoccupations régionales importantes. Son volet «Des emplois pour la paix», par exemple, est destiné à aider les pays qui sortent d'un conflit à relever le défi consistant à réintégrer les personnes victimes de la guerre, et l'accent qu'il place sur la politique de l'emploi répond à la nécessité régionale de faire figurer l'emploi parmi les objectifs des réformes économiques.
 

    Encadré 3.2
    Le programme de l'OIT «Des emplois pour l'Afrique»

En mars 1995, le Sommet mondial pour le développement social tenu à Copenhague a préconisé une croissance à fort coefficient d'emploi. A l'appui de la Déclaration de Copenhague, l'OIT exécute le Programme de création d'emplois et de réduction de la pauvreté en Afrique [Des emplois pour l'Afrique]. Ce programme représente également la contribution de l'OIT à l'Initiative spéciale des Nations Unies pour l'Afrique.

Le programme souligne l'importance de stratégies fondées sur des investissements et propose les réorientations nécessaires des programmes d'investissements publics et des priorités budgétaires nationales propres à créer des emplois et à réduire la pauvreté. Il préconise également la mise en place ou le renforcement d'équipes nationales de soutien pour promouvoir l'adoption et l'application de stratégies de croissance à fort coefficient d'emploi. Le programme a débuté dans dix pays cibles de l'Afrique au sud du Sahara, et il sera étendu à d'autres pays à mesure que les ressources supplémentaires seront disponibles.

Les réorientations politiques seront appuyées dans chaque pays par huit programmes d'action ciblés de la façon suivante: infrastructures à fort coefficient d'emploi; développement des PME; systèmes et politiques de formation; informations sur le marché du travail et surveillance de la pauvreté; l'emploi dans les coopératives; l'emploi pour la paix; l'égalité entre les sexes; le microfinancement. Le PNUD a déjà fourni un financement initial de 3,5 millions de dollars pour aborder la première phase, et l'OIT apporte une contribution importante en nature. Afin d'appliquer ce programme dans son ensemble, des fonds supplémentaires seront réunis en coopération avec d'autres organisations et avec des pays donateurs.

De nécessaires conseils politiques

En fait, les mandants de l'OIT en Afrique estiment que les piètres résultats économiques s'expliquent notamment par le manque de conseils avisés quant aux politiques à suivre. Maints pays ont suivi, fût-ce à regret, les recommandations des institutions de Bretton Woods et ont adopté tout un train de réformes. Ils ont libéralisé, déréglementé, privatisé et ont réduit le rôle de l'Etat. Toutefois, bien que reconnaissant que des réformes sont nécessaires, de nombreux mandants souhaitent maintenant recevoir des conseils sur des programmes de réformes qui soient axés non seulement sur le marché, mais également sur les problèmes sociaux, et qui tiennent davantage compte du contexte propre aux économies africaines.

Les problèmes de l'économie parallèle

En Afrique, il conviendrait de vouer une attention particulière aux problèmes que pose l'économie parallèle, laquelle emploie environ 60 pour cent de la main-d'œuvre urbaine dans la région. Bien que fournissant des emplois d'une importance vitale, l'économie souterraine pose des problèmes majeurs aux mandants de l'OIT. Les syndicats s'inquiètent des pratiques marginales qui, dans ce secteur, sapent la législation du travail et réduisent le niveau de l'emploi légal. Quant aux employeurs, la concurrence «déloyale» des producteurs de l'économie parallèle les préoccupe également. Les gouvernements souhaiteraient conserver les avantages que présente l'économie parallèle sur le plan de la croissance, mais en assurant une protection adéquate à la main-d'œuvre qui y est employée, en ce qui concerne par exemple les conditions de travail, la sécurité et la santé au travail et la sécurité sociale. Ce sont autant de questions que l'OIT examinera dans le cadre de ces programmes focaux, tout en tenant compte de la spécificité des marchés du travail africains.

La nécessité d'une stabilité politique, d'une bonne gouvernance et de la démocratie

Pour réaliser en Afrique une reprise durable et assurer la croissance de l'emploi, il faudra également instaurer la stabilité politique, une bonne gouvernance et la démocratie. L'Organisation de l'unité africaine et d'autres organisations régionales et internationales ont attribué un rang de priorité élevé à ces problèmes. Ces organisations s'adressent à l'OIT pour qu'elle contribue à la bonne gestion de l'économie et au développement en aidant à résoudre les différends du travail et autres conflits sociaux. L'OIT aura ainsi à intervenir dans différents domaines tels que l'administration du travail, les relations professionnelles, les consultations tripartites, la solution des différends, la législation du travail et les normes du travail. Le programme focal sur «Le renforcement des partenaires sociaux» présentera un intérêt tout particulier, car il aidera les partenaires sociaux à participer davantage à une bonne gestion démocratique.

Soutien à l'intégration régionale et sous-régionale

Autre point important, l'intégration régionale et sous-régionale, que les mandants africains considèrent comme une étape décisive vers une meilleure gestion et une croissance durable. L'OIT envisagera donc de regrouper ses diverses activités visant à soutenir l'intégration régionale de façon à leur conférer davantage d'efficacité et de transparence.

La situation économique en Amérique latine et dans les Caraïbes

Au cours de années quatre-vingt-dix, les pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont, semble-t-il, lancé leurs économies sur une voie ascendante. L'emploi augmentait, des femmes toujours plus nombreuses accédaient au marché du travail et des millions de personnes quittaient les régions rurales pour les villes. Toutefois, le chômage demeurait élevé, notamment parmi les femmes et les jeunes, et la plupart des nouveaux emplois, d'ailleurs de médiocre qualité, étaient concentrés dans le secteur tertiaire. L'économie parallèle a fourni huit nouveaux emplois sur dix en Amérique latine au cours des dix-sept dernières années. Les salaires étaient bas, l'inégalité prévalait et la pauvreté était générale. Or même ces quelques progrès réalisés au début des années quatre-vingt-dix furent menacés par la crise mexicaine de 1995 et, plus récemment, par la crise brésilienne.

Un nouvel ordre du jour pour l'emploi et la protection sociale

Si les pays de la région doivent soutenir leur compétitivité inter-nationale, il leur faut également créer davantage d'emplois et davantage d'emplois de meilleure qualité, et rétablir un niveau élevé de protection des travailleurs. Pour résoudre ces problèmes, tous les mandants doivent travailler ensemble à la réalisation de programmes propres à réduire l'instabilité de la main-d'œuvre et à accroître la protection sociale, tout en vouant davantage d'attention à la mise en valeur des ressources humaines comme source de croissance et de productivité.

Perfectionnement, développement des petites entreprises et réduction du chômage

L'OIT peut à cet égard jouer un rôle constructif. L'une de ses priorités est d'aider ses mandants à relever le niveau des qualifications professionnelles et à accroître les possibilités d'emploi grâce à des systèmes de formation ou de certification adaptés aux exigences du progrès technique. Une attention spéciale devrait être vouée aux petites entreprises qui peuvent contribuer notablement à la réduction du chômage des jeunes, et en particulier aux entreprises du secteur non structuré qui devraient être intégrées plus rapidement dans le processus de modernisation.

Sécurité, santé et environnement

La sécurité est un problème d'importance. Le programme focal sur la sécurité du travail intéresse tout particulièrement les pays qui s'industrialisent rapidement et dont les entreprises, notamment dans le secteur non structuré, risquent de négliger les questions de sécurité, de santé ou d'environnement.

Réforme des institutions du marché du travail et des systèmes de protection sociale

L'OIT devrait également aider ses mandants dans leurs efforts visant à réformer les institutions du marché du travail et leurs systèmes de protection sociale et de sécurité sociale afin qu'ils soient mieux adaptés aux nouvelles formes d'organisation du travail et aux exigences d'une économie ouverte. Ce sont des domaines dans lesquels les institutions financières internationales œuvrent déjà activement, mais les réformes rencontreront sans doute davantage de succès avec une pleine participation des partenaires sociaux, de l'OIT et d'autres organisations internationales et régionales.

Une collaboration plus étroite avec les nouveaux organismes régionaux

L'intégration régionale et sous-régionale est une tendance majeure qui s'est fait jour dans cette région, et l'OIT devrait poursuivre une collaboration étroite avec les nouveaux organismes régionaux. Une perspective régionale est déjà à l'ordre du jour des activités de l'OIT dans les Caraïbes. Pour ces pays, une pleine intégration dans les marchés internationaux des biens et de capitaux est d'ores et déjà un facteur d'importance cruciale. Les tendances de la mondialisation, la libéralisation des échanges et l'intégration économique ont des incidences économiques majeures et elles exercent une forte influence sur les résultats du marché du travail. L'objectif primordial de l'OIT devrait être d'aider ses mandants à mieux comprendre les défis qui leur sont lancés et à mettre au point des solutions appropriées en accordant davantage d'attention à la mise en valeur des ressources humaines, à la productivité, aux normes de qualité, à la sécurité et à la santé des travailleurs, et à des relations professionnelles harmonieuses. Ces priorités ont été définies par l'OIT en consultation avec les constituants tripartites du Secrétariat de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). La mise en œuvre des mesures impliquera une étroite collaboration avec les organes régionaux tels que le CARICOM et la Banque de développement des Caraïbes. Cette stratégie est conforme aux efforts des pays des Caraïbes visant à mettre au point des programmes régionaux de travail et des mécanismes de coordination, conformément au Programme d'action pour le développement durable des petits Etats en développement insulaires, programme examiné lors de la Réunion ministérielle des Caraïbes tenue à la Barbade en novembre 1997.

Le dialogue social comme instrument de la politique du travail

Des projets focaux spécifiques seront également nécessaires pour renforcer le tripartisme dans toute la région. Le dialogue social devrait être considéré comme un instrument de la politique du travail. Au sein des gouvernements, un ordre de priorité élevé devrait être accordé à la modernisation des ministères du Travail, de sorte qu'ils puissent jouer un rôle plus important de régulateurs de la politique du travail et collaborer plus étroitement avec d'autres organismes gouvernementaux, notamment les ministères des Finances. Ces objectifs ont été parfaitement définis lors de la onzième Conférence interaméricaine des ministres du Travail mentionnée plus haut.

Les organisations d'employeurs et de travailleurs

Les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent également se moderniser. L'évolution du secteur privé a permis de renforcer les organisa-tions d'employeurs tout en les soumettant à des exigences accrues touchant les innovations à apporter au nouveau contexte moderne de l'emploi. Or ces organisations ont besoin de conseils spécialisés sur les nouvelles pratiques de gestion propres à encourager la participation et la créativité des travailleurs comme moyens d'accroître la productivité et d'accéder à l'économie mondiale. Il faudrait également aider au développement des petites entreprises.

Les organisations de travailleurs ont toujours été la clé de voûte du progrès social et de l'essor démocratique dans la région. Toutefois, elles se heurtent encore à de graves problèmes. Dans certains pays, les syndicats ne jouissent pas de la plénitude de leurs droits et doivent faire face à des attitudes antisyndicales bien enracinées, ce qui compromet les perspectives de paix sociale, de développement et de justice sociale. Par ailleurs, dans bien des cas, les syndicats sont exclus des discussions sur la politique économique et sociale. De plus, leur statut a subi les effets de l'évolution du marché du travail et notamment de la croissance régulière de l'économie parallèle. Les organisations de travailleurs devront donc renforcer leur base dans des secteurs moins traditionnels tels que l'agriculture, les services et le secteur non structuré. Ils devront également accroître leur capacité technique de participation à un dialogue social fructueux.

Evaluer les besoins immédiats et renforcer les partenaires sociaux

Dans la région arabe, l'attention est centrée sur le processus de paix qui est en cours et qui a des implications pour l'OIT. L'Organisation ne pourra exercer une plus grande influence dans la région qu'en évaluant soigneu-sement ses besoins immédiats et en renforçant les partenaires sociaux, de sorte qu'ils soient mieux à même de faire face aux problèmes urgents de la région. Un élément important de ce processus consistera à renforcer la coopération entre les pays grâce à des activités régionales et sous-régionales.

L'évolution sociale, économique et politique

Les pays de la région traversent actuellement une période de changements sociaux, économiques et politiques. Les pays les plus pauvres sont ceux qui connaissent les taux les plus élevés de chômage et de sous-emploi ainsi qu'une diminution des mandats envoyés par la main-d'œuvre émigrée. Ces pays ont besoin de l'aide technique de l'OIT pour combattre la pauvreté et promouvoir l'emploi, notamment parmi les nouveaux diplômés, les jeunes et les immigrés de retour. Les programmes focaux devraient jouer un rôle particulièrement utile à cet égard, par exemple ceux qui portent sur la promotion des petites entreprises et la protection sociale, notamment en faveur des femmes. Confrontées à la diminution des revenus familiaux et à l'augmentation du coût de la vie, de nombreuses femmes doivent chercher du travail dans l'économie parallèle où elles souffrent de discrimination et d'un manque de protection.

La situation dans les pays du Golfe

Les pays du Golfe doivent faire face à une situation différente. Les fluctuations du prix du pétrole ont encouragé ces pays à diversifier leurs économies et ils sont également en voie de mieux utiliser leur main-d'œuvre, en raison du ralentissement du secteur du bâtiment qui attirait de nombreux travailleurs étrangers. Une meilleure utilisation de la main-d'œuvre et la diversification économique imposent des systèmes plus performants d'infor-mation sur le marché du travail et de formation professionnelle. Il faudra également renforcer les ministères du Travail en conférant aux responsables des qualifications plus approfondies en matière d'administration du travail et en renforçant l'autosuffisance institutionnelle.

La situation économique en Asie et dans le Pacifique

Depuis quelques décennies, un certain nombre de pays d'Asie sont parvenus à créer des emplois et à réduire la pauvreté. Toutefois, la crise récente a annulé nombre des progrès réalisés, notamment dans les pays de l'Asie de l'Est et du Sud-Est qui étaient plus exposés aux turbulences des marchés mondiaux. Ne serait-ce que dans les trois pays les plus touchés, à savoir l'Indonésie, la République de Corée et la Thaïlande, quelque 10 millions de travailleurs ont perdu leur emploi; quant aux personnes qui sont tombées au-dessous du seuil de pauvreté, leur nombre est encore plus élevé. D'autres pays, notamment ceux d'Asie du Sud dont l'économie est moins ouverte, ont été moins touchés mais connaissent néanmoins des taux élevés de chômage, de sous-emploi et de pauvreté.

Créer des emplois productifs et atténuer la pauvreté

L'Asie abrite presque les deux tiers de la population pauvre du monde; il n'est donc pas surprenant que l'OIT ait pour priorité absolue de créer des emplois productifs et d'atténuer la pauvreté dans cette région. Les mandants asiens souhaitent que les activités de coopération technique de l'OIT vouées à l'emploi prennent un nouveau départ et qu'elles soient notamment destinées à assister les populations rurales et urbaines pauvres. Les programmes focaux devraient permettre de promouvoir de nouvelles initiatives majeures dans ce domaine et de favoriser l'essor des petites entreprises et les projets d'entreprise à fort coefficient de main-d'œuvre, et d'utiliser à bon escient les possibilités du secteur non structuré. Le programme focal consacré aux qualifications répondra aux besoins en matière de mise en valeur des ressources humaines.

Renforcer la protection des travailleurs

La crise asienne a également mis en évidence la nécessité de disposer d'institutions plus fortes et de politiques plus efficaces pour la protection des travailleurs. Un développement et un ajustement durables et équitables dépendent non seulement de la politique économique et industrielle, mais également de la politique sociale. Les mandants de l'OIT attendent de celle-ci qu'elle leur apporte une assistance accrue dans ce domaine, en particulier pour renforcer les institutions du marché du travail. Cela implique une assistance générale dans le domaine des cadres de réglementation: il s'agira par exemple d'élaborer des textes de lois fondamentales régissant les marchés du travail et d'apporter une aide particulière axée sur les éléments techniques de la structure sociale, c'est-à-dire depuis l'administration du travail et la sécurité et la santé des travailleurs jusqu'à l'évaluation des coûts-avantages des régimes de sécurité sociale et d'assurance chômage. Maints pays vouent d'ores et déjà davantage d'attention à la sécurité sociale en général et reconnaissent que les marchés du travail fonctionnent mieux lorsqu'ils sont assistés par des institutions appropriées telles que des «bureaux de réemploi» ou lorsque des accords novateurs sont conclus entre les travailleurs et les employeurs.

Des institutions de promotion de la cohésion sociale

Depuis la crise asienne, de nombreux pays ont également mis l'accent sur l'importance des institutions capables de maintenir la cohésion sociale. En conséquence, on a assisté à un renforcement marqué du dialogue tripartite dans plusieurs pays, dans le but de résoudre les problèmes d'emploi et de relations professionnelles. Certes, il y a eu des échecs, mais il semble que la pratique des consultations se développe.

Les organisations d'employeurs

Ce processus sera étayé par le programme focal de renforcement des partenaires sociaux. Ce programme pourrait, par exemple, aider les organisations d'employeurs à fournir à leurs membres des informations sur les nouvelles conceptions qui se font jour dans le domaine de la gestion, qu'il s'agisse des relations professionnelles, de l'organisation du travail ou des systèmes de rémunération. Ce programme pourrait également permettre aux employeurs d'acquérir des connaissances plus approfondies dans des domaines plus vastes: les récents dialogues tripartites instaurés en Asie les ont par exemple amenés à se préoccuper de certains aspects de la finance internationale.

Les organisations de travailleurs

Les organisations de travailleurs doivent également être renforcées. Dans certains cas, elles ont encore à défendre les droits les plus élémentaires tels que la liberté syndicale. Dans maints pays, elles enregistrent aussi une certaine baisse du nombre d'adhérents. L'OIT devrait continuer à proposer des services de formation, de façon à améliorer les capacités des organisations professionnelles en matière de représentation, de négociation et de règlement des différends. Il est tout aussi important que l'Organisation continue de diffuser des informations sur le rôle de la représentation des salariés, en particulier auprès des organisations professionnelles et dans les pays qui s'adaptent aux principes de l'économie de marché. Les syndicats ont également besoin de l'aide de l'OIT pour se familiariser avec tout un ensemble de questions sociales et économiques.

Protection des groupes vulnérables

Enfin, une attention spéciale devrait être vouée à la protection des groupes vulnérables. Œuvrant de concert avec l'OIT, plusieurs pays de la région ont déjà réalisé d'importants progrès en ce qui concerne, par exemple, l'élimination du travail des enfants et ont porté ce problème à l'attention du public tout en essayant d'offrir aux enfants des solutions de rechange leur permettant d'échapper à la nécessité de travailler. Cette activité a été bénéfique pour l'image de marque de l'OIT et elle a mis en lumière les valeurs qu'elle défend et sa capacité de résoudre un problème particulièrement ardu. Le programme focal sur le travail des enfants devrait permettre à l'Organisation de redoubler d'efforts dans ce domaine.

La transition économique et politique en Europe centrale et orientale, et en Asie centrale

En Europe centrale et orientale et en Asie centrale, le passage d'une économie à planification centralisée à l'économie de marché, et de régimes totalitaires à des systèmes politiques plus démocratiques ne s'est pas fait sans difficulté. Toutefois, cette transition a été plus réussie dans certains pays que dans d'autres.

Aider les pays à satisfaire aux critères d'adhésion à l'UE

Quelques pays, qui ont pourtant gravement souffert des conséquences sociales de la transition, sont parvenus à réaliser d'importants progrès économiques. Certains ont adhéré à l'Union européenne (UE) et à l'OCDE. L'adhésion à l'Union européenne exigera toute une préparation dans un certain nombre de domaines liés à l'emploi et à la main-d'œuvre, et l'OIT devrait être en mesure de les aider à se rapprocher des normes régissant l'accès à l'Union européenne. Il faudra par exemple que les pays intéressés mettent au point des structures appropriées du marché du travail, se préparent à l'application des politiques de l'emploi coordonnées au sein de l'Union européenne et alignent leur législation dans le domaine du travail et de la sécurité et de la santé des travailleurs. Il leur faudra également favoriser un dialogue social plus actif, améliorer leurs systèmes de protection sociale et mieux appliquer les dispositions relatives à l'égalité de chances. Ainsi qu'on l'a mentionné plus haut, ce sera l'un des grands domaines où l'OIT collaborera à l'avenir et avec l'Union européenne et avec l'OCDE.

Aider à la reconstruction économique et à la stabilité sociale

Un autre groupe de pays a eu moins de succès. Les réformes économiques ont été lentes ou inefficaces et certains d'entre eux sont plongés dans les conflits politiques et ethniques, l'anarchie et la guerre. Les mandants de l'OIT dans ces pays accordent une importance prioritaire à la reconstruction économique et à la stabilité sociale. Pour aider ces pays, l'OIT devra accroître sa capacité de réaction rapide devant des crises imprévues et d'application de toute une gamme de programmes focaux afin que ces pays puissent instaurer une stabilité économique et sociale durable. Ces mandants comptent sur l'OIT et sur d'autres organisations internationales et régionales pour les aider à poser un «diagnostic social» sur la base duquel seront élaborés des recommandations concrètes et des programmes d'assistance.

Les «nouveaux pauvres»

L'un des problèmes les plus inquiétants qui se posent dans cette région est celui de la «nouvelle» pauvreté. Autrefois, la pauvreté déclarée était plus fréquente mais, à la suite de la transition, on observe une pauvreté et une inégalité déclarées et généralisées. Les salaires sont très bas, à supposer même qu'ils soient payés. Les pensions sont insuffisantes et beaucoup de personnes âgées figurent parmi les «nouveaux pauvres». Les pays de la CEI ont été particulièrement touchés, surtout à la suite de la crise financière récente survenue en Fédération de Russie.

Programme focal sur la sécurité économique et sociale

L'aggravation de la pauvreté a soumis les systèmes de sécurité sociale à des pressions de plus en plus fortes. C'est ici que le programme focal de l'OIT sur la sécurité économique et sociale au XXIe siècle devrait intervenir pour fournir des directives et des conseils pratiques. Les mandants de l'OIT comptent sur l'Organisation pour leur donner des informations sur les bonnes méthodes à suivre et sur les dispositions institutionnelles qui se sont révélées efficaces ailleurs dans le monde. L'expérience de l'OIT dans le domaine de la protection sociale offre des repères qui permettent de déterminer ce qui est socialement acceptable, réalisable et durable.

Renforcer les partenaires sociaux

Toutefois, il est bien évident que l'OIT pourrait jouer un rôle encore plus efficace dans la région si les partenaires sociaux étaient plus solides. Le tableau des relations professionnelles dans cette région est complexe et, à de nombreux égards, peu satisfaisant. Les consultations tripartites n'ont eu qu'un succès mitigé et les progrès de la négociation collective ont été lents. Certains pays ont obtenu de meilleurs résultats que d'autres, mais la plupart se heurtent à une foule de problèmes allant de l'insuffisance du cadre législatif à la faiblesse d'organisations de travailleurs et d'employeurs mal structurées et fragmentées. Parmi les partenaires sociaux, ce sont les syndicats qui sont le mieux organisés, même si certains d'entre eux portent encore les stigmates du passé. Les organisations d'employeurs sont relativement nouvelles et très hétérogènes. Elles ont besoin d'aide pour desservir des adhérents très divers, allant des entreprises d'Etat ou des grandes entreprises privatisées à une myriade de PME.

L'évolution des activités de coopération technique de l'OIT

La coopération technique, financée soit par le budget ordinaire soit par des sources extrabudgétaires, se traduit sur le plan pratique par les projets de développement de l'OIT. Toutefois, elle englobe de plus en plus diverses autres activités. Celles-ci comprennent des services consultatifs, des activités entreprises avec les partenaires nationaux pour renforcer leurs capacités et promouvoir le dialogue, et tout un ensemble d'études, de rapports et d'évaluations. L'approche suivie varie selon les situations. Dans certains cas, elle implique un processus d'apprentissage en commun dans le cadre duquel les conseillers et les homologues nationaux travaillent ensemble à la solution d'un problème donné. Dans d'autres cas, il s'agit de réunir et de partager des informations et des données d'expérience. Le Bureau a une longue expérience dans ce domaine. Historiquement, on peut distinguer quatre phases dans l'évolution des activités de coopération technique de l'OIT:

1919-1948: l'accent est mis sur l'activité normative, les relations professionnelles et la sécurité sociale

1948-1968: la phase opérationnelle

1969-1989: la coopération technique atteint son sommet

1989-1999: des projets aux services consultatifs et à l'édification d'institutions

Une réorientation majeure de la coopération technique internationale

Cette diminution est le reflet de l'évolution spectaculaire qui s'est produite au cours des dix dernières années dans le domaine de la coopération technique internationale. L'aide financière des pays riches aux pays pauvres est tombée au niveau le plus bas enregistré depuis plusieurs décennies, et ce précisément au moment où les moyens et possibilités d'utiliser efficacement l'aide extérieure s'étaient améliorés dans maints pays. La coopération technique a aussi revêtu des formes nouvelles. La conception traditionnelle selon laquelle des projets à grande échelle étaient réalisés par des experts internationaux est périmée. De nombreux pays sont désormais capables de résoudre eux-mêmes leurs problèmes économiques et sociaux. Ils souhaitent bénéficier de conseils concrets sur les mesures à prendre et ils veulent être sûrs que ces conseils seront efficaces. Il leur faut également faire face à des crises sociales engendrées par les évolutions rapides qui se produisent sur la scène économique. Au surplus, les problèmes structurels de pauvreté et de chômage demeurent; ils étaient d'ailleurs antérieurs à la présente vague de mondialisation et ils exigent une action coordonnée de l'ensemble de la communauté internationale. C'est sur cette toile de fond que doivent se dessiner les activités de coopération technique de l'OIT.

Le renouveau de la coopération technique

L'OIT entend renouveler ses engagements en matière de coopération technique de façon à répondre aux exigences croissantes de ses mandants. L'OIT a également l'obligation de mobiliser, en réponse aux requêtes de ses Membres, des ressources et des appuis extérieurs de façon à atteindre les objectifs de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail.

Une coopération technique efficace fondée sur les partenariats globaux

De même, l'OIT doit s'adapter aux nouvelles orientations de la communauté des donateurs. Les activités concrètes de coopération technique de l'OIT devront reposer sur des partenariats globaux établis avec les pays bénéficiaires et avec la communauté internationale de façon à instaurer un environnement social et institutionnel propice à une croissance équilibrée. On se rend de plus en plus compte du fait que le déclin de l'assistance peut être inversé si de nouveaux objectifs sont fixés et si des programmes nouveaux et convaincants sont mis en place.

Le nouveau cap des activités de coopération technique de l'OIT

La Conférence internationale du Travail étudiera la stratégie de coopération technique de l'OIT. Ce sera l'occasion de fixer un nouveau cap. On s'efforcera ci-après de mettre en lumière les problèmes fondamentaux et d'indiquer les éléments de solutions novatrices.

Les quatre objectifs stratégiques et la coopération technique

Les quatre objectifs stratégiques de l'OIT exposés au chapitre 2 du présent rapport constituent une référence, une orientation et une justification de la coopération technique. Chaque projet de coopération technique ne saurait atteindre tous les objectifs, mais tous les projets doivent être conformes à la conception de base qui inspire ces objectifs.

Principes et droits fondamentaux au travail – C'est ici que la Déclaration fournit une première référence. La plupart des activités de l'OIT en rapport avec cet objectif impliqueront la fourniture de conseils sur les mesures à prendre, l'échange d'informations et l'octroi d'un appui institutionnel, mais il y aura place également pour de vastes programmes de coopération technique. Ceux-ci comprendront le programme sur le travail des enfants, mais il pourrait également y avoir des possibilités d'action à l'appui d'autres principes de la Déclaration, par exemple des programmes destinés à la lutte contre la discrimination.

L'emploi et les revenus – Chaque programme focal prévu dans ce domaine – ressources humaines, petites entreprises et investissements à fort coefficient d'emploi – offre des possibilités de coopération technique visant à appuyer des stratégies efficaces de promotion de l'emploi. Pour obtenir des résultats significatifs, il faudrait que les ressources atteignent une masse critique; or, à cet égard, le potentiel est considérable et il est encore supérieur lorsque les actions peuvent se renforcer mutuellement d'un domaine à l'autre, comme c'est le cas pour le programme «Emplois pour l'Afrique». Pour chacune des activités entreprises à ce titre, la promotion de l'emploi et des revenus féminins jouera un rôle particulièrement important et intégrera les aspects pertinents du Programme international pour des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes.

Protection sociale – C'est un domaine qui ouvre de larges perspectives de coopération technique. Par exemple, le programme focal sur «le travail sans risque» abordera les aspects de la sécurité liés à l'évolution des structures industrielles. Quant au programme sur la sécurité économique et sociale, il pourrait aider les pays à développer la protection sociale et la sécurité des revenus pour les hommes et les femmes qui travaillent dans un environnement non structuré et non réglementé, et il pourrait également contribuer à la définition d'orientations politiques et à l'établissement de structures administratives solides.

Le dialogue social – Un programme focal spécial est prévu dans ce domaine pour édifier un cadre institutionnel et constituer une capacité de dialogue effectif. Il conviendra également d'associer étroitement ce programme à d'autres programmes focaux qui sont des thèmes de dialogue importants. Pour ce qui est de la coopération technique, le dialogue social n'est pas seulement un instrument mais aussi une fin.

La coopération technique et les préoccupations régionales

Dans chacun de ces domaines, la coopération technique peut revêtir la forme de services consultatifs, d'activités de recherche-développement réalisées conjointement avec les experts nationaux, d'évaluations ou de conception et de réalisation de projets de coopération technique. Certaines de ces activités sont orientées vers les gouvernements, d'autres vers les employeurs, et d'autres encore vers les organisations syndicales. Toutes sont directement ou indirectement liées aux travailleurs.

Les objectifs indiqués ci-dessus dessinent le cadre général de la coopé-ration technique, mais la forme concrète que revêtira celle-ci dépendra du contexte local, et l'OIT définira et exécutera des activités de coopération technique qui refléteront les préoccupations régionales et mettront à profit l'expérience des experts locaux. En fait, l'OIT devrait s'efforcer d'accumuler une masse critique de connaissances spécialisées et de ressources à l'échelon national et international de façon à répondre efficacement à ces préoccu-pations.

Réorientation de la coopération technique

L'OIT est réputée pour la qualité de ses services techniques. Pourtant, si on la compare à d'autres institutions spécialisées, son programme de coopération technique est relativement restreint et fragmenté en projets de faible envergure. Le Bureau s'efforce depuis peu d'axer ses efforts sur des objectifs moins nombreux et mieux définis en vue desquels il pourrait mobiliser une masse critique de fonds et de connaissances afin d'obtenir les résultats les plus fructueux.

Définir les centres d'action

Ces domaines d'action devraient correspondre aux quatre objectifs stratégiques de l'Organisation et à ses compétences de base, et c'est un large accord tripartite qui devrait présider à la réalisation de ces objectifs. De plus, ces objectifs devraient également correspondre aux besoins et préoccupations spécifiques des pays bénéficiaires et des donateurs. Les programmes focaux mentionnés plus haut ouvrent tout un pan de possibilités. La liste n'est pas exhaustive et, en tout état de cause, elle sera modifiée en fonction des besoins, mais elle offre néanmoins un cadre initial.

Une capacité de réaction rapide

L'OIT ne devrait pas se borner à réaliser des programmes de coopération technique mieux ciblés et plus efficaces, mais elle devrait également développer sa capacité de réponse rapide aux crises. Que celles-ci résultent de l'évolution politique, de conflits sociaux, de chocs économiques ou de désastres naturels, l'Organisation devrait être en mesure d'utiliser des fonds d'urgence fournis par les donateurs pour offrir un soutien de caractère technique ou autre dans les périodes de besoins urgents. Les mesures à prendre pour développer la capacité de réponse rapide sont explicitées au chapitre 4 du présent rapport.

Développement de la politique de partenariat actif

L'OIT se doit de maintenir des contacts étroits avec ses mandants tripartites nationaux pour assurer que leurs préoccupations ne débouchent pas uniquement sur la fourniture de services techniques de base, mais qu'elles exercent aussi une influence sur les priorités d'ensemble de l'Organisation. Pour répondre à ces besoins, l'OIT a adopté en 1993 sa Politique de partenariat actif qui jetait les bases des progrès à réaliser. Toutefois, pour que cette politique de partenariat actif atteigne tous ces objectifs, elle doit être réorientée et située dans un cadre organique et politique plus vaste. Le Conseil d'administration du BIT a déjà procédé à une évaluation de cette politique comme moyen de fourniture des services de l'OIT et, au prochain biennium, cette politique fera l'objet d'un examen global sur cette base. En application de la politique de partenariat actif, les services techniques assurés par l'OIT ont été orientés essentiellement en fonction des exigences nationales, telles que définies par les mandants tripartites et intégrées dans les objectifs nationaux. Toutefois, bien que les objectifs nationaux aient servi de base au dialogue national, on pourrait améliorer la manière dont ils ont été utilisés pour répartir les ressources de l'OIT. Les programmes nationaux ont subi autant l'influence de priorités politiques à court terme et très fluctuantes que de la disponibilité des compétences techniques de l'OIT.

Coordination et concentration des activités

Par ailleurs, les priorités définies à l'échelon national n'ont pas exercé une influence suffisante au niveau international. Sans les structures d'appui nécessaires, leurs effets sur les programmes prioritaires adoptés à Genève ont été inégaux. Les demandes des différents pays ont été fragmentaires et diverses, ce qui fait que l'on n'a guère pu atteindre l'efficacité voulue par la coordination et la concentration des activités.

Le soutien technique doit toujours être adapté à la demande. Autrement dit, il doit répondre aux situations et besoins locaux. Néanmoins, l'Organisation doit par nécessité adapter la demande à l'offre. Des services ne pourront être fournis efficacement que sur la base de priorités concertées permettant de concentrer des ressources limitées pour obtenir une masse critique. Cela signifie que, lorsque les pays mettent au point leurs demandes, ils doivent également les situer dans le cadre des objectifs stratégiques d'ensemble fixés par les mandants des organismes directeurs de l'OIT. Cela signifie également que le Bureau doit aider ses mandants à agir ainsi au niveau opérationnel.

Les améliorations possibles

Un certain nombre de domaines pouvant faire l'objet d'améliorations ont déjà été identifiés. Il s'agirait tout d'abord de redéfinir le rôle et les responsabilités des structures sur le terrain, de façon à éviter le chevauchement des responsabilités et les zones grises qui se dessinent dans la pratique. A l'heure actuelle, la répartition des responsabilités comporte en gros trois volets. A l'échelon national, les responsabilités administratives et politiques sont assumées par les bureaux de zone. Les demandes nationales d'assistance technique sont traitées par les équipes multidisciplinaires. La direction et la cohérence politiques sont assurées par les bureaux régionaux. Cependant, l'interface entre les relations, les fonctions techniques et la direction politique doit être améliorée.

Les équipes multidisciplinaires

Certains des problèmes se posent au niveau des équipes multidisciplinaires. Celles-ci assurent la liaison des activités de l'OIT dans les différents domaines techniques, le principe étant qu'il est plus facile de donner une réponse cohérente au niveau du pays lorsqu'une seule équipe traite de l'ensemble des préoccupations de l'OIT. Toutefois, il semble que les équipes multidisciplinaires présentent certaines lacunes:

Un cadre cohérent de programmation, d'évaluation et de formulation des politiques

La coopération technique doit s'appuyer sur un cadre cohérent de programmation, d'évaluation et d'élaboration des mesures à prendre. On obtiendra de cette façon une plus grande cohérence, notamment entre les activités financées sur une base interne et celles qui dépendent de ressources extrabudgétaires. Les activités à financement interne sont en général plus souples et plus adaptables et elles peuvent être mieux mises à profit par l'OIT pour répondre aux préoccupations essentielles. Quant aux activités à financement externe, elles ont en général des objectifs plus spécifiques et elles se déroulent selon des cycles de réalisation pratique entièrement différents. Compte tenu de ces contraintes, l'Organisation s'efforcera de mieux harmoniser et sa politique et ses activités de programmation.

Un contrôle de gestion renforcé

La gestion est une importante préoccupation. Les programmes de coopération technique se trouveraient bien d'une gestion plus ferme et de l'application de procédures plus souples, ainsi que d'une plus grande transparence et d'une meilleure répartition des responsabilités. Cela suppose également des systèmes plus efficaces de contrôle et d'évaluation. L'évaluation régulière permettrait des améliorations permanentes, d'où le renforcement des compétences essentielles de l'OIT et de sa capacité d'obtenir des ressources.

Un soutien accru du siège

La coopération technique serait également renforcée si le siège lui accordait davantage de soutien. Indépendamment des services techniques spécialisés, le siège devrait également élaborer des directives précises, par exemple par le biais de documents d'orientation qui exposeraient les grandes lignes des conceptions de l'OIT dans divers domaines. Ces documents pourraient être adaptés aux diverses situations qui se présentent ou établir la base des positions de l'OIT lors des négociations ou des actions coordonnées avec d'autres institutions internationales. De même, il serait utile de disposer de cadres opérationnels précis pour le développement des activités au niveau national.

Plus de coordination et de coopération entre le siège et le terrain

Par ailleurs, il conviendrait d'établir des liens plus étroits entre le siège et les structures installées sur le terrain et d'intégrer leurs activités réciproques de façon plus efficace, par exemple en préparant de nouveaux programmes d'ensemble. Indépendamment de l'efficacité accrue qui en résulterait, ce processus permettrait également de promouvoir l'expérience globale par le partage de nouveaux concepts et des enseignements tirés de projets novateurs.

Une nouvelle capacité de recherche

L'un des éléments de soutien les plus importants est la recherche en tant que source à la fois de directives générales et d'innovations. Il existe un certain nombre de possibilités nouvelles à cet égard: le siège pourrait par exemple rassembler et diffuser de manière plus systématique des informations comparées sur les meilleures pratiques à suivre. Toutefois, de nombreux problèmes se posent qui n'ont pas de solutions simples. En principe, le siège est mieux équipé pour effectuer des recherches: on y prépare des documents pour le Conseil d'administration et il est mieux à même de développer une perspective globale. Pourtant, il est parfois la cible de critiques car il serait trop éloigné des réalités locales; d'autre part, sa capacité a été affaiblie par la politique de partenariat actif qui a abouti à la réorientation d'une bonne part des moyens techniques vers les bureaux extérieurs. Or les spécialistes qui se trouvent maintenant sur le terrain ont du mal à conduire les recherches de base nécessaires, étant donné les demandes pressantes qui leur sont adressées en permanence par les mandants.

Tirer le maximum de profit des techniques de communication

Cette distinction rigide entre les recherches effectuées au siège et celles qui sont conduites sur le terrain pourrait être atténuée si l'on faisait un meilleur usage de la technologie disponible. De temps à autre, le personnel doit se réunir pour établir des contacts personnels, mais les derniers progrès de la technique des télécommunications facilitent la coopération à distance. Les groupes d'action et les groupes de travail établis de par le monde peuvent se réunir dans le cyberespace pour partager des idées et conduire des activités en commun. Cela devrait permettre en particulier d'ancrer plus fermement toutes les recherches de l'OIT sur les expériences empiriques réalisées dans les différents pays. Encore faut-il que le personnel consacre suffisamment de temps à de telles activités conjointes et que l'Organisation programme ses ressources en conséquence.

Les ressources extrabudgétaires

Les activités de coopération technique de l'OIT doivent suivre des programmes clairement ciblés sur des objectifs précis. Or, si l'on veut que la coopération technique donne davantage de résultats, il faut qu'elle soit élargie, ce qui exigera un sérieux effort de mobilisation des ressources extrabudgétaires. A cet effet, l'OIT devra forger des liens plus solides avec les donateurs multilatéraux et bilatéraux, ainsi qu'avec les organisations régionales et les banques de développement. En outre, l'Organisation devra prospecter toute une gamme de nouveaux partenaires potentiels, tant privés que publics, locaux, nationaux, régionaux et internationaux. Une partie de ce travail pourrait être accomplie par le Bureau en organisant, par exemple, des conférences internationales de donateurs ou en tirant parti des ateliers techniques organisés dans les pays donateurs afin de réunir des fonds. Mais il faudra aussi que l'ensemble des mandants de l'OIT participe à ce processus.

Ressources gouvernementales dans les pays bénéficiaires

Au niveau gouvernemental, certains pays bénéficiaires d'Amérique latine par exemple ont mis leurs propres ressources à la disposition de l'OIT pour compléter ses activités d'assistance technique. En Europe centrale, quelques pays sont disposés à fournir du personnel et des services techniques spécialisés à l'appui des travaux effectués par l'OIT dans d'autres pays en transition qui doivent faire face à des problèmes plus graves.

Le rôle des syndicats et des organisations d'employeurs

Les organisations syndicales et les organisations d'employeurs pourraient aussi participer à ce processus. En ce qui concerne le travail des enfants, par exemple, les organisations de travailleurs et d'employeurs d'un pays donné ont participé à l'acheminement de fonds à destination de pays plus pauvres. Les partenaires sociaux peuvent également constituer des véhicules efficaces par le biais desquels des fondations privées, des personnes et des entreprises peuvent être contactées.

Un optimisme raisonné

On peut se montrer optimiste. Les donateurs trouveront sans doute attrayants des programmes bien conçus et bien planifiés traitant des problèmes sociaux critiques que l'OIT a pour mandat explicite de résoudre, car sa compétence à cet égard est reconnue. Un autre facteur de succès dépendra d'une campagne systématique de collecte de fonds permettant de soumettre aux donateurs potentiels des propositions spécifiques et adaptées aux besoins. Le but d'une telle campagne devrait être de réunir suffisamment de fonds pour appuyer un programme crédible et global s'étendant sur plusieurs années. Si elle élabore des programmes mieux centrés et si elle améliore ses moyens de communication, l'OIT présentera au public une meilleure image de marque et sera mieux à même de réunir les fonds nécessaires.

Le potentiel et les contraintes

Il importe toutefois d'être réaliste quant au potentiel existant en la matière et d'anticiper les problèmes. Un certain nombre de dilemmes familiers existent à différents niveaux. L'un d'entre eux est la nécessité de faire concorder les ressources, les demandes et les objectifs stratégiques. Interviennent aussi des contraintes administratives telles que le coût du temps consacré par le personnel à faire rapport aux différents donateurs qui exigent fréquemment des informations distinctes présentées de façon spécifique. Dans toute la mesure possible, les donateurs devraient être encouragés à adopter des «approches de programmes» qui fixent des objectifs prioritaires, par exemple sur une période de cinq ans, mais qui laissent à l'OIT suffisamment de latitude d'action pour leur réalisation. Les contributions des donateurs sous la forme d'un financement de base du programme de travail global pourraient également renforcer la cohérence des programmes. Un autre dilemme est celui qui existe entre la flexibilité et la responsabilité: les programmes seront plus efficaces lorsque les fonds sont dépensés rapidement, mais cela risque de mettre à mal le contrôle effectif de la gestion.

Si l'on veut développer les programmes de coopération technique au sein de l'OIT, l'Organisation devra également revoir ses procédures de sorte que celles-ci ne compromettent pas l'accès aux sources de fonds extérieurs qui sont essentiels pour atteindre les objectifs fondamentaux de l'Organisation.

Partenariat et coopération technique

Dans cette approche de la coopération technique, le partenariat est l'un des mots-clés. Les relations de base peuvent être établies entre l'OIT et ses mandants primaires, à savoir les gouvernements, les organisations d'employeurs et les syndicats, pour constituer un partenariat consacrant l'éthique de l'Organisation et se reflétant dans la politique de partenariat actif. Dans ses nouvelles orientations, l'OIT doit toujours obtenir l'appui le plus large de ses mandants et les faire participer à un dialogue ouvert sur la fixation des objectifs et à la mise en place des moyens de coopération technique. Les débats qui auront lieu à la Conférence internationale du Travail de cette année permettront de prendre à cet égard un nouveau départ.

Des alliances élargies

Toutefois, le partenariat en matière de coopération technique doit aller plus loin. Il doit être la base d'une alliance beaucoup plus large qui ne soit pas seulement conclue avec la communauté des donateurs mais qui rallie également les énergies de maintes autres personnes et organisations, en collaborant par exemple avec des instituts nationaux et internationaux de recherche, en mettant en place des réseaux d'action et en échangeant des idées et des informations. Dans les domaines où il possède des compétences particulières, le Bureau devrait développer sa capacité d'établissement de liens entre des partenaires disparates afin de promouvoir une véritable synergie, notamment aux niveaux national et régional. L'Organisation devrait également tirer profit des liens qu'elle entretient avec les milieux employeurs et travailleurs pour bénéficier de leurs expériences réciproques et pour les engager à participer plus activement à la réalisation de ses objectifs.

Partenariat et réalisation des programmes

Le partenariat joue également un rôle essentiel dans la réalisation des programmes. Les projets de coopération technique mis au point sur une base pilote doivent être élargis, ce qui exige plus que des ressources accrues et de vastes structures institutionnelles. Cela implique également la mise en place de structures de réalisation comportant de nombreux réseaux «capillaires» et comprenant non seulement des experts locaux et des représentants des autorités locales, mais également des représentants des ONG, des associations d'entreprises, des syndicats et des groupes féminins.

Des partenariats internationaux

A l'autre extrémité du spectre, l'OIT doit également établir des partenariats, en vue de l'action collective internationale, avec le système des Nations Unies et avec les institutions de Bretton Woods. Ainsi qu'on le verra au chapitre 4, ce processus devrait être plus facile de nos jours étant donné que la plupart des organisations internationales et régionales reconnaissent la nécessité d'un «ordre du jour social», ce qui ouvre à l'OIT de vastes perspectives. Les dimensions sociales de l'ajustement sont tellement nombreuses et diverses qu'elles exigent les efforts concertés de l'ensemble du système international. Une action coordonnée est de nature à promouvoir la complémentarité et à créer des synergies. Au niveau national, l'OIT participera activement au Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement, afin de garantir que les priorités de ses mandants soient efficacement prises en compte par le biais de partenariats concrets de coopération au développement.

Des partenariats fondés sur des objectifs communs et des intérêts partagés

Tout partenariat doit se fonder sur une bonne compréhension des objectifs communs, mais il doit également tenir compte des intérêts propres des différentes organisations. Dans tout partenariat, l'OIT doit bien préciser sa position et demeurer fidèle à ses conceptions de façon à pouvoir projeter ses valeurs, préoccupations et objectifs dans une perspective plus vaste.

Les partenariats ne sont pas gratuits. Ils exigent beaucoup de personnel et ils doivent tenir compte des intérêts divergents de nombreux mandants. Aussi ne doivent-ils être instaurés qu'avec précaution, en fixant les objectifs avec précision, en identifiant à bon escient les partenaires et en évaluant les coûts et avantages. Quoi qu'il en soit, l'OIT doit toujours s'efforcer de rechercher des partenariats et des alliances et être prête à en faire usage de façon pragmatique afin d'atteindre ses objectifs.


   

Renforcer les capacités

Les chapitres précédents du rapport ont exposé l'ordre de priorité du programme et les orientations régionales prévues pour l'OIT. Le présent chapitre aborde la question de la mise en œuvre, du renforcement des propres capacités d'action de l'Organisation. Nombre de ces mesures devront être précisées au cours des mois à venir, et il faudra du temps pour qu'elles portent leurs fruits.

Des mesures immédiates seront prises dans trois grands domaines: améliorer la gestion interne du Bureau; renforcer ses capacités intellectuelles et opérationnelles; renouveler et élargir ses relations avec le monde extérieur.

Gestion par objectifs

Le regroupement des départements techniques du BIT en fonction des quatre objectifs stratégiques nous permet de concentrer notre travail et nos énergies intellectuelles autour de buts distincts, mais connexes. La concentration est essentielle au succès de la mise en œuvre du programme. De ces objectifs stratégiques découlent des objectifs opérationnels qui définissent plus concrètement ce que l'Organisation doit accomplir à moyen terme. Les résultats obtenus au titre de chacun de ces objectifs pourront être mesurés et soumis à vérification. La gestion par objectifs donne au personnel sens de la discipline et motivation: les résultats à atteindre sont clairement définis et donc, aussi, les réalisations sur lesquelles juger plus objectivement le travail accompli par les fonctionnaires. Les critères d'appréciation convenus apparaissent plus comme un travail en équipe que comme des jugements portés à l'intérieur de la hiérarchie administrative. De plus, viser des objectifs permet à l'OIT de projeter une image plus claire d'elle-même à l'extérieur et facilite les relations et les partenariats à l'intérieur comme à l'extérieur du système des Nations Unies.

Structure organisationnelle

La forme doit suivre la fonction. Les objectifs stratégiques définiront donc la structure de l'organisation interne du Bureau. Aussi le travail technique effectué au siège, à Genève, s'articulera-t-il autour de quatre groupes exécutifs responsables, respectivement, des principes et des droits au travail, de l'emploi, de la protection sociale et du dialogue social. Les objectifs opérationnels définiront en général les structures subsidiaires, bien que certaines d'entre elles puissent être mises au service de plus d'un objectif. Les régions refléteront la structure du siège, mais il sera tenu compte de leurs spécificités. La coopération technique, conjointement avec les partenariats extérieurs et les fonctions de communication, relèvera de la haute direction et liera l'OIT avec ses mandants, les milieux intéressés et l'opinion publique.

L'Equipe de direction

Le but est de créer une structure de gestion qui encourage le sens de la responsabilité collective, une plus grande transparence et de meilleures communications à l'intérieur du Bureau. L'Equipe de direction, sous la présidence du Directeur général, conduira les travaux du Bureau. Les membres de cette équipe sont responsables des groupes d'activités se rapportant aux différents objectifs stratégiques, ainsi que des fonctions clés de direction et d'appui. Ils ne se borneront pas à coordonner et à surveiller les travaux dans leurs domaines de responsabilité, mais ils contribueront à formuler la programmation et à traiter des questions relatives à l'allocation des ressources, à la politique du personnel, à la sélection des hauts fonctionnaires, ainsi qu'au contrôle et à l'évaluation de la mise en œuvre du programme. L'Equipe de direction suivra et évaluera aussi les progrès de l'intégration des questions relatives à l'égalité des hommes et des femmes et du développement dans les activités de l'OIT.

Changement d'attitude

Telle sera la structure de base. Mais la réforme de l'organisation appelle un changement d'attitude. La structure est une condition préalable, mais non suffisante, à la formulation et à la fourniture de programmes effectifs. Ce sont les gens, et non les structures, qui impriment une direction et fournissent des services. Les gens, et non les structures, motivent les autres et assurent les conditions du changement et du renouveau de l'organisation. La participation et l'engagement personnels sont essentiels pour soutenir et renforcer les valeurs. En bref, les structures organisationnelles ont besoin d'une culture d'organisation.

Nouvelle culture organisationnelle

Cette nouvelle culture organisationnelle doit surgir de communications et d'un dialogue interne francs et ouverts qui permettent à tous les membres du personnel de partager la même vision de l'OIT et donnent à chacun une idée claire de ce qu'il peut faire personnellement pour contribuer à sa réalisation. C'est un processus, plutôt qu'un système, qui exige une interaction et une mise en réseau dans un contexte multiculturel et multilingue. Une stratégie visant à établir de meilleures communications internes a besoin de canaux, formels ou non, qui se soutiennent et se complètent les uns les autres. Une équipe a été constituée pour lancer, soutenir et contrôler ce processus transparent et participatif de dialogue interne.

Articulation autour des objectifs

Les propositions de programme et de budget pour 2000-01 sont les premières à être articulées autour d'objectifs stratégiques et opérationnels. Au moment de préparer le présent rapport, les réactions du Conseil d'administration à cette nouvelle présentation n'étaient pas encore connues. Toutefois, en admettant que cette façon de faire soit largement acceptée, les budgets futurs suivront cette présentation, avec les précisions et retouches qui pourraient se révéler nécessaires.

Améliorer le programme et le budget

De l'avis général, le budget doit définir clairement les buts des activités de l'OIT, indiquer les résultats à atteindre et tirer profit des évaluations des programmes et des activités. Ces propositions doivent être hardies si elles veulent aborder utilement les conditions sociales et économiques qui réclament l'action de l'OIT. Il faut bien comprendre ces conditions et les possibilités d'action ouvertes à l'OIT. Les propositions de budget ne doivent pas être un simple rappel d'activités passées qui ont fait leur temps. A l'avenir, les propositions de programme bénéficieront de l'analyse de la politique sociale et économique entreprise indépendamment des programmes techniques dont les résultats alimenteront la préparation du budget.

Plus de souplesse budgétaire

Les propositions de programme et de budget pour 2000-01 introduisent aussi la notion de souplesse budgétaire et s'appliquent moins à décrire en détail les activités à entreprendre au cours de la période biennale. Telle devrait être la pratique suivie à l'avenir. Les propositions de budget doivent être préparées trois ans et demi avant leur mise en œuvre. Or, si les programmes exigent normalement beaucoup plus de temps pour atteindre leurs objectifs, ils doivent aussi pouvoir s'adapter à des circonstances changeantes. Des situations nouvelles se présentent et appellent une réaction de l'OIT. L'engagement mécanique d'accomplir toute une série d'activités sans tenir compte des événements nous fait courir le risque d'ignorer les besoins urgents de nos mandants. Le Conseil d'administration et la Conférence ont certes besoin d'être bien informés pour porter un jugement pondéré sur les propositions de budget, mais il faut trouver un équilibre entre informations suffisantes et programmation rigoureuse des activités à mener dans trois ans. Les budgets futurs chercheront à établir cet équilibre. Un système efficace permettant de faire connaître au Conseil d'administration et à la Conférence les résultats obtenus est l'élément clé de ce processus.

Obligation d'obtenir des résultats

Une budgétisation stratégique se caractérise par l'obligation d'obtenir des résultats. Les objectifs stratégiques orientent les activités de l'Organisation dans des directions spécifiques et les articulent autour d'une structure de management cohérente. Ils permettent aussi – en fait, ils exigent – la mise en place de systèmes de management qui facilitent la réalisation de ces objectifs. Les plus importants de ces systèmes comptent notamment ceux de contrôle et d'évaluation.

Contrôle et évaluation effectifs

Dans la situation actuelle de restrictions financières, on attend des organisations qu'elles continuent d'offrir des produits et services de qualité, d'apporter des résultats concrets et de faire preuve de responsabilité. En bref, les donateurs veulent à bon droit en avoir pour leur argent. Il y a toutefois une autre raison d'insister sur des résultats vérifiables: ils sont essentiels pour évaluer correctement les tâches accomplies par les fonctionnaires et leur donner la satisfaction du travail bien fait. De là découle la nécessité d'un système de contrôle et d'évaluation qui soit en vigueur dans l'ensemble du Bureau et en application dans tous les départements et à tous les niveaux.

Le BIT dispose d'un tel système bien que, sous sa forme actuelle, il ne bénéficie pas d'une adhésion générale. Quels que soient ses défauts, il a fait comprendre au personnel la nécessité de planifier le travail et de penser en termes de produits, c'est-à-dire de résultats, plutôt que de facteurs de production. Un nouveau système, se fondant sur celui qui existe aujourd'hui, sera mis en place au début du biennium 2000-01.

Lier travail et objectifs

Ce système s'inspirera de plusieurs principes, à commencer par les objectifs opérationnels du programme et budget. Les buts et les plans de travail seront élaborés en fonction de ceux-ci et d'autres objectifs connexes, mais secondaires, qui intéresseront chaque fonctionnaire. Les indicateurs de résultats et leurs sources d'information seront spécifiés. Le personnel intéressé sera appelé à participer pleinement et à donner son avis, afin que les objectifs, les buts et les indicateurs soient réalistes et bien compris de tous. Le système ne cherchera pas à englober tout le travail accompli, mais bien plutôt les éléments essentiels à la réalisation des buts fixés. Il sera adapté à la nature du travail accompli par les différents départements.

Etat d'avancement des travaux

Un système périodique de rapport interne sur l'état d'avancement des travaux sera mis en place et utilisé pour rendre compte au Conseil d'adminis-tration de la mise en œuvre du programme.

Evaluation

Le Bureau renforcera sa fonction d'évaluation et présentera des évalua-tions périodiques et indépendantes des programmes et activités. Le Conseil d'administration sera saisi de propositions pour un cycle d'évaluations.

Point de mire, le personnel

Toute stratégie pour la mise en œuvre de nouvelles politiques et de nouvelles orientations du programme doit se focaliser sur le personnel du Bureau. Ce sont les connaissances, les compétences et l'engagement des fonctionnaires qui détermineront pour une large part le succès ou l'échec des nouveaux efforts. Et ces politiques appellent une révision de grande ampleur.

Système commun et politique du personnel

Les conditions d'emploi de base sont déterminées par le système commun, comme dans les autres organisations de la famille des Nations Unies. Elles comprennent une multitude de règles qui en rendent l'administration de plus en plus difficile, et les procédures à suivre sont extrêmement lourdes. A elle seule, l'OIT ne peut pas faire grand-chose pour influer sur ces règles, les assouplir ou les adapter aux conditions qui prévalent dans les différentes organisations du système commun. L'OIT s'efforcera d'exercer une influence sur ceux qui contrôlent ce système afin de le réformer, mais la tâche sera rude et les progrès lents. Toutefois, malgré les contraintes du système commun, il est possible d'agir pour améliorer la politique du personnel au BIT. Cette politique doit être infléchie dans le sens d'une véritable mise en valeur des ressources humaines. Le système commun impose trop de règles, mais l'OIT elle-même en a créé d'autres et pris des dispositions institutionnelles qui engendrent bureaucratie et inefficacité.

Offrir des perspectives de carrière

Une politique nouvelle ou meilleure doit commencer par reconnaître un fait: entrer au BIT, c'est embrasser une carrière. La plupart des fonctionnaires passent la plus grande partie de leur vie professionnelle au Bureau, y acquièrent une compétence et une expérience précieuses pour la vie internationale et ils ont, chose bien naturelle, l'espoir d'y faire carrière et de connaître un développement personnel. L'Organisation doit répondre à ces besoins en offrant des possibilités de travail fructueux, des arrangements de travail productifs et une formation qui constituent la base du développement personnel et de l'avancement. Le but est de stimuler l'imagination, la créativité et le sens de l'excellence du personnel du Bureau.

Regard neuf sur le recrutement

Cette nouvelle politique devrait commencer par le commencement, c'est-à-dire dès le recrutement. La procédure actuelle est excessivement lente, fait intervenir beaucoup trop de gens dans la prise de décision, ouvre la porte à des conflits entre les organes chargés du recrutement et les directeurs des programmes, et n'est ni suffisamment large dans sa prospection ni assez rigoureuse dans ses critères de sélection. Il faut jeter un regard neuf sur la situation: la première chose à faire est d'instaurer une meilleure entente entre la direction et le Comité du Syndicat du personnel du BIT sur la manière de procéder au recrutement. Il ne doit y avoir aucune confusion sur le but de l'opération: trouver et garder le personnel le plus qualifié possible. Il convient aussi de prêter attention à l'impérieuse nécessité d'améliorer l'équilibre entre les sexes et la répartition géographique du personnel du Bureau. Mais le critère premier reste la qualité.

Améliorer la gestion des résultats

Le Bureau doit aussi améliorer la gestion des résultats obtenus. Il ne s'agit pas simplement d'un jugement porté périodiquement sur le travail accompli par chaque fonctionnaire, mais d'un système complet de contrôle régulier et de communication sur ledit travail, la reconnaissance honnête des domaines ouverts à une amélioration, les transferts et la formation répondant aux besoins du fonctionnaire et de l'Organisation. Elle appelle la participation de la haute direction pour identifier les talents, élaborer des plans pour leur épanouissement futur et pourvoir les postes de responsabilité.

Mobilité

La politique de mobilité menée par le Bureau a réussi à envoyer sur le terrain un nombre considérable de fonctionnaires. Il ne sera peut-être pas possible de poursuivre ces transferts au rythme actuel. La politique demeurera, mais elle sera menée avec plus de pragmatisme. De même que les affectations sur le terrain ne conviennent pas à tout le monde, certains sont évidemment faits pour ce type de travail. Parfois, l'intérêt du Bureau et celui du fonctionnaire ne justifient pas un transfert. Il n'en reste pas moins que les mutations doivent apporter un avantage dans le déroulement d'une carrière, sans pourtant que ceux qui préfèrent poursuivre la leur sur le terrain n'en soient désavantagés à long terme.

Relations professionnelles

Les relations entre le personnel et la direction doivent être envisagées d'un œil neuf. Les principes qui fondent ces relations ne sont pas en cause, mais bien les procédures et les institutions dans lesquelles elles sont conduites et qui, pour beaucoup, appartiennent au passé. Il faut trouver des moyens plus expéditifs pour régler les réclamations et envisager des procédures d'arbitrage et de conciliation. Les discussions actuelles sur la consultation et les négociations collectives à l'OIT devraient se poursuivre en vue de parvenir à un accord dans des délais fixés et en convenant au préalable des méthodes à suivre en cas d'impasse. Point important, les fonctionnaires du Département du personnel ont besoin d'une meilleure formation professionnelle. Ils devraient, eux et les membres du Comité du Syndicat du personnel du BIT, recevoir une formation spécialisée en matière de personnel et de négociation. Les deux parties devraient visiter des organisations connues pour l'excellence de leurs pratiques en matière de relations professionnelles. Vu son rôle dans le domaine du travail, l'OIT devrait accepter d'apprendre des autres comment conduire ses propres affaires.

Fonction de connaissance de l'OIT

Il appartient à l'OIT de produire, de promouvoir et de diffuser des informations et des connaissances sur le monde du travail. Cette fonction est au cœur même de son mandat, et sa Constitution l'y oblige, tant pour en faire profiter la communauté internationale en général que pour permettre à ses mandants de participer effectivement au dialogue social et à l'élaboration de la politique.

Cette fonction de connaissance met en lumière la place de l'OIT dans la communauté internationale et en fait un participant crédible dans l'élaboration de la politique. L'OIT est seule à combiner l'expérience historique, la légitimité politique et la portée universelle qui l'institue centre mondial de connaissances en matière d'emploi et de travail. Il ne saurait être question d'abandonner à une autre organisation, publique ou privée, cette fonction confiée à l'OIT dans le système multilatéral. La tâche principale de l'OIT est de promouvoir la primauté de l'emploi et des droits au travail dans l'élaboration de la politique économique et de plaider en faveur d'un travail décent dans le monde en général. La connaissance fonde tout plaidoyer crédible, elle est essentielle à la reconnaissance de la capacité technique que l'OIT a d'intégrer les préoccupations concernant l'emploi dans la politique internationale et nationale.

Son rôle

La fonction de connaissance est le pivot de tout le travail interne de l'OIT, l'instrument dont elle dispose pour poursuivre ses quatre objectifs stratégiques et améliorer tous ses moyens d'action, qu'il s'agisse du dialogue social, de la coopération technique, des normes ou des publications. Elle est aussi la pierre angulaire de la coopération et du partenariat avec les autres organisations multilatérales.

Faire un plus grand usage de l'informatique

L'informatique a manifestement un grand rôle à jouer. Sur le plan interne, l'OIT l'a adoptée et s'y est adaptée avec succès. Le Bureau a créé à l'intention de ses mandants, des chercheurs et du grand public un site web très fréquenté auquel il faut apporter quelques modifications afin de faciliter la navigation. Parmi les défis que nous devons relever, signalons l'informatisation de l'administration et, notamment, des systèmes financiers du Bureau. Faciliter l'accès aux bases de données de l'OIT est une tâche prioritaire et un bon moyen de rendre un service utile et bon marché à nos mandants. La mise au point d'applications utilisant Internet est une tâche peut-être plus importante encore.

Revitaliser les capacités de recherche

Autrefois, l'OIT était reconnue comme un pionnier de la politique sociale qui faisait reculer les frontières du savoir. Pourtant, depuis quelque temps, sa capacité d'étendre la sphère des connaissances et de répandre celles-ci s'est réduite, et ses liens avec la communauté universitaire et les chercheurs se sont distendus.

Nouveau système de gestion des connaissances

Si elle veut continuer d'être considérée comme un centre d'excellence dans son propre domaine de compétence, l'OIT doit construire un nouveau système de gestion des connaissances intégrant plusieurs composantes des politiques d'information, de communication et de recherche. La conception de pareil système doit tenir compte tant des besoins que des contraintes de l'heure. Le mandat de l'OIT couvre une quantité de domaines techniques, mais les ressources financières et humaines dont elle dispose sont limitées. Pourquoi donc ne pas puiser dans les nombreuses sources nationales et internationales de connaissances sur le monde du travail?

Portée et interaction

Ces réalités doivent amener l'OIT à chercher un appui en créant des réseaux et en concluant des alliances qui produisent et diffusent des informations sur l'emploi et le travail. Il s'agit de s'adresser systématiquement aux communautés universitaires et intellectuelles dans le monde et d'interagir avec elles, comme aussi d'associer théoriciens et praticiens aux activités de recherche. L'Institut international d'études sociales devrait jouer ici un rôle important.

Programme axé sur la production et la communication des connaissances

En même temps, pour être un promoteur effectif et crédible de ces réseaux, l'OIT doit établir son propre programme de recherche axé sur la production et la communication des connaissances, dont les études sur les grandes tendances de l'emploi et du travail; la collecte des données et les statistiques; les systèmes susceptibles d'utiliser les données et les résultats des recherches aux fins de l'action.

Trois domaines appellent un renforcement et une revitalisation immédiats: la politique de recherche, l'analyse économique, les statistiques et le traitement des données, et une capacité de réaction rapide pour traduire les connaissances en conseils politiques et en actes.

Dans le passé, la recherche à l'OIT a été freinée par plusieurs facteurs: les doutes des praticiens sur leur pertinence; l'éviction des activités de recherche par les exigences opérationnelles; et, surtout, l'absence d'une politique cohérente de recherche dans l'Organisation. On a fait et on continue de faire beaucoup de bon travail, mais il a souvent été fragmenté et d'accès difficile, et sa pertinence pour l'ordre de priorité et l'élaboration de la politique n'a pas été établie de manière systématique. En bref, la recherche à l'OIT a été à la fois sous-évaluée et mal comprise.

Besoin croissant de recherche

Les mandants demandent de plus en plus que les recherches fournissent les informations et le savoir nécessaires répondant à leurs besoins en matière de politique et d'action. L'expérience des dix dernières années est particulièrement révélatrice. La politique de partenariat actif a montré le besoin d'intensifier les recherches et d'établir des directives opérationnelles pour soutenir la coopération technique sur le terrain. En même temps, le dialogue avec les institutions de Bretton Woods et avec les Etats Membres a mis en lumière la nécessité pour l'OIT d'approfondir sa connaissance des conséquences économiques et financières des politiques normatives et de la réglementation.

But de la recherche à l'OIT

La recherche à l'OIT doit s'efforcer de guider et d'améliorer la qualité de l'action de l'Organisation plutôt que d'acquérir des connaissances pour le plaisir. En dernière analyse, elle doit contribuer à la réalisation des quatre objectifs stratégiques de l'OIT, inscrire les thèmes omniprésents de l'égalité entre les sexes et du développement, et les implanter dans les programmes interdisciplinaires qui encouragent un emploi décent.

Politique de recherche multidimensionnelle

Ces objectifs appellent une recherche multidimensionnelle qui donne plusieurs produits différents. Elle doit renforcer tous les moyens d'action de l'OIT: dialogue politique, coopération technique, normes, collecte et diffu-sion d'informations. Le Bureau doit entreprendre des recherches prospec-tives; reconnaître les faits qui pourraient changer les paradigmes ou les modèles existants de la politique de l'OIT; déceler, dans les tendances mondiales naissantes, les éléments intéressant le travail. La recherche doit améliorer les méthodes et techniques spécifiques des programmes de l'OIT (par exemple, nouvelles méthodes de formation; techniques d'évaluation des qualifications professionnelles; techniques actuarielles appliquées à la sécurité sociale, etc.).

Nouveaux cadres de gestion et d'organisation

Une stratégie de recherche globale exigera aussi de nouveaux cadres de gestion et d'organisation. Plusieurs questions se posent: la définition d'objectifs de recherche dans tout le Bureau, à la lumière de la programmation et de la budgétisation stratégiques; la création de réseaux internationaux de connaissances afin d'encourager les travaux extérieurs dans des domaines intéressant l'OIT; la participation accrue des praticiens et des universitaires aux recherches de l'OIT; les recherches venant en appui de l'analyse et de l'évaluation des programmes. La communication des résultats des travaux entrepris à l'ensemble du Bureau, aux mandants de l'OIT et au public en général est essentielle et demande à son tour une étroite liaison entre politique de publications et politique de recherche.

Il est proposé d'entreprendre une étude de ces questions pour définir une vaste politique de recherche pour l'OIT.

Une nécessaire capacité d'analyse économique

La politique de recherche inscrira en bonne place dans son ordre de priorité le renforcement de la capacité d'analyse économique du Bureau. Le développement de la politique et du programme sur le travail et les questions sociales doit évidemment puiser dans les connaissances acquises notamment en droit, en sociologie et dans les études relatives à la condition féminine et à l'éducation, mais l'analyse économique est un apport clé pour susciter les idées, étendre les connaissances et recueillir des informations factuelles indispensables au travail de l'OIT. La politique économique joue un rôle important dans la détermination des niveaux d'emploi, les résultats du marché du travail, les modes de répartition des revenus, le fonctionnement des institutions chargées de la protection sociale et le dialogue social. L'OIT doit mieux se faire entendre dans ces domaines.

Recherche macroéconomique

Si elle ne doit pas s'avancer par trop dans la recherche macro-économique, l'OIT a besoin de l'expertise qui lui permette de participer aux débats politiques et de lier la politique macroéconomique aux résultats du marché du travail. Elle a besoin de la capacité technique requise pour suivre les tendances de l'emploi, déceler les retombées des politiques macro-économiques sur l'emploi et le marché du travail et, enfin, proposer des politiques d'ajustement qui soient à la fois durables en termes macro-économiques et compatibles avec les objectifs en matière d'emploi.

Analyse microéconomique

L'OIT a longtemps eu une capacité d'analyse microéconomique des questions du travail. Il lui reste à exploiter l'énorme potentiel créé ces dernières années par l'expansion des connaissances pratiques et théoriques dans ce domaine. Ces progrès font pendants à une quantité accrue de données disponibles, fiables et détaillées, sur les marchés du travail, tant au niveau des entreprises que des ménages. Il existe aujourd'hui des instruments qui permettent d'entreprendre des études approfondies dans de nombreux domaines intéressant l'OIT. L'analyse microéconomique pourrait être aussi un instrument de choix pour les recherches interdisciplinaires dans des domaines comme la pauvreté, l'inégalité entre les sexes et les modèles d'emploi.

Recherche sur l'économie institutionnelle

Les dix dernières années ont vu de grands progrès dans l'économie institutionnelle, domaine de grande importance pour l'OIT. Ils ont ouvert de nouvelles voies qui permettent de comprendre comment les institutions – gouvernements, entreprises, ordres juridiques et systèmes de relations professionnelles – influencent les marchés et la situation des travailleurs. Ils donnent aussi une idée de la structure, du fonctionnement et de l'efficience des institutions. Ce travail analytique trouve des applications dans des domaines aussi divers que l'assurance chômage, la sécurité sur les lieux de travail, la formation et le dialogue social.

Mesures pour améliorer la capacité

Le développement d'une capacité d'analyse économique dans ces domaines appelle une série d'actions connexes. L'expertise économique à l'OIT sera renforcée par un recrutement extérieur et par l'établissement de groupes consultatifs universitaires de haut niveau. Les propositions de programmes techniques seront à l'avenir soumises à une analyse économique rigoureuse. Des mesures seront prises pour établir des partenariats stratégiques avec des centres extérieurs de recherche économique et d'autres organisations inter-nationales. Ces mesures sont indispensables pour soutenir par des faits concrets et des connaissances théoriques la position défendue par l'OIT.

Produire des bases de données de qualité

Des données fiables, à la portée de tous, sont un produit indispensable aux utilisateurs extérieurs et aux mandants de l'OIT. Au niveau international, la Constitution confère à l'Organisation la responsabilité de définir les concepts statistiques et de diffuser des données sur le monde du travail: c'est là une des principales activités du Bureau. Grâce à la Conférence inter-nationale des statisticiens du travail, par exemple, il a contribué à donner de nouvelles définitions du sous-emploi dans le secteur non structuré de l'économie. La prochaine mesure consistera à utiliser les possibilités offertes par l'informatique pour produire des bases de données des statistiques internationales qui soient à la fois harmonisées et de bonne qualité. Il faudra pour cela travailler en étroite coopération avec les Etats Membres, afin d'améliorer la qualité et la portée des statistiques officielles et de les aider à analyser et à diffuser des informations sur le marché du travail.

Nouveaux indicateurs sur les tendances du monde du travail

Tous les programmes de l'OIT résumés ci-dessus doivent se fonder sur des statistiques et des données de haute qualité. De nouveaux indicateurs sont nécessaires pour percevoir les tendances qui se font jour dans le monde du travail, que ce soit dans le secteur non structuré de l'économie, dans les nouveaux modes de relations professionnelles, ou dans les ménages et les entreprises. En particulier, les données ventilées par sexe sont indispensables pour que l'OIT puisse étayer sur des documents les inégalités fondées sur le sexe et promouvoir des mesures efficaces pour les supprimer. La coopération technique a aussi besoin de données à jour sur le marché du travail, ainsi que d'informations internationales comparables.

Faciliter l'accès aux statistiques de l'OIT

Des mesures seront prises pour faciliter l'accès aux statistiques de l'OIT. De nouveaux circuits de distribution seront explorés, dont le partenariat avec d'autres organismes statistiques internationaux, comme Eurostat, afin d'améliorer la fourniture des données. Le Bureau resserrera les liens entre le Département des statistiques et les départements techniques, notamment ceux qui s'occupent de coopération technique et de recherche. Des procédures seront mises en place pour faciliter la consultation des statistiques de l'OIT, et des enquêtes seront effectuées afin de connaître les réactions des utilisateurs ou des groupes d'utilisateurs des données de l'OIT.

Le but est de créer un programme statistique intégré, proactif et répondant à la demande, qui pourrait rendre de meilleurs services aux utilisateurs internationaux et apporter un appui effectif aux programmes techniques de l'OIT.

Indispensable capacité d'intervention rapide

De plus en plus, l'OIT doit réagir rapidement à une situation nouvelle, ou saisir une occasion qui se présente. Il peut s'agir d'une crise ou d'un changement économique brutal, d'une catastrophe naturelle, de troubles sociaux, ou encore des séquelles d'un conflit. Les réactions de l'OIT peuvent prendre des formes très différentes, mais elles ont un point en commun, la nécessité d'agir rapidement et de façon décisive, de consulter les autres organisations intéressées et de coopérer avec elles, et de mobiliser tout un arsenal de moyens. C'est là un besoin largement reconnu qui est inscrit dans le mandat des équipes multidisciplinaires. Cependant, dans la pratique, la rapidité et la souplesse de l'action ont été parfois battues en brèche par la nécessité de programmer des années à l'avance l'ensemble des ressources, d'une part, et l'absence de mécanismes permettant de discerner les crises et d'y faire face, d'autre part.

Le renforcement des capacités de l'OIT à cet égard implique quatre fonctions: le baromètre; la planification stratégique; la mobilisation et la coordination des ressources; enfin, le recensement et le développement des capacités techniques.

Baromètre

Planification stratégique

Mobilisation des ressources

Recensement et développement des capacités techniques

L'image de l'OIT dans le public

Sensibiliser l'opinion aux questions touchant le monde du travail est l'une des raisons d'être de l'Organisation. Une stratégie médiatique est un moyen d'attirer l'attention sur le mandat de l'OIT et permet aussi à l'Organisation de projeter une bonne image d'elle-même dans le public. Ces dernières années, l'OIT a mené une action de plus en plus efficace dans les médias, mais elle doit accroître encore ses efforts pour que le personnel du Bureau comme les mandants s'intéressent de plus près à la politique d'information.

Public visé et fond des problèmes

Ce sont les citoyens des Etats Membres, et non au premier chef les mandants de l'OIT, qui sont le public visé, ce qui revient à dire que la politique d'information ne peut pas toujours ménager les susceptibilités de tous ses mandants. Une information potentielle doit porter sur une question spécifique ou un événement particulier. Pour être couronnés de succès, les efforts auprès des médias doivent se concentrer sur le fond d'une question plutôt que sur des processus institutionnels, comme les réunions ou les apparitions en public. De plus, pour être crédible et le rester, il faut de la transparence. Si elle aborde, comme elle le doit, des réalités sociales complexes et souvent douloureuses, la stratégie médiatique de l'OIT ne peut pas plaire à chacun en tout temps et en tout lieu. Elle peut à l'occasion susciter une controverse qui ne manquera pas d'être amplifiée par la tendance naturelle des médias à dramatiser. Mais chercher à exclure ces risques à tout prix est incompatible avec une bonne stratégie médiatique.

Le produit est le message

Aujourd'hui, une bonne stratégie d'information est une tâche très technique de synthèse et de présentation des travaux de l'Organisation de manière à les mettre à la portée des médias. Elle doit être rapide et souple, se fonder sur des faits et être immédiatement accessible aux auteurs et aux experts. En fin de compte, une politique médiatique effective et crédible dépend de la fonction de connaissance de l'OIT. Les nouvelles, les données sur les tendances de l'emploi et les institutions sociales, des perspectives politiques originales, voilà la substance de l'intérêt que les médias portent à l'OIT. Le meilleur message est la qualité du produit.

Communiquer avec tous les mandants de l'OIT

Une politique de communication avec l'extérieur se distingue de la politique médiatique, tout en la complétant. Elle ne vise pas le public en général, mais tous les milieux intéressés par l'OIT, actuels et potentiels, les mandants comme les milieux intéressés, c'est-à-dire non seulement les syndicats et les employeurs, mais aussi les parlementaires, les organes municipaux, les juges et les associations d'intérêt public. Cette politique, qui est une œuvre de longue haleine, se propose de promouvoir les préoccupations et les politiques de l'OIT à l'intérieur des sociétés nationales. Les stratégies de communication appellent au dialogue et aux alliances nécessaires à la réalisation de certains objectifs des programmes de l'Organisation: ratifications de conventions; changements de cap politique; meilleure mise en œuvre des programmes. Elles visent à établir une coopération mutuelle entre l'Organisation et les diverses parties avec lesquelles elle interagit.

Il est proposé d'instaurer une politique de communication ayant des objectifs soigneusement définis, tant en termes de messages à transmettre que de publics à atteindre. La première chose à faire sera de déterminer un petit nombre de questions pour des campagnes de promotion et d'action, qui seront lancées les unes après les autres avec le soutien des mandants de l'OIT et de leurs réseaux.

Stratégies de communication

Cette proposition a plusieurs conséquences sur le plan de l'organisation. Des stratégies distinctes devront être définies en fonction des publics à atteindre, en utilisant une langue et des outils d'information appropriés. Atteindre le public est une responsabilité qui incombe à tous les hauts fonctionnaires du BIT, aux directeurs sur le terrain et au personnel en général. Tous ont besoin de directives et de formation. Il faudra arranger périodiquement, dans tous les pays où l'OIT est active, des rencontres promotionnelles. Celles-ci peuvent être organisées spontanément, au gré des occasions qui se présentent localement, ou suivre le calendrier de l'OIT, par exemple lors de la publication d'un grand rapport. A ce propos, il est prévu d'encourager la création d'«associations nationales pour l'OIT», qui pourraient soutenir ces activités de manière permanente dans chaque pays.

Reconnaissance et soutien

Cette approche exige que les bureaux régionaux et les bureaux extérieurs renforcent leur fonction de représentation et en fassent un élément central de leurs obligations. Par-dessus tout, elle appelle un effort de l'Organisation tout entière pour la populariser et pour mesurer ses résultats à l'aune de la reconnaissance, de l'appui et de l'engagement du public.

L'OIT, une référence

Une politique de publication efficace est indispensable pour renforcer la réputation de l'OIT en tant que référence pour les questions relatives au monde du travail. Elle vient appuyer les stratégies d'information et de communication qui visent à faire mieux connaître l'OIT et à accroître son renom. La Revue internationale du Travail, périodique trimestriel, publie les résultats de travaux originaux et des analyses politiques et s'adresse notamment aux milieux universitaires et aux praticiens, soutenant ainsi l'intérêt pour les questions de politique sociale internationale et pour l'OIT. Une stratégie de publication proactive appelle une action pratique dans quatre domaines:

Qualité améliorée

Premièrement, l'accent mis sur une recherche de qualité et une meilleure diffusion auprès des milieux universitaires dans le monde devrait aboutir à une augmentation substantielle du nombre de nouvelles publications, ainsi que de la quantité et de la qualité des contributions internes à la Revue internationale du Travail.

Rationaliser le processus de production

Deuxièmement, pour avoir de la valeur, les publications doivent paraître en temps opportun. Il faut donc réduire les délais qui séparent une proposition de manuscrit de sa publication éventuelle. Un processus intégré de publication est déjà en place – choix du sujet, préparation du manuscrit, examen, production, commercialisation et ventes –, mais il doit être encore rationalisé, ce qui exige plus de coordination et de coopération entre les départements.

Promotion et diffusion renforcées

Troisièmement, pour mieux faire connaître les publications, la collaboration entre le Bureau des publications et le Bureau de l'information publique devra se poursuivre afin que les publications vedettes et autres ouvrages sur des questions d'actualité puissent bénéficier d'un lancement dans la presse et de la publicité dans les médias. L'effort de promotion et de diffusion doit être soutenu par les bureaux extérieurs, les distributeurs commerciaux et les dépositaires afin d'améliorer la commercialisation et d'accroître les ventes. Une diffusion plus large des publications doit tirer profit d'Internet qui permet de consulter, de commercialiser, de distribuer et de vendre des informations. Les mandants de l'OIT, et les utilisateurs d'Internet en général, trouveront bientôt en ligne des extraits, voire l'intégralité des publications. Ce recours croissant à la présentation informatisée sera aussi le fait de la Revue internationale du Travail, qui mettra à la disposition de ses abonnés, sous forme électronique, l'intégralité des articles publiés.

Faciliter l'accès aux publications de l'OIT

Enfin, l'accès aux publications de l'OIT, notamment dans les pays en développement, est influencé par leur prix et la capacité des lecteurs potentiels de pouvoir l'acquitter. Priorité sera accordée à une politique des prix cohérente et équitable, ainsi qu'à une approche plus stratégique de la distribution gratuite. Dans les pays pauvres, où n'importe quel prix est trop élevé, diverses formes de distribution subventionnée et gratuite seront envisagées. Il est aussi prévu d'examiner la possibilité de traduire certaines publications de l'OIT dans des langues nationales et de les réimprimer dans des éditions bon marché.

Relations avec les organisations mondiales et régionales

Les relations avec le système des Nations Unies, les institutions de Bretton Woods et les grandes organisations régionales sont d'une importance cruciale pour l'OIT. Elles définissent la place de l'OIT dans la communauté internationale et en étendent la portée au monde extérieur. Elles confèrent une légitimité et une reconnaissance internationales au rôle des employeurs et des travailleurs, représentants importants de la société civile, auxquels elles donnent voix au chapitre dans les structures naissantes de la «gouver-nance» mondiale et une place dans les programmes de développement multilatéraux.

Dans un système multilatéral qui reste de façon prédominante inter-gouvernemental, l'OIT est la seule institution qui accueille les représentants de la société civile, travailleurs et employeurs, sur un pied d'égalité avec les gouvernements. Les relations de l'OIT avec le système international d'organi-sations sont donc mutuellement profitables.

Renforcer les relations avec le système des Nations Unies et les institutions de Bretton Woods

C'est pourquoi l'OIT s'est employée à renforcer ses relations avec le système des Nations Unies et les institutions de Bretton Woods. Elle a participé activement aux grandes conférences, notamment le Sommet mondial pour le développement social et la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing), et a pris la tête des activités de suivi de ces conférences. Avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, elle a fait un effort systématique pour trouver chaque fois que possible une plate-forme commune et élargir le champ de l'accord sur les buts de la politique économique et les moyens institutionnels permettant de les atteindre.

Dans une perspective d'avenir, il est clair que ces efforts doivent être poursuivis. L'expérience des dix dernières années montre qu'à elle seule aucune organisation internationale n'a le monopole de la sagesse ou ne peut prétendre donner des solutions complètes et acceptables par tous. Les connaissances et le consensus politique sont les ingrédients essentiels au succès de toute institution internationale; d'ailleurs, rien ne peut se faire sans de nouveaux systèmes de partenariat et accords de collaboration.

Partenariats portant sur le fond et les tâches à accomplir

La notion de partenariats mondiaux doit remplacer celle de relations extérieures. Ces partenariats doivent porter sur le fond plutôt que sur les procédures, s'orienter vers les tâches à accomplir plutôt que se borner à être un système de liaison et de communication de routine. L'OIT doit entrer dans de nouveaux partenariats et approfondir ceux qui sont en place. Elle devrait se faire dans un système décentralisé de collaboration, mais avec une interaction fonctionnelle plus efficace dans les domaines d'intérêt commun. Plus précisément, l'OIT devrait viser à devenir le noyau des partenariats afin de créer des réseaux mondiaux de connaissance dans le monde du travail et de l'emploi. Elle devrait renforcer ces réseaux, faciliter l'accès de ses mandants à ces ressources, et les alimenter en leur fournissant des données et les résultats des recherches sur la politique sociale comparée.

Développer les connaissances spécialisées et les réseaux

Ce sont là de nouvelles responsabilités qui incombent à la communauté internationale comme à l'OIT. Il convient d'améliorer les systèmes mondiaux de décision politique afin de veiller à ce que l'emploi, la croissance et une protection sociale convenable soient pris en considération dans les politiques de stabilisation et d'ajustement. L'OIT doit aussi développer ses connais-sances spécialisées et les réseaux nécessaires pour contribuer à l'élaboration de la politique.

A ce propos, l'OIT agira dans trois domaines: le système des Nations Unies, les institutions de Bretton Woods et la société civile.

Suivi du Sommet social

Premièrement, dans le système des Nations Unies, l'OIT doit assurer le suivi effectif du Sommet mondial pour le développement social lors de la session extraordinaire de l'Assemblée générale qui aura lieu à Genève en juin 2000. L'OIT a joué un rôle déterminant dans l'engagement pris alors en faveur de l'emploi dans le système des Nations Unies. Elle a coordonné l'Equipe spéciale sur le plein emploi et les moyens de subsistance durables (Nations Unies, Comité administratif de coordination – CAC). Elle a entrepris un examen des politiques nationales de l'emploi dans toutes les régions et organisé des conférences régionales dont les résultats seront présentés à une consultation internationale de l'OIT sur le suivi du Sommet mondial pour le dévelopement social, qui aura lieu en novembre 1999. Les résultats de cette consultation formeront la base de la contribution de l'OIT à la session extraordinaire de l'Assemblée générale. L'OIT s'est également engagée à soutenir les autres engagements pris lors du sommet, notamment en ce qui concerne l'éradication de la pauvreté, l'intégration sociale et l'égalité entre les sexes. Ce sont là des questions importantes non seulement au regard du mandat de l'OIT, mais aussi pour élargir le consensus sur les buts sociaux de l'ajustement et du développement. Peut-être faudrait-il envisager une plus forte participation de l'OIT à l'ECOSOC, en particulier à la Commission de la condition de la femme et à la Commission du développement social.

Activités conjointes sur la Déclaration

La Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, adoptée par la Conférence en juin 1998, doit bénéficier d'une large publicité au niveau international et elle doit se traduire dans le cadre national par le développement et un environnement qui le favorise. Il faut pour cela mener, avec les autres organisations de système des Nations Unies avec lesquelles l'OIT a conclu des accords de coopération, des activités communes portant, par exemple, sur la mobilisation des ressources, des projets opérationnels et des programmes de recherche. Le rôle des autres organisations peut être moins proactif à cet égard. En ce cas, la tâche de l'OIT consiste à veiller à ce que leurs activités ne sapent ni ses propres efforts ni la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail.

Réforme des Nations Unies

Les relations avec le système des Nations Unies doivent être envisagées en ayant à l'esprit la réforme qui y est engagée. Si elle doit accueillir favorablement cette réforme, l'OIT n'en doit pas moins revendiquer son rôle distinctif, et ce de deux manières: tout d'abord en procédant à un examen général et stratégique de ses propres structures et méthodes de travail – ce qu'elle a déjà commencé de faire, comme le montre le présent rapport; ensuite, en menant une politique de coopération technique qui tire profit des points forts du système multilatéral et optimise l'utilisation de ses capacités collectives, sans pour autant compromettre les obligations de l'Organisation vis-à-vis de ses mandants. Dans le système commun, l'OIT sera un partenaire actif, encouragera la coopération et les activités conjointes, renforcera l'image des Nations Unies et affirmera le rôle dirigeant du Secrétaire général.

Institutions de Bretton Woods

Deuxièmement, les mandants de l'OIT sont parvenus à un consensus exceptionnellement large sur des relations assidues et portant sur le fond des problèmes avec les institutions de Bretton Woods. Les activités de ces institutions façonnent le contexte et l'environnement dans lesquels l'OIT fonctionne au niveau national. Elles déterminent avec force le modèle d'ajustement mondial et de développement économique et social. Elles ont une influence sur les institutions sociales, la politique de l'emploi, la réglementation du marché du travail, la sécurité sociale et la législation du travail.

Occasion d'intégrer les perspectives sociales dans la politique

Les événements récents ont ouvert la voie à une interaction plus fructueuse entre l'OIT, la Banque mondiale et le FMI. Les crises financières en Asie, en Russie et au Brésil ont profondément modifié l'opinion publique quant à ce qui constitue une politique économique et sociale durable. Elle comprend de plus en plus que l'ajustement et les réformes structurelles appellent des politiques et des institutions pour assurer le consensus social, l'emploi et la protection sociale. C'est l'occasion d'intégrer ces perspectives sociales dans le cadre politique des institutions de Bretton Woods. Il appartient à l'OIT de tirer parti de cette nouvelle préoccupation pour les dimensions sociales de la croissance durable en explorant les possibilités de rapprocher les points de vue sur les grandes questions d'intérêt commun. Ces approches conjointes pourraient être soutenues par des recherches en partenariat sur le bien-fondé économique des institutions sociales et d'une politique normative. Comme indiqué précédemment, il convient de renforcer la capacité de connaissance à l'intérieur de l'OIT afin de lier la politique macroéconomique aux marchés du travail et à la lutte contre la pauvreté et d'inscrire dans la politique de développement le rôle des institutions sociales et des droits fondamentaux au travail. Il faut toutefois se rappeler que la coopération de l'OIT avec les institutions de Bretton Woods est nécessairement limitée par les différences dans leurs mandats et leurs éléments constitutifs. L'OIT doit délivrer son propre message à l'opinion publique en général, et ce message peut ne pas être toujours la copie conforme de ceux des autres organisations.

Evolution de la société civile

Troisièmement, l'OIT doit mieux utiliser les occasions offertes par l'évolution de la société civile. Les acteurs sociaux qui se situent au-delà du système de production jouent désormais un grand rôle dans toutes sortes de domaines intéressant l'OIT – droits de l'homme, lutte contre la pauvreté et droits des consommateurs. Ils exercent sur l'opinion publique et les décisions politiques une forte influence, qui s'est encore accrue à la faveur des progrès des télécommunications.

La multiplication et le pouvoir croissants des associations dans la société civile posent la question de leurs relations avec l'OIT et les organisations de travailleurs et d'employeurs. Tout en reconnaissant l'existence et l'influence de ces nouveaux acteurs, les mandants de l'OIT ont assisté à leur ascension avec des sentiments partagés. Pour leur part, les associations ont parfois eu des difficultés à s'engager dans un dialogue véritable avec l'OIT.

Conclure des alliances avec les associations de la société civile

La politique et le mandat de l'OIT sont clairs: travailler avec les organisations d'employeurs et de travailleurs afin d'entrer dans des alliances pratiques et d'établir des relations de travail fondées, dans chaque cas, sur une définition des buts communs et des principes partagés. Les travailleurs, les employeurs et le gouvernements sont les mandants de l'Organisation; ils en déterminent les structures de représentation et de direction. Cela n'a jamais été mis en question, et cela ne l'est pas non plus aujourd'hui. Les syndicats et les organisations d'employeurs sont eux-mêmes les acteurs sociaux les plus importants et les mieux organisés. Ils sont étroitement liés au processus de production lui-même. Ils sont des organisations représentatives. En général, ils élisent leurs dirigeants et sont publiquement responsables de leurs activités. Ces caractéristiques leur confèrent un rôle spécal dans la société. En même temps, ils peuvent tirer grand profit des talents et des ressources des associations de la société civile, notamment dans les activités de développement sur le terrain et dans des zones où les mandants de l'OIT sont souvent moins bien implantés ou moins intéressés. Ce sont les ONG, par exemple, qui ont mis en œuvre en 1996-97 un tiers du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) en 1996-97. Au niveau national, les syndicats et les organisations d'employeurs travaillent souvent avec les ONG dans la poursuite d'objectifs communs, que ce soit en cherchant à atteindre des adhérents potentiels, ou en collaborant avec les employeurs et les autorités dans des partenariats locaux pour le développement. Il est important pour l'OIT d'établir des relations de travail sur le terrain avec des organisations qui encouragent la participation et l'action dans des domaines intéressant l'OIT comme le développement, les droits des travailleurs, l'égalité des sexes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées.

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Des institutions autonomes pour promouvoir les activités de l'OIT

L'OIT est la seule organisation du système des Nations Unies à disposer de deux institutions autonomes pour promouvoir ses activités, à savoir l'Institut international d'études sociales (IIES) et le Centre international de formation de l'OIT à Turin. Ces deux institutions fournissent des services à l'OIT et s'adressent à ses mandants et à des milieux qui se situent en dehors du domaine ordinaire de l'Organisation. Elles fonctionnent depuis plus de trente ans et ont su imposer leur image sur le plan international.

Les changements relatifs au fonctionnement de l'OIT dans son ensemble qui sont proposés dans le présent rapport appellent un examen correspondant des activités et des fonctions de l'IIES et du Centre de Turin qui sera entrepris afin d'améliorer leur contribution aux objectifs stratégiques nouvellement définis.

Rôle de l'Institut

Le rôle de l'Institut est d'encourager la politique de recherche et le débat public sur les questions d'actualité intéressant l'OIT et ses mandants.

Il offre trois grands services à l'OIT:

Forum de dialogue

Catalyseur pour les programmes futurs

Education et développement des capacités institutionnelles

Mieux utiliser les capacités de l'Institut

Ces services ont renforcé la capacité de l'OIT en matière de dialogue social, étendu la portée de ses recherches et fourni des éléments utiles à sa programmation stratégique. Toutefois, le potentiel de l'Institut, comme celui du Centre de Turin, est nécessairement défini et limité par la propre capacité organisationnelle de l'OIT à l'utiliser de manière systématique. Résultat, son impact sur l'OIT elle-même a souvent été moins direct qu'il aurait pu l'être. Le nouveau système de programmation stratégique, combiné avec une politique de recherche menée dans tout le Bureau, offrira de nouvelles possibilités pour mieux utiliser les capacités de l'Institut aux fins de développer le programme de l'OIT.

Le programme de l'Institut sera examiné en le plaçant dans le cadre stratégique proposé pour l'ensemble de l'Organisation. Le but sera de mieux synchroniser les activités de l'IIES avec les objectifs stratégiques généraux de l'OIT, tout en préservant son autonomie et sa souplesse qui se sont révélés d'un profit durable pour l'OIT et ses mandants.

Nouvelles possibilités pour l'Institut

Ledit examen permettrait d'envisager plusieurs possibilités d'accroître le rôle de l'Institut et, notamment, de mettre en place une politique de recherche s'étendant à tout le Bureau. Ce pourrait être l'occasion d'établir des réseaux internationaux de connaissances, de susciter l'intérêt des milieux universitaires en général pour l'OIT, de renforcer la capacité économique du Bureau et d'offrir une plate-forme à une plus forte interaction entre le personnel du BIT et les instituts de recherche extérieurs. Quant aux thèmes de recherche, l'Institut devrait continuer à déceler dans le monde les tendances et les développements qui ont des répercussions pour l'OIT et ses mandants. Il pourrait entreprendre des recherches prospectives et politiques, notamment de caractère interdisciplinaire; contribuer à l'analyse de fond des interfaces des programmes entre les quatre objectifs stratégiques de l'OIT; étendre sa collaboration avec les structures régionales de recherche de l'OIT pour appuyer la coopération technique et développer les connaissances institutionnelles et les capacités éducatives des mandants de l'OIT au niveau régional.

Fournisseur de programmes de formation de l'OIT

Le Centre de Turin est un grand fournisseur de programmes de formation de l'OIT dans les domaines de l'emploi, des droits des travailleurs, de la protection sociale et de la gestion du développement. Il est aussi au service de l'ensemble du système des Nations Unies puisqu'il soutient l'Ecole des cadres des Nations Unies qui offre des possibilités de formation au personnel des Nations Unies et à leurs homologues nationaux; dans quelque temps, il accueillera aussi l'Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice.

Resserrer les liens entre le Centre de Turin et l'OIT

Il est prévu de revoir les activités du Centre de Turin à la lumière des objectifs stratégiques globaux proposés pour l'OIT, en vue d'améliorer la qualité de l'interaction entre les deux institutions. Plusieurs possibilités seront envisagées.

Premièrement, la contribution potentielle du Centre de Turin pourrait être systématiquement prise en compte dans la programmation de l'OIT, lors de l'établissement de plans de travail visant à mettre en œuvre les quatre objectifs stratégiques tant au siège que sur le terrain, par l›intermédiaire des programmes et projets de coopération technique. La collaboration avec les départements régionaux et les équipes multidisciplinaires pourrait aussi être resserrée lors de l'affectation des fonds du budget ordinaire de la coopération technique.

Deuxièmement, en ce qui concerne la coopération technique de l'OIT en général, le Centre pourrait apporter son aide dans les domaines suivants: mobilisation des ressources, gestion et évaluation des projets, utilisation optimale des services d'appui administratif pour les activités techniques.

Troisièmement, l'OIT et le Centre pourraient renforcer leur collaboration en vue de développer des partenariats avec le secteur privé. Les premiers efforts dans ce sens semblent prometteurs.

Quatrièmement, le Centre pourrait devenir le premier pourvoyeur de programmes de formation des fonctionnaires du BIT, tant au début de leur carrière que pendant celle-ci. Dans la famille des Nations Unies, l'OIT soutiendra le rôle du Centre et de l'Ecole des cadres, principaux instituts de formation au service de toutes les organisations relevant du système commun. Le Centre de Turin et l'Institut devraient consolider leur collaboration dans tous ces domaines.

Cinquièmement, le Centre de Turin est un canal potentiellement important de communication et de diffusion d'informations pour l'OIT. En 1998, par exemple, le Centre a accueilli dans ses cours 6 500 participants de 160 pays. A l'avenir, il pourrait inscrire systématiquement dans ses cours et son matériel didactique des «produits» OIT comme, par exemple, la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux, les études effectuées par l'Institut et les directives opérationnelles mises au point par les départements techniques. De cette manière, l'OIT pourrait étendre son influence sur ses mandants, le système des Nations Unies dans son ensemble et les grandes institutions régionales et nationales.

Enfin, on pourrait envisager d'accroître la mobilité du personnel entre l'OIT et le Centre de Turin en recourant à des détachements, à des échanges et à des procédures de concours, tout en respectant les critères de répartition géographique.

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Ce rapport fait ressortir que la tâche première de l'OIT à l'aube du XXIsiècle doit être de faire en sorte que chacun ait la possibilité d'accéder à un travail décent.

A cette fin, il suggère quatre objectifs stratégiques qui, tous quatre, doivent tenir compte des impératifs du développement et de l'égalité entre femmes et hommes. Ces objectifs sont interdépendants: ils doivent être poursuivis de manière équilibrée et intégrée de manière à contribuer à la réalisation du but fondamental.

Ce but exigera un changement d'attitude et des modifications organisationnelles de la part de l'OIT.

Ses structures de gouvernance politique devront refléter un tripartisme rassembleur qui, prenant en compte les intérêts de tous, débouchera sur une communauté de vues, au lieu d'un tripartisme diviseur fondé sur des intérêts égoïstes et éloigné des réalités pratiques.

L'OIT devra renforcer ses capacités techniques et organisationnelles afin que ses programmes soient à la fois innovants et cohérents. Elle devra, y compris par des partenariats, affirmer sa présence dans le monde extérieur, un monde qui tire sa force du caractère de plus en plus global et interdépendant du savoir, de l'opinion et de l'action. Sa politique de coopération technique devra concilier les ressources disponibles avec les demandes visant les différents objectifs stratégiques. Ses activités normatives devront défendre des valeurs universelles, sans imposer des solutions universelles.

En résumé, les propositions figurant dans ce rapport constituent un programme de réforme de grande envergure qui devrait permettre d'anticiper les mutations mondiales – au lieu que l'OIT se limite à y réagir. Inévitablement, elles soulèvent des problèmes complexes et délicats qui touchent aux sensibilités politiques et aux cultures institutionnelles. Ils ne pourront être surmontés que par un effort partagé et un partenariat étroit entre le Bureau et les mandants.

Cela devrait donner à l'opinion publique une image plus précise de l'OIT et grandement renforcer l'impact de toutes ses activités. Et surtout, cela fera de l'OIT une organisation au service des femmes et des hommes du monde entier dans ce qui est l'une des parties les plus importantes de leur vie de tous les jours.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.