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GB.270/15/5
270e session
Genève, novembre 1997


QUINZIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Rapport du Directeur général

Cinquième rapport supplémentaire:
Rapport du comité désigné pour examiner la réclamation
alléguant l'inexécution par la Fédération de Russie
de la convention (n
o 95) sur la protection du salaire, 1949,
présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT
par l'Internationale de l'éducation et le Syndicat des salariés
de l'enseignement et des sciences de Russie

1. Par des lettres datées des 6 août, 17 septembre, 6 novembre 1996 et 6 mars 1997, l'Internationale de l'éducation (IE) et le Syndicat des salariés de l'enseignement et des sciences de Russie (ESEUR), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, ont adressé au Bureau une réclamation alléguant l'inexécution par la Fédération de Russie de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949.

2. La réclamation en question a trait à une convention à laquelle la Fédération de Russie est partie et qui est en vigueur pour elle(1) .

3. Les dispositions pertinentes de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes:

Article 24

Article 25

4. La procédure à suivre en cas de réclamation est régie par le Règlement révisé adopté par le Conseil d'administration à sa 212e session en mars 1980(2) .

5. Conformément aux articles 1 et 2, paragraphe 1, de ce Règlement, le Directeur général a communiqué la réclamation au gouvernement de la Fédération de Russie et l'a transmise au bureau du Conseil d'administration.

6. Le Conseil d'administration, à sa 268e session (mars 1997), sur recommandation de son bureau, a déclaré la réclamation recevable(3) . Il a désigné le comité chargé de l'examen de la réclamation, composé de Mme Musulin (membre gouvernemental, Croatie), présidente, de Mme France (membre employeur) et de M. Edström (membre travailleur).

7. Le comité a décidé, en vertu du paragraphe 1 de l'article 4 du Règlement, d'inviter le gouvernement à soumettre ses observations sur la réclamation avant le 31 mai 1997.

8. Dans une lettre reçue le 28 mai 1997, le gouvernement a communiqué ses observations concernant la réclamation. Le comité s'est réuni à Genève le 11 novembre 1997 et a adopté son rapport.

Examen de la réclamation

A. Allégations présentées

9. Dans leur communication, l'Internationale de l'éducation (IE) et le Syndicat des salariés de l'enseignement et des sciences de Russie (ESEUR) dénoncent le non-paiement des salaires et le retard dans le paiement des salaires des travailleurs salariés, notamment dans le secteur de l'éducation.

10. Les organisations réclamantes citent les statistiques officielles relatives aux retards dans le versement des salaires et au non-paiement des salaires dans l'éducation qui sont fournies par le ministère russe du Travail, ainsi que les chiffres recueillis par l'ESEUR: d'après les statistiques officielles, le montant total des salaires non versés dans le secteur de l'éducation s'élevait, le 8 avril 1996, à 1 milliard 578 millions de roubles, dont 1 milliard 530 millions de roubles dû à un défaut de financement direct à partir des budgets publics; les mêmes statistiques officielles établissaient par ailleurs à 20 300 le nombre des entreprises et organismes dans lesquels les salaires n'étaient pas versés dans le secteur de l'éducation, ce chiffre étant de 83 500 pour tous les secteurs confondus; la même source établit à 21,8 milliards de roubles le montant total des salaires non versés pour l'ensemble des secteurs. Selon les informations recueillies par l'ESEUR, le montant total des salaires non versés dans le secteur de l'éducation était, au 17 mai 1996, de 1,9 milliard de roubles.

11. L'IE et l'ESEUR font également état d'une lettre datée du 27 décembre 1995, adressée par le vice-ministre du Travail au président des Syndicats indépendants de Russie, qui, à leur avis, reconnaît partiellement une responsabilité de l'Etat, mais tente de rejeter la responsabilité principale des non-paiements et des retards dans les paiements sur les autorités régionales et locales. D'après cette lettre, les salaires financés par le budget fédéral non versés au 20 décembre 1995 atteignaient 952,6 milliards de roubles, dont 622,3 milliards pour le secteur de l'éducation.

12. Les organisations réclamantes indiquent en outre dans leur lettre datée du 6 mars 1997 que la situation au regard du non-versement des salaires ne s'est pas améliorée, ce qui a provoqué une grève générale dans toute la Russie du 13 au 17 janvier 1997, puis une nouvelle action de la part de l'ESEUR dans la semaine du 17 au 25 février. Elles déclarent qu'au cours de cette dernière semaine 9 566 établissements d'enseignement ont engagé des mouvements de grève, avec la participation, d'après les estimations, de 395 000 membres de l'ESEUR, pour réclamer le paiement intégral et en temps voulu des salaires. D'après l'organisation réclamante, cette dernière action a arraché des promesses aux autorités fédérales comme aux autorités locales, mais à ce jour ces promesses n'ont nulle part été suivies d'effets.

13. Les organisations réclamantes ajoutent que, dans certaines zones rurales, les autorités locales ont conclu des accords avec des magasins afin qu'ils fournissent aux enseignants et aux autres catégories de personnel de la nourriture à concurrence d'un certain montant, étant entendu que le paiement sera effectué lorsque les salaires seront versés. Elles considèrent que cette pratique se rapproche du paiement des salaires sous forme de prestations en nature ou de bons au lieu d'argent.

B. Observations du gouvernement

14. Dans sa communication, le gouvernement déclare que la question des arriérés de salaires s'est posée dans les premières années de la réforme de l'économie de la Fédération de Russie; les arriérés étaient relativement faibles avant l'automne 1993, mais la situation a commencé à empirer au cours du deuxième trimestre de 1993. Au milieu de l'année 1996, le volume des arriérés dans l'industrie, l'agriculture, la construction, les transports et le secteur social (qui inclut, entre autres, l'éducation et la santé) dépassait la masse salariale mensuelle de ces secteurs. D'après les estimations, les arriérés de salaires atteignaient, à la fin de 1996, environ 140 pour cent de la masse salariale mensuelle dans les industries manufacturières et 120 pour cent dans le secteur du budget public.

15. Selon le gouvernement, au cours de l'année 1996, les arriérés de salaires dans le secteur social ont augmenté de 6,2 billions de roubles, soit 360 pour cent; plus spécifiquement, l'augmentation a été de 310 pour cent dans l'éducation et les services de santé et de 590 pour cent dans le secteur de la culture et des arts. Le nombre des établissements ne versant pas les salaires a augmenté de 180 pour cent.

Principales causes des retards
dans le paiement des salaires

16. Pour ce qui est des principales causes de la crise, le gouvernement considère que le non-paiement des salaires est une conséquence de la brutale détérioration de la situation financière d'une majorité d'entreprises et de branches de l'économie nationale. A la fin de 1996, le pourcentage des entreprises industrielles connaissant un déficit a atteint 48 pour cent (27 pour cent un an plus tôt), cette proportion étant de 59 pour cent dans le secteur des transports (36 pour cent en décembre 1995) et de 37 pour cent dans le secteur du bâtiment (20 pour cent en décembre 1995). Les profits engendrés par l'industrie, la construction et les transports pendant dix mois en 1996 ont diminué de 54 pour cent par rapport à la période correspondante les années précédentes.

17. Le gouvernement estime que le recul continu de la production et la forte baisse de la productivité ont eu des effets négatifs non seulement sur la solvabilité des fabricants de biens, mais aussi sur les recettes fiscales des programmes ordinaires et des programmes extrabudgétaires, et notamment des services sociaux, ces recettes ayant été considérablement réduites; cela a eu pour effet de compliquer la mobilisation rapide de ressources financières pour le paiement des salaires, allocations, bourses et autres prestations sociales aux travailleurs du secteur social. Les déficits budgétaires dans plusieurs branches manufacturières et les retards systématiques dans l'affectation de ressources aux entreprises pour régler les commandes de l'Etat ont entraîné non seulement une accumulation d'arriérés dans ces entreprises, mais ont aussi alourdi l'endettement des firmes avec lesquelles elles traitent. L'incapacité chronique des consommateurs de payer les biens livrés et les services fournis, l'augmentation progressive de la dette réciproque des entreprises et la pénurie aiguë d'actif circulant pour acheter des matières premières, des fournitures, des pièces détachées, ainsi que plusieurs autres facteurs indépendants des relations professionnelles, ont considérablement aggravé les problèmes liés au paiement des salaires en temps voulu.

18. Le gouvernement ajoute cependant qu'il y a aussi une autre cause à l'augmentation des arriérés de salaires: le détournement de fonds réservés à la masse salariale vers des emprunts sans intérêts pour renouveler l'actif circulant, vers l'acquisition de bons du Trésor, dont le rendement et les avantages fiscaux excèdent largement la rentabilité de la production, et vers le placement de fonds sur des comptes dans des banques commerciales en vue d'accumuler des intérêts. Les conclusions auxquelles sont parvenus les services d'inspection du travail de la Fédération de Russie, le ministère public et les organes liés au Service de contrôle fiscal révèlent un mépris généralisé des principes du droit civil et d'incontestables abus, même criminels, de la part de ceux qui effectuent ces transactions financières.

Mesures visant à assurer le prompt
versement des salaires

19. En ce qui concerne les mesures visant à assurer le prompt versement des salaires, le gouvernement indique ce qui suit: Le Président de la Fédération de Russie a promulgué les décrets nos 66 et 209 (datés respectivement des 19 janvier et 1er février 1996), visant à garantir le prompt versement des salaires financés par les budgets ordinaires à tous les niveaux, ainsi que celui des pensions et des prestations sociales. En mars 1996, le gouvernement de la Fédération de Russie a décidé (ordonnance no 329-P de mars 1996) d'introduire plusieurs mesures visant à assurer le paiement des arriérés de salaires aux travailleurs du secteur public ainsi qu'aux autres travailleurs. Des groupes de travail ad hoc dirigés par des vice-présidents du gouvernement de la Fédération de Russie et par les ministres des Affaires économiques, des Finances et du Travail ont examiné les propositions faites par les éléments constitutifs de la Fédération de Russie et décidé d'accorder à la plupart d'entre eux une aide financière supplémentaire pour régler les arriérés de salaires ainsi que les arriérés dans les bourses d'études et les prestations.

20. Le gouvernement déclare qu'à la suite des mesures prises pour remédier à la situation, les arriérés de salaires dans le secteur social (financés par le budget du secteur public) ont diminué de 2 pour cent entre le 24 mars et le 21 avril 1996, date à laquelle ils atteignaient 10 milliards 9 millions de roubles, ce montant incluant les arriérés dus au fait qu'il n'y a pas eu de financement direct à partir des budgets publics à tous les niveaux -- 8 milliards 792 millions de roubles -- et ceux dus au manque de ressources des entreprises -- 1 milliard 282 millions de roubles. Le gouvernement indique que le volume des arriérés concernant les établissements d'enseignement n'a guère diminué (moins de 1 pour cent) et qu'il se situait à 5 milliards 329 millions de roubles, tandis que les arriérés concernant les établissements scientifiques ont diminué de 3,4 pour cent pour atteindre 1 milliard 164 millions de roubles.

21. Le gouvernement indique en outre que, pour financer les budgets des territoires et améliorer la situation de manière à permettre le paiement des salaires des agents des organismes budgétaires au niveau territorial, le gouvernement de la Fédération de Russie a transféré aux éléments constitutifs de la Fédération de Russie où la situation était particulièrement grave une aide financière égale à 1,3 billion de roubles, en plus des fonds déjà programmés qui ont été transférés en mars. Cette aide financière a été mise à disposition à titre d'avance pour les 19 éléments constitutifs de la Fédération de Russie qui n'avaient pas de ressources propres pour régler les arriérés de salaires des travailleurs des établissements d'enseignement. Cette aide a été attribuée en sus des transferts dus aux territoires pour le mois de mars de cette année et prélevés sur le Fonds d'aide financière de la Fédération de Russie.

22. D'après le gouvernement, le problème du règlement des arriérés de salaires a été traité à plusieurs reprises aux sessions de la Commission tripartite russe chargée de la réglementation des relations sociales et professionnelles. En octobre-novembre 1996, le gouvernement de la Fédération de Russie, conjointement avec la Commission tripartite russe chargée de la réglementation des relations sociales et professionnelles, a pris de nouvelles mesures pour atténuer le problème des arriérés de salaires. Le calendrier établi pour le règlement des arriérés financés par le budget fédéral a été approuvé. Un appel a été lancé aux organes exécutifs des éléments constitutifs de la Fédération de Russie afin qu'ils prennent des mesures analogues à l'égard des établissements et organismes financés par les budgets régionaux, et un autre appel a été lancé aux employeurs et aux syndicats afin qu'ils élaborent d'urgence des plans d'action communs pour le règlement des arriérés de salaires des entreprises industrielles, en vue de contrôler strictement le virement des fonds sur les comptes et leur distribution.

23. Pour ce qui est de l'inspection du travail et de l'application de sanctions, le gouvernement indique ce qui suit: au cours de la période allant de janvier à décembre 1996, les services de l'inspection du travail de Russie ont effectué plus de 55 000 inspections pour vérifier si les salaires étaient versés à temps. Ils ont constaté à cette occasion 68 500 violations, plus de 40 000 injonctions ayant été émises pour y remédier. Le montant total des salaires effectivement versés aux travailleurs suite à l'intervention des services de l'inspection du travail et d'autres mesures a atteint plus de 5,3 billions de roubles. Près de 7 600 directeurs d'entreprises et d'établissements se sont vu infliger des amendes d'un montant total de 5,5 milliards de roubles pour avoir commis des infractions graves à la législation sur les salaires, 740 personnes ont été frappées de mesures disciplinaires, dont 35 de mesures de licenciement. Pour ce qui est des violations les plus graves au sens de l'article 138 du Code pénal de la Fédération de Russie, les cas ont été soumis au ministère public afin qu'il engage des procédures pénales. Le ministère public a engagé plus de 200 procédures pénales.

24. Le gouvernement ajoute que, en mars 1997, plusieurs réunions et conférences ayant réuni des représentants du gouvernement de la Fédération de Russie et des associations panrusses de syndicats et d'employeurs ont eu lieu, à la suite de quoi un certain nombre de mesures ont été adoptées pour régler les arriérés de salaires. Les travailleurs des services budgétaires reçoivent actuellement des rappels de traitement par prélèvement sur le budget fédéral. Le gouvernement de la Fédération de Russie a élaboré et adopté un calendrier pour le versement des arriérés de salaires au personnel des établissements d'enseignement, un autre pour financer les établissements scientifiques en 1997 et un autre pour verser les arriérés de salaires budgétisés en 1996. Ces calendriers ont été approuvés le 21 mars 1997 à une réunion d'un groupe de travail tenue par le gouvernement de la Fédération de Russie avec la participation de représentants des associations russes de syndicats et des associations nationales d'employeurs. Le règlement des arriérés de salaires pour les établissements financés par le budget fédéral se déroule conformément aux calendriers adoptés. En même temps, le programme de financement des établissements du secteur public au niveau fédéral a été exécuté avant le mois de mars, qui était le délai fixé. A cette fin ont été réservés 337,6 milliards de roubles au lieu de 120 milliards. Le programme de financement pour les établissements scientifiques prévoyait une allocation de ressources d'un montant global de 3,2 billions de roubles au cours du premier semestre de cette année. En mars, ces allocations devaient atteindre 950 milliards de roubles, les établissements scientifiques au niveau fédéral ayant en fait reçu 18 milliards de roubles supplémentaires.

25. Le gouvernement indique en outre que des initiatives pour régler les arriérés de salaires ont également été prises dans les commissions tripartites régionales chargées de la réglementation des relations sociales et professionnelles, et que de telles commissions existent et fonctionnent dans tous les éléments constitutifs de la Fédération de Russie en vue d'améliorer les procédures de paiement et le règlement des comptes. Les activités de ces commissions ont pris dernièrement plus d'importance. Plusieurs territoires ont élaboré des plans et des programmes d'action afin de remédier au problème des arriérés de salaires. Des inspections périodiques sont effectuées dans les entreprises et les établissements pour vérifier s'ils se conforment à la législation du travail. Les mesures prises pour redresser la situation ont entraîné une diminution des arriérés de salaires.

26. Le gouvernement conclut en affirmant que le problème des arriérés de salaires ne pourra être réglé que lorsque la crise financière sera résolue, et en premier lieu la crise des comptes non payés, ainsi que lorsque l'économie se sera stabilisée, qu'il y aura une reprise économique et que de profonds ajustements structurels de l'économie nationale auront été opérés. Des mesures visant à améliorer considérablement la situation économique sont envisagées dans le projet de programme à moyen terme pour 1997-2000, intitulé «Ajustement structurel et reprise économique». Il y est indiqué que, depuis 1997, de vigoureux efforts sont entrepris pour réformer les entreprises en profondeur afin de les restructurer, d'améliorer leur gestion, d'accroître leur efficience et leur efficacité, la compétitivité de leur production, la productivité du travail dans le dessein d'abaisser les frais d'exploitation, et pour améliorer les résultats des activités économiques et financières.

C. Conclusions du comité

27. Le comité note que la situation de non-paiement ou de retard dans le paiement des salaires évoquée par l'IE et l'ESEUR dans la réclamation a trait principalement à l'application du paragraphe 1 de l'article 12 de la convention no 95, qui prévoit le paiement des salaires à intervalles réguliers. Le comité observe que la question du niveau de rémunération des travailleurs de l'enseignement par rapport au salaire moyen dans l'industrie n'entre pas dans le champ d'application de la convention et que, par conséquent, il ne peut examiner ce point.

28. L'article 12 de la convention no 95 se lit comme suit:

Article 12

Examen antérieur de l'application de la convention no 95
par les organes de contrôle de l'OIT

29. Le comité note que l'application par la Fédération de Russie de la convention no 95, et en particulier du paragraphe 1 de l'article 12 de cette convention, a fait l'objet de commentaires de la part de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations depuis 1993 et à chaque session de cette commission depuis mars 1995, à la suite de plusieurs observations formulées par des organisations de travailleurs qui dénonçaient le non-paiement ou le retard dans le paiement des salaires dans plusieurs régions et secteurs. La commission d'experts a noté que le problème avait trait à l'application dans la pratique de la législation nationale qui donne effet à la convention. Elle a donc demandé au gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour assurer, entre autres choses, le paiement régulier des salaires et pour inclure, par exemple, des extraits de rapports officiels faisant état du nombre d'enquêtes effectuées, d'infractions observées et de sanctions infligées. La Commission de l'application des normes de la 82e session de la Conférence internationale du Travail (juin 1995) a également examiné l'application de cette convention dans la Fédération de Russie. Cette commission de la Conférence a noté que le non-paiement et le retard dans le paiement des salaires dans la Fédération de Russie étaient des questions très préoccupantes tout en reconnaissant que le cadre législatif permettant de traiter le problème existait. Elle a demandé un renforcement du contrôle destiné à assurer le prompt versement des salaires et a invité le gouvernement à fournir des informations sur l'application de la loi et les mesures concrètes prises pour éviter les infractions.

Paiement des salaires à intervalles réguliers

30. Le comité rappelle que, en vertu du paragraphe 1 de l'article 12 de la convention, les salaires doivent être payés à intervalles réguliers. Un Etat qui ratifie la convention est tenu non seulement de l'appliquer scrupuleusement aux travailleurs dont les salaires sont financés directement par le budget de l'Etat, mais aussi de veiller à ce qu'elle soit appliquée par les autorités locales et les entreprises privées. Le comité note que la Fédération de Russie n'a pris aucune mesure, en vertu du paragraphe 2 de l'article 2 de la convention, pour exclure certaines catégories de personnes de l'application de cet instrument.

31. Le comité note que le gouvernement ne conteste pas l'allégation selon laquelle il existe des arriérés de salaires dans le pays, notamment dans le secteur de l'éducation qui est expressément mentionné par l'IE et l'ESEUR. Qu'il s'agisse d'arriérés de salaires, de retards dans le paiement des salaires ou de non-paiement des salaires, la situation entre dans le champ d'application de la convention du fait que le paiement régulier des salaires prévu au paragraphe 1 de l'article 12 n'est pas assuré.

32. Pour ce qui est du volume des arriérés de salaires, le comité note que le gouvernement ne réfute pas les statistiques citées par l'IE et l'ESEUR. Le comité note également que le gouvernement indique dans sa réponse que le montant des arriérés s'élevait à 5 milliards 329 millions de roubles au 21 avril 1996 dans les établissements d'enseignement. Ce chiffre est en réalité beaucoup plus élevé que celui de 1 milliard 578 millions de roubles cité par les organisations plaignantes, dont les statistiques officielles indiquaient qu'il représentait le montant global des salaires non payés en avril 1996. En l'absence d'informations précises sur les méthodes et les critères appliqués pour déterminer ces chiffres, le comité note que ces statistiques ne donnent qu'une indication de l'ampleur des arriérés de salaires. Il note en outre que, d'après le gouvernement, les arriérés de salaires dans le secteur social, qui inclut l'éducation, ont augmenté de 6,2 billions de roubles, soit 360 pour cent, au cours de l'année 1996. En outre, le comité note que les arriérés de salaires dans le secteur social, financés sur le budget public, représentaient, au 21 avril 1996, une somme de 10 milliards 9 millions de roubles.

33. Ni les organisations plaignantes ni le gouvernement n'invoquent les dispositions de la législation nationale qui donnent effet à la convention. Cependant, en se référant aux informations disponibles, le comité observe que le Code du travail de la Fédération de Russie contient, à l'article 96(4) , des dispositions relatives au paiement périodique des salaires qui semblent répondre aux exigences du paragraphe 1 de l'article 12 de la convention. La présente allégation concerne par conséquent l'application effective de la législation nationale pertinente, puisque la seule conformité de la législation est insuffisante pour assurer un respect satisfaisant de la convention, à moins que la loi ne soit efficacement mise en pratique.

34. Le comité note que le gouvernement évoque diverses mesures prises pour assurer le prompt versement des salaires, et notamment des décrets présidentiels adoptés en 1996, l'aide financière fournie aux éléments constitutifs de la Fédération de Russie, l'action des services d'inspection du travail, les réunions tripartites, l'établissement de calendriers pour le règlement des arriérés de salaires. Le comité note cependant qu'il n'y a guère d'éléments qui permettent de penser que la situation s'est améliorée, malgré l'adoption par le gouvernement des mesures ci-dessus. Le comité est donc fondé à conclure que le gouvernement n'a pas assuré le plein respect de la disposition pertinente de la convention.

35. Le comité note que le gouvernement considère que le problème des arriérés de salaires ne pourra être résolu que par le règlement de la crise financière. Bien qu'il soit difficile de nier la relation entre le problème des arriérés de salaires et la situation générale des finances et de l'économie nationale, il est également manifeste que des arriérés de salaires d'une telle ampleur dans tout le pays et dans tous les secteurs ont une incidence néfaste sur l'économie nationale. Il paraît indispensable au comité que le gouvernement s'engage fermement à mettre fin au problème des arriérés de salaires et prenne toutes les mesures possibles à cette fin afin de briser ce cercle vicieux -- la crise financière entraînant des arriérés de salaires, ce qui nuit à l'économie nationale, ce qui aboutit à une réduction des recettes fiscales, ce qui aggrave la crise financière, etc.

36. Le comité note avec une inquiétude particulière que le gouvernement invoque, parmi les principales causes des arriérés de salaires, le détournement de fonds réservés pour le paiement des salaires vers d'autres fins, comme des transactions financières, ce qui révèle un mépris généralisé des principes du droit civil, voire de criminels abus. Si rien n'est fait pour mettre un terme à de telles pratiques, toutes les autres mesures financières prises pour mobiliser des ressources afin d'assurer le prompt versement des salaires n'auront que des résultats limités et continueront de profiter à ceux qui tirent parti de la situation.

37. De l'avis du comité, l'application effective de la convention comprend trois aspects principaux: le contrôle, des sanctions adéquates pour prévenir et punir les infractions, et des mesures pour réparer le préjudice subi. Pour ce qui est du contrôle, le comité a pris note(5)  de l'indication du gouvernement selon laquelle l'inspection du travail de la Fédération de Russie œuvre à contrôler le paiement régulier des salaires. Le comité prie instamment le gouvernement de renforcer encore les activités de l'inspection du travail à cet égard afin que le mépris de la loi ne soit pas considéré comme une chose normale.

38. Pour ce qui est des sanctions, le comité constate(5) que le gouvernement ne fait qu'indiquer le montant total de 5,5 milliards de roubles qui a été imposé à titre d'amendes à près de 7 600 directeurs d'entreprises ayant commis des infractions graves à la législation du travail, et que plus de 200 poursuites pénales ont été engagées. Le comité relève également que le gouvernement n'a pas fourni d'indications concernant les sanctions appliquées dans les cas d'infraction à la loi relative au paiement des salaires, en réponse à l'observation(6)  faite par la commission d'experts au sujet de l'application de l'article 15 c) de cette convention. Bien que, en raison du manque de précisions, le comité ne soit pas en mesure d'émettre un avis sur les amendes infligées pour cause de non-versement des salaires à intervalles réguliers, il note que les sanctions susmentionnées ne paraissent pas jusqu'à présent avoir eu pour effet de diminuer sensiblement les cas d'arriérés de salaires. En conséquence, le comité recommande que des sanctions adéquates soient infligées et strictement appliquées par le gouvernement, comme le demande l'article 15 c) de la convention.

39. Pour ce qui est des mesures visant à réparer le préjudice subi, le comité ne dispose pas d'informations précises et ne connaît pas même le nombre exact des travailleurs affectés, et encore moins les montants en cause et la durée exacte des retards dans le versement des salaires. Etant donné l'ampleur de ces retards, que révèlent non seulement les chiffres cités par les organisations plaignantes mais aussi ceux indiqués par le gouvernement, le comité souligne qu'il importe d'appliquer une procédure accélérée et ne doute pas que le gouvernement prendra toutes les mesures possibles pour assurer le versement rapide de leurs salaires aux travailleurs en cause. Le comité relève(7)  à cet égard que le gouvernement indique qu'il a adopté, avec la participation des partenaires sociaux, un calendrier pour verser les arriérés de salaires aux travailleurs des établissements d'enseignement, et que le règlement de tous les arriérés de salaires dans les établissements financés par le budget fédéral se déroule conformément au calendrier ou même à un rythme accéléré. Le comité engage instamment le gouvernement à poursuivre et à renforcer encore les efforts qu'il déploie pour assumer sa responsabilité directe en tant qu'employeur dans le secteur public. En même temps, le comité rappelle qu'il incombe aussi au gouvernement de veiller au remboursement rapide et efficace des arriérés de salaires par les autorités locales et les entreprises privées.

Paiement des salaires sous d'autres formes
qu'en monnaie ayant cours légal

40. Dans sa réponse, le gouvernement ne fournit pas d'informations sur le paiement des salaires sous d'autres formes qu'en espèces, comme des billets à ordre ou des prestations en nature. D'après les organisations plaignantes, dans certaines zones rurales les autorités locales ont conclu des accords avec des magasins afin qu'ils fournissent aux enseignants et aux autres catégories de personnel de la nourriture à concurrence d'un certain montant qui sera payé lorsque les salaires seront versés. Elles considèrent que cette pratique se rapproche du paiement des salaires sous forme de prestations en nature ou de bons au lieu d'argent. Le comité rappelle que la convention interdit, à l'article 3, le paiement de salaires sous forme de billets à ordre, de bons ou de coupons, ou sous toute autre forme censée représenter la monnaie ayant cours légal, et également qu'elle établit, à l'article 4, des critères pour limiter et réglementer le paiement des salaires sous la forme de prestations en nature. Il tient à appeler l'attention du gouvernement sur ces dispositions afin que les mesures prises pour rembourser les arriérés de salaires n'aboutissent pas à la violation d'autres dispositions de la convention.

41. Le comité observe avec une profonde préoccupation le manquement du gouvernement à assurer l'application effective de la convention et les graves conséquences sociales occasionnées par ce manquement. Il note que les plus récentes informations statistiques disponibles montrent que les mesures prises par le gouvernement n'ont pas eu pour effet une amélioration substantielle de la situation.

42. Le comité juge indispensable que la commission d'experts continue d'assurer le suivi des questions soulevées dans la présente réclamation. Il demande par conséquent au gouvernement de communiquer, dans le rapport qu'il doit fournir au titre de l'article 22 de la Constitution de l'OIT, toutes les informations pertinentes sur les mesures prises ou envisagées en liaison avec les conclusions qui précèdent et sur la manière dont la situation évolue du fait de ces mesures, en fournissant des précisions sur le nombre des travailleurs affectés, la nature et le montant des salaires dus et le nombre et la nature des établissements et des entreprises touchés par le non-paiement des salaires, le montant des versements déjà effectués ainsi que le nombre et la nature des pénalités imposées.

Recommandations du comité

43. Le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, compte tenu des conclusions qui figurent aux paragraphes 30 à 42 du rapport:

a. d'encourager le gouvernement à assurer la pleine application de la convention et, à cet égard:

b. d'inviter le gouvernement, dans le rapport qu'il doit fournir au titre de l'article 22 de la Constitution en ce qui concerne l'application de la convention no 95, à fournir des informations détaillées sur toutes les mesures prises ou envisagées afin d'assurer le paiement régulier des salaires et sur la manière dont la situation évolue par suite de ces mesures, et en particulier à indiquer:

c. de déclarer close la procédure engagée devant le Conseil d'administration à la suite de la réclamation de l'Internationale de l'éducation (IE) et du Syndicat des salariés de l'enseignement et des sciences de Russie (ESEUR) relative à l'application par la Fédération de Russie de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949.

44. Le comité, compte tenu des recommandations ci-dessus, suggère que le Conseil d'administration demande au Directeur général de proposer l'assistance technique du Bureau au gouvernement de la Fédération de Russie.

 

Genève, le 11 novembre 1997.

(Signé) Mme Musulin,
Présidente.

 

Mme France.

 

M. Edström.

Points appelant une décision:


1.  Convention no 95, ratifiée le 4 mai 1961.

2.  Voir Bulletin officiel, vol. LXIV, 1981, Série A, no 1, pp. 99-101.

3.  Document GB.268/15/3.

4.  Le paragraphe 1 de l'article 96 est ainsi libellé: «Les salaires doivent être payés au moins chaque quinzaine.» Le paragraphe 2 se lit ainsi: «D'autres périodes de paiement peuvent être fixées pour des catégories individuelles de travailleurs et pour d'autres travailleurs salariés.»

5.  Voir le paragraphe 23 ci-dessus.

6.  Voir 83e session de la Conférence internationale du Travail, 1996, rapport III (partie 4A), pp. 191-192.

7.  Voir le paragraphe 24 ci-dessus.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.