GB.272/4 |
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QUATRIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Rapport de la Réunion de haut niveau sur les réponses sociales
à la crise financière dans les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est
(Bangkok, 22-24 avril 1998)
1. La Réunion de haut niveau sur les réponses sociales à la crise financière dans les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est s'est tenue à Bangkok (Thaïlande) du 22 au 24 avril 1998, conformément à la décision prise par le Conseil d'administration lors de sa 271e session (mars 1998).
2. La réunion a rassemblé 37 participants dont la plupart provenaient des huit Etats et de la Région administrative spéciale qui ont été conviés. Parmi les participants figuraient 14 représentants gouvernementaux délégués par les ministères du Travail et les organismes chargés de la planification du développement, 11 représentants employeurs et 12 représentants travailleurs. Des représentants des trois institutions financières multilatérales (Banque asiatique de développement (BAD), Fonds monétaire international (FMI) et Banque mondiale) ont également participé à la réunion. Etaient également présents, en tant qu'observateurs, plusieurs représentants de trois organisations internationales d'employeurs et de travailleurs et de neuf organisations intergouvernementales, ainsi que de divers autres pays.
3. A l'unanimité, le Dr Zainol Abidin bin Abd Rashid, Secrétaire général du ministère des Ressources humaines de Malaisie, a été élu à la présidence de la réunion, et MM. Ashraf W. Tabani (employeur, Pakistan) et Rampak Zainal (travailleur, Malaisie) ont été élus vice-présidents. Les débats ont été précédés par les allocutions du Directeur général du BIT, M. Michel Hansenne, du Premier ministre de Thaïlande, S.E. M. Chuan Leekpai, ainsi que des représentants de la BAD, de la Banque mondiale et du FMI. Le discours de clôture a été prononcé par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale de Thaïlande, M. T. Suwankiri.
Séance d'ouverture
4. Dans son discours d'introduction, le Directeur général du BIT a relevé l'importance de cette réunion, organisée à un moment crucial de l'histoire économique et sociale de l'Asie. Le Directeur général a abordé deux questions décisives: comment remédier à la détresse causée par la crise financière et comment la nécessité de surmonter la crise pourrait être l'occasion de créer un modèle nouveau et plus adéquat de développement économique et social. Les événements récents ont montré de façon spectaculaire avec quelle puissance un choc économique important pouvait se traduire, à brève échéance, par une crise sociale majeure. Du point de vue social et, bien sûr, moral, il en résulte un nouvel argument de poids en faveur d'une plus grande stabilité du système financier international. Toutefois, le modèle économique après-crise recherché doit inévitablement passer par un renforcement des institutions démocratiques. L'organisation d'élections libres et régulières, la liberté d'expression et l'existence d'un débat public ouvert, la règle de droit et la responsabilité des élus sont, parmi les éléments de la démocratie, essentielles pour éviter toute distorsion néfaste des mécanismes du marché. La démocratie est également essentielle pour que le processus de développement soit plus équitable sur le plan social. Les droits sociaux et la protection sociale ont été relativement négligés au cours de la période de forte croissance qui a précédé la crise. Les progrès sociaux sont demeurés très en deçà des avancées économiques spectaculaires des décennies antérieures à la crise actuelle. Les progrès ont été faibles en ce qui concerne la création de dispositifs de protection sociale, le renforcement des droits fondamentaux des travailleurs et la promotion du partenariat social. Les conséquences malheureuses de ce modèle de développement déséquilibré sont à présent manifestes. L'insuffisance des organismes de protection sociale aggrave d'autant plus la détresse des populations touchées par la crise. De même, la faiblesse des institutions de partenariat social a constitué un lourd handicap à l'heure de rechercher des solutions équitables et harmonieuses pour surmonter la crise. Il ne fait aucun doute que le respect absolu des normes fondamentales du travail et le développement d'un mouvement syndical puissant et indépendant constituent des éléments clés pour remédier à cette déficience. Il sera ainsi possible d'améliorer les conditions de travail et les niveaux de protection sociale grâce à une pression démocratique constante. Ces quelques principes pourraient apporter une contribution inestimable pour atténuer la rigueur de l'ajustement structurel, affronter les crises économiques et sociales et accroître la productivité et la compétitivité. Le Directeur général s'est déclaré convaincu que cette réunion constituera un tournant dans la formulation d'un nouveau contrat social en Asie. A son avis, il ne fait pas le moindre doute que la croissance économique reprendra d'ici un an ou deux, mais il faut absolument que le nouveau modèle de croissance repose sur des bases sociales beaucoup plus solides que par le passé. L'OIT est prête à offrir son aide aux gouvernements et aux partenaires sociaux pour relever ce défi. De fait, il est heureux que l'Organisation ait lancé au préalable, dans le cadre de sa politique de partenariat actif, différents programmes touchant à nombre des problèmes qui requièrent aujourd'hui une attention prioritaire. Le BIT avait entamé dans chaque pays de la région Asie-Pacifique, notamment par l'intermédiaire de sa structure de terrain, des consultations intenses avec les mandants et les partenaires de l'OIT. Les programmes ordinaires de coopération avaient été adaptés en fonction du résultat de ces consultations. De plus, la coopération entre la BAD, le FMI, la Banque mondiale et l'OIT, qu'il conviendrait de rendre plus étroite, s'est révélée encourageante dans plusieurs cas. En ce qui concerne la crise asiatique en particulier, de nombreux avantages découleraient de l'instauration d'un dialogue social efficace et constructif, contribuant à la formulation des politiques générales en matière économique et sociale et de programmes spécifiques visant à atténuer les effets de la crise et à y remédier.
5. Dans son allocution d'ouverture, Son Excellence le Premier ministre de Thaïlande, M. Chuan Leekpai, a remercié l'OIT d'avoir organisé cette réunion opportune, puis a souligné l'importance de celle-ci au regard des conséquences sociales de la crise financière qui touche à présent la plus grande partie de l'Asie de l'Est et du Sud-Est. Bien que plusieurs signes encourageants de reprise se soient manifestés dans nombre des économies concernées, dont la Thaïlande, les effets de la crise ne se sont pas encore pleinement manifestés et l'on prévoit une augmentation du chômage et des pressions que devront subir les services sociaux. La crise a entravé les efforts entrepris pour lutter contre la pauvreté et pour fournir une meilleure protection sociale à tous les secteurs de la société, en particulier aux plus défavorisés. Le Premier ministre a souligné que le développement durable ne pouvait aller de pair avec les inégalités sociales et la détérioration du capital humain, et affirmé la nécessité d'accorder la même importance au développement économique et au développement social. L'une des grandes priorités du gouvernement thaïlandais a été la prévention et la réduction du chômage. Il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques du marché du travail et des programmes de création d'emplois de grande envergure -- c'est-à-dire centrées sur les informations fournies par le marché du travail, la formation, la création d'emplois et le recrutement, les salaires et la protection sociale, et les relations professionnelles -- si l'on veut répondre efficacement à la crise de l'emploi et parvenir à une situation durable de croissance économique et de justice sociale. Cependant, les mesures prises au plan national doivent être complétées par une coopération au niveau international. Il est nécessaire de trouver des moyens supplémentaires et novateurs pour relever ces défis. Dans la mesure où le capital humain constitue la première des ressources, il est nécessaire d'étudier de quelle manière les politiques économiques et commerciales se répercutent sur l'emploi, la productivité, le développement des ressources humaines et la sécurité sociale. Le Premier ministre a ajouté que la Thaïlande attache une grande importance à la coopération tripartite et s'est déclaré fermement convaincu que les organisations d'employeurs et de travailleurs, en tant que partenaires du gouvernement, ont un rôle essentiel à jouer dans la planification des projets nationaux de développement et pour soutenir ces derniers. Les organisations de travailleurs, tout en assurant la défense et la promotion des droits légitimes de leurs membres, devraient également œuvrer de concert avec les organisations d'employeurs pour améliorer la sécurité sur les lieux de travail et pour obtenir une protection adéquate. Cette coopération est nécessaire pour accroître la productivité, améliorer les relations entre les travailleurs et les employeurs et assurer une répartition plus équitable des revenus. Les gouvernements ont la responsabilité de faire en sorte que les lois et pratiques régissant les relations professionnelles renforcent l'efficacité économique et avantagent les travailleurs aussi bien que les employeurs. Sur ce point, il convient de reconnaître l'importance des normes internationales du travail, lesquelles sont d'autant plus pertinentes que la mondialisation et la libéralisation des marchés ne cessent de s'intensifier et peuvent servir de support aux stratégies nationales de développement. En guise de conclusion, le Premier ministre a lancé un appel aux participants afin qu'ils œuvrent de concert pour reconstruire les économies nationales, répondre aux besoins sociaux et assurer la répartition des nouvelles richesses susceptibles de découler de l'intégration accrue de l'économie mondiale et du progrès technique.
6. Le Dr K. F. Jalal, représentant de la BAD, a souligné la nécessité de renforcer les liens de partenariat entre les divers bailleurs de fonds présents à la réunion, puis a présenté les mesures d'aide adoptées en faveur de la Thaïlande, de la République de Corée et de l'Indonésie. Pour la Thaïlande, la BAD a approuvé un prêt de 500 millions de dollars des Etats-Unis destiné à atténuer les effets sociaux de la crise. Il s'agit du prêt le plus important jamais consenti par la BAD dans le domaine social. Ce programme comprend trois subventions d'assistance technique d'une valeur totale de 2,1 millions de dollars. L'assistance technique est destinée à aider le gouvernement à maîtriser et à évaluer les incidences sociales de la crise, y compris en ce qui concerne le sort des femmes, des minorités ethniques et des pauvres. Un programme d'intervention sociale du même type est sur le point d'être approuvé en faveur de l'Indonésie. Afin de compléter ces mesures destinées à la Thaïlande et à l'Indonésie, la BAD a en outre approuvé plusieurs programmes régionaux d'assistance technique destinés à contribuer à la réalisation d'une évaluation de la crise au niveau régional, ainsi que pour permettre des échanges de vues et pour mettre au point, avec succès, diverses modalités de coopération et de partenariat. La BAD a récemment modifié plusieurs de ses politiques et stratégies afin de répondre aux problèmes sociaux et écologiques qui se posent dans le cadre du processus de développement, et fixé les objectifs à moyen terme de ses prêts destinés au social et à l'environnemental. Au cours de la semaine qui a précédé la présente réunion, le conseil d'administration de la BAD a approuvé la mise en œuvre de deux nouvelles politiques, qui concernent, respectivement, la coopération avec les organisations non gouvernementales et les peuples indigènes. L'orateur a ensuite attiré l'attention sur deux problèmes dont il serait nécessaire de débattre durant la réunion. Premièrement, il est difficile de rassembler les informations adéquates concernant les personnes touchées par la crise, même si ces informations sont essentielles pour déterminer les secteurs les plus durement atteints, pour orienter les mesures palliatives là où elles sont le plus nécessaires et pour en évaluer les résultats. Deuxièmement, le programme de prêts destiné à la Thaïlande a suscité plusieurs questions concernant le monde du travail, questions qui ont donné lieu à un débat au cours duquel la BAD a constaté qu'il était nécessaire de consulter effectivement les groupes représentant les travailleurs touchés par la crise. Or la plupart des travailleurs ne sont représentés par aucune organisation. Le programme de prêts destiné à la Thaïlande implique l'amélioration des consultations tripartites concernant les politiques dans le domaine du travail. La BAD s'est engagée en faveur de ces améliorations, qui doivent être mises en œuvre par le gouvernement avec l'aide de l'OIT. Le renforcement des liens entre les bailleurs de fonds est nécessaire pour relever ces défis. Lorsque les travailleurs sont insuffisamment représentés par des organisations officielles, l'information et les débats publics sont nécessaires pour accélérer la prise de conscience vis-à-vis des problèmes les plus importants, des politiques gouvernementales pertinentes ainsi que du rôle et des responsabilités incombant à la société civile, afin de créer des liens de partenariat efficaces. Enfin, l'orateur a souligné l'importance d'une mise en œuvre optimale des aides financières octroyées par la BAD et les autres organisations au moyen de l'engagement, dans chaque pays, de l'ensemble des bailleurs de fonds, y compris les secteurs public et privé, les ONG et les communautés locales. Les initiatives en matière d'intervention sociale rendent également nécessaires un contrôle par la base, ainsi qu'une information et un débat publics pour favoriser la prise de conscience et améliorer la maîtrise des principaux enjeux, et ce compte tenu des impératifs de la protection de l'environnement.
7. La représentante de la Banque mondiale, Mme K. Marshall, s'est félicitée de ce que cette réunion soit centrée sur l'importante dimension humaine de la crise en Asie de l'Est et a appelé les participants à définir des mesures efficaces pour aider l'Asie à retrouver le chemin du développement social et économique. Les progrès accomplis pour réduire la pauvreté et pour constituer un capital humain, notamment en matière d'éducation et de santé, sont les véritables éléments du «miracle asiatique», dont personne ne peut accepter la disparition. La présente réunion pourrait prendre une importance particulière à différents égards. D'une part, elle peut faire avancer les recherches communes en vue de mieux comprendre les questions les plus décisives et de trouver des solutions aux problèmes les plus urgents. La montée du chômage constitue le défi le plus remarquable. Etant donné la dimension considérable de ce problème et son aggravation probable dans un avenir proche, il devient particulièrement important de diriger l'aide vers ceux qui en ont le plus besoin. La Banque mondiale estime également nécessaire de préserver, en priorité, les services publics essentiels, notamment l'éducation et la santé, d'éviter les restrictions budgétaires et de résoudre certains problèmes urgents, tels que la hausse des prix des médicaments de première nécessité et la baisse de la fréquentation des écoles. La Banque mondiale reconnaît en outre la nécessité de répondre aux besoins essentiels des populations, notamment pour assurer l'approvisionnement alimentaire et le fonctionnement des services publics minima. D'autre part, la présente réunion peut aussi -- ce qui est tout aussi important -- contribuer à renforcer les liens de partenariat entre les différents acteurs, car elle leur donne l'occasion de rechercher la manière dont leurs actions pourraient se compléter et de cerner de nouveaux domaines de coopération. L'Asie affronte une crise qui requiert des mesures urgentes et immédiates. La Banque mondiale a mis en œuvre des ressources extraordinaires à cet effet. Elle a également émis le souhait que des idées nouvelles et des mesures novatrices soient inscrites, à moyen et long terme, à l'ordre du jour des politiques sociales. Un nouvel élan est nécessaire pour aborder les questions de la protection sociale et du développement social. La Banque mondiale espère œuvrer de concert avec l'OIT et d'autres partenaires dans ces divers domaines.
8. Le représentant du FMI, M. K. Saito, a rappelé l'excellence des résultats économiques des pays asiatiques jusqu'au milieu de l'année dernière et la sévérité de la crise qui les a touchés depuis. Bien que le soutien du FMI ait permis un certain redressement, en particulier dans la République de Corée et en Thaïlande, ces deux pays subissent toujours les effets de la crise, de même que les autres Etats de la région, et les populations continuent d'en souffrir. La nécessité d'un dialogue, sous différentes formes, est évidente aussi bien au niveau national qu'au niveau international. Le FMI espère poursuivre, avec l'OIT et d'autres organisations actives dans le monde du travail, ses échanges de vues sur les réponses sociales à la crise financière, ainsi que sur les mesures nécessaires à cet égard.
Exposés généraux
9. Le porte-parole du groupe des travailleurs, M. Zainal Rampak, a déclaré en guise d'introduction que l'Asie se trouve à la croisée des chemins. L'orateur perçoit, d'une part, une grave menace de désordre social ainsi qu'un nouveau cycle de récession économique et, d'autre part, une nouvelle voie difficile, consistant à conjuguer la paix sociale et les rigueurs de la mondialisation. Les imperfections du système financier international ne constituent qu'une partie du problème. La profondeur et l'étendue de la crise révèlent aussi une crise de confiance vis-à-vis des institutions et des lois qui régissent les marchés de la région. Les statistiques relatives à l'emploi et aux questions sociales ne rendent pas compte d'une manière satisfaisante des conséquences de la crise. Dans son rapport technique, l'OIT a réussi à présenter les informations disponibles sous la forme d'un tableau inquiétant de l'accroissement brutal de la pauvreté et du chômage. Des millions d'hommes et de femmes qui espéraient avoir gravi les premiers échelons de la prospérité ont perdu pied et se sont retrouvés sans aucun filet de protection pour leur éviter de retomber dans la pauvreté. La situation critique des travailleurs migrants constitue peut-être l'élément le plus explosif d'une «bombe sociale à retardement». Les problèmes que connaissent les travailleuses sont les plus difficiles à déceler au moyen des statistiques, mais leur gravité n'en est pas moindre. En effet, les femmes détiennent des emplois plus instables et sont moins organisées. Elles sont considérées par les employeurs comme des sources «secondaires» de revenus pour leur ménage et sont les premières à être licenciées, elles touchent des salaires plus faibles et des primes moins élevées, sont moins qualifiées et ont souvent des difficultés à trouver des places de formation. Les sept économies les plus touchées de la région comptent plus de 6,7 millions de travailleurs étrangers qui constituent un groupe hautement vulnérable. Les risques d'une aggravation des tensions sont présents, notamment en Thaïlande, en Malaisie et à Singapour, car de nombreux travailleurs migrants clandestins et sans emploi se trouvent sur place ou continuent d'affluer, et ne sont pas disposés à retourner de leur plein gré dans leur pays d'origine. En ce qui concerne la protection sociale, la République de Corée est le seul, parmi les pays durement touchés par la crise, qui dispose d'un régime d'assurance chômage. D'autres pays disposent de fonds de prévoyance, mais les rendements en sont faibles et la couverture insuffisante. La couverture garantie par les assurances santé est très limitée et prend fin, d'ordinaire, en même temps que l'emploi. Bien qu'il souhaite engager un débat sur les causes de la crise financière et la nécessité d'une nouvelle architecture du système financier international, le groupe des travailleurs se contente d'émettre les propositions suivantes: i) création d'une commission internationale chargée d'étudier les causes de la crise et de formuler des recommandations en vue d'une réforme destinée à limiter les dangers de la spéculation à grande échelle et à discipliner davantage les marchés financiers; ii) réduction substantielle et sans retard des taux d'intérêt dans toute la région, et renforcement des budgets à caractère social; iii) action coordonnée des principales puissances économiques membres du G-7 pour stimuler la croissance, en particulier au Japon. Dans le cadre de cette réunion, le groupe des travailleurs a pour principal objectif d'obtenir un accord sur la manière de renforcer et d'amplifier les réponses à la crise, qui ont été peu importantes jusqu'à présent. Le rapport technique de l'OIT a souligné les points suivants: importance des accords tripartites de haut niveau pour définir le cadre d'un dialogue permanent et pour établir l'ordre du jour des actions prioritaires; importance du développement des débats au niveau des entreprises et de la diffusion des informations sur les moyens de renforcer la sécurité de l'emploi par une augmentation de la productivité; nécessité de renforcer les budgets à caractère social pour garantir un revenu aux personnes sans emploi, aussi bien au moyen des systèmes d'assurance et d'aide sociale que par des travaux publics nécessitant l'emploi d'une main-d'œuvre nombreuse; garantie d'une indemnité minimum de licenciement; protection des droits des travailleurs migrants; adoption d'une législation garantissant le respect de la liberté syndicale. Le groupe des travailleurs a particulièrement apprécié les déclarations énergiques selon lesquelles les gouvernements doivent se conformer aux recommandations du Comité de la liberté syndicale concernant un certain nombre d'abus graves et persistants commis à l'encontre des droits des travailleurs dans la région. Les éléments clés du rapport technique qui, selon le groupe des travailleurs, pourraient constituer la base des conclusions de la présente réunion sont les suivants: a) appel énergique aux gouvernements et aux institutions financières internationales pour qu'ils renforcent, dans le cadre des programmes actuels de stabilisation et de réforme, les éléments d'une politique de relance, tels qu'une réduction prochaine des taux d'intérêt, un assouplissement des politiques budgétaires restrictives et l'introduction rapide de réformes fondamentales dans le domaine financier, fondées sur les principes de transparence, de responsabilité et de participation, au niveau national comme au niveau international; b) campagne de promotion, à l'échelle de la région, sur les normes du travail fondamentales, notamment en ce qui concerne le renforcement des droits syndicaux et des institutions tripartites; c) participation des syndicats à l'élaboration des plans de restructuration des entreprises afin d'améliorer la sécurité de l'emploi, de garantir une compensation aux travailleurs licenciés et de renforcer la coopération vis-à-vis des mesures destinées à augmenter la productivité; d) développement de la formation des personnes sans emploi; e) développement des systèmes de sécurité sociale, centré en particulier sur l'extension de la couverture des prestations destinées aux chômeurs; f) programmes de création d'emplois et autres formes de protection sociale destinées aux chômeurs, notamment à l'intention des catégories les plus vulnérables telles que les travailleurs migrants, les femmes et les jeunes. Il serait impensable qu'une réunion tripartite de haut niveau se sépare sans avoir lancé un appel énergique en faveur d'un soutien international au dialogue social, afin qu'un consensus soit dégagé pour définir un programme social exhaustif de réformes institutionnelles et de développement et pour en assurer le démarrage dans le secteur financier. Une aggravation de la crise sociale rendrait à coup sûr plus fragiles encore les programmes que les gouvernements ont adoptés en accord avec le FMI.
10. Le porte-parole du groupe des employeurs, M. A.W. Tabani, a insisté sur la nécessité d'accorder la même importance au développement économique et au développement social. Les emplois, les revenus, l'existence de régimes de sécurité sociale complets et de filets de protection sociale dépendent de la réussite et de la compétitivité des entreprises. Le groupe des employeurs espère que les gouvernements reconnaissent cette réalité et agissent en conséquence, car les politiques qu'ils ont adoptées doivent être centrées sur les conditions permettant la réussite des entreprises au sein d'une économie de marché ouverte et concurrentielle. L'Organisation doit mettre au point une méthode pour assurer une réponse rapide lorsque les Etats Membres se trouvent dans une situation semblable à celle que connaît aujourd'hui l'Asie de l'Est et du Sud-Est. L'OIT doit être présente et soutenir ses Membres lorsqu'ils traversent une période douloureuse d'ajustement, et doit fournir l'aide nécessaire pour en atténuer les conséquences négatives du point de vue social. A cet effet, l'OIT doit agir en étroite coopération avec l'ensemble des autres institutions multilatérales, notamment les institutions financières, qui tentent de venir en aide aux pays concernés et, dans le cadre de cette coopération, faire pleinement usage de son organisation tripartite. Le rapport technique de l'OIT, que l'orateur considère comme un document excellent et bien rédigé, présente la situation de tous les pays concernés en termes généraux mais n'entre dans les détails que pour trois pays: l'Indonésie, la République de Corée et la Thaïlande. Le rapport technique ne parle pas des effets défavorables de la crise sur les petites et moyennes entreprises, ni sur les entreprises en général, et ne mentionne pas davantage certaines des recommandations formulées par la Réunion régionale asienne concernant les entreprises et les politiques relatives au marché du travail. Le groupe des employeurs relève que le rapport technique insiste d'une manière inhabituelle sur les programmes de travaux publics. De tels programmes peuvent être utiles dans la mesure où ils permettent d'améliorer les infrastructures favorisant le développement des entreprises, mais ne constituent qu'une solution provisoire aux problèmes d'emploi. A plus long terme, les mesures stratégiques visant à créer des emplois durables et à développer les économies nationales doivent tendre vers la création d'un environnement favorable à la compétitivité et aux investissements dans les activités économiques relevant du secteur privé. L'orateur approuve l'indication dans le rapport qu'il est nécessaire, pour créer un environnement favorable au développement des entreprises, de garantir la transparence des administrations et des marchés financiers, ainsi que la démocratie et le respect des droits de l'homme; toutefois, il est également essentiel d'abolir les réglementations excessives, d'assurer la flexibilité des marchés du travail et d'adopter des politiques favorisant les restructurations au sein des entreprises et les bonnes relations entre les travailleurs et les employeurs. Au cours de son allocution, le Directeur général du BIT a rappelé devant la réunion à quel point l'OIT a œuvré en étroite coopération avec les autres institutions multilatérales qui tentent de venir en aide aux pays concernés; néanmoins, l'OIT doit maintenir un dialogue plus étroit avec lesdites institutions et apporter son aide auxdits pays afin de compléter l'ensemble des réponses sociales à la crise. La mise en œuvre des réformes serait plus facile si les différentes institutions financières concernées décidaient d'incorporer à leur politique la consultation automatique des partenaires sociaux au niveau national au moment de négocier les conditions de leur aide financière. En fait, il importe d'obtenir le consensus des acteurs sociaux sur l'orientation du processus de développement afin que les mesures prises soient durables, et des consultations de ce type devraient également avoir lieu dans les autres pays d'Asie. Il revient à la présente réunion de saisir cette chance pour définir les moyens par lesquels l'OIT peut se rendre utile dans le contexte de la crise actuelle. Il conviendrait que la réunion porte une attention particulière aux questions suivantes: a) appui aux initiatives politiques favorisant le développement des entreprises; b) consultations tripartites efficaces et significatives, en particulier au niveau national; c) renforcement des partenaires sociaux et du dialogue bipartite; d) relations professionnelles, notamment au niveau du lieu de travail; e) augmentation de la productivité, condition sine qua non pour que les entreprises soient compétitives dans les échanges internationaux; f) formation et mise en valeur des ressources humaines; g) politiques actives du marché du travail afin de favoriser la restructuration des entreprises; h) sécurité sociale et filets de protection sociale.
Exposés des représentants gouvernementaux
11. Ainsi que les orateurs l'ont mis en évidence, la crise financière asiatique a frappé tous les pays et régions conviés à la réunion, quoique plus ou moins fortement selon les cas. L'Indonésie, la République de Corée et la Thaïlande ont été les pays les plus touchés, tandis que la Chine, les Philippines, Singapour, le Viet Nam et Hong-kong, Chine, ont été plus faiblement atteints. Le représentant du gouvernement du Viet Nam déplore un fléchissement des investissements étrangers directs et des exportations. Le représentant du gouvernement de la Chine prévoit également une brusque diminution des exportations et une baisse de la croissance pour 1998. Le représentant de Hong-kong, Chine, note que les prévisions en matière de croissance et d'emploi révèlent une détérioration. Dans toute la région, les conséquences sociales de la crise se manifestent avant tout par des suppressions d'emplois, par des licenciements et par l'accroissement de la pauvreté. Un représentant du gouvernement de la République de Corée relève l'augmentation brutale du chômage, dont le taux devrait continuer d'osciller autour de 5 pour cent au cours des prochaines années. Le gouvernement de la Thaïlande prévoit que le nombre des chômeurs atteindra le cap des 2 millions en 1998. Le représentant du gouvernement des Philippines indique que le marché du travail compte aussi bien des gagnants que des perdants, selon la marche des affaires dans le secteur économique concerné. Le représentant du gouvernement de l'Indonésie souligne l'accroissement brutal de la pauvreté et des inégalités dans son pays, ainsi que l'indique le rapport technique de l'OIT.
12. Les gouvernements présentent les mesures qu'ils ont prises pour faire face à la crise. Parmi les mesures les plus largement adoptées figurent les programmes de réformes économiques et d'ajustements entrepris avec l'aide du FMI, les mesures de soutien et de promotion destinées aux entreprises, l'aide directe en faveur des travailleurs privés de leur emploi, l'amplification des filets de sécurité, la protection sociale et la promotion des consultations tripartites. Le représentant du gouvernement de l'Indonésie a indiqué que celui-ci appliquait le programme macroéconomique recommandé par le FMI. Aux Philippines, le gouvernement a instauré une discipline fiscale et monétaire rigoureuse. Pour affronter la brusque montée du chômage, le gouvernement de la République de Corée verse des allocations aux chômeurs et, dans le cadre de son système d'assurance chômage, met en œuvre des mesures actives visant le marché du travail. Conscient du fait que les programmes actifs de promotion de l'emploi risquent de retarder l'ajustement structurel, le gouvernement tente de trouver un équilibre entre la nécessité de contenir le chômage et la mise en œuvre de réformes structurelles. Le gouvernement de la Thaïlande a adopté un plan d'action visant à créer un million d'emplois au cours de l'année 1998. Pour faire face au ralentissement de l'économie, le gouvernement du Viet Nam a entrepris de créer des conditions plus favorables aux investissements étrangers et de mettre en œuvre une série de programmes nationaux dans les domaines suivants: lutte contre la pauvreté, création d'emplois, restructuration des entreprises appartenant à l'Etat, formation professionnelle et protection sociale. L'aide aux entreprises, en particulier aux PME, constitue une politique fréquemment adoptée. Le représentant de Hong-kong, Chine, a souligné les nombreuses mesures de relance adoptées par le gouvernement pour favoriser les investissements des entreprises, au moyen d'abattements fiscaux, de systèmes de garanties en matière de crédits, de la préparation aux affaires, etc. Plusieurs gouvernements ont fait mention des programmes d'aide directe en faveur des travailleurs ayant perdu leur emploi. Aux Philippines, le ministère du Travail et de l'Emploi a adopté, tout récemment, une série de mesures comprenant le contrôle, la liaison et la prévention des pertes d'emplois. Le représentant du gouvernement de la Malaisie a énoncé les mesures prises en faveur des travailleurs licenciés: création de systèmes d'enregistrement et de contrôle, institution d'un comité tripartite, versement d'indemnités de licenciement, recherche de solutions alternatives au licenciement, services de conseil et augmentation des fonds destinés à la formation. Le gouvernement de Singapour a institué un comité tripartite chargé d'étudier les différents moyens d'aider les travailleurs licenciés à retrouver un emploi dans les secteurs à forte croissance, par le biais d'une reconversion et d'une meilleure information concernant les emplois vacants. En particulier, le gouvernement a octroyé des fonds à un programme de revalorisation proposé par les syndicats.
13. La question des travailleurs migrants étrangers a également retenu l'attention. Le représentant du gouvernement de la Malaisie a indiqué que son gouvernement avait adopté plusieurs mesures au vu du ralentissement économique: rapatriement des travailleurs sans papiers et redéploiement, vers d'autres secteurs de l'économie nationale, des travailleurs étrangers ayant été licenciés mais toujours titulaires d'un permis de travail valide.
14. Plusieurs gouvernements ont signalé que nombre d'entreprises ont mis en œuvre des programmes de restructuration et d'ajustement comportant des implications en matière de relations professionnelles. Le représentant gouvernemental des Philippines indique que, depuis le milieu de l'année 1997, les conflits du travail ont été liés aux faillites, aux fermetures temporaires, aux licenciements et à la sous-traitance du travail. D'habitude, les entreprises ont pris des mesures de réduction des coûts avant de procéder aux licenciements proprement dits. Plusieurs gouvernements ont évoqué la nécessité, pour résoudre les problèmes liés à la crise actuelle, d'une approche bipartite au niveau de l'entreprise aussi bien que d'une approche tripartite. Le représentant gouvernemental de l'Indonésie a souligné l'importance du maintien de la stabilité des relations professionnelles.
15. Les gouvernements ont attiré l'attention sur les différents mécanismes de protection sociale mis en place pour aider les personnes gravement touchées par la crise. Il s'agit là d'un sujet important au vu de l'insuffisance de l'assurance chômage dans bon nombre de pays. Le représentant gouvernemental de Hong-kong, Chine, a cité le Fonds pour la protection des salaires en cas d'insolvabilité, qui fournit une aide financière aux travailleurs lorsqu'une faillite se produit, ainsi que le régime intégré de sécurité sociale, qui vient en aide aux personnes sans emploi dont la situation financière est difficile. De fréquentes références ont été faites au rôle des filets de sécurité. Parmi d'autres mesures figurent la mise en œuvre et l'accélération des grands travaux publics. Le représentant du gouvernement de Hong-kong, Chine, mentionne les importants investissements réalisés en matière de logements sociaux et d'infrastructures pour stimuler l'emploi. Le représentant gouvernemental de l'Indonésie souligne le rôle des travaux à forte intensité de main-d'œuvre pour garantir l'emploi et le revenu des travailleurs, aussi bien grâce aux travaux d'infrastructure que grâce aux emplois indépendants générateurs de revenus. Le représentant du gouvernement de la Malaisie cite un certain nombre de mesures adoptées pour atténuer les effets de la crise sur les groupes vulnérables et à faible revenu. Des budgets plus importants ont été alloués aux programmes de microcrédit, aux services de santé, à l'équipement rural et aux programmes de formation. Le gouvernement de la Thaïlande a pris des mesures pour élever le plafond des indemnités de licenciement, afin de prolonger la période durant laquelle les travailleurs licenciés continuent d'être couverts par l'assurance maladie. Les aides à l'éducation ont été augmentées pour permettre aux étudiants économiquement défavorisés d'achever leurs études.
16. La crise a souligné la nécessité des approches tripartites pour résoudre les problèmes relatifs à l'emploi et au travail. L'observateur du gouvernement du Japon a souligné que le tripartisme constitue le meilleur moyen de définir les priorités dans le cadre des programmes de lutte contre la crise. Le représentant gouvernemental des Philippines a mentionné l'Accord social pour l'harmonie et la stabilité du travail, en cours d'élaboration. Aux termes de cet accord, syndicats et patronat s'engagent à éviter, autant que possible, le recours aux grèves et aux licenciements. Le ministère du Travail et de l'Emploi a également mis en place des accords sociaux au niveau régional. Le représentant du gouvernement de Singapour a souligné l'importance que son pays accorde à l'engagement et à la participation tripartites. En République de Corée, un accord tripartite a créé les conditions devant permettre de surmonter la crise et d'en répartir équitablement les coûts entre les partenaires sociaux. Le gouvernement entend maintenir et renforcer la commission tripartite qui a joué un rôle important dans l'élaboration des politiques.
Exposés des représentants travailleurs
17. Bien que les causes de la crise financière soient encore l'objet d'un débat, de nombreux représentants travailleurs ont insisté sur le fait que les personnes les plus durement touchées par la crise sont celles appartenant aux groupes socialement défavorisés. Le représentant travailleur du Japon a déclaré que les travailleurs non qualifiés, les femmes et les travailleurs migrants souffraient particulièrement des effets de la crise. L'observateur de l'organisation régionale de la CISL pour l'Asie et le Pacifique a fait entendre que la crise économique actuelle, qui résulte de la crise financière, constitue la pire calamité subie par l'Asie de l'Est et du Sud-Est depuis la seconde guerre mondiale, avant d'ajouter que le nombre des chômeurs dans la région, exception faite du Japon et de la Chine, dépasse les 20 millions. Le représentant travailleur de Hong-kong, Chine, a déclaré que, même si Hong-kong est moins gravement touché par la crise que d'autres régions d'Asie, le taux de chômage masque une partie de la réalité, étant donné que de nombreux demandeurs d'emploi, en majorité des femmes, ont renoncé à chercher du travail. L'orateur a insisté sur le caractère douloureux du chômage à Hong-kong, Chine. Le représentant travailleur de l'Indonésie a souligné la situation critique de son pays en déclarant que celui-ci comptait, en 1997, 7 millions de chômeurs. Selon les prévisions, le chômage devrait atteindre environ 13,5 millions de personnes en 1998 en raison des licenciements, des restructurations d'entreprises, des fusions bancaires et de l'arrivée de nouveaux demandeurs d'emploi sur le marché du travail. Un représentant travailleur de la République de Corée (FKTU) a évoqué l'insécurité grandissante des emplois suite à la crise économique que traverse son pays, notamment en ce qui concerne les femmes, les travailleurs des petites entreprises et les travailleurs manuels les moins qualifiés.
18. De nombreux représentants travailleurs ont prié instamment leurs gouvernements de prendre les mesures qui s'imposent pour faire face aux conséquences de la crise financière. Le représentant travailleur du Japon presse le gouvernement de son pays de fournir une aide financière et humanitaire aux pays concernés, tout en adoptant une politique active de croissance pour stimuler la reprise de l'économie japonaise. Un représentant travailleur de la République de Corée (FKTU) a lancé un appel aux gouvernements pour qu'ils prennent des mesures pour accélérer la restructuration industrielle rendue nécessaire par la crise économique et pour que les syndicats participent au processus de restructuration. L'orateur a fait entendre qu'à long terme la stabilité et la justice sociales dépendent de la garantie des droits internationalement reconnus aux travailleurs et aux syndicats, en particulier la liberté syndicale, avant de souligner que des programmes de formation de reconversion devraient être créés à l'intention des travailleurs licenciés.
19. La nécessité de développer, dans chaque pays, des systèmes efficaces de dialogue social a été un thème récurrent des interventions des représentants travailleurs. Le représentant travailleur du Japon a déclaré que la crise financière avait souligné le manque de protection sociale dans de nombreux pays, avant d'indiquer la nécessité d'un dialogue effectif, fondé sur le respect total des droits de l'homme et des droits syndicaux, pour assurer au mieux cette protection. Le représentant travailleur de Hong-kong, Chine, a déclaré que le dialogue social entre travailleurs et employeurs était presque inexistant jusqu'à ce que les travailleurs commencent à subir des licenciements.
20. De nombreux représentants travailleurs considèrent le manque de protection sociale dans les pays les plus touchés par la crise comme une menace pour les conditions de vie des groupes sociaux les plus vulnérables. L'observateur de l'organisation régionale de la CISL pour l'Asie et le Pacifique a fait entendre que des systèmes d'allocation chômage devraient être créés immédiatement pour amortir certains effets négatifs du chômage. Le représentant travailleur de Hong-kong, Chine, a souligné également la nécessité des mesures de protection sociale, y compris des assurances chômage et d'un régime de retraite. La représentante des travailleurs des Philippines a eu le sentiment que les femmes constituent l'un des groupes les plus touchés par la crise financière. La représentante a indiqué que les femmes détiennent les emplois les plus précaires et les moins rémunérés et que, souvent, ces formes d'emploi ne bénéficient pas de la protection assurée par la loi, la négociation collective et la sécurité sociale. Le représentant travailleur du Japon considère que les insuffisances du dialogue social constituent l'une des raisons les plus importantes de ce problème.
21. Plusieurs représentants travailleurs ont souligné le lien entre l'efficacité du dialogue social et les normes du travail fondamentales. En outre, le représentant travailleur de la Thaïlande a relevé l'importance du tripartisme pour traiter les problèmes sociaux de son pays et a proposé, à cet effet, un certain nombre de mesures destinées à en assurer la promotion. L'orateur a appelé le gouvernement à adopter une politique de partenariat social et de participation, à créer le cadre juridique nécessaire à cet effet, à garantir la liberté d'association des travailleurs et à instituer un mécanisme pour promouvoir le tripartisme. Le même orateur a prié instamment le gouvernement de ratifier la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, avant d'appeler les institutions financières internationales à tenir compte de ces propositions au moment d'adopter des mesures d'aide financière pour la Thaïlande.
Exposés des représentants employeurs
22. Plusieurs représentants employeurs ont relevé que les entreprises doivent trouver des solutions pour survivre à la crise financière par leurs propres moyens. Le représentant employeur de la République de Corée a déclaré que les employeurs de son pays apportent leur aide au gouvernement pour atténuer les conséquences sociales de la montée du chômage et ont accepté de verser des contributions plus élevées à l'assurance chômage. Les entreprises coréennes sont disposées à aider les travailleurs privés de leur emploi à retrouver un emploi au plus tôt en mettant à leur disposition des cours de recyclage, en améliorant l'information relative au marché de l'emploi et en fournissant une aide financière. De même, le représentant employeur de l'Indonésie a déclaré que le principal souci de son pays est d'assurer la viabilité des entreprises, et que celles-ci s'attachent à éviter les licenciements ou à en limiter le nombre. Le représentant employeur de l'Australie a demandé que des mesures soient prises pour combattre le chômage de longue durée et pour promouvoir la réembauche des travailleurs licenciés. Relevant que la création d'emplois dépend essentiellement du secteur privé, l'orateur a préconisé la précaution vis-à-vis des mesures visant à créer des emplois au moyen des politiques de travaux publics à forte intensité de main-d'œuvre, lesquelles ne constituent pas une solution durable et coûtent parfois davantage qu'elles ne rapportent. L'orateur a vivement souhaité que les organisations d'employeurs participent davantage à l'élaboration des politiques économiques, afin d'assurer la viabilité des entreprises et de faire en sorte que le développement économique s'accompagne du plus grand nombre d'emplois possible. L'observateur employeur du Bangladesh a demandé que les ONG participent à l'exécution des programmes d'aide à la réintégration des travailleurs migrants dans leur pays d'origine et préconisé la création de mécanismes tripartites pour contrôler ces programmes.
23. De nombreux représentants employeurs ont insisté sur la nécessité de renforcer le dialogue entre les partenaires sociaux. Le représentant employeur du Japon a indiqué que cela leur permettrait d'œuvrer ensemble à rétablir la compétitivité des pays d'Asie au plan international, tout en maintenant la stabilité sociale. Il a demandé à l'OIT d'accorder une plus grande importance au renforcement des organisations d'employeurs, en tant que condition préalable à une plus grande efficacité des relations professionnelles. Le représentant employeur de la République de Corée a souligné les résultats obtenus par une commission tripartite nationale dont l'activité a permis la conclusion d'un accord social en mars 1998. Cet accord vise la flexibilité du marché du travail et la promotion des droits des travailleurs. De même, le représentant employeur des Philippines a déclaré que la conclusion d'un accord social entre l'organisation des employeurs et les principales fédérations syndicales avait apaisé les tensions entre travailleurs et employeurs et limité le nombre des licenciements. Le représentant employeur de Hong-kong, Chine, a exprimé son profond désaccord vis-à-vis de nombre des objections formulées par le représentant des travailleurs lors de son intervention. Le représentant employeur a signalé en particulier que la Région administrative spéciale de Hong-kong (RASHK) a adopté la norme fixée par l'OIT pour définir le chômage. La région a également mis en place un filet de protection solide, dont fait partie le régime intégré de sécurité sociale. Le dialogue social est permanent, comme le montre le rôle actif joué par le Bureau consultatif du travail. La RASHK, qui a récemment adopté divers instruments législatifs, fait preuve de fermeté lorsqu'il s'agit d'éliminer les discriminations en matière d'emploi, notamment en ce qui concerne les femmes et les personnes handicapées.
24. Tout en accueillant favorablement le rapport technique de l'OIT, le représentant employeur de l'Australie a toutefois signalé que certains des concepts qui y figurent sont, en pratique, dépourvus de sens -- tel est le cas, par exemple, des notions de «restructuration socialement sensible» et de «privatisation par consensus». L'orateur demande qu'une plus grande importance soit accordée à la promotion de l'emploi au moyen de politiques judicieuses de développement des entreprises, d'investissements dans le capital humain et de mesures destinées à promouvoir un environnement assurant la compétitivité durable des entreprises dans une économie mondiale en mutation rapide, ainsi qu'à travers de nouvelles possibilités d'emploi et une plus grande flexibilité du marché du travail. L'orateur a souligné également la nécessité d'améliorer la protection sociale; de nombreux pays ont un long chemin à parcourir à cet égard, mais il est nécessaire de faire le premier pas. Enfin, le représentant employeur de l'Australie a relevé l'importance de la protection des revenus pour soutenir la demande effective et pour éviter ainsi que les économies ne s'effondrent comme elles risquent de le faire en l'absence d'une telle protection. L'observateur employeur du Bangladesh a lancé un appel pour que le projet de recommandation de l'OIT sur la création d'emplois, qui doit être discuté lors de la Conférence du mois de juin, reçoive un large soutien.
Appels en faveur d'une action de l'OIT
25. Plusieurs représentants gouvernementaux ont souligné la nécessité d'un rôle plus important de l'OIT pour ce qui est d'aider les pays à affronter la crise. L'observateur du ministère du Travail du Japon a signalé que les propositions figurant dans le rapport technique de l'OIT ont un caractère très général et qu'il est nécessaire de fixer des priorités au moyen des consultations tripartites au niveau national. L'observateur a fait entendre que la structure des équipes multidisciplinaires de l'OIT constitue un cadre approprié pour réaliser des analyses plus approfondies et spécifiques aux pays concernés, ainsi que pour identifier les priorités en vue de l'élaboration des programmes d'action. Le représentant gouvernemental de l'Indonésie prévoit que l'aide de l'OIT concernera les quatre domaines suivants: politiques de création d'emplois, promotion de l'esprit d'entreprise parmi les indépendants et les petites entreprises, politiques de lutte contre la pauvreté et préservation d'un climat sain en matière de relations professionnelles. Les gouvernements ont également apprécié le rôle de l'OIT dans la promotion des échanges de vues et d'expériences par l'organisation de rencontres régionales, dont la présente réunion constitue un exemple. L'urgence d'une collaboration plus intense avec d'autres institutions financières internationales dans le cadre de son mandat a également été soulignée.
26. Un certain nombre de représentants employeurs ont demandé l'aide de l'OIT pour contrecarrer les effets sociaux défavorables de la crise financière. Le représentant employeur de l'Indonésie a réclamé l'aide de l'OIT pour promouvoir l'emploi, le développement des ressources humaines et les relations professionnelles et pour traiter les problèmes liés à l'égalité des sexes et au travail des enfants. Le représentant employeur de l'Australie a lancé un appel à l'OIT pour qu'elle aide les organisations d'employeurs à se développer correctement et pour qu'elle contribue à assurer la mise en œuvre des politiques économiques favorisant la viabilité des entreprises et un développement économique garantissant le plus grand nombre possible d'emplois. L'observateur employeur du Bangladesh a prié instamment l'OIT et les institutions financières internationales de mettre en œuvre des programmes régionaux pour venir en aide aux travailleurs migrants, par la promotion des activités créatrices d'emplois dans les pays d'origine de ces derniers.
27. L'OIT a été priée par de nombreux représentants travailleurs d'accroître son aide technique aux Etats Membres ayant entrepris de réformer leurs lois et pratiques dans le domaine du travail. Le représentant travailleur de Hong-kong, Chine, a demandé à l'OIT d'apporter son aide pour la création d'un système de négociation collective, de donner des conseils en matière d'assurance chômage et de contribuer à la formulation de plans de création d'emplois. Le représentant travailleur de l'Indonésie a demandé l'aide de l'OIT pour créer des filets de protection sociale et pour élaborer des politiques actives du marché du travail, et de donner des conseils pour la consolidation du système de relations professionnelles.
Dialogue entre les institutions financières internationales
et régionales et les mandants de l'OIT
28. Le Sous-directeur général de l'OIT chargé des programmes techniques a ouvert la séance par un bref rappel des progrès récents des relations entre l'OIT et les institutions financières. Ces relations sont à présent constructives et de plus en étroites, même si des divergences demeurent en raison de la différence des mandats.
Exposés des institutions financières
29. Les représentants de la Banque asiatique de développement ont tout d'abord évoqué l'évolution de la BAD depuis plusieurs années: cette institution qui, au départ, s'attachait principalement au financement des travaux d'infrastructure et aux problèmes d'ordre technique, s'occupe aujourd'hui des questions relatives au développement au sens large, aux politiques économiques et à l'accumulation du capital. En parallèle, la BAD a élargi ses activités: d'abord centrée sur la croissance économique, elle s'attache aujourd'hui, entre autres, à l'amélioration de la condition féminine, à la lutte contre la pauvreté, au développement des ressources humaines et à la défense de l'environnement. En 1997, la part des projets sociaux et environnementaux est passée à 56 pour cent, si l'on met à part l'important programme pour le secteur financier destiné à la République de Corée. Depuis le début de la crise, la BAD a fait preuve d'une grande flexibilité par ses contributions aux mesures d'aide d'urgence, dont les deux programmes de prêts au secteur social destinés à la Thaïlande et à l'Indonésie en faveur des pauvres, des chômeurs et d'autres groupes vulnérables. Ces prêts sont soutenus par diverses activités d'aide technique, tel le projet visant à réduire le travail des enfants, actuellement en cours d'élaboration en Indonésie. La BAD a constaté le besoin d'une plus grande information et d'une meilleure compréhension de son action. Il serait possible d'y répondre, en grande partie, si les groupes concernés ou vulnérables étaient consultés et participaient au contrôle de cette action. A cet effet, la BAD pourrait mener un projet régional d'aide technique en vue de collecter, à travers une approche participative, des informations sur les conséquences sociales de la crise financière. Cette activité serait coordonnée avec le travail d'analyse effectué par d'autres institutions, en particulier la Banque mondiale et celles appartenant au système des Nations Unies, y compris l'OIT.
30. Un représentant du FMI a précisé que celui-ci n'est pas à l'origine de la crise financière en Asie et que les «remèdes» du FMI ont des effets bénéfiques s'ils s'ont appliqués à temps et de manière adéquate. Les programmes du FMI n'envisagent pas de maintenir les taux d'intérêt à un niveau élevé plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour stabiliser les marchés monétaires. En fait, les programmes permettent une flexibilité considérable en matière budgétaire afin de permettre aux gouvernements de répondre aux incidences sociales de la crise. Le FMI est très sensible aux problèmes sociaux et du travail, mais compte sur la Banque mondiale et la BAD en matière d'expertise et de financement. Le Fonds est ouvert à des points de vue différents du sien et est disposé à travailler de concert avec l'OIT et d'autres organisations représentatives du monde du travail aux niveaux national et international. En ce qui concerne la crise financière elle-même, les recherches effectuées sur les crises précédentes ont mis en évidence les baisses significatives de la production qui en ont résulté, mais ont aussi montré que ces crises pouvaient être surmontées en l'espace d'une ou deux années, pourvu que la fragilité du secteur financier ait été traitée de manière appropriée et rapide. L'impact général de la crise asiatique est modeste, mais les pays exportateurs de pétrole devraient en sentir assez fortement les effets.
31. Le représentant de la Banque mondiale a présenté le rétablissement de la croissance économique comme la priorité essentielle. Des programmes de réforme au niveau macroéconomique, y compris des actions visant à assainir et à renforcer les systèmes financiers, sont donc indispensables en vue des objectifs fondamentaux de la réduction de la pauvreté et du progrès social. Les problèmes sociaux doivent être pris en compte dans le cadre de ces réformes, ce qui a été le cas du prêt consenti par la Banque mondiale dans le contexte de la crise financière asiatique. Le succès des réformes en matière de politique générale aussi bien que des politiques sociales, et celui des opérations de prêts, exige que ces mesures soient largement comprises dans le pays concerné et bénéficient d'un appui résolu de la part du gouvernement. La Banque mondiale souhaite favoriser les consultations au niveau national. Pour répondre aux conséquences sociales immédiates de la crise, la Banque mondiale a centré son action sur l'emploi et sur le maintien des services sociaux et des produits de première nécessité, en particulier la nourriture. En ce qui concerne les dépenses publiques, il n'est pas seulement question de la taille des budgets, mais aussi de la manière de les dépenser et de l'efficacité des prestations, notamment dans le domaine des services sociaux. Ces réponses immédiates et urgentes à la crise doivent être considérées comme allant de pair avec les actions actuellement menées dans le cadre de l'ensemble des programmes de développement social. En particulier, la crise actuelle est une occasion de reconsidérer les politiques de protection sociale et les régimes d'assurance, y compris en matière de retraites.
Discussion par les gouvernements
32. Un représentant du gouvernement de l'Indonésie a attiré l'attention sur l'importance croissante des fonds de placement au sein des marchés financiers mondiaux et sur leur faible niveau d'engagement vis-à-vis des pays et des entreprises où ils sont investis. L'orateur s'est interrogé sur les mesures que pourrait prendre le FMI pour répondre à ce problème. Faisant référence à la pratique des grands travaux intensifs en main-d'œuvre, l'orateur s'est demandé s'il est possible de la développer dans les secteurs économiques orientés vers l'exportation.
33. Une représentante du gouvernement des Philippines a souligné la nécessité d'une meilleure connaissance des effets de la crise. Cependant, les dépenses consacrées aux recherches et aux études sont loin d'être prioritaires pour les gouvernements. C'est pourquoi le besoin d'une aide des organisations internationales se fait fortement sentir dans ce domaine. Dans la mesure où plusieurs institutions sont concernées, une bonne coordination est nécessaire. Les organisations internationales doivent également s'efforcer davantage de coordonner leurs activités de prêt. L'intervenante a relevé le changement qui s'est produit dans la manière dont la Banque mondiale accorde ses prêts, lesquels étaient autrefois destinés à des projets spécifiques et sont aujourd'hui liés à des programmes de politique économique et à des mesures d'ajustement structurel et sont octroyés à des conditions douloureuses sur le plan politique. En particulier, le gouvernement philippin est réticent lorsqu'il s'agit de solliciter auprès de la Banque mondiale des prêts destinés à des projets sociaux, étant donné le coût de tels emprunts et la faible rentabilité des projets de ce type. L'oratrice propose que l'on envisage, pour ce type de projets, davantage de prêts à fonds perdus. Depuis quelques années, le FMI s'est montré plus soucieux des problèmes de pauvreté: plutôt que de se focaliser sur les programmes gouvernementaux de lutte contre la pauvreté, il est nécessaire d'adopter une approche plus active, en liant cette question aux décisions relatives aux réformes budgétaires.
34. Un représentant du gouvernement de l'Indonésie a souligné la nécessité de mesures concrètes pour lutter rapidement contre le chômage, car les travailleurs touchés par la crise ne peuvent attendre jusqu'au moment où une solution d'ensemble sera trouvée aux problèmes économiques du pays. Le gouvernement indonésien a mis au point un vaste programme d'emplois intensifs en main-d'œuvre en mettant à contribution ses propres ressources budgétaires. L'orateur a présenté les principales caractéristiques de ce programme qui a été mis en place dans des zones urbaines, dans des zones rurales et dans une grande partie des zones forestières du pays. Bien que l'objectif principal de ce programme soit de créer des emplois productifs et durables, il a également pour but de renforcer les communautés locales.
35. Un représentant du gouvernement de la République de Corée s'est fait l'écho de la préoccupation croissante que suscite actuellement, dans son pays, la brusque montée du chômage, qui n'avait pas été prévue avec exactitude lorsque le programme du FMI a été décidé. Le FMI a prescrit, pour l'essentiel, les mêmes politiques de restriction monétaire et budgétaire qui avaient été appliquées en Amérique latine et en Europe centrale et orientale. L'Asie de l'Est s'en distingue, car l'inflation y est faible, les budgets des Etats sont plus équilibrés et les marchés du travail présentent des caractéristiques très différentes. Il est nécessaire d'engager un débat sérieux et compétent sur la pertinence des prescriptions du FMI. Le risque d'un chômage chronique et d'une croissance économique faible requiert une nouvelle approche pour affronter les problèmes de la région. Un représentant du gouvernement thaïlandais s'est interrogé à la fois sur la justification et sur l'origine de l'exigence d'un excédent budgétaire fixée par le FMI, au vu des restrictions que cette exigence a imposées et du fait que le Fonds a décidé, en définitive, d'autoriser un déficit situé entre 1 et 1,5 pour cent du PIB.
Discussion par les représentants employeurs
36. Le porte-parole des employeurs a félicité les institutions financières internationales pour la rapidité de leur réponse à la crise, qui a permis de contenir celle-ci dans certains pays et de la surmonter dans d'autres. La profondeur de la crise a amené les institutions à prendre les problèmes sociaux en considération et à consulter, dans une certaine mesure, les organisations d'employeurs. Le porte-parole a demandé qu'à l'avenir les partenaires sociaux participent davantage à l'élaboration des politiques, ce qui pourrait être facilité si les institutions financières impliquaient l'OIT dans ce processus. En particulier, les organisations d'employeurs devraient être consultées sur les questions d'intérêt social, étant donné qu'une solution définitive à la crise passe nécessairement par une croissance économique fondée sur la restauration de la rentabilité des entreprises.
Discussion par les représentants travailleurs
37. Plusieurs représentants travailleurs ont pressé les institutions financières internationales de consulter les organisations de travailleurs dans le cadre de l'élaboration des remèdes à la crise, étant donné les conséquences notoires, du point de vue social, des mesures d'austérité recommandées par ces institutions. Le porte-parole des travailleurs a souligné que la pratique effective du tripartisme constitue le meilleur moyen disponible pour élaborer des solutions constructives aux problèmes soulevés par la crise, y compris les modifications des structures de l'emploi, et pour assurer un équilibre entre les pressions qui s'exercent en faveur de la sécurité des emplois et des revenus et les exigences de flexibilité répondant aux nouvelles conditions du marché. L'orateur a demandé à l'OIT et aux institutions financières de jouer un rôle plus actif dans la promotion du tripartisme, qu'il considère comme essentiel pour assurer, à long terme, le succès du processus d'ajustement. Le représentant travailleur de Thaïlande a proposé que les institutions financières émettent, dans chaque programme à caractère social, des recommandations quant aux modalités du partenariat social. L'orateur a également demandé s'il est possible aux institutions financières d'exiger que certains objectifs sociaux -- tels que la réduction des inégalités de répartition du revenu -- soient intégrés aux projets qu'elles financent.
38. Un représentant travailleur de Corée (KCTU), évoquant l'accord tripartite conclu récemment qui a été rejeté par la majorité des membres du KCTU, a souligné la nécessité d'établir des rapports de confiance entre les partenaires sociaux. L'observateur travailleur du Royaume-Uni a demandé s'il est possible que l'aide des institutions financières internationales soit en partie utilisée, en coopération avec l'OIT, pour renforcer à la fois le tripartisme et les partenaires sociaux, puisqu'il s'agit là d'une condition essentielle pour toute solution des problèmes posés par la crise. Des relations professionnelles saines sont également nécessaires pour que les ajustements prescrits puissent s'inscrire dans la durée.
39. Les représentants travailleurs ont exprimé leur préoccupation au sujet des conséquences sociales des programmes et des mesures adoptées sur la recommandation des institutions financières. Par exemple, le représentant travailleur des Philippines s'est interrogé sur leur point de vue concernant la clause sociale, les normes du travail fondamentales, le projet de taxe Tobin et le système chilien de limitation des capitaux étrangers à court terme. Un observateur travailleur a demandé si les institutions financières ont évoqué les normes du travail au cours de leurs négociations avec les gouvernements de la région. Le porte-parole des travailleurs a demandé si les institutions financières internationales sont disposées à soutenir les organisations de travailleurs dans leurs efforts pour améliorer la protection sociale. Le représentant travailleur de Thaïlande a demandé si les mesures recommandées par le FMI, telles que la privatisation des entreprises d'Etat, permettent réellement d'améliorer le fonctionnement de celles-ci. Le représentant travailleur d'Indonésie, observant que les mesures du FMI destinées à son pays sont compliquées et mises en œuvre trop lentement, a demandé une action rapide pour répondre aux suppressions d'emplois considérables et aux besoins des travailleurs en matière de recyclage. Le représentant travailleur des Philippines a observé l'absence d'un cadre juridique approprié en matière de flux financiers internationaux.
Réponses des institutions financières
40. En réponse aux diverses objections formulées, les représentants du FMI ont exprimé leur soutien à l'idée de prendre en compte les normes du travail fondamentales, ce qui s'est concrétisé avec succès dans le cadre de l'accord tripartite conclu en janvier 1998 en République de Corée. Le FMI est extrêmement favorable aux principes exprimés dans ces normes, mais n'a pas de mandat spécifique dans ce domaine, et il existe une nette répartition des responsabilités parmi les organisations internationales. Le FMI se préoccupe particulièrement des politiques budgétaires lorsqu'il s'agit d'éviter les mesures favorisant les nantis plus que les pauvres. En ce qui concerne le «modèle asiatique», celui-ci présente des atouts, tels qu'une volonté d'aller au-delà de la maximisation des profits à court terme et une forte capacité de mobiliser des fonds en vue des investissements. Mais ce modèle présente aussi des faiblesses telles que le népotisme, les pratiques de comptabilité et de gestion qui ne vont pas de pair avec les normes internationales et, à l'évidence, n'évolue pas en phase avec les impératifs actuels du marché.
41. Le représentant de la Banque mondiale a souligné la nécessité de réfléchir à l'évolution future du marché du travail. L'éducation et la formation devraient être plus étroitement liées que par le passé. De toute évidence, il est difficile de rassembler un maximum d'informations tout en évitant les redondances. Il est nécessaire d'exploiter les sources d'information non traditionnelles: à cet égard, la Banque mondiale a fait quelques progrès aux Philippines et en Thaïlande. Il est également nécessaire de convaincre les gouvernements de prendre davantage en compte les rendements des investissements réalisés dans des domaines tels que l'éducation, la santé et les infrastructures -- pour lesquels les informations pertinentes sont rares. Cependant, il existe encore de nombreuses possibilités d'améliorer la coordination entre les diverses organisations internationales actives dans la collecte des informations. En ce qui concerne les normes du travail fondamentales de l'OIT, la Banque mondiale reconnaît leur valeur morale et le fait qu'elles relèvent des droits de l'homme, et leur apporte son soutien. La Banque mondiale ne cautionne pas les pratiques discriminatoires ou coercitives qui portent préjudice aux enfants, aux femmes et aux pauvres. Elle soutient que l'application des normes relève de la compétence de l'OIT et qu'elle n'a pas à intervenir dans ce domaine. Quant aux autres normes internationales du travail, leur pertinence dépend du contexte économique, social et juridique propre à chaque pays. La Banque mondiale a toujours recherché les moyens d'appliquer des politiques favorables aux plus pauvres. Bien que la charte de la Banque mondiale mentionne l'élévation des normes du travail, celle-ci est considérée comme devant découler de la réalisation des objectifs de la Banque, non comme un objectif en lui-même. Dans certains cas particuliers, la Banque mondiale peut rechercher des accords spécifiques en matière de normes, mais seulement avec l'aval du gouvernement et dans la mesure où le non-respect de ces normes porte préjudice à l'application ou aux objectifs du projet ou programme considéré.
42. Dans sa réponse, la BAD a reconnu la nécessité d'intensifier les contacts avec les ONG, y compris les syndicats. A cet égard, des progrès ont été récemment accomplis en Thaïlande. La BAD, dont le mandat s'étend à divers domaines touchant au développement, doit collaborer avec un grand nombre d'ONG différentes. Cela ne signifie pas que les contacts avec les syndicats sur les questions relatives à l'emploi doivent être négligés. Le principe du partenariat social a été établi par la BAD dans le cadre de sa nouvelle politique de coopération avec les ONG, qui concerne la mise en œuvre des politiques, la programmation, la conception des projets et les procédures d'évaluation. Les modalités précises de la collaboration sont fixées au moyen de consultations, au cas par cas. Malgré les progrès accomplis, la BAD a constaté des failles et des faiblesses dans le «modèle asiatique», qui ont conduit à l'accroissement des inégalités, de nombreux groupes sociaux vulnérables, dont les femmes et les populations indigènes, ayant été laissés pour compte. Ce modèle a également donné lieu à la dégradation de l'environnement dans les mégapoles. En ce qui concerne les normes du travail fondamentales, une étude préparatoire vient d'être réalisée pour proposer de nouveaux domaines dans lesquels la BAD pourrait, à l'avenir, prendre une part active, étant entendu que les normes du travail relèvent de la compétence de l'OIT.
Débat technique
Politique de l'emploi
43. D'une manière générale, les représentants des gouvernements et ceux des organisations d'employeurs et de travailleurs sont d'accord sur la nécessité de renforcer les politiques de l'emploi pour traiter les effets de la crise. Cependant, les points de vue diffèrent quant aux mesures devant être adoptées effectivement. Les représentants des employeurs ont soutenu que les politiques de l'emploi doivent être envisagées dans une perspective à long terme. Pour l'essentiel, les emplois sont créés par les entreprises du secteur privé et, à long terme, ne peuvent être durables que s'ils s'appuient sur un développement durable des entreprises. Les employeurs ont indiqué qu'un ensemble de mesures est nécessaire, en matière de création d'emplois, dans le contexte de la crise actuelle. Le représentant employeur de la République de Corée a soutenu qu'il est important, à cet égard, que les mesures adoptées concernent aussi bien l'offre que la demande. Les politiques du marché du travail, l'orientation du développement des ressources humaines vers les besoins des entreprises et l'existence d'agences d'emploi efficaces jouent un rôle important du côté de l'offre. Du côté de la demande, l'existence d'un environnement favorable à la création d'entreprises est essentielle. Des politiques macroéconomiques favorables, des marchés du travail flexibles et une bonne maîtrise de l'ensemble constituent des éléments importants. Le représentant employeur du Bangladesh a souligné la nécessité des services d'appui et des incitations de la part des gouvernements, de la coopération tripartite, de la déréglementation et de la flexibilité des marchés du travail, étant donné le contexte de restructuration des entreprises et le renforcement de la compétitivité durant la crise.
44. Le représentant travailleur de la Malaisie a estimé que les mesures mises en évidence par le rapport technique de l'OIT constituent une base raisonnable en matière de politiques de l'emploi: programmes solides de formation et de recyclage; services d'emploi efficaces; filets de protection et programmes spéciaux pour les groupes sociaux et les régions désavantagés; mise en valeur des ressources humaines. Une politique de l'emploi plus active et le développement d'un cadre institutionnel pour le marché du travail constituent des priorités urgentes pour doter les travailleurs des qualifications nécessaires pour répondre aux besoins changeants des marchés à l'heure de la mondialisation. Les représentants des travailleurs sont préoccupés par la qualité de l'emploi. Le représentant travailleur des Philippines décrit les conditions de travail insatisfaisantes dans les industries d'exportation et les zones économiques spéciales de son pays, la majorité des travailleurs concernés étant des femmes. De ce fait, les décideurs politiques doivent prendre en compte les dimensions sociales et les problèmes des femmes en ce qui concerne l'emploi dans le secteur non structuré et le travail à domicile, ainsi que la vulnérabilité particulière de cette catégorie de travailleurs. La vulnérabilité des travailleurs migrants est également évidente. Le représentant travailleur de la Malaisie a approuvé les propositions de l'OIT relatives à une maîtrise adéquate des migrations liées au travail et à la nécessité d'un cadre pour une gestion plus humaine des flux de travailleurs migrants. L'observateur de l'organisation régionale de la CISL pour l'Asie et le Pacifique a relevé la nécessité d'étudier des méthodes novatrices en matière de création et de préservation d'emplois. L'observateur a fait référence aux possibilités offertes par l'octroi de subventions aux entreprises ayant des difficultés à maintenir leurs effectifs. Des accords de réduction des horaires de travail permettraient de libérer des ressources pour employer un plus grand nombre de travailleurs.
45. La relation entre les stratégies générales de développement et les politiques de l'emploi a fait également l'objet d'un débat. Le représentant du gouvernement des Philippines relève la nécessité de reconnaître le potentiel du secteur agricole et des activités rurales en matière de création d'emplois. Les institutions financières internationales devraient être plus flexibles pour accorder des prêts aux services sociaux et aux secteurs qui augmentent la productivité à long terme. L'orateur se montre circonspect quant à la question de savoir si le modèle asiatique de développement, fondé sur les activités d'exportation intensives en main-d'œuvre, est toujours valide. Le représentant du Conseil national de développement économique et social (Thaïlande) a cité le manque d'informations fiables concernant le marché du travail et la pénurie de travailleurs qualifiés comme des contraintes sérieuses en matière de planification de l'emploi.
46. Tous les participants ont reconnu le rôle de l'OIT dans l'aide aux pays de la région dans le domaine des politiques de l'emploi. Le représentant employeur de la République de Corée a proposé que l'OIT alloue davantage de ressources aux programmes de développement des entreprises dans le cadre de son ordre du jour. L'orateur a également demandé au Bureau régional pour l'Asie et le Pacifique de rassembler et de diffuser les informations concernant les meilleures pratiques et les enseignements en matière de développement des entreprises. Le représentant travailleur de la Malaisie a signalé que les divers services de conseils de l'OIT mentionnés dans le document de séance no 1 de la réunion pourraient fournir un apport considérable, car ces services pourraient être liés aux mesures de soutien aux ajustements touchant l'emploi proposées aux pays concernés par les institutions financières internationales. Le représentant du Conseil national de développement économique et social (Thaïlande) a demandé à l'OIT d'appuyer la formation des planificateurs de l'emploi et l'amélioration de l'information concernant le marché du travail.
Entreprises et création d'emplois
47. La nécessité du développement des entreprises et de la création d'emplois est considérée aussi bien par les partenaires sociaux que par les gouvernements comme essentielle à la croissance économique et comme un moyen de surmonter la crise financière. Bien que les représentants travailleurs approuvent la nécessité de réformer les législations du travail de manière à les simplifier et à faciliter leur mise en œuvre, ils ont insisté sur le fait qu'ils ne considèrent pas qu'un environnement favorable aux entreprises doit impliquer la déréglementation totale du marché du travail. Le représentant travailleur de la Malaisie a souligné l'importance des relations entre travailleurs et employeurs et insisté sur le fait que les conditions-cadres des activités économiques, y compris les lois du travail, constituent un élément clé de la création et de la viabilité des emplois. L'orateur a souligné également que la négociation collective constitue un moyen flexible et peu coûteux de réglementer les relations d'emploi, avant d'ajouter que les travailleurs non couverts par les conventions collectives ont besoin d'être protégés par la législation du travail. Le représentant travailleur de la Malaisie a ajouté que les pays ne peuvent se défaire sans autre des lois sur la sécurité de l'emploi sans s'assurer que les travailleurs sont protégés des licenciements arbitraires durant les périodes de récession. L'orateur a également déclaré que les travailleurs soutiennent l'approche de l'OIT concernant les programmes de travaux publics d'infrastructure à forte intensité de main-d'œuvre, mais que la question des salaires et des allocations d'aide sociale doit être étudiée avec précaution et faire l'objet d'une discussion avec le mouvement syndical.
48. L'observateur travailleur de l'organisation régionale de la CISL pour l'Asie et le Pacifique a soulevé la question du rôle des entreprises multinationales en matière de création d'emplois. L'oratrice a indiqué que les travailleurs ont de bonnes et de mauvaises expériences par rapport aux multinationales. Les multinationales sont si puissantes qu'elles peuvent influencer les gouvernements en les menaçant de délocaliser leurs activités si leurs exigences ne sont pas satisfaites. L'oratrice a souligné ensuite la nécessité des filets de protection sociale pour les travailleurs dans nombre de pays d'Asie, et indiqué qu'il n'est plus réaliste, aujourd'hui, d'attendre cette protection de la solidarité familiale. Elle a en outre décrit la précarisation croissante de l'emploi, telle qu'elle est révélée par la montée du travail à domicile et du travail des enfants. Il a été souligné que ces groupes ne sont pas couverts ni protégés par les lois du travail existantes. L'observateur de l'organisation régionale de la CISL pour l'Asie et le Pacifique a souligné que les programmes de création d'emploi doivent prendre en considération la qualité des emplois créés aussi bien que leur quantité.
49. Les représentants employeurs ont souligné la nécessité de la flexibilité des marchés du travail et de la législation du travail comme des éléments essentiels des politiques de création d'emplois et du développement des entreprises. Le représentant employeur de la République de Corée a prévenu qu'une aide excessive aux chômeurs et aux travailleurs sur le point d'être licenciés risque d'entraver la restructuration de l'économie et de provoquer un déficit budgétaire chronique. L'orateur a signalé que les programmes à court terme à l'intention des travailleurs licenciés n'ont qu'un effet provisoire pour soulager le chômage. Il a mentionné l'exemple des Etats-Unis, qui ont réussi à créer 10 millions d'emplois au cours d'une période où 9 millions de personnes ont perdu leur emploi par suite de la restructuration des entreprises. Il a insisté sur cet exemple en soulignant le soutien important apporté par ce pays à la création des petites et moyennes entreprises, y compris par le biais d'incitations fiscales et financières. Le représentant employeur des Philippines a souligné que les politiques de création d'emplois doivent être flexibles et orientées vers le marché. Ces politiques doivent soutenir le développement des ressources humaines, y compris les incitations destinées aux travailleurs pour qu'ils améliorent leurs qualifications et aux employeurs pour qu'ils mettent en œuvre des programmes de formation appropriés. Le gouvernement doit assurer une éducation de base solide pour faciliter la formation des travailleurs. Le gouvernement doit également considérer un ensemble de mesures, y compris en matière fiscale et de taux d'intérêts, pour appuyer les programmes de création d'emplois. Dans la mesure où les entreprises jouent un rôle important dans la reprise économique, les politiques gouvernementales devraient encourager les investissements directs étrangers et la création de petites entreprises. Le gouvernement devrait également développer les programmes de formation technique en vue d'un emploi indépendant. Le représentant employeur des Philippines a reconnu la contribution du Programme de développement des qualifications pour l'Asie et le Pacifique (APSDEP), mis en œuvre par l'OIT, au développement des ressources humaines dans la région, mais a souligné que ce programme devrait, à présent, devenir pleinement tripartite. L'orateur a suggéré que l'APSDEP soit renforcé pour répondre aux effets de la mondialisation et de la concurrence internationale, avant d'affirmer le soutien des employeurs au projet de recommandation de l'OIT sur la création d'emplois au sein des PME, qui doit être discuté lors de la Conférence internationale du Travail en 1998.
50. L'observateur gouvernemental du Conseil national de développement économique et social (Thaïlande) a souligné la nécessité, pour chaque pays, d'apporter des améliorations et de développer le secteur agricole afin de créer des emplois dans les zones rurales. Ce point de vue a été appuyé par le représentant du ministère de la Planification de l'Indonésie. Celui-ci a poursuivi en signalant les politiques du gouvernement indonésien en matière de grands travaux publics à forte intensité de main-d'œuvre, considérées comme offrant des possibilités d'emploi rapide dans un contexte de récession. Il a insisté sur le changement d'orientation des politiques, autrefois à forte intensité de capital et aujourd'hui centrées sur les personnes. L'orateur a conclu en déclarant que le plus grand défi à relever par de nombreux pays touchés par la crise financière consiste à créer des emplois productifs et durables.
Protection sociale
51. En guise d'introduction, le porte-parole des employeurs a proposé d'établir une distinction entre les notions de filets de protection sociale -- qui désignent souvent l'aide d'urgence, notamment en situation de crise -- et la protection sociale, terme utilisé pour désigner des institutions plus permanentes, telles que les régimes d'assurance chômage. Dans la mesure du possible, les employeurs préfèrent éviter de licencier des travailleurs, car il est coûteux en temps et en argent d'embaucher et de former de nouveaux travailleurs lorsque la reprise intervient. Les employeurs soutiennent les mesures d'aide aux travailleurs qui se retrouvent au chômage, l'initiative dans ce domaine revenant au gouvernement. Les employeurs soutiennent également les projets de grands travaux publics pour contribuer à créer des emplois dans les zones où le chômage est élevé. C'est lorsque le contexte économique est favorable qu'il est le plus judicieux de créer des systèmes de protection sociale, même si c'est précisément alors que les employeurs et les travailleurs tendent à en oublier la nécessité. En période de récession économique, il n'est guère possible de mettre en place un système de protection sociale. L'orateur a exprimé son désaccord à propos du paragraphe 46 du document de séance no 1 de la réunion, qui suggère la nécessité, en période de récession, «de préserver et, si possible, d'améliorer la protection des travailleurs» dans certaines régions. Par ailleurs, l'orateur a approuvé le paragraphe 42, qui souligne la nécessité d'une organisation plus appropriée de l'assurance chômage et des autres régimes de protection sociale. Ces régimes doivent être abordables et devraient éviter d'affaiblir la compétitivité et les incitations au travail. Tirant les leçons de l'expérience présente, les partenaires sociaux devraient prévoir la mise en place de régimes de protection sociale dès que l'économie connaîtra la reprise, afin d'être mieux préparés à la prochaine récession.
52. Le porte-parole des travailleurs a déclaré que la protection sociale et la création d'emplois sont des éléments indissociables du bien-être des travailleurs. L'OIT devrait renforcer la concertation de manière à résoudre les problèmes de protection sociale dans les pays en développement, et l'attention devrait être portée sur l'ensemble des besoins des travailleurs, y compris les soins de santé, les retraites et les allocations de chômage. Se référant aux régimes établis en République de Corée, l'oratrice a déclaré que les autres pays de la région devraient passer des fonds de prévoyance offrant une protection très limitée à des régimes plus complets de protection sociale. Ces régimes devraient répondre non seulement aux besoins des travailleurs, mais aussi à ceux des personnes dont ils ont la charge. La protection sociale devrait également couvrir les travailleurs des petites et moyennes entreprises et ceux du secteur non structuré, qui sont souvent exclus des régimes existants. Ces observations ont été reprises par un représentant travailleur du Japon, qui a rappelé la manière dont la protection sociale a été améliorée en République de Corée grâce à un processus de dialogue entre les partenaires sociaux. L'intervenant a souligné l'importance de l'aide de l'OIT dans le domaine de la protection sociale et proposé que des ressources plus importantes soient allouées à cet effet au Bureau régional pour l'Asie et le Pacifique. Un représentant travailleur des Philippines a exprimé son appui au développement de l'assurance chômage et fait référence aux efforts des syndicats de son pays pour obtenir des avantages sociaux pour leurs membres. Enfin, un observateur de l'organisation régionale de la CISL pour l'Asie et le Pacifique a mentionné les défaillances des régimes de certains pays qui, en pratique, ne répondent pas aux besoins des travailleurs.
53. Le représentant gouvernemental de la République de Corée s'est référé au système de protection sociale de son pays, et notamment à l'aide sociale destinée aux pauvres se trouvant dans l'incapacité de travailler et à l'assurance chômage pour les travailleurs privés de leur emploi. En fait, moins d'un quart des chômeurs perçoivent des allocations et d'autres mesures sont en train d'être décidées pour aider les chômeurs restants. L'orateur a fait référence aux efforts déployés par les travailleurs et les employeurs pour contenir le chômage, par exemple en acceptant des réductions de salaire et des horaires de travail. La représentante du gouvernement des Philippines a indiqué que les recommandations concernant la protection sociale devraient tenir dûment compte des conditions particulières de chaque pays. Des études actuarielles soignées sont nécessaires pour évaluer la viabilité d'un régime d'assurance chômage, notamment dans un pays où le taux de chômage est élevé. Le gouvernement des Philippines se montre réservé quant aux possibilités de mettre en place un tel régime. D'autres gouvernements émettent des réserves sur d'autres recommandations concernant, par exemple, le minimum retraite et le passage des fonds de prévoyance aux régimes de sécurité sociale. La nécessité du minimum retraite doit être considérée au regard d'autres priorités, telles que la santé et l'éducation. L'oratrice a suggéré que l'OIT précise davantage ce qu'il faut entendre par «protection sociale appropriée» et défendu la position des gouvernements contre l'idée que ce domaine a été négligé: personne n'avait pu prévoir la violence de la crise et, de toute manière, il est difficile pour les pays en développement de financer des mesures adéquates.
Tripartisme, normes internationales du travail
et relations professionnelles
54. Le tripartisme est considéré par toutes les parties comme essentiel pour la mise au point de solutions efficaces à la crise économique et à la mise en œuvre des mesures de réforme structurelle requises pour que les pays retrouvent le chemin de la reprise. L'idée que le tripartisme a besoin d'être renforcé dans la plupart des pays de la région est également approuvée. Le porte-parole des employeurs a estimé que la faiblesse du dialogue social entrave les capacités de chaque pays à sortir de la récession, et préconisé le renforcement des organismes de relations professionnelles. Les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent s'adapter aux changements survenus et reconnaître leurs responsabilités pour accepter des politiques salariales adaptées à la nouvelle situation économique. Le représentant employeur de la République de Corée a évoqué la commission tripartite coréenne récemment instituée conformément aux prescriptions du FMI, qui a contribué à ce que soit surmontée la crise monétaire coréenne, et a approuvé une série de mesures nécessaires au processus de réformes structurelles fondamentales visant à rendre l'économie plus transparente, plus ouverte et plus proche du marché.
55. Le porte-parole des travailleurs a vivement souhaité que les accords tripartites existants assurent la participation, sur un pied d'égalité, des organisations de travailleurs et d'employeurs et du gouvernement dans ce processus. La confiance mutuelle, la transparence, la responsabilité dans la gestion et la responsabilité sociale sont les conditions essentielles d'un tripartisme efficace. Le représentant travailleur de la Thaïlande a évoqué la faiblesse du tripartisme dans la plupart des pays d'Asie, à l'exception du Japon et de Singapour. Le représentant travailleur de Singapour a cité l'exemple du partenariat tripartite de son pays, qui a permis à celui-ci d'assurer le plein emploi plus de deux décennies durant, et qui a récemment été renforcé pour répondre aux défis du XXIe siècle, grâce à l'institution du Comité économique tripartite, du Comité pour les licenciements, du Comité pour la réembauche et du Programme de recyclage. La consultation tripartite devrait aider à la mise en œuvre des mesures de secours adoptées par les institutions financières internationales et assurer que les intérêts des travailleurs soient pris en considération dans le cadre de l'application des programmes. L'observateur travailleur de l'organisation régionale de la CISL pour l'Asie et le Pacifique a indiqué que, même s'il existe des systèmes de négociation collective institués s'appuyant sur des lois et des réglementations, leur mise en œuvre fait défaut dans de nombreux pays car seule une faible proportion des travailleurs, dans certains secteurs d'activité, sont couverts par les conventions collectives.
56. Le représentant du gouvernement de la République de Corée a souligné l'importance de la coopération tripartite pour approuver et mettre en œuvre des réformes structurelles durables et efficaces, tout en reconnaissant que l'accord tripartite entré en vigueur dans son pays demeure fragile et a besoin d'être consolidé. En particulier, les organisations de travailleurs ont besoin d'être renforcées pour être en mesure de poursuivre le dialogue social tout en répondant aux souhaits de leurs membres. Le représentant du gouvernement de Hong-kong, Chine, a fait référence au mécanisme de négociation collective existant et à l'engagement pris vis-à-vis de la convention (no 98) de l'OIT sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Bien que la négociation collective soit habituellement menée par les employeurs et les travailleurs, le département du Travail contribue, au besoin, à ce processus, et il envisage de renforcer ses capacités de promouvoir la négociation volontaire et la coopération sur le lieu de travail et de demander conseil à l'OIT à cet effet.
57. Le porte-parole des employeurs a demandé aux gouvernements de transmettre des informations récentes aux partenaires du secteur privé afin que ces derniers puissent jouer un rôle efficace dans le processus tripartite. La représentante du gouvernement des Philippines a souligné la nécessité de l'exactitude des informations si l'on veut que les syndicats participent pleinement à ce processus. Bien que les représentants des employeurs, des travailleurs et des gouvernements se montrent d'accord sur l'importance du tripartisme, des divergences apparaissent quant aux détails relatifs à la manière de le mettre en œuvre de façon optimale. Le porte-parole des employeurs a estimé qu'une approche fondée sur le volontariat est préférable et qu'une réglementation excessive risquerait de restreindre l'efficacité des mécanismes tripartites. Au Japon, les négociations collectives ont lieu au sein des entreprises, dans le cadre d'une campagne menée au niveau national et impliquant l'ensemble des travailleurs: le système japonais est un exemple de réussite de l'approche fondée sur le volontariat. Le porte-parole a demandé également qu'en temps de crise financière l'accent soit placé davantage sur le bipartisme que sur le tripartisme. Le représentant travailleur de la Thaïlande a estimé que le tripartisme serait plus efficace dans son pays si le gouvernement s'attachait à promouvoir, au moyen de l'adoption d'une législation pertinente, le droit des travailleurs à créer des syndicats. L'orateur a préconisé la liberté des accords tripartites, fondée sur la représentation des travailleurs, des employeurs et du gouvernement sur un pied d'égalité, et souligné que ce type d'accord donne également lieu à un bipartisme efficace. Le représentant travailleur du Japon a estimé que le fil conducteur du dialogue social ne peut provenir que des normes du travail fondamentales. L'orateur a déploré le faible taux de ratification de ces normes dans la région asiatique. Le porte-parole des travailleurs a appelé les Etats Membres de l'OIT à ratifier les sept normes en question.
Séance finale
58. La réunion a approuvé les conclusions élaborées par le groupe de travail ad hoc (voir annexe).
59. Le président (Dr Zainol Abidin bin Abd. Rashid) a présidé la séance de clôture. Dans ses observations finales, la Sous-directrice générale responsable des activités de l'OIT dans la région de l'Asie et du Pacifique, Mme Horiuchi, a remercié le Premier ministre et le ministre du Travail et de la Sécurité sociale de Thaïlande, ainsi que tous les participants, pour leur présence à la réunion. De nombreux orateurs ont commenté l'opportunité de la réunion et l'importance du fait de rassembler les mandants de l'OIT, les responsables nationaux du développement et des représentants de la BAD, du FMI et de la Banque mondiale. Les résultats de la réunion devraient orienter l'action de l'OIT dans les pays en crise dans l'immédiat et à long terme. La crise fournit l'occasion d'accomplir des progrès dans différents domaines et a suscité une vaste adhésion aux idéaux de l'OIT: démocratie, transparence et contrôle des institutions, dialogue entre les partenaires sociaux ainsi qu'entre les institutions nationales et internationales, développement durable conjugué à l'équité conformément aux normes internationales du travail. Les participants à la réunion se sont souciés principalement de la sécurité de l'emploi et des mesures destinées à éviter les suppressions d'emplois et à protéger les travailleurs. Un consensus s'est dégagé quant à l'interdépendance de la prospérité économique et de la stabilité sociale, et quant au rôle des employeurs et des travailleurs dans la reconstruction des économies. L'OIT poursuivra son travail d'information sur les expériences, les alternatives et les pratiques les plus appropriées. La réunion a réaffirmé le rôle indispensable du tripartisme en tant que facteur stabilisateur de la société, et l'OIT continuera à promouvoir et à soutenir les réponses tripartites à la crise, comme l'indiquent les conclusions de la douzième Réunion régionale asienne. La présente réunion a permis une rencontre importante entre les partenaires sociaux et les institutions financières multilatérales, lesquelles ont accru leurs efforts en vue d'incorporer les questions sociales à leurs politiques et programmes. L'oratrice a remercié tout particulièrement les représentants de la BAD, du FMI et de la Banque mondiale pour leur intérêt et leur engagement, ainsi que pour leur compréhension du rôle particulier de l'OIT, notamment en ce qui concerne les normes internationales du travail.
60. Le vice-président employeur a souligné l'importance de la réunion et félicité l'OIT pour la qualité de son rapport technique. L'interaction entre les trois groupes tripartites et les représentants de la BAD, du FMI et de la Banque mondiale a été extrêmement utile. Le vice-président employeur a formé le vœu que les conclusions et les suggestions formulées soient soumises à l'attention des gouvernements concernés en vue d'un suivi approprié et que le Conseil d'administration du BIT invite le Directeur général à prendre des mesures immédiates.
61. Au nom du vice-président employeur, le représentant employeur des Philippines a déclaré que la réunion a été l'occasion d'obtenir des informations directes de la part des institutions financières multilatérales sur les causes et les conséquences de la crise. Les débats ont souligné le caractère primordial du tripartisme comme élément clé d'un progrès partagé par tous, et ni les gouvernements, ni les employeurs, ni les travailleurs ne peuvent agir isolément. La réunion a permis d'identifier des solutions acceptables pour tous aux problèmes des travailleurs, et les représentants des travailleurs se sont engagés une nouvelle fois à défendre plus vigoureusement la cause des travailleurs. L'orateur a émis l'espoir que les solutions recommandées dans les conclusions de la réunion seront appliquées.
62. Dans son discours de clôture, le ministre thaïlandais du Travail et de la Sécurité sociale, M. T. Suwankiri, a fait référence aux effets de la crise financière asiatique sur le marché du travail de son pays et aux mesures qui ont été prises à cet égard, lesquelles sont aussi bien à caractère économique qu'à caractère social. Le ministre a demandé aux pays de reconnaître que, dans le contexte actuel de mondialisation économique, les politiques nationales doivent être complétées par la solidarité régionale et par la coopération internationale. L'Asie de l'Est et du Sud-Est a pu constater à quel point les effets d'une crise survenue dans un pays donné pouvaient se répercuter rapidement sur d'autres pays de la région et à l'échelle mondiale. L'orateur a précisé que les idées fondamentales de l'OIT -- tripartisme et relations professionnelles efficaces -- sont en harmonie avec l'approche thaïlandaise du développement, centrée sur les personnes. Les politiques sociales et celles relatives au travail doivent compléter la restructuration économique et devraient favoriser la création d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité. L'orateur a conclu en soulignant que les défis à relever sont énormes à l'heure actuelle, mais que la crise est aussi l'occasion de trouver de nouvelles méthodes pour assurer la stabilité économique et la justice sociale pour tous. Il conviendrait de rechercher les moyens pratiques de renforcer sensiblement la coopération régionale, comme le proposent les conclusions de cette réunion, ce qui peut faire beaucoup pour surmonter la crise. Les résultats de cette réunion doivent à présent se traduire par des programmes pratiques et des mesures d'application. A cet effet, l'orateur a demandé que l'OIT renforce son soutien, ainsi que la BAD, la Banque mondiale et le FMI.
63. Le Conseil d'administration souhaitera sans doute prendre note des conclusions adoptées par la réunion, qui sont reproduites en annexe.
Genève, le 5 juin 1998.
Point appelant une décision: paragraphe 63.
Réunion tripartite de haut niveau de l'OIT sur les réponses sociales
à la crise financière dans les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est
(Bangkok, 22-24 avril 1998)
Conclusions soumises par le groupe de travail
Conformément à la demande formulée par la douzième Réunion régionale asienne (Bangkok, 9-11 décembre 1997), l'Organisation internationale du Travail a organisé une réunion tripartite de haut niveau sur les réponses sociales à la crise financière dans les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est, qui s'est déroulée à Bangkok du 22 au 24 avril 1998. La réunion a approuvé les conclusions suivantes:
1. Les participants saluent l'OIT pour avoir pris l'initiative d'organiser la réunion et pour avoir élaboré le rapport technique qui lui sert de support. Ils expriment leur profonde préoccupation vis-à-vis de la détérioration de la situation sociale et du travail dans certains pays. Ils apprécient également cette occasion de dialoguer avec les représentants du FMI, de la Banque mondiale et de la BAD sur les questions relatives à la crise financière.
Considérations générales
2. La crise monétaire et financière en Asie de l'Est et du Sud-Est a donné lieu à un fléchissement sévère de la croissance du PIB dans les économies les plus gravement touchées. Dans les pays concernés, la crise a provoqué une montée rapide et importante du chômage, du sous-emploi et de la pauvreté, sans précédent au cours de ces dernières décennies. Ce choc est d'autant plus sévère qu'il était totalement imprévu après plusieurs décennies de croissance élevée et soutenue de la production et de l'emploi, et qu'il est survenu alors que les systèmes de protection sociale sont relativement sous-développés dans certains pays.
3. La crise a été causée par plusieurs facteurs. Certaines déficiences du système financier international ont aggravé et amplifié les effets de contagion de la crise monétaire et financière, provoquée à l'origine par des erreurs accumulées dans les politiques économiques nationales. Parmi ces erreurs, certaines politiques macroéconomiques et relatives aux systèmes financiers ont joué un rôle dominant, car elles ont conduit à un accroissement intolérable de l'endettement extérieur du secteur privé. Ce facteur a été aggravé par le manque de transparence de la gestion économique et du contrôle des entreprises, qui a conduit à une allocation des ressources notoirement défectueuse.
4. La réponse nécessaire passe par des politiques et des programmes adéquats de réforme structurelle et de transformation des institutions visant à rétablir une croissance économique stable. Seul un contexte de croissance économique soutenue permet de trouver des solutions durables aux problèmes sociaux. L'un des éléments majeurs de ce processus de réforme consiste à corriger les déficiences institutionnelles et relatives aux politiques, lorsque cela est nécessaire. De plus grands efforts devraient être faits pour que les décisions indispensables soient prises en vue d'établir une réglementation appropriée des systèmes financiers et d'améliorer la gestion des entreprises et le fonctionnement des marchés. Il importe de relever que seul le bon fonctionnement des marchés, sans distorsions, crée les conditions nécessaires pour que des entreprises compétitives puissent naître et prospérer, ce qui constitue également la condition essentielle d'une croissance économique saine et de la création d'emplois durables.
5. Ce processus de réforme peut constituer le fondement de la mise en œuvre de politiques économiques et sociales efficaces et équitables. Cette idée se révèle particulièrement vraie au vu de la mise en œuvre, dans certains pays, de systèmes de protection sociale appropriés qui sont essentiels pour affronter au mieux les problèmes liés à la restructuration économique ainsi que ceux qui surviendront à l'occasion d'éventuelles crises futures. Dans ce contexte, le respect des normes internationales du travail constitue une condition clé pour que des organisations d'employeurs et de travailleurs indépendantes, solides et représentatives puissent mettre en œuvre des partenariats sociaux constructifs. La réunion renouvelle l'appel lancé par la douzième Réunion régionale asienne pour que les pays de la région donnent une réponse à la campagne du Directeur général pour la ratification des normes internationales du travail fondamentales.
6. Il est nécessaire de renforcer la protection sociale, notamment par la mise en place et l'extension de mécanismes de protection sociale de base à l'intention de ceux des travailleurs qui se trouvent actuellement sans protection, ainsi que par le développement des régimes comprenant, le cas échéant, une assurance contre le chômage et le minimum retraite, compte tenu de la situation propre à chaque pays. Afin d'atténuer les conséquences sociales de la crise économique, il est demandé de prendre des mesures provisoires appropriées, telles que le lancement de programmes directs de création d'emplois, ainsi que des mesures visant à faciliter le redéploiement des travailleurs ayant perdu leur emploi. A cet égard, l'aide de l'OIT est essentielle.
7. Ces mesures destinées à soulager la détresse doivent s'accompagner d'efforts énergiques visant à contenir toute nouvelle augmentation du chômage durant la récession économique actuelle. Dans ce contexte, il est nécessaire de promouvoir énergiquement les politiques économiques et la coopération entre les travailleurs et les employeurs afin de préserver les entreprises économiquement viables et les emplois.
8. Pour répondre à l'ensemble de ces priorités immédiates, le dialogue et la coopération tripartites au niveau national ont un rôle indispensable à jouer. C'est là le moyen d'assurer une répartition équitable des coûts de l'ajustement, d'obtenir un soutien social élargi essentiel à l'application réussie des programmes et de promouvoir des solutions harmonieuses et constructives, sans qu'il y ait de perdants, aux problèmes économiques urgents.
9. La réalisation de ces objectifs en matière de réformes et le rétablissement de la croissance seront grandement facilités par un renforcement de la coopération internationale, notamment au niveau régional. La coopération peut également apporter d'autres avantages mutuels, tels que l'ouverture réciproque des marchés. Il est nécessaire pour les pays d'échanger des informations plus largement et d'une manière plus opportune, ce qui permettrait aux gouvernements et aux partenaires sociaux de réagir rapidement aux circonstances défavorables.
10. De même, une collaboration renforcée entre l'OIT et les institutions financières internationales et régionales contribuera au renforcement de la dimension social des programmes d'ajustement économique. En particulier, l'intensification des consultations entre les partenaires sociaux et les institutions financières concernant la conception et l'application des programmes d'ajustement économique renforcera l'appui de la société à ces programmes et, de ce fait, améliorera sensiblement les chances d'une mise en œuvre réussie. Il conviendrait également de promouvoir ce rôle des partenaires sociaux vis-à-vis des autres institutions internationales impliquées dans les programmes d'ajustement économique. Les participants à la réunion demandent au FMI, à la Banque mondiale, à la BAD et à l'OIT de renforcer leur coopération en matière de conception et d'application des programmes.
11. Dans ce cadre général, la réunion a défini plusieurs domaines d'action prioritaires pour limiter les coûts sociaux de la crise, ainsi que pour formuler des politiques et créer des institutions plus solides pour l'avenir. Ces priorités visent à identifier un ensemble d'orientations pour la formulation de politiques et de programmes spécifiques aux pays concernés, lesquelles permettraient, à leur tour, de déterminer des domaines d'action prioritaires pour l'OIT au niveau national, sur la base de consultations tripartites avec le pays concerné.
12. Les participants à la réunion demandent à l'OIT de mobiliser ses ressources dans la région et au siège afin de fournir l'aide requise. L'OIT devrait également faire tout son possible pour trouver des fonds auprès de donateurs extérieurs, y compris les institutions financières internationales, et coordonner étroitement son action avec ces donateurs.
Politiques de promotion de l'emploi
13. Les pertes d'emplois considérables qui ont eu lieu depuis le début de la crise ont eu pour effet de souligner qu'il importe de prêter attention à la durabilité des emplois, étant donné que ceux créés au sein d'entreprises pleinement compétitives sont les plus susceptibles de durer. Il importe de renforcer la capacité des gouvernements de rassembler des informations et de surveiller les incidences sur l'emploi des politiques économiques globales et du développement. Une coopération étroite entre les ministères du Travail et ceux chargés des questions économiques peut contribuer d'une manière significative à maximiser le taux de création d'emplois productifs et durables.
14. Il importera également de rechercher, car il s'agit d'un objectif majeur de la politique de l'emploi, l'élévation continue du niveau d'éducation et de qualification de la main-d'œuvre. Cet investissement dans le développement des ressources humaines est essentiel pour soutenir les constantes restructurations industrielles et le progrès technologique nécessaires pour maintenir la compétitivité internationale dans un contexte de mondialisation économique. L'élévation du niveau de qualification contribue à ce que la main-d'œuvre soit plus adaptable et plus productive. De plus, du point de vue de chaque travailleur, l'élévation des qualifications signifie également qu'il est plus facile de trouver un emploi et, de ce fait, assure une plus grande sécurité de l'emploi. Pour ces différentes raisons, les politiques gouvernementales devraient promouvoir l'investissement, aussi bien public que privé, dans le développement des ressources humaines. Il importera en particulier de prévoir des mesures d'incitation pour que les employeurs investissent dans l'amélioration des qualifications et pour que les travailleurs cherchent à élever leur niveau de qualification.
15. Les institutions consacrées à la conception et à la mise en œuvre de politiques actives du marché du travail devront également être renforcées. A cet égard, les capacités existantes sont limitées, ce qui a empêché d'apporter une réponse de fond au problème du redéploiement des travailleurs qui ont perdu leur emploi à la faveur de la crise actuelle. La mise au point de systèmes d'information sur le marché du travail pour permettre de surveiller en temps opportun et d'anticiper les problèmes du marché du travail constitue une condition préalable fondamentale. Il en va de même du développement de services de l'emploi publics pleinement capables de faciliter les recherches d'emploi et le placement, d'organiser la formation de reconversion des travailleurs dont l'emploi a été supprimé et de mettre en œuvre des systèmes de promotion de l'emploi efficaces du point de vue des coûts. Les services de l'emploi publics comme les bureaux de placement privés sont importants pour accroître le taux de réussite et l'efficacité des politiques actives du marché du travail.
16. Les questions relatives aux travailleurs migrants sont devenues critiques sous l'effet de la crise, laquelle a rendu plus urgente la nécessité d'objectifs plus clairs et d'une meilleure mise en œuvre des politiques. Le cas échéant, des accords bilatéraux peuvent aider à répondre à cette nécessité. L'OIT devrait fournir des services de conseils ainsi qu'une aide technique en matière de formation spécifique pour faciliter la réinsertion des migrants de retour dans leur pays d'origine.
17. Il est nécessaire d'améliorer l'information et les études relatives aux conséquences de la crise sur le problème du travail des enfants, notamment sous ses formes les plus intolérables, telles que la prostitution enfantine, la traite des enfants et le travail des enfants dans des conditions où ils sont exposés à des risques importants. L'OIT devrait continuer à mobiliser des ressources à l'intention du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), y compris le contrôle et l'analyse de l'évolution de la situation du travail des enfants dans les pays concernés. L'OIT devrait également promouvoir activement la ratification et l'application de la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973.
18. Il est également nécessaire d'améliorer l'information et les études relatives aux conséquences de la crise sur l'emploi et les conditions de vie et de travail des femmes, pour créer une base permettant de mettre au point des politiques et des programmes appropriés afin de prévenir et de remédier à toute discrimination éventuelle à l'encontre des femmes. L'OIT devrait apporter son aide à cet égard.
Entreprises et création d'emplois
19. Comme l'indiquent les conclusions de la douzième Réunion régionale asienne, l'emploi devrait être promu au moyen de politiques saines de développement des entreprises, de l'investissement dans le capital humain et d'un environnement économique permettant la compétitivité durable des entreprises au sein d'une économie mondiale en mutation rapide. De plus, les nouvelles possibilités d'emploi dépendront dans une large mesure des entreprises privées, notamment des petites et moyennes entreprises. La création d'emplois, qui constitue la politique la plus décisive en vue de la reprise, dépend de la compétitivité et du succès des entreprises. Par conséquent, il importe de créer un environnement économique favorable aux investissements, y compris aux investissements étrangers directs, ainsi qu'aux activités des entreprises. Cet environnement aurait pour éléments la transparence de la gestion de l'économie, la stabilité des politiques macroéconomiques, l'ouverture des marchés, l'investissement dans le développement du capital humain, la souplesse de la réglementation, la bonne réaction des marchés du travail et des relations professionnelles saines.
20. Les mesures proposées dans le projet de recommandation de l'OIT sur «les conditions générales pour la création d'emplois au sein des petites et moyennes entreprises», actuellement étudié en vue de son adoption par la Conférence internationale du Travail de 1998, fournissent un cadre d'action approprié, qui peut être ciblé sur les domaines suivants: a) création d'un environnement politique, juridique et réglementaire favorable, favorisant la création et le développement des entreprises; b) promotion du développement économique local en vue de la création d'emplois et d'entreprises; c) promotion de la création d'entreprises en faveur des travailleurs licenciés; d) développement de l'esprit d'entreprise chez les femmes; e) création d'entreprises à l'intention des stagiaires des centres de formation technique; f) amélioration de l'accès des micro-entreprises et des PME aux services de promotion des entreprises, y compris au crédit; g) amélioration des conditions de travail au sein des PME; h) renforcement des capacités des services de l'emploi et des services consultatifs afin d'apporter un soutien efficace au secteur des petites et moyennes entreprises.
21. Il conviendrait de considérer la mise en œuvre, dans les pays concernés, du nouveau Programme international de l'OIT pour les petites entreprises (ISEP). Ce programme comporte une approche intégrée du développement des PME ainsi qu'un ensemble d'instruments pratiques déjà existants, parmi lesquels les programmes «Gérez mieux votre affaire», «Démarrez votre entreprise» et «Connaissez le monde des affaires», le Programme sur les améliorations du travail dans les petites entreprises (ATPE) et l'initiative visant le développement de l'esprit d'entreprise chez les femmes, récemment lancée dans la région.
22. L'OIT peut contribuer au renforcement des entreprises existantes au moyen de programmes destinés à améliorer leur productivité et leur compétitivité, y compris par une approche bipartite au niveau de l'entreprise. Les programmes d'action de l'OIT dans des domaines tels que la productivité et les emplois de qualité, le développement des petites et moyennes entreprises et le développement économique local peuvent constituer la base des activités de conseil destinées aux pays concernés.
23. Les conséquences sociales de la restructuration et de la privatisation des entreprises devraient être traitées par le biais de consultations bipartites et tripartites. L'OIT peut apporter son aide par ses conseils et son soutien, par exemple en matière de formation, de reconversion, de rémunération globale et de création d'emplois.
24. Une aide spéciale peut être fournie pour améliorer les capacités du secteur rural et du secteur non structuré en matière de création d'emplois productifs. Dans les zones rurales, les mesures favorisant la formation de personnel qualifié peuvent être conjuguées avec des possibilités d'emplois indépendants, par le biais de programmes de développement des micro-entreprises et de systèmes de crédit renouvelable destinés à soutenir l'emploi indépendant et les activités génératrices de revenu. L'action de l'OIT peut contribuer à améliorer la qualité et la productivité des emplois du secteur non structuré. Pour ce qui est du secteur non structuré dans les villes, le travail effectué par l'OIT dans le cadre du Projet interdépartemental sur le secteur non structuré urbain a fait naître diverses idées sur la manière d'améliorer les conditions d'emploi et de travail. Ces idées ont été intégrées au programme d'ensemble intitulé «Programme de l'OIT sur l'emploi urbain: des emplois de meilleure qualité pour le secteur non structuré».
Protection sociale
25. Les pays concernés devraient chercher à préserver et, si possible, à accroître les budgets sociaux qui, en cette période de crise, sont indispensables pour assurer une protection minimale sur le plan des revenus et des services essentiels à ceux qui en ont le plus besoin. Cette question devrait être abordée dans le cadre du dialogue avec les institutions financières internationales.
26. L'OIT devrait, à titre prioritaire, promouvoir l'introduction de l'assurance chômage et fournir des informations sur les coûts potentiels et la faisabilité administrative d'une telle mesure. L'Organisation pourrait fournir des conseils en matière d'études actuarielles et de budgets sociaux et aider à l'élaboration de lois et réglementations et à la planification de la mise en œuvre d'un nouveau système. Il conviendrait de veiller à ne pas compromettre la viabilité des entreprises.
27. Les pays touchés par la crise devraient prendre des mesures appropriées pour assurer la protection adéquate des salaires des travailleurs et des indemnités de licenciement, en tenant compte de la convention (no 173) sur la protection des créances des travailleurs en cas d'insolvabilité de leur employeur, 1992, et de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982. L'OIT devrait fournir des conseils sur la création de régimes de garantie des salaires et des indemnités de licenciement, avec le concours actif des organisations d'employeurs et de travailleurs. De plus, l'OIT devrait aider les gouvernements à renforcer l'aptitude des services d'inspection du travail à assurer la protection effective des droits des travailleurs, en tenant compte notamment des dispositions de la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947, et de la convention (no 150) sur l'administration du travail, 1978.
28. Les gouvernements sont encouragés à prévoir des filets de protection sociale à l'intention des personnes touchées par la crise et de celles qui n'ont pas accès à l'assurance chômage, ni même aux indemnités de licenciement, en particulier si elles appartiennent aux groupes sociaux les plus vulnérables, tels que les femmes et les enfants. Dans la mesure où la conception et le financement de ces filets de protection sont complexes et prendront du temps, il est nécessaire de définir des mesures de secours provisoire et de les mettre en œuvre en tant que mesures d'urgence.
29. A long terme, l'octroi d'une retraite minimum aux personnes, de plus en plus nombreuses, qui sont trop âgées pour travailler et qui ne disposent pas d'autres formes de revenu, constitue un pas décisif pour prévenir la pauvreté et pour atténuer les effets de la crise. L'OIT devrait fournir des services consultatifs à ses mandants concernant l'introduction de régimes de retraite de base.
30. La crise a révélé l'importance de l'existence des systèmes de sécurité sociale pour protéger les chômeurs et les autres groupes vulnérables. Les pays touchés devraient reconsidérer l'adéquation de leurs systèmes. L'OIT, qui possède les connaissances techniques nécessaires, peut apporter son aide à cet égard.
31. Les autorités nationales devraient également s'efforcer d'améliorer la gestion des régimes de sécurité sociale. L'OIT devrait leur apporter son aide, en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs, pour améliorer la conformité, la comptabilité et l'efficacité administrative et pour maîtriser les coûts, dans le but d'assurer la protection effective des travailleurs couverts par le système de protection sociale.
32. Les travailleurs du secteur non structuré des zones urbaines et rurales devraient constituer un groupe cible prioritaire de l'aide de l'OIT, étant donné qu'ils ne jouissent d'aucune protection sociale. Cela devrait impliquer une aide aux pays pour qu'ils élargissent comme il convient la base de leur système de protection sociale, et notamment l'élaboration de politiques visant le secteur non structuré, la détermination des groupes cibles et des domaines prioritaires de la protection sociale, une aide pour concevoir des régimes spécifiques au secteur non structuré et pour assurer la mise en œuvre et le contrôle de régimes pilotes, ainsi que des mesures pour améliorer les conditions de vie et de travail.
33. Il conviendrait de veiller à ce que les pressions qui s'exercent sur les entreprises en faveur d'une réduction des coûts en raison de la crise ne portent pas préjudice aux conditions de travail et aux normes en matière de santé et de sécurité au travail. A l'évidence, les mesures destinées à améliorer les conditions de travail et à éviter les accidents du travail et les maladies professionnelles peuvent et doivent être compatibles avec l'amélioration de la productivité et de la compétitivité des entreprises. A cet égard, l'OIT devrait apporter une aide pratique aux employeurs et aux travailleurs, en tenant compte des normes internationales du travail pertinentes en matière de santé et de sécurité des travailleurs et de conditions de travail, en particulier la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.
Tripartisme, relations professionnelles
et normes internationales du travail
34. L'OIT devrait fournir toute l'aide possible pour améliorer le respect des sept conventions fondamentales.
35. Le débat a souligné l'importance de la participation des travailleurs et des employeurs à la recherche de solutions aux problèmes provoqués par la crise. L'existence d'organisations de travailleurs et d'employeurs indépendantes, solides et représentatives est une condition fondamentale pour que cette participation ait lieu, pour que le tripartisme soit crédible et pour que la négociation collective se développe. L'amélioration du respect de la liberté syndicale est une condition préalable au développement de ces organisations et, de ce fait, à la réalisation des avantages de la participation. Il conviendrait de donner la priorité aux réformes de la législation du travail visant à supprimer les obstacles à la liberté d'association. L'OIT devrait accroître son aide technique aux gouvernements à cet égard, afin que les employeurs et les travailleurs puissent jouir de leurs droits fondamentaux d'association et de liberté dans la négociation collective, comme stipulé dans les conventions nos 87 et 98.
36. Une fois supprimés les obstacles juridiques et pratiques à la constitution d'organisations de travailleurs et d'employeurs et à leur fonctionnement, le développement de ces organisations dépendra en partie de la qualité des services qu'elles proposent. L'OIT devrait accroître son aide aux organisations d'employeurs et de travailleurs dans leurs efforts pour développer leurs moyens d'action et améliorer leurs services.
37. Le tripartisme au niveau national peut jouer un rôle efficace pour que soit dégagé le consensus nécessaire aux choix politiques difficiles à faire dans des conditions toujours changeantes. Pour renforcer le tripartisme, l'OIT devrait accélérer ses activités de formation dans la mesure où les membres des organisations de travailleurs et d'employeurs, de même que les acteurs gouvernementaux, ont souvent besoin d'une formation dans les domaines suivants: tripartisme en général, étendue de ses mécanismes possibles, rôle des acteurs tripartites, techniques de négociation et de conciliation nécessaires pour étayer le dialogue social. L'étendue des sujets concernés par la délibération tripartite a souvent été restreinte; aujourd'hui, il est davantage nécessaire que le dialogue tripartite national couvre l'ensemble des choix politiques en matière économique et sociale. Afin que les organisations d'employeurs et de travailleurs puissent accomplir cette tâche comme il se doit, l'OIT devrait les aider à améliorer leurs connaissances dans des domaines tels que le marché du travail, la politique économique et la sécurité sociale.
38. Il est également nécessaire de renforcer la négociation collective et la coopération entre employeurs et travailleurs au sein des entreprises. Les suppressions d'emplois sont inévitables, mais l'expérience confirme qu'il existe souvent des alternatives aux licenciements. Le dialogue entre employeurs et travailleurs peut révéler des moyens de réduire les coûts et d'améliorer la flexibilité, la productivité et la sécurité de l'emploi. Les gouvernements, ainsi que les organisations de travailleurs et d'employeurs, devraient promouvoir activement la coopération sur le lieu de travail. L'OIT devrait apporter son aide au moyen d'une formation dans les domaines de la coopération sur le lieu de travail et de la négociation des solutions aux problèmes liés à la restructuration des entreprises, ainsi qu'au moyen de la diffusion d'informations sur les pratiques les plus appropriées. Il conviendrait également de s'attacher à créer des mécanismes bipartites ou tripartites à tous les niveaux appropriés pour stimuler la recherche de solutions aux problèmes liés aux pertes d'emplois, à la formation et à la reconversion, au revenu et à la sécurité de l'emploi.
39. Le nombre des conflits du travail a augmenté en raison de la crise. L'OIT devrait continuer d'offrir une formation aux inspecteurs du travail, conciliateurs, médiateurs, arbitres, juges des tribunaux du travail, etc., de même qu'aux organisations d'employeurs et de travailleurs en matière de techniques de règlement des conflits. Des efforts devraient également être accomplis pour prévenir les conflits du travail en initiant ou en renforçant la coopération sur le lieu de travail, ainsi que pour renforcer les mécanismes et institutions visant à prévenir et à régler les conflits, y compris la législation pertinente et son application.
40. L'existence de relations professionnelles saines assure la stabilité sociale, améliore les résultats des entreprises, permet d'assurer l'application des mesures d'ajustement et de garantir un partage équitable des coûts qui leur sont liés. Des organisations de travailleurs et d'employeurs indépendantes, solides et représentatives sont des partenaires indispensables pour l'orientation stratégique du marché du travail. L'OIT devrait promouvoir des relations professionnelles saines, car elles constituent un élément majeur du développement économique et social en Asie.
41. Les participants à la réunion encouragent les gouvernements à poursuivre leur action, en consultation avec les partenaires sociaux, pour atténuer les conséquences sociales négatives de la crise et pour stimuler la croissance économique.