GB.276/WP/SDL/1 |
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Groupe de travail sur la dimension sociale |
WP/SDL |
PREMIÈRE QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Rapport final concernant les études par pays
sur l'impact social de la mondialisation
Table des matières
B. La mondialisation: perceptions, définition et mesures
C. L'impact social de la mondialisation
Le coût de la liberté des mouvements des capitaux
Mondialisation et inégalités sociales
Mondialisation et insécurité de l'emploi
La mondialisation et les nouveaux types d'emplois
Le processus multilatéral
de libéralisation des échanges et les pays
en développement
Tableaux
1. Exportation de marchandises en pourcentage du
PIB dans les pays observés
2. Comparaison
entre les exportations mondiales et le volume des transactions sur
le marché des changes
3. Corrélation
entre les flux de capitaux et les taux de change réels de différents pays
4. Répartition des revenus des ménages
avant et après la libéralisation du commerce
5. Travail à temps partiel en proportion de
l'emploi total
6. Emploi temporaire en proportion
de l'emploi salarié total
7. Indicateurs
de l'emploi salarié «non protégé»
8. Impôts sur les échanges internationaux
et recettes publiques
Figures
1. Part des exportations mondiales de biens et services
dans le PIB mondial
2. Part des exportations
de biens et services dans le PIB par groupe de pays
3.
Part des exportations mondiales de services dans les exportations mondiales totales
4. Evolution des flux de capitaux
5.
Suisse: Caractéristiques du marché du travail de la spécialisation
industrielle
6. Bangladesh: Evolution divergente
du revenu réel par habitant des ménages les plus
riches et les plus pauvres
7. Chili: Estimation
des facteurs qui déterminent les inégalités de salaires et de revenus
8. Afrique du Sud: Comportement des secteurs manufacturiers
sur le marché du travail par orientation commerciale
9. République de Corée: Incidence estimée
du commerce sur l'emploi par niveau d'éducation
10. Commerce et flux d'emploi intersectoriels
11. Maurice: Pourcentage des recettes courantes de
l'Etat provenant du commerce international
12. Taux maximal
d'imposition du revenu des personnes physiques en 1986 et 1998
Annexe: Résumés des études par pays
1. Le Bureau a achevé les études sur l'impact social de la mondialisation dans sept pays (Afrique du Sud, Bangladesh, Chili, République de Corée, Maurice, Pologne, Suisse). Le but du présent rapport final, qui est une mise à jour du rapport intérimaire publié en mars 1991(1) , est de fournir une synthèse des principaux résultats de ces travaux et d'examiner une gamme de thèmes d'analyse et de questions de fond qui présentent un intérêt pour les pays Membres de l'OIT en général.
2. Bien que le terme «mondialisation» soit largement utilisé, son sens n'est pas toujours parfaitement clair, et le rapport le définit comme un processus d'intégration économique rapide entre les pays, induit par la libéralisation des échanges, des investissements et des flux de capitaux ainsi que par des progrès technologiques accélérés. Par rapport aux derniers épisodes de l'évolution économique, la mondialisation intéresse les entreprises et les travailleurs de la quasi-totalité des pays, dans le secteur des biens comme dans celui des services. En conséquence, l'essentiel des travailleurs sont directement touchés tandis que, par le passé, les travailleurs de l'industrie étaient pratiquement les seuls à subir le contrecoup de la concurrence internationale. Les échanges internationaux et les investissements étrangers directs se sont intensifiés, et la révolution dans le domaine de la technologie de l'information a facilité les transactions économiques. Les flux de capitaux à court terme ont marqué une progression spectaculaire et, en partie du fait de l'intégration des marchés financiers, les transactions effectuées sur les marchés des devises sont près de 80 fois supérieures au commerce mondial. La mondialisation suscite l'inquiétude des pays développés qui craignent une concurrence de la part des économies à bas salaires, cependant que les entreprises des pays en développement ont des difficultés à concurrencer les puissantes entreprises multinationales du «Nord».
3. Etant donné les multiples facettes du processus, il est impossible de déterminer un rapport simple entre mondialisation et progrès social. Comme en témoignent l'expérience historique et les données empiriques, la libéralisation des échanges et les investissements étrangers directs semblent bien entraîner une hausse des niveaux de vie, mais le processus n'est ni rapide ni aisé. Des coûts d'ajustement d'une certaine ampleur sont à prévoir. En outre, le rapport fait ressortir que le commerce est associé à une plus grande mobilité de la main-d'œuvre sur le marché du travail, ce qui est particulièrement préjudiciable aux travailleurs qui ne possèdent guère de compétences polyvalentes. On observe une accentuation de l'écart entre les revenus non seulement dans la plupart des pays étudiés, mais aussi dans d'autres pays Membres. Il ne semble guère établi que le commerce soit le facteur déterminant. L'adoption de technologies nouvelles pour faire face aux pressions accrues qu'exerce la concurrence internationale a pour effet d'accroître la demande de main-d'œuvre qualifiée au détriment des travailleurs non qualifiés. En outre, on observe une tendance quasi universelle à un allègement de l'imposition des hauts revenus, ce dont on peut conclure que le rôle redistributif de la fiscalité diminue. Entre 1986 et 1998, le taux d'imposition maximal des hauts revenus a baissé - et parfois même dans des proportions spectaculaires - dans 67 des 69 pays au sujet desquels il a été possible de réunir des données fiscales pour ce rapport. Dans certains pays, où les hauts revenus étaient imposés de façon démesurée, on peut probablement se féliciter de cette évolution. Toutefois, elle est sans doute aussi le reflet de la concurrence, vu que les personnes à hauts revenus ont généralement une assez grande mobilité internationale. Si cette tendance persiste, les gouvernements se verront bientôt privés d'un mécanisme important pour corriger l'inégalité croissante des revenus. Le fait que la mondialisation s'inscrive dans un contexte marqué par une accentuation des inégalités et par des craintes pour la sécurité de l'emploi conduit à s'interroger sur sa viabilité sociale et politique.
4. Les pays en développement éprouvent aussi une certaine crainte que la mondialisation accroisse la vulnérabilité de leur économie aux chocs internationaux, notamment lorsque la gamme de leurs exportations est limitée et qu'ils sont donc très vulnérables aux variations des termes de l'échange. Sur un tout autre plan, on observe que ces pays ne possèdent pas toujours l'expertise technique nécessaire pour participer avec fruit aux discussions multilatérales et aux travaux des organes chargés de régler les différends.
5. L'instabilité des flux de capitaux à court terme préoccupe de plus en plus la communauté internationale. Ce sont les effets du libre mouvement de capitaux qui sont particulièrement nuisibles dans les pays où les institutions financières internes sont probablement trop faibles pour faire face aux profondes fluctuations des mouvements de capitaux à court terme. D'après le rapport, il existe un risque que les flux de capitaux à court terme, loin d'être une simple conséquence des données fondamentales de l'économie, engendrent des fluctuations des taux de change et influent par conséquent sur la production et sur l'emploi.
6. Il convient de signaler qu'aucun des pays étudiés n'a exprimé le vœu d'adopter des mesures protectionnistes. Au lieu de cela, le défi pour l'action gouvernementale consiste à accentuer les bienfaits de la mondialisation en réduisant au minimum les coûts. Contrairement à l'opinion communément admise selon laquelle les institutions et les politiques sociales seraient menacées par la mondialisation, le rapport préconise une action dans les domaines de l'éducation et de la formation, des filets de protection sociale, de la législation du travail et des relations professionnelles ainsi que des normes fondamentales du travail. La mise en œuvre effective de ces quatre «piliers sociaux» peut contribuer dans une large mesure à assurer le succès de la mondialisation et sa viabilité sur le plan social. Enfin, la dernière section du rapport présente les domaines dans lesquels l'OIT pourrait entreprendre des activités de suivi.
7. Les craintes au sujet de l'incidence des normes du travail sur les avantages concurrentiels des exportateurs des différents pays ne datent pas d'hier (Charnovitz, 1987; Servais, 1989). Cependant, le débat sur ce thème a recueilli une attention sans précédent au cours des années quatre-vingt, époque à laquelle les propositions visant à inclure une clause sociale dans les accords négociés pendant les négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay ont déclenché une vive polémique. En fait, aucune mention n'a été faite de la clause sociale dans l'Acte final contenant les résultats du Cycle d'Uruguay qui a été signé à Marrakech en avril 1994(2) . Dans le cadre de l'OIT, le Conseil d'administration a décidé en 1994 de créer un groupe de travail chargé d'examiner «tous les aspects pertinents de la dimension sociale de la libéralisation du commerce international»(3) . A la première Conférence ministérielle biennale de l'OMC qui a eu lieu en décembre 1996 à Singapour, la compétence de l'OIT dans le domaine des normes internationales du travail fondamentales a été expressément reconnue(4) .
8. Pour donner une idée plus précise des grandes préoccupations que la mondialisation de l'économie a suscitées parmi les mandants de l'OIT, le Bureau a été invité à mener une enquête visant à rassembler des informations sur les effets de la mondialisation et de la libéralisation du commerce sur la réalisation des objectifs sociaux de l'OIT(5) . L'un des moyens de mieux faire comprendre les répercussions de ce phénomène sur les questions sociales et le marché du travail consistait, de l'avis de ceux qui ont répondu au questionnaire, à entreprendre une série d'études portant sur les pays qui avaient manifesté leur intérêt à l'égard de cette initiative(6) .
9. Une équipe spéciale du BIT a été chargée de mener à bien cette recherche, et un rapport intérimaire concernant ses travaux a été présenté à la dernière réunion du groupe de travail(7) . Les sept études ont été achevées et discutées à des réunions tripartites nationales(8) . Des résumés des études sont reproduits en annexe pour information. Le présent rapport repose principalement sur les résultats et les conclusions des études, qui ont trait à des pays appartenant à quatre régions (Asie, Amérique latine, Afrique et Europe), dont les niveaux de développement économique diffèrent de même que les institutions sociales et politiques. Des recherches plus approfondies ont aussi été prises en compte et notamment de plus vastes comparaisons au niveau international.
10. La partie B du présent rapport analyse le débat international sur la mondialisation et propose une définition simple. On s'est aussi employé à définir les indicateurs permettant de mesurer l'intégration accrue des économies nationales. Le rapport examine ensuite le rapport possible entre les différents aspects de la mondialisation comme le commerce, les investissements étrangers directs et les flux de capitaux financiers, d'une part, et les marchés du travail et la répartition du revenu, d'autre part (partie C). En s'appuyant sur les résultats des études par pays, la partie D étudie dans quelle mesure les politiques sociales et du travail et les réformes législatives et institutionnelles s'y rapportant contribuent à accroître les avantages découlant de la mondialisation tout en réduisant les coûts sociaux et en facilitant l'adaptation à une économie internationale plus concurrentielle. La partie E propose pour examen des domaines d'activité future de l'OIT qui feraient suite aux activités de recherche. Les recommandations avancées lors des réunions tripartites nationales après l'examen des études par pays, les observations formulées au fil des années par les membres du groupe de travail et les résultats des études elles-mêmes sont autant d'éléments qui indiquent l'orientation à donner aux activités futures de l'OIT.
B. La mondialisation: perceptions, définition et mesures
Le débat international sur la mondialisation
11. La mondialisation est certainement l'un des termes qui a été le plus utilisé au cours des années quatre-vingt-dix dans les débats sur le développement économique et social. Les opinions concernant l'issue de la mondialisation sont des plus divergentes: alors que certains y voient un élément moteur qui ouvrira la voie à une prospérité nouvelle à laquelle les pays pauvres peuvent être associés dans l'économie mondiale, d'autres craignent que la mondialisation ait des effets négatifs sur les travailleurs, compromette les droits sociaux et aggrave les inégalités sociales.
12. Si la mondialisation apparaît surtout comme un phénomène inéluctable, elle suscite l'inquiétude dans les pays développés comme dans les pays en développement. Les médias internationaux se font l'écho du scepticisme quant aux bienfaits possibles de la mondialisation. Pour les pays développés, l'inquiétude porte principalement sur la concurrence des importations de produits meilleur marché provenant des pays en développement. Les pays en développement craignent eux de ne pas être en mesure de soutenir la concurrence des pays développés dans un cadre libéralisé et de se trouver marginalisés sur la scène économique internationale. En outre, les pays en développement considèrent en général que la mondialisation exige des réformes économiques qui risquent de leur causer d'énormes difficultés, lesquelles ne seront pas forcément passagères.
13. Le malaise ressenti au sujet de la mondialisation provient en partie de l'idée que les politiques nationales sont de plus en plus dictées par les contraintes internationales. En effet, les déséquilibres macroéconomiques peuvent être plus préjudiciables dans un environnement libéralisé que dans un cadre relativement protégé. Dans certains cas, la mondialisation sert de prétexte pour justifier l'adoption de mesures gouvernementales, par exemple des coupes sombres dans les systèmes de protection sociale. Cependant, aucune donnée d'observation ne vient étayer l'argument selon lequel les pays dont l'économie est relativement «ouverte» disposent de systèmes de protection sociale plus restreints ou moins onéreux que ceux qui possèdent une économie plus «fermée». En réalité, il semble que les pays exposés à un degré élevé de risque extérieur consacrent une plus grande partie de leurs dépenses à la protection sociale que ceux qui sont moins exposés (Rodrik, 1997). C'est pourquoi, alors que la réforme des systèmes de protection sociale destinée à en accroître l'efficience et l'efficacité peut s'avérer nécessaire indépendamment de la mondialisation, le démantèlement de ces systèmes ne peut être motivé par des contraintes extérieures (voir section D ci-dessous). Il est vrai néanmoins que la mobilité grandissante des capitaux entraîne une érosion partielle de l'assiette fiscale, ce qui entrave le financement des prestations sociales.
Une définition simple de la mondialisation
14. La mondialisation présente des aspects économiques, politiques et culturels qui peuvent tous avoir un impact social. L'équipe spéciale a en grande partie limité son analyse aux effets de la mondialisation économique.
15. La mondialisation économique peut simplement s'entendre d'un processus d'intégration économique rapide entre les pays, qui a été induit par la libéralisation croissante du commerce international et des investissements étrangers directs et par la plus grande mobilité des flux de capitaux. Le phénomène se manifeste principalement par une intensification des activités dans les domaines suivants:
16. Les différentes dimensions du processus sont interdépendantes et se renforcent mutuellement. Ainsi les flux internationaux d'information qui permettent d'effectuer des transactions en temps réel facilitent certes le commerce et l'investissement, mais ils donnent aussi aux entreprises la possibilité de se tenir informées des cours internationaux des intrants dont elles ont besoin en vue d'obtenir de leurs fournisseurs locaux des niveaux de prix similaires. Même si aucun échange effectif n'a lieu, le phénomène aura un impact sur les entreprises locales. Le flux international de technologie «douce» - connaissance des pratiques de gestion et des méthodes d'organisation du travail - constitue une autre facette de la mondialisation.
Comment mesurer la mondialisation?
17. Pour illustrer l'augmentation des courants d'échanges, il suffit d'examiner l'évolution de la part des exportations de biens et services dans le PIB. Certains auteurs ont comparé les courants d'échanges actuels avec des données rétrospectives et sont arrivés à la conclusion que le rapport commerce-PIB a rapidement progressé au XIXe siècle et au début du XXe siècle. Une tendance similaire est perceptible entre 1950 et le début des années soixante-dix. Certains prétendent qu'il ne s'agit pas d'un phénomène sans précédent et que l'ouverture au commerce a été plus ou moins grande suivant les périodes. D'aucuns vont même jusqu'à dire que le degré actuel d'ouverture économique est moins élevé qu'au début du siècle.
18. Malgré l'intérêt de cette perspective historique, il serait exagéré d'avancer qu'aujourd'hui l'économie n'est pas plus mondialisée qu'elle ne l'était au début du siècle. Comme l'indique le tableau 1, pour la plupart des pays pour lesquels on dispose de données à long terme, la part des exportations dans le PIB est aujourd'hui plus élevée que jamais.
19. La figure 1.A montre que les exportations mondiales considérées en tant que part du PIB mondial à prix courants ont enregistré une augmentation rapide du milieu des années soixante au milieu des années soixante-dix, ont connu une période de stagnation entre le milieu des années soixante-dix et le milieu des années quatre-vingt, puis ont repris une nette orientation en hausse. Aujourd'hui, les exportations mondiales représentent près d'un cinquième du PIB mondial, soit 5 pour cent de plus qu'au milieu des années quatre-vingt. A prix constants, l'accroissement est bien plus marqué, ce qui s'explique par le fait que, en moyenne, les prix à l'exportation ont progressé plus lentement que les prix des biens et services produits sur place (figure 1.B). La hausse récente du rapport exportations-PIB a été beaucoup plus forte dans les pays à revenu faible et intermédiaire que dans les pays à revenu élevé (figure 2).
20. L'expansion des exportations mondiales se caractérise notamment par le fait que les exportations de services augmentent plus rapidement que celles des produits (figure 3). L'amélioration des possibilités de stockage, de traitement et de communication des données facilite le commerce international dans un nombre croissant de services. Le cas du secteur des logiciels à Bangalore, en Inde, qui assure des services de développement de logiciels - conception détaillée, codage/programmation et essais - pour des clients d'Europe et des Etats-Unis n'en est qu'un exemple. En Inde, on estime que 25 000 personnes environ travaillent dans le secteur des «services à distance», qui vont de la saisie de répertoires téléphoniques à la réalisation de recherches de base. Leur nombre devrait dépasser un million dans les dix prochaines années(9) .
21. En outre, dans certains pays, les secteurs économiques qui tendaient à opérer dans les frontières d'un Etat-nation se sont récemment ouverts aux entreprises étrangères. La construction, les services des télécommunications et les projets d'équipement en sont des exemples importants. La mesure dans laquelle ces secteurs se sont mondialisés est difficile à évaluer, vu que les échanges auxquels ils donnent lieu sont négligeables.
22. Les investissements étrangers directs (IED) supposent un rapport à long terme et reflètent l'intérêt et le contrôle durables d'une entité résidant dans un pays à l'égard d'une entreprise résidant dans un pays autre que celui de l'investisseur étranger(10) . Les données sur les flux mondiaux d'IED bruts font ressortir un accroissement considérable au cours des quinze dernières années. Alors que la part de ces flux dans le PIB total était inférieure à 1,5 pour cent jusqu'en 1986, elle s'est située autour de 2 pour cent dans les années quatre-vingt-dix. Cependant, les statistiques révèlent également des fluctuations très sensibles plutôt qu'une hausse interrompue (figure 4.A). Un indicateur connexe, mais non identique, de la mondialisation est la croissance des fusions et acquisitions transfrontières qui a commencé dans les années quatre-vingt(11) .
23. Les flux de capitaux à court terme ont progressé de façon encore plus spectaculaire, particulièrement dans les «économies de marché émergentes». Les investissements nets de portefeuille dans les pays en développement et en transition qui étaient négligeables dans les années soixante-dix et quatre-vingt ont atteint des montants considérables au cours des années quatre-vint-dix (figure 4.B). Toutefois, ces flux à court terme accusent des fluctuations notables d'une année à l'autre et sont en général plus instables que les mouvements d'IED(12) . Cette instabilité risque de perturber le climat économique et de nuire ainsi à la croissance économique (pour une analyse détaillée, voir section C).
24. L'importance que les transactions financières à court terme ont prise dans l'économie internationale est attestée par le fait que leur volume est nettement plus important que celui des échanges de biens et services. Le volume journalier des transactions sur le marché des devises qui a été enregistré dans le monde en 1998 était au moins 78 fois plus élevé que le volume journalier des exportations de biens et services, alors qu'il était 56 fois supérieur en 1989 (tableau 2).
L'importance des entreprises
multinationales
et la réorganisation des réseaux de production
à l'échelle internationale
25. Les entreprises opèrent de plus en plus à l'échelle internationale. Les progrès accomplis dans les technologies de l'information et les moyens de transport (et la baisse consécutive des coûts de transfert de l'information ou des biens d'un pays à l'autre) contribuent à donner à l'actuel processus de mondialisation une portée plus vaste que les précédentes expériences d'intégration internationale. La place grandissante des entreprises multinationales dans l'économie internationale peut se mesurer à la part de la production des filiales étrangères dans le PIB mondial. Cette part est passée de 5 pour cent environ au début des années quatre-vingt à presque 7 pour cent en 1996-97(13) .
26. En vue de s'adapter à une concurrence internationale de plus en plus vive, les entreprises introduisent certes une plus grande souplesse dans leurs opérations internes, mais elles modifient également leurs relations avec les firmes nationales et étrangères. Nombre d'entreprises cherchent à se concentrer sur des activités de base - pour lesquelles elles ont une compétence particulière ou sont difficiles à imiter et qui offrent une meilleure source de valeur - et sur celles qui peuvent fournir un accès à de nouveaux marchés (Palpacuer, 1998). Cette focalisation sur des domaines essentiels de compétence permet aux entreprises non seulement d'accroître leurs capacités par la spécialisation, mais encore de trouver de nouveaux moyens de tirer parti de leur environnement. En externalisant leurs activités satellites, les entreprises peuvent réduire leurs charges fixes et, partant, augmenter leur capacité de modifier rapidement l'affectation de leurs ressources et choisir de nouveaux débouchés pour faire face aux changements imprévus de l'environnement économique.
27. L'externalisation des intrants ou des services peut intervenir à l'échelle nationale ou internationale. Les événements récents indiquent que les grands constructeurs automobiles mettent actuellement en œuvre ces stratégies de réseau à une échelle mondiale, en s'en remettant à des sous-traitants qui leur fournissent des pièces détachées pour toutes leurs activités dans le monde (Humphrey, 1998). Les entreprises de confection d'Europe et des Etats-Unis ont progressivement étendu leur réseau de sous-traitance à l'Asie et à l'Amérique latine, et même les producteurs de vêtements opérant dans les pays à revenu intermédiaire comme le Chili tirent de plus en plus parti des possibilités qui leur sont données d'externaliser vers les pays en développement d'Asie la production à forte intensité de main-d'œuvre (équipe spéciale du BIT, 1998).
28. Pour le secteur manufacturier dans son ensemble, le volume de l'externalisation internationale peut se mesurer à la part accrue des moyens de production importés par rapport au total des moyens de production, comme il a été établi pour des pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et le Mexique(14) .
C. L'impact social de la mondialisation
29. Il est extrêmement difficile d'évaluer les conséquences d'un phénomène vaste et complexe comme la mondialisation, qui comporte d'importants aspects théoriques, méthodologiques et empiriques. Il est particulièrement difficile d'isoler empiriquement l'impact de l'une des dimensions de cette mondialisation de l'impact des autres facteurs économiques ou politiques.
30. Il ressort des considérations théoriques et des données empiriques que la mondialisation est de nature à améliorer le sort des peuples. Selon les conclusions de la plupart des études portant sur différents pays, il existe une corrélation, au moins à long terme et dans la plupart des cas, entre une progression des échanges et des flux d'investissement étranger direct, d'une part, et la croissance et l'augmentation de la productivité de l'ensemble de l'économie de l'autre(15) . L'impact des flux de capitaux à court terme est beaucoup plus ambigu, comme on va le montrer.
31. Les gains potentiels ne sont ni automatiques ni instantanés. Ils dépendent de la situation initiale, de l'évolution économique extérieure et des décisions prises. Pour que les avantages espérés se concrétisent, il faut procéder à certaines adaptations, lesquelles donnent naissance, presque automatiquement, à des flux d'emploi intersectoriels et à des coûts d'ajustement correspondants pour les travailleurs déplacés. Au-delà de ces coûts transitoires, la mondialisation donne lieu à des ajustements du marché du travail qui risquent d'accroître les inégalités sociales, certains individus ou groupes pouvant bénéficier de l'évolution davantage que d'autres. Ainsi en va-t-il, par exemple, des travailleurs qualifiés par rapport aux travailleurs non qualifiés (c'est le cas en Suisse) ou des citadins par rapport aux campagnards (c'est le cas au Bangladesh). Ces inégalités entraînent soit des inégalités salariales, soit des inégalités dans l'emploi, soit les deux.
32. Les études menées par l'équipe spéciale ont aussi permis d'éclairer d'un jour nouveau les liens existant entre la mondialisation, d'une part, et l'insécurité économique et professionnelle, de l'autre. La mondialisation est de nature à accroître les incertitudes. A mesure que les marchés se mondialisent, même les entreprises les plus solidement implantées risquent d'être menacées. Par ailleurs, il est devenu techniquement possible de sous-traiter une partie de la production à l'étranger. L'avantage comparatif des pays est de plus en plus soumis aux changements, à telle enseigne que certains observateurs ont créé l'expression d'«avantage comparatif kaléidoscopique». Une analyse portant sur différents pays menée par l'équipe spéciale du BIT confirme que plus une économie est ouverte, plus les flux d'emploi intersectoriels progressent (voir ci-dessous). La mondialisation est également liée à l'érosion du modèle «fordiste» classique de l'emploi salarié. De nouvelles formes d'emploi font leur apparition. Bien que ces formes non classiques correspondent souvent à de nouvelles options pour nombre de travailleurs, on est en droit de craindre leurs conséquences sociales négatives, en particulier pour les travailleurs peu qualifiés.
Le coût de la liberté des mouvements des capitaux
33. Les avantages et inconvénients de la libéralisation des mouvements des capitaux sont âprement débattus depuis quelques années, particulièrement depuis la crise financière asiatique. Cette libéralisation est souvent préconisée par les institutions financières internationales et certains milieux universitaires(16) qui se fondent essentiellement sur l'idée qu'elle améliorerait la répartition des mouvements de capitaux entre les pays. Une telle évolution serait particulièrement bénéfique pour les pays en développement, qui souffrent d'une pénurie chronique de capitaux, de la même façon que, dans les années quatre-vingt, on a estimé que la libéralisation des marchés financiers intérieurs pouvait contribuer à alléger les contraintes liées au crédit tout en améliorant la répartition des ressources. Appliquant ce point de vue, de nombreux pays ont commencé à libéraliser leurs mouvements de capitaux.
34. C'est ainsi que, sous l'effet d'un élargissement de l'accès des entreprises et banques coréennes aux prêts étrangers, la dette étrangère totale du pays a doublé de 1993 à 1997, augmentant de plus de 140 milliards de dollars des Etats-Unis, soit environ 90 pour cent des exportations totales de biens et de services, ou encore 3 000 dollars des Etats-Unis par habitant (équipe spéciale du BIT, 1999c).
35. Au Chili, les flux de capitaux ont été partiellement libéralisés, mais des restrictions ont été maintenues sous la forme de réserves obligatoires non rémunérées. Ainsi, malgré les difficultés rencontrées dans la maîtrise des flux de capitaux à court terme (les investisseurs apprenant vite à échapper aux mesures de contrôle et de nouveaux mécanismes devant être imaginés en permanence), le gouvernement chilien a réussi à éviter une volatilité excessive des flux de capitaux (équipe spéciale du BIT, 1998). Plus fondamentalement, le déficit courant actuel du Chili, qui traduit un taux élevé d'investissement intérieur, a été financé essentiellement par des apports de capitaux à long terme. De manière assez paradoxale, les obligations relatives aux réserves ont été supprimées par la Banque centrale du Chili au moment même où avait lieu un débat public croissant sur les avantages qu'il y aurait à imposer certaines restrictions aux mouvements de capitaux à court terme. Dans ce débat, la réglementation chilienne a été considérée comme un modèle possible de transparence et de bonne gestion.
36. Les mesures de libéralisation ont entraîné la constitution d'un montant élevé de capitaux financiers qui peuvent se déplacer d'un pays à l'autre presque instantanément à faible coût. Cette évolution a accru la vulnérabilité des économies nationales aux variations des positions et intérêts des investisseurs internationaux.
37. Plus fondamentalement, il se pourrait que l'économie financière ait acquis une certaine autonomie par rapport aux données économiques fondamentales, sur lesquelles elle exercerait même une influence négative. De fait, lorsqu'on examine l'évolution financière et économique récente, on peut soutenir qu'il existe un danger réel de voir les flux de capitaux déterminer de plus en plus les mouvements des taux de change, et par voie de conséquence affecter le commerce, la production et l'emploi. Dans le passé, au contraire, la règle était une relation de causalité entre l'économique et le financier.
38. Il ressort des travaux menés pour rédiger le présent rapport que cette inversion s'est peut-être déjà produite, au moins dans les sept pays émergents ayant fait l'objet de l'étude (Afrique du Sud, République de Corée, Inde, Indonésie, Mexique, Philippines et Thaïlande)(17) . Comme le montre le tableau 3, dans les années quatre-vingt, les mouvements des taux de change réels au cours d'un trimestre donné étaient souvent provoqués par l'évolution de la balance des paiements fondamentale du trimestre précédent (c'est-à-dire par la balance des comptes courants et des flux nets d'investissement étranger direct). Une balance positive exerçait des pressions croissantes sur la monnaie, l'inverse se produisant en cas de balance négative. Comme il est logique, les coefficients de corrélation qui apparaissent dans le tableau sont relativement élevés et statistiquement significatifs dans cinq des sept cas. Cette causalité a presque complètement disparu dans les années quatre-vingt-dix, à l'exception possible du Mexique et des Philippines. Les coefficients de corrélation sont devenus très faibles et peu significatifs. Alors que la balance des paiements fondamentale joue un rôle moindre dans la détermination des taux de change, les flux de capitaux privés sont devenus un important facteur déterminant: au cours des années quatre-vingt, il n'y avait pas de lien significatif entre les flux de capitaux privés au cours d'un trimestre donné et les mouvements de change réels au cours du trimestre suivant, alors que cela devient le cas dans les années quatre-vingt-dix, comme le montre le fait que les coefficients de corrélation ont progressé et que plusieurs d'entre eux sont statistiquement significatifs.
Mondialisation et inégalités sociales
39. Selon la théorie économique classique, les échanges sont, dans certaines conditions, de nature à diminuer les inégalités de revenus dans les pays en développement et à les accroître dans les pays industriels. Comparés aux seconds, les premiers disposent d'une main-d'œuvre abondante pour laquelle la demande est susceptible de progresser à mesure que les flux commerciaux entre pays en développement et pays industriels s'intensifient. A son tour, cette évolution a pour effet d'accroître les salaires des travailleurs non qualifiés par rapport à ceux des travailleurs qualifiés, et donc de diminuer les inégalités de revenus. L'évolution opposée doit normalement se produire dans les pays industriels.
40. L'étude menée par l'équipe spéciale du BIT sur la Suisse donne des indications selon lesquelles la pénétration des importations est surtout liée à une réduction des salaires dans les industries qui fabriquent des produits relativement homogènes, comme le textile. Lorsque la concurrence a lieu principalement par la différenciation entre les exportations (comme dans les industries mécaniques et le génie civil), rien ne semble indiquer que le commerce conduit à une réduction des salaires. Dans la mesure où ces industries occupant un créneau précis font davantage appel à la main-d'œuvre qualifiée que celles qui fabriquent des biens homogènes, le commerce peut contribuer à un élargissement des inégalités de revenus (équipe spéciale du BIT, 1999e; figure 5).
41. En ce qui concerne les pays en développement, il ressort des travaux de l'équipe spéciale du BIT que le commerce international n'entraîne pas toujours une diminution des inégalités de revenus (tableau 4). Au Chili et au Bangladesh, ces inégalités ont progressé au cours de la période de libéralisation des échanges. Au Bangladesh, cette progression a entraîné une stagnation des revenus des ménages les plus pauvres, malgré un accroissement notable des revenus moyens (figure 6). Ce fait est troublant, car il montre que les individus ne participent pas à la mondialisation sur un pied d'égalité. Le commerce international n'est certainement pas la seule explication à ce phénomène, et une évolution quantitative donne à penser que la contribution directe des échanges internationaux à l'accroissement des inégalités de revenus au Chili de 1960-1996 est d'environ 10 pour cent (figure 7). Cependant, dans la mesure où le progrès technique est lié au commerce international et favorise le recours à la main-d'œuvre qualifiée, on peut admettre l'hypothèse d'une contribution indirecte du commerce aux inégalités (équipe spéciale du BIT, 1998, 1999a). En Afrique du Sud, les inégalités de revenus ont diminué entre 1990 et 1995, apparemment par suite de la fin du régime discriminatoire de l'apartheid. Selon l'évaluation de l'équipe spéciale, l'effet net de la libéralisation du commerce peut être un creusement des inégalités. En apparence, cette libéralisation a eu pour effet jusqu'ici de renforcer la spécialisation internationale de l'économie sud-africaine, fondée sur le capital, et a aggravé encore le chômage déjà élevé (équipe spéciale du BIT, 1999d). Il est intéressant de constater que l'influence négative de la libéralisation du commerce sur l'emploi n'est pas directement liée à la concurrence en matière d'importation, puisque les pertes d'emploi relatives qui se sont produites de 1994 à 1997 ont été supérieures dans les secteurs tournés vers l'exportation à ce qu'elles ont été dans les secteurs tournés vers l'importation (figure 8)(18) . Les études portant sur d'autres pays en développement à revenus moyens comme le Mexique, la Colombie et le Costa Rica concluent également que la libéralisation du commerce favorise le creusement des inégalités de revenus (Robbins, 1996; Hanson/Harrison, 1995; Wood, 1997).
42. Cependant, ce résultat ne se vérifie pas dans tous les pays. A Maurice, la croissance induite par l'exportation s'est accompagnée au cours des quinze dernières années d'une amélioration de la répartition des revenus(19) . En République de Corée, la répartition des revenus s'est améliorée alors que les échanges ont eu pour effet de réduire la demande de main-d'œuvre non qualifiée (figure 11). Les changements liés à l'offre, qui se sont manifestés sous la forme d'une qualification de la main-d'œuvre, ont été suffisants pour compenser les effets potentiellement négatifs des échanges sur la répartition des revenus. La qualification de la main-d'œuvre est donc un élément important des stratégies visant à éviter les effets négatifs de la mondialisation sur la répartition des revenus (équipe spéciale du BIT, 1999b, 1999c).
43. On peut trouver deux grandes explications au fait que la libéralisation des échanges a eu pour effet dans nombre de pays en développement d'accroître la demande relative de travailleurs qualifiés, et non de travailleurs non qualifiés:
44. Dans nombre de pays en développement, la mondialisation est liée à la participation accrue des femmes au marché du travail. A Maurice, par exemple, elles constituent la majorité des travailleurs des zones franches d'exportation - 85 pour cent en 1983 et 71 pour cent en 1995 (équipe spéciale du BIT, 1999b). Cependant, la mondialisation n'est généralement pas en mesure de réduire les discriminations fondées sur le sexe. La répartition professionnelle ne change pas fondamentalement et, dans de nombreux pays, les femmes restent surreprésentées dans les emplois caractérisés par la faiblesse des salaires, l'insécurité professionnelle et les mauvaises conditions de travail.
45. Enfin, certains soutiennent parfois que la mobilité internationale accrue des capitaux a eu pour effet d'accroître l'importance de ceux-ci par rapport au travail. Comme il apparaît relativement facile de déplacer le travail d'un pays à l'autre, la position de négociation des travailleurs peut s'en trouver affaiblie, et l'on peut s'attendre à une diminution de la part des salaires dans le PIB. De fait, cette part, même corrigée pour tenir compte du nombre accru de travailleurs indépendants, a diminué depuis les années quatre-vingt dans treize des quinze pays de l'Union européenne. Pour l'ensemble de l'UE, elle est tombée en moyenne de 73,2 pour cent pour la période de 1981 à 1990 à 68,3 pour cent en 1998. Durant cette période, le Japon a également enregistré une baisse de la part des salaires (de 75,1 pour cent à 72,7 pour cent), tandis que les Etats-Unis ont enregistré une très légère augmentation, passant de 71,6 pour cent à 72,4 pour cent (Commission européenne, 1998).
Mondialisation et insécurité de l'emploi
46.On soutient parfois que la mondialisation provoque une instabilité du marché du travail. Les travailleurs peuvent être menacés par la concurrence des importations, les techniques économisant de la main-d'œuvre et l'investissement étranger direct (par exemple, par la relocalisation de certaines activités à l'étranger). L'élasticité accrue de la demande de travail affecte particulièrement les travailleurs faiblement qualifiés, qui sont généralement peu mobiles et sont donc davantage menacés par l'insécurité professionnelle et la précarité (Rodrik, 1997). On considère généralement que la mondialisation entraîne une modification de la position concurrentielle des entreprises sur les marchés mondiaux et de la position des pays dans la division internationale du travail. Ces modifications ont forcément des répercussions au niveau des travailleurs, puisque les échanges peuvent conduire à la création d'emploi dans les industries qui possèdent un avantage comparatif et à des pertes d'emploi dans les industries qui sont concurrencées par les importations. Il ressort des études comme celle effectuée par Addison, Fox et Ruhm (1996) que le risque de perte d'emploi est plus fort dans les secteurs exposés à la concurrence des importations.
47. Entre les années quatre-vingt et les années quatre-vingt-dix, une montée générale, et parfois très forte, du sentiment individuel d'insécurité de l'emploi a été observée dans la plupart des pays de l'OCDE, y compris ceux où le taux de chômage était soit très faible, soit en baisse, comme le Japon, les Etats-Unis et le Royaume-Uni(20) .
48. Cependant, un examen de la durée d'emploi moyenne des travailleurs ne donne pas de résultats concluants. Aucun changement significatif de la durée moyenne ou des flux d'emploi bruts n'a été constaté(21) . En revanche, on constate une augmentation de la rotation professionnelle dans certains pays et certaines couches précises de la population. Au Chili, le taux de création et de remplacement des emplois s'est accru considérablement depuis le début de la libéralisation des échanges et est resté élevé depuis lors(22) .
49. Assez peu de recherches ont été consacrées à la nature et à l'ampleur des coûts d'ajustement découlant de la libéralisation du commerce. Le présent rapport vise à analyser cette question en admettant comme hypothèse le fait que ces coûts sont d'autant plus élevés que la différence entre les besoins en emploi des industries en expansion et les pertes d'emploi dans les industries en déclin est élevée. Lorsque ces deux types d'industries appartiennent au même secteur, il est habituellement plus facile aux travailleurs déplacés de trouver un nouvel emploi. A l'opposé, trouver un emploi dans un secteur entièrement différent est généralement plus difficile, surtout pour les travailleurs faiblement éduqués, dont les qualifications et compétences sont souvent liées à un secteur donné.
50. Les économies sont exposées en permanence aux chocs, le commerce n'étant que l'un d'eux. Cependant, l'analyse des données relatives à l'emploi industriel dans 77 pays de 1986 à 1995 menée aux fins du présent rapport(23) montre que le commerce est susceptible de produire plus d'effets dommageables en termes de déplacement que les autres chocs en raison de l'importante rotation intersectorielle de la main-d'œuvre à laquelle il donne lieu:
51. Dans la plupart des pays étudiés, la mondialisation s'est traduite par un déplacement structurel de l'emploi du secteur manufacturier aux services. Un transfert similaire s'est produit au moment de la révolution industrielle, lorsque les gains de productivité de l'agriculture ont provoqué un déplacement de la main-d'œuvre agricole vers l'industrie. Les études par pays montrent que l'emploi a progressé dans les secteurs tournés vers l'exportation, mais que cette progression n'a pas compensé les pertes enregistrées dans les secteurs en concurrence avec les importations. La raison en est que des gains importants de productivité se sont produits dans l'ensemble du secteur manufacturier. Ces gains se sont traduits par une baisse du prix des biens d'origine industrielle, qui a permis d'améliorer le sort des consommateurs. Au lieu d'acheter davantage de ces biens, cependant, les consommateurs ont tendance à exiger davantage de services(24) .
La mondialisation et les nouveaux types d'emplois
52. Jusqu'aux années soixante-dix, la plupart des débats relatifs à l'emploi salarié se fondaient implicitement ou explicitement sur le modèle d'une relation d'emploi «type» ayant les caractéristiques suivantes: employeur et lieu de travail unique; contrats à durée non déterminée; travail à plein temps; protection sociale et juridique.
53. Certes, même durant les années soixante-dix, cette relation d'emploi type était loin d'être universelle, particulièrement dans nombre de pays en développement; cependant, les formes d'emploi atypiques sont en progression dans de nombreux pays.
54. L'absence de données d'ensemble et les différences de définitions dans ce domaine rendent les comparaisons entre pays difficiles. L'analyse des tendances au sein des pays et des groupes de pays est nettement plus fiable. Depuis le milieu des années soixante-dix, le travail à temps partiel a progressé dans la plupart des pays pour lesquels on dispose de données: dans les 12 pays qui étaient déjà membres de l'Union européenne en 1987, le travail à temps partiel est passé de 8,9 pour cent de l'emploi total cette année-là à 10,2 pour cent en 1990 et à 12,2 pour cent en 1997 (tableau 5). Depuis le milieu des années quatre-vingt, l'emploi temporaire a progressé dans l'ensemble des pays faisant partie de l'échantillon sauf au Japon, où il est resté pratiquement stable, et en République de Corée, où il a baissé fortement (tableau 6). Dans nombre de pays en développement, l'emploi atypique prend souvent la forme d'emplois «non protégés», c'est-à-dire dépourvus de contrat de travail écrit ou de couverture légale de sécurité sociale. Certes, ce type de travail rémunéré «informel» n'est pas nouveau; cependant, il ressort des données relatives à un échantillon de pays latino-américains qu'il a progressé dans la totalité de ces pays depuis le début des années quatre-vingt-dix (tableau 7).
55. Il est difficile de dire si la mondialisation en est la cause principale. Certaines raisons portent à croire qu'il existe une certaine corrélation. A mesure que la demande de travail devient plus volatile, les entreprises peuvent recourir aux formes d'emploi atypiques pour accroître la flexibilité externe (c'est-à-dire pour adapter la quantité de travail à l'évolution des besoins). Il existe dans différents pays et différents secteurs des signes qui tendent à confirmer les liens existant entre l'emploi atypique et la mondialisation. Par exemple, certaines entreprises sud-africaines ont réagi à l'intensification des pressions concurrentielles en transformant les travailleurs dépendants en «sous-traitants indépendants»(25) . Au Chili, plus de 90 pour cent de l'emploi dans les activités agricoles tournées vers l'exportation est temporaire, alors que cette proportion n'est que de 55 pour cent dans les activités en concurrence avec les importations(26) . L'embauche de nombreux travailleurs temporaires apparaît comme l'une des stratégies adoptées par les entreprises manufacturières du Maroc pour répondre à la réforme commerciale des années quatre-vingt (Currie/Harrison, 1997). Cependant, des recherches restent à faire pour quantifier davantage cette corrélation.
56. Outre la mondialisation, les faits survenus du côté de l'offre ont également contribué à faire apparaître certaines formes d'emploi atypiques comme le travail à temps partiel. Jusqu'ici, ce sont surtout les femmes qui ont choisi cette formule, qui leur permet de combiner l'emploi rémunéré avec les responsabilités familiales. Il apparaît également que l'emploi atypique est plus courant dans les secteurs économiques qui ne sont pas exposés directement à la concurrence internationale (par exemple les services non marchands).
57. La progression des formes d'emploi atypiques n'entraîne pas nécessairement une aggravation de la précarité. Le travail à plein temps ou le travail temporaire peut être choisi librement par certains. En 1997, par exemple, 58,5 pour cent des travailleurs à temps partiel des 15 pays de l'UE ne souhaitaient pas travailler à plein temps, et 9,5 pour cent combinaient le travail à temps partiel avec des activités scolaires ou une formation. La part des travailleurs à temps partiel volontaires était proportionnellement plus élevée chez les femmes(27) .
58. La part des travailleurs temporaires ayant choisi volontairement cette formule est beaucoup plus faible. Cependant, dans certaines professions comme les programmeurs informatiques, les spécialistes des médias (par exemple Internet) et les consultants, l'emploi temporaire peut parfois offrir de meilleures perspectives d'apprentissage et de carrière qu'un emploi permanent auprès d'un employeur unique. De manière plus générale, dans un environnement économique et technique qui évolue rapidement, tant sur le plan intérieur qu'international, les formes d'emploi atypiques peuvent parfois permettre une affectation efficace de la main-d'œuvre à des activités à productivité plus forte, et donc à revenus plus élevés.
59. Dans l'ensemble, il semble que, si les travailleurs hautement qualifiés peuvent souvent bénéficier des formes d'emploi atypiques, ceux qui sont moins qualifiés sont aussi moins favorisés. Il arrive parfois aussi que ces formes d'emploi rendent les travailleurs plus vulnérables aux effets des fluctuations économiques. Les droits prévus par la loi ne sont pas toujours respectés et les intéressés ne bénéficient pas toujours de conventions collectives.
60. Il est donc essentiel de prévoir des mesures réglementaires accordant une certaine protection sociale aux personnes travaillant selon une forme d'emploi atypique lorsque cette protection n'existe pas. Il est important également de faire bénéficier ces travailleurs des mécanismes de l'assurance sociale.
61. Comme cela a déjà été indiqué, la mondialisation peut accroître les débouchés et faire ainsi augmenter la production et les recettes publiques mais elle peut aussi influer de diverses manières sur l'assiette fiscale. Premièrement, la réforme du régime des échanges, qui s'accompagne de fortes baisses tarifaires, peut avoir pour effet de considérablement réduire les recettes de certains pays, notamment des pays en développement. Deuxièmement, du fait en partie de la libéralisation des capitaux et de l'évolution technologique, la mobilité des capitaux et des entreprises, ainsi que des catégories à hauts revenus, a beaucoup augmenté. Les gouvernements sont donc incités à réduire l'imposition de ces facteurs de production mobiles. En pareil cas, il leur faut soit imposer plus lourdement les facteurs de production immobiles - par exemple les travailleurs à bas revenus -, soit réduire leurs dépenses, y compris leurs dépenses de protection sociale et d'éducation. Les pays développés sont mieux armés pour faire face à cette situation car il leur est plus facile de trouver d'autres leviers fiscaux que ce n'est le cas des pays en développement où l'Etat a du mal à assurer ne serait-ce qu'un minimum de services publics. L'évolution de la fiscalité dans le contexte de la mondialisation est décrite dans les paragraphes qui suivent.
Impôts sur les échanges commerciaux
62. Le tableau 8 indique la part des impôts sur les échanges commerciaux dans les recettes publiques ordinaires au cours des périodes 1976-1985 et 1986-1995 dans trois groupes de pays - pays développés, pays à revenus intermédiaires, pays à bas revenus. Ces impôts sont constitués des droits d'importation et des taxes à l'exportation. Comme le montre le tableau, ils ont diminué d'une période à l'autre dans les trois groupes de pays considérés. La baisse est particulièrement marquée dans les pays en développement.
63. On pourrait certes penser que cette baisse a été compensée par l'augmentation d'autres recettes, soit que l'Etat ait majoré d'autres catégories d'impôts, soit qu'il ait profité de l'accroissement de la production résultant en principe de la libéralisation des échanges. Certains indices donnent à penser que c'est ce qui s'est produit dans les pays développés et dans les pays à revenus intermédiaires puisque, comme le montre le tableau 8, les recettes publiques de ces pays, en pourcentage du PIB, ont augmenté parallèlement à la réduction des impôts sur les échanges commerciaux. En revanche, on observe une tendance inverse dans les pays en développement, ce qui laisse supposer que la libéralisation des échanges a eu un effet négatif sur l'assiette fiscale et réduit la capacité de ces pays de financer des programmes sociaux.
64. Sur un plan plus général, on ne peut ignorer le dilemme devant lequel l'intégration économique place les gouvernements. D'un côté, les droits de douane et les impôts en général risquent d'entraîner des distorsions de la production et de la consommation, ce qui a un coût social. De l'autre, leur suppression représente un manque à gagner pour l'Etat et réduit sa marge de manoeuvre. Comme le souligne Tanzi (1995), la diminution des recettes fiscales peut être déplorée ou applaudie selon les préférences de la société concernant la taille de l'Etat et son rôle dans l'économie.
Imposition des personnes physiques ou morales à hauts revenus
65. Dans les pays développés comme dans les pays à revenus intermédiaires, la réduction des impôts sur les échanges commerciaux s'est accompagnée d'une augmentation des recettes provenant d'autres sources. On peut donc considérer que la libéralisation des échanges n'a pas eu d'effet sur l'assiette fiscale dans ces pays. En revanche, les effets distributifs ont sans doute été importants, notamment si l'on juge d'après la réduction quasi universelle de l'imposition des personnes à hauts revenus. Le taux d'imposition maximal des personnes physiques (tranche supérieure de l'impôt sur le revenu) a en effet diminué dans pratiquement tous les pays développés (figure 12.A) et la réduction a été encore plus marquée dans les pays à revenus intermédiaires et dans les pays en développement (figures 12.B et 12.C).
66. Dans une certaine mesure, cette réduction était voulue et visait à inciter les catégories à hauts revenus à travailler, épargner et investir. C'est pourquoi certains observateurs considèrent que ce genre de réforme peut être dans l'intérêt de tous, riches comme pauvres. Il n'y a pas de relation simple entre les taux d'imposition et les recettes, et une baisse des taux peut donc se traduire aussi bien par une augmentation que par une diminution des recettes fiscales en fonction de différents facteurs, tels que les effets des réformes de l'impôt sur la croissance. Néanmoins, il est à noter que l'imposition des revenus moyens et des bas revenus ainsi que les cotisations sociales et les impôts indirects ont eu tendance à se stabiliser, voire à augmenter, et il est facile d'imaginer que la réduction du taux maximal d'imposition a eu un impact négatif sur la distribution des revenus.
Le processus multilatéral
de libéralisation des échanges
et les pays en développement
67. L'acte final des négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay, signé en avril 1994, a été salué comme un événement historique pour plusieurs raisons. Premièrement, jamais négociations commerciales n'avaient duré aussi longtemps (le Cycle d'Uruguay a démarré en 1986). Deuxièmement, le fort taux de participation des pays en développement a eu un effet sur l'ordre du jour et ces pays ont joué un grand rôle dans l'élaboration des règles du nouveau système commercial. Troisièmement, les négociations se sont largement étendues à de nouveaux secteurs tels que les services, les droits de propriété intellectuelle ou les mesures concernant les investissements. En outre, un programme prévoyant la libéralisation du commerce des produits agricoles ainsi que la pleine intégration du commerce des textiles et des vêtements dans les règles du GATT a été adopté. L'accord a abouti à la création de l'Organisation mondiale du commerce, laquelle a pour mission de renforcer les règles de droit applicables au commerce international et d'assurer leur application par un mécanisme intégré efficace de règlement des différends, étayé par des règles plus transparentes et renforcées. Il a contribué à la réduction des droits de douane sur les produits manufacturés, à la suppression progressive de l'Arrangement multifibres et des accords d'autolimitation des exportations ainsi qu'au démantèlement des mesures non tarifaires. Dans ce contexte, plusieurs études faisant autorité ont annoncé une période de forte croissance et ont chiffré le surcroît d'augmentation de la production et du niveau de vie dans le monde à des centaines de milliards de dollars.
68. Aujourd'hui, la libéralisation des échanges commerciaux n'est pas remise en cause: aucun des pays étudiés n'a envisagé de revenir à des pratiques commerciales moins libérales. Il n'empêche que des inquiétudes s'expriment au sujet des effets de l'accord du Cycle d'Uruguay, notamment pour les pays en développement. Ceux-ci forment désormais les trois quarts des 131 membres de l'OMC, contre les deux tiers en 1982. Ils assurent un cinquième des exportations mondiales, contre un dixième seulement en 1982 (Banque mondiale et OMC, 1998). Cela dit, plusieurs problèmes se posent à eux, qu'il s'agisse de leur participation au système multilatéral ou des conséquences socio-économiques des accords commerciaux:
69. Dans ce contexte, un certain nombre d'initiatives ont été prises afin de faciliter l'intégration internationale des pays les moins avancés. Par exemple, le Royaume-Uni appuie, en collaboration avec la CNUCED, des projets de formation des fonctionnaires des ministères du commerce et de l'environnement des pays en développement.
70. De même, en 1997, le Commonwealth a créé une facilité pour le commerce et l'investissement afin notamment de financer le renforcement des capacités pour l'application des accords de l'OMC. En 1998, pour répondre à la demande formulée par les chefs de gouvernement réunis à Edimbourg en 1997, le Secrétariat du Commonwealth a mis en place, avec la Banque mondiale, un groupe de travail chargé d'examiner les problèmes stratégiques des petits Etats. La première réunion de ce groupe a eu lieu le 8 octobre 1998 à Washington. Les principaux objectifs du groupe sont d'analyser les conséquences pour les petits Etats des importants changements récemment intervenus dans l'économie mondiale et dans le régime du commerce international, de proposer des moyens de surmonter les problèmes (compte tenu de ce qui pourrait être demandé à l'UE, à l'OMC et à d'autres organisations) et de définir des mesures qui permettront aux petits Etats de tirer profit des possibilités nées de ces changements (Secrétariat du Commonwealth, rapport final, 1998). Par ailleurs, le Secrétariat du Commonwealth a publié en décembre 1998 son rapport final sur les conséquences commerciales, pour les petits Etats vulnérables, de l'évolution du régime des échanges mondiaux. Le groupe de travail créé par le Secrétariat du Commonwealth et la Banque mondiale a tenu sa deuxième réunion à Sainte-Lucie en février 1999 et a notamment examiné à cette occasion le premier projet d'un rapport visant à établir un indice composite de vulnérabilité des petits Etats.
71. Sur un plan plus général, l'accord de l'OMC dispose que les pays classés par les Nations Unies dans la catégorie des pays les moins avancés ne seront tenus de souscrire des engagements et de faire des concessions que dans la mesure où cela est compatible avec leurs besoins de développement et besoins financiers et commerciaux ainsi qu'avec leurs capacités administratives et institutionnelles. Conformément à l'accord instituant l'OMC - qui reconnaît que des efforts positifs doivent être faits pour que les pays en développement, et notamment les pays les moins avancés, puissent s'assurer une part de la croissance du commerce international qui corresponde aux nécessités de leur développement économique -, le Conseil général a établi le 31 janvier 1995 le Comité du commerce et du développement qui a lui-même créé, le 5 juillet 1995, le Sous-comité des pays les moins avancés.
72. Aussi importants soient-ils, ces efforts ne répondent pas entièrement aux préoccupations des pays en développement, notamment du point de vue des conséquences socio-économiques de la libéralisation du commerce. En l'absence d'une attitude plus résolue, la base sociale de la libéralisation des échanges risque de s'effriter dans les pays en développement, ce qui serait dommageable pour toutes les économies, quel que soit leur degré de développement, d'autant plus que les pays en développement pourraient devenir le moteur principal de l'économie mondiale. C'est pourquoi, à la dernière réunion du groupe de travail, le représentant du gouvernement du Bangladesh a suggéré la création d'un «fonds de la mondialisation». L'OIT pourrait étudier plus avant cette importante question.
73. Selon les résultats décrits ci-dessus, la mondialisation offre de nouvelles possibilités commerciales et par conséquent de meilleures perspectives économiques, mais elle peut aussi entraîner des coûts d'ajustement importants. D'une manière générale, il y a lieu de se préoccuper de la stabilité de l'emploi car les entreprises tentent de s'adapter aux pressions exercées par une concurrence internationale accrue. Certaines d'entre elles sont bien placées pour profiter du phénomène, tandis que d'autres le sont moins, en termes relatifs ou absolus. Cependant, aucun des pays étudiés n'a envisagé de prendre des mesures protectionnistes en ce qui concerne le commerce et l'investissement étranger direct pour résoudre ces problèmes. Le défi consiste plutôt à choisir le bon dosage de mesures (élaborées, d'une part, par les gouvernements et, d'autre part, par les partenaires sociaux) afin d'accroître les bénéfices de la mondialisation tout en réduisant ses coûts sociaux. Les études par pays montrent qu'en dépit de l'opinion selon laquelle les gouvernements sont impuissants face à la mondialisation les politiques nationales exercent parfois une forte influence sur la relation qui existe entre la mondialisation et le progrès social. On peut encore faire beaucoup pour améliorer la compétitivité nationale et profiter ainsi des possibilités commerciales qu'offre la mondialisation. Mais surtout, les quatre «piliers sociaux» cités ci-après peuvent grandement contribuer à son succès:
L'objectif de cette section est d'expliquer pourquoi et surtout comment ces politiques peuvent faire la différence.
Améliorer les possibilités commerciales issues de la mondialisation
74. Trop souvent, le débat sur l'emploi est centré presque exclusivement sur la question de la réforme du marché du travail. Ainsi, on prétend parfois qu'une plus grande flexibilité du marché du travail peut accroître la part de l'emploi dans la croissance économique. Même en ne s'arrêtant pas sur l'ambiguïté du terme «flexibilité», on peut s'étonner que la question de savoir comment les réformes du marché des produits pourraient améliorer les perspectives d'emploi éveille si peu l'attention. La pensée politique autour de la mondialisation ne fait pas exception à cette règle: elle oublie souvent que, pour que la libéralisation des échanges et l'investissement étranger direct engendrent de nouvelles possibilités commerciales, les individus doivent pouvoir innover et créer de nouvelles entreprises qui auront besoin d'un marché des produits approprié.
75. Ainsi, la libéralisation des échanges entraînera un accroissement de la rentabilité des secteurs exportateurs et favorisera du même coup l'accroissement de la production et de l'emploi dans ces secteurs. Ce mécanisme fournit un terrain propice à l'expansion de la capacité des entreprises existantes, à l'attraction des entreprises étrangères ou à la création de nouvelles entreprises. La présence d'obstacles internes à la concurrence, tels que les accords de cartel entre les entreprises concernées, affaiblira ces incidences favorables. Comme l'exprime un récent document du Département du commerce et de l'industrie d'Afrique du Sud:
L'abolition des obstacles aux échanges et à l'investissement est une condition nécessaire pour que les marchés soient véritablement concurrentiels, mais elle peut ne pas être suffisante. En effet, les pratiques commerciales restrictives reprennent parfois ce que la libéralisation apporte... On s'est déjà rendu compte que la concentration des secteurs industriels en Afrique du Sud est l'un des principaux facteurs inhibiteurs de l'investissement étranger direct(28) .
76. On le sait, la libéralisation des importations ne manquera pas de frapper les secteurs concurrents des importations car les marchandises importées feront concurrence à la production nationale. Mais il est tout aussi évident que ce processus réduira les prix des importations et fera augmenter d'autant le revenu réel des consommateurs. Compte tenu de la propension relativement forte à consommer des services, les gains réels ainsi réalisés sur les revenus sont souvent dépensés en services. En d'autres termes, la libéralisation des importations entraîne une augmentation de la demande de services nationaux souvent non exportables. C'est pourquoi la création d'un milieu compétitif favorable à la fourniture de services est probablement un élément clé de l'amélioration des effets de la mondialisation. Tous les pays étudiés envisagent de développer les petites entreprises qui dominent dans certains secteurs des services.
77. Les banques assument un rôle d'intermédiaires financiers dont il faut tenir compte. La réaction des entreprises à la mondialisation dépend de l'efficacité du crédit. A cet égard, il est intéressant de noter que le gouvernement et les partenaires sociaux en République de Corée ont constaté que les liens unissant les grands conglomérats (chaebol) et les banques sont un facteur important de la récente crise financière. Certains de ces chaebols ont toujours cru qu'ils étaient inconditionnellement soutenus par les banques commerciales et, le cas échéant, par le gouvernement. Or il semble que cette croyance en leur invulnérabilité compte tenu de leur dimension les a encouragés à faire des investissements très risqués. Le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, a entrepris d'importantes réformes à cet égard. Ainsi, les chaebols devront présenter en 1999 des états financiers consolidés. Dans ce même esprit, les responsabilités de gestion devront être précisées en cas d'échec. Afin de renforcer les droits des actionnaires minoritaires, les entreprises cotées en bourse devront nommer des directeurs extérieurs. Par ailleurs, les garanties de dettes à l'intérieur des groupes ont été éliminées progressivement depuis avril 1998, l'intention étant de réduire les liens entre les diverses parties des conglomérats. Au Bangladesh, le secteur financier est handicapé par une capacité institutionnelle trop faible, un cadre réglementaire fragmenté et inefficace et une pénurie de personnel qualifié. Les banques commerciales sont encombrées d'avoirs non productifs assez considérables, ce qui semble indiquer l'existence de certaines lacunes dans leur rôle d'intermédiaire. Cependant, ce problème n'est pas sans solution; ainsi un grand nombre de banques, qui ont été créées au cours des quinze dernières années environ, se sont spécialisées dans les prêts aux pauvres. Elles ont assez bien réussi et elles ont même encouragé de nouvelles initiatives parmi les groupes défavorisés. Témoin la Grameen Bank du Bangladesh et sa brillante performance en matière de micro-crédits octroyés aux pauvres. Grâce à un prêt moyen légèrement supérieur à 100 dollars des Etats-Unis, les emprunteurs, qui sont souvent des femmes, s'assurent un emploi indépendant. Ainsi, la banque peut se prévaloir du fait que 54 pour cent de ces emprunteurs vivent désormais au-dessus du seuil de pauvreté(29) .
78. En bref, la politique de la concurrence et les réformes du secteur financier peuvent jouer un rôle clé dans la multiplication des effets positifs de la mondialisation. Ces politiques peuvent aussi servir les objectifs sociaux. Par exemple en Afrique du Sud, où la répartition des avoirs sujette à la discrimination raciale est souvent inéquitable, la politique de la concurrence sert le développement en contrôlant la concentration du pouvoir économique (c'est ce que l'on appelle «les considérations d'intérêt public»)(30) . En Suisse, certaines professions à revenus élevés telles que la médecine et le droit sont difficiles d'accès. Grâce à un programme global du gouvernement dans le domaine de la politique de la concurrence, l'entrée dans ces professions devrait progressivement devenir plus facile, ce qui favoriserait la création d'emplois et une répartition plus juste du revenu(31) .
Renforcement des quatre piliers sociaux
79. Chacun s'accorde à reconnaître que l'éducation et la formation figurent parmi les grandes réponses à long terme permettant de relever les défis de la mondialisation, et, dans ce contexte, les politiques nationales liées à la mise en valeur des ressources humaines sont plus importantes que jamais. Le phénomène s'explique par plusieurs raisons, économiques et sociales. Premièrement, l'éducation et la formation exercent une forte influence sur la capacité d'innover, de mettre au point des nouvelles techniques, d'améliorer la commercialisation des produits, etc. Deuxièmement, comme on l'a vu dans la section C, l'un des moteurs de la mondialisation, à savoir le changement technologique, tend à renforcer la demande de main-d'œuvre qualifiée au détriment de celle qui ne l'est pas. Il n'est que de constater les malheurs croissants des travailleurs peu qualifiés dans de nombreux pays, y compris ceux qui ont été étudiés par l'équipe spéciale. Troisièmement, comme cela a été dit plus haut, il est évident que les échanges commerciaux entraînent beaucoup de mobilité professionnelle, et les travailleurs dont les compétences sont liées à l'entreprise ou au secteur pour lequel ils travaillent (c'est souvent le cas des travailleurs peu qualifiés) sont en général plus exposés que ceux qui disposent de compétences transférables. Dans un contexte de conditions économiques, en constante évolution, une économie ouverte exige un degré élevé de mobilité professionnelle. Enfin, du point de vue de la justice sociale, la question de l'égalité des chances - notamment pour ce qui est de l'accès à une éducation de qualité - est cruciale. La mobilité sociale est très difficile pour les pauvres en l'absence d'égalité de chances. Cette dernière présente aussi une dimension d'économie politique: lorsque les inégalités sociales s'aggravent et que le sentiment d'insécurité s'accroît, il arrive souvent que de vastes segments de la population s'opposent aux réformes économiques en général, et à la libéralisation des échanges en particulier, même si ce n'est pas le facteur principal. Lorsque les chances d'éducation sont inégales, ce risque, on le comprend, est très élevé.
80. La République de Corée, qui a élevé l'éducation au rang de priorité nationale depuis les tout débuts du développement économique, fournit un exemple intéressant. L'accès à l'enseignement secondaire y a été généralisé au cours des années soixante et au début des années soixante-dix. Depuis lors, des efforts considérables ont été faits dans le domaine de l'enseignement tertiaire. Ainsi, les taux d'inscription dans l'enseignement supérieur ont presque doublé entre 1975 et 1980, puis ils ont de nouveau plus que doublé pendant la première moitié des années quatre-vingt et ils ont continué de s'accroître depuis lors. Ils sont passés de 9 pour cent en 1970 à 58 pour cent en 1995; au cours de la même période, la proportion des diplômés de l'université dans l'ensemble de la population de plus de 25 ans s'est accrue notablement de 4,9 pour cent à 19,1 pour cent. Ces tendances ont changé la structure du marché du travail. Depuis 1980, la proportion des diplômés de l'université dans la population active est passée de 6,7 à 20,3 pour cent, et celle des diplômés du secondaire de 21,8 à 42,9 pour cent. Inversement, le nombre des diplômés de l'école moyenne et celui des élèves comptant moins de neuf ans de scolarité ont beaucoup décliné puisque la proportion de ces travailleurs dans l'ensemble de la population active est passée de la moitié à peine plus d'un tiers. Reflétant la priorité qui a été consacrée à l'éducation, le niveau d'instruction en Corée est à présent l'un des plus élevés au monde. Selon diverses unités de mesures, y compris le nombre des premiers diplômes de l'enseignement supérieur, la République de Corée dépasse plusieurs pays industrialisés. L'amélioration de l'éducation a permis de réduire les pressions à l'origine des inégalités du marché du travail, souvent associées à la mondialisation.
81. En République de Corée, l'éducation a remarquablement progressé sur les plans quantitatif et qualitatif. Cependant, s'il faut en croire certains observateurs, on a consacré beaucoup moins d'efforts, comparativement, à l'amélioration de la formation professionnelle. Dans le cadre du système de formation professionnelle actuel, les employeurs sont tenus de dépenser un certain pourcentage de la masse salariale pour la formation. Ce pourcentage, déterminé par le ministère du Travail, varie selon les secteurs, mais il s'agit en général d'un peu moins de 2 pour cent. Une taxe d'apprentissage est prélevée auprès des employeurs qui ne remplissent pas cette obligation. Il semble qu'ils soient nombreux à préférer s'acquitter de cette taxe plutôt que de remplir leurs obligations en matière de formation. Cependant, on notera que ce système est relativement centralisé, puisque le ministère du Travail est désigné comme l'autorité pertinente s'agissant d'approuver les plans de formation, bien qu'il soit tenu de consulter un comité de «délibération».
82. En Suisse, l'égalité d'accès à une éducation de qualité et à un système de formation est garantie, ce qui explique en partie le fait que les entreprises suisses se sont spécialisées dans les marchés à créneaux ou à forte valeur ajoutée. Ces marchés à créneaux se caractérisent par un degré élevé de différenciation des produits, ce qui a permis de maintenir des salaires d'un niveau enviable et d'excellentes conditions de travail. Le système d'éducation de la Suisse présente une autre caractéristique importante, à savoir que les taux d'abandon scolaire y sont relativement bas. Enfin, le système double qui combine les cours théoriques avec la formation pratique et l'expérience sur le tas s'est révélé efficace puisqu'il a facilité la transition de l'école au travail.
83. La formation professionnelle permet au travailleur d'adapter ses compétences dans des conditions économiques en perpétuelle évolution. Elle lui permet aussi de se perfectionner et de relever les défis du changement technologique. Cependant, bien que l'importance de la formation soit souvent reconnue, la prise de mesures en la matière se heurte à des obstacles importants lors de leur application dans la plupart, voire dans tous les pays étudiés. Premièrement, pour que la formation soit utile, elle doit être conçue en fonction des exigences du marché du travail, ce qui n'est pas une tâche aisée. Deuxièmement, il y a toujours le risque que, lorsqu'un travailleur a été formé dans une entreprise, il soit «débauché» par une autre. C'est le vieux problème des resquilleurs du marché du travail, très dissuasif en ce qui concerne la formation au niveau de l'entreprise, qui est pourtant bien souvent la plus pertinente.
84. Un filet de sécurité sociale performant sert deux objectifs complémentaires:
85. Récemment, dans deux des pays étudiés, à savoir le Chili et la République de Corée, le filet de sécurité sociale a été renforcé. Les caractéristiques de l'insertion du Chili dans l'économie internationale impliquent un degré d'instabilité du marché du travail relativement élevé pour une proportion importante de la population active. Pourtant, la protection contre le chômage est peu développée dans ce pays. Il n'y a à ce jour pratiquement aucune prestation de chômage (et en outre, comme on le verra ci-après, la législation sur la protection de l'emploi est assez laxiste). Par conséquent, comme les travailleurs doivent payer de nombreux services, telles la santé et l'éducation de qualité, une perte de l'emploi, même temporaire, peut exercer un impact considérable sur le ménage touché. On débat actuellement d'une proposition relative à l'introduction d'un système de protection pour le travailleur au chômage (PROTRAC) fondé sur des comptes d'épargne individuels et sur une contribution conjointe des employeurs et des travailleurs. En République de Corée jusqu'à présent, le rôle de l'Etat en tant que fournisseur de prestations sociales a été modeste (sauf dans le cas de la santé, qui s'inscrit dans un système garanti par l'Etat à tous les individus). Ainsi le système des pensions y est fondé principalement sur l'entreprise. Jusqu'à la récente création d'un fonds de garantie, les indemnités de retraite du système des pensions n'étaient pas garanties par l'Etat. Par conséquent (en avril 1998), le système ne couvrait que 55 pour cent environ de tous les travailleurs à l'âge de la retraite. Compte tenu de l'étroite dépendance du système à l'égard des bénéfices des entreprises, la part des dépenses du gouvernement en matière de sécurité sociale et de bien-être n'est que de 6,1 pour cent en 1996, soit moins de 1 pour cent du PIB, chiffre peu élevé par comparaison avec d'autres sur le plan international. Depuis le début de la crise, des mesures importantes ont été prises en vue de la création d'un filet de sécurité sociale. Le système des prestations de chômage a été renforcé; le gouvernement a appuyé les efforts de partage du travail visant à prévenir les licenciements, les droits à la pension dans le cadre de l'entreprise ont été renforcés et le fonds de garantie a été créé. L'adoption de ce train de mesures a atténué les conséquences de l'ajustement tout en réduisant l'opposition manifestée aux réformes en cours.
86. L'importance des filets de sécurité sociale est largement reconnue; cependant, ils doivent relever le défi qui consiste à aider les groupes à bas revenus, lesquels, s'il faut en croire ce qui précède, sont en augmentation. En outre, les filets de sécurité traditionnels tels que la famille se sont affaiblis, d'où le besoin accru d'un soutien de l'Etat. Le cas de Maurice est une bonne illustration de ces problèmes émergents. Officiellement, il s'autodéfinit comme un Etat-providence. L'éducation y est gratuite ainsi que les services de santé et une pension de vieillesse non contributive pour tous les individus à partir de l'âge de 60 ans. Les personnes handicapées, les veufs/veuves pensionnés, les orphelins, les familles pauvres avec des personnes à charge, les chefs de famille pauvres au chômage et les ménages à bas revenus bénéficient tous de prestations sociales; une aide alimentaire est accordée à environ un quart des ménages, et les prix du riz et de la farine sont subventionnés. Les dépenses sociales représentaient environ 40 pour cent des dépenses de l'Etat au cours des dernières années, et l'éducation à elle seule en absorbe 17 pour cent, la santé 8 pour cent et la sécurité sociale 19 pour cent (les pensions non contributives constituant environ 70 pour cent des dépenses de sécurité sociale). La sécurité sociale est un élément crucial dans un pays où la stabilité politique ne peut exister sans cohésion sociale, compte tenu de la diversité ethnique et religieuse qui prévaut, du caractère insulaire et de l'exiguïté du territoire. Selon un document officiel récent, il est probable que cette préoccupation pour la sécurité sociale a contribué au développement économique. En dépit de ce panorama positif, les défis sociaux émergents que doit relever le pays sont inquiétants, telle l'incidence croissante du divorce et du suicide, de la toxicomanie et de l'alcoolisme.
87. Reste une épineuse question: comment aider les groupes à bas revenus sans les décourager de participer activement au marché du travail? Pour y répondre, le gouvernement suisse a mis au point un ensemble de programmes actifs du marché du travail en vue de préserver l'employabilité des personnes au chômage. Compte tenu du débat international qui a lieu sur les avantages et les inconvénients des divers systèmes de soutien tels que l'impôt négatif et l'octroi d'un revenu minimal, les pays optent en principe pour des approches plutôt pragmatiques qui associent des tests de disponibilité pour travailler à l'octroi de prestations assujetties à des critères de revenus et des prestations sociales incitant le travailleur à prendre un emploi.
88. Enfin, on avance parfois l'argument selon lequel dans de nombreux pays en développement l'assiette fiscale est trop étroite pour permettre la création de filets de sécurité sociale. En outre, comme le montrent les études concernant le Bangladesh et Maurice, la réduction des droits d'importation peut avoir une incidence très forte sur les recettes de l'Etat, cette incidence dépendant de l'élasticité des importations par rapport aux variations des prix. Ainsi, à Maurice, alors que les taxes sur les échanges internationaux représentaient environ 52 pour cent des recettes de l'Etat en 1980, ce chiffre était de 31 pour cent en 1996-97 (figure 11). En 1995, les taxes sur les échanges internationaux représentaient environ 1 pour cent du PIB des pays en développement et de Singapour, 6 pour cent en République de Corée, 12 à 16 pour cent en Malaisie et en Thaïlande et 24 pour cent dans des pays africains autres que les PMA. Cependant, compte tenu des effets stimulateurs de la mondialisation, les autres sources de revenus devraient s'accroître. L'augmentation des revenus réels des ménages les plus riches observée dans la plupart des pays étudiés devrait offrir une marge de manœuvre assez vaste pour augmenter les recettes fiscales. Malheureusement, la tendance est à la création et/ou à l'augmentation des taxes à la valeur ajoutée, dont on estime qu'elles sont régressives du point de vue de la répartition des revenus.
3. Le droit du travail et les relations professionnelles
89. La mondialisation engendre des possibilités commerciales pour certains secteurs, tout en les réduisant pour d'autres. L'emploi doit donc être suffisamment adaptable pour faciliter l'ajustement. L'adaptabilité de l'emploi peut être «numérique», ce qui veut dire que les niveaux d'emploi s'ajustent aux changements de la demande et de la production. Mais il arrive aussi qu'elle soit «fonctionnelle», c'est-à-dire que l'emploi s'ajuste par le biais d'un redéploiement interne et de changements dans l'organisation du travail. En même temps, les institutions du marché du travail doivent veiller à ce que les droits fondamentaux des travailleurs et les normes du travail ne souffrent aucune érosion. La démarche est importante non seulement du point de vue de la protection des travailleurs, notamment les plus vulnérables, mais aussi pour des raisons d'efficience économique et pour assurer un certain degré de stabilité sociale. Certes, le dosage est difficile à établir entre l'adaptabilité numérique et l'adaptabilité fonctionnelle, mais l'expérience internationale indique que des solutions pratiques existent dans chaque contexte historique et institutionnel.
90. Dans deux des pays étudiés qui ont dû relever un énorme défi en matière de restructuration, à savoir la République de Corée et l'Afrique du Sud, la législation du travail et les réglementations ont été considérablement modifiées pour laisser une marge plus importante aux ajustements de main-d'œuvre tout en assurant une protection raisonnable des travailleurs. En République de Corée, après la succession de réformes qui a eu lieu entre 1997 et 1998, les conditions de licenciement ont été assouplies. Ainsi le licenciement pour «raisons impératives de gestion» est devenu possible: par le passé, le droit était très restrictif à cet égard; or les fusions, les acquisitions et les rachats d'entreprises peuvent constituer des raisons impératives de gestion justifiant le licenciement. Dans tous les cas, le droit prévoit que tout doit être fait pour l'éviter. Ainsi, la direction devrait, en consultation avec les représentants des travailleurs, chercher d'autres solutions telles que la réduction des heures de travail, la modération des salaires, la relocalisation de l'emploi et le recyclage. Il conviendrait de créer une commission sur les heures de travail afin de recenser les moyens de stabiliser l'emploi par une réduction du temps de travail. En outre, il faut établir des normes rationnelles et justes pour sélectionner les travailleurs qui doivent être licenciés, et la discrimination fondée sur le critère du sexe ne devrait jamais avoir lieu. Soixante jours avant le licenciement, les employeurs doivent notifier les représentants des travailleurs ou les syndicats des moyens de l'éviter, des normes qu'ils utilisent pour sélectionner les futurs licenciés, et en débattre avec eux. Si les conditions économiques le permettent, les employeurs devraient réemployer les travailleurs licenciés. En Afrique du Sud, la loi sur les relations professionnelles de 1995 autorise les licenciements en cas de motif juste, tel que la restructuration de l'entreprise, et conformément à une procédure équitable.
91. La question de la réglementation des formes atypiques d'emploi, telles que diverses formes de travail en sous-traitance (Chili, République de Corée et Suisse), les contrats à temps partiel et de durée déterminée, est assez controversée. On l'a déjà dit, ces nouvelles formes d'emploi représentent une proportion importante des emplois créés au cours des dernières années. Dans certains cas, ils sont, en fait, le fruit de la demande à la fois des entreprises et des personnes concernées. Cependant, dans certains contextes, ils peuvent être sujets à des abus et des malversations. Plusieurs pays ont tenté de relever ce défi de plusieurs manières:
92. Une question connexe se pose dans la plupart des études par pays et qui en intéresse un très grand nombre d'autres; il s'agit de savoir si les conventions collectives devraient être étendues à des travailleurs qui n'y sont pas partie et, dans l'affirmative, à quelles conditions. La mondialisation exige un certain degré de consensus et de dialogue social afin d'appliquer les solutions pratiques. La négociation collective est un instrument approprié à cet égard, mais elle ne peut avoir lieu dans certains secteurs ni dans certaines petites entreprises, où la syndicalisation est faible. Dans ces secteurs et ces entreprises, les salaires et les conditions de travail devraient-ils être établis par le biais de contrats individuels dotés de normes minima fixées par la législation nationale, ou bien les conventions collectives signées au niveau sectoriel devraient-elles leur être étendues? Au Chili et en Corée, la négociation collective a lieu principalement au niveau de l'entreprise; si elle n'a pas lieu, les salaires minima et les normes fixées par le gouvernement doivent être appliqués. En Afrique du Sud, les conventions collectives peuvent être étendues à des travailleurs qui n'y sont pas partie à certaines conditions. Cependant, une exemption peut être demandée. En Suisse, cette extension est également possible, mais les conditions sont considérées comme étant relativement strictes. Etant donné qu'il n'existe pas de salaire minimum national, un débat est en cours sur la question de savoir si les mécanismes d'extension devraient être renforcés, compte tenu du fait que l'accord bilatéral récemment conclu sur la circulation des travailleurs entre la Suisse et l'Union européenne risque de faire baisser les salaires et d'amener une détérioration des conditions de travail des travailleurs peu qualifiés.
4. Normes du travail fondamentales
93. Le débat international a été considérable sur la question controversée des normes fondamentales du travail et du commerce international. Cela s'explique en grande partie par le lien établi dans certaines instances entre l'accès des pays en développement aux marchés des pays industrialisés et le respect par les premiers des normes fondamentales du travail. Nombre de citoyens et de gouvernements des pays industrialisés estiment que les pays en développement tirent profit d'une concurrence inéquitable lorsqu'ils exportent des biens et des services sans respecter les normes fondamentales du travail. Par ailleurs, dans le monde en développement, beaucoup estiment qu'on veut lier les échanges et les normes du travail à des fins protectionnistes. Ce n'est pas que les pays en développement soient opposés aux normes du travail, mais ils sont convaincus que la création d'un lien direct entre ces normes et les échanges commerciaux n'est qu'un prétexte pour restreindre le flux des biens et des services en provenance des pays en développement vers les pays développés. Ces désaccords et ces controverses sont également reflétés dans les discussions du Conseil d'administration du BIT.
94. La Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi fournit un cadre propice pour aller de l'avant. Pour que la Déclaration soit véritablement un instrument de promotion, les pays Membres doivent comprendre qu'il est dans leur intérêt de consolider les normes fondamentales du travail. En fait, les études par pays le montrent bien, les forces associées à la mondialisation et à la libéralisation des échanges ont conféré aux normes fondamentales une importance accrue. Par exemple:
95. Les études par pays menées à bien par l'équipe spéciale contiennent des informations et une analyse sur trois des quatre droits fondamentaux couverts par la Déclaration de l'OIT relative aux principes et aux droits fondamentaux au travail (le travail forcé ou obligatoire n'est pas couvert car il n'est pas très répandu dans les pays étudiés). Le cas échéant, la situation, pour ce qui est du respect des normes fondamentales, a été expliquée dans les études, et des analyses ont été entreprises sur la manière dont ce respect contribue à la fois au développement et à la compétitivité du pays sur le plan international.
96. Au Bangladesh, l'industrie du vêtement offre un exemple intéressant de ce qui peut être fait pour combattre l'exploitation des enfants: l'Association des fabricants de vêtements du Bangladesh a conclu un protocole d'accord visant l'élimination du travail des enfants dans l'industrie. C'est là une bonne illustration de la manière dont on peut éliminer le travail des enfants de certains secteurs exportateurs spécifiques sans que cela nuise aux enfants, même s'il faut bien admettre que les programmes spécifiques à un secteur ne traitent pas le problème dans son ensemble.
97. Toutes les études par pays ont recueilli des informations sur les relations professionnelles et les taux de syndicalisation. Plusieurs d'entre elles ont démontré que les partenaires sociaux jouent un rôle constructif dans la promotion du développement économique:
- En République de Corée, le dialogue tripartite au niveau national a permis l'adoption d'un train de mesures sociales et économiques couvrant tous les domaines afin de faire face à la crise financière. Jusqu'à présent ces mesures ont réussi à préserver la stabilité sociale.
98. Plusieurs études par pays analysent l'importance du rôle tenu par les femmes dans le développement économique de leur pays et dans l'accroissement de sa compétitivité internationale. Ainsi à Maurice, au cours des quinze dernières années, les femmes sont entrées si rapidement sur le marché du travail que leur part dans l'emploi total est passée de 22 à 33 pour cent entre 1982 et 1995. De même au Bangladesh, la grande majorité des travailleurs employés dans le secteur du vêtement, en pleine expansion, sont des femmes. Il est important de souligner que ces pays et d'autres doivent faire face à des inégalités considérables et persistantes entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Ainsi à Maurice comme ailleurs, l'amélioration rapide du niveau des qualifications des femmes (due à une meilleure éducation et aux années d'expérience professionnelle) devrait précipiter une remarquable progression de leur situation sur le marché du travail; or ce phénomène ne se produit pas toujours.
99. Maintenant que l'étude est terminée, la prochaine étape sera la publication du rapport de synthèse complet, avec les sept études de cas.
100. Plusieurs idées d'activités futures ont été avancées lors des réunions tripartites nationales qui ont débattu des études par pays. Premièrement, on a proposé un suivi sur les questions de politique qu'elles ont soulevées. Les EMD seraient les mieux placées pour s'acquitter de cette tâche. Dans le cas du Bangladesh, le suivi de certaines des questions soulevées dans l'étude sur ce pays est assuré par le bureau de Dhaka et par le secteur de l'emploi, avec l'appui financier du PNUD. Deuxièmement, les membres du Conseil d'administration ont instamment demandé à l'équipe spéciale de présenter les principaux résultats de certaines études par pays lors de réunions sous-régionales, afin de faire connaître l'expérience des pays en question. Troisièmement, d'autres organisations internationales ont fait part de leur intérêt pour ces études. On pourrait donc organiser avec elles des réunions conjointes afin de débattre des méthodes et des résultats de recherche similaire et de chercher des moyens d'effectuer des travaux complémentaires.
101. Ces travaux ont permis de démontrer combien il est important d'entreprendre des recherches plus approfondies dans plusieurs domaines; le groupe de travail voudra sans doute envisager de les inclure dans le programme de travail du prochain exercice:
102. Les études par pays et le rapport de synthèse sont tous centrés sur les mesures nationales prises pour relever les défis lancés par la mondialisation, mais on peut se demander s'il ne conviendrait pas d'envisager aussi des mesures au niveau international. Ainsi on débat des possibles solutions à l'instabilité des flux de capitaux à court terme et le Conseil d'administration voudra sans doute être informé et débattre des diverses propositions avancées dans une perspective propre à l'OIT. C'est là une question importante pour l'Organisation, car l'instabilité des flux de capitaux peut avoir de graves conséquences sur l'emploi et sur le progrès social dans les pays Membres. D'une manière générale, l'OIT pourrait assumer un rôle plus important en veillant à ce que la question sociale et celle du marché du travail soient dûment prises en compte dans les débats internationaux portant sur les questions financières, commerciales et macroéconomiques.
Genève, le 6 novembre 1999.
1. Document GB.274/WP/SDL/2.
2. Une décision a été prise de constituer un comité préparatoire de l'Organisation mondiale du commerce qui serait chargé notamment de traiter les suggestions tendant à inscrire des questions supplémentaires à l'ordre du jour du programme de travail de l'OMC. Le président du Comité des négociations commerciales s'est également référé, dans ses remarques finales, à l'importance que certaines délégations ont accordée au rapport entre le commerce et les normes du travail internationalement reconnues.
3. Conseil d'administration, procès-verbaux de la 260e session (juin 1994).
4. Le texte intégral du paragraphe correspondant est libellé comme suit: «Nous renouvelons notre engagement d'observer les normes fondamentales du travail internationalement reconnues. L'Organisation internationale du Travail (OIT) est l'organe compétent pour établir ces normes et s'en occuper, et nous affirmons soutenir les activités qu'elle mène pour les promouvoir. Nous estimons que la croissance économique et le développement favorisés par une augmentation des échanges commerciaux et une libéralisation plus poussée du commerce contribuent à la promotion de ces normes. Nous rejetons l'usage des normes du travail à des fins protectionnistes et convenons que l'avantage comparatif des pays, et particulièrement des pays en développement à bas salaires, ne doit en aucune façon être remis en question. A cet égard, nous notons que les Secrétariats de l'OMC et de l'OIT continueront de collaborer comme ils le font actuellement.» Déclaration ministérielle de Singapour, 1996 (paragr. 4). Voir document GB.268/WP/SDL/1/3, Corr. et Add. 1 et le site http://www.wto.org/wto/archives/mc.htm.
5. Documents GB.267/WP/SDL/1/1 et GB.268/WP/SDL/1/2. A la 268e session du Conseil d'administration (mars 1997), il a été signalé que 180 réponses au questionnaire ont été reçues de 98 pays.
6. Document GB.273/WP/SDL/2.
7. Document GB.274/WP/SDL/2.
8. Afrique du Sud, Bangladesh, Chili, République de Corée, Maurice, Pologne et Suisse.
9. Lateef, 1997; The Economist, 16 janv. 1999.
10. CNUCED, 1998.
11. CNUCED, plusieurs années.
12. Dans le dernier numéro du World Investment Report, la CNUCED (1998: 14-16) présente des calculs effectués pour la période 1992-1997 qui confirment les plus forts coefficients d'instabilité des investissements de portefeuille par rapport aux investissements étrangers directs. Les prêts des banques commerciales ont représenté une source de capital encore plus instable.
13. CNUCED, 1998.
14. Campa/Goldberg, 1997; Feenstra/Hanson, 1995; Hanson/Harrison, 1995. A l'inverse, l'utilisation de moyens de production importés a diminué au Japon entre les années soixante-dix et les années quatre-vint-dix. On notera également avec intérêt que certaines firmes qui ont externalisé une partie de leurs activités auraient reconnu que les résultats économiques de cette décision n'ont pas répondu à leurs attentes. Un processus de réinternalisation peut donc survenir dans certains cas.
15. Par exemple, Edwards (1998), se fondant sur des données comparatives entre 93 pays et différents indicateurs d'ouverture sur l'extérieur, arrive à la conclusion que les pays les plus ouverts sont ceux dont la productivité totale des facteurs progresse le plus rapidement et que ce résultat est cohérent quelles que soient l'utilisation de l'indicateur d'ouverture, la technique d'estimation, la période et la forme fonctionnelle. Sur les liens entre l'investissement étranger direct et la croissance économique, voir de Mello (1998) et Borensztein, De Gregorio et Lee (1995).
16. Voir par exemple De Long (1998) et Altman (1998).
17. En raison de l'insuffisance des données, il n'a pas été possible d'étendre ces recherches aux autres pays émergents.
18. Les estimations économétriques confirment l'absence de tout lien direct entre la progression de la pénétration des importations dans les secteurs manufacturiers et les pertes d'emploi relatives (équipe spéciale du BIT, 1999d).
19. Peut-être cela est-il dû au fait que Maurice a un système de sécurité sociale relativement développé.
20. OCDE, 1997.
21. BIT, 1996; OCDE, 1997.
22. Equipe spéciale du BIT, 1998.
23. Cette analyse se fonde sur les données de l'ONUDI. Les flux nets d'emploi entre secteurs ne constituent pas un indicateur optimal des déplacements et des ajustements. Les flux d'emploi peuvent se produire dans les deux directions et le nombre des travailleurs touchés (flux d'emploi bruts) est donc plus élevé. Cependant, on ne dispose actuellement d'aucun ensemble de données cohérent sur un échantillon suffisamment vaste de flux d'emploi bruts.
24. De fait, l'élasticité de la demande de services par rapport aux revenus est habituellement supérieure à l'unité.
25. Equipe spéciale du BIT, 1999d.
26. Equipe spéciale du BIT, 1998.
27. EUROSTAT, 1998.
28. Equipe spéciale du BIT, 1999d.
29. Equipe spéciale du BIT, 1999a.
30. Equipe spéciale du BIT, 1999d.
31. Equipe spéciale du BIT, 1999e.
A. Etudes de l'équipe spéciale du BIT
Etudes sur les dimensions sociales de la mondialisation (en anglais):
Equipe spéciale du BIT, 1998, Chili (publiée en tant que document de travail, version espagnole sous presse).
--, 1999a, Bangladesh (sous presse).
--, 1999b, Maurice (sous presse).
--, 1999c, République de Corée (sous presse).
--, 1999d, Afrique du Sud (sous presse).
--, 1999e, Suisse (sous presse).
--, 1999f, Pologne (sous presse).
Bhalla, P., 1998: Globalization press review, document polycopié, Genève, équipe spéciale du BIT.
Palpacuer, F., 1998: Competitiveness, organizational changes and employment: A review of current trends and perspectives, document polycopié, Genève, équipe spéciale du BIT.
Torres, R., 1998: Studies on the social dimensions of globalization: Conceptual framework, document polycopié, Genève, équipe spéciale du BIT.
B. Autres ouvrages
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Altman, R.C., 1998: «The nuke of the 90's», The New York Times Magazine, mars.
Bakkenist Management Consultants, 1998: Temporary work businesses in the countries of the European Union, Bruxelles, Confédération internationale des entreprises de travail temporaire.
Banque mondiale, 1998: World Development Indicators, CD-ROM, Washington.
Banque des règlements internationaux, 1998: Central Bank survey of foreign exchange and derivatives market activity in April 1998: Preliminary global data, Bâle.
BIT, Genève, 1996: L'emploi dans le monde, 1996/97: les politiques nationales à l'heure de la mondialisation.
--, 1998: Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi.
BIT, diverses années: Panorama laboral, Lima.
Borensztein, B.; De Gregorio, J.; Lee, J.-W., 1995: How does foreign direct investment affect economic growth, document de travail no 5057, Cambridge, NBER.
Charnovitz, S., 1987: «L'influence des normes internationales du travail sur le système du commerce mondial. Aperçu historique», Revue internationale du Travail, vol. 126, no 5, pp. 635-657.
CNUCED, diverses années: World investment report, New York/Genève.
Commission européenne, 1998: Economie européenne, Bruxelles, Direction générale des affaires économiques et financières.
Conseil d'administration du BIT: documents GB.267/WP/SDL/1/1; GB.268/WP/ SDL/1/2; GB.270/WP/SDL/1/2 et GB.273/WP/SDL/2.
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Tableau 1. Exportation de marchandises en pourcentage du PIB dans les pays observés |
||||||||
(exportations et PIB (PPA) à prix constants) |
||||||||
1820 |
1870 |
1913 |
1929 |
1950 |
1973 |
1992 |
19961 |
|
France |
1,3 |
4,9 |
8,2 |
8,6 |
7,7 |
15,4 |
22,9 |
26,0 |
Allemagne |
n.c. |
9,5 |
15,6 |
12,8 |
6,2 |
23,8 |
32,6 |
n.c. |
Pays-Bas |
n.c. |
17,5 |
17,8 |
17,2 |
12,5 |
41,7 |
55,3 |
60,4 |
Royaume-Uni |
3,1 |
12,0 |
17,7 |
13,3 |
11,4 |
14,0 |
21,4 |
25,4 |
Total Europe occidentale2 |
n.c. |
10,0 |
16,3 |
13,3 |
9,4 |
20,9 |
29,7 |
34,6 |
Espagne |
1,1 |
3,8 |
8,1 |
5,0 |
1,6 |
5,0 |
13,4 |
20,3 |
URSS/Fédération de Russie |
n.c. |
n.c. |
2,9 |
1,6 |
1,3 |
3,8 |
5,1 |
n.c. |
Australie |
n.c. |
7,4 |
12,8 |
11,2 |
9,1 |
11,2 |
16,9 |
18,1 |
Canada |
n.c. |
12,0 |
12,2 |
15,8 |
13,0 |
19,9 |
27,2 |
37,2 |
Etats-Unis |
2,0 |
2,5 |
3,7 |
3,6 |
3,0 |
5,0 |
8,2 |
10,0 |
Argentine |
n.c. |
9,4 |
6,8 |
6,1 |
2,4 |
2,1 |
4,3 |
6,8 |
Brésil |
n.c. |
11,8 |
9,5 |
7,1 |
4,0 |
2,6 |
4,7 |
4,9 |
Mexique |
n.c. |
3,7 |
10,8 |
14,8 |
3,5 |
2,2 |
6,4 |
9,0 |
Total Amérique latine3 |
n.c. |
9,0 |
9,5 |
9,7 |
6,2 |
4,6 |
6,2 |
8,1 |
Chine |
n.c. |
0,7 |
1,4 |
1,7 |
1,9 |
1,1 |
2,3 |
2,4 |
Inde |
n.c. |
2,5 |
4,7 |
3,7 |
2,6 |
2,0 |
1,7 |
2,2 |
Indonésie |
n.c. |
0,9 |
2,2 |
3,6 |
3,3 |
5,0 |
7,4 |
7,1 |
Japon |
n.c. |
0,2 |
2,4 |
3,5 |
2,3 |
7,9 |
12,4 |
13,2 |
République de Corée |
0,0 |
0,0 |
1,0 |
4,5 |
1,0 |
8,2 |
17,8 |
23,8 |
Taiwan, Chine |
- |
- |
2,5 |
5,2 |
2,5 |
10,2 |
34,4 |
n.c. |
Thaïlande |
n.c. |
2,1 |
6,7 |
6,6 |
7,0 |
4,5 |
11,4 |
12,5 |
Total Asie4 |
n.c. |
1,3 |
2,6 |
2,8 |
2,3 |
4,4 |
7,2 |
7,4 |
Monde |
1,0 |
5,0 |
8,7 |
9,0 |
7,0 |
11,2 |
13,5 |
16,0 |
1Les statistiques concernant les Pays-Bas, l'Autriche, le Brésil, la Chine, l'Indonésie, le total des pays d'Europe occidentale, le total des pays d'Amérique latine, le total des pays d'Asie et le monde portent sur 1995 et non 1996 |
||||||||
2Le total des pays d'Europe occidentale comprend l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. Les statistiques pour 1995 concernant le total de l'Europe occidentale ne comprennent pas l'Allemagne. |
||||||||
3Le total des pays d'Amérique latine comprend l'Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Mexique, le Pérou et le Venezuela. |
||||||||
4Le total des pays d'Asie comprend le Bangladesh, le Myanmar, la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, le Pakistan, les Philippines, la République de Corée, Taïwan, la Chine et la Thaïlande. |
||||||||
Les statistiques de 1995 pour le total des pays d'Asie ne comprennent pas Taïwan, la Chine et le Myanmar. Les statistiques portant sur la période de 1820 à 1992 sont tirées de l'ouvrage de Maddison (1995). Elles sont calculées en tant que rapport des exportations en dollars E.-U. au PIB à PPA en 1990 à prix constants. |
||||||||
Les statistiques pour 1996 correspondent aux estimations de l'équipe spéciale du BIT qui sont basées sur les statistiques de la Banque mondiale (1998). Les séries ont été obtenues après un ajustement pour assurer la conformité avec les chiffres de Maddison. |
||||||||
Sources: A. Maddison (1995) et équipe spéciale du BIT d'après les données publiées par la Banque mondiale (1998), World Development Indicators. |
||||||||
Tableau 2. Comparaison entre les exportations mondiales et le volume des transactions sur le marché des changes (milliards de dollars E.-U., 1989-1998) |
||||
1989 |
1992 |
1995 |
1998 |
|
Rapport du volume net
des transactions |
55,6 |
63,5 |
69,7 |
78,0 |
Moyenne journalière du volume net des transactions sur les marchés des changes |
590 |
820 |
1 190 |
1 490 |
Exportations de biens et services, moyenne journalière |
10,6 |
12,9 |
17,1 |
19,1 |
Note: |
||||
Les chiffres correspondant au volume net des transactions sur les marchés des changes se rapporte à un certain nombre de pays observés qui ont communiqué leurs données. Les statistiques sur le volume des transactions et les rapports volume des transactions/exportations sont donc des sous-estimations. Les chiffres des exportations pour 1998 sont préliminaires. |
||||
Source: Equipe spéciale du BIT, d'après les données publiées par la Banque des règlements internationaux (1998), la Banque mondiale (1998), World Development Indicators, et le FMI (oct. 1998), Perspectives de l'économie mondiale. |
||||
Tableau 3. Corrélation entre les flux de capitaux et les taux de change réels de différents pays |
||||
Corrélation
entre les flux |
Corrélation
entre la balance |
|||
1981T1 à 1989T4 |
1990T1 à 1998T4 |
1981T1 à 1989T4 |
1990T1 à 1998T4 |
|
Afrique du sud |
0,3 |
0,0 |
0,4* |
0,1 |
République de Corée |
0,3 |
0,5 |
0,7* |
0,1 |
Inde |
0,0 |
0,3* |
0,0 |
0,2 |
Indonésie |
0,1 |
0,6* |
0,6* |
0,0 |
Mexique |
0,2 |
0,1 |
0,5* |
0,3* |
Philippines |
0,1 |
0,3 |
0,1 |
0,3* |
Thaïlande |
0,0 |
0,2 |
0,3* |
0,1 |
Note: |
||||
Le tableau ci-dessus fait apparaître les coefficients de corrélation fondés sur les données trimestrielles, un «*» signifiant que le coefficient est significatif à 10 pour cent près. Les flux de capitaux financiers comprennent les investissements de portefeuille nets, les investissements (autres que les investissements étrangers directs) effectués par les banques et autres agents financiers, auxquels s'ajoutent les erreurs et omissions. La balance des paiements «fondamentale» est la somme de la balance des comptes courants et des flux nets d'investissement étranger direct. |
||||
Source: Estimations de l'équipe spéciale du BIT fondées sur FMI (fév. 1999), International Financial Statistics. |
||||
Tableau 4. Répartition des revenus des ménages avant et après la libéralisation du commerce |
||||
Pays et années1 |
Coefficient de Gini |
Ratio de dispersion des revenus2 |
||
Avant |
Après |
Avant |
Après |
|
Bangladesh (1988/89, 1995/96) |
0,28 |
0,31 |
7,0 |
8,8 |
Chili, première phase de libéralisation (1970, 1980)3 |
0,43 |
0,47 |
9,1 |
10,6 |
Chili, seconde phase de libéralisation (1987, 1996) |
n.d. |
n.d. |
13,3 |
13,8 |
Maurice (1986/87, 1996/97) |
0,40 |
0,39 |
7,8 |
7,6 |
République de Corée (1985, 1997) |
0,35 |
0,29 |
n.d. |
n.d. |
1 Les chiffres entre parenthèses indiquent les années avant et après la libéralisation pour lesquelles les données sont indiquées. Pour des questions de disponibilité de données, on a indiqué 1987 comme année de prélibéralisation pour la seconde phase de libéralisation du Chili, alors que 1985 aurait été préférable. |
||||
2 Ratio des revenus des 20 pour cent de ménages les plus riches sur ceux des 20 pour cent de ménages les plus pauvres. |
||||
3 Région métropolitaine de Santiago. |
||||
Source: Equipe spéciale du BIT, données fondées sur des enquêtes de ménages nationales. |
||||
Tableau 5. Travail à temps partiel en proportion de l'emploi total |
|||
Milieu
des années |
Vers 1990 |
1997 ou
dernière |
|
UE-121 |
10,7 (1987) |
11,4 (1990) |
16,9 (1997) |
Autriche |
8,4 (1983) |
8,8 (1989) |
14,9 (1997) |
Suède |
24,8 (1983) |
23,2 (1990) |
23,8 (1997) |
Finlande |
8,3 (1983) |
7,2 (1990) |
11,4 (1997) |
Norvège |
29 (1983) |
26,6 (1990) |
26,5 (1997) |
Suisse |
24,4 (1991) |
28,3 (1997) |
|
Etats-Unis |
18,4 (1983) |
17,3 (1990) |
16,9 (1998) |
Canada |
16,8 (1983) |
17,0 (1990) |
19,0 (1997) |
Australie |
17,5 (1983) |
21,6 (1990) |
25,1 (1997) |
Israël |
28,1 (1987) |
29,3 (1990) |
25,8 (1996) |
Japon |
16,2 (1983) |
17,6 (1989) |
|
Singapour |
3,3 (1997) |
||
Nouvelle-Zélande |
15,3 (1983) |
18,8 (1990) |
23,7 (1998) |
Argentine |
17,6 (1987) |
||
Maurice |
11,7 (1995) |
||
1 L'UE-12 comprend l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. |
|||
Sources: BIT, OCDE (différentes années), Perspectives de l'emploi, Eurostat (différentes années) et enquêtes de la main-d'œuvre nationales. |
|||
Tableau 6. Emploi temporaire en proportion de l'emploi salarié total |
|||
Milieu
des années |
Vers 19903 |
1997 ou
dernière |
|
UE-121 |
8,9 |
10,2 |
12,2 (1997) |
Autriche |
7,8 (1997) |
||
Suède |
9,7 |
13,5 (1997) |
|
Finlande |
11,2 |
13,1 (1991) |
17,1 (1997) |
Norvège |
11,1 (1995) |
||
Turquie |
5,2 |
||
Etats-Unis |
14,4 (1996) |
||
Canada |
8 (1989) |
11 (1995) |
|
Australie |
21,2 |
19,3 |
24,1 (1996) |
Japon |
10,5 |
10,7 (1988) |
11,4 (1998) |
Singapour |
1,9 (1997) |
||
République de Corée |
17,2 (1985) |
16,8 |
14,2 (1998) |
Argentine |
8,9 |
10,2 (1996) |
|
Chili |
16,8 (1996) |
||
Colombie |
15,7 |
18 (1996) |
|
1 L'UE-12 comprend l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. |
|||
2 Année 1987, sauf indication contraire. |
|||
3 Année 1990, sauf indication contraire. |
|||
République de Corée: L'emploi temporaire comprend les travailleurs journaliers. |
|||
Singapour: L'emploi temporaire comprend seulement les personnes employées à plein temps. |
|||
Etats-Unis: L'emploi temporaire comprend les travailleurs occasionnels (cest-à-dire les personnes qui considèrent qu'elles n'ont pas un contrat d'emploi permanent explicite ou implicite). |
|||
Argentine, Chili et Colombie: L'emploi temporaire comprend seulement les personnes disposant d'un contrat de travail écrit. |
|||
Sources: BIT (1997), OCDE (différentes années), Perspectives de l'emploi, Eurostat (différentes années), enquête sur la main-d'œuvre, Bakkenist Management Consultants (1998), Delsen (1995) et enquêtes de main-d'œuvre nationales. |
|||
Tableau 7. Indicateurs de l'emploi salarié «non protégé» (en pourcentage) |
||
Début
des années |
1997 ou
dernière |
|
Argentine |
21,7 (1990) |
34 (1996) |
Bolivie |
28 (1991) |
34,8 (1997) |
Brésil |
31,8 (1992) |
32,6 (1997) |
Chili |
17 (1990) |
22,3 (1996) |
El Salvador |
59,1 (1994) |
61,3 (1997) |
Mexique |
43,4 (1990) |
49,6 (1997) |
Pérou |
25,5 (1990) |
34,1 (1996) |
Notes et sources: |
||
Brésil: Les salariés du secteur privé sem carteira sont considérés comme un élément de l'emploi salarié (IBGE) (Pesquisa Nacional por Amostra de Domicílios, différents numéros). |
||
Argentine: Les salariés privés ne disposant pas d'un contrat de travail écrit sont considérés comme un élément de l'emploi privé total, Gran Buenos Aires, BIT (1997), chiffres fondés sur les données de l'INDEC. |
||
Bolivie: Les salariés non couverts par la législation sociale et la législation du travail sont considérés comme un élément de l'emploi salarié total, six zones métropolitaines, Weller (1998), chiffres fondés sur les données de la CEPAL. |
||
El Salvador: Les salariés non couverts par l'Instituto Salvadoreño del Seguro Social sont considérés comme un élément de l'emploi total, toutes zones urbaines, Weller (1998), chiffres fondés sur les données de la CEPAL. |
||
Mexique: Les salariés n'ayant pas droit aux avantages sociaux sont considérés comme un élément de l'emploi total, zones urbaines, Weller (1998), chiffres fondés sur les données de la CEPAL. |
||
Pérou: Les salariés privés sans contrat de travail écrit sont considérés comme un élément du total de l'emploi salarié privé, BIT (1997), chiffres fondés sur l'Enquête de ménages. |
||
Chili: Les salariés sans contrat de travail écrit sont considérés comme un élément de l'emploi salarié total, ensemble du pays, Equipe spéciale de l'OIT (1998), chiffres fondés sur les données de l'enquête CASEN. |
Tableau 8. Impôts sur les échanges internationaux et recettes publiques
Moyenne |
Moyenne |
Différence |
Pourcentage |
|
Impôts
sur les échanges internationaux |
||||
Pays à bas revenus (31)1 |
34,1 |
28,6 |
5,5 |
74,2 |
Pays à revenus intermédiaires (54) |
23,7 |
19,3 |
4,3 |
61,1 |
Pays à hauts revenus (31) |
8,3 |
6,4 |
1,8 |
83,9 |
Recettes fiscales totales (% du PIB) |
||||
Pays à bas revenus (32) |
14,3 |
13,3 |
1,0 |
53,1 |
Pays à revenus intermédiaires (53) |
19,3 |
20,6 |
+1,3 |
43,4 |
Pays à hauts revenus (28) |
25,6 |
27,5 |
+1,9 |
17,9 |
Echanges (% du PIB) |
||||
Pays à bas revenus (50) |
59,9 |
64,3 |
+4,4 |
46,0 |
Pays à revenus intermédiaires (61) |
84,7 |
89,1 |
+4,4 |
37,7 |
Pays à hauts revenus (29) |
87,1 |
87,5 |
+0,4 |
55,2 |
1Entre parenthèses, nombre total de pays avec des observations utilisables. NB: Selon le classement de la Banque mondiale (1996), le PNB par habitant est égal ou inférieur à 785 dollars dans les pays à bas revenus; il est compris entre 786 et 9 635 dollars dans les pays à revenus intermédiaires et il dépasse 9 635 dollars dans les pays à hauts revenus. Source: Groupe de travail du BIT sur la base des indicateurs de la Banque mondiale (1997 World Bank Development Indicators). |
||||
Figure
1. Part des exportations mondiales
de biens |
Source: Equipe spéciale du BIT, d'après les données publiées par le FMI (oct. 1998), Perspectives de l'économie mondiale, et par la Banque mondiale (1998), World Development Indicators |
Figure
2. Part des exportations de
biens et services |
(1987-1995, prix courants) |
Source: Banque mondiale (1998), World Development Indicators. |
Figure 3.
Part des exportations mondiales de services |
|||||||||
Note: Les chiffres de 1998 sont préliminaires. |
|||||||||
Source: Equipe spéciale du BIT, d'après les données publiées par le FMI (oct. 1998), Perspectives de l'économie mondiale, et par la Banque mondiale (1998), World Development Indicators. |
Figure 4. Evolution des flux de capitaux |
|||||||||
A. Investissement étranger direct brut |
|||||||||
(en % du PIB, PPA) |
|||||||||
B. Flux nets de capitaux vers les pays en développement et en transition |
|||||||||
(en milliards de dollars E.-U., 1970-1996) |
|||||||||
Note: Les autres flux de capitaux incluent les crédits commerciaux à court et à long terme, les prêts, les numéraires et dépôts et les autres comptes débiteurs et créanciers. |
|||||||||
Source: Equipe spéciale du BIT, d'après les données publiées par la Banque mondiale (1998), World Development Indicators, et par Knight (1998). |
Figure 5.
Suisse: Caractéristiques du marché du travail |
|||||||||
Composition des exportations et des importations par niveau de différenciation des produits |
|||||||||
Caractéristiques liées au marché du travail des activités industrielles (produits peu différenciés/homogènes et produits différenciés) |
|||||||||
Note: |
|||||||||
1Industries occupant un créneau: produits différenciés (produits alimentaires, boissons et tabac, produits chimiques, machines et électronique, montres et bijouterie). Autres industries: faible différenciation des produits (textile, vêtement, bois, papier, impression, cuir et chaussures, produits en caoutchouc et en plastique, minerais non métalliques, métaux, autres produits manufacturés). |
|||||||||
Source: Equipe spéciale du BIT (1999e). |
Figure 6. Bangladesh: Evolution divergente du revenu réel par habitant des ménages les plus riches et les plus pauvres |
(en taka, 1985/86 à 1995/96) |
Source: Equipe spéciale du BIT (1999a). |
Figure
7. Chili: Estimation des facteurs
qui déterminent les inégalités |
Source: Equipe spéciale du BIT (1998). |
Figure 8.
Afrique du Sud: Comportement des secteurs manufacturiers |
||||||||
(évolution totale en pourcentage durant la période 1994-1997) |
||||||||
Notes: |
||||||||
L'avantage comparatif révélé est le ratio des flux commerciaux nets par rapport au commerce total (importations plus exportations). Les secteurs manufacturiers ayant bénéficié d'un avantage comparatif révélé positif en 1997 ont été placés dans la catégorie «tourné vers l'exportation», tandis que ceux ayant un avantage négatif ont été placés dans la catégorie «en concurrence avec les importations». |
||||||||
Les variations de l'emploi sont corrigées pour tenir compte de l'interruption qui s'est produite en janvier 1996 à la suite de l'inclusion des données relatives aux Homelands pour le secteur manufacturier. La variation cumulée de l'emploi a été calculée à partir de l'agrégation de la variation de l'emploi de 1994 à décembre 1995 et de janvier 1996 à 1997. |
||||||||
La productivité du travail est calculée sous la forme de production brute par salarié. |
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Source: Equipe spéciale du BIT (1999d). |
Figure 9. République de Corée: Incidence estimée du commerce sur l'emploi par niveau d'éducation |
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(en milliers, 1990) |
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Note: Les diplômés universitaires comprennent ceux qui ont obtenu un diplôme correspondant à deux ans d'études. |
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Source: Equipe spéciale du BIT (1999c). |
Figure 10. Commerce et flux d'emploi intersectoriels |
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(Incidence
moyenne des changements intersectoriels nets |
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Note: |
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Les chiffres représentent le nombre des travailleurs qui se déplacent entre les secteurs manufacturiers (au niveau CITI à trois chiffres) par emploi créé dans l'ensemble du secteur manufacturier de 77 pays. Plus le chiffre est haut, plus l'incidence des flux d'emploi intersectoriels nets est élevée. Les pays sont répartis en trois groupes. Le premier comprend ceux où le ratio commerce/PIB progresse nettement plus vite que la moyenne; le deuxième ceux où l'évolution de ce ratio est proche de la moyenne internationale; le troisième, les pays où il progresse moins vite que la moyenne (voir le texte pour plus de détails). |
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Source: Equipe spéciale du BIT, chiffres fondés sur les données provenant de la base de données statistiques industrielles de l'ONUDI. |
Figure
11. Maurice: pourcentage des
recettes courantes de l'Etat |
(1980-1997) |
Notes: |
Parmi les économies asiennes dynamiques, on peut citer la République de Corée, Hong-kong, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande. On ne dispose d'aucune donnée relative aux taxes sur le commerce international à Hong-kong. |
Les pays africains autres que les PMA sont notamment: l'Afrique du Sud, l'Algérie, le Botswana, le Cameroun, la République du Congo, la Côte d'Ivoire, l'Egypte, le Gabon, le Ghana, le Kenya, la Libye, le Maroc, la Namibie, le Nigéria, le Sénégal, les Seychelles, le Swaziland, la Tunisie et le Zimbabwe. |
Les totaux concernant les économies asiennes dynamiques et les pays africains autres que les PMA sont des moyennes non pondérées. |
Source: Equipe spéciale du BIT, à partir des données de la Banque mondiale (1998), World Development Indicators et données nationales de Maurice. |
Les quelques dernières années ont marqué un tournant historique dans les systèmes politique et économique de l'Afrique du Sud. En 1994, après plusieurs décennies d'apartheid, des élections démocratiques ont eu lieu, et de nouvelles institutions comprenant des représentants de l'ensemble des grands groupes sociaux sont apparues. D'une manière significative, le gouvernement a lancé un processus absolument nécessaire de réforme économique avec pour objectif de créer une économie tournée vers l'extérieur allant de pair avec des efforts visant à améliorer l'équité sociale et la distribution des revenus.
Le défi à relever a été considéré comme colossal dès le début du processus de transformation (et le risque d'instabilité politique jugé élevé). Du fait d'un relatif isolement économique de plusieurs dizaines d'années, les entreprises n'étaient pas bien prêtes à tirer parti des opportunités de la libéralisation du commerce; parallèlement, les coûts potentiels d'un ajustement étaient également élevés. Une crise majeure surgie au début des années quatre-vingt-dix s'était traduite par une diminution du niveau de vie pour la majorité de la population. En outre, les politiques économiques passées avaient cherché à privilégier les secteurs à forte intensité de capital au détriment des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre - démarche plutôt particulière dans un pays caractérisé par une main-d'œuvre abondante (inutilisée). En 1994, le taux de chômage avait atteint des niveaux préoccupants. Plus fondamentalement, après plusieurs dizaines d'années de ségrégation, la population africaine aspirait à la fois à une rapide amélioration en matière de droits politiques et sur le plan socio-économique. D'une certaine manière, la principale question politique était de satisfaire ces aspirations légitimes tout en créant un cadre macroéconomique stable et en favorisant l'intégration de l'Afrique du Sud dans l'économie internationale. D'une manière objective, les conditions économiques de base ont compliqué la tâche: le pays n'était tout simplement pas prêt à tirer parti des réformes économiques et commerciales.
Aujourd'hui, on peut affirmer que les résultats économiques ont été meilleurs que ne le redoutaient beaucoup de personnes. La croissance économique s'est quelque peu reprise (depuis 1994, la croissance du PIB a atteint une modeste moyenne annuelle de 2,5 pour cent), l'inflation jusqu'à une période récente était à la baisse et on ne note pas de déséquilibres fiscal ou financier majeurs. La libéralisation du commerce s'est mise en place en s'accompagnant d'une baisse graduelle prévue des droits d'importation à partir de 1994, ce qui autorise une augmentation non négligeable des flux commerciaux. Non seulement les barrières non tarifaires ont été levées, mais les taux des tarifs douaniers eux-mêmes ont été revus à la baisse et devraient continuer encore à diminuer au cours des quelques prochaines années. Les subventions à l'exportation ont été supprimées. L'Afrique du Sud est devenue un membre actif de l'OMC. Il s'agit du principal participant de la SADC; enfin, l'Afrique du Sud a entamé des discussions commerciales avec l'Union européenne. De la même façon, des progrès ont été accomplis dans le domaine de la libéralisation de l'investissement étranger direct (IED). L'entrée d'investissements étrangers directs était à la hausse, tout du moins jusqu'à la récente crise asienne.
La situation sur le front de l'emploi s'est toutefois détériorée. Le chômage reste élevé et vient même d'augmenter récemment, menaçant la stabilité sociale et expliquant en partie la hausse préoccupante du taux de criminalité. Certains ont avancé que la libéralisation du commerce et de l'investissement étranger direct a détérioré en profondeur la situation de l'emploi, au motif que la hausse des importations aurait provoqué des pertes d'emploi. L'étude examine cette question de près et parvient aux principales conclusions suivantes:
En résumé, les politiques industrielles protectionnistes du passé qui favorisaient les secteurs à forte intensité de capital, combinées à une pénurie de capitaux et de capital humain, ont amoindri la capacité de l'Afrique du Sud à tirer parti de la libéralisation du commerce et de l'IED. Le gouvernement et les partenaires sociaux ont adopté d'importantes mesures en s'attaquant aux facteurs sous-jacents sur le lieu de travail:
En dépit des efforts déployés, la situation sociale reste morose. De nouvelles réformes pourront être demandées, notamment en vue de créer un milieu plus favorable au démarrage des entreprises. En outre, il importe d'aider les groupes désavantagés d'une manière qui ne décourage ni le travail, ni l'investissement, ni les initiatives. A cet égard, l'Afrique du Sud peut tirer parti de la vaste expérience internationale dans le domaine des politiques actives du marché du travail et des avantages sociaux.
Si beaucoup reste à faire, le dialogue social instauré dans le cadre du NEDLAC et d'autres institutions pertinentes semble être un important atout pouvant aider à maintenir le rythme des réformes d'une manière consensuelle et socialement durable.
Une importante question qui se pose dans le débat international sur la mondialisation est celle de savoir s'il y a un risque de marginalisation des pays en développement. Certains craignent que les structures économiques et sociales de ces pays soient trop faibles pour supporter une libéralisation des importations, alors même que leurs perspectives d'exportation perdraient du terrain.
L'expérience du Bangladesh est intéressante à cet égard. Le revenu par tête d'habitant dans ce pays est en moyenne inférieur à 300 dollars par an, et un Bangladeshi sur quatre est officiellement considéré comme pauvre. La population de plus de 15 ans est illettrée à plus de 60 pour cent alors que le travail des enfants est largement répandu malgré les efforts louables du gouvernement: selon les statistiques officielles, plus de 6 millions d'enfants sont au travail, soit un enfant sur cinq. Chiffre plus préoccupant, environ 5 pour cent des jeunes enfants (entre 5 et 7 ans) seraient soumis au travail.
C'est dans ces conditions que ce pays a entamé au début des années quatre-vingt-dix un ambitieux processus de libéralisation des échanges qui s'est traduit par une réduction effective des droits de douane à l'importation, la suppression de nombreux quotas et autres barrières non tarifaires et l'adoption de mesures visant à promouvoir les exportations et à encourager l'investissement étranger direct, notamment par l'intermédiaire de la création de deux zones franches d'exportation (ZFE). Ces mesures sont d'autant plus impressionnantes que, dès le début des années quatre-vingt, les importations de substitution étaient considérées comme la clé de voûte de la stratégie du développement. La question qui se pose est donc de savoir si cette réorientation radicale des politiques économiques peut avoir contribué à améliorer les perspectives économiques et sociales du pays.
L'étude montre que la libéralisation du commerce est allée de pair avec des développements positifs dans certains domaines:
Tout modestes qu'ils soient, ces résultats ont marqué une rupture avec la situation antérieure de stagnation économique. De surcroît, le contexte politique de ces avancées s'inscrit dans un mouvement allant d'une situation de loi martiale vers le rétablissement, dans les années quatre-vingt, d'un système démocratique multipartite.
Malheureusement, la libéralisation des échanges et le processus de croissance concomitant se sont aussi accompagnés d'une augmentation des inégalités. On estime effectivement que le revenu réel moyen de 20 pour cent des ménages les plus pauvres a pratiquement stagné depuis les années 1989-90, tandis que le niveau de vie de 20 pour cent des ménages les plus riches a fait un bond en avant: le revenu moyen par habitant de ces ménages a augmenté de plus de 30 pour cent. On peut expliquer ainsi pourquoi les taux de pauvreté et l'incidence du travail des enfants n'ont pas beaucoup diminué. Le développement a également été inégal entre les zones urbaines et rurales. Des poches de développement autour de la capitale et des deux ZFE ont bénéficié d'un environnement économique dynamique comparé au reste du pays. Selon un cadre conceptuel mis au point pour les besoins de l'étude, les tendances vers de plus grandes inégalités peuvent s'expliquer par le fait que les effets stimulants de la libéralisation des échanges ont opéré dans un contexte d'économie «duale», soit une économie où les secteurs rural et urbain suivent des voies de développement indépendantes.
On craint aussi des pertes d'emploi dans le secteur manufacturier en concurrence avec les importations. Dans ce même contexte, certaines industries ont du mal à faire face à une hausse des importations de produits vendus à bas prix ou à perte provenant de la contrebande dans les régions frontalières de l'Inde. Qui plus est, la privatisation a conduit à des licenciements massifs sans pour autant, selon certaines études, parvenir à des gains d'efficacité importants. De fait, le changement de propriété d'une manière générale ne s'est pas accompagné d'une amélioration de la gestion des entreprises privatisées.
Les conflits sociaux sous forme de grèves «politiques» nationales (hartals) ont eu tendance à s'intensifier dernièrement, ce qui risque de compromettre l'investissement étranger direct absolument nécessaire, en général, et dans le secteur de l'énergie, en particulier, où il existe de belles perspectives pour l'exploitation des riches réserves en gaz du pays.
Enfin, le faible niveau de revenu par tête d'habitant, accompagné d'une concentration des exportations dans une gamme étroite de produits à faible valeur ajoutée, le flux insuffisant d'investissement étranger direct et l'exposition à des catastrophes naturelles montrent bien que le Bangladesh est vulnérable face à l'environnement mondial de la libéralisation des échanges et à l'augmentation de la concurrence et traduisent l'ampleur des grands défis à relever.
Trouver une solution à ces problèmes est probablement le défi le plus complexe pour les décideurs et les partenaires sociaux. Une plus large participation de la population aux gains résultant de la mondialisation serait justifiée tant d'un point de vue social que d'un point de vue économique et l'étude examine donc les domaines d'action possibles. Premièrement, il y a un besoin évident d'améliorer l'accès à l'éducation. Il importe cependant de noter que l'enseignement primaire est défavorisé par rapport à l'enseignement universitaire - souvent réservé à une élite. Fait significatif, l'Etat dépense chaque année en moyenne l'équivalent de 14 dollars par élève dans les écoles primaires contre plus de 500 dollars par étudiant de niveau universitaire. La durée de l'enseignement dans de nombreuses écoles primaires est de deux heures par jour. Deuxièmement, les obstacles de la bureaucratie découragent parfois l'investissement étranger direct, ce qui limite l'aptitude du pays à exploiter sa capacité d'exportation. Troisièmement, une promotion de la négociation collective dans les entreprises des secteurs public et privé aiderait à réduire les tensions à l'échelon national où les salaires sont souvent fixés. La suppression de l'interdiction des syndicats dans les ZFE aiderait à diminuer le nombre des conflits sociaux, tout en permettant de créer un climat de participation reposant davantage sur le consensus. Quatrièmement, l'étude recense d'autres mesures dans le domaine de la réforme des banques et de la promotion des exportations qui pourraient aider à accroître les gains de la mondialisation. Cinquièmement, l'embellie économique enregistrée dans les années quatre-vingt-dix devrait aider à renforcer les programmes concernant les filets de sécurité dans le cadre des mesures adoptées à l'échelon national pour lutter contre la pauvreté et des programmes de formation adoptés par les pouvoirs publics au profit des travailleurs ayant perdu leur emploi.
En résumé, le pays passe par les étapes initiales du décollage économique. Pour accélérer le rythme de développement, il importe que le gouvernement et les partenaires sociaux entreprennent toute une gamme de réformes sociales et économiques en vue de mieux répartir les gains de la mondialisation. La banque Grameen tout comme d'autres initiatives d'ONG reprises dans de nombreux pays montrent que, potentiellement, ces problèmes sont solubles, y compris certains des plus épineux, l'atténuation de la pauvreté, par exemple.
Le Chili offre l'un des exemples les plus remarquables d'intégration dans l'économie mondiale. La libéralisation des échanges a été amorcée au début des années soixante-dix, au moment où les tarifs d'importation dépassaient en moyenne 90 pour cent et où les barrières non tarifaires étaient multiformes. Après une courte période de pratiques restrictives en matière d'échanges internationaux, la libéralisation des échanges connaît de nouveau une impulsion depuis une dizaine d'années. Aujourd'hui, le régime commercial est l'un des plus libéraux du monde, ce qui a récemment valu au gouvernement chilien les éloges de l'OMC. Conséquence de la libéralisation, les courants d'échanges et les flux d'investissements se sont rapidement développés, tant exprimés en dollars qu'en part du PIB.
Pendant une phase initiale relativement longue, la libéralisation des échanges a eu un coût économique et social incontestable. Cependant, depuis le milieu des années quatre-vingt, le PIB connaît une robuste croissance ininterrompue de 7 pour cent par an en moyenne, tandis que l'inflation a été ramenée au-dessous de 10 pour cent. En outre, il n'y a pas de déficit budgétaire. Le déficit relativement important de la balance des opérations courantes est la contrepartie des déséquilibres entre l'épargne et les investissements dans le secteur privé, dont on estime officiellement qu'ils sont supportables. Ces conditions macroéconomiques favorables se reflètent sur le front de l'emploi: depuis le milieu des années quatre-vingt, plus de 1,5 million d'emplois ont été créés, ce qui a permis de grignoter largement le taux de chômage, lequel est inférieur à 6 pour cent. Pendant la même période, la pauvreté a été diminuée de moitié, pour ne plus toucher qu'un quart de la population, et les indicateurs de la santé mettent également en évidence une amélioration substantielle.
Ces résultats sont remarquables, comparés à ceux des autres pays - d'Amérique latine et d'ailleurs. Ils montrent les bienfaits que peut apporter la libéralisation des échanges et, aux yeux de nombreux observateurs, ils ont transformé le pays en un «modèle» de réforme économique.
Le progrès social a cependant été inégal. Tout d'abord, si l'on se réfère aux normes internationales, la répartition du revenu est relativement inégale, le quintile de la population la plus riche gagnant 57 pour cent du revenu national et le quintile le plus pauvre 4 pour cent seulement. Les tendances récentes dénotent en outre une aggravation des inégalités. Deuxièmement, ce qui est peut-être plus important, les chances sont aussi très inégalement réparties. Dans la pratique, le système éducatif est stratifié selon l'origine sociale, et la différence est nette entre les écoles privées, souvent excellentes, auxquelles n'ont accès que les familles aisées, et les écoles publiques dont la qualité est bien inférieure. Moins d'un tiers des enfants dont les parents ont un niveau d'études assez bas terminent leurs études secondaires, tandis que cette proportion dépasse 90 pour cent pour les enfants des milieux plus instruits. Bien que des améliorations importantes aient été apportées au système public au cours des dernières années, le fossé entre les écoles publiques et les écoles privées demeure. Troisièmement, la sécurité de l'emploi et la protection sociale sont rarement attachées aux nouveaux emplois qui sont créés, et la situation à cet égard a empiré au cours des quelques dernières années. Par exemple, moins des deux tiers des salariés chiliens ont un contrat de travail stable passé par écrit, assorti d'une protection sociale convenable.
On a affirmé que les statistiques disponibles exagèrent l'ampleur de ces problèmes sociaux. Bien que cette affirmation contienne certainement une part de vérité, les observations faites ici et là donnent à penser que les statistiques, tout imparfaites qu'elles soient, reflètent la réalité.
Plusieurs facteurs plus ou moins directement liés au processus de mondialisation jouent un rôle dans ces problèmes sociaux:
Cela soulève la question de savoir s'il convient de prendre des mesures pour résoudre ces problèmes tout en préservant le dynamisme de l'économie chilienne. On peut affirmer que, dans la mesure où l'économie chilienne continue de connaître des taux de croissance élevés, la répartition du revenu deviendra progressivement moins inégale à mesure que des emplois plus stables seront créés. On peut aussi faire valoir que ces problèmes sociaux n'ont que peu d'incidence sur les performances de l'économie. Il n'empêche que ces deux arguments peuvent être réfutés. En effet, bien que le gouvernement ait prouvé ses capacités dans le domaine de la gestion de la politique macroéconomique, l'économie chilienne n'est pas à l'abri des chocs - on peut même affirmer que le type d'avantage relatif du Chili, fondé sur les ressources naturelles, rend l'économie nationale plutôt vulnérable aux modifications des termes de l'échange. La récente crise financière des pays asiatiques, qui constituent un marché important pour les exportations chiliennes, a terni les perspectives économiques et menace de provoquer une forte augmentation du taux de chômage. Etant donné la protection relativement faible dont bénéficient de nombreux travailleurs au regard de la sécurité sociale, la détérioration des perspectives économiques peut avoir des conséquences dramatiques pour des groupes importants de la population. En outre, il existe des liens complexes entre, d'une part, les inégalités et l'instabilité et, d'autre part, la spécialisation internationale et la performance de l'économie. Il est difficile, par exemple, d'améliorer la productivité dans un contexte d'instabilité de l'emploi. Cela réduit le potentiel de croissance de l'économie. S'il est vrai que ceux qui se trouvent en bas de l'échelle des revenus sont incités à améliorer le capital humain (l'incitation étant d'autant plus forte que l'écart des revenus est grand), des obstacles concrets évidents entravent ce processus de valorisation professionnelle. Par ailleurs, dans une situation de faible productivité, l'économie chilienne restera spécialisée dans des secteurs caractérisés par l'instabilité de l'emploi, laquelle contribue aux inégalités de revenus. Ces facteurs peuvent conduire au piège des emplois instables à faible productivité.
Afin d'éviter ce piège et de maintenir en même temps l'économie chilienne dans une trajectoire macroéconomique saine, l'étude examine plusieurs possibilités d'action, non seulement dans le domaine de l'éducation, mais aussi au regard de la protection sociale, de la réglementation du travail, du renforcement des établissements de formation au niveau sectoriel, des incitations à la recherche-développement et du dialogue social au niveau national - lequel semble assez limité pour le moment. Certaines de ces mesures ont un coût budgétaire, car elles supposent un équilibrage difficile entre les objectifs à court terme, comme celui de maintenir un taux de l'imposition constant, et ceux à long terme, comme celui de frayer la voie à une participation viable sur le plan social à une économie qui se mondialise.
En résumé, l'expérience chilienne montre que la libéralisation des échanges peut stimuler la création d'emplois tout en augmentant le revenu national. Cependant, elle ne corrige guère (et elle peut même aggraver) les inégalités sociales et l'instabilité du marché du travail, actuellement très marquées. Cela permet de penser que le lien entre la libéralisation des échanges et le progrès social n'est ni automatique ni dépourvu de problèmes. Les politiques doivent résoudre ce problème, faute de quoi le modèle chilien pourrait être pris au piège de la logique de la faible productivité et mettre en danger la stabilité sociale.
Jusqu'à la fin de 1997, la République de Corée était en général considérée comme l'un des exemples de réussite les plus spectaculaires du capitalisme moderne. A la fin des années cinquante, le pays émergeait des cendres d'une guerre civile comme l'un des plus pauvres du monde. Le revenu par habitant était inférieur à 100 dollars par an. Depuis lors, l'économie s'est considérablement développée, permettant une amélioration impressionnante du niveau de vie et la création de près de 10 millions d'emplois. Au cours des quinze dernières années, le taux de chômage s'est maintenu au faible taux de 2 à 3 pour cent, tandis que le taux d'activité des femmes n'a cessé d'augmenter. En outre, à en juger par la situation budgétaire saine des comptes de l'Etat et l'amélioration progressive de la répartition du revenu, cette situation semblait s'inscrire dans la durée. Ayant ces résultats à l'esprit, la plupart des observateurs, y compris les investisseurs internationaux, étaient jusqu'à une date récente optimistes quant aux perspectives économiques du pays. Avec la crise financière de novembre 1997, le processus de développement rapide a brutalement été interrompu de manière inattendue.
La principale force sous-jacente de la performance économique de la Corée jusqu'à l'arrivée de la crise a été la stratégie de croissance, orientée vers les exportations adoptée par le gouvernement. Depuis 1970, le volume des échanges a été multiplié par 5 (en termes réels). Le rapport du commerce au PIB a monté en flèche, passant de 20 pour cent dans les années soixante à plus de 60 pour cent au début des années quatre-vingt pour se stabiliser ensuite. Chose importante, la présence de la Corée sur les marchés mondiaux s'est sensiblement accrue: les exportations coréennes représentent - ce qui est tout à fait appréciable - 2,5 pour cent des exportations mondiales, alors que ce chiffre était négligeable au début des années soixante. On estime qu'environ 3,5 millions de personnes travaillent, directement ou indirectement, pour les secteurs tournés vers l'exportation. Cette évolution est allée de pair avec une modification profonde de la structure des échanges, la Corée devenant un exportateur important de produits relativement perfectionnés sur le plan technologique. Les investissements dans la recherche et le développement intensifiés par le gouvernement, qui ont contribué à améliorer la capacité technologique du pays, sont un atout majeur à l'ère de la mondialisation.
De même, l'investissement étranger direct a dynamisé l'économie coréenne. Il est intéressant de noter que les afflux de capitaux pour des investissements directs tendent à créer des emplois à intensité de qualification relativement forte, tandis que les sorties de fonds pour des investissements directs à l'étranger se concentrent dans les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre non qualifiée. En moyenne, les sociétés étrangères établies en Corée versent des salaires plus élevés et offrent de meilleures conditions de travail que les sociétés coréennes.
Mis à part le commerce, l'amélioration du niveau d'instruction a sans aucun doute renforcé la productivité des travailleurs. L'éducation a toujours été au premier rang des priorités en Corée. L'accès à l'enseignement secondaire a été généralisé dans les années soixante et au début des années soixante-dix, et depuis lors de gros efforts ont été faits dans le domaine de l'enseignement supérieur. Ainsi, en 1995, près de 60 pour cent des jeunes suivaient des études supérieures, contre 9 pour cent seulement en 1970. Un cinquième de la population coréenne âgée de plus de 25 ans est titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur. Ces efforts ont eu pour effet que la Corée a dépassé plusieurs pays développés pour ce qui est du niveau d'instruction. L'étude montre que l'éducation a contribué à atténuer les facteurs d'inégalité des marchés de l'emploi qui sont généralement associés à la mondialisation. L'évolution technologique apparaît comme une source importante d'inégalités, tandis que le commerce a joué un rôle relativement mineur et que l'éducation a atténué les deux facteurs.
Cependant, certains aspects du processus de mondialisation se sont avérés insoutenables:
A la fin de 1997, signe d'une perte de confiance, les banques étrangères ont refusé de renouveler les lignes de crédit à leurs contreparties coréennes. Plutôt que de ne pas honorer ses obligations en vertu de la dette, le gouvernement a décidé de discuter un plan de sauvetage avec le FMI. Ce plan, d'un montant de quelque 56 milliards de dollars des Etats-Unis, comprend des conditions de stabilisation et d'ajustement structurel, notamment dans le domaine de la restructuration industrielle, de la réforme bancaire, de la sécurité sociale et du marché du travail. Le but de ces mesures est aussi de partager le fardeau de l'ajustement aussi équitablement que possible. Cependant, la réforme de l'administration des entreprises prend plus longtemps que prévu, tandis que le processus de délestage de main-d'œuvre a repris et qu'il s'accélère. Les investissements étrangers directs en Corée ont jusqu'ici été relativement modestes, privant le pays des injections de capitaux stables à long terme dont il a grand besoin. L'étude examine aussi une série de questions de fond qui se posent dans un contexte où l'objectif est d'accélérer l'ajustement tout en rendant le processus de mondialisation soutenable sur le plan social:
Enfin, on peut affirmer sans risque que, au lendemain de la crise, la création d'un comité tripartite national a contribué pour beaucoup à l'élaboration d'un cadre d'action cohérent. L'expérience internationale indique que de tels cadres d'action peuvent contribuer à susciter un consensus sur les mesures les plus urgentes à prendre, tout en frayant la voie à un sentier de croissance reposant sur un système économique ouvert et soutenable sur le plan social.
On convient généralement que Maurice a suivi une trajectoire exemplaire au cours des quinze dernières années - on a souvent parlé à son sujet de «miracle africain». Depuis la crise de la balance des paiements du début des années quatre-vingt, le revenu national réel a augmenté en moyenne de près de 6 pour cent par an, et le PIB réel par habitant de 4 pour cent environ par an. Pour impressionnante qu'elle soit, cette croissance économique rapide et soutenue n'a pas été associée à certains des aspects négatifs de la mondialisation et du développement qu'ont connus d'autres pays. D'après les éléments d'appréciation disponibles, il apparaît que la répartition du revenu s'est améliorée, tandis que presque tout le monde profite des bienfaits socio-économiques tels que l'éducation, les services de santé et le confort du logement. Il est à noter que Maurice a une démocratie qui fonctionne et que le tripartisme, bien qu'il ne soit pas très développé, joue un rôle important dans l'élaboration des politiques.
Il ne fait guère de doute que le commerce international et les marchés mondiaux ont joué un rôle positif important dans le succès récent de Maurice. A titre d'exemple, un grand nombre de nouveaux emplois ont été créés dans les secteurs tournés vers l'exportation, en particulier dans celui de l'habillement, d'où il s'ensuit que les taux de chômage ont fortement baissé au cours de années quatre-vingt; entre 1982 et 1988, les nouveaux emplois créés dans les secteurs liés aux échanges ont représenté environ 20 pour cent de l'emploi total dans le pays.
Le succès de Maurice semble dû, pour une large part, aux tendances positives suivantes:
Maurice se trouve maintenant à un carrefour de son développement. Il y a lieu de s'attendre que le pays perdra les avantages de ces échanges préférentiels au début du siècle prochain. En outre, il devient de plus en plus difficile de rivaliser avec les pays émergents à bas salaires, producteurs de vêtements sur le marché des articles d'habillement nécessitant une main-d'œuvre peu qualifiée, comme l'a montré ces dernières années la délocalisation de ces produits à Madagascar. L'investissement étranger direct dans la ZFE a chuté ces dernières années.
Le marché du travail est maintenant soumis à des tensions liées à la structure des échanges internationaux. Le taux de chômage a augmenté dans les années quatre-vingt-dix, ce qui est attribué en partie à la faible croissance de l'emploi dans les principaux secteurs d'exportation dans les années quatre-vingt-dix; de fait, l'emploi a nettement diminué dans le secteur du sucre et de l'habillement/textile dans les années quatre-vingt-dix.
Sur le plan budgétaire, la situation est difficile car l'assiette fiscale a été érodée par les taux tarifaires réduits qui ont accompagné la libéralisation des échanges; or les taxes sur les échanges internationaux fournissent la plus grande part des recettes de l'Etat.
La question se pose dès lors de savoir ce que l'on peut faire pour résoudre ces difficultés. Le gouvernement a souligné, avec raison, qu'il est indispensable de s'engager sur la voie d'une forte productivité compte tenu de la mondialisation. Il envisage quatre domaines de croissance tournés vers l'extérieur: le sucre, l'habillement/textile, le tourisme et les services à forte intensité de main-d'œuvre qualifiée tels que les services bancaires. Officiellement, l'intention est: a) d'évoluer vers le haut de gamme dans le cas des exportations de sucre et de vêtements en investissant et en améliorant les qualifications de la main-d'œuvre et de la gestion; b) d'améliorer la position de Maurice en tant que destination touristique haut de gamme; et c) de créer un centre financier et de haute technologie pour la région de l'Afrique australe (analogue, espère-t-on, à la position de Singapour, en Asie). Afin de mieux faire comprendre les problèmes associés à cette stratégie de forte productivité, il est utile de garder présentes à l'esprit plusieurs considérations au vu de l'expérience d'autres pays:
Les défis pour l'action gouvernementale sont considérables. En outre, les décisions devront être prises dans un climat d'anxiété relative de la population. Maurice possède cependant des atouts sur les marchés internationaux: système politique stable, bonne infrastructure physique, existence d'institutions tripartites, taux d'épargne élevé et existence d'une main-d'œuvre semi-qualifiée relativement bien formée. Le processus d'intégration régionale (en particulier dans la région de la SADC) pourrait aider à diversifier les marchés d'exportation, tout en favorisant l'amélioration de la production. Maurice devrait tirer parti de son taux de croissance élevé et continu pour remédier aux problèmes susmentionnés, car la perte probable des arrangements commerciaux préférentiels et un milieu économique international plus compétitif d'ici quelques années aboutiront à un contexte moins favorable pour faire des choix politiques difficiles.
Dans un récent document conjoint soumis à l'OMC, le gouvernement de Maurice, ainsi que cinq autres petits pays, souligne que la libéralisation du commerce et les accords commerciaux préférentiels devraient prendre en considération la vulnérabilité des petites économies car on estime que ces pays sont particulièrement vulnérables dans l'économie mondialisée d'aujourd'hui. Le document cite certains facteurs: éloignement des principaux marchés; vulnérabilité au choc des prix pour les matières premières d'exportation souvent importantes, et dépendance par rapport à un très faible nombre de produits d'exportation, leurs économies étant trop réduites pour parvenir à des économies d'échelle. En outre, des études de cas ont été soumises à l'OMC par Fidji et Maurice.
Entre-temps, il y aura peut-être une période de transition difficile, caractérisée par une montée du chômage, car - ainsi qu'il est noté dans ce rapport - la création d'emplois dans les quatre secteurs de croissance désignés est insuffisante pour absorber la croissance attendue de la main-d'œuvre. Maurice doit tout particulièrement prêter attention aux groupes vulnérables et désavantagés pendant cette période de transition. Les partenaires sociaux devraient être étroitement associés à la politique économique et sociale et à la prise de décisions dans ce domaine. Il est important que Maurice, Etat-providence de son propre aveu, ne cède pas à l'orthodoxie de certains économistes (néoclassiques) concernant le démantèlement de l'Etat-providence et la privatisation de nombreuses dépenses sociales.
La Pologne a longtemps été considérée comme un pays ayant des problèmes économiques difficiles, voire quasi insurmontables. A la fin des années quatre-vingt, après des décennies de planification centralisée, le pays a dû relever un défi historique, celui d'adapter ses structures et institutions aux lois du marché. Le défi était d'autant plus difficile à relever que le service d'une dette extérieure très lourde engloutissait une grande part des recettes en devises fortes. Face à ces difficultés, le gouvernement d'alors s'est lancé dans un programme de réformes tous azimuts qui ont ouvert la voie à une période de transition économique et sociale notamment caractérisée par la déréglementation des prix, la privatisation et la libéralisation des échanges.
Les premières étapes de la transition ont été marquées par une baisse précipitée de la production et de l'emploi, et la plupart des analystes s'attendaient à ce que la situation économique continue à empirer. Or il n'en a rien été. Depuis 1993, le PIB croît en moyenne de 5,5 pour cent par an et le taux de chômage est retombé aux alentours de 10,5-11 pour cent, soit plus de quatre points de moins que son plus haut niveau historique. La libéralisation du commerce extérieur a été menée à relativement vive allure. Beaucoup de barrières non tarifaires ont été démantelées et les tarifs douaniers applicables aux importations ont été ramenés à 3,3 pour cent en moyenne. Les choses sont aussi allées bon train en ce qui concerne la libéralisation des investissements directs étrangers (IDE). Le volume des échanges extérieurs a plus que triplé. L'UE est devenue le premier partenaire commercial de la Pologne, qui a commencé à accueillir beaucoup de filiales de multinationales. Le point le plus important c'est que le secteur privé est devenu le principal moteur de l'économie: aujourd'hui, il assure près de 70 pour cent de la production et de l'emploi.
Vu la rapidité et la profondeur du processus de transition, il est difficile d'isoler l'impact de la mondialisation en le distinguant des effets d'autres facteurs tels que la privatisation. Cela étant, l'étude indique que le commerce extérieur et les IDE ont contribué à l'expansion économique observée depuis le début des années quatre-vingt-dix. Malgré les compressions d'effectifs souvent associées aux restructurations en général et à la libéralisation des échanges en particulier, la Pologne a généralement cherché à se spécialiser dans l'exportation de produits à forte intensité de main-d'œuvre. Certains indices montrent aussi que les IDE ont contribué à l'expansion des capacités de production et d'exportation du pays. En moyenne, les salaires sont moitié plus élevés dans les entreprises manufacturières à capitaux étrangers que dans les autres entreprises manufacturières. On peut avancer sans risque de se tromper que la libéralisation des échanges et des investissements a contribué à améliorer et moderniser l'appareil de production.
Différents facteurs économiques et sociopolitiques donnent à penser que ces tendances positives devraient se poursuivre. Premièrement, la capacité non utilisée demeure considérable, ce qui permet d'envisager une nouvelle augmentation de la production et du niveau de vie. En particulier, une forte proportion de la population active est soit au chômage, soit sous-employée. Ainsi, l'agriculture assure plus du quart de l'emploi total mais seulement 6 pour cent du PIB. Deuxièmement, le pays a engagé des négociations en vue de son entrée dans l'UE, ce qui, s'ajoutant à la poursuite des réformes dans plusieurs secteurs, devrait stimuler les afflux d'IDE ainsi que les échanges commerciaux. Troisièmement, les liens historiques qui unissent le gouvernement au mouvement des travailleurs ont facilité la transition en la rendant socialement acceptable.
Aussi importants qu'ils soient, tous ces facteurs ne doivent pas faire oublier que le processus de croissance est déséquilibré, ce qui pose des problèmes non seulement du point de vue social, mais aussi du point de vue de l'efficience économique:
On affirme çà et là que, progressivement, le jeu des forces du marché corrigera ces déséquilibres. Il y a certes un intérêt: a) pour les investisseurs (nationaux ou étrangers) à implanter les unités de production en milieu rural où les coûts sont relativement modestes; b) pour les travailleurs agricoles à bas revenus à se transférer dans des centres urbains relativement dynamiques; c) pour les entreprises à vocation exportatrice, notamment agro-alimentaires, à créer des liaisons en amont avec les fournisseurs installés en milieu rural. Toutefois, dans la pratique, ces incitations risquent d'être insuffisantes (ou de produire leurs effets trop lentement) car les disparités régionales sont principalement imputables à des facteurs structurels qui, pour la plupart, appellent une intervention de l'Etat, agissant en coopération avec les partenaires sociaux. Premièrement, les migrations internes sont freinées par le coût des loyers et des logements dans les grands centres urbains. En outre, pour des raisons à la fois historiques et socioculturelles, beaucoup de ménages ruraux voient dans la terre un filet de sécurité. Deuxièmement, en dehors de Varsovie et d'autres grandes villes, les infrastructures sont notoirement déficientes, ce qui réduit le potentiel d'échanges et de production des régions rurales et du pays dans son ensemble. Le réseau routier et surtout autoroutier ainsi que le réseau ferré et les télécommunications se révèlent de plus en plus inadaptés à une expansion rapide. Troisièmement, le système de formation professionnelle a relativement tardé à s'adapter, d'où parfois une inadéquation entre les compétences acquises à l'école et les besoins du marché du travail, problème particulièrement aigu dans les campagnes. Quatrièmement, le soutien institutionnel à la diversification du secteur agricole est encore relativement faible.
Ces questions sont examinées de manière assez approfondie dans l'étude qui décrit les initiatives récemment prises par le gouvernement pour combattre les problèmes. Elle indique que le développement de l'infrastructure et la valorisation du capital humain sont des tâches relativement urgentes pour la Pologne. Une action dans ce domaine accroîtrait sans nul doute les chances d'une intégration réussie dans l'UE. Pour sa part, le gouvernement prévoit de réduire substantiellement les impôts sur les entreprises ainsi que les impôts sur le revenu des personnes physiques afin de les ramener à un niveau sensiblement inférieur à celui que l'on observe dans la plupart des pays de l'UE. Cet allégement de la fiscalité, en l'absence d'un gros effort pour corriger les déséquilibres régionaux, risque d'aggraver ces déséquilibres. En conséquence, vu les besoins en matière d'infrastructure et d'éducation, il serait peut-être préférable d'étaler sur une plus longue période la réforme de la fiscalité. C'est un choix difficile qui mériterait de faire l'objet d'un débat approfondi dans le cadre des institutions tripartites nationales.
A maints égards, la Suisse semble être l'un des principaux bénéficiaires de la mondialisation. Malgré une taille relativement réduite, elle abrite quelques-unes des plus grandes entreprises multinationales. Elle est le dix-huitième exportateur de produits dans le monde, et le treizième exportateur de services. Les entreprises suisses ont une solide réputation de producteurs fiables de produits novateurs et de haute qualité. Ces excellents résultats se reflètent dans les indicateurs sociaux enviables du pays. A titre d'exemple, tous les jeunes ont accès à un enseignement public de haute qualité. En 1996, le revenu annuel moyen des Suisses était de près de 25 000 dollars des Etats-Unis, tandis que le taux de chômage est depuis longtemps l'un des plus faibles d'Europe.
Dans une certaine mesure, on peut attribuer ces résultats à l'ouverture de l'économie suisse sur l'étranger. Trois aspects connexes se dégagent de l'étude du modèle exportateur suisse:
Ce sont là d'importants atouts à l'heure de la mondialisation. La Suisse cependant n'en a pas tiré tous les avantages comme le montrent les chiffres relativement médiocres de l'emploi et des exportations pour les années quatre-vingt-dix.
Depuis 1990-91, la plupart des indicateurs économiques et sociaux ont révélé une dégradation non seulement par rapport aux chiffres antérieurs, mais aussi par rapport à la situation internationale. Les travailleurs peu qualifiés et âgés sont plus exposés à perdre leur emploi et ont du mal à se réinsérer sur le marché du travail. Le déclin des exportations suisses dans les exportations mondiales est troublant. Si la situation est loin d'être alarmante, elle n'en soulève pas moins la question de savoir comment préserver les atouts du système économique suisse tout en remédiant au problème de sa relative stagnation. Une combinaison de facteurs macroéconomiques et structurels pourrait avoir contribué à ce résultat relativement décevant.
Premièrement, durant la plupart des années quatre-vingt-dix, l'économie suisse a dû fonctionner dans le contexte d'une situation monétaire plutôt tendue. Taux d'intérêt élevés et afflux abondants de capitaux à court terme sont allés de pair avec une appréciation spectaculaire de la monnaie en valeur réelle. Une politique monétaire relativement moins contraignante est appliquée depuis 1995, pour tenir compte du très faible taux d'inflation et dans le but de promouvoir la croissance économique. En outre, la politique budgétaire est plus rigoureuse depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, ce qui comprime aussi la demande intérieure.
Deuxièmement, à un niveau plus structurel, la concurrence sur les marchés internationaux est relativement faible. L'accès à certaines professions (par exemple médecine, droit, services professionnels privés) est strictement réglementé. Les cartels ne sont pas rares, mais ils sont considérés comme illégaux s'ils affectent gravement la concurrence sans que cela soit justifié par des raisons d'efficacité économique ou s'ils conduisent à la suppression d'une concurrence effective. Comme dans le droit de l'Union européenne, l'abus d'une position dominante est répréhensible et peut justifier des poursuites judiciaires. Une nouvelle législation a été adoptée dans le cadre d'un important programme de réformes dans ce domaine. Cependant, il est encore trop tôt pour en évaluer les résultats. Il semblerait que ce processus soit lent dans certains cas, ce qui pourrait être l'une des principales raisons des prix excessivement élevés en Suisse - pays qui, selon les éléments présentés dans l'étude, est le plus cher du monde. Ces prix élevés expliquent peut-être l'impressionnant écart entre les coûts de main-d'œuvre pour les employeurs («trop élevés») et le pouvoir d'achat des travailleurs suisses («trop faible»). En effet, l'étude confirme que les salaires suisses sont parmi les plus élevés du monde (même si les coûts unitaires de main-d'œuvre ne le sont pas nécessairement puisque la productivité est également élevée) mais que, du fait de prix intérieurs élevés, le pouvoir d'achat réel des salaires suisses est proche de la moyenne des pays développés. Le climat peu concurrentiel inhibe aussi les initiatives entrepreneuriales, ce qui réduit le potentiel du pays en matière de création d'emplois.
Point important, l'amélioration de la concurrence sur le plan interne serait justifiée non seulement du point de vue de l'efficience économique, mais aussi pour des raisons sociales: les groupes à revenus élevés sont les principaux bénéficiaires d'une réglementation qui a pour effet de restreindre la concurrence. Une plus grande concurrence ne pourrait donc qu'améliorer la répartition des revenus tout en stimulant la création d'emplois. Cependant, l'expérience ayant montré que l'ouverture de certains secteurs protégés à la concurrence tend à s'accompagner de restructurations et, par voie de conséquence, de suppressions d'emplois, il faut en tenir compte pour décider du moment où l'on appliquera des politiques de libéralisation. En cas de licenciements, des mesures de soutien seront nécessaires.
L'étude examine tant cette question que les autres mesures nécessaires, notamment dans le domaine de la formation, de la législation du travail et de la protection sociale. Sa principale conclusion est que, par rapport à la situation internationale, le cadre réglementaire du travail assure un degré relativement élevé d'adaptabilité. Cela ne semble cependant pas provoquer un niveau excessif d'insécurité de l'emploi, sauf en ce qui concerne la pratique de plus en plus courante consistant à avoir recours à des travailleurs «sous astreinte» dans certaines industries. La protection légale de ces travailleurs est limitée, et les partenaires sociaux pourraient souhaiter examiner les moyens de remédier à ce problème. D'une manière plus générale, le nombre des travailleurs dans les emplois à bas salaires semble être en augmentation. Il y a lieu d'améliorer leur protection sociale et de mieux cibler la formation et les politiques actives du marché du travail pour répondre à leurs besoins spécifiques. De toute évidence, le dialogue social revêt une importance capitale pour trouver des solutions aux problèmes que connaissent les travailleurs, notamment ceux qui sont faiblement rémunérés et peu qualifiés.
Les craintes concernant les salaires et l'emploi ont été activées par la récente conclusion de l'accord bilatéral avec l'Union européenne. L'expérience de l'unification économique dans l'Union européenne indique cependant que la mobilité du marché du travail en Europe est relativement stable, notamment chez les travailleurs non qualifiés. Ceci veut dire qu'il y a peu de risque que l'application de l'accord bilatéral aboutisse à un afflux élevé de travailleurs en provenance de ces pays. Qui plus est, au cas où le niveau d'immigration poserait problème, l'accord prévoit une réduction temporaire des contingents à titre de mesure de sauvegarde.
Dans l'ensemble, l'expérience de la Suisse montre que la mondialisation tend à aggraver les effets pervers des distorsions des politiques économiques nationales tels que le climat relativement peu concurrentiel du marché des produits qui prévaut depuis longtemps en Suisse. Il est à noter que le gouvernement a entrepris dans ce domaine des réformes parallèles dans leurs grandes lignes à celles de l'Union européenne, avec laquelle la Suisse fait l'essentiel de ses échanges. Cela illustre bien de quelle façon l'évolution au sein de l'Union européenne influe sur la législation et la politique économique de la Suisse, même si ce pays ne participe pas au processus européen de prises de décisions.