Travail forcé au Myanmar (Birmanie) Rapport de la commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation
internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail
forcé, 1930 Organisation internationale du Travail |
Résumés de témoignages |
1-50 |
Ethnie |
Chin |
1 |
Age/sexe: |
20 avril 1960, masculin |
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Situation familiale: |
Aîné d'une famille de quatre |
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Education: |
Huitième année |
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Activité professionnelle: |
Fermier et par la suite chauffeur (transport de marchandises) |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Haka, Etat Chin (a vécu à Kalaymyo, division Sagaing, pendant quinze ans avant son arrestation) |
Il a été arrêté à Mung Zwa le 18 avril 1994 et accusé d'avoir en sa possession et de transporter des publications illégales à caractère politique. Il a été jugé (tribunal de Division) et condamné à une peine de douze ans d'emprisonnement. Il n'a pu avoir recours au conseil de son choix, mais s'est vu assigner un avocat par l'Etat. Après son arrestation, il a été transféré à un camp militaire dont il ignore le nom. Il a par la suite été incarcéré dans un camp de travail pénitentiaire jusqu'au moment où il a réussi à s'échapper en octobre 1997. Après son évasion, il a dû fuir le Myanmar en passant par Mandelay, Kalaymyo, Tiddim et Champhai. Depuis lors, il n'a pas revu sa famille qui serait à Haka. Lors de son séjour en prison (1994-1997), il a dû pendant deux ans, à partir de mars 1995, effectuer des travaux de concassage de la pierre pour la construction de routes. Les conditions de travail étaient excessivement difficiles: peu de nourriture (une tasse de riz), pas d'abri pour dormir. La journée commençait généralement aux environs de 7 heures pour se terminer vers 22 heures, sans interruption, sous une température souvent accablante. Plus de 700 autres prisonniers travaillaient avec lui. Tous portaient chaînes à la taille et aux pieds. Les prisonniers faisaient régulièrement l'objet de sévices assénés par les gardiens: passages à tabac, coups de pieds ou d'armes. Les chaînes et la déshydratation rendaient la plupart des prisonniers malades. Aucun traitement médical ou médicament n'était octroyé aux prisonniers en cas de maladie. Seuls les prisonniers qui n'étaient plus en mesure de se lever étaient exempts de travail. Les mauvaises conditions qui prévalaient dans ce camp de travail pénitentiaire ont entraîné le décès de plus de 200 prisonniers. Plusieurs de ses amis ont été battus par les gardes, ces derniers se plaisant à répéter ce faisant qu'ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient aux prisonniers. Il a été battu personnellement, sans qu'il ne sache la raison justifiant cette sanction corporelle. Le témoin insiste sur le fait que les prisonniers se voient dénier tout droit. Au moment de son arrestation, il faisait partie de la Ligue nationale pour la démocratie (National League for Democracy) (NLD) et appuyait Aung San Suu Kyi. Plusieurs prisonniers faisaient partie de la Ligue nationale pour la démocratie.
Ethnie: |
Chin |
2 |
Age/sexe: |
19 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Six enfants (parents très âgés) |
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Education: |
Cinquième année |
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Activité professionnelle: |
Famille de fermiers |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Thantlang, Etat Chin |
Il est arrivé en Inde le 11 avril 1997. Ses parents lui ont dit de quitter le Myanmar en raison de la situation qui y prévaut: conscription forcée, obligation de travailler et de porter pour les militaires. Il est en contact de façon sporadique avec sa famille qui est restée au Myanmar et qui lui confirme que la situation n'a pas changé et qu'elle est tout à fait intolérable en raison de la dictature militaire qui dirige le pays. Il est impossible pour les membres de sa famille de vaquer à leurs occupations personnelles. Travail forcé. Il a dû travailler pour les militaires dès l'âge de 14 ans (1993). De façon générale, les assignations de travail étaient transmises par écrit, bien que les militaires pouvaient réquisitionner directement les travailleurs dont ils avaient besoin. 1) Portage. Il a dû faire du portage pour les militaires à six reprises. A ces occasions, les militaires sont venus directement au village et ont ordonné aux personnes qui s'y trouvaient de porter leur matériel. Ils se sont également tout approprié: nourriture, bambous, médicaments, animaux, etc. Lorsque les militaires se présentent ainsi dans un village, les jeunes personnes tentent généralement de fuir, mais sont pourchassées dans la jungle. Pas une seule personne à sa connaissance n'exécute ce travail volontairement. 2) Route. Il a dû, à deux reprises, participer à la construction de la route entre Haka et Thantlang. Cette route se situe à environ 60 miles de son village. En fait, tout son village a reçu ordre d'y participer à raison d'une personne par famille. Chaque assignation a duré douze jours auxquels se sont ajoutés trois jours de voyage pour s'y rendre et trois autres pour revenir. Les soldats assuraient la surveillance sur le site de travail. La journée commençait à 6 heures et se terminait aux environs de 16 heures. Il n'y avait pas d'abris pour dormir, les travailleurs devant dormir près de la route ou dans la jungle. Pour ce qui est de la nourriture, les travailleurs devaient tout apporter et demander aux femmes présentes de la préparer. Ils pouvaient se rassasier à la fin de la journée de travail vers 22 heures. Les travailleurs faisaient régulièrement l'objet de mauvais traitements infligés par les soldats. Les personnes qui tentaient de fuir étaient menacées d'être exécutées ou emprisonnées. Il n'était pas rémunéré. Il était toujours possible de verser des pots-de-vin aux soldats afin d'être exempté. Il a dû travailler pour un camp militaire situé à proximité de son village à trois reprises en 1993, 1995 et 1997. A chaque fois, il y est resté une journée. Sa sœur de 16 ans a dû également y monter la garde et creuser la terre. Pour lui, les souvenirs les plus pénibles sont liés au portage et à la construction de route. Il fait partie de la Ligue nationale chin pour la démocratie (Chin National League for Democracy) (CNLD).
Ethnie: |
Chin |
3 |
Age/sexe: |
15 avril 1972, masculin |
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Situation familiale: |
Deux sœurs. Père décédé (était fonctionnaire) |
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Education: |
Septième année |
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Activité professionnelle: |
Chauffeur de camion |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Kalaymyo, division Sagaing |
Il a été arrêté par les militaires, avec quatre autres personnes, le 23 janvier 1994 et a été accusé d'avoir transporté illégalement des médicaments requérant une ordonnance médicale. Il a été condamné à dix ans d'emprisonnement par un tribunal civil devant lequel il a pu présenter une défense. Il a interjeté appel et a été libéré le 21 septembre 1995. Lors de son incarcération, il a été transféré dans différentes prisons dans lesquelles il a dû exécuter du travail dans des conditions excessivement pénibles. Après avoir été remis en liberté, le témoin a eu l'impression que la police intérieure (CID) le surveillait. Trouvant la situation invivable, il s'est rendu au Mizoram en septembre 1997. Il a quitté le Myanmar en raison de la situation générale qui y prévaut. Le peuple n'a aucun droit. Il n'a pas de contact avec sa famille. Il ne fait partie d'aucun groupe politique. Il s'intéresse néanmoins à la littérature produite par les groupes d'opposition. Travail forcé. De façon générale, son village entier, incluant tous les membres de sa famille, a dû faire du travail pour les militaires. Les ordres provenant des militaires étaient transmis par l'intermédiaire du chef du village. Il était toujours possible, pour les personnes possédant quelques deniers, de verser des pots-de-vin aux militaires. Personnellement, le témoin n'a pas exécuté de travail forcé. Toutefois, depuis 1988, ses sœurs ont dû exécuter en rotation (quatre semaines) certains travaux à la centrale hydroélectrique de Kalaymyo et sur la route de Thantlang. En 1988, sa plus jeune sœur avait 12 ans et la plus âgée 24. Il ne connaît pas la nature des travaux qu'elles devaient exécuter. Il sait toutefois qu'elles ne pouvaient pas se reposer et qu'elle n'étaient pas nourries ou rémunérées.
Ethnie: |
Chin |
4 |
Age/sexe: |
28 février 1968, masculin |
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Situation familiale: |
Mère vivante; fait partie d'une famille de sept enfants; frère plus âgé avocat; les autres sont fermiers |
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Education: |
Quatrième année |
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Activité professionnelle: |
Fermier |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Thantlang (Etat Chin) |
Il a été arrêté le 5 juin 1996, les autorités le soupçonnant de faire partie du Front national chin (CNF) (Chin National Front). Lors de l'interrogatoire qui a suivi son appréhension, il a été torturé. Lorsqu'il a été relâché, il a quitté le Myanmar pour se rendre en Inde au milieu de 1996. Il souffre de troubles de mémoire. Tous les membres de sa famille ont quitté le Myanmar pour le Mizoram, incluant son frère juge, puisqu'ils étaient devenus suspects aux yeux des autorités à la suite de son départ. De façon générale, sa famille n'a pas eu à accomplir de travail pour les militaires puisque son père était juge. Toutefois, de façon exceptionnelle, à deux reprises, il a dû personnellement travailler pour les militaires. La première fois s'est déroulée entre le 4 et le 15 janvier 1995. Il a dû participer à la construction de la route entre Haka et Thantlang. A cette époque, tout son village avait été requis d'y travailler, incluant les membres des familles privilégiées comme celles de juges. Ces familles, qui regroupaient une quinzaine de personnes, se sont vu assigner une section définie de la route qu'elles devaient terminer dans un délai imparti. Dans le cas où ces personnes ne réussissaient pas à terminer le travail, elles étaient menacées de perdre leurs emplois ou forcées de payer une amende (2 000 kyats). Le travail qui consistait principalement à niveler le terrain était difficile. Ils devaient dormir près de la route ou chez des amis. La seconde occasion s'est déroulée en novembre 1995 pendant une journée lorsqu'il a été requis de faire du portage pour les militaires. A cette fin, il a été appréhendé par les militaires, avec 13 autres personnes, lorsqu'il se trouvait à Gu Kya, un petit village près de Thantlang. Il a dû se rendre de Gu Kya à Thantlang. Il a dû marcher sans moment de répit sur une distance d'environ 12 miles.
Age/sexe: |
1973, masculin |
5 |
Situation familiale: |
Fait partie d'une famille de sept enfants; parents encore vivants |
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Education: |
Sixième année |
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Activité professionnelle: |
Soldat depuis 1993 |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Falam, Etat Chin |
Il est entré dans l'armée en 1993 à la fin de son apprentissage scolaire, puisqu'il n'avait pas d'autres choix pour gagner sa vie. Le quartier général de son bataillon était dans l'Etat Kachin. Il était le seul d'origine Chin dans sa compagnie. Son bataillon comptait toutefois 16 soldats d'origine Chin. Ses chefs étaient birmans de Mandalay (compagnie) ou de Yangon (bataillon). Il a quitté l'armée en raison des conditions prévalant en son sein: mauvaise rémunération, piètre nourriture, moral des troupes très bas. Travail forcé. Il se souvient que, depuis son très jeune âge, tout son village a toujours dû travailler pour les militaires qui avaient un camp à proximité. L'assignation pour travailler provenait des militaires, mais était transmise par le chef du village. Il a personnellement dû couper le bois et monter la garde. Il exécutait ce travail en rotation avec son frère. Il ne voulait pas faire ce travail et n'était pas rémunéré. Au commencement de sa carrière de militaire il a été gardien, pendant un mois, dans un camp de prisonniers à Namati, Etat Kachin. Il devait surveiller les prisonniers qui devaient briser la pierre nécessaire aux routes. Les conditions de travail étaient excessivement difficiles. Les prisonniers faisaient régulièrement l'objet de graves sévices corporels. Les prisonniers étaient des militaires ou des civils qui avaient été préalablement condamnés par des tribunaux militaires (cours martiales) ou civils (juridiction pénale). Ils étaient d'âges variés, incluant des enfants et des vieillards. Il n'y avait pas, à sa connaissance, de prisonniers politiques. Il a par la suite été envoyé au front à deux reprises. Le front se déployait surtout dans le nord de l'Etat Shan. Près de 4 000 soldats formaient le front. Les porteurs qui étaient nécessaires aux militaires étaient recrutés dans chaque village. Sa compagnie, qui comptait 30 à 40 hommes, avait recours aux services de 17 à 18 porteurs. Hommes, femmes et enfants (8-9 ans) pouvaient être réquisitionnés pour faire ce travail. Plusieurs femmes agissaient à titre de porteurs puisque les hommes réussissaient à s'enfuir les laissant seules comme main-d'œuvre disponible. Lorsque les combats éclataient, les porteurs étaient poussés au-devant des troupes permettant ainsi de détecter les mines antipersonnel dissimulées par les rebelles Shan. Plusieurs porteurs ont trouvé la mort dans de telles conditions. Les personnes réquisitionnées étaient soumises à un traitement cruel. Si elles n'avançaient pas assez rapidement, elles étaient poussées, bousculées. Elles devaient porter d'un village à l'autre (rotation par village). Il a personnellement battu des porteurs conformément aux ordres reçus de ses supérieurs. Il n'a pas été témoin d'abus sexuels, mais en a entendu parler. Des plaintes auraient été portées, mais aucune mesure sérieuse entreprise. Lorsqu'il n'était pas au front, il était assigné à différents camps militaires ou restait au quartier général de son bataillon où il pouvait vaquer à ses occupations personnelles. Dans les camps militaires, il a été témoin de personnes qui étaient forcées de travailler pour la construction de ces camps. Son expérience couvre quatre camps: 1 -- Namati, Etat Kachin - camp de prisonniers (déjà discuté voir supra) 2 -- Nan Ya, Etat Kachin. Le camp était déjà construit lorsqu'il y a été assigné. 3 -- Phaungh Sai et Mong Ko, Etat Shan. Dans ces camps, des personnes (civils et militaires) ont dû participer à leur construction. Les villageois étaient informés du travail à exécuter par le chef du village. Les ordres étaient oraux pour ce qui est des villages près du camp et donnés par écrit pour ceux qui étaient plus éloignés. Le travail s'échelonnait sur deux ou trois semaines. Le travail consistait à ériger les constructions, couper le bois et monter la garde. Les conditions de travail étaient excessivement difficiles. Les travailleurs n'avaient pas de nourriture et devaient travailler sans répit. Ils faisaient régulièrement l'objet de sévices corporels: coups de bottes, passages à tabac. Même à titre de militaire il a dû, à quelques reprises, travailler sans être rémunéré. Entre 1994 et 1996, il a personnellement travaillé, dans ces conditions, sur quatre tronçons de la voie ferrée entre Mogaung (Etat Kachin) et Mandalay, toutes ces sections étant situées dans l'Etat Kachin: 1 -- Nan Ya (y a travaillé pendant trois mois); 2 -- Mogaung (y a travaillé pendant deux mois); 3 -- Myitkyina (capitale de l'Etat Kachin) (y a travaillé pendant un mois et demi); 4 -- Sarhmaw (y a travaillé pendant trois mois). Environ 250 à 300 soldats non rémunérés travaillaient avec lui en plus des prisonniers qui étaient présents. A sa connaissance, il n'y avait pas de civils. Le plus mauvais souvenir pour lui est la situation au front. Zone de trafic de drogue. Le témoin a parlé de la culture de l'opium dans l'Etat Shan et du fait que l'armée a ordonné à la population de cet Etat de le cultiver. La drogue est par la suite vendue à des intérêts chinois. Le témoin est venu en Inde en 1996.
Ethnie: |
Rakhine |
6 |
Age/sexe: |
1951, masculin |
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Situation familiale: |
Huit enfants |
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Activité professionnelle: |
Culture de tabac en collines |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Sai Pai Pra, Paletwa (Arakam Yoma) (le village comptait 60 maisons)(1) |
Il a quitté le Myanmar en 1994 en raison des conditions qui y prévalaient, et notamment en raison du travail qui devait être exécuté pour les militaires. Toute sa famille est venue avec lui en Inde. Travail forcé. Il a dû faire du portage pour les militaires et participer aux travaux relatifs à la construction d'une route. 1) Portage. Il a dû faire du portage pour l'armée tant de fois qu'il ne peut se rappeler le nombre. Toutes ses assignations se sont déroulées dans l'Etat Rakhine. La première fois fut en 1982. Il a été amené par l'armée à Pi Chaung (à la frontière avec le Bangladesh). Soixante autres villageois se trouvaient avec lui. Trente soldats étaient présents. Le portage a duré sept jours. Les porteurs devaient aussi construire les campements aux endroits où les troupes étaient stationnées. Le travail consistait notamment à mettre des pieux de bambous, creuser des tranchées, apporter l'eau, etc. Le travail n'était pas volontaire et n'était pas rémunéré. Toutes personnes en âge de porter étaient susceptibles d'être réquisitionnées. En l'absence d'hommes, les femmes devaient le faire. Seuls les adultes ont travaillé dans sa famille. Les porteurs étaient l'objet de traitements cruels de la part des militaires. Il n'y avait pas de nourriture, les soldats se plaisant à dire aux travailleurs de manger du sable. Si les porteurs prenaient du retard, ils étaient battus (notamment ceux souffrant de polio). Il a souffert de la fièvre et de la faim. Pour ce qui est des autres expériences de portage, il estime avoir été réquisitionné par l'armée au moins trois fois par mois jusqu'à son départ. Les assignations duraient entre un et sept jours. Chaque famille devait fournir une personne pour exécuter ce travail. En outre, quatre personnes dans son village devaient être en permanence disponibles pour les besoins urgents des militaires et pour le travail au camp militaire. Lors de ses absences, sa famille devait se nourrir avec ce qu'elle trouvait dans la jungle. Dans son village, une jeune fille a fait l'objet de sévices sexuels perpétrés par des soldats ivres qui avaient au préalable offert de la boisson à son père. Malgré la plainte qui a été présentée au supérieur, aucune mesure sérieuse n'a été entreprise. Ses pires souvenirs sont liés à des voyage nocturnes qu'il a dû effectuer à titre de porteur. Il a dû faire l'ascension difficile de collines et montagnes sans repère et dans la totale obscurité. Il était toujours possible de verser des pots-de-vin aux soldats. Dans son cas, à défaut d'avoir l'argent nécessaire pour ce faire, il a dû exécuter le travail. Route. En 1992, il a dû, à deux reprises, participer à la construction de la route entre Matupi et Chaung Lawa. Le travail commençait à six heures pour se terminer à 17 heures. La première assignation a duré sept jours, alors que la seconde s'est échelonnée sur quatre jours. Chaque famille devait fournir une personne pour exécuter ce travail. L'ordre de travailler était transmis par le chef du village, mais ne provenait pas des mêmes militaires qui requéraient le portage.
Ethnie/religion: |
Rakhine, bouddhiste |
7 |
Age/sexe: |
1966, 31 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, deux enfants |
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Education: |
Deuxième année |
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Activité professionnelle: |
Culture en collines |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Taryn, Paletwa Arakan Yoma(2) (le village comptait plus de 100 familles) |
Il a dû faire du travail pour les militaires jusqu'à son départ en 1995. Sa femme et ses enfants s'occupaient de ses terres lors de ses absences. Pendant ces périodes, ils devaient se nourrir avec ce qu'ils pouvaient trouver dans la jungle. Il a fait du portage, participer à la construction d'un camp militaire et à celle de route. Il a quitté le Myanmar avec son épouse et ses enfants. Portage. Il a été réquisitionné pour faire du portage un nombre incalculable de fois par année. Il estime le nombre par mois à 3-4 reprises. La période pendant laquelle il a dû faire le plus grand nombre de portages remonte à 1988. Ce sont les soldats qui réquisitionnaient les villageois pour le portage en transmettant leurs ordres au chef du village. Chaque famille du village devait fournir une personne pour exécuter ce travail. Chaque assignation durait entre trois et cinq jours. Il devait transporter nourriture et munitions pour les militaires. Les charges étaient lourdes. Il ne bénéficiait d'aucun moment de répit. Il devait apporter sa propre nourriture, mais n'avait pas toujours le temps de la préparer. Les abris pour dormir devaient être construits sur place, dans la jungle. Il a dû également monter la garde lorsque les soldats dormaient. Hommes, femmes et enfants pouvaient être réquisitionnés. Le traitement infligé est cruel: passages à tabac avec des bâtons de bambous étaient chose courante. Si le porteur était incapable de suivre, il était battu et abandonné dans la jungle. Il a entendu dire que certains étaient décédés à la suite de ces sévices. Il était possible de refuser dans le seul cas de maladie grave. Toutefois, les militaires acceptaient les pots-de-vin. Les membres de l'armée s'appropriaient tout: animaux (poulet, porc), nourriture, etc. Il a dû faire du portage jusqu'à son départ pour l'Inde en 1995. Camp militaire. Les militaires avaient un camp dans son village. Il a dès lors dû y travailler un nombre incalculable de fois jusqu'à son départ. Il a dû notamment construire les baraques et les lits de camp pour les militaires, couper et cueillir les bambous, poser les clôtures et creuser les tranchées. Les assignations avaient des durées variables qui pouvaient durer jusqu'à un mois. Route. Il a dû travailler à deux reprises en 1991 sur la route entre Kaladan River et Matupi. La première assignation a duré sept jours alors que la seconde en a duré quatre. La moitié des familles du village ont dû faire ce travail. D'autres villages ont également été requis. Deux cents à trois cents personnes ont travaillé en même temps que lui. Les travailleurs faisaient l'objet de traitements cruels. Coups de bambous ou de poings étaient fréquents. Il a personnellement été battu à deux reprises puisqu'il ne savait pas nager. Ses pires souvenirs sont liés au portage et au fait qu'il était très difficile de se déplacer pendant la saison des pluies sans avoir les chaussures adéquates.
Ethnie/religion: |
Rakhine, bouddhiste |
8 |
Age/sexe: |
22 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Célibataire. Membre d'une famille de sept enfants, un frère et cinq sœurs plus âgés |
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Activité professionnelle: |
Fermier (rizière) et, en hiver, piments |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Thazegone, Minbya, Etat Rakhine (le village comptait 90 familles) |
Il a dû faire du travail pour les militaires dès l'âge de 14 ans (1990). La première fois où il a dû travailler pour les militaires consistait en des travaux de culture. Par la suite, il a dû faire du portage, participer à la construction de routes et exécuter d'autres travaux pour les militaires. Il était impossible de refuser de faire le travail. Il n'était pas rémunéré. Culture. Il s'agissait de rizières et de culture de piment pour les militaires qui s'étaient appropriés des terres de culture localisées à une heure de son village. Dix personnes de son village ont dû s'y rendre. Il a dû travailler sur ces terres pendant la saison des pluies, jusqu'à très tard dans la nuit. Portage. Il a dû porter pour la première fois pour les militaires à l'âge de 16 ans. Par la suite, il a dû le faire à une ou deux reprises par année. Il devait transporter la nourriture. Son beau-frère aurait été pendu à un arbre par les mains pendant une heure puisqu'il était absent lors d'un portage où les militaires l'avaient réquisitionné. Il n'a pu marcher pendant une à deux semaines. Route. Il a dû participer à la construction de trois routes dès l'âge de 15 ans: Minbya-Ann (100 miles), Minbya-Myebon (60 miles) et Minbya-Sunye (route locale). Il devait faire ce travail pendant la saison sèche à raison d'une à deux fois par année. Tout son village était en fait réquisitionné pour faire ce travail. Il était divisé en deux groupes qui se remplaçaient selon une rotation hebdomadaire pré-établie. Chaque famille devait fournir une personne. Personnellement, il partageait le travail avec son frère aîné. Il avait à faire deux jours de marche pour se rendre à son lieu de travail. Le travail était difficile et consistait principalement à creuser la terre. Il devait apporter leurs outils. Trois cents à quatre cents personnes travaillaient avec lui sur ces routes. Les militaires supervisaient le travail. Ces routes sont principalement pour l'usage des militaires. Il a travaillé sur ces routes la dernière fois juste avant son départ en 1996. Les travailleurs faisaient régulièrement l'objet de mauvais traitements. Dans les cas de retard, ils étaient battus par les militaires. Les militaires les enchaînaient parfois et utilisaient des carcans pour immobiliser leurs jambes. Les militaires pouvaient aussi les forcer à rester sous le soleil ardent pendant trois ou quatre heures. De façon générale, les soldats brusquaient les travailleurs. Il a vu des personnes gravement blessées, souffrant notamment de profondes coupures dues à des coups de bâton de bois. Personnellement il n'a pas été blessé. Il a toutefois souffert de la faim, de la fièvre et de douleurs aux jambes. Autres travaux. Il a dû à quelques reprises ramasser le bois (palmiers, bambous) qui servait à alimenter le feu nécessaire à la fabrication de la brique et à la construction des toits (feuilles). Il a aussi participé à la construction de remblais pour une rivière. Il a également été témoin du fait que des villageois devaient travailler, sans être rémunérés, sur des élevages de crevettes. L'armée avait en effet pris possession de certains élevages. Les crevettes étaient élevées pour l'exportation. Toute personne civile qui tentait de prendre ces crevettes pour ses fins personnelles était battue. Pour lui, le travail le plus difficile qu'il a dû exécuter en raison de son jeune âge était le coupage de feuilles et de bambous. Il aimerait améliorer son éducation.
Ethnie/religion: |
Rakhine, bouddhiste |
9 |
Age/sexe: |
25 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Parents âgés, vivant amis; famille de cinq enfants. A deux frères et deux sœurs plus âgés |
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Education: |
Quatrième année |
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Activité professionnelle: |
Culture en collines. Entreprise familiale: rizière (superficie: deux sacs de grains de riz) |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Kyaukke, Paletwa, Arakan Yoma(3) |
Il a dû quitter le Myanmar en 1995 puisqu'il craignait le portage et n'avait pas la force requise pour exécuter le travail. Lui et son frère ont dû exécuter du travail pour les militaires. Ses sœurs toutefois n'en ont pas fait. Il a dû faire du portage et travailler pour un camp militaire. Portage. Il a dû faire du portage pour les militaires dès l'âge de 14 ans (1986) à raison de trois fois par année. Il devait transporter la nourriture et se rendre d'un village à l'autre. L'assignation durait généralement une journée. Les porteurs n'étaient pas nourris et, s'ils n'apportaient pas leur propre riz, ils devaient tenter de se rassasier avec ce qu'ils pouvaient trouver dans la jungle. Il s'est blessé à une jambe lors d'un déplacement et n'a pu pendant trois ans faire du portage. Les militaires lui ont dès lors demandé de poser les clôtures pour le camp militaire (voir camp militaire infra). Son frère, qui a aujourd'hui 20 ans, a également fait du portage pour les militaires un nombre incalculable de fois. Il estime que son frère devait porter pour les militaires en moyenne à trois reprises par mois. Ils auraient tous deux porté pour la première fois à peu près à la même période. Son frère aurait fait l'objet de mauvais traitements de la part des militaires. Camp militaire. Il a dû travailler pour le camp militaire à trois reprises. Il devait notamment poser les clôtures,creuser des tranchées et construire des baraques. Son frère a également dû participer à la construction de baraques militaires, en moyenne trois fois par mois. Le travail s'exécutait pour le même camp. De façon générale, le travail consistait à poser des clôtures, creuser des tranchées et construire des baraques. Outre ces formes de travail, quatre personnes de son village devaient être disponibles sur appel pour les besoins urgents de l'armée. Enfin, sa famille qui possédait des animaux (poulets, cochons, etc.) se voyait obligée de les garder pour les militaires qui se les appropriaient de temps à autre sans indemnisation.
Ethnie: |
Rakhine |
10 |
Age/sexe: |
1951 (46 ans), masculin |
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Activité professionnelle: |
Fermier |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar |
Ra Pauk Chaung, Ponnagyun, Etat Rakhine (il y avait un camp militaire près de son village à Ponnagyun) |
Il a dû exécuter du travail pour les militaires dès l'âge de 14 ans (1964). Portage. Il a dû à une occasion transporter des marchandises pour l'armée (riz ou autres rations) d'un village à l'autre. Route. La construction de routes a commencé en 1995, chaque village se voyant assigner une section de route à exécuter. Il s'agissait de la route entre Sittway (Akyab) et Kyauktaw d'une longueur d'environ 100 miles. Cette route était construite durant la saison sèche mais était endommagée à chaque saison des pluies. Encore aujourd'hui, il est impossible de l'utiliser puisqu'elle n'a jamais été terminée. Les militaires précisaient au Conseil de division le travail qui devait être exécuté. Il était à cette époque le clerc du Conseil de division. A ce titre, il a dû superviser les travaux et y participer personnellement. Il a toutefois perdu son emploi en 1988. Les travailleurs devaient apporter leurs outils. Ils n'étaient pas rémunérés. Ils devaient également apporter leur propre nourriture. Lorsqu'ils ne pouvaient se rendre au travail, notamment en raison de maladie, ils devaient obligatoirement trouver un remplaçant. Les abus verbaux de la part des militaires étaient fréquents. Camp militaire. Il y a travaillé pendant une année. D'autres membres de sa famille (frère plus âgé, beau-frère) ont travaillé pendant une longue période une fois par année. Les villages étaient regroupés en groupe de dix, chaque village devant travailler au camp une journée définie. Le travail consistait à ramasser des fagots, construire des remblais.Outre ces différents travaux, des personnes devaient rester en permanence sur appel pour les besoins urgents de l'armée. Festival étudiant Sittway (Akyab) (14-17 décembre 1997). Il a dû travailler pendant deux-trois mois, comme le reste de son village, à la préparation de ce festival. Sa division a été en fait particulièrement touchée par ce festival puisqu'il avait lieu dans ce secteur. Le travail consistait à couper les bambous et le bois et à transporter les tiges et bûches sur le site du festival. Il estime que le régime militaire du SLORC est la plus brutale dictature militaire que le pays ait jamais connu. Il est impossible pour les citoyens de vendre librement leurs produits.
Ethnie: |
Chin |
11 |
Age/sexe: |
49 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, sept enfants |
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Education: |
Maîtrise (physique) |
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Activité professionnelle: |
Enseignant (physique) lorsqu'il était au Myanmar; participation au mouvement contre le gouvernement |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Matupi, Etat Chin (a vécu à Yangon avant de quitter le Myanmar) |
Le témoin est l'ancien président de la Corporation birmane chrétienne de Delhi (ex-Chairman Delhi Burmese Christian Fellowship), ancien secrétaire général du Conseil national chin (ex-Secretary General Chin National Council), secrétaire général de l'Association chin téologique d'outre-mer (Secretary General Ovrsea Chin Teological Association). En 1969, lorsqu'il complétait sa deuxième année universitaire à l'université de Yangon, il a participé au mouvement étudiant contre le gouvernement militaire. A la suite de ses actions, il a été expulsé de l'université pendant deux ans. Il est par la suite retourné à l'université pour terminer son diplôme (Bsa) en 1972. Il a poursuivi au niveau de la maîtrise (Mse). En 1974, il a participé aux événements entourant les funérailles de U Thant. Il a été arrêté, incarcéré et condamné à sept ans d'emprisonnement. Il n'a pas eu droit au conseil de son choix et la procédure a été sommaire. Il a établi, avec un compagnon de cellule, une organisation étudiante de lutte contre la junte militaire qui avait pour principal mandat le renversement de la junte militaire. Il a été libéré le 20 juillet 1980 et est retourné à Matupi. Il y a enseigné jusqu'en 1985. Il est par la suite retourné à Yangon en 1985-86. Il est revenu à Matupi en 1986 et a été transféré à l'école de Sabaungte. Il a par la suite été transféré à nouveau à Matupi en 1988. En mars 1988, son camarade de cellule l'a contacté pour l'informer que le mouvement étudiant contre le gouvernement avait repris à Yangon. Il s'est alors rendu à Yangon. Il a fait partie des dirigeants qui ont organisé le mouvement de grève nationale qui a été déclarée le 8 août 1988. La situation est devenue alors très tendue. Les militaires étaient convaincus que le mouvement de grève avait été lancé par les étudiants de dernière année. Ils les ont menacés de mort. Il a dès lors organisé la fuite de ces étudiants vers la Thaïlande. Il a personnellement quitté le pays le 11 novembre 1988 avec deux autres personnes. L'une est retournée au Myanmar et serait éventuellement en prison à ce jour et l'autre est en Inde. Après avoir quitté le Myanmar, il s'est rendu au Mizoram dans un camp de réfugiés (qui n'existe plus) pendant deux mois. Le 2 février 1989, il est arrivé à Aizawl, capitale du Mizoram. Il y a fondé le Front national chin (Chin National Front) le 25 mars 1989. De mars 1989 à 1992, il a travaillé de façon clandestine dans la jungle le long de la frontière Bangladesh-Inde-Myanmar. Il s'est finalement installé à Delhi en 1992 en raison de son état de santé. Travail forcé. Il a personnellement fait du travail forcé à Matupi à quelques reprises en 1982 et 1984 lorsqu'il était enseignant. En 1982, les habitants du village ont été forcés de participer à la construction d'une route entre Matupi et Paletwa, à plusieurs reprises durant l'année. Il a personnellement dû payer 2 500 kyats pour employer les services d'un substitut (à plusieurs reprises). Le chef du conseil public U Thang Gwo supervisait les travaux. En 1984, il a participé à la construction d'une route vers la centrale hydraulique située à environ deux miles de son village. Egalement, entre 1982 et 1985, il a participé au prolongement de la route de Matupi, à deux reprises. Ses sœurs y auraient aussi participé. Lorsqu'il enseignait à l'école Sabaungte, il a dû participer à la construction d'une route pendant une semaine. Il devait dormir dans la jungle. Ce sont les autorités de la division qui ont ordonné ce travail. Il ne pouvait refuser. Pendant toutes ces années, il a vu de façon régulière les habitants des villages où il se trouvait forcés de travailler pour les militaires. Il n'y a pas constaté de changement avant et après 1988 pour ce qui est de la manière dont les militaires avaient recours aux civils pour exécuter des travaux divers.
Ethnie: |
Chin |
12 |
Age/sexe: |
33-34 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié |
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Education: |
Economie |
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Activité professionnelle: |
Etudiant, Institut de sciences économiques |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Lungler, Thantlang, Etat Chin (a vécu à Yangon avant le quitter le Myanmar le 10 octobre 1988) |
(Le témoin a des notes personnelles.)
Ex-vice-président du Syndicat étudiant chin (Chin Student Union). Responsable du Comité chin des droits de l'homme (Chin Human Rights Committee), du Conseil national chin (Chin National Council). Rédacteur en chef du journal Phuntungtu. Il a été impliqué dans le mouvement étudiant dès sa première année à l'université en 1984-85. Il a participé à la démonstration étudiante le 6 septembre 1987 à la suite de l'annulation par les autorités, en mai, de certains billets de banque (25 et 75 kyats). Les universités sont restées fermées jusqu'au 26 octobre 1987. Il a également participé à la démonstration en mars 1988. Les universités ont été à nouveau fermées. A cette époque, il est retourné à Haka. En juin 1988, les universités ont été réouvertes. Il a participé aux démonstrations estudiantines. Il est retourné à Haka où il a fondé le Syndicat étudiant de Haka (Haka Student Union). Il a été impliqué dans les démonstrations qui ont eu lieu à Haka et Yangon à titre d'organisateur. Le 25 octobre 1988, le Mouvement chin étudiant (Chin Student Movement) est créé à Falam. Il était alors à Haka. Il s'est rendu à Falam un peu plus tard. Il s'y est rendu une seconde fois au moment où les autorités militaires exigeaient le retrait de l'enseigne du syndicat. Les autorités l'ont retirée elles-mêmes, tôt le lendemain matin, après avoir essuyé un refus. Il a dû vivre clandestinement par la suite. Il a quitté le pays à sa dernière année universitaire. Il craignait d'être arrêté à la suite de l'arrestation de cinq de ses amis à Haka le 5 octobre 1988. Il a quitté le Myanmar et s'est rendu en Inde le 10 octobre 1989 au camp de réfugiés de Chanphai. Il est retourné par la suite au Myanmar dans la région près de la frontière avec la Thaïlande. Travail forcé. Le travail pour les militaires doit être exécuté partout dans l'Etat Chin, mais la région Haka-Thantlang est particulièrement touchée compte tenu de la tenue du festival étudiant dans cette localité. Il y avait un camp militaire dans son village. Il a donc vu, dès son enfance, des personnes qui se voyaient obligées de travailler pour les militaires, notamment en exécutant différents travaux au camp. Il a également vu du portage. Dans son village, le travail pour les militaires a principalement été exécuté entre 1988 et 1995. Les 150 familles formant son village devaient chacune fournir une personne pour exécuter ce travail. Route. 1) Entre Haka et Thantlang. Le travail s'est étendu sur deux semaines. 2) Entre Haka et Gangaw. Le travail aurait commencé au début 1986. Il a fourni des photos, prises en 1997, qui montrent les conditions dans lesquelles le travail est exécuté sur cette route (pièce M-10). Un professeur de collège les lui aurait envoyées. Les notes au côté des photos ont été écrites par lui à la suite des indications données par le professeur qui les a prises. Il n'a pas personnellement exécuté du travail pour les militaires puisqu'il n'était pas dans son village. Les étudiants universitaires n'étaient pas généralement réquisitionnés pour ce type de travail. Les étudiants au collège ainsi que les fonctionnaires pouvaient l'être toutefois. Le frère de son cousin aurait exécuté du travail pour les militaires. Ce proche aurait également quitté le Myanmar pour le Mizoram afin de fuir le travail forcé. Les femmes devaient également exécuter du travail pour les militaires. Le travail n'était pas rémunéré. A remis différents documents (M-10 à M-18). Plusieurs concernent le Mizoram.
Age/sexe: |
63 ans, masculin |
13 |
Situation familiale: |
Marié depuis 26 ans, sept enfants |
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Activité professionnelle: |
Ministre des Affaires sociales, gouvernement de coalition nationale (NCGUB), en exil. (Elu membre du Parlement en 1990, ancien ministre du Travail du NCGUB) |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Sittway (Akyab), Etat Rakhine |
En 1993-94, en prévision d'une fête sportive d'étudiants organisée à Sittway (Akyab), la population a été obligée d'effectuer une grande quantité de travail forcé. Pour la construction d'un terrain de sport, la population de 31 quartiers de l'agglomération urbaine de Sittway et de 26 autres agglomérations a dû se relayer pendant six mois à raison d'une journée par semaine de 6 heures du matin à 1 heure de l'après-midi en apportant sa propre nourriture. L'ordre avait été donné par écrit par le commandant militaire de la région au Conseil pour le rétablissement de l'ordre et de la loi (LORC) de la ville et transmis au président des LORC de quartier. Personne n'a été payé. Ceux qui refusaient de travailler devaient payer 150 kyats au président du LORC, même s'ils étaient malades. A chaque croisement de routes, une grande pancarte avait été dressée, qui déclarait que ceux qui tentaient d'échapper à ce travail seraient arrêtés. Le propre fils du témoin, alors âgé de 15 ans, le seul qui ne fréquentait pas l'école et était libre d'effectuer du travail forcé, avait été frappé avec un tuyau en plastique pour être revenu en retard au travail après la pause du déjeuner. Une grande partie du travail forcé était affecté à la construction et à l'élargissement des routes. Le témoin a vu personnellement (en décembre 1993) à Sittway de 3 000 à 4 000 personnes travaillant chaque jour sur la route pendant les six à sept mois qui ont précédé la fête sportive des étudiants. Les membres de sa famille devaient régulièrement payer le LORC du quartier pour engager des tiers pour travailler à leur place. Même les femmes âgées et les jeunes filles étaient battues si elles ne travaillaient pas correctement. Lorsqu'ils étaient malades, ils devaient apporter leurs propres médicaments. Les grands arbres qui bordaient toutes les routes de l'agglomération avaient été élagués par les prisonniers et coupés, et le bois a dû être mis sur des camions afin d'être utilisé comme combustible par l'armée. Chaque arbre était charrié par quatre hommes, les femmes ne transportant que des pierres. Quiconque ne se présentait pas au travail était privé de sa carte d'identité et de sa carte de rationnement. Egalement pour la fête sportive des étudiants, à part la construction de routes et de ponts, toutes les petites huttes qui étaient situées le long de la route menant au festival ont dû être détruites et les grandes maisons devaient être rénovées en changeant les toits de tôle et en refaisant la peinture extérieure. Les propriétaires ont dû réparer eux-mêmes le trottoir, construire un caniveau le long de la route (ou payer le conseil municipal pour le faire) et payer pour la pose des briques. Les propriétaires de bateaux ont dû transporter les pierres et le bois nécessaires à la construction d'un pont routier de trois miles de long et pour la construction d'une route de 180 miles, de Kyaukphyu à Sittway. En outre, chaque agglomération urbaine a dû fournir tous les jours, pendant un mois et demi, 1 000 œufs, 100 poulets, chèvres et porcs à un entrepôt du gouvernement qui était censé être destiné à la fête sportive des étudiants mais dont l'armée a pris la moitié. A Sittway (Akyab), en 1993-94, s'est effectuée la construction simultanée d'un musée bouddhiste et d'un musée archéologique, et toute la population de la municipalité a été tenue d'apporter des pierres, etc. Chaque samedi, pour l'un ou l'autre bâtiment, 500 personnes ont dû transporter des briques, des pierres, du ciment et du sable. Ces personnes n'étaient pas payées et devaient apporter leur propre nourriture. Dans l'ensemble de l'Etat Rakhine, des routes et des ponts ont été construits à l'aide de travail forcé. Le témoin l'a constaté personnellement à Kyaukphyu, Rathedaung et dans d'autres lieux. Dans l'agglomération urbaine de Rathedaung, en 1993-94, toute la population a dû construire des baraquements militaires pendant treize à quatorze mois. Cette construction impliquait chaque jour entre 300 et 500 personnes. L'ordre avait été donné par le commandant militaire aux LORC des circonscriptions urbaines et rurales. Les arbres plantés au haut d'une colline ont dû être coupés et la terre nivelée. Chaque famille a dû ensuite donner 100 troncs de bambou, chaque maison cinq poutres de bois et 100 feuilles de palmier Nipa. Ils ont dû construire la clôture, creuser les toilettes pour le camp. Pour que les familles des soldats aient de la nourriture, les villageois ont dû créer un jardin potager et construire une clôture autour de ce jardin. Les paysans ont dû préparer une rizière, planter les plants de riz, moissonner, battre et apporter le riz à un entrepôt qu'ils ont dû construire eux-mêmes pour l'armée. Hommes et femmes de tous âges devaient travailler. S'ils étaient trop lents, ils étaient battus par des soldats. Il a assisté lui-même à cela. Dans les champs de riz, les femmes plantaient le riz et les hommes labouraient. Les jeunes femmes devaient aussi transporter de l'eau jusqu'en haut de la colline où se trouvait la maison du commandant et laver son linge. Discrimination contre les familles d'hommes politiques. Lorsque sept membres du Parlement en exil (y compris le témoin lui-même) ont signé une pétition pour la libération de Aung San Suu Kyi, la fille aînée du témoin et son mari ont perdu leur emploi de sous-directeur et directeur des pêcheries du gouvernement et son fils s'est vu retirer la patente pour l'exploitation d'un petit traversier, pour laquelle il avait versé 720 000 kyats par an. Sa femme et son fils ont été arrêtés pendant plusieurs jours et sa famille est maintenant en résidence surveillée. Sa femme et son fils devaient se présenter deux fois par jour à la police et faire rapport au LORC de la circonscription sur tous leurs déplacements, en indiquant leur motif, leur date et leur durée.
Ethnie: |
Rakhine |
14 |
Age/sexe: |
24 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Célibataire, pas d'enfant |
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Activité professionnelle: |
Electricien (TV) |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Mrauk-U, Etat Rakhine |
Il a quitté le Myanmar en juin 1993. Il n'a pas personnellement fait de travail pour les militaires. Il était étudiant. Il a toutefois été témoin de plusieurs incidents. Route. Il a vu des villageois travaillant sur les routes lorsqu'il se rendait au marché de Kyauktaw. Le travail consistait à creuser les remblais de la route. Les côtés du fossé creusé formaient une pente de telle sorte que la largeur au fond du fossé était d'environ quatre pieds et celle au niveau de la route d'environ huit pieds. La profondeur était d'environ quatre pieds et demi. Une personne par groupe de dix maisons devait travailler sur cette route. Chaque village qui participait à la construction comptait environ 200-300 maisons. Chaque maison devait fournir une personne. Aucun membre de sa famille proche aurait travaillé sur cette route, mais des parents plus éloignés auraient toutefois été réquisitionnés. Hommes, femmes et enfants pouvaient travailler. Si l'homme était absent pour quelque raison que ce soit, il devait être remplacé de façon à ce que la règle d'une personne par maison puisse être respectée. Pour certains villages, le lieu d'exécution était proche alors que pour d'autres il pouvait se trouver à une journée de marche. Dans le cas des premiers, les travailleurs pouvaient retourner chez eux. Dans le cas des seconds, ils devaient construire des abris pour y dormir. Les travailleurs devaient apporter leur propre nourriture. Le travail de construction de route était exécuté durant la saison froide qui correspond aussi à celle de la récolte du riz. Il était impossible de refuser (crainte des armes que les soldats possèdent). Il était néanmoins possible pour les personnes possédant les deniers nécessaires de verser des pots-de-vin aux militaires ou de payer un substitut. Mais même en donnant de l'argent à l'armée, il n'y avait aucune garantie que la personne qui payait ne soit jamais réquisitionnée puisque l'argent versé était généralement gardé par le soldat qui l'avait reçu. Les militaires étaient présents partout. L'assignation de travail était donnée par le commandement central, Etat Rakhine. Il était transmis au commandement central de la division. Les chefs de village étaient par la suite contactés afin d'organiser le travail. L'armée contrôlait et assurait la discipline. Les soldats vérifiaient tout le monde. En outre du travail de construction que les personnes recrutées devaient exécuter, ces dernières devaient aussi subvenir à tous les besoins des militaires: nourriture, eau, etc. Il n'a pas été le témoin de traitements violents. Toutefois, les militaires utilisaient un langage abusif lorsqu'ils s'adressaient aux travailleurs. Les routes étaient mal exécutées. Elles étaient souvent construites sur des rizières et des passages de bétail. Elles étaient dès lors toujours endommagées. A sa connaissance, elles n'ont jamais pu être utilisées. Camp militaire de Taung Taung U. Il s'agit d'un camp militaire près de Kyauktaw. Le travail aurait été exécuté au cours des années 1992-93. On lui aurait raconté que les personnes travaillant sur les routes devaient également se rendre à ce camp pour exécuter différentes besognes. De façon générale, les villageois devaient garder des animaux pour l'usage de l'armée qui se les appropriait lors des patrouilles. Les hommes plus âgés devaient couper des tiges de bambou de façon à en faire des cordes pour l'usage de l'armée. Les femmes plus âgées, pour leur part, devaient aller chercher l'eau pour le camp qui était situé au sommet d'une montagne et n'était pas desservi en eau. Canal entre les rivières Tu Myauk (tributaire de la rivière Kaladah) et Yo Shaung. Le travail a été exécuté au cours des années 1992-93. Yo Shaung devait être élargie. Le canal avait une profondeur de 15 pieds et une largeur de 40 pieds. Chaque village avait une portion à creuser. Le travail a été exécuté en dix jours. Il a pu être exécuté rapidement en raison du nombre important de villages qui y ont participé. Il se rappelle les noms de 17 villages qui auraient été sollicités: Bo Me Yo, Barawa Yo, Kwa Sone, Palaung Shaung, Aung Zaya, Bone Za, Kin Swin Shaung, Kauk Kyaik, Pale Shaung, Ouk Ta Bra, Na Prauk Se, Ohn Pati, Tin Braun, Wa Tawn, Kan Sank, Ma Rwet Taung, Tu Myauk. Il y en aurait d'autres. Le premier village compterait environ 300 familles.
Ethnie: |
Rakhine |
15 |
Age/sexe: |
34 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Célibataire |
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Activité professionnelle: |
Représentant du comité au camp de réfugiés, Mizoram |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Sittway (Akyab), Etat Rakhine |
Il a relaté deux événements récents liés au portage qui se seraient produits dans l'Etat Rakhine. 1) Le 16 novembre 1996, Shwe Thin, chef du battaillon 376, se serait rendu à Kyak Ku Zu, Kyauktaw avec deux autres soldats. Il était environ 16 heures. Il désirait recruter des porteurs. Le village comptait 150 maisons et chacune d'elles devait fournir un porteur. Shwe Thin aurait organisé une réunion à cette fin et aurait donné une heure pour recruter les porteurs nécessaires en menaçant d'exterminer les habitants du village si l'ordre n'était pas exécuté dans le délai imparti. Il serait revenu après une heure et aurait commencé à tirer. Cinq personnes seraient mortes sur le coup: U Sein Hla Maung, chef de village, 45 ans; U Tha Sin, chef, 38 ans; U Sein Thwin Aung, chef, 42 ans; U Twee Sein Aung, chef, 50 ans; Maung Nge, fils de U Sein Hla Maung, 7 ans. Dix autres personnes auraient été blessées. Shwe Thin aurait continué sa route, aurait pénétré dans une résidence, y aurait tué le riche propriétaire et les personnes qui s'y trouvaient: U Way Phu Aung, riche homme, 60 ans; Daw Sein Ma She, épouse, 58 ans; Ko Thein Twin Aung, beau-fils, 37 ans; Maung Than Htay, fils de U Way Phu Aung, 10 ans; U Thein Twin, 38 ans; Maung Lay Win, commerçant, 38 ans; U Tha Htway Phyu, visiteur d'un autre village, 45 ans. La fille de U Way Phu Aung aurait été blessée, ainsi que son fils de 2 ans et dix autres personnes. Certaines seraient décédées depuis lors. Finalement, aucun porteur n'aurait été recruté. Il connaît bien la personne qui lui a rapporté cette histoire. 2) Deuxième semaine de décembre 1996 vers 20 h 30 à Sittway (Akyab). Un chef militaire aurait requis un conducteur de pousse-pousse à bicyclette de le conduire à un endroit éloigné (sept miles). Le conducteur aurait refusé. Aurait été tué sur le coup. Sa femme était enceinte. Il connaît bien la personne qui lui a rapporté cette histoire.
Ethnie: |
Rakhine |
16 |
Age/sexe: |
32 ans, masculin |
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Activité professionnelle: |
Moine |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Kyawkphyu, Etat Rakhine |
Responsable de la section indienne du Syndicat des moines de la Birmanie/section Arakan (All Burma Monks Union/Arakan), organisation qui a commencé au Bangladesh en 1992 et dont la section indienne a été créée à Delhi en mai 1995. Travail forcé. Il a relaté quelques événements dont il a une connaissance personnelle et qui se rapportent au travail forcé. 1) Octobre 1991. Au village de Ngaloun Kyone, au sud de la Division de Kyawkphyu. Les habitants devaient fournir des pièces de bois aux militaires (bataillon 34). Chaque maison devait fournir 200 pièces de bois de 18 pouces. Il a vu personnellement les habitants couper le bois. Ils devaient se rendre dans la forêt. Le travail a duré un mois. Les travailleurs n'étaient pas rémunérés. Il était toujours possible de verser des pots-de-vin (paniers de riz, tabac, feuilles, pâte de poisson fermentée, piments séchés, poissons, etc.). Le bois servait à construire des baraques militaires près de la frontière avec le Bangladesh. 2) Dans le village de Nga Oune Su, un homme était malade (43 ans). Il a demandé à un soldat d'être exempté du travail (couper le bois). Le soldat a refusé et a ordonné qu'il exécute le travail. L'homme a refusé et a été battu si fort par le soldat avec un bâton de marche en métal que sa hanche a été fracturée. Il a hurlé. Un attroupement s'est formé. Une personne, affirmant que l'homme blessé devait être envoyé à l'hôpital, a également été frappée. Finalement, un médecin serait venu et aurait conclu que des soins importants devaient être administrés à cet homme. Le soldat lui aurait ordonné de prendre soin de lui. 3) Dans le village de Go Du. 1991. Un soldat aurait forcé une vieille femme de 71 ans à aller ramasser du bois dans la jungle. Elle lui aurait dit qu'elle était trop âgée. Le soldat aurait insisté pour avoir du bois. La vieille femme se serait pliée à l'ordre et serait décédée en l'exécutant. 4) Dans le village de Wa Bone Kyi. A vu à deux reprises des villageois couper du bois pour les fins de la construction de baraques militaires. Lors de la première occasion, les villageois devaient fournir chacun 200 pièces de bois, alors que lors de la seconde le quota était fixé à 700 pièces. Un villageois lui aurait dit que le village était malchanceux puisque ses habitants devaient toujours travailler pour l'armée. 5) A Sittway (Akyab). Première semaine d'avril. Il y a une jetée au centre de la ville. Un soldat s'y tenait avec un anneau de métal (quatre pouces de diamètre). Des pièces de bois de différentes dimensions s'y trouvaient aussi. Seules les pièces de bois qui avaient exactement la dimension de l'anneau étaient gardées. Celles qui étaient ou de diamètre trop petit ou de diamètre trop grand étaient rejetées. Il s'agissait de pièces de bois obtenues par le travail forcé mentionné supra (point 4). 6) 1986. Kyawkphyu. Travail de prisonniers. Ils étaient enchaînés, les autorités craignant qu'elles ne s'échappassent. Le témoin estime ce traitement cruel même s'il s'agissait de prisonniers. Ces prisonniers étaient affairés à couper du bois. 7) Mandalay 1988. Une route devait être construite. Une ligne a été tracée afin d'indiquer à quels endroits la route devait passer. Toutes les façades des maisons qui empiétaient sur la ligne devaient être «coupées» sans indemnisation.
Ethnie: |
Birman |
17 |
Age/sexe: |
36 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié |
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Activité professionnelle: |
Président de la Ligue des étudiants de la Birmanie (All Burma Student League) |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Yangon |
Il est le président de la Ligue des étudiants de la Birmanie (All Burma Student League). Il a de nombreuses entrevues de villageois du haut Myanmar (upper Burma). Travail forcé. Il a relaté trois événements liés au travail forcé. 1) Construction de route Pakokku-Kalagnyo-Htoma, division Magwe et division Sagaing. Le travail n'est pas rémunéré. Il s'agissait du premier travail qu'il a traité l'année dernière. 2) Décembre 1997. Construction à l'aide du travail forcé d'un nouvel aéroport dans le village (converti en ville) Htoma, près de Kalaymyo. 3) Infrastructure que les autorités construisent près de la frontière avec l'Inde, du côté du Myanmar, notamment une route entre Tamu et Kalaymyo. Les travailleurs seraient forcés d'y contribuer.
Ethnie: |
Rohingya |
18 |
Age/sexe: |
48 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié (famille de 10 personnes: épouse, six filles, deux fils) |
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Activité professionnelle: |
Cultivateur. Possède des terres de 16 khani (superficie substantielle; un khani correspond à 2,67 acres) |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Chit Chapandaw, Maungdaw, Etat Rakhine (25 000-30 000 habitants) (son village est situé près d'un camp de NaSaKa, peuplé surtout de Rohingyas) |
Il a quitté le Myanmar puisque 1) le gouvernement avait saisi ses terres et 2) a été soumis au travail forcé. Il est venu au Bangladesh en janvier 1998 puisqu'il n'y avait pas d'autre alternative. Il était devenu de plus en plus difficile pour un Rohingya de se déplacer librement au Myanmar (ne pouvait pas, par exemple, aller à Yangon). Pour ce qui est de l'expropriation de ses terres, NaSaKa aurait saisi ses terres il y a cinq ans pour les distribuer aux autres habitants qui étaient Rakhines. Il n'a reçu aucune indemnisation. Privé de terres, il a été engagé comme travailleur journalier dans le même village. Travail forcé. Son village est situé près d'un camp NaSaKa. Les ordres pour l'exécution du travail sont oraux. Ils proviennent des membres de NaSaKa qui utilisent l'intermédiaire du chef de village. Ils informent en fait le chef du village de leurs besoins et ce dernier doit réunir la main-d'œuvre nécessaire. Tous les hommes Rohingyas devaient exécuter du travail pour NaSaKa. Il n'a pas vu de Rakhines exécuter ce type de travail. Il y a de cela trois ans (à 45 ans), il a dû 1) transporter du bois pour la construction, 2) aider aux travaux de culture et 3) faire du portage. Pour ce qui est du transport de bois (1), il a dû le faire un nombre incalculable de fois. Difficile de préciser le nombre de fois: lorsque les membres de NaSaKa en avaient besoin, ils l'appellaient. Tous les hommes (les femmes n'étant pas réquisitionnées pour le travail forcé) devaient exécuter ce travail. Deux hommes étaient requis pour transporter le bois. Le nombre total de travailleurs dépendait des besoins de NaSaKa, mais pouvait aller jusqu'à 200. Une journée complète était requise pour un seul arbre (trois heures nécessaires pour couper un arbre). La forêt est assez éloignée de son village. Il était toujours possible de verser des pots-de-vin pour être exempté. Pour ce qui est des travaux de culture (2), il a dû aider à la culture de riz sur les terres détenues par des Rakhines un nombre incalculable de fois. Ce travail était requis pour les deux saisons annuelles de culture et devait être exécuté trois jours par semaine pendant les récoltes qui duraient deux mois. Il n'était pas rémunéré. Il n'était pas nourri. Il devait apporter son riz. Les mêmes personnes que pour (1) étaient requises pour faire ce travail. Il n'y avait pas d'enfant. Il a également fait du portage (3) pour NaSaKa et a dû transporter de la nourriture d'un endroit à un autre un nombre incalculable de fois. Il a commencé à l'âge de 43 ans (il y a cinq ans). Distance: 3 à 6 km de sa résidence. L'assignation durait généralement une journée. Les mêmes personnes que pour (1) étaient requises pour faire ce travail. Enfin, il a dû monter la garde pour NaSaKa de façon à intercepter les personnes venant de la mer. Il devait monter la garde douze nuits par mois. Les mêmes personnes que pour (1) étaient requises pour faire ce travail. Traitement. Il a été menacé par des membres de NaSaKa. Il a été battu au moins 25 fois et a eu les cheveux coupés puisqu'il s'était assoupi sur le lieu de travail. Deux personnes auraient été tuées, l'année dernière, par NaSaKa dans son village. Il estime que NaSaKa utilise les personnes comme des animaux de trait. Taxes. NaSaKa informait le chef de village du montant des taxes et ce dernier devait assurer la collecte. Les personnes avaient un délai de dix jours pour payer. Il s'agissait de taxes mensuelles. Le montant a augmenté avec les années et fluctuait de façon considérable en fonction des constructions entreprises par NaSaKa. Il a dû payer ces taxes depuis son enfance. Seuls les Rohingyas devaient payer ces taxes. Si l'argent venait à manquer, les personnes taxées devaient vendre leurs propriété pour assurer le paiement.
Ethnie: |
Rohingya |
19 |
Age/sexe: |
28 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, deux enfants, et ses parents |
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Activité professionnelle: |
Cultivateur |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Chit Chapandaw, Maungdaw, Etat Rakhine |
Le témoin a quitté le Myanmar au début de janvier 1998. Lorsqu'il était requis de faire du travail, l'ordre provenait de NaSaKa qui utilisait l'intermédiaire du chef de village.Le chef envoyait un messager pour informer les personnes sélectionnées du travail qu'elles devaient réaliser. Camp de NaSaKa. Il a dû exécuter du travail pour un camp NaSaKa la première fois à l'âge de 18 ans. Il s'agissait de travaux de coupe de bois et de construction d'un camp. Il devait réaliser les travaux de menuiserie. A chaque fois l'assignation durait de dix à quinze jours. Chaque année, depuis, il a été forcé d'exécuter ce travail puisque les constructions devaient être rénovées. Il devait également réparer les clôtures. Il a travaillé pour la dernière fois au camp un mois et demi avant son départ. Portage. Il a dû faire du portage dès l'âge de 12 ans. Hommes et enfants étaient réquisitionnés lorsque NaSaKa devait transporter du matériel ou des munitions d'un camp à l'autre. Il estime avoir porté en moyenne deux à trois fois par mois. Il ne portait pas toujours pour le même camp. La durée de la réquisition dépendait de la longueur du voyage, mais était généralement de deux jours pour couvrir entre 16 et 20 kilomètres. Il a porté pour la dernière fois il y a environ vingt-cinq jours.Culture. Depuis l'âge de 12 ans, il a dû travailler sur un projet de culture de crevettes qui appartenait à NaSaKa. Il a dû y travailler deux fois par mois, chaque année, pendant les deux saisons de culture. Il a dû répéter ce travail chaque année. Depuis 1991, il a également dû aider les Rakhines au moment des deux périodes annuelles de culture. Monter la garde. Enfin, il devait de temps à autre monter la garde. Il s'agissait alors d'une tâche s'échelonnant sur 24 heures consécutives. Traitement. Les travailleurs étaient battus s'ils ne travaillaient pas selon les ordres reçus et à une cadence satisfaisante. Personnellement, il aurait été battu cinq à six fois, la raison alléguée à chaque fois étant son retard. Taxes. Le montant des taxes variait de façon substantielle. Dès qu'un haut dirigeant de NaSaKa venait en visite au camp, les habitants du village devaient payer. Le montant des taxes variait dès lors en fonction du nombre de visites.
Ethnie: |
Rohingya |
20 |
Age/sexe: |
45 ans, féminin |
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Situation familiale: |
Veuve, deux fils (dont un décédé), quatre petits-enfants, une bru |
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Activité professionnelle: |
Cultivatrice |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Kulung, Maungdaw, Etat Rakhine (1 300 familles) |
Le témoin a quitté le Myanmar à la fin de décembre 1997. Son fils a été requis de travailler pour la première fois à l'âge de 12 ans. Il a dû faire du travail forcé jusqu'à son décès à 30 ans. Il devait notamment 1) nettoyer les camps, 2) construire des maisons et 3) transporter bois et sacs de riz. Son fils devait travailler en moyenne quatorze jours par mois (séquence alternative). L'horaire n'était toutefois pas fixe puisque les hommes étaient requis selon les besoins de NaSaKa. Les autres hommes dans le village étaient soumis au même traitement. Traitement. Des membres de NaSaKa l'auraient personnellement menacée lorsqu'elle se serait opposée à ce qu'ils s'approprient les fruits d'un arbre qu'elle avait sur ses terres. Elle a entendu dire que des membres de NaSaKa avaient violenté des femmes lorsque les familles s'opposaient à ce qu'ils prennent leurs avoirs.
Ethnie: |
Rohingya |
21 |
Age/sexe: |
50 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, épouse, trois enfants (un fils, deux filles) et un gendre |
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Activité professionnelle: |
Cultivateur (terres de 7 khani) et pêcheur |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Chit Chapandaw, Maungdaw, Etat Rakhine (25 000-30 000 habitants) |
Le témoin a quitté le Myanmar au début de janvier 1998. Il a été forcé de travailler pour les militaires au Myanmar. Culture de terres. Il a dû le faire pour les Rakhines. Il s'agissait de riz et d'arachides.La saison des cultures s'échelonnait sur trois mois. Il ne pouvait rien faire d'autre durant cette période. Il a dû également, durant la saison sèche, nettoyer les terres et poser les clôtures.Il n'était pas rémunéré. Portage. Il a dû le faire deux fois par semaine (séquence alternative). Le reste du temps il pouvait travailler sur ses terres. Monter la garde. Il s'agissait d'un travail de nuit. Traitement. Il a été témoin à de nombreuses occasions d'actes de violence perpétrés par les membres de NaSaKa. Il y aurait une chambre des tortures au camp de NaSaKa. NaSaKa utiliserait des carcans (stocks). Ils étaient utilisés à titre de châtiment pour les travailleurs qui étaient malades ou refusaient de travailler. Il aurait personnellement été utilisé comme un animal de trait à quelques reprises. A une occasion, 100 autres personnes auraient reçu le même châtiment en raison de leur retard. La journée aurait duré six heures. Taxes. Vingt-cinq pour cent de ses cultures devaient être donnés à NaSaKa. Il ne recevait aucune indemnisation à cet égard.
Ethnie: |
Rohingya |
22 |
Age/sexe: |
66 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, quatre entants (trois fils, une fille) |
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Activité professionnelle: |
Cultivateur (7 khani) |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Mehru, Maungdaw, Etat Rakhine |
Le témoin a quitté le Myanmar à la fin de 1997. Il y a un camp de NaSaKa près de son village. Le camp aurait du reste été construit par les hommes de son village. NaSaKa l'aurait réquisitionné pour travailler. Son fils (le plus âgé) lui aurait donné de l'argent afin de payer un substitut. Chaque fois, son fils devait débourser 50 kyats. Il a dû payer un nombre incalculable de fois. Il estime qu'il a dû débourser ce montant en moyenne cinq à sept fois/mois. Le fils a dû utiliser ses économies ou vendre ses possessions (poulets, piments) pour pouvoir donner cet argent à son père. Son fils (le plus âgé, les autres étant trop jeunes) aurait exécuté du travail pour NaSaKa, notamment en ayant à transporter du bois de la forêt jusqu'au camp. En fait, depuis vingt ans, son fils doit apporter au moins dix fois/mois du bois au camp. Le fils aurait été battu par les membres de NaSaKa à trois reprises avec un bâton puisqu'il était en retard. Taxes. Il a dû payer des taxes à de nombreuses occasions. Pour payer, ils devaient utiliser leurs économies. S'ils manquaient d'argent, ils devaient vendre leurs possessions (bétail, poulets, etc.). Le montant des taxes fluctuait. Le témoin indique son désespoir: sans travail, sans pays, sans avenir.
Ethnie: |
Tous Rohingyas |
23 à 28 |
Age/sexe: |
Témoin 23: 65 ans, masculin; témoin 24: 30 ans, masculin; témoin 25: 58 ans, masculin; témoin 26: 35 ans, masculin; témoin 27: féminin; témoin 28: 24 ans, masculin |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Villages divers dans le canton de Maungdaw, Etat Rakhine |
(Les témoins 23 à 28 ont été interviewés ensemble.)
Les témoins ont quitté le Myanmar il y a un ou deux mois. Ils ont dû exécuter du travail pour NaSaKa à plusieurs occasions. Certains d'entre eux ont dû travailler environ dix fois par mois (par exemple: culture du riz: témoin 24). Au début de janvier 1998, le témoin 25 a vu son fils se faire battre parce qu'il s'était endormi durant la garde pour NaSaKa. Son fils a eu la jambe fracturée. Il n'a pas été traité. Le témoin 23 a été utilisé à trois reprises comme animal de trait à titre de châtiment.
Ethnie: |
Rohingya |
29 |
Age/sexe: |
45 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, un fils, trois filles |
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Activité professionnelle: |
Cultivateur (ses propres terres) -- 9 khani |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Lamarpara, Rathedaung, Etat Rakhine, camp militaire à un kilomètre de son village |
Il a quitté le Myanmar au début de 1998 en raison du travail forcé qui l'empêchait de subvenir aux besoins de sa famille. De façon générale, l'ordre provenait des militaires qui le transmettaient par l'intermédiaire du chef de village. Tous les hommes, à partir de 12 ans, devaient exécuter du travail forcé. Il n'était pas rémunéré. Il devait généralement apporter sa propre nourriture. Il ne pouvait refuser. Chaque famille devait fournir un homme. Il était possible de payer un substitut ou de verser des pots-de-vin. Dans son cas, il n'avait pas l'argent nécessaire. Il a fait l'objet de mauvais traitements à plusieurs reprises. Aucun médicament ou traitement médical ne lui était accordé. 1) Construction de remblais. Il devait le faire environ deux fois par semaine, tous les deux mois. Environ 500 personnes travaillaient avec lui. Le travail était exécuté sous la supervision d'un Rakhine. Il s'agissait d'un élevage appartenant au gouvernement. Il était ni rémunéré ni indemnisé de quelque façon que ce soit. Il a fait l'objet de mauvais traitement. Il a été battu à au moins six reprises avec un bâton de bois lorsqu'il se reposait. Il a fait ce genre de travail quatre mois avant son départ. 2) Culture. Il devait apporter sa propre charrue. Il a dû le faire pendant six ans, un mois par année. Un secteur était assigné à 10 familles. Le travail commençait généralement vers 6 h 30 pour se terminer à la tombée de la nuit. Il avait droit à une heure de répit à l'heure du déjeuner. Il n'était pas rémunéré. Il ne recevait pas de riz en indemnisation. Il a fait l'objet de mauvais traitement. 3) Portage. Il a dû faire du portage deux mois par année pendant six ans et demi. Les assignations duraient de un à quatre jours chaque fois. Environ 120 autres porteurs étaient requis en même temps que lui. Il devait apporter sa propre nourriture. Il n'y avait pas d'abris pour dormir. Il devait transporter les marchandises et les munitions pour les militaires d'un camp à un autre. Il n'a pas vu de conflits armés. Les charges pesaient environ 40 kg. Il a fait l'objet de mauvais traitements qui étaient généralement infligés parce qu'il n'avait pas compris l'ordre donné (problème de langue). Il a été battu au moins une vingtaine de fois (coups de bâton et coups de pieds). Il aurait des douleurs dans le dos qui seraient le résultat de ces coups. 4) Coupage de bois. Il a dû couper le bois nécessaire pour la construction des maisons des militaires ou pour être envoyé dans d'autres districts. Il a dû faire ce travail une semaine par mois pendant six ans et demi. Il pouvait s'absenter pendant plus d'une semaine pour ce travail. Il dormait dans les champs. A chaque fois, il a travaillé avec au moins une vingtaine d'autres hommes. Taxes. Il n'a pas eu à payer de taxes.
Ethnie: |
Rohingya |
30 |
Age/sexe: |
30 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, épouse, mère, deux frères, quatre sœurs |
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Activité professionnelle: |
Propriétaire d'une petite épicerie |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Nasil Para, Sittway (Akyab), Etat Rakhine (4 000-5 000 personnes y habitent; le village aurait été relocalisé il y a environ quatre ans; il était initialement situé près d'une route principale; il est maintenant près de la mer.) |
Il a quitté le Myanmar au début de 1998. Il a dû exécuter du travail pour les militaires. Il n'était pas rémunéré. Personne ne pouvait s'occuper de son commerce lors de son absence. Tous les Rohingyas devaient exécuter du travail forcé. Ses frères et son père ont aussi dû faire du travail forcé. Il n'avait pas de transport ou de coupage de bois dans son secteur puisqu'il n'y avait pas de forêt. Tout le travail était réalisé pour le bénéfice des militaires. Il a fait l'objet de mauvais traitements. Cinq jours avant son départ pour le Bangladesh, il aurait été battu puisqu'il était incapable de porter la charge qui lui avait été assignée. Il souffre de douleur au dos à la suite de ce passage à tabac. Il était possible de verser des pots-de-vin: 1 000 kyats permettaient d'acheter un repos d'une semaine. Pour sa part, il n'avait pas les moyens de payer un substitut. Les ordres provenaient des militaires qui utilisaient les services du chef de village. Les militaires venaient parfois directement aux résidences. 1) Sur le portage de pierres. Il a dû le faire trois mois par année pendant quinze ans. Chaque journée de travail impliquait 10 voyages de pierres. Il a dû se rendre dans l'Etat Shan pour exécuter ce travail. Il a dû le faire pour la dernière fois une quinzaine de jours avant son départ. Les outils étaient fournis par les militaires. Les pierres servaient notamment à la construction de routes. Elles devaient être concassées. La route sur laquelle il a travaillé est une route de 7 km dans le district de Sittway. Il aurait aussi construit des ponts. 2) Camps militaires. Il a participé à la construction de camps militaires. Taxes. Chaque famille devait payer 50 kyats si un nouveau groupe militaire s'installait dans la région.
Ethnie: |
Rohingya |
31 |
Age/sexe: |
45 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, quatre filles, quatre fils, deux petits-enfants |
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Activité professionnelle: |
Cultivateur. Rizière -- 12 khani |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Kulung, Maungdaw, Etat Rakhine (le village comptait 300 familles; plusieurs familles auraient quitté le village) |
Il est arrivé au Bangladesh avec sa famille au début de 1998. De façon générale, les ordres venaient des militaires qui utilisaient les services du chef de village. Si le chef de village ne fournissait pas la main-d'œuvre requise, les militaires venaient directement aux résidences. Lors de ses absences, personne ne pouvait s'occuper de ses terres. Pour cette raison, il voulait que ses fils fassent le travail pour les militaires. Toutefois, les militaires le préféraient à ces derniers puisqu'ils étaient moins robustes (environ 15 ans). Tous les hommes de son village ont dû faire du travail pour les militaires. Son frère a été assassiné après avoir dénoncé au HCR (avait rudiments d'anglais) les pratiques de NaSaKa. Il a été pendu. 1) Construction de camps militaires. Pendant six-sept ans, il a dû travailler à la construction de camps environ dix jours par mois. Il devait faire les structures de bois et de bambous. Cent cinquante personnes étaient requises à chaque fois. Il devait également construire des maisons pour les Rakhines. Il a fait ce travail cinq jours avant son départ pour le Bangladesh. Il était rémunéré. Il pouvait faire l'objet de mauvais traitements. Un homme de son village aurait été tué cinq jours avant son départ pour le Bangladesh puisqu'il avait refusé de faire le travail qu'on lui avait demandé. La famille du défunt aurait aussi quitté le village. 2) Portage. Il a fait du portage pour les militaires plus d'une centaine de fois sur trois ans. Entre Kulung et Akyorata (24 km). Les assignations duraient généralement une journée. Il devait le faire quatre fois par mois. Entre 100-150 personnes étaient requises à chaque fois. Elles provenaient toutes de son village. Il était rémunéré 15 kyats par NaSaKa à chaque assignation (montant négligeable). S'il prenait du retard, il pouvait être battu. La dernière fois où il a dû agir à titre de porteur une journée avant son départ pour le Bangladesh. 3) Nettoyage du sol. Il devait le faire cinq fois par mois pendant six-sept ans. Il était non rémunéré. Taxes. Il devait payer 100 kyats par mois à NaSaKa.
Ethnie: |
Rohingya |
32 |
Age/sexe: |
25 ans, masculin |
|
Situation familiale: |
Célibataire, parents (père décédé en juillet 1991), deux frères (un décédé), trois sœurs |
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Activité professionnelle: |
Cultivateur (rizières et légumes) -- 16 khani |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Lawadok Pranshi, Buthidaung, Etat Rakhine (le village comptait 1 700 familles; 21 camps militaires à proximité) |
Il a quitté le Myanmar en janvier 1998 puisqu'il ne pouvait plus tolérer les abus des autorités. NaSaKa s'est appropriée ses terres en 1995 en ne laissant à sa famille que la parcelle de terre sur laquelle se trouvait sa maison. Son père aurait été abattu par NaSaKa après être entré en contact avec le HCR puisque l'un des fils n'était pas revenu à la suite d'une assignation. 1) Travail pour les camps militaires. Il a dû exécuter différentes tâches pour les vingt et un camps: nettoyage de la forêt et portage des rations entre la route principale et le camp (1 km). Il a dû le faire deux fois par jour depuis 1995. Comme il n'avait plus de terres, il travaillait pour les militaires pendant la soirée et était un travailleur journalier durant le jour. Il recevait de façon occasionnelle, deux kilos de riz et un kilo de dal. Il a fait l'objet de mauvais traitements. Comme le camp militaire était adjacent à sa maison, les militaires venaient le chercher directement ou utilisaient un haut-parleur pour l'appeler lorsqu'il était requis. Il a déjà été battu car son rythme de travail n'était pas satisfaisant. Deux mille personnes auraient été réquisitionnées pour construire un camp militaire. 2) Portage pour des opérations militaires. Avril 1991. Il aurait fait du portage pour des opérations militaires dans les collines contre les forces révolutionnaires. Il devait porter les bagages. Il a dû le faire à deux reprises. A chaque fois, 400 personnes auraient travaillé avec lui. Il n'a pas été payé mais était nourri. Les porteurs faisaient fréquemment l'objet de mauvais traitements. Cinquante et 25 porteurs seraient décédés lors de ces deux assignations. Certains porteurs qui ne réussissaient pas à suivre le rythme de marche étaient poussés en bas des collines. Les militaires agressaient fréquemment les jeunes filles la nuit. Les viols étaient chose courante depuis environ deux ans. Les jeunes filles étaient regroupées et offertes aux soldats. Il a personnellement vu cette pratique. Sa propre sœur aurait été agressée il y a moins d'un mois. Il était présent. Il a résisté mais a été battu et a été transféré de force dans une autre pièce.
Ethnie: |
Rohingya |
33 |
Age/sexe: |
35 ans, masculin |
|
Situation familiale: |
Marié, épouse, une fille, deux fils |
|
Activité professionnelle: |
Cultivateur. Terres de 9 khani. Rizières. Il s'agit d'une zone où il n'y a qu'une seule récolte. |
|
Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Lamarpara, Rathedaung, Etat Rakhine (village côtier très reculé) |
Il a quitté le Myanmar au début de janvier 1998 puisqu'il n'était plus en mesure de subvenir aux besoins de sa famille. Il s'est rendu pour la première fois au Bangladesh. Le gouvernement avait en effet saisi la moitié de ses terres en 1996 et le reste en 1997, lui laissant seulement 1 khani. NaSaKa s'est installée dans son village en 1996-97. Avant cette période, il n'avait pas été soumis au travail forcé (village très reculé). Sur le travail forcé. Il a travaillé sur les remblais des étangs d'élevage de crevettes. Il a dû le faire quinze jours par mois pendant sept mois; 90 à 150 personnes travaillaient en même temps que lui. Il recevait deux kilos de riz. Il ne pouvait refuser. Il a connu des hommes de son village qui avaient été torturés puisqu'ils avaient refusé de faire le travail. Ils ont été gardés dans une chambre noire. Cet événement se serait produit il y a environ une année. Il ne pouvait pas payer pour être remplacé ou verser des pots-de-vin aux militaires. Il a fait ce travail pour la dernière fois 12 jours avant son départ. Il a dû accompagner l'armée en avril 1997. Il s'agissait d'une opération contre le RSO. L'armée déployait en première ligne les porteurs de manière à ce que RSO les atteignît en premier s'il ouvrait le feu. Il devait porter le matériel, la nourriture et les munitions. Il a dû rester quarante et un jours dans la forêt profonde avec les militaires. Quatre-vingt-dix autres porteurs l'accompagnaient. Personne ne serait décédé. Il n'était pas rémunéré. Pour se nourrir, il recevait une ration quotidienne. Il a été battu à trois occasions avec un bâton de bois. Il devait payer des taxes à NaSaKa qui totalisaient 150 à 200 kyats par mois. NaSaKa ou le chef de village venaient chercher le paiement directement à sa résidence.
Ethnie: |
Rohingya |
34 |
Age/sexe: |
50 ans, féminin |
|
Situation familiale: |
Mariée, trois filles, un petit-fils |
|
Activité professionnelle: |
L'époux était un petit commerçant (épicerie) |
|
Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Chin Taung, Buthidaung, Etat Rakhine |
Elle a quitté le Myanmar à la fin de 1997. Son mari est décédé il y a quatre ans. Elle a vendu le commerce. Elle a travaillé dans son village comme travailleur journalier pour des voisins. Elle a vu des personnes forcées de travailler à la construction de routes (transport de terre) et à la construction de camps militaires. Son mari aurait travaillé à la construction de la route entre son village et Bauthidaung il y a quatre ans et demi. Elle a vu du travail forcé pour la dernière fois deux mois avant son arrivée au Bangladesh. Il s'agissait de réparation à la route et de construction de camp militaire. Dans le premier cas, 50 personnes transportaient la terre. Un Rohingya assurait la supervision des travaux. Elle a vu des soldats maltraiter des villageois. Elle a dû payer des taxes aux militaires juste avant son départ qui totalisaient 30 kyats. Elle ne connaît pas la raison justifiant ce paiement. Ces taxes étaient collectées par le chef de village.
Ethnie: |
Rohingya |
35 et 36 |
Age/sexe: |
30 ans, féminin (témoin 35); 45 ans, féminin (témoin 36) |
|
Situation familiale: |
Veuve avec un fils (témoin 35); mariée avec deux fils et une fille (témoin 36) |
|
Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Chit Chapandori Maungdaw, Etat Rakhine (il y aurait un camp NaSaKa dans le village) |
(Les deux ont témoigné ensemble.)
Elles sont arrivées à la fin de 1997. Elles ont vu du travail forcé pour NaSaKa. Les membres de NaSaKa sont venus chez le voisin du témoin 36 juste avant son départ pour le Bangladesh. Douze à 20 personnes avaient été requises à cette occasion pour transporter des bagages. Le même scénario s'est produit à plusieurs reprises antérieurement. L'assignation pouvait varier et durer une demie ou une journée. L'opération pouvait toutefois être répétée deux à quatre fois par jour. Les villageois étaient aussi requis pour nettoyer le camp militaire de NaSaKa.
Ethnie: |
Rohingya |
37 |
Age/sexe: |
35 ans, masculin |
|
Situation familiale: |
Marié, épouse, trois fils, deux filles |
|
Activité professionnelle: |
Cultivateur (rizière) -- 10 khani |
|
Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Dumsofara, Rathedaung, Etat Rakhine (camp NaSaKa dans le village) |
Il a quitté le Myanmar à la fin de 1997. Il a dû exécuter différentes formes de travail: 1) construction de camps militaires; 2) creusage de la terre pour les étangs à élevage; 3) coupage de bois; 4) construction de routes. Il a eu à creuser la terre pour les étangs, moins d'un mois avant son départ. Pour ce qui est du coupage de bois, environ 50 à 60 personnes auraient travaillé avec lui. Il devait transporter le bois coupé et participer à la construction des camps. Il a dû faire ce travail quinze jours par mois, six mois par année pendant environ cinq ans. Il a participé à la construction de la route entre son village et Chilkali. La route était pour l'usage exclusif de NaSaKa. Pendant cinq-six ans, quatorze à quinze jours par mois étaient occupés par le travail forcé qui devait être réalisé pour NaSaKa. Il aurait été battu puisqu'il aurait refusé de travailler. Il a quitté le Bangladesh en raison du travail forcé et du manque d'emplois.
Ethnie: |
Rohingya |
38 |
Age/sexe: |
40 ans, masculin |
|
Situation familiale: |
Marié, épouse, trois fils, trois filles |
|
Activité professionnelle: |
Cultivateur (rizière) |
|
Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Dumsofara, Rathedaung, Etat Rakhine (camp NaSaKa dans le village) |
Il a quitté le Myanmar au début de 1998 puisque la vie y était rendue intolérable en raison des abus des militaires. Il a eu à exécuter les mêmes formes de travail forcé que le témoin 37. S'y référer. Pendant cinq à six ans, quatorze à quinze jours par mois étaient occupés par le travail forcé qui devait être réalisé pour NaSaKa. En outre, même si l'assignation était pour un nombre de jours donné, les hommes devaient attendre leurs remplaçants avant de quitter le travail. Ils restaient dès lors toujours plus longtemps que le nombre de jours initialement prévu. Les ordres venaient de NaSaKa qui utilisait l'intermédiaire du chef de village. Il était possible d'être exempté en payant à NaSaKa la somme de 200 kyats à chaque fois. Il aurait payé ce montant à quatre reprises. Il ne pouvait refuser. Il a été battu par les militaires puisqu'il se serait présenté en retard au lieu de travail et puisqu'il avait refusé de travailler. Il a été payé de temps à autre par NaSaKa: 10 kyats.
Ethnie: |
Rohingya |
39 et 40 |
Age/sexe: |
30 ans, masculin (témoin 39); 45 ans, masculin (témoin 40) |
|
Situation familiale: |
Marié avec deux fils et une fille (témoin 39); marié avec deux fils et deux filles (témoin 40) |
|
Activité professionnelle: |
Travailleur journalier (témoin 39); cultivateur (témoin 40) |
|
Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Barachara, Rathedaung, Etat Rakhine (camp NaSaKa à proximité) |
Ils ont quitté le Myanmar au début de de 1998. Le témoin 40 a dû exécuter différentes formes de travail forcé: 1) monter la garde; 2) couper le bois; 3) porter les rations. Il était non rémunéré. Pendant quatre ans, le témoin 39 a perdu treize jours en moyenne par mois pour exécuter le travail des militaires. Entre 40 à 50 personnes travaillaient en même temps que lui. La dernière fois où il a dû faire du travail forcé: le jour qui a précédé son départ. Pour ce qui est du portage, les assignations duraient généralement une journée. Il a dû à une occasion se rendre dans la forêt profonde pour une durée de sept jours. Il devait suivre les troupes dans une opération contre les rebelles. Il n'a pas vu de combats. Deux rebelles auraient toutefois été arrêtés dans l'Etat Rakhine. Il ne pouvait pas refuser. Il a été battu il y a environ un an et demi puisqu'il a tenté de s'enfuir du site de travail où il avait été assigné. Il a été gardé dans une chambre noire et battu avec un bâton de bois.
Ethnie: |
Rohingya |
41 |
Age/sexe: |
35 ans, masculin |
|
Situation familiale: |
Marié, trois fils, quatre filles |
|
Activité professionnelle: |
Cultivateur. Légume et irrigation (ce qui signifie qu'il peut bénéficier de deux saisons de récoltes). 7 khani |
|
Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Rajal, Rathedaung, Etat Rakhine (la plupart des habitants du village sont Rakhines; tous les Rohingyas auraient quitté le village il y a environ trois mois; il y aurait à proximité un camp militaire (15 km de sa résidence, juste à l'extérieur du village) et un camp NaSaKa (plus près du village que le camp militaire)) |
Il a dû quitter le Myanmar à la fin de 1997 puisque, depuis cinq ans, les militaires saisissaient annuellement 50 pour cent de ses récoltes (50 pour cent de 2 800 kilos de riz). Même en louant des terres voisines, il n'était plus en mesure de subvenir aux besoins de sa famille. Sur le travail forcé. Il a participé à la construction du camp NaSaKa et y a effectué certains travaux par la suite: couper l'herbe, entretien, etc. Trois mois avant son arrivée, il a participé à la réfection du camp NaSaKa qui avait commencé deux ans auparavant. Il a travaillé comme journalier pour le camp NaSaKa. En moyenne quatre jours par semaine sur cinq mois pendant cinq ans. Dix à 12 personnes travaillaient avec lui. Il s'agissait de porter des bâtons de bambous, de s'occuper du système de drainage du camp et de poser les pointes de protection. Toute réticence à exécuter le travail pouvait entraîner un passage à tabac. Il a été battu à plusieurs occasions par NaSaKa. A une occasion, les habitants se seraient plaints de la situation auprès des représentants du HCR qui auraient fait une enquête. A titre de représailles, lui et quelques autres villageois auraient été sévèrement battus avec des bâtons de bois. De façon générale, il n'était pas rémunéré. Il n'y avait pas non plus de nourriture. Ses fils étaient trop jeunes pour être réquisitionnés pour le travail forcé. Toutefois, tous les Rohingyas devaient faire du travail pour les militaires. Pas les Rakhines.
Ethnie: |
Rohingya |
42 |
Age/sexe: |
20 ans, féminin |
|
Situation familiale: |
Mariée, un fils, une fille |
|
Activité professionnelle: |
Propriétaire d'une charrette |
|
Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Koalong, Sittway (Akyab), Etat Rakhine |
Il y avait plus de 1 000 familles dans le village du témoin. Le village entier aurait disparu il y a quatre ans. Les militaires auraient poussé ses habitants vers Maungdaw. Les familles auraient été disséminées de manière à empêcher toute communication entre elles. Elle serait retournée onze mois plus tard dans la région où son village se trouvait initialement jusqu'à ce que les militaires les forcent à nouveau à partir. Elle a fait l'objet d'importants abus de la part des militaires tant dans la région de Sittway que dans celle de Maungdaw. Tous les hommes rohingyas devaient faire du travail forcé. Le travail consistait surtout à travailler pour les camps: nettoyage des installations sanitaires, portage du matériel et des marchandises, réparation des maisons. Chaque famille devait fournir un membre. Le travail n'était pas rémunéré. Tout refus pouvait entraîner un passage à tabac.
Ethnie: |
Rohingya |
43 |
Age/sexe: |
38 ans, masculin |
|
Situation familiale: |
Marié, un fils, trois filles |
|
Activité professionnelle: |
Commerçant, échanges commerciaux, bétail |
|
Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Gediporaung, Rathedaung, Etat Rakhine |
Il a quitté le Myanmar à la fin de 1997. Il pêchait dans une rivière et des membres de NaSaKa lui ont demandé de la leur faire traverser. Une fois la rivière traversée, ils l'ont amené au camp et l'ont battu prétextant qu'il n'avait pas le droit de pêcher dans cette rivière. Il a été emprisonné. Il a réussi à s'enfuir. Sa famille l'a rejoint un mois plus tard. Sur le portage. Il a dû faire du portage pour l'armée dans une opération militaire contre les Karennis un an avant son départ pour le Bangladesh. Il est resté six mois avec l'armée à la frontière avec la Thaïlande. Environ 3 500 porteurs avaient été recrutés pour 7 000 soldats. Il a été pris dans cinq-six combats contre les Karennis. Dans ces cas, les militaires ordonnaient aux porteurs de se coucher au sol. Lorsqu'un militaire était tué, les porteurs récupéraient son arme qu'ils remettaient par la suite aux militaires. Il n'était pas rémunéré. Il n'était pas toujours nourri. Il n'y avait pas d'abris pour dormir. Autres formes de travail forcé. NaSaKa, l'armée, la police et les autorités douanières avaient un camp à proximité de son village. Il était dès lors continuellement recruté, tout au cours de l'année, par l'une ou l'autre de ces autorités. Pour NaSaKa, il s'agissait de travailler pour le camp: installer les pointes de défense, couper l'herbe, etc. Il a travaillé en moyenne quinze jours par mois pendant dix à douze ans. La torture était fréquente. Chaque camp possédait en fait sa chambre de torture. Les ordres étaient donnés par le chef de village. Il a dû payer des taxes un nombre incalculable de fois. A une occasion, il a refusé et a été battu.
Ethnie: |
Rohingya |
44 |
Age/sexe: |
60 ans, féminin |
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Situation familiale: |
Mariée, deux fils, deux brus, quatre petits-fils |
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Activité professionnelle: |
Cultivatrice -- 21 khani |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Eindaung, Maungdaw, Etat Rakhine (le village comptait 500 familles) |
Elle a quitté le Myanmar au début de 1998 puisqu'elle ne pouvait plus tolérer la torture perpétrée par les forces de l'ordre. Pas moins de 100 familles auraient quitté le Myanmar pour venir au Bangladesh. Les militaires auraient saisi une grande partie de ses terres (14/21 khani), ne leur laissant pas assez de terres pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Sur le travail forcé. 1) Portage. Tous les hommes adultes devaient le faire. Il s'agissait de porter les marchandises d'un camp à l'autre pour les militaires quatre jours par mois. Jamais rémunéré. 2) Travail pour les camps.Ils devaient travailler pour les familles des militaires: laver leurs vêtements, apporter l'eau, couper l'herbe. Son fils et son petit-fils ont été tués par NaSaKa puisqu'ils étaient soupçonnés d'être des informateurs pour les internationaux, notamment le HCR. Elle n'a jamais reçu le corps de son fils. Les ordres étaient généralement donnés par le chef de village. Les militaires venaient parfois directement aux maisons pour recruter les hommes. La torture était courante. Ces pratiques ont commencé avec l'arrivée des militaires, sept ans auparavant. Tout refus pouvait être puni par un passage à tabac. Les militaires utilisaient un fer rouge pour torturer (ou brûlaient le menton avec un briquet). Si une famille ne fournissait pas ce que NaSaKa requérait, les femmes faisaient alors l'objet de menaces.
Ethnie: |
Rohingya |
45 |
Age/sexe: |
40 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, un fils, deux filles |
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Activité professionnelle: |
Cultivateur |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Fatur Kila, Sittway (Akyab), Etat Rakhine (village d'environ 1 200 maisons) |
Il a quitté le Myanmar au début de 1997 puisque la vie y était rendue intolérable. Trois ans auparavant, son village avait fait l'objet d'une relocalisation à Maungdaw. Le gouvernement avait alors distribué un nombre insuffisant de terres pour les 1 200 familles de son village. Il était devenu impossible de survivre. Sur le travail forcé .Il a dû exécuter du travail forcé à Kawalaung et à Maungdaw. Dans le premier cas, il n'y avait pas de camp NaSaKa. Seuls les militaires et la police étaient présents. Ses terres auraient été saisies par les autorités afin de les distribuer aux Rakhines. Il devait les aider à les cultiver. Il a dû travailler à la construction de routes pendant six ans. A Maungdaw, il a dû travailler à la construction de route et dans les camps militaires (nettoyage, coupage de l'herbe, installation de drainage). Il a fait ces travaux en moyenne quatre fois par semaine. L'ordre venait des militaires qui le transmettaient par l'intermédiaire du chef de village, suivant leurs besoins. Il n'y avait pas d'horaire véritable. Les passages à tabac étaient fréquents. Les repos n'étaient pas tolérés. Il a été battu personnellement trois-quatre fois par NaSaKa. Il a vu plusieurs personnes être battues. Certaines seraient décédées. Taxes. Il devait payer des taxes à NaSaKa. Le montant pouvait varier. Approximativement: 1 000 kyats. Il devait travailler à titre de travailleur journalier pour pouvoir ramasser l'argent nécessaire pour payer ces taxes. Le refus de payer pouvait entraîner la torture. Il y avait en fait, dans le camp NaSaKa, une chambre de torture. Un carcan était utilisé. Les jambes étaient enchaînées et les bras immobilisés. La personne ne pouvait plus bouger.
Ethnie: |
Rohingya |
46 |
Age/sexe: |
40 ans, féminin |
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Situation familiale: |
Mariée, quatre fils, deux filles |
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Activité professionnelle: |
Cultivatrice (légumes et riz) (pouvait dès lors bénéficier de deux saisons de récoltes. 10 khani) |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Kulung, Maungdaw, Etat Rakhine (le village comptait 200 familles) |
Le gouvernement aurait saisi 50 pour cent de leurs terres. Ce processus aurait commencé six ans auparavant. La famille a dû quitter le Myanmar puisqu'elle n'était plus en mesure avec les terres restantes de produire le riz suffisant pour se nourrir ou pour payer les taxes au gouvernement. Sur le travail forcé. Le travail forcé est courant. Les Rohingyas devaient construire les maisons, porter les bagages, fournir les bâtons de bois et aider les Rakhines. Ils devaient également monter la garde le long de la frontière. Trois jours par semaine en moyenne au cours des six dernières années étaient perdus pour exécuter ce travail. Le nombre de jours pouvait parfois atteindre 10-20. Les ordres étaient donnés par le chef de village. Tout refus pouvait entraîner un passage à tabac. Son mari a été battu par NaSaKa (coups de bâtons sur les genoux et sur les coudes. Il n'a pu travailler par la suite). Raison: il était absent puisqu'il avait été requis sur un autre site de travail. Elle a vu d'autres hommes battus par NaSaKa (coups sur la tête, cheveux coupés). Les jeunes femmes qui plaisaient aux militaires étaient amenées au camp. Elle a personnellement été amenée au camp où elle a passé quatre nuits. Elle n'a pas fait l'objet d'abus sexuels. Elle a toutefois été battue puisqu'étant malade, elle a refusé d'aller travailler dans les champs. Après avoir versé un pot-de-vin à NaSaKa, elle a pu retourner chez elle. Depuis les six dernières années (c'est-à-dire depuis la construction du nouveau camp), elle doit payer un montant d'environ 50 kyats par mois à NaSaKa. Si les villageois n'étaient pas en mesure de payer, ils étaient arrêtés et détenus dans le camp, ce qui s'est produit à de nombreuses reprises dans son village.
Ethnie: |
Rohingya |
47 |
Age/sexe: |
40 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, trois fils, une fille |
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Activité professionnelle: |
Cultivateur -- 8 khani |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Hiderya, Maungdaw, Etat Rakhine (village d'environ 50 familles) |
Il a dû quitter le Myanmar à la fin de 1997 avec 50 autres familles puisqu'il ne réussissait plus à subvenir aux besoins de sa famille, le gouvernement ayant saisi, une année auparavant, ses terres. Il a dû travailler à titre de journalier. Sur le travail forcé. Il a dû travailler aux camps militaires et couper le bois. Il pouvait travailler pendant un mois sans interruption. Cette assignation pouvait se répéter en moyenne à quatre reprises par année. Il n'était pas rémunéré. Les ordres étaient donnés par le chef de village. Les personnes qui refusaient de travailler étaient amenées dans une salle de torture au camp militaire. Elles étaient généralement battues. Il a été personnellement torturé vingt jours avant son arrivée au Bangladesh. Ses jambes et ses bras avaient été fixés à une pièce de bois. Il a été maintenu dans cette position pendant deux jours. Il a dû payer, pendant les six dernières années, 200 kyats à NaSaKa. Le montant pouvait varier. Tout refus pouvait être puni par un passage à tabac ou des actes de torture.
Ethnie: |
Rohingya |
48 |
Age/sexe: |
22 ans, féminin |
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Situation familiale: |
Mariée, un fils, une fille |
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Activité professionnelle: |
Pêcheur |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Borosola, Maungdaw, Etat Rakhine (le village comptait 3 000 personnes) |
Elle a quitté le Myanmar en raison du travail forcé et des abus qui y étaient perpétrés par les autorités. Elle était accompagnée par 20 autres familles provenant toutes de son village. Cinquante-soixante familles de son village seraient arrivées deux mois auparavant. Sur le travail forcé. Elle a dû exécuter du travail forcé: 1) construction et réparation au camp; 2) construction de maisons rakhines; 3) portage; 4) couper le bois. Elle a dû le faire depuis les six dernières année, quinze jours par mois. Elle était non rémunérée. Elle ne recevait pas de nourriture. L'ordre était donné par le chef de village. Les ordres étaient transmis par le chef de village. Tout refus pouvait entraîner un passage à tabac par NaSaKa. Son mari aurait été battu à plusieurs reprises par NaSaKa, puisqu'il refusait d'obéir aux ordres transmis. Il aurait été blessé gravement au dos. Elle connaît plusieurs autres personnes qui auraient été battues. Elle aurait personnellement été menacée par NaSaKa lorsqu'elle a refusé de donner son poulet. Elle a dû payer des taxes à NaSaKa: 100 kyats par mois pendant six ans. Le montant a augmenté avec les années (au début, aux environs de 50 kyats). Elle a dû aussi donné une partie de ses possessions (poulets ou autres choses, etc).
Ethnie: |
Rohingya |
49 |
Age/sexe: |
25 ans, masculin |
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Situation familiale: |
Marié, deux filles |
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Activité professionnelle: |
Commerçant |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Fatur Kila, Sittway (Akyab), Etat Rakhine |
Il a quitté le Myanmar en 1997 avec 100 autres familles de son village. Il y avait auparavant dans ce village 1 200 familles. Toutes ces familles seraient parties au cours des dernières années. Le gouvernement les aurait transférées à Maungdaw. Il aurait été transféré à nouveau à son village huit mois plus tard avec environ 275 autres familles pour aider aux constructions militaires. Il s'est ensuite rendu à Bauthidaug (collines). Il y est resté cinq jours. Il aurait fait du travail forcé pour les militaires après son transfert à Maungdaw. Il devait notamment transporter l'eau, faire les réparations nécessaires au camp, couper les bâtons de bois pour la construction et les réparations, porter d'un camp à l'autre. Il a dû travailler pour le camp 10 à 15 fois par mois. Il a dû faire le même genre de travail, le même nombre de fois par mois (10 à 15 fois par mois), lorsqu'il est retourné dans son village. Le travail était pour NaSaKa et la police. A Bathedaung, il a dû faire du travail pour NaSaKa. Il s'agissait principalement de couper du bois. Il a dû faire ce type de travail pour la dernière fois quatre jours avant son arrivée au Bangladesh. Il avait un petit revenu à Maungdaw en vendant du bois. Il a été battu à deux reprises puisqu'il n'était pas en mesure de porter la charge qui lui avait été assignée (une table). Il a désormais des douleurs au bas du dos qui seraient le résultat des charges qu'il a eu à transporter.
Ethnie: |
Rohingya |
50 |
Age/sexe: |
22 ans, masculin |
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Situation famillale: |
Mère, père, trois frères plus âgés (leurs femmes et leurs enfants) |
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Activité professionnelle: |
Etudiant (paysan) |
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Domicile (avant de quitter le Myanmar): |
Taungpyo, Maungdaw, Etat Rakhine (le village comptait 800 familles) |
Ne pouvant plus supporter les injures et les coups qu'il recevait de NaSaKa, le témoin a quitté le Myanmar en 1992. Il a été pris comme porteur par NaSaKa pour la première fois lorsqu'il avait environ 13 ans. Il revenait de l'école vers 16 heures et NaSaKa l'a enlevé sous la menace d'un fusil. Il a dit qu'il était écolier mais ils l'ont battu et lui ont déclaré qu'ils ne le croyaient pas. Il a dû transporter des armes et de la nourriture sur une distance de 12 miles. NaSaKa brutalise les porteurs et ne leur donne pas assez à manger (une seule cuillerée, et seulement du riz ou du curry, mais jamais les deux à la fois). Ils étaient entre 200 à 300 porteurs. Les autres membres de sa famille ont aussi dû effectuer du travail forcé (son père et ses deux frères plus âgés). Une fois, ils ont dû creuser des fossés au camp NaSaKa. Ils ont aussi été contraints de cultiver la terre pour NaSaKa. Une personne de chaque famille y était astreinte une journée à la fois. En général, ils devaient faire douze jours de travail forcé par mois. Si les villageois travaillaient lentement lorsqu'ils étaient fatigués, NaSaKa les appelait «sales indiens» et les battait. Ils étaient battus avec des tiges de bambou qui leur entamaient la peau comme une lame de couteau. Une fois, son petit doigt a été brisé par les coups. Tout le village devait faire le même type de travail forcé; les villageois devaient aussi donner des provisions telles que poulets, chèvres, noix de coco et piments au camp NaSaKa. Après son arrivée au Bangladesh, d'autres familles de son village l'y ont rejoint; ils sont maintenant dans des camps. Un ou deux seulement sont rentrés au pays.
1. Selon les autorités, le territoire où se trouve le village fait partie de l'Etat Chin.
2. Selon les autorités, le territoire où se trouve le village fait partie de l'Etat Chin.
3. Selon les autorités, le territoire où se trouve le village fait partie de l'Etat Chin.