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GB.273/15/1
273e session
Genève, novembre 1998


QUINZIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Rapports du bureau du Conseil d'administration

Premier rapport:
Exécution par le Nigéria de la convention (no 87)
sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948,
et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949:

rapport de la mission de contacts directs effectuée au Nigéria
(17-21 août 1998)

1. A sa 272e session (juin 1998), le Conseil d'administration a décidé de nommer les membres d'une commission d'enquête formée conformément à l'article 26.4 de la Constitution de l'OIT(1). Simultanément, il a décidé de retarder de 60 jours le début des travaux de la commission d'enquête afin de permettre à une mission de contacts directs d'avoir lieu. Au cas où la mission serait reçue au Nigéria, il a été décidé que son rapport serait examiné à la présente session du Conseil d'administration.

2. Le rapport de la mission de contacts directs figure à l'annexe I du présent document. Les paragraphes 1 à 10 exposent les antécédents du cas, les paragraphes 11 à 15 présentent les questions de fond et les paragraphes 16 à 33 décrivent le déroulement de la mission. Les paragraphes 34 à 46 contiennent quelques remarques finales.

3. Le Conseil d'administration est invité:

  1. à prendre note du rapport de la mission de contacts directs;
  2. à approuver les remarques finales et la demande au gouvernement du Nigéria de prendre toutes les mesures appropriées compte tenu desdites remarques;
  3. à demander notamment au gouvernement du Nigéria de communiquer des informations complètes sur les questions soulevées dans les cas nos 1793 et 1935 en temps opportun pour que le Comité de la liberté syndicale puisse les examiner à sa prochaine réunion (mars 1999);
  4. à prier le Directeur général de transmettre le rapport de la mission de contacts directs à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations afin qu'elle l'examine à sa session de novembre-décembre 1998 dans le contexte de l'application par le Nigéria des conventions ratifiées pertinentes;
  5. à suspendre les travaux de la commission d'enquête jusqu'à ce que ces examens aient eu lieu ou jusqu'au moment que le Conseil d'administration jugera opportun.

Genève, le 10 novembre 1998.

Point appelant une décision: paragraphe 3.


1. Document GB.272/7/1.


Annexe I

Rapport de la mission de contacts directs au Nigéria
(17-21 août 1998)

I. Contexte général dans lequel la mission a eu lieu

1. A sa 271e session (mars 1998), le Conseil d'administration a décidé d'appliquer la procédure prévue à l'article 26.4 de la Constitution et de nommer une commission d'enquête chargée d'examiner certaines allégations présentées contre le gouvernement du Nigéria. Lorsqu'il a désigné les membres de la commission d'enquête à sa 272e session (19 juin 1998), le Conseil d'administration a toutefois décidé de retarder de 60 jours le début des travaux de la commission afin de permettre au gouvernement du Nigéria d'accueillir sur son territoire la mission de contacts directs.

2. Les allégations en question ont été formulées en premier lieu dans des plaintes présentées en août 1994 au Comité de la liberté syndicale par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), par l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) et par la Confédération mondiale du travail (CMT). Exposées dans le cas no 1793 du rapport du comité de novembre 1994(2), les allégations des plaignants accusent le gouvernement d'avoir violé la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que le gouvernement du Nigéria a ratifiée. Après avoir examiné les allégations, le comité a fait un certain nombre de recommandations. Dans son rapport de mars 1995(3), il a demandé à nouveau au gouvernement de répondre; et, dans son rapport de juin 1995(4), il a adressé un appel pressant au gouvernement pour qu'il transmette ses observations ou des informations.

3. Dans son rapport de novembre 1995(5), le comité a pris note des informations et observations du gouvernement et a fait de nouvelles recommandations. Lors de la discussion du rapport du comité, le groupe des travailleurs du Conseil d'administration, appuyé par le groupe des employeurs et par tous les gouvernements, a demandé au Directeur général d'envoyer dès que possible au Nigéria une mission chargée de rendre visite aux syndicalistes en détention et d'appuyer les efforts internationaux en faveur de leur libération inconditionnelle. Dans son rapport de mars 1996(6), le comité a exprimé l'espoir que le gouvernement fournirait rapidement les informations demandées. Dans son rapport de juin 1996(7), il a réitéré son appel au gouvernement pour qu'il accepte, à une date aussi rapprochée que possible, une mission du BIT chargée d'examiner les questions restées en suspens dans le cas no 1793.

4. Dans son rapport de novembre 1996(8), le comité a exprimé à nouveau l'espoir que les informations seraient fournies. En adoptant le rapport, le Conseil d'administration a pris note d'un projet de résolution présenté par le groupe des travailleurs, dont la teneur a reçu l'appui du groupe des employeurs et de divers gouvernements. Le projet de résolution relatif aux droits syndicaux et aux droits de l'homme au Nigéria demandait au gouvernement de recevoir sans délai une mission du BIT et de l'autoriser à communiquer librement avec les syndicalistes détenus, et d'appliquer dans leur intégralité les recommandations du Conseil d'administration concernant le cas no 1793. Le Conseil d'administration a décidé de lancer un appel pressant au gouvernement du Nigéria, l'invitant à répondre le plus rapidement possible aux demandes réitérées qui lui ont été faites depuis novembre 1995 d'accueillir d'urgence une mission du BIT afin que celle-ci puisse examiner des questions relevant de plaintes antérieures, et notamment rendre visite sans entrave aux syndicalistes en détention et qu'elle puisse faire rapport au Comité de la liberté syndicale.

5. Dans son rapport de mars 1997(9) concernant le cas no 1793, le comité a mentionné la publication de plusieurs nouveaux décrets qui témoignaient d'une aggravation de la situation, et il a réitéré l'appel lancé par le Conseil d'administration pour qu'une mission du BIT soit acceptée rapidement. Lors de la discussion du rapport, le Conseil d'administration a noté que le gouvernement du Nigéria avait fait savoir qu'il avait décidé d'accepter la mission du BIT proposée sans toutefois fixer de date précise. Dans son rapport de juin 1997(10), le comité a noté que le gouvernement n'avait pas encore proposé de dates pour la mission et il a demandé une fois de plus au gouvernement de répondre.

6. Quand le comité a réexaminé le cas no 1793 dans son rapport de novembre 1997(11), il a noté que les dates proposées par le Bureau pour la mission n'avaient pas été acceptées et que le gouvernement n'en avait pas proposées d'autres. Il a également indiqué qu'une nouvelle plainte avait été déposée contre le gouvernement du Nigéria (cas no 1935) alléguant l'adoption de nouveaux décrets antisyndicaux et la détention de syndicalistes. Lors de la discussion du rapport, le Conseil d'administration a pris note des déclarations de plusieurs membres gouvernementaux ainsi que des groupes des employeurs et des travailleurs au sujet de la gravité et de l'urgence des questions examinées dans le cas no 1793.

7. Constatant qu'en février 1998 le gouvernement n'avait toujours pas répondu le Comité de la liberté syndicale, dans son rapport de mars 1998(12), a tout particulièrement attiré l'attention du Conseil d'administration, à sa 271e session, sur le cas no 1793, en raison de sa gravité et de son urgence. Le comité a également constaté(13) que, malgré le temps qui s'était écoulé depuis le dépôt de la plainte contenue dans le cas no 1935, aucune observation n'avait été reçue du gouvernement; en conséquence, il a prié le gouvernement de transmettre d'urgence ses observations ou informations et il a indiqué qu'il était en droit de présenter en tout temps un rapport sur le fond de l'affaire.

8. Parallèlement aux faits exposés ci-dessus, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a examiné, à sa session de mars 1995, le rapport du gouvernement sur la convention no 87 présenté conformément à l'article 22 de la Constitution de l'OIT. Dans son rapport à la 82e session de la Conférence(14), la commission d'experts s'est référée aux conclusions concernant le cas no 1793 énoncées dans le 295e rapport du Comité de la liberté syndicale et a examiné plusieurs aspects de la législation sur les syndicats au Nigéria. L'observation de la commission d'experts a été examinée en juin 1995 par la Commission de l'application des normes de la Conférence, qui a inclus dans son rapport(15) un paragraphe spécial attirant l'attention de la Conférence sur les problèmes de l'application de la convention no 87 par le Nigéria. A sa session de novembre-décembre 1995(16), la commission d'experts a poursuivi son examen détaillé de la question, et son observation a également été débattue à la 83e session de la Conférence en juin 1996; une fois encore, la Commission de l'application des normes de la Conférence a publié ses conclusions dans un paragraphe spécial de son rapport(17). Poursuivant le dialogue, la commission d'experts a fait une nouvelle observation à sa session de novembre-décembre 1996(18) et, lors de son examen à la 85e session de la Conférence en juin 1997, la Commission de l'application des normes de la Conférence a décidé de citer l'application de la convention no 87 par le Nigéria comme un cas dans lequel il n'a pas été possible d'éliminer de graves divergences depuis plusieurs années(19). A sa session la plus récente, en novembre-décembre 1997, la commission d'experts a de nouveau réexaminé la législation en question dans le cadre de la convention no 87(20).

9. C'est ainsi qu'à sa 271e session (mars 1998) le Conseil d'administration, après avoir dûment pris note du 309e rapport du Comité de la liberté syndicale, a pris connaissance d'un rapport du bureau du Conseil d'administration faisant suite à une lettre datée du 23 février 1998 que le Vice-président travailleur du Conseil d'administration avait adressée au Directeur général(21). Le Conseil d'administration, à la lumière de ce qui était décrit dans cette lettre comme un «refus constant de coopérer», a alors pris la décision mentionnée au paragraphe 1 ci-dessus au sujet des questions soulevées dans les cas nos 1793 et 1935. Quand le Conseil d'administration a décidé, à sa 272e session du 19 juin 1998, de nommer les membres de la commission d'enquête(22), les groupes des travailleurs et des employeurs ont toutefois mentionné les développements importants intervenus au cours des jours précédents, notamment la libération d'un certain nombre de dirigeants syndicaux annoncée par le gouvernement le 16 juin. C'est dans ce contexte que les dates de la mission de contacts directs ont été déterminées.

10. Dans une lettre datée du 4 août 1998, le ministère fédéral du Travail et de la Productivité du Nigéria a informé le Directeur général que le gouvernement n'avait pas d'objection à ce que la visite proposée ait lieu et qu'il invitait la mission à prendre les dispositions nécessaires à sa plus proche convenance. Des dates précises ont été convenues, et le Directeur général a prié M. Rajsoomer Lallah, ancien président de la Cour de Maurice, membre et ancien président de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et président de la commission d'enquête nommé par la Conseil le 19 juin 1998, de diriger la mission de contacts directs au Nigéria en son nom. La mission comptait parmi ses membres M. Steven Oates du Département des normes internationales du travail du BIT. La mission a bénéficié notamment des conseils et de l'appui du Service de la liberté syndicale et du directeur régional pour l'Afrique, M. Elias Mabere. M. Ahmar Touré, adjoint du directeur régional, et M. Richard Kombo, directeur par intérim du bureau de zone de l'OIT à Lagos ont accompagné et aidé la mission au cours de toutes ses visites et réunions.

II. Questions de fond dont la mission a été chargée

11. Les allégations présentées initialement en 1994 dans le cas no 1793 par la CISL, l'OUSA et la CMT sont exposées en détail dans le 295e rapport du Comité de la liberté syndicale, tout comme la réponse du gouvernement. Une nouvelle réponse du gouvernement et des conclusions et recommandations du comité sont contenues dans le 300e rapport. En voici un résumé:

  1. En août 1994, le décret no 9 de 1994 sur le Congrès du travail du Nigéria (NLC) (dissolution du Conseil exécutif national) a dissous les organes nationaux du NLC; et le décret no 10 de 1994 sur le NUPENG & la PENGASSAN (dissolution des conseils exécutifs) a dissous les conseils exécutifs, aux niveaux national et local, du Syndicat national des travailleurs du pétrole et du gaz naturel et de l'Association des cadres du pétrole et du gaz naturel. Des administrateurs ont été nommés par le gouvernement, les bureaux du NLC, du NUPENG et de la PENGASSAN ont été mis sous scellés, les comptes en banque ont été gelés et la possibilité de percevoir les cotisations à la source a été suspendue. Les allégations mentionnent en outre une série de griefs connexes formulés par les organisations nationales, notamment des actes d'intimidation, des licenciements de syndicalistes de l'industrie du pétrole, le non-paiement de salaires dus à divers employés du service public, la non-exécution de conventions collectives et de sentences arbitrales, ainsi que l'exclusion de la compétence des tribunaux. Il a notamment été affirmé que l'article 3 de la convention no 87 avait été violé.
  2. Un certain nombre de responsables syndicaux ont été arrêtés après l'organisation de grèves en juillet et en août 1994, notamment M. Elregha, un président de section de la PENGASSAN; M. F.A. Addo, troisième vice-président de la PENGASSAN; M. F. Aidolomon, président de la section de la Pipeline and Products Marketing Company; et M. F. Kokori, secrétaire général du NUPENG. D'autres syndicalistes, parmi lesquels figure M. M. Dabibi, secrétaire général de la PENGASSAN, se sont cachés, et certains travailleurs ont été licenciés.

12. Le comité, se basant sur ses principes et les dispositions de l'article 3 de la convention no 87 eu égard au droit des organisations des travailleurs d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité, a demandé instamment au gouvernement d'abroger les décrets nos 9 et 10 et de retirer ses administrateurs, afin de permettre aux organisations d'exercer à nouveau leurs fonctions syndicales par l'intermédiaire de leurs responsables élus. Pour ce qui est des principes pertinents relatifs aux activités syndicales et aux grèves, le comité a demandé instamment au gouvernement d'ordonner la libération immédiate de toutes les personnes nommées qui sont encore détenues et de s'abstenir à l'avenir d'arrêter toute autre personne pour exercice d'activités syndicales légitimes.

13. Lors d'un nouvel examen du cas no 1793, le comité a noté en février-mars 1997 divers autres aspects des problèmes soulevés:

  1. Le décret no 24 - décret de 1996 sur les différends du travail (déréglementation des services essentiels, interdiction de participer à des activités syndicales) empêchait effectivement le fonctionnement de syndicats dans différentes institutions universitaires.
  2. Le décret (modificateur) de 1996 sur les syndicats - décret no 4 - a restructuré les 41 syndicats de branche enregistrés en 29 syndicats affiliés désignés, en omettant de la liste plusieurs syndicats de cadres et certaines associations d'employeurs précédemment enregistrés et reconnus.
  3. Le décret (modificateur) (no 2) de 1996 - décret no 26 - a encore renforcé le contrôle ministériel sur l'enregistrement de syndicats et sur la possibilité de percevoir les cotisations à la source, tout en renforçant les restrictions du droit de participer à des activités syndicales.

14. Conformément à son mandat, la mission a également abordé les questions soulevées dans la plainte qui constitue le cas no 1935. La plainte avait été transmise au gouvernement en août 1997 pour que le gouvernement présente ses observations. Toutefois, étant donné qu'aucune réponse n'avait été reçue du gouvernement, le Comité de la liberté syndicale n'avait pas encore examiné ce cas. La compétence de la mission, en ce qui concerne ce cas, consistait à établir des contacts «préliminaires», dans le but d'expliquer aux autorités les questions de liberté syndicale soulevées et d'obtenir desdites autorités des commentaires et des informations. La mission est restée très consciente du caractère confidentiel de la procédure relative aux plaintes avant leur examen normal par le Conseil d'administration.

15. La mission a trouvé très utiles l'analyse de la législation contenue dans des observations successives de la commission d'experts sur l'application par le Nigéria de la convention no 87 ainsi que les procès-verbaux des discussions sur ces observations par la Commission de la Conférence. Elle a notamment relevé ce qui suit:

  1. Le décret (modificateur) de 1996 sur les syndicats (affiliation internationale) - décret no 29 - renouvelle l'interdiction d'une affiliation internationale pour les organisations nigérianes, en violation des droits prévus aux articles 5 et 6.
  2. La loi sur les syndicats de 1973 (dans sa teneur modifiée) - TUA - articles 3(1) et (2) et 33(1) et (2) prévoit un système syndical unique, avec une liste de syndicats désignés dans la loi qui peuvent s'affilier à l'organisation centrale, et elle exige un nombre minimum de travailleurs excessivement élevé pour la constitution d'un syndicat, en violation de l'article 2.
  3. La TUA, articles 39 et 40 (anciennement articles 42 et 43), confère au conservateur du registre des syndicats des pouvoirs étendus pour contrôler les comptes des syndicats en tout moment, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 3.
  4. Les dispositions de la TUA relatives aux pouvoirs du conservateur du registre qui permettent à celui-ci de refuser d'enregistrer un syndicat peuvent en tout cas conduire au déni du droit de constituer une organisation sans autorisation préalable, conformément à l'article 2.
  5. La TUA, article 11, prive certaines catégories d'employés de la fonction publique du droit d'organisation dont elles devraient bénéficier aux termes de l'article 2.
  6. La loi sur les différends du travail de 1976 (dans sa teneur modifiée) limite, à l'article 17, le droit de grève, notamment en cas d'arbitrage obligatoire dans des services non essentiels, contrairement aux dispositions de l'article 3.

III. Déroulement de la mission

16. Compte tenu des faits mentionnés au paragraphe 9 ci-dessus, de la discussion à la 272e session du Conseil d'administration (juin 1998) et de la lettre du gouvernement datée du 4 août, la mission a été dès le début satisfaite de constater deux choses. Tout d'abord, la libération dans un premier temps de M. Elregha, de M. Addo et de M. Aidolomon, a été suivie, le 16 juin, de celles de M. Dabibi (détenu depuis début 1996) et de M. Kokori: ces relaxations répondaient à un des aspects les plus pressants du cas no 1793 (voir paragr. 11 b) ci-dessus). Ensuite, le fait que le gouvernement avait accepté que la mission de contacts directs ait lieu constituait une réponse positive à une demande de longue date du Conseil d'administration et permettait d'espérer que des progrès seraient réalisés pour tous les problèmes en instance.

17. La visite effectuée par le Directeur régional du BIT du 15 au 17 juillet avait très utilement préparé le terrain pour la mission de contacts directs et permis d'élaborer un projet de programme adéquat. La mission aurait souhaité rendre une visite de courtoisie au chef de l'Etat, le commandant en chef des forces armées, S.E. le général Abdusalam Abubakar, car la lettre envoyée par le gouvernement le 16 juin indiquait qu'il avait personnellement ordonné la libération de M. Dabibi et de M. Kokori. La mission n'a cependant pas pu rencontrer le chef de l'Etat ni le chef d'état-major ni même le directeur de Cabinet. Par ailleurs, la mission avait estimé qu'il serait également utile d'examiner les nombreuses ramifications juridiques des questions de liberté syndicale avec des fonctionnaires du ministère de la Justice. Malheureusement, la réunion que la mission souhaitait avoir avec le conseiller juridique du gouvernement n'a pas pu avoir lieu non plus. La mission a noté enfin que le ministre chargé des affaires du travail avait été démis de ses fonctions lors de la dissolution du gouvernement le 8 juillet 1998, de sorte que lors de la visite effectuée les 18 et 19 août dans la capitale fédérale, Abuja, le poste était vacant. Le nouveau gouvernement a été formé le 20 août, et le nom du nouveau ministre de l'Emploi, du Travail et de la Productivité n'a été annoncé à Abuja que le 21 août, au moment où la mission achevait ses travaux à Lagos.

18. En revanche, la mission a été très heureuse d'avoir une discussion détaillée avec M. David Oyegun, secrétaire permanent du ministère fédéral du Travail et de la Productivité, et des membres de haut rang de son personnel le 18 août à Abuja. Le 20 août, à Lagos, ni l'unique administrateur ni aucun représentant du Congrès du travail du Nigéria (NCL) n'est venu aux rendez-vous fixés avec la mission. Le même jour, la mission a toutefois eu des réunions séparées avec des représentants de l'Association consultative des employeurs du Nigéria (NECA) et des représentants des deux syndicats de branche affiliés au NLC et de l'Association consultative des cadres du Nigéria (SESCAN). A Lagos toujours, avant de quitter le Nigéria, la mission a rencontré M. Dabibi et M. Kokori, et elle a eu une entrevue de fin de mission avec deux responsables du ministère fédéral.

Réunion avec le ministère fédéral du Travail et de la Productivité

19. Au cours de la réunion au ministère, le représentant du Directeur général a déclaré qu'il était heureux que la mission de contacts directs ait lieu, d'autant plus que les développements récents concernant des faits incompatibles, notamment avec la convention no 87, lui permettaient d'espérer qu'il serait bientôt possible de régler définitivement les problèmes soulevés dans les deux cas dont le Conseil d'administration était saisi. Il a placé les dispositions spécifiques de la convention dans le contexte de l'article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui renforce la convention, et du paragraphe 1 de cet article qui déclare que toute personne a le droit de s'associer librement avec d'autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d'y adhérer pour la protection de ses intérêts. La mission a rappelé les événements qui sont à l'origine des deux plaintes présentées au Comité de la liberté syndicale, en mettant l'accent sur la détention de certains syndicalistes, ainsi que la procédure en vertu de laquelle le Conseil d'administration a demandé l'envoi d'une mission de contacts directs et a, dernièrement, formé une commission d'enquête, puis décidé de suspendre les travaux de cette commission.

20. La mission a reçu la confirmation que l'abrogation des décrets nos 9, 10 et 24 (voir paragr. 11 a) et 13 a) ci-dessus) était en cours mais que certains points devaient encore être réglés. Les représentants du gouvernement se sont référés à divers aspects du décret no 4 (paragr. 13 b) ci-dessus) qui étaient controversés: outre le problème de la restructuration des syndicats, ils étaient conscients des difficultés que soulevaient l'affiliation obligatoire à l'Organisation du travail centrale, l'interdiction faite à certaines personnes d'exercer des responsabilités syndicales, et l'exclusion de la compétence des tribunaux. Pour ce qui est du décret no 26 (paragr. 13 c) ci-dessus), les points controversés étaient notamment l'insertion obligatoire d'une clause de non-grève dans les conventions collectives, ainsi que des restrictions de la possibilité de prélever les cotisations syndicales à la source, les droits des membres «qui ne sont pas en possession d'une carte» et la capacité de s'affilier à un syndicat. Le gouvernement était conscient du problème de l'affiliation internationale que posait le décret no 29 (paragr. 15 a) ci-dessus).

21. Les représentants du gouvernement cherchaient à réexaminer l'ensemble de la question syndicale dans le cadre du processus d'autodémocratisation des syndicats et de la promotion du respect tant de la convention no 87 que de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, également ratifiée par le Nigéria. Les décrets en question dataient d'une période politique difficile au cours de laquelle des erreurs avaient été commises. Il était nécessaire de bien connaître le Nigéria pour situer les problèmes dans le contexte des besoins fondamentaux de la population. Les autorités militaires étaient persuadées de la nécessité de prendre des décisions dans l'intérêt de la population; elles voulaient à la fois éviter l'apparition de nouvelles factions ou d'un vide dans les syndicats et réagir aux critiques d'ingérence dans les affaires syndicales (y compris par la fourniture de fonds). Un réexamen des décrets nos 4 et 26 était la solution, et le problème du décret no 29 pouvait aussi être abordé. Les procédures de l'OIT avaient embarrassé le gouvernement, mais maintenant qu'il y avait une chance de paix les conseils de l'OIT seraient en fait sollicités pour savoir comment il convenait de rétablir la crédibilité des syndicats et la démocratie interne.

22. En réponse à la référence du représentant du Directeur général à la valeur d'une approche tripartite de ces problèmes, les représentants du gouvernement ont rappelé que la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, avait aussi été ratifiée par le Nigéria en 1994, mais que son application était difficile en l'absence de services gouvernementaux fonctionnant normalement. Cela dit, ils ont reconnu qu'il était nécessaire de la prendre en considération. Il ne fallait pas non plus partir de l'hypothèse que les tribunaux fonctionnaient toujours de la manière la plus efficace qui soit, notamment en matière de règlement des conflits du travail.

23. Les représentants du gouvernement craignaient que des troubles n'éclatent au sein des syndicats, voire des actes de violence qui pourraient avoir un effet de boomerang. Pour cette raison, ils estimaient que le gouvernement devait assumer un rôle de «sage-femme» dans la déréglementation des affaires syndicales. Cela valait tout particulièrement pour la discussion en cours sur la transition qu'impliquait l'abrogation imminente des décrets nos 9 et 10. Ils ont fait valoir que beaucoup de progrès avaient été réalisés au cours de deux mois précédents et que l'on pouvait s'attendre à d'autres développements positifs avant la session de novembre 1998 du Conseil d'administration à laquelle le gouvernement sera représenté.

24. Les représentants du gouvernement ont remis à la mission une copie d'une «Déclaration du gouvernement fédéral sur l'abrogation des décrets nos 9 et 10 de 1994», qui a été publiée pour clarifier les choses et qui est datée du 14 août 1998. Le contenu de cette déclaration est le suivant:

25. La mission a répondu aux arguments présentés par les représentants du gouvernement. Elle a fourni des explications tant sur la position des organes de contrôle du BIT en ce qui concerne les grèves et les services essentiels que sur les problèmes que pose - tout particulièrement au regard de la convention no 98 - l'inclusion de clauses obligatoires de non-grève dans les conventions collectives. Elle a décrit l'utilisation éventuelle de mécanismes judiciaires appropriés pour le règlement des conflits du travail ainsi que pour la période de transition devant mettre un terme à l'intervention du gouvernement dans les affaires syndicales. Elle a précisé la distinction qui existe entre un système admissible d'enregistrement des syndicats et un système qui permet une intervention contraire aux normes et principes de l'OIT. La mission a souligné qu'une coopération technique adéquate avec le BIT pourrait être profitable.

Réunion avec l'Association consultative des employeurs du Nigéria

26. La mission a été accueillie par M. Akanimo Etukudo, directeur général de la NECA. Elle a rencontré le président, M. O. Osunkeye, et des membres de la NECA afin de leur exposer son but et les inviter à fournir des informations, à exprimer leurs points de vue et à formuler des recommandations. M. Osunkeye a déclaré que la NECA était favorable à des relations du travail harmonieuses fondées sur le respect réciproque et la coopération entre les trois partenaires sociaux comme le prévoient notamment les conventions nos 87 et 144. La NECA a établi une tradition de coopération avec les travailleurs et le gouvernement, de manière formelle par le biais du Conseil consultatif national du travail (NLAC) jusqu'à sa dissolution en 1994, mais également de manière informelle. La NECA s'est félicitée de la décision d'abroger les décrets nos 9 et 10 et a aussi lancé un appel au gouvernement pour qu'il réexamine les dispositions de certains autres décrets en vue de les abroger ou de les amender pour y refléter les objectifs du processus de démocratisation. D'une façon générale, les membres de la NECA espèrent que la démocratisation conduira à une relance des affaires et de l'économie.

27. Les représentants de la NECA se sont prononcés en faveur de l'indépendance des syndicats plutôt que d'une assistance financière. La législation ne contribuait pas à résoudre des problèmes du travail et le gouvernement avait confondu son rôle d'employeur avec son rôle politique. Des réserves ont été formulées au sujet des problèmes qui se posent quand il y a trop de syndicats (comme dans les années soixante-dix), mais il a été avancé que ces problèmes devraient être traités par le biais de principes directeurs plutôt que par des dispositions légales. La préoccupation du gouvernement au sujet des affiliations internationales a été jugée surprenante. En revanche, un certain malaise était perceptible à propos du fonctionnement du prélèvement des cotisations syndicales à la source et de certains aspects financiers des activités syndicales. Les personnes rencontrées se sont déclarées favorables à la reconstitution de la NLAC tripartite.

Réunions avec les représentants syndicaux

28. Des représentants de 29 syndicats de branche affiliés au NLC et à la SESCAN(23) ont été invités à une réunion avec la mission de contacts directs. Dix-sept des 29 syndicats ont été dûment représentés par leur président ou leur secrétaire général, ou par les deux, et quatre responsables de la SESCAN, parmi lesquels figurait M. Dabibi, étaient également présents. La mission a exposé le but qu'elle poursuivait et a invité les personnes présentes à lui fournir des informations, exprimer leurs points de vue et formuler des recommandations. Le représentant du Directeur général a attiré l'attention notamment sur les problèmes posés par la réglementation des affaires syndicales et le fait que les décisions administratives ne pouvaient pas être contestées devant un tribunal; de plus, il y avait un manque de transparence dans une situation où l'on gouverne par décrets et dans laquelle il n'est parfois même pas possible de savoir avec certitude quelle est la législation en vigueur.

29. Des représentants des syndicats se sont dits préoccupés par le fait que les décrets nos 9, 10 et 24 (paragr. 11 a) et 13 a) ci-dessus) n'avaient pas encore été abrogés et qu'on ne pouvait donc pas tenir leur abrogation pour acquise. Tous les participants à la réunion ont déclaré que le décret no 29 (paragr. 15 a) ci-dessus) devrait être abrogé. Plusieurs participants se sont aussi prononcés en faveur de l'abrogation immédiate du décret no 26 (paragr. 13 c) ci-dessus).

30. Au sujet du décret no 4 (paragr. 13 b) ci-dessus), un participant a déclaré, au début de la réunion, qu'il craignait que le démantèlement de la structure syndicale existante ne conduise à une crise et à la prolifération de syndicats comme ce fut déjà le cas dans le passé. Il s'est déclaré en faveur d'un réexamen du décret plutôt que d'une abrogation pure et simple. Le représentant du Directeur général a souligné qu'en vertu de la convention no 87 et de l'article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les travailleurs jouissaient d'un droit fondamental et inaliénable qui était le droit d'organisation. Ils ne pouvaient exercer ce droit s'ils le remettaient entre les mains du pouvoir législatif et devenaient les captifs de leurs dirigeants. Tous les autres participants étaient résolument en faveur de l'abrogation du décret no 4. Quand la mission a finalement demandé si la réunion était d'avis que les décrets nos 4 et 26 devaient être abrogés, la réponse a été affirmative sans exception.

31. Le représentant du Directeur général a demandé aux personnes présentes leurs avis quant à la façon dont la situation syndicale devrait évoluer maintenant. Une discussion a eu lieu entre les représentants syndicaux sur la question du passage à l'indépendance jusqu'à de nouvelles élections dans toutes les instances du NLC. La plupart des intervenants ont estimé que le pouvoir de diriger les affaires syndicales - tant les affaires «syndicales» que les affaires «administratives» - devrait être rétrocédé aux membres exécutifs déjà élus, en attendant de nouvelles élections. La mission a noté que nombreux étaient ceux qui souhaitaient que l'OIT participe activement au processus de transition.

32. Plusieurs représentants syndicaux ont parlé du cadre juridique dans lequel la négociation collective devrait être inscrite à l'avenir. Ce devrait être un cadre équitable, défini par des dispositions législatives élaborées à la suite de consultations tripartites (avec des mécanismes tels que ceux énoncés dans la convention no 144). Les représentants du BIT ont expliqué le rôle que le BIT peut jouer en fournissant des conseils et une assistance en vue d'instaurer en premier lieu une législation et une pratique conformes aux normes des conventions nos 87, 98 et 144, et en traitant ensuite des questions telles que la formation, les structures salariales et les relations du travail.

33. La mission a eu une réunion séparée avec M. Dabibi et M. Kokori, au cours de laquelle l'un et l'autre ont décrit leurs propres expériences et celles du NUPENG et de la PENGASSAN durant les quatre dernières années. La mission a été informée que les pressions exercées par l'OIT pour que le gouvernement respecte les droits syndicaux ont été une forme de protection vitale pour les dirigeants syndicaux arrêtés à un moment où ils étaient en danger de mort; ce sont ces pressions qui ont finalement conduit à leur libération. La mission a également appris que l'on souhaitait maintenant que les syndicats soient tout simplement autorisés à diriger leurs propres affaires sans nouvelle intervention du gouvernement.

IV. Remarques finales

34. En ce qui concerne les questions dont la mission a été chargée, la situation a évolué avec une rapidité remarquable depuis juin 1998. L'impression produite entre le 17 et le 21 août a déjà été totalement différente de celle qui résultait d'un examen des dossiers des cas nos 1793 et 1935. Cette impression - qui est nettement positive - a été confirmée par les événements ultérieurs. La mission note que le bureau de l'OIT à Lagos continue à suivre de près l'évolution de la situation et que le Département des normes internationales du travail est resté en contact avec la mission permanente du Nigéria à Genève jusqu'au moment où la rédaction du présent rapport a été achevée.

35. La mission a relevé un certain nombre de points pour lesquels des évolutions positives doivent être consolidées afin de répondre plus complètement aux divers commentaires des organes de contrôle de l'OIT. Elle voudrait mettre l'accent sur la signification tant symbolique que concrète de la libération de syndicalistes et du rétablissement du dialogue - notamment au niveau international - dont il est fait mention au paragraphe 16 ci-dessus.

36. La mission note que les décrets nos 9 et 10 (voir paragr. 11 a) ci-dessus) ont maintenant été formellement abrogés. Le 8 octobre, le BIT a reçu des copies du décret de 1998 relatif au Congrès du travail du Nigéria (dissolution du conseil exécutif national) (décret no 14) (portant abrogation), et du décret de 1998 relatif au NUPENG et à la PENGASSAN (dissolution du conseil exécutif) (décret no 13) (portant abrogation), tous deux datés du 11 août avec effet à partir du 20 juillet. Après la déclaration gouvernementale du 14 août (voir paragr. 24 ci-dessus), des informations avaient déjà confirmé qu'un arrangement avait pu être trouvé pour transférer la direction du NLC, du NUPENG et de la PENGASSAN. La mission se félicite de ces abrogations formelles, qui sont une confirmation concrète des indications qu'elle avait reçues durant sa visite à Abuja. La question de savoir si ces arrangements et décrets sont conformes aux principes et normes de la liberté syndicale est bien entendu du ressort des organes de contrôle compétents de l'OIT.

37. La mission vient d'apprendre en outre que le BIT a reçu une copie du décret no 12 de 1998 (portant abrogation) relatif aux différends du travail (déréglementation des services essentiels, interdiction de la participation aux activités syndicales), également daté du 11 août et prenant effet le 20 juillet. La mission se félicite de cette évolution, qui résout formellement le problème de l'interdiction de former des syndicats dans les diverses institutions universitaires, qui a été signalé plus haut dans le cadre du décret no 24 (voir paragr. 13 a) ci-dessus).

38. S'agissant des commentaires des représentants gouvernementaux au sujet des décrets nos 4, 26 et 29, dont il est fait mention dans les paragraphes 20 et 21 ci-dessus, la mission note que ses réunions avec toutes les personnes intéressées ont permis de constater qu'il existait un consensus solide entre les représentants des travailleurs et des employeurs en faveur de l'indépendance des syndicats. Elle note aussi que le gouvernement a exprimé la volonté de réexaminer l'ensemble de la question syndicale à la lumière des principes et des normes de la liberté syndicale de l'OIT. La mission observe notamment que le droit de s'affilier à des organisations internationales est protégé par l'article 5 de la convention no 87 et que, comme l'a relevé la commission d'experts, bien que la mise en œuvre de cet article par la loi soit compromise par le décret no 29, les organisations nationales devraient en vertu des droits qui leur reviennent pouvoir agir librement également au niveau international.

39. Il est clair que des mesures doivent être prises dans un avenir immédiat pour abroger les décrets nos 4, 26 et 29 en tenant compte des commentaires faits par les organes de contrôle de l'OIT afin de rendre la législation plus conforme aux principes et normes de la liberté syndicale. Une action rapide visant à éliminer les violations flagrantes de la liberté syndicale qui subsistent dans des dispositions légales démontrerait au Conseil d'administration que le gouvernement demeure déterminé à prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer le respect total des droits syndicaux au Nigéria. En outre, les dispositions de la loi sur les syndicats et les conflits du travail, mentionnées au paragraphe 15 ci-dessus doivent aussi être réexaminées en vue de leur abrogation ou amendement rapide à la lumière des observations des organes de contrôle. La mission souligne que tant la publication de textes légaux formels que des mesures de mise en œuvre concrètes sont des éléments nécessaires des mesures correctives qui s'imposent maintenant.

40. La mission attire l'attention sur la capacité et la volonté des services compétents du Bureau international du Travail de contribuer au processus de révision des dispositions législatives. Les services d'un expert en législation du travail et les conseils techniques du service de la liberté syndicale du Département des normes internationales du travail peuvent notamment être envisagés bien que, pour les raisons exposées ci-après, un éventail plus large d'activités conjointes pourrait aussi être approprié.

41. La mission a été frappée par le potentiel de mise en valeur du rôle des partenaires sociaux et du tripartisme au Nigéria. L'émergence de syndicats indépendants est indiscutablement le moment approprié pour étudier les possibilités que peut offrir un climat de relations du travail plus sain. Dans ce contexte, les dispositions de la convention no 98 relatives aux mesures à prendre pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation de procédures de négociation collective, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi, font partie des questions qui devront être prises en considération dans le cadre de la révision de la législation du travail envisagée. De plus, la ratification par le Nigéria de la convention no 144 en 1994 constitue un engagement que le gouvernement devrait maintenant respecter, en créant les mécanismes consultatifs nécessaires pour toutes les questions posées au sujet de l'application des conventions de l'OIT qui ont été ratifiées ainsi que pour des questions connexes. Il ne fait pas de doute qu'il s'agit là d'un autre problème à la solution duquel le BIT pourrait contribuer en offrant ses conseils.

42. A la lumière des discussions qu'elle a eues, la mission voudrait proposer que l'on examine plus en profondeur - tout particulièrement pendant la période de transition vers une plus grande indépendance des syndicats - le rôle qui peut être confié à des juristes indépendants et aux autorités judiciaires. Il est évident que l'on doit pouvoir disposer d'opinions indépendantes de juristes spécialisés au niveau national à un moment où des dispositions législatives importantes doivent être élaborées. De plus, lorsque les tribunaux peuvent assumer leurs tâches dans un climat politique et social approprié, ils peuvent faire preuve d'une approche impartiale dans le règlement d'un large éventail de questions concernant les syndicats et les relations du travail et utiliser les ressources de l'équité et de l'imagination pour trouver des solutions dans le cadre de dispositions législatives justes. Ils peuvent ainsi gagner la confiance de toutes les parties et jouer un rôle indispensable dans l'harmonisation des relations du travail, pour le bénéfice de toute la nation.

43. La mission a été informée des diverses possibilités d'activités de coopération technique dont dispose la structure de terrain de l'OIT en Afrique en collaboration avec les services compétents du siège. Elle a pris note des engagements que le Nigéria a déjà pris en ratifiant, outre les conventions nos 87, 98 et 144, les instruments sur les droits fondamentaux suivants: la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, et la convention (no 100) sur l'égalité de rémunération, 1951, et un autre instrument prioritaire, la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947. La mission note que cette année le gouvernement ne s'est pas acquitté de son obligation aux termes de l'article 22 de la Constitution de l'OIT de présenter à temps des rapports sur l'application des conventions susmentionnées et de neuf autres conventions. La mission attend du gouvernement qu'il assume son obligation de présenter des rapports et compte sur le Bureau pour fournir tous les conseils et toute l'assistance qui pourraient être nécessaires dans ce contexte. Cela permettra sans doute de clarifier toute une série de questions qui se posent maintenant en matière de normes internationales du travail et d'examiner les mesures qui pourraient être prises.

44. La mission voudrait notamment suggérer que les organes de contrôle compétents de l'OIT soient priés d'examiner, dans le contexte de chaque convention que le Nigéria a ratifiée, toutes les informations fournies jusqu'ici par le gouvernement, ainsi que celles contenues dans le présent rapport de la mission, et de présenter leurs commentaires dès que possible.

45. En ce qui concerne le cas no 1793, la mission pense que le Conseil d'administration souhaitera peut-être étudier à nouveau la suite qu'il convient de donner aux conclusions et recommandations antérieures du Comité de la liberté syndicale. Quant au cas no 1935, la mission a rappelé au gouvernement son obligation de fournir les informations demandées, afin que le Comité de la liberté syndicale puisse examiner cette plainte à sa prochaine session. Pour les deux cas, il est essentiel que le gouvernement complète et mette à jour les informations communiquées à la mission durant sa visite au Nigéria, en traitant en détail et en temps opportun tous les points qui n'ont pas encore été résolus, comme indiqué plus haut.

46. La mission n'aurait pas pu s'acquitter de son travail sans placer les questions dont elle a été chargée dans le contexte de changements considérables qui sont intervenus au Nigéria depuis juin de cette année. Ces changements ont pesé de manière déterminante sur l'application de divers instruments internationaux des droits de l'homme et sur le cours de la démocratisation dans le pays. Ce n'est pas par hasard que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques assimile la liberté syndicale telle qu'elle est énoncée dans la convention no 87 aux droits fondamentaux dont la jouissance est une caractéristique indispensable d'une société démocratique basée sur la primauté de droit. Pour l'OIT, cela doit être une source de satisfaction de savoir que la présente mission a fait partie d'un mouvement international reconnaissant et validant les changements. La mission note que les travaux de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et du Rapporteur spécial au Nigéria ne sont qu'un exemple parmi d'autres de l'importance accordée aux valeurs de la liberté syndicale de l'OIT. La tâche qui attend le gouvernement, dans la mesure où elle concerne le mandat de l'OIT, peut fort heureusement bénéficier de la coopération des organisations d'employeurs et de travailleurs. Ces organisations voient maintenant, à condition que l'orientation prise au cours des quatre derniers mois soit maintenue de bonne foi et que les mesures exposées plus haut soient appliquées systématiquement, s'ouvrir la perspective de pouvoir assumer leurs fonctions librement et d'exercer leurs droits conformément aux principes et normes de l'OIT.

47. Enfin, la mission voudrait exprimer sa profonde gratitude au directeur par intérim du bureau de zone de l'OIT à Lagos, M. Kombo, et à son personnel pour l'efficacité des arrangements pratiques pris pour le déroulement de la mission. La mission tient aussi à remercier M. Kombo ainsi que M. Touré, adjoint du directeur régional, pour la sagacité de leurs nombreuses suggestions.

Genève, le 16 octobre 1998


Annexe II

Liste des personnes rencontrées pendant la mission de contacts directs

I. Ministère du Travail et de la Productivité

D. Oyegun

C.E. Enabulele

B.S. Kondugh

C.O. Iwuozor

D.O. Oguocha

M.A.B. Atilola

P.E. Henry

O. Omo-Osagbe

I.M. Adesolu

 

II. Association consultative des employeurs du Nigéria

O. Osunkeye, président

F. Joel

M. Makoju, premier vice-président

Y. Olaleye

A.J. Etukudo, directeur général

P.O. Manuwa

S.O. Uku

S. Enang

E.A. Anaeme

E.A. Udoh

S.O. Oluwole

K. Okorho

C.O. Adesokan

C. Germani

Felix Dekami

A. Abibo

T.O. Aina

S.P. Asongo

S.A. Fabuyi

T.A. Abiodun

H.O. Aigbodion

M.I. Owoniyi

V.S. Odidi

J.E. Akioyamen

E.E. Inyang

L. Babalola

C.E. Okoh

V. Eburajolo

III. Réunion avec des représentants syndicaux

F. Kokori

Secrétaire général du NUPENG

M. Dabibi

Secrétaire général de la PENGASSAN

B.B. Anokwuru

Syndicat des employés de magasins et de la distribution (NUSDE)

A. Oshiomhole

Syndicat national des travailleurs des textiles, de l'habillement et des vêtements sur mesure

A.A. Ohindase
D. Uhumango

SESCAN

D.A. Adekola

Syndicat uni des employés des entreprises publiques, des services publics et des services techniques et des loisirs

P.E. Agbonkonkon

Syndicat uni des employés des entreprises publiques, des services publics et des services techniques et des loisirs

A.A. Salam

Syndicat des employés gouvernementaux locaux du Nigéria

N.E. Ekpe

Syndicat des employés de la radio, de la télévision et de l'industrie du spectacle

F.C. Chukwura

Syndicat national des employés de magasins et de la distribution

S. Iji

Cadres de l'alimentation des boissons et du tabac

R.A. Lawal
J. Ode Ajo

Syndicat national des employés des postes et télécommunications

I. Kaffoi

Association nationale du personnel infirmier et des sages-femmes du Nigéria

M.J.O. Ajero

Syndicat national des dactylographes, sténographes et personnel connexe de la fonction publique

G. Falade

Syndicat national des enseignants

D. Adodo

Association des cadres de la sidérurgie

I.O. Omotosho
J.B. Thompson

Syndicat national des retraités

K. Kadiri
M.O. Agbe-Davies

Syndicat des travailleurs de l'acier et des industries mécaniques

A.K.A. Motajo

Secrétaire général, Syndicat national des employés du transport aérien (NUATE)

S.O. Joshua

Syndicat des travailleurs médicaux et sanitaires du Nigéria

J. Akinlaja

Syndicat national des travailleurs du pétrole et du gaz naturel (NUPENG)

C.J.O. Onyenemene

Syndicat national des employés de l'alimentation, des boissons et du tabac

C.H. Okere

Syndicat des travailleurs des chemins de fer du Nigéria

E.R. Oke

Syndicat national des travailleurs de l'imprimerie, de l'édition et du papier


2. Voir 295e rapport, paragr. 567 à 614.

3. Voir 297e rapport, paragr. 5.

4. Voir 299e rapport, paragr. 8.

5. Voir 300e rapport, paragr. 245 à 271.

6. Voir 302e rapport, paragr. 67.

7. Voir 304e rapport, paragr. 13.

8. Voir 305e rapport, paragr. 70.

9. Voir 306e rapport, paragr. 45 à 47.

10. Voir 307e rapport, paragr. 33 à 35.

11. Voir 308e rapport, paragr. 53 à 55.

12. Voir 309e rapport, paragr. 9 et 27 à 29.

13. Ibid., paragr. 8.

14. Conférence internationale du Travail, 82e session, 1995, rapport III (partie 4A) pp. 192 à 193.

15. Conférence internationale du Travail, 82e session, 1995, Compte rendu des travaux, paragr. 141, p. 24/52, et pp. 24/92-95.

16. Conférence internationale du Travail, 83e session, 1996, rapport III (partie 4A), pp. 162-165.

17. Conférence internationale du Travail, 83e session, 1996, Compte rendu des travaux, paragr. 167, p. 14/52, et pp. 14/81-83.

18. Conférence internationale du Travail, 85e session, 1997, rapport III (partie 1A), pp. 195-196.

19. Conférence internationale du Travail, 85e session, 1997, Compte rendu des travaux, paragr. 169 et 173, pp. 19/59-61 et pp. 19/96-100.

20. Conférence internationale du Travail, 86e session, 1998, rapport III (partie 1A), pp. 193-196. La Commission de la Conférence n'a pas décidé d'examiner cette observation particulière de la commission d'experts à la 86e session de la Conférence en juin 1998.

21. Voir document GB. 271/18/5.

22. Voir document GB.272/7/1. Le Conseil d'administration a nommé M. Rajsoomer Lallah (Maurice) président, et Mme Janice Bellace (Etats-Unis) ainsi que M. John Wood (Royaume-Uni) membres de la commission d'enquête.

23. La SESCAN a été constituée parce que les organisations de cadres ne pouvaient plus s'affilier au NLC (ce dernier se composant uniquement de syndicats de «branche»).


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.