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GB.269/4
269e session
Genève, juin 1997


QUATRIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

307e rapport du Comité de la liberté syndicale

Table des matières

Introduction

Cas no 1872 (Argentine): Rapport définitif

Cas no 1887 (Argentine): Rapport intérimaire

Cas no 1899 (Argentine): Rapport où le comité demande à être tenuinformé de l'évolution de la situation

Cas no 1873 (Barbade): Rapport intérimaire

Cas no 1850 (Congo): Rapport où le comité demande à être informde l'évolution de la situation

Cas no 1905 (République démocratique du Congo): Rapport où le comitédemande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Cas no 1910 (République démocratique du Congo): Rapport où le comitédemande à être informé de l'évolution de la situation

Cas no 1865 (République de Coréé): Rapport intérimaire

Cas no 1918 (Croatie): Rapport où le comité demande à être tenu informéde l'évolution de la situation

Cas no 1851 (Djibouti): Rapport intérimaire

Cas nos 1512, 1539, 1595, 1740, 1778 et 1786 (Guatemala):

Rapport intérimaire

Cas no 1823 (Guatemala): Rapport où le comité demande à être informéde l'évolution de la situation

Cas no 1876 (Guatemala): Rapport intérimaire

Cas no 1898 (Guatemala): Rapport définitif

Cas no 1863 (Guinée): Rapport où le comité demande à être tenu informéde l'évolution de la situation

Cas no 1890 (Inde): Rapport où le comité demande à être tenu informéde l'évolution de la situation

Cas no 1877 (Maroc): Rapport où le comité demande à être informéde l'évolution de la situation

Cas no 1907 (Mexique): Rapport où le comité demande à être tenu informéde l'évolution de la situation

Cas no 1864 (Paraguay): Rapport où le comité demande à être tenu informéde l'évolution de la situation

Cas no 1855 (Pérou): Rapport définitif

Cas no 1878 (Pérou): Rapport où le comité demande à être informéde l'évolution de la situation

Cas no 1886 (Uruguay): Rapport où le comité demande à être tenu informéde l'évolution de la situation

Cas no 1812 (Venezuela): Rapport intérimaire

Cas no 1909 (Zimbabwe): Rapport définitif


Introduction

1. Le Comité de la liberté syndicale, institué par le Conseil d'administration à sa 117e session (novembre 1951), s'est réuni au Bureau international du Travail à Genève les 29, 30 mai et 6 juin 1997, sous la présidence de M. le professeur Max Rood.

2. Les membres de nationalité argentine, indienne, mexicaine et zimbabwéenne n'étaient pas présents lors de l'examen des cas relatifs à l'Argentine (cas nos 1872, 1887 et 1899), à l'Inde (cas no 1890), au Mexique (cas no 1907) et au Zimbabwe (cas no 1909), respectivement.

* * *

3. Le comité est actuellement saisi de 67 cas dans lesquels les plaintes ont été transmises aux gouvernements intéressés pour observations. A la présente session, le comité a examiné 29 cas quant au fond et a abouti à des conclusions définitives dans 17 cas et à des conclusions intérimaires dans 12 cas; les autres cas ont été ajournés pour les raisons indiquées aux paragraphes suivants.

Nouveaux cas

4. Le comité a ajourné à sa prochaine session l'examen des cas suivants: nos 1922 (Djibouti), 1924 (Argentine), 1925 (Colombie), 1926 (Pérou), 1927 (Mexique) et 1928 (Canada/Manitoba), car il attend les informations et observations des gouvernements concernés. Tous ces cas se réfèrent à des plaintes présentées depuis la dernière session du comité.

Observations attendues des gouvernements

5. Le comité attend encore les observations ou les informations des gouvernements sur les cas suivants: nos 1787 (Colombie), 1805 (Cuba), 1843 (Soudan), 1867 (Argentine), 1884 (Swaziland), 1906 (Pérou), 1908 (Ethiopie), 1911 (Equateur), 1915 (Equateur) et 1916 (Colombie). Dans le cas no 1852 (Royaume-Uni), pour lequel il avait déjà reçu des observations, le nouveau gouvernement a manifesté son intention de présenter ses propres observations.

Observations attendues des gouvernements
et des plaignants

6. Dans le cas no 1913 (Panama), le comité a décidé de demander des informations complémentaires à l'organisation plaignante et au gouvernement pour se prononcer en toute connaissance de cause.

Observations partielles reçues des gouvernements

7. Dans les cas nos 1835 (République tchèque), 1880 (Pérou), 1912 (Royaume-Uni/île de Man) et 1914 (Philippines), le gouvernement a envoyé des informations partielles sur les allégations formulées. Le comité demande à l'ensemble de ces gouvernements de compléter sans tarder leurs observations afin qu'il puisse examiner les cas en question en pleine connaissance de cause.

Observations reçues des gouvernements

8. En ce qui concerne les cas nos 1773 (Indonésie), 1897 (Japon), 1917 (Comores), 1919 (Espagne), 1920 (Liban), 1921 (Niger) et 1923 (Croatie), le comité a reçu tardivement les observations du gouvernement et se propose de les examiner à sa prochaine réunion. Dans le cas no 1812 (Venezuela), pour lequel il a reçu les observations du gouvernement, le comité a décidé de demander au plaignant de fournir des informations supplémentaires en vue de se prononcer sur la recevabilité de la plainte.

Appels pressants

9. En ce qui concerne les cas nos 1869 (Lettonie), 1888 (Ethiopie), 1892 (Guatemala), 1894 (Mauritanie), 1895 (Venezuela), 1900 (Canada/Ontario) et 1902 (Venezuela), le comité observe que, en dépit du temps écoulé depuis le dépôt des plaintes ou le dernier examen de ces cas, il n'a pas reçu d'observations complètes des gouvernements. Le comité attire l'attention de tous ces gouvernements sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvée par le Conseil d'administration, il pourra présenter un rapport sur le fond des affaires en instance, même si les informations et observations complètes des gouvernements n'étaient pas reçues à temps. En conséquence, le comité prie instamment les gouvernements de transmettre d'urgence ces observations et informations.

Retrait d'une plainte

10. Dans le cas no 1881 (Argentine), l'organisation plaignante -- l'Association bancaire -- a envoyé une communication en date du 24 avril 1997 sollicitant le retrait de sa plainte puisque la question à l'origine de la plainte a été résolue. Le comité prend note avec intérêt de cette information. N'ayant aucune raison de douter que la décision de l'organisation plaignante a été prise en toute indépendance, le comité décide de clore le cas.

Cas irrecevable

11. Au sujet d'une réclamation concernant la violation des droits syndicaux au Danemark, transmise par un cabinet d'avocats au nom de l'Association de SiD à Ribus, Esbjerg, de l'Association des éboueurs d'Arhus, de l'Association unifiée de Gate Gourmet, de l'Association des monteurs d'échafaudage d'Arhus, des Associations pédagogiques unifiées de Tarnby et Dragor, de l'Association des travailleurs du Parti socialiste populaire danois, de l'Association nationale des travailleurs du Parti populaire socialiste danois et de l'Association du personnel des Brasseries Ceres à Arhus, le comité est parvenu à la conclusion qu'aucune des organisations plaignantes ne répond pleinement aux critères définissant une organisation nationale de travailleurs directement intéressée en la matière. Il considère en conséquence que, conformément à sa procédure, il ne peut examiner ladite communication quant au fond.

Transmission de cas à la commission d'experts

12. Le comité signale à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations les aspects législatifs des cas suivants: Argentine (cas no 1872), Argentine (cas no 1899), Guatemala (cas no 1898) et Maroc (cas no 1877).

Suites données aux recommandations du comité
et du Conseil d'administration

Cas no 1870 (Congo)

13. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1996. Le comité avait demandé au gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour réintégrer les syndicalistes licenciés à la suite des grèves de protestation contre l'absence de consultation des organisations syndicales dans le processus de privatisation de certaines entreprises du secteur public et contre la politique d'ajustement structurel, et pour libérer les syndicalistes emprisonnés ou condamnés pour faits de grève, notamment MM. Tchicaya et Mampuya ainsi que les syndicalistes d'organisations des postes et télécommunications affiliées à la Confédération des syndicats libres et autonomes du Congo (COSYLAC), à savoir MM. Lessita Otangui, secrétaire général de la Fédération syndicale des postes et télécommunications (FESYPOSTEL), Oba René Blanchard, président du Syndicat des postes et télécommunications (SYLIPOSTEL), Odzongo Médard de la FESYPOSTEL et Bouya Bernard du Syndicat des télécommunications (SYNATEL), condamnés le 14 février 1996 à quatre mois de prison et 50 000 francs CFA d'amende. [Voir 305e rapport, paragr. 134 à 147.]

14. Dans une communication du 14 novembre 1996, le gouvernement déclare, à propos de la grève de janvier 1996, qu'il a accédé à la demande des organisations de travailleurs et qu'il a organisé des rencontres sous la présidence du Premier ministre afin d'éclairer les représentants de syndicats de base sur l'évolution du processus de privatisation. Suite à ces rencontres, la décision a été prise de renforcer la présence des syndicats au sein du comité de privatisation. Malgré cette concession, les syndicats de base, en désaccord avec leurs centrales syndicales, ont exigé la dissolution du comité de privatisation. Le gouvernement, ayant opposé une fin de non-recevoir à cette revendication qui ne figurait pas à l'ordre du jour des négociations, a été surpris par la grève déclenchée par la suite dans toutes les grandes entreprises privatisables. Dans la mesure où un accord avait été trouvé sur la revendication essentielle des syndicats, cette grève non cautionnée par les centrales syndicales n'avait, selon le gouvernement, aucun fondement et elle a été déclarée illégale. Les travailleurs licenciés ont cependant été tous réintégrés dans leurs entreprises respectives.

15. Sur l'arrestation et la détention des syndicalistes, le gouvernement déclare que les syndicalistes arrêtés et écroués ont été poursuivis. Quatre syndicalistes (MM. Lessita Otangui, Oba René Blanchard, Odzongo Médard et Bouya Bernard) ont été reconnus coupables d'atteinte à la liberté du travail et condamnés à quatre mois d'emprisonnement ferme par la deuxième chambre criminelle du tribunal de grande instance de Brazzaville. Toutefois, les syndicalistes en question ont bénéficié d'une remise de peine et ont été libérés. En outre, certains syndicalistes ont été renvoyés devant la trente-deuxième chambre correctionnelle du tribunal de grande instance pour destruction d'objets mobiliers et immobiliers de l'Etat. Ces syndicalistes ont bénéficié d'une liberté provisoire sous caution dans l'attente du jugement définitif qui doit être rendu prochainement.

16. Le comité prend note de ces informations. Il note avec intérêt que, selon le gouvernement, les syndicalistes licenciés pour faits de grève ont été réintégrés dans leur poste de travail, et que les quatre dirigeants syndicalistes condamnés pour entrave à la liberté du travail à quatre mois de prison ont bénéficié d'une remise de peine et ont été libérés à la suite de la publication du décret présidentiel du 20 mai 1996 après avoir purgé deux mois de prison. Le comité observe néanmoins avec préoccupation que, de l'aveu même du gouvernement, certains syndicalistes font encore l'objet de poursuites judiciaires et qu'ils sont en attente de jugement. Le comité a exprimé l'avis que les sanctions pénales ne devaient pouvoir être infligées pour faits de grève que dans les cas d'infraction à des interdictions de la grève conformes aux principes de la liberté syndicale. Toute sanction infligée en raison d'activités liées à des grèves illégitimes devrait être proportionnée au délit ou à la faute commise, et les autorités devraient exclure le recours à des mesures d'emprisonnement contre ceux qui organisent une grève pacifique ou y participent. Le comité demande au gouvernement de communiquer une copie de tous les jugements rendus dans cette affaire.

Cas no 1818 (République démocratique du Congo)

17. Le comité a examiné ce cas à sa réunion de novembre 1995. [Voir 300e rapport, paragr. 350 à 370.] Il avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur la situation des syndicalistes arrêtés dans le cadre d'un conflit du travail dans la fonction publique en mars 1995, de diligenter une enquête indépendante et impartiale à propos des allégations de mauvais traitements et de tortures qu'auraient subi plusieurs syndicalistes nommément désignés, de permettre aux syndicalistes licenciés en raison de leurs activités syndicales d'obtenir leur réintégration dans leur poste de travail et de s'abstenir d'entraver la constitution d'organisations syndicales.

18. Dans une communication du 5 mars 1997, le gouvernement nie le caractère arbitraire des arrestations de syndicalistes. Il indique que les arrestations intervenues le 24 mars 1995 ont constitué des mesures préventives en vue d'assurer l'ordre public. Le gouvernement explique que, le 10 mars 1995, un groupe d'agents et fonctionnaires de l'Etat avait troublé la sécurité publique par des manifestations violentes et que les autorités avaient pris des mesures préventives pour sauvegarder la paix de la population et fait procéder à la garde à vue de quelques manifestants. Les autorités judiciaires compétentes saisies avaient surveillé les conditions dans lesquelles s'opérait la garde à vue. Néanmoins, le gouvernement était intervenu pour demander l'arrêt de la garde à vue et la libération immédiate des syndicalistes. A propos des syndicalistes licenciés en raison de leurs activités syndicales, le gouvernement déclare qu'il s'engage à diligenter une enquête afin d'examiner les faits et de rétablir la justice sociale. Par ailleurs, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale assure qu'il n'a jamais refusé l'enregistrement d'un syndicat dont le champ d'action est couvert par les dispositions de l'article 1er du Code du travail.

19. Le comité prend note de ces informations. Rappelant que nul ne devrait faire l'objet de discrimination antisyndicale en raison de ses activités syndicales légitimes, le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures effectivement prises pour assurer la réintégration dans leur poste de travail des syndicalistes suspendus ou révoqués pour avoir participé à une grève. Par ailleurs, le comité demande en outre à nouveau instamment au gouvernement de diligenter une enquête indépendante et impartiale au sujet des mauvais traitements qui auraient été infligés à certains syndicalistes en prison et en particulier au sujet des sévices corporels et des coups de fouet qui auraient frappé M. Edouard Ngandu Mupidwa, syndicaliste de la Confédération démocrate du travail (CDT) à Ligwala en mars 1995, et des tortures qu'auraient subies Mme Muadi Kazongo et MM. Odeon  Mbaku et Mananua. Il lui demande de communiquer les résultats de l'enquête et les mesures prises, y compris la réparation des préjudices subis si les allégations de mauvais traitements à l'encontre de ces syndicalistes étaient avérées.

Cas no 1833 (République démocratique du Congo)

20. Le comité a examiné ce cas à sa réunion de mars 1996. [Voir 302e rapport, paragr. 535 à 554.] Le comité avait demandé au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation des syndicalistes de la Direction générale des contributions (DGC) arrêtés à la suite d'un différend qui les opposait au directeur général de ce service public, en particulier d'indiquer si des poursuites judiciaires avaient été engagées à leur encontre et qu'elles en auraient été l'issue. Le comité avait en outre demandé au gouvernement de transmettre ses observations le plus rapidement possible sur le refus d'engager des négociations avec le personnel de la DGC.

21. Dans une communication du 5 mars 1997, le gouvernement explique que le personnel de la DGC est soumis au statut syndical des agents de la fonction publique et que, pour des raisons conjoncturelles, les élections syndicales dans la fonction publique n'ont pas encore été organisées. Le gouvernement assure que cette situation trouvera une solution dans un proche avenir mais qu'en l'état actuel des choses elle soulève le problème de la représentation du personnel dans la plupart des services du secteur public. Selon le gouvernement, le comité syndical provisoire, qui s'était installé à la DGC, n'avait pas été régulièrement constitué dans l'esprit du pluralisme syndical qui prévaut dans le pays. En conséquence, l'autorité de tutelle, à savoir le ministre des Finances, n'a pas reconnu l'existence dudit comité et a demandé au directeur général de la DGC de s'enquérir auprès du ministre de la Fonction publique de la procédure à suivre pour que son organisme soit doté d'une délégation syndicale régulièrement élue. C'est alors que les membres du comité syndical provisoire ont appelé les travailleurs de la DGC à un arrêt collectif du travail sans respecter la procédure. Une grève a effectivement eu lieu le 17 avril 1995, paralysant le service essentiel de la Direction générale des contributions et perturbant l'ordre public. En conséquence, deux des membres du personnel de la DGC, auteurs des faits, ont été condamnés le 7 août 1995 par le tribunal de paix de la Gombe à Kinshasa à deux mois de servitudes pénales. Après avoir purgé leur peine, les intéressés ont repris leurs services à la DGC. Le gouvernement assure que, pour éviter à l'avenir de telles violations, les experts du ministère du Travail organiseront des journées de réflexion avec les services concernés sur les principes de la liberté syndicale.

22. Le comité prend note de ces informations. Estimant que nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l'objet de sanctions pénales pour le simple fait d'avoir organisé une grève pacifique ou d'y avoir participé [voir paragr. 602 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996], le comité regrette la condamnation des syndicalistes instigateurs de la grève. En outre, exprimant l'espoir que les élections syndicales auront lieu sans tarder, le comité souhaite vivement que les négociations collectives avec les organisations syndicales représentatives reprennent à brève échéance dans le service des contributions publiques pour régler par ce moyen les conditions d'emploi de ces employés publics. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des négociations dans ce secteur.

Cas nos 1594 et 1846 (Côte d'Ivoire)

23. A sa session de mars 1997, le comité avait prié le gouvernement de prendre des mesures: 1) pour que la réintégration des travailleurs licenciés à la suite d'un conflit du travail datant de mai 1993 à Irho Lame soit possible; 2) pour que soient immédiatement libérés MM. Hassan Daboré et Diebre Boukary maintenus en détention préventive à la suite d'un conflit collectif datant de janvier 1995; et 3) pour que les élections sociales au Port autonome d'Abidjan aient lieu rapidement, et de le tenir informé sur ces différentes questions.

24. Dans une communication du 5 mai 1997, le gouvernement indique sur le premier point qu'il n'a jamais refusé la réintégration des travailleurs licenciés et qu'il s'est efforcé par des propositions concrètes de concilier les parties malgré l'intransigeance de la centrale syndicale Dignité. Il répète à nouveau que la direction ayant engagé de nouveaux travailleurs procède à une restructuration qui regroupera toutes les unités de recherches agronomiques et que les travailleurs licenciés peuvent s'ils s'estiment lésés saisir les tribunaux afin d'être rétablis dans leurs droits. Le gouvernement ajoute sur le second point que MM. Diebre Boukary et Hassan Daboré ont été mis en liberté provisoire le 13 mars 1997 étant donné qu'ils ne constituent plus une menace pour l'entreprise. Il joint en annexe la copie des ordonnances de mises en liberté d'où il ressort pour M. Hassan Daboré qu'au cours de l'information les victimes ont déclaré unanimement que l'inculpé n'a pas participé aux faits incriminés et, pour M. Diebre Boukary, que sa détention n'apparaît plus nécessaire à la manifestation de la vérité. Enfin, sur le dernier point, le gouvernement indique que les élections sociales au Port autonome d'Abidjan n'ont pas encore eu lieu à cause d'un désaccord constaté le 24 avril 1997 entre les différents syndicats, certains souhaitant que les élections aient lieu, d'autres demandant le report des élections au motif qu'ils souhaitent que soit élaborée auparavant une convention collective des dockers. Le gouvernement indique qu'une réunion de conciliation s'est tenue le 28 avril 1997 en présence des autorités compétentes et qu'un délai a été donné aux syndicats pour qu'ils s'accordent sur la date des élections avant le 5 juin 1997.

25. Le comité note avec intérêt que les syndicalistes MM. Hassan Daboré et Diebre Boukary ont été libérés en mars 1997. Il observe cependant qu'aucune charge n'a été retenue contre M. Hassan Daboré et qu'au dire même du magistrat instructeur la détention de M. Diebre Boukary n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité. Bien que ces deux syndicalistes aient été libérés, le comité constate avec préoccupation qu'ils ont été détenus sans jugement pendant plus de deux ans. Le comité rappelle que la détention prolongée de syndicalistes sans les faire passer en jugement constitue une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux et que l'administration dilatoire de la justice constitue un flagrant déni de justice. S'agissant de la réintégration des travailleurs licenciés en 1993 à Irho Lame, le comité réitère sa demande au gouvernement d'indiquer si les travailleurs qui s'estiment lésés ont saisi les tribunaux afin d'être rétablis dans leurs droits, et de le tenir informé à cet égard. Enfin, le comité rappelle que la demande de la tenue des élections sociales au Port autonome d'Abidjan date de 1993. En conséquence, il demande instamment au gouvernement d'assurer que les élections sociales au Port autonome d'Abidjan aient effectivement lieu immédiatement et de le tenir informé des résultats des élections.

Cas no 1725 (Danemark)

26. Quand il a examiné pour la dernière fois ce cas à sa session de mars 1994 [voir 292e rapport, paragr. 197 à 229], le comité a estimé que certains aspects de la législation et de la pratique nationales n'étaient pas en pleine conformité avec le principe de la libre négociation des accords collectifs en vue de régler par ce moyen les termes et conditions d'emploi, tel que reconnu à l'article 4 de la convention no 98. Le comité a abouti à cette conclusion, particulièrement au sujet de l'article 12 de la loi sur la conciliation dans les différends du travail qui permet au conciliateur public de regrouper différents projets d'accords de tous les secteurs d'activité en un seul projet couvrant, entre autres, les accords collectifs pour lesquels les parties elles-mêmes ne pouvaient pas aboutir à un renouvellement. Le comité a donc invité le gouvernement et les partenaires sociaux à réexaminer la législation et la pratique à cet égard.

27. Dans une communication en date du 11 mars 1996, l'organisation plaignante (le Syndicat danois des journalistes) a soumis une réclamation aux termes de l'article 24 de la Constitution de l'OIT. Le Conseil d'administration qui a déclaré la représentation recevable l'a transmise au comité pour examen dans le cadre des suites données au cas no 1725 car elle soulevait les mêmes questions que celles examinées dans ce cas.

28. Dans une communication en date du 14 avril 1997, le gouvernement indique qu'il a amendé la loi sur la conciliation dans les différends du travail sur la base des recommandations du comité. Le gouvernement mentionne à ce sujet l'article 13(3) de la loi qui est maintenant ainsi libellé: «Une proposition de conciliation ne peut être regroupée avec d'autres propositions de conciliation que quand les possibilités de négociation dans le secteur concerné sont considérées comme étant épuisées. Le conciliateur public détermine si cette condition est remplie.» Le gouvernement ajoute que la loi a en outre été amendée pour assouplir les exigences sur la majorité qualifiée requise pour rejeter une proposition de conciliation. Le gouvernement maintient toutefois que la règle concernant le regroupement des propositions est un élément nécessaire dans le système danois des relations professionnelles, en particulier parce que les travailleurs sont organisés en plusieurs syndicats au niveau de l'entreprise en fonction de la nature de leur travail.

29. Le comité note que l'article 12 de la loi sur la conciliation dans les différends tel qu'amendé dispose que, à l'avenir, les propositions de conciliation de divers secteurs peuvent être regroupées si le conciliateur public estime que les possibilités de négociation ont été épuisées. Le comité note toutefois qu'avec ce système il sera encore possible de couvrir par un projet d'accord global des accords collectifs couvrant un secteur entier d'activité, même si l'organisation représentant le plus grand nombre de travailleurs du secteur rejette le projet d'accord global. Le comité rappelle donc, comme il l'a fait antérieurement, que l'extension d'un accord à un secteur entier d'activité -- dans ce cas le journalisme --, contrairement aux opinions exprimées par l'organisation majoritaire dans une catégorie couverte par l'accord étendu, est de nature à limiter le droit de libre négociation collective de cette organisation majoritaire.

Cas no 1874 (El Salvador)

30. Le comité a examiné ce cas à sa réunion de novembre 1996 [voir 305e rapport, paragr. 254 à 272, approuvé par le Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996)], où il avait formulé les recommandations suivantes sur les questions demeurées en instance [voir 305e rapport, paragr. 272]:

31. Dans ses communications des 21 avril et 12 mai 1997, le gouvernement déclare que les travailleurs de l'hôpital Rosales sont employés directement par l'Etat et que leurs emplois sont couverts par la loi sur les salaires et financés sur le budget général de l'Etat. En conséquence, ces travailleurs ne sont pas couverts par le Code du travail. Le gouvernement ajoute que le Syndicat des infirmiers d'El Salvador est un syndicat corporatif de travailleurs ayant pour fonctions de soigner les malades, mais que les dernières listes d'affiliés contenaient des travailleurs d'autres catégories (gardiens, ferblantiers, plombiers, etc.) ainsi que quelques infirmières. Cela étant contraire à l'article 209 du Code du travail, il a été décidé de rejeter l'enregistrement du comité directeur. Le recours en appel, qui a été déposé, a été rejeté le 14 août 1996. Le comité directeur pourra être élu lorsque les personnes qui remplissent les conditions requises par la loi et par les statuts du syndicat se réuniront. Par ailleurs, en ce qui concerne la mutation des dirigeants syndicaux, le gouvernement réaffirme qu'il ne s'agit pas de mesures de représailles résultant de l'affiliation syndicale précitée, mais que ces transferts sont dus aux nécessités du service et qu'ils sont intervenus en application de l'article 37 de la loi sur la fonction publique, aux termes duquel «les fonctionnaires ou employés pourront être affectés, même sans leur consentement, à des fonctions similaires si cela correspond aux besoins de l'administration publique ou municipale, et pour autant que le transfert s'effectue dans la même localité».

32. Le comité prend note des observations du gouvernement qui réitère dans l'ensemble ses déclarations antérieures. Le comité constate avec un profond regret que le gouvernement n'a pas donné suite à ses recommandations. Il souligne que les allégations se rapportent à des questions très importantes telles que le droit de constituer des organisations syndicales dans le secteur public ou le droit de ne pas être victime d'actes de discrimination antisyndicale, et il se voit contraint de réitérer ses recommandations antérieures. Le comité prie donc instamment le gouvernement: 1) de prendre les mesures nécessaires pour que la législation garantisse le droit de constituer des organisations syndicales dans le secteur public; 2) de reconnaître la transformation du syndicat corporatif d'infirmiers d'El Salvador en un syndicat de branche; enfin, 3) de réparer les actes de discrimination antisyndicale commis à l'hôpital Rosales.

Cas no 1793 (Nigéria)

33. Lors de l'examen du cas en juin 1996, le comité avait invité instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer la libération immédiate de M. Kokori, secrétaire général du NUPENG, abroger immédiatement les décrets nos 9 et 10 qui dissolvent les conseils exécutifs du NLC, du NUPENG et de la PENGASSAN et permettre aux dirigeants syndicaux librement élus d'exercer à nouveau leurs fonctions syndicales. [Voir 304e rapport, paragr. 13.] Vu l'absence de réponse du gouvernement pour le comité de novembre 1996, le Conseil d'administration avait décidé d'adresser un appel pressant au gouvernement du Nigéria, l'invitant à répondre aussi rapidement que possible à toutes les requêtes transmises depuis novembre 1995 en vue d'autoriser une mission de l'OIT chargée d'examiner les questions traitées dans les diverses plaintes et de visiter sans entrave les syndicalistes détenus, permettant ainsi à la mission de présenter dans les meilleurs délais son rapport au comité. Une communication à cet égard avait été envoyée au gouvernement le 26 novembre 1996. Un rappel lui avait été adressé le 5 février 1997.

34. En février 1997, le comité a relevé différents décrets et textes qui semblaient tendre à la mise en œuvre systématique et généralisée d'une politique en vue de restreindre les droits syndicaux au Nigéria. Notant avec une préoccupation croissante la détérioration constante des droits syndicaux au Nigéria, le comité avait réitéré dans les termes les plus forts la requête du Conseil d'administration adressée au gouvernement afin qu'il accepte qu'une mission de l'OIT se rende dans les plus brefs délais pour examiner les questions soulevées par ce cas.

35. Le comité doit une fois de plus constater avec un profond regret que, malgré les assurances données lors de la dernière session du Conseil d'administration, le gouvernement n'a pour l'instant donné aucune réponse écrite à la demande du comité et du Conseil et aux communications adressées par le Bureau les 1er avril et 16 mai 1997. Le comité note toutefois que le ministre du Travail a indiqué au bureau de l'OIT à Lagos son accord pour recevoir une mission, mais que celle-ci n'était pas possible pendant la période précédant la Conférence internationale du Travail. Dans ces conditions, le comité ne peut que réitérer avec force sa demande de mission en vue d'examiner les questions soulevées dans le cas et, en particulier, de rendre visite aux dirigeants syndicaux détenus. Il prie instamment le gouvernement de répondre positivement et sans délai à cette demande.

Cas no 1698 (Nouvelle-Zélande)

36. Lors de son dernier examen de ce cas à sa session de novembre 1996, le comité avait invité le gouvernement à continuer de le tenir informé de tous autres jugements pertinents rendus dans le cadre de l'application de la loi sur les contrats d'emploi, ainsi que de tous faits nouveaux intervenus dans les discussions avec le Conseil des syndicats de Nouvelle-Zélande (NZCTU) et la Fédération des employeurs de Nouvelle-Zélande (NZEF) à cet égard. Le comité a également réitéré ses recommandations précédentes et a invité le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour y donner suite. [Voir 305e rapport, paragr. 50.]

37. Par communication en date du 26 février 1997, le gouvernement indique qu'aucun autre cas important ne s'est présenté dans le domaine de la liberté syndicale depuis sa dernière communication, mais qu'il continuera de tenir le comité informé de tous éléments nouveaux de jurisprudence lorsqu'ils se produiront. Le gouvernement indique également que le nouveau gouvernement de coalition a accepté d'inclure la notion de «négociation loyale» dans la loi sur les contrats d'emploi (ECA), en tenant compte éventuellement de récentes décisions de justice sur des questions telles que l'obligation de respecter le choix de l'agent de négociation et de ne pas entraver le processus de négociation en ignorant ledit agent, de façon à consacrer les principes établis dans le cas Capital Coast Health et dans des cas voisins ultérieurs. Tous les groupes intéressés, y compris les organisations d'employeurs et de salariés, seront invités à formuler des propositions dans le cadre de la procédure habituelle d'examen d'un projet de loi. En ce qui concerne la recommandation selon laquelle les travailleurs et leurs organisations devraient être en mesure de déclencher une grève pour soutenir les contrats d'emploi collectifs auprès de plusieurs employeurs, le gouvernement réaffirme qu'il n'est nullement envisagé de supprimer l'interdiction de telles actions figurant à l'article 63 e) de l'ECA, car il estime que cette disposition permet d'établir un équilibre entre, d'une part, le droit de grève des salariés et, d'autre part, le droit des employeurs de ne pas avoir à faire face à une grève et de ne pas avoir à subir des pertes suite à la politique d'autres employeurs sur laquelle ils n'ont aucune influence ou de ne pas être liés par des accords conclus avec des concurrents.

38. Le comité prend note de ces informations, et notamment de l'accord collectif visant à introduire la notion de «négociation loyale» dans l'ECA, et invite le gouvernement à le tenir informé des progrès réalisés à cet égard. En ce qui concerne la recommandation du comité visant les grèves déclenchées pour soutenir les contrats d'emploi collectifs conclus avec plusieurs employeurs [295e rapport, paragr. 261 c)], le comité rappelle une fois de plus que la détermination du niveau de négociation est une question qui doit être laissée à la discrétion des parties et que la législation ne doit pas constituer un obstacle à la négociation collective au niveau sectoriel, alors que l'article 63 e) de l'ECA revient en fait à éliminer les possibilités de pressions pouvant être exercées pour la détermination de ce niveau de négociation. Il réaffirme donc sa conclusion précédente relative à ce cas, à savoir que les travailleurs et leurs organisations doivent être en mesure de déclencher une grève à l'appui de contrats conclus avec plusieurs employeurs. Il invite le gouvernement à le tenir informé de toutes mesures qui seraient prises à l'avenir pour modifier l'article 63 e) à cet égard.

Cas no 1903 (Pakistan)

39. Lors de son dernier examen du cas en mars 1997 [voir 306e  rapport, paragr. 477-495], le comité avait prié le gouvernement de confirmer que les travailleurs et syndicalistes, qui avaient été détenus et par la suite libérés suite à une manifestation à l'usine Pak China Fertilizer Ltd., n'avaient pas été mis en accusation. Le comité avait également prié instamment le gouvernement d'annuler la suspension des activités du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Ltd., d'inscrire de nouveau cette organisation au registre des syndicats et de garantir le déroulement normal de ses activités.

40. Dans une communication en date du 29 avril 1997, le gouvernement a informé le comité que la décision de suspendre les activités du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Ltd. avait été annulée par la Commission des relations industrielles (CIRC) en appel. En conséquence, le greffier des syndicats a réintégré ledit syndicat en date du 5 avril 1997. Concernant les mises en accusation de travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Ltd., le gouvernement précise qu'à l'exception du président du syndicat, M. Hakam Khan, et du secrétaire général du syndicat, M. Manyoor Hussain, qui ont été licenciés pour mauvaise conduite, il n'existait aucune autre mise en accusation. Le gouvernement a également précisé que la décision de licenciement pour mauvaise conduite était présentement en appel devant le tribunal du travail local.

41. Le comité prend note de ces informations et demande au gouvernement de lui envoyer une copie de la décision du CIRC. Concernant les licenciements de MM. Hakam Khan et Manzoor Hussain, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution des procédures devant le tribunal du travail, incluant toute procédure d'appel, et de lui envoyer copie du jugement, dès qu'il sera rendu.

Cas no 1813 (Pérou)

42. A sa session de mars 1996 [voir 302e rapport, paragr. 64 et 65], le comité a examiné pour la dernière fois ce cas qui concerne des morts violentes, des agressions physiques et des arrestations de syndicalistes. A cette occasion, après avoir noté que les travailleurs arrêtés (MM. Félix Castillo Pérez, Eli Pando Malpartida, Antonio Yupanqui Oré, José Palacios Huamanchuco, Felipe Gutiérrez Cárdenas et Julio Camacho Díaz) avaient été remis en liberté, mais qu'ils étaient toujours inculpés, le comité avait invité le gouvernement à le tenir informé du résultat des procédures engagées. De plus, le comité avait invité le gouvernement à le tenir informé des résultats de l'enquête judiciaire relative à la mort des syndicalistes Alipio Chauca de la Cruz et Juan Marcos Donayre Cisneros, et aux blessures reçues par d'autres travailleurs à la suite de tirs effectués par le personnel de sécurité de l'entreprise CORDECALLAO.

43. Dans une communication en date du 26 mars 1997, le gouvernement a fait savoir que MM. Félix Castillo Pérez, Eli Pando Malpartida, Antonio Yupanqui Oré, José Palacios Huamanchuco, Felipe Gutiérrez Cárdenas et Julio Camacho Díaz sont poursuivis pour atteinte à la paix publique au préjudice de l'Etat et que la procédure en est actuellement au stade de l'examen des allégations. De même, le gouvernement a indiqué, au sujet de l'enquête judiciaire relative à la mort de MM. Alipio Chauca de la Cruz et Juan Marcos Donayre Cisneros, syndicalistes, que trois personnes ont été inculpées pour avoir infligé des blessures graves ayant entraîné la mort des syndicalistes susmentionnés, ainsi que d'infraction à la sécurité publique et de détention illégale d'armes à feu. Le comité prend note de ces informations et demande au gouvernement de le tenir informé des résultats des procédures judiciaires en cours.

* * *

44. Finalement, en ce qui concerne les cas nos 1509 (Brésil), 1581 (Thaïlande), 1618 (Royaume-Uni), 1623 (Bulgarie), 1687 (Maroc), 1691 (Maroc), 1712 (Maroc), 1719 (Nicaragua), 1726 (Pakistan), 1761 (Colombie), 1796 (Pérou), 1819 (Chine), 1825 (Maroc), 1826 (Philippines), 1834 (Kazakstan), 1837 (Argentine), 1847 (Guatemala), 1849 (Bélarus), 1854 (Inde), 1857 (Tchad), 1858 (France/Polynésie), 1885 (Bélarus), 1891 (Roumanie) et 1896 (Colombie), le comité demande aux gouvernements concernés de le tenir informé des développements relatifs aux affaires les concernant. Il espère que ces gouvernements fourniront rapidement les informations demandées. En outre, le comité vient de recevoir des informations concernant les cas nos 1777 (Argentine), 1785 (Pologne), 1809 et 1883 (Kenya), 1824 (El Salvador), 1856 (Uruguay), ainsi que le cas no 1862 (Bangladesh), qu'il examinera à sa prochaine session.

Cas no 1872

Rapport Définitif

Plainte contre le gouvernement de l'Argentine
présentée par
l'Union des travailleurs de l'Institut national
des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI)

Allégations: refus d'accorder le statut syndical

45. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de l'Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI) datée de février 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 15 mai 1997.

46. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

47. Dans sa communication de février 1996, l'Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI) indique qu'elle a été constituée en 1983 par les travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (PAMI) (selon l'organisation plaignante, une entité de droit public appartenant au secteur privé) et qu'elle demande sans succès depuis 1985 l'octroi du statut syndical. L'organisation plaignante fournit des informations détaillées sur les démarches administratives et judiciaires auxquelles elle a procédé depuis 1985. Elle précise qu'en 1991 le ministère a refusé d'accorder le statut syndical à l'UTI, en mettant l'accent sur l'existence de deux entités dotées du statut syndical et opérant dans le champ d'activité de l'UTI; néanmoins, en février 1992, les autorités judiciaires ont estimé qu'«en raison de la nature juridique de l'institut PAMI le personnel de cet institut ne peut être représenté par les organisations syndicales mentionnées dans la décision du ministère du Travail et de la Sécurité sociale (UPCN et ATE)». L'organisation plaignante affirme que, par la suite, en novembre 1992, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a décidé qu'il fallait accorder le statut syndical à l'UTI, et qu'en novembre 1993 les autorités judiciaires ont décidé que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale devait se prononcer sur la demande de statut syndical. En outre, l'organisation plaignante signale qu'en mai 1994 le département de l'inspection du ministère du Travail et de la Sécurité sociale a constaté que l'organisation plaignante comptait 4 437 membres sur les 11 449 personnes travaillant à l'institut, alors que l'UPCN en réunit 1 848 et l'ATE 873, et qu'en novembre 1994 le département technique et juridique de la Direction nationale des associations syndicales a décidé qu'il conviendrait d'accorder à l'UTI le statut syndical. L'organisation plaignante indique que le ministère du Travail n'a encore pris aucune décision à cet égard, et que l'institut PAMI ne possédant pas le statut syndical son personnel ne bénéficie pas d'une convention collective de travail et ne peut administrer ses propres œuvres sociales. (L'organisation plaignante joint à sa plainte des exemplaires de décisions administratives et judiciaires.

B. Réponse du gouvernement

48. Dans sa communication du 15 mai 1997, le gouvernement joint une résolution du ministère du Travail et de la Sécurité sociale datée du 15 mai 1997 concernant les allégations présentées par l'organisation plaignante relatives au refus d'octroi du statut syndical à l'Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI). La résolution en question dispose, notamment:

En conséquence et très clairement, il ne convient pas de donner suite à la demande d'octroi du statut syndical au syndicat dénommé Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI), étant donné que l'empêchement d'y donner suite tient à une disposition générique de la loi et non à une décision discrétionnaire des autorités chargées de son application». En conséquence le ministère du Travail et de la Sécurité social rejette la demande d'octroi du statut syndical de l'Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI).

C. Conclusions du comité

49. Le comité observe que les allégations portent sur le refus d'accorder le «statut syndical» à l'Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI), statut demandé dès 1985 (les organisations dotées du statut syndical sont les seules à bénéficier, notamment, du droit d'engager des négociations collectives et d'administrer leurs œuvres sociales, c'est-à-dire l'administration des assurances médicales et autres activités de caractère social en faveur des travailleurs).

50. Le comité observe que la résolution du ministère du Travail et de la Sécurité sociale datée du 15 mai 1997 indique que: 1) l'Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI) -- organisation plaignante -- regroupe des agents qui dépendent de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés et qu'il s'agit, en conséquence, d'un syndicat d'entreprise; 2) qu'en 1996 le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a approuvé le texte des nouveaux statuts de l'Union des personnels civils de la nation (UPCN) qui jouit du statut syndical, lesquels prévoient, en ce qui concerne le ressort personnel et territorial de sa personnalité, notamment, que cette organisation regroupe les travailleurs actifs et passifs de «tout autre organe et/ou entité publique centralisée ou décentralisée, qu'il soit ou non étatique, et qu'il relève de la compétence nationale, provinciale et/ou municipale...»; 3) que la loi relative aux associations syndicales dispose en son article 29 que «le statut syndical ne pourra être octroyé à un syndicat d'entreprise que dans la mesure où il n'exerce pas son action dans le ressort, l'activité ou la catégorie d'une association syndicale de premier degré ou d'une union...»; et 4) que l'UPCN comporte dans son ressort personnel et territorial les travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour les retraités et les pensionnés, raison pour laquelle il n'a pas été donné suite à la demande d'octroi du statut syndical au syndicat requérant, l'UTI.

51. Le comité constate, d'après les documents que l'organisation plaignante a joints à sa plainte, que: i) en 1992, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a décidé d'accorder le statut syndical à l'UTI; ii) en novembre 1993, les autorités judiciaires ont décidé que le ministère du Travail devait se prononcer sur la demande de statut syndical; iii) en mai 1994, le département de l'inspection du ministère du Travail et de la Sécurité sociale a constaté que l'institut comptait 11 449 travailleurs, dont 4 437 (près de 40 pour cent du total) étaient affiliés à l'UTI, 1 848 à l'UPCN et 873 à l'ATE; enfin, iv) le département technique et juridique de la Direction nationale des associations syndicales a indiqué qu'il convenait d'octroyer le statut syndical à l'Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés.

52. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des décisions administratives et judiciaires concernant l'octroi du statut syndical à l'organisation plaignante, et vu que cette organisation est manifestement la plus représentative, ce que le gouvernement n'a pas démenti, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le statut syndical soit immédiatement accordé à l'Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI) afin qu'elle puisse négocier collectivement et exercer les autres droits qui reviennent aux organisations les plus représentatives. A cet égard, observant que jusqu'à présent l'octroi du statut syndical a été refusé en vertu de l'article 29 de la loi no 23-551 sur les associations syndicales, le comité doit signaler à l'attention du gouvernement que la mesure dans laquelle cet article empêche les organisations syndicales les plus représentatives dans une entreprise de négocier au niveau de l'entreprise est incompatible avec les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. En conséquence, le comité demande également au gouvernement de prendre des mesures pour faire modifier cet article de la loi no 23-551. Le comité signale cet aspect du cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

53. Enfin, le comité déplore le temps extrêmement long (plus de onze ans) qui s'est écoulé avant qu'une décision soit prise au sujet de l'octroi du statut syndical à une organisation syndicale. De plus, le comité note avec inquiétude qu'il a déjà eu l'occasion d'examiner des plaintes contre le gouvernement de l'Argentine contenant des allégations relatives à des retards excessifs et des obstacles aux formalités d'enregistrement des syndicats ou d'octroi du statut syndical. [Voir 274e rapport, cas nos 1455, 1456, 1496 et 1515, paragr. 9; 286e rapport, cas no 1551, paragr. 57; et 306e rapport, cas no 1777, paragr. 15.] Dans ces conditions, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir, lorsque sont présentées des demandes d'enregistrement d'un syndicat ou d'octroi du statut syndical, les autorités administratives correspondantes se prononcent sur le sujet sans retard injustifié.

Recommandations du comité

54. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le statut syndical soit immédiatement accordé à l'Union des travailleurs de l'Institut national des services sociaux pour retraités et pensionnés (UTI).

b) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir, lorsque sont présentées des demandes d'enregistrement d'un syndicat ou d'octroi du statut syndical, les autorités administratives correspondantes se prononcent sur le sujet sans retard injustifié.

c) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour faire modifier l'article 29 de la loi no 23-551 relative aux associations syndicales, et il signale cet aspect du cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Cas no 1887

Rapport intérimaire

Plaintes contre le gouvernement de l'Argentine
présentées par
-- l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA)
-- l'Association argentine du personnel navigant (AAA)
-- la Fédération nationale des travailleurs et des camionneurs
du transport routier des marchandises (FNTOCTAC)
-- le Syndicat du personnel de bord affecté au dragage
et au balisage (SPEDB)
-- le Syndicat argentin des professeurs particuliers (SADOP)
-- la Fédération argentine des employés de pharmacie (FATF)
-- la Fédération argentine des travailleurs de l'imprimerie (FATI)
-- l'Union des fonctionnaires de justice (UEJN)
-- le Centre des capitaines au long cours et des officiers
de la marine marchande (CCUOMM)
-- l'Union des ouvriers de l'industrie meunière argentine (UOMA)
-- l'Association des délégués médicaux
de la République argentine (AAPMRA)
-- le Syndicat unique de la publicité (SUP)
-- le Centre des chefs et officiers navals
des radiocommunications (CJONR)
-- l'Association du personnel de surveillance des souterrains (SPSESBA) et
-- le Syndicat argentin de la télévision (SAT)

Allégations: restrictions au droit de négociation collective

55. Les plaintes qui font l'objet du présent cas figurent dans une communication de l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA), l'Association argentine du personnel navigant (AAA), la Fédération nationale des travailleurs et camionneurs du transport routier des marchandises (FNTOCTAC), le Syndicat du personnel de bord affecté au dragage et au balisage (SPEDB), le Syndicat argentin des professeurs particuliers (SADOP), la Fédération argentine des employés de pharmacie (FATF), la Fédération argentine des travailleurs de l'imprimerie (FATI), l'Union des fonctionnaires de justice (UEJN), le Centre des capitaines au long cours et des officiers de la marine marchande (CCUOMM), l'Union des ouvriers de l'industrie meunière argentine (UOMA), l'Association des délégués médicaux de la République argentine (AAPMRA), le Syndicat unique de la publicité (SUP), le Centre des chefs et des officiers navals des radiocommunications (CJONR), l'Association du personnel de surveillance des souterrains (SPSESBA) et le Syndicat argentin de la télévision (SAT), datée du 5 juin 1996. La Fédération internationale des ouvriers du transport s'est associée à la plainte dans une communication en date du 4 septembre 1996. Dans une communication datée de janvier 1997, l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA) a présenté de nouvelles allégations.

56. Le gouvernement a envoyé des observations partielles dans des communications en date des 5 février et 9 mai 1997.

57. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

58. Dans sa communication datée du 5 juin 1996, l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA) et les autres organisations syndicales dénoncent la loi no 24522 sur les procédures d'insolvabilité et les faillites, qui rend inopérantes les conventions collectives en vigueur et contraint à renégocier de nouvelles conventions collectives. Concrètement, les organisations plaignantes critiquent les articles suivants de la loi no 24522:

Article 20, alinéas 4, 5, 6 et 7:

«Contrats de travail. L'ouverture de la procédure conservatoire d'insolvabilité rend inopérantes les conventions collectives en vigueur pour une durée de trois ans ou pendant la durée de validité de l'accord conservatoire, la plus courte étant retenue.

Pendant cette période, les relations de travail sont régies par les contrats individuels et par la loi sur le contrat de travail.

Le failli et l'association syndicale agréée négocieront une convention collective de crise pendant la durée de la procédure conservatoire d'insolvabilité, et pour une durée maximale de trois ans.

L'achèvement de la procédure conservatoire pour une raison quelconque ainsi que son désistement définitif provoqueront l'échéance de la convention collective de crise qui aurait été conclue, les conventions collectives correspondantes reprenant effet.

Article 198, alinéa 3 (situation de faillite):

Les conventions collectives du travail relatives au personnel occupé dans l'établissement ou l'entreprise du failli s'éteignent de plein droit à l'égard de l'acquéreur, les parties étant habilitées à les renégocier.»

59. Les organisations syndicales précisent qu'en juillet 1994 le gouvernement, le patronat et, en tant que représentant des travailleurs, la Confédération générale du travail ont signé un accord-cadre sur l'emploi, la productivité et l'équité sociale à la faveur duquel a été décidée, entre autres choses, la présente réforme de la loi sur les faillites. Les organisations plaignantes affirment que la représentation assurée par la Confédération générale du travail (CGT) a été purement formelle mais non effective, vu que le mouvement ouvrier que regroupe cette confédération n'a jamais décidé d'autoriser les signataires à souscrire à un tel accord.

60. Dans sa communication de janvier 1997, l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA) dénonce les décrets ci-après pris par le pouvoir exécutif: le décret no 1553/96 qui habilite le ministère du Travail à révoquer l'homologation d'une convention collective du travail; le décret no 1554/96 qui habilite le ministère du Travail à délimiter le champ d'application de la négociation collective; enfin, le décret no 1555/96 qui établit certaines dispositions relatives à la négociation collective.

B. Réponse du gouvernement

61. Dans sa communication du 5 février 1997, le gouvernement déclare qu'il importe de souligner que la norme contestée (à savoir la loi no 24522) est une loi que le Congrès a adoptée dans l'exercice de ses pouvoirs constitutionnels et qui résulte de l'«Accord-cadre sur l'emploi, la productivité et l'équité sociale», cadre tripartite dans lequel le patronat et les salariés (par l'intermédiaire de leurs organisations les plus représentatives), conjointement avec le gouvernement, ont convenu notamment de réformer le régime des procédures d'insolvabilité et des faillites en vigueur dans le pays, ainsi que de réaménager le cadre juridique de la négociation collective du travail. Parmi les textes arrêtés à cette occasion figurent les articles 20 et 198 de la loi no 24522 contestés par les organisations plaignantes.

62. Le gouvernement déclare, au sujet des raisons qui ont motivé l'application de la loi précitée, que la procédure conservatoire d'insolvabilité et la faillite sont des situations exceptionnelles qui méritent d'être envisagées par la législation du travail selon de larges critères qui permettent d'une part à l'employeur de s'acquitter de ses obligations et d'autre part aux travailleurs de recouvrer plus facilement leurs créances. Si une procédure d'insolvabilité est engagée, il faut chercher à favoriser la poursuite des activités de l'entreprise et le maintien des postes de travail. La situation est à peu près similaire en cas de faillite, car il faut alors favoriser l'intervention d'une personne désireuse d'acquérir l'établissement ou l'entreprise du failli, le but ultime étant d'empêcher la suppression de la source de travail. Cela est d'autant plus important que nous traversons actuellement, tant au niveau international qu'au niveau national, une période de crise économique qui a des incidences sur le problème de l'emploi. Du point de vue juridique, la faillite comme la procédure conservatoire d'insolvabilité entraînent une modification profonde des circonstances dans lesquelles le failli a contracté ses obligations initiales et de celles qui ont été prises en considération au moment de conclure les conventions collectives et pendant toute la durée de leur application. Tous ces éléments prouvent la nécessité de réviser la convention collective dans le cas considéré. Les conditions exposées n'enfreignent en aucune manière les conventions internationales du travail nos 87, 98 et 154; qui plus est, si l'article 20 de la loi no 24522 suspend provisoirement les effets des conventions collectives en vigueur, pour les raisons déjà indiquées (la suspension ne peut dépasser une durée de trois ans ou la durée de validité de l'accord conservatoire), il confère au failli et à l'association syndicale agréée la possibilité de négocier une convention collective de crise pendant la durée de la procédure conservatoire d'insolvabilité et dans un délai maximal de trois ans. Ces conventions font l'objet d'une négociation directe entre le syndicat et l'employeur soumis à la procédure, sans l'intervention du syndic de faillite ou du juge-commissaire, ce qui donne aux parties une grande marge de manœuvre. Enfin, le gouvernement indique que les articles incriminés sont destinés à protéger le travailleur en vue de favoriser la poursuite des activités de l'entreprise et le maintien des postes de travail et, dans le pire des cas, de garantir aux travailleurs le recouvrement effectif de leurs créances.

63. Dans sa communication du 9 mai 1997, le gouvernement signale que l'application des décrets nos 1553, 1554 et 1555 a été suspendue car ils ont fait l'objet d'un recours devant la Cour suprême de justice. Le gouvernement annonce qu'il enverra prochainement ses observations à cet égard.

C. Conclusions du comité

64. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes contestent certaines dispositions de la loi no 24522 sur les procédures d'insolvabilité et les faillites, qui rendent inopérantes les conventions collectives en vigueur et contraignent à renégocier de nouvelles conventions collectives. De même, le comité observe que l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA) dénonce les décrets nos 1553/96, 1554/96 et 1555/96 adoptés par le pouvoir exécutif, au motif que ceux-ci imposent des restrictions au droit de négociation collective.

65. En ce qui concerne les articles incriminés de la loi no 24522 sur les procédures d'insolvabilité et les faillites, le comité relève que le gouvernement déclare dans sa réponse que i) le patronat et les salariés (par l'intermédiaire de leurs organisations les plus représentatives) se sont entendus, conjointement avec le gouvernement, pour réformer le régime des procédures d'insolvabilité et des faillites et que cet accord a donné lieu à l'adoption des articles 20 et 198 de la loi en question; ii) les raisons qui ont motivé l'application de la loi reposent sur le fait que la procédure conservatoire d'insolvabilité et la faillite sont des situations exceptionnelles qui méritent d'être envisagées par la législation du travail selon de vastes critères qui permettent d'une part à l'employeur de s'acquitter de ses obligations et d'autre part aux travailleurs de recouvrer plus facilement leurs créances; iii) du point de vue juridique, la faillite comme la procédure conservatoire d'insolvabilité entraînent une profonde modification des circonstances dans lesquelles le failli a contracté ses obligations initiales et de celles qui ont été prises en considération lors de la conclusion des conventions collectives; enfin, iv) si l'article 20 de la loi suspend provisoirement les effets des conventions collectives (pour une durée maximale de trois ans ou pour la durée d'application de l'accord conservatoire, la plus courte étant retenue), la loi confère la possibilité de négocier une convention collective de crise, sans l'intervention des autorités judiciaires, ce qui donne aux parties une grande marge de manœuvre.

66. Le comité relève que la loi en question dispose effectivement que: 1) dans le cas où serait engagée une procédure conservatoire (lorsque le passif de l'entreprise est plus élevé que son actif et que l'employeur propose un accord à ses créanciers pour assurer le paiement effectif de ses dettes), une convention collective de crise peut être négociée, les conventions collectives antérieures étant dès lors annulées pendant une durée de trois ans ou pendant une durée plus courte si l'accord proposé peut se réaliser plus tôt; et 2) une faillite entraîne l'extinction des conventions collectives, les parties étant habilitées à les renégocier.

67. A cet égard, le comité a toujours considéré qu'il convient de respecter les conventions collectives conclues librement par les parties et de ne pas imposer par voie législative la renégociation de ces conventions. Néanmoins, dans le présent cas qui a trait à une procédure d'insolvabilité et à une faillite, exiger l'application de l'ensemble des dispositions d'une convention collective peut mettre en péril la poursuite des activités de l'entreprise et le maintien de la source de travail. En outre, le comité observe que, selon les organisations plaignantes et le gouvernement, la Confédération générale du travail (CGT) -- à laquelle sont affiliées les organisations plaigantes et qui est la centrale syndicale la plus représentative  -- avait approuvé la teneur des dispositions contestées de la loi sur les procédures d'insolvabilité et les faillites, bien que les organisations plaignantes prétendent que la CGT n'avait pas été mandatée pour accepter les restrictions en question. En outre, le comité observe que les organisations syndicales concernées peuvent renégocier les conventions collectives inopérantes ou annulées dans les circonstances de crise. En conséquence, le comité considère que la loi ne constitue pas une violation de la convention no 98.

68. Pour ce qui est de l'allégation relative aux restrictions au droit de négociation collective appliquées en vertu des décrets nos 1553/96, 1554/96 et 1555/96, le comité relève que le gouvernement a annoncé l'envoi prochain de ses observations sur le sujet et ajoute que ces décrets sont suspendus et font l'objet de procédures devant la Cour suprême. Enfin, le comité prie en outre les plaignants de transmettre des informations additionnelles sur ces allégations.

Recommandation du comité

69. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

En ce qui concerne l'allégation relative aux restrictions au droit de négociation collective appliquées en vertu des décrets nos 1553/96, 1554/96 et 1555/96 adoptés par le pouvoir exécutif, le comité exprime l'espoir que, comme il l'a annoncé, le gouvernement communiquera prochainement ses observations. Enfin, le comité prie en outre les plaignants de transmettre des informations additionnelles sur ces allégations.

Cas no 1899

Rapport où le Comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation
Plainte contre le gouvernement de l'Argentine
présentée par
l'Union des travailleurs de l'enseignement de Río Negro (UNTER)

Allégations: limitations du droit de grève, annulation unilatérale
d'accords paritaires et rétention de cotisations syndicales

70. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de l'Union des travailleurs de l'enseignement de Río Negro (UNTER) datée d'août 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication du 15 avril 1997.

71. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

72. Dans sa communication d'août 1996, l'Union des travailleurs de l'enseignement de Río Negro (UNTER) s'oppose à la résolution adoptée le 14 février 1996 par le Conseil de l'éducation de la province de Río Negro no 203/96 sur l'embauche d'enseignants pour remplacer des grévistes, et aux décrets promulgués par le pouvoir exécutif de la province de Río Negro nos 222/96 et 329/96 qui régissent la grève des fonctionnaires de l'administration publique de la province, des organismes décentralisés et des entités autarciques du pouvoir exécutif de la province. L'organisation plaignante déclare que les normes auxquelles elle s'oppose ne peuvent pas être examinées sans tenir compte de la situation de fait et de droit à laquelle sont confrontés les employés publics de la province et plus particulièrement les travailleurs de l'enseignement. Elle ajoute que les travailleurs du secteur public de Río Negro ne reçoivent pas leurs salaires sous la forme et dans les délais légaux, les salaires ayant été versés avec des retards allant jusqu'à six mois, et qu'à cet état de choses s'ajoutent les conséquences des programmes d'ajustement structurel qui ont les effets suivants dans le secteur de l'enseignement: suppression d'heures de cours, perte de l'emploi pour plus de 1 500 enseignants, suppression de sections de certains degrés et fermetures d'écoles, etc.

73. La résolution et les décrets critiqués par l'organisation plaignante prévoient notamment ce qui suit:

Résolution du Conseil provincial de l'éducation no 203/96

Etant donné que le Syndicat des enseignants envisage de déclencher une grève et considérant qu'il est nécessaire d'assurer la continuité du service de l'enseignement; que la décision politique d'incorporer des personnes qui souhaitent offrir des services d'enseignement pour remplacer ceux qui pourraient prendre part à la grève a été prise; que la province compte un nombre important de professionnels et de personnes capables de donner des heures de cours et/ou de classes de certains degrés; qu'afin de contribuer à ce que des charges qui n'ont pas pu être assurées puissent l'être dorénavant, il est nécessaire de procéder à l'inscription de ceux qui souhaiteraient collaborer volontairement à l'éducation; à cette fin: le Conseil provincial de l'éducation décide ce qui suit:

Article 1. Autoriser l'enregistrement de l'inscription de volontaires pour la prestation de services d'enseignement dans chaque bureau régional.

Article 2. Pourront s'inscrire sur lesdits registres les enseignants à la retraite, des professionnels et des personnes compétentes qui seront désignées pour assurer les charges d'enseignants dans le cadre des principes fondamentaux de la présente résolution...

Décret no 222/96

Le gouvernement de la province de Río Negro décrète:

Article 1. La grève des agents employés par l'administration publique, les organismes décentralisés et les entités autarciques du pouvoir exécutif provincial sera régie par les dispositions du présent décret.

Article 2. La grève devra être décidée par les organes compétents des syndicats enregistrés conformément à ce que prévoient les statuts de chaque organisation syndicale. Si les statuts ne prévoient rien à ce sujet, la grève devra être approuvée par le comité exécutif provincial du syndicat.

Article 3. Le syndicat qui a décidé d'adopter des mesures d'action directe devra communiquer officiellement cette décision au moins trois jours à l'avance au sous-secrétariat au Travail provincial, qui vérifiera si les dispositions de l'article 2 du présent décret ont été respectées. Dans la notification au sous-secrétariat au Travail, le syndicat devra préciser la caractéristique et/ou la modalité de la ou des mesures devant être mises en œuvre, leur durée, les secteurs de l'administration publique qu'elles impliquent, les motifs de ces mesures, l'organe syndical qui a décidé de prendre les mesures et comporter une copie certifiée conforme de l'acte consignant l'adoption de ladite/lesdites mesures.

Article 4. Dans un délai de 24 heures après la réception de la communication dont il est question à l'article précédent, le sous-secrétariat au Travail pourra décider de tenir les réunions nécessaires pour traiter des motifs qui sont à l'origine de la grève. Dans les cas où il sera décidé de tenir des réunions du sous-secrétariat au Travail, la présence de ceux qui auront reçu une notification en bonne et due forme aura un caractère obligatoire.

Article 5. Toute grève, de nature individuelle, pluri-individuelle ou collective, déclenchée par des travailleurs sans qu'elle ait été décidée par l'organe compétent selon les statuts, conformément à l'article 2 du présent décret, donnera lieu à l'adoption des sanctions disciplinaires pertinentes aux termes des règlements en vigueur pour les agents publics provinciaux, ainsi qu'à la limitation des contrats temporaires ou de l'emploi de ceux qui font des remplacements ou qui assument des tâches intérimaires. De même, ces sanctions seront prises, en tant que dispositions préalables à l'instruction disciplinaire, contre ceux qui participent à une grève décidée par l'organisation syndicale à laquelle ils appartiennent dans les cas où cette dernière n'aura pas respecté la procédure établie par le présent décret.

Article 6. En cas de non-prestation totale ou partielle de service, motivée par des mesures organiques ou inorganiques, avec ou sans la présence sur le lieu de travail, et quand les travailleurs ne sont pas à la disposition des autorités des organismes de l'administration publique centrale, des entités autarciques ou des organismes décentralisés de l'Etat provincial, pour assumer leurs tâches et qu'ils ne peuvent par conséquent pas être employés aux travaux dont ils sont chargés, aucune rémunération ne sera payée.

Article 7. Le non-respect par les organisations syndicales des dispositions du présent décret fera l'objet d'un rapport au ministère du Travail et de la Sécurité sociale de la nation pour demander la suspension de l'enregistrement ou de la personnalité morale de l'organisation en question.

Article 8. Le ministère du Travail et des Affaires sociales sera l'autorité compétente pour appliquer les dispositions du présent décret, et pourra prendre des dispositions complémentaires nécessaires pour améliorer l'application de ces dispositions.

Décret no 329/96

Vu le décret no 222/96; et considérant qu'à l'article 5 dudit décret, qui prévoit les conséquences juridiques du non-respect des obligations imposées par ses dispositions, il a été omis de mentionner l'effet premier de la déclaration d'illégalité de la grève décidée en violation dudit décret, faculté qui revient à l'organe chargé de l'application du décret. Pour cette raison, le gouverneur de la province de Rio Negro décrète:

Article 1. L'article 5 du décret no 222 du 28 février 1996 est modifié comme suit: «Article 5. Toute grève, de nature individuelle, pluri-individuelle ou collective, déclenchée par des travailleurs sans qu'elle ait été décidée par l'organe compétent du syndicat concerné, conformément à l'article 2 du présent décret, fera en outre l'objet d'une déclaration d'illégalité, de l'adoption de sanctions disciplinaires pertinentes conformément aux règlements en vigueur pour les agents publics de la province, ainsi que d'une limitation des contrats temporaires ou de l'emploi de ceux qui effectuent des remplacements ou qui assument des tâches intérimaires. De même, ces sanctions seront prises, en tant que dispositions préalables à l'instruction disciplinaire, contre ceux qui participent à des grèves décidées par l'organisation syndicale à laquelle ils appartiennent dans les cas où cette dernière n'aura pas respecté la procédure établie par le présent décret.»

74. En outre, l'organisation plaignante déclare que le 6 juin 1996 le sous-secrétariat au Travail de la province a notifié à l'UNTER la décision prise par le Conseil de l'éducation de la province (CPE), par laquelle l'organisme employeur dénonce tous les accords paritaires signés et homologués; cette décision est fondée sur l'absence de précisions sur la période pendant laquelle les accords homologués seront en vigueur; le changement de circonstances; et la non-ratification des accords par l'organe collégial. L'organisation plaignante ajoute qu'après la dénonciation des accords le CPE a adopté des résolutions relatives aux conditions de travail des enseignants qui étaient couverts par les accords paritaires (modifications importantes de la journée de travail, suppression du crédit d'heures mensuel dont disposent les délégués pour assister aux réunions syndicales, autorisation de l'embauche d'enseignants pour une durée déterminée et à temps partiel, suspension du paiement des congés syndicaux, etc.).

75. Enfin, l'organisation plaignante allègue que le gouvernement de la province de Río Negro retient sur les salaires le pourcentage correspondant à la cotisation syndicale des membres d'UNTER mais qu'il ne la verse pas sur le compte du syndicat, et qu'il n'a payé qu'une partie des cotisations dues pour février 1996.

B. Réponse du gouvernement

76. Dans sa communication datée du 15 avril 1997, le gouvernement déclare que les décrets provinciaux nos 203/96 et 222/96 n'impliquent aucune violation du droit constitutionnel de grève, ni des conventions internationales sur la liberté syndicale. Ces normes entrent dans le cadre de la législation qui régit le droit de grève dans l'administration provinciale de Río Negro et établissent seulement une procédure de conciliation préalable aux termes de laquelle: a) les mesures d'action directe devront être décidées par les organes des organisations syndicales enregistrées, conformément aux dispositions de leurs statuts; b) l'organe compétent devra communiquer officiellement les mesures d'action directe décidées au sous-secrétariat au Travail de la province trois jours au moins avant leur mise en œuvre; et c) dans un délai de 24 heures après la réception de ladite communication, le sous-secrétariat pourra décider de tenir des réunions pour traiter des motifs qui sont à l'origine de la mesure. Le gouvernement ajoute que, lorsque la grève n'a pas été décidée par un organe légalement reconnu conformément à ce que prévoient les statuts du syndicat, ou si les statuts ne prévoient rien à ce sujet, avec l'approbation du comité exécutif provincial du syndicat, elle sera suivie légalement de la déclaration d'illégalité et de l'adoption de sanctions disciplinaires conformément aux règlements qui concernent les employés publics provinciaux. Dans ces cas, il s'agit d'une simple absence de prestation de services non autorisée par le droit de grève qui entraînera les sanctions pertinentes, mais ces sanctions ne seront pas appliquées dans les cas de grèves adoptées légalement. Le gouvernement indique qu'il résulte de ce qui précède, et de l'analyse des décrets provinciaux contestés, que ces décrets réglementent simplement le droit de grève, sans que l'on puisse les considérer comme le limitant. Les droits et garanties établis par la Constitution nationale doivent être assurés conformément aux lois qui les réglementent, et les normes mentionnées contribuent à cette réglementation.

77. Le gouvernement fait valoir que la résolution no 203/96 du Conseil provincial de l'éducation a pour but de garantir le droit constitutionnel à l'éducation dans les cas de grèves d'enseignants pour une durée indéterminée ou prolongée et que, contrairement à ce qu'a déclaré l' UNTER, elle n'implique pas de changement des conditions d'admission des enseignants, puisque ceux qui assument leurs charges selon le règlement ne sont pas déplacés. Ils sont seulement remplacés pendant leur participation à la grève et jusqu'au moment où ils reprennent leur activité. Le gouvernement souligne que cette mesure n'implique aucunement une pratique déloyale aux termes de la loi no 23551 car il n'y a ni mesure de représailles ni modification des conditions de travail, ni traitement discriminatoire. En outre, l'opportunité de cette résolution n'a pas été attaquée par les voies administratives et judiciaires pertinentes; et conformément à ce qu'a dit le gouvernement de la province de Río Negro cette résolution n'a pas été appliquée jusqu'à cette date.

78. Le gouvernement ajoute, au sujet du traitement que la province de Río Negro a réservé aux accords paritaires de l'enseignement, que la «dénonciation» est une forme de résiliation des conventions collectives. Le gouvernement fait valoir qu'un changement est intervenu dans la réalité sociale et économique du pays en général et dans la province de Río Negro en particulier, depuis la date de l'homologation de la convention paritaire, et qu'il en est résulté un changement de circonstances qui, conformément à la doctrine, rend les conventions caduques. Le gouvernement signale que le Conseil provincial de l'éducation, organisme d'Etat collégial, était partie à la convention et qu'une signature en son nom requerrait la ratification du corps collégial, sauf délégation préalable expresse, condition qui n'était pas remplie. C'est dans ce sens que s'est prononcée la Chambre du travail de la deuxième circonscription de la province de Río Negro, tribunal compétent en la matière, qui a décrété que la décision du président du Conseil provincial de l'éducation n'était pas valable sans la ratification de l'organe collégial. Enfin, le gouvernement déclare que de nombreuses provinces traversent des crises financières graves qui les ont empêchées d'assumer régulièrement toutes les obligations qui leur incombent et que dans le cadre de cette situation d'urgence, face à l'impossibilité de répondre ponctuellement à toutes les exigences financières, la province de Río Negro a établi un chronogramme de paiements en donnant la priorité aux rémunérations du secteur public, y compris les salaires du secteur de l'enseignement qui sont versés à intervalles réguliers (mensuellement).

C. Conclusions du comité

79. Le comité constate que dans le présent cas l'organisation plaignante s'oppose à une résolution promulguée par le Conseil de l'éducation de la province de Río Negro qui prévoit la possibilité d'engager des enseignants pour remplacer les grévistes et à deux décrets promulgués par le pouvoir exécutif de la province de Río Negro qui réglementent l'exercice du droit de grève des fonctionnaires de l'administration publique provinciale, des organismes décentralisés et des entités autarciques du pouvoir exécutif de la province. De même, l'organisation plaignante allègue que l'organisme employeur -- le Conseil de l'éducation de la province de Río Negro -- a dénoncé ou résilié unilatéralement les accords paritaires pour les enseignants du secteur public, et que le gouvernement de la province de Río Negro n'a pas versé au syndicat UNTER les cotisations syndicales qu'il a retenues aux membres de ladite organisation syndicale.

80. En ce qui concerne la résolution du Conseil de l'éducation de la province de Río Negro no 203/96 -- à laquelle s'oppose l'organisation plaignante --, qui autorise l'engagement d'enseignants dans le secteur public pour remplacer des grévistes, le comité note que le gouvernement déclare: i) qu'elle cherche à garantir le droit constitutionnel à l'éducation dans les cas de grèves d'enseignants pendant une durée indéterminée ou prolongée; ii) que cette résolution n'implique pas une modification des conditions d'admission des enseignants puisque ceux qui assument leurs charges conformément au règlement ne sont pas déplacés mais remplacés pendant qu'ils participent à la grève et jusqu'au moment où ils reprennent leur activité; iii) qu'on ne peut pas conclure que cette résolution constitue une pratique déloyale aux termes de la loi no 23551 des associations syndicales; iv) que son opportunité n'a pas été contestée par les voies administratives et judiciaires pertinentes; et v) qu'à cette date elle n'a pas encore été appliquée.

81. A cet égard, le comité constate que le régime légal de grève en Argentine prévoit la possibilité d'imposer un service minimum en cas de grève dans le secteur de l'enseignement (décret no 2184/90, article 1), ce qui est conforme aux principes de la liberté syndicale. Le comité constate néanmoins qu'avec la résolution no 203/96 on ajoute à la possibilité d'imposer des services minimaux mentionnés la faculté de remplacer temporairement des grévistes par d'autres travailleurs. A ce sujet, le comité souligne que «l'embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel au sens strict du terme, où la grève pourrait être interdite, constitue une violation grave de la liberté syndicale». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 570.] Par conséquent, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger la décision du Conseil de l'éducation de la province de Río Negro.

82. Quant aux décrets nos 222/96 et 329/96 promulgués par le pouvoir exécutif de la province de Río Negro, le comité observe qu'ils prévoient essentiellement une procédure préalable de conciliation et le non-paiement de salaires durant la grève.

83. Le comité observe que ces dispositions des décrets qui sont l'objet d'objections ne violent pas les principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 500, 502 et 588.] Néanmoins, le comité observe que, dans les cas de grève dans la fonction publique qui n'a pas été déclenchée conformément aux dispositions des décrets, ladite grève peut être déclarée illégale par le ministère du Travail et des Affaires sociales, et que des sanctions telles que la résiliation des rapports de travail ou la suspension de l'enregistrement d'une organisation syndicale ou de sa personnalité morale pourront être imposées. A cet égard, le comité rappelle qu'il a déjà eu l'occasion d'examiner une plainte contre le gouvernement de l'Argentine relative au pouvoir conféré au ministère du Travail de décider de l'illégalité de grèves. [Voir 292e rapport, cas no 1679 (Argentine) paragr. 95.] Le comité réitère par conséquent ses conclusions antérieures selon lesquelles «les décisions en dernier ressort d'illégalité des grèves ne devraient pas être prononcées par le gouvernement, notamment dans les cas où ce dernier est partie au conflit». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 523.] Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures pour que les décrets en question soient modifiés, de manière que ce ne soit pas le gouvernement lui-même qui décide de la légalité ou de l'illégalité d'une grève dans la fonction publique, mais les autorités judiciaires ou un organe indépendant.

84. Pour ce qui est de l'allégation relative à la dénonciation (et par conséquent la résiliation) des accords paritaires en vigueur dans le secteur de l'enseignement de la province de Río Negro, le comité observe que ces mesures ont été prises de manière unilatérale par une décision du président du Conseil de l'éducation de la province de Río Negro (CEP) (sans ratification du CEP, ce à quoi l'autorité judiciaire s'est opposée). Le comité prend note du fait que le gouvernement justifie ces mesures en déclarant qu'un changement est intervenu dans la réalité sociale et économique dans le pays en général et dans la province de Río Negro en particulier depuis l'entrée en vigueur des accords paritaires (changement de circonstances qui rend lesdits accords caducs). A cet égard, le comité rappelle que «la suspension ou la dérogation -- par voie de décret, sans l'accord des parties -- de conventions collectives librement conclues est contraire aux principes de la libre négociation collective volontaire consacrés par l'article 4 de la convention no 98. Si un gouvernement souhaite que les dispositions d'une convention collective soient adaptées à la politique économique du pays, il doit essayer d'amener les parties à prendre en compte volontairement ces considérations, sans leur imposer la renégociation des conventions collectives en vigueur». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 876.] Le comité constate que dans le présent cas l'autorité administrative n'a pas agi par voie de décret mais a simplement notifié aux parties qu'elle dénonçait les accords paritaires en vigueur, notification qui a des effets comparables. Dans ces conditions, tout en déplorant que le président du Conseil de l'éducation de la province (CEP) n'ait pas respecté les accords librement conclus par les parties, et qu'on n'ait pas essayé d'amener l'organisation plaignante à prendre en compte les changements économiques qui seraient intervenus, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que le Conseil de l'éducation de la province de Río Negro (CEP) respecte les accords paritaires conclus et qu'il utilise les procédures légales s'il souhaite renégocier lesdits accords.

85. Quant à l'allégation relative au fait que le gouvernement de la province de Río Negro n'a pas versé au syndicat UNTER les cotisations syndicales de ses membres depuis le mois de février 1996, le comité regrette de devoir constater que le gouvernement n'a pas envoyé ses observations à ce sujet. Le comité observe à cet égard que la législation nationale (loi no 23551, article 38, paragr. 1) impose la rétention des cotisations syndicales en faveur des organisations syndicales dotées du statut syndical (les plus représentatives). Dans ces conditions, rappelant que le non-paiement des cotisations syndicales peut causer de graves difficultés financières aux organisations syndicales, le comité prie le gouvernement de s'assurer que le gouvernement de la province de Río Negro verse sans retard à l'organisation syndicale UNTER les cotisations syndicales de ses membres qui ont été retenues depuis février 1996 et qu'il le tienne informé à cet égard.

86. Enfin, le comité signale les aspects législatifs de ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Recommandations du comité

87. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger la résolution no 203/96 prise par le Conseil de l'éducation de la province de Río Negro, qui permet l'embauche de travailleurs avant une grève des travailleurs de l'enseignement.

b) Réitérant que les décisions en dernier ressort d'illégalité des grèves ne devraient pas être prononcées par le gouvernement, notamment dans les cas où ce dernier est partie au conflit, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures pour que les décrets nos 222/96 et 329/96 promulgués par le pouvoir exécutif de la province de Río Negro de façon à ce que ce ne soit pas le gouvernement lui-même qui décide de la légalité ou de l'illégalité d'une grève dans la fonction publique, mais les autorités judiciaires ou un organe indépendant.

c) Pour ce qui est de l'allégation relative à la dénonciation (et par conséquent la résiliation) des accords paritaires en vigueur dans le secteur de l'enseignement de la province de Río Negro, décidée de manière unilatérale par le président du Conseil de l'éducation de la province de Río Negro (CEP), le comité prie le gouvernement de veiller à ce que le Conseil de l'éducation de la province de Río Negro (CEP) respecte les accords paritaires conclus et qu'il utilise les procédures légales s'il souhaite renégocier lesdits accords.

d) Le comité prie le gouvernement de s'assurer que le gouvernement de la province de Río Negro verse sans retard à l'organisation syndicale UNTER les cotisations syndicales de ses membres qui ont été retenues depuis février 1996 et qu'il le tienne informé à cet égard.

e) Le comité signale les aspects législatifs de ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Cas no 1873

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de la Barbade
présentée par
le Syndicat national des travailleurs du secteur public (NUPW)

Allégations: restrictions du droit à la négociation collective
dans le secteur public

88. Dans une communication en date du 7 mars 1996, le Syndicat national des travailleurs du secteur public (NUPW) a présenté une plainte contre le gouvernement de la Barbade pour violation de la liberté syndicale. L'Internationale des services publics (ISP) a appuyé cette plainte dans une communication du 29 mars 1996. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication datée du 31 mai 1997.

89. La Barbade a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

90. Dans sa communication du 7 mars 1996, le NUPW allègue que le gouvernement de la Barbade s'est écarté des pratiques habituelles en matière de négociation collective en imposant unilatéralement des augmentations de salaires à la majorité des travailleurs du secteur public.

91. Selon le NUPW, il a soumis dans une lettre du 5 mai 1995 des propositions détaillées d'augmentations de salaires, de paiement d'une prime de productivité et d'amélioration des conditions d'emploi devant servir de base à la négociation collective. Le NUPW allègue qu'après quatre réunions (30 juin 1995, 14 juillet 1995, 6 décembre 1995 et 26 janvier 1996), le gouvernement a porté le débat devant l'assemblée et a imposé unilatéralement des augmentations salariales pour la majorité des travailleurs du secteur public. Les différents prétextes évoqués par le gouvernement pour expliquer cette action répréhensible étaient, d'après le NUPW:

i) que les autres organisations de travailleurs étaient parvenues à un accord avec le gouvernement;

ii) que le NUPW ne rassemble qu'une minorité de travailleurs du secteur public;

iii) que le gouvernement souhaitait un accord sur les salaires du secteur public avant le début de l'année budgétaire (1er avril);

iv) qu'il ne peut y avoir un système de salaire à deux étages dans le secteur public.

92. Le NUPW allègue encore que, même s'il existe six autres organisations de travailleurs accréditées comme agent de négociation, les effectifs du syndicat plaignant sont considérablement plus élevés que ceux de l'ensemble des autres organisations et qu'ils regroupent un nombre plus élevé de catégories professionnelles.

93. Enfin, le NUPW déclare que le refus persistant du gouvernement d'engager de véritables discussions sur l'intérêt, entre autres, d'une prime de productivité est contraire aux dispositions des deux protocoles sur les salaires et les prix (article 3(e) du protocole 1991-1993 et article (f) du protocole 1995-1997).

B. Réponse du gouvernement

94. Dans sa communication du 27 mai 1997, le gouvernement déclare que, contrairement aux allégations de l'organisation plaignante, il a conclu un accord avec une majorité des syndicats représentant la majorité des travailleurs du secteur public.

95. Concernant les allégations selon lesquelles le gouvernement a refusé d'engager de véritables discussions sur l'intérêt, entre autres, d'une prime de productivité, le gouvernement a déclaré notamment: Après être parvenu à un accord avec les partenaires sociaux pour la période 1993-1995, en avril 1995 la précarité de la situation économique a forcé les partenaires sociaux à négocier un second protocole sur les salaires et les prix (1995-1997) pour remplacer le protocole ayant expiré en mars 1995. Suite à ces négociations, un deuxième protocole fut signé pour la période 1995-1997 dans lequel des augmentations, notamment d'une prime de productivité, furent accordées et acceptées par une majorité des syndicats représentant la majorité des travailleurs du secteur public.

96. Finalement, le gouvernement précise qu'il n'a agi ni de mauvaise foi ni en violation du protocole et qu'il ne pouvait payer les membres de l'organisation plaignante à un certain taux et les membres de tous les autres syndicats à un autre taux.

C. Conclusions du comité

97. Le comité observe que, dans le présent cas, les allégations se réfèrent à des restrictions à la négociation collective dans le secteur public par le gouvernement qui aurait imposé unilatéralement un nouveau système de rémunération à la majorité des travailleurs du secteur public.

98. Le comité voudrait tout d'abord rappeler l'importance qu'il attache à l'obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d'un développement harmonieux des relations professionnelles et l'importance à déployer tous les efforts pour aboutir à un accord. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 814.] Conscient de ce que la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles au sein des différents organismes et entreprises publiques, que ces ressources dépendent du budget de l'Etat et que la validité des conventions collectives du secteur public ne coïncide pas toujours avec celle de la loi relative à ce budget, le comité considère cependant que les autorités devraient privilégier dans toute la mesure possible la négociation collective pour fixer les conditions d'emploi des fonctionnaires. [Voir Recueil de décisions, op. cit., paragr. 899.]

99. A cet égard, le comité note qu'avant de porter le débat devant l'assemblée et d'imposer un nouveau système de rémunération aux travailleurs du secteur public, le gouvernement a tenu quatre réunions en sept mois avec le syndicat plaignant. De plus, le comité note que le gouvernement a conclu un accord avec six autres organisations de travailleurs. La question de savoir si une partie a adopté une attitude raisonnable ou intransigeante vis-à-vis de l'autre relève de la négociation entre les parties, mais les employeurs et les syndicats doivent négocier de bonne foi et n'épargner aucun effort pour aboutir à un accord. [Voir op. cit., paragr. 817.] En conséquence, le comité ne peut pas conclure, au vu des allégations portées contre le gouvernement dans ce cas, qu'il a entièrement refusé la négociation collective ou qu'il a négocié avec une mauvaise foi délibérée.

100. L'allégation selon laquelle un accord minoritaire entre le gouvernement et d'autres agents de négociation du secteur public a été imposé aux services publics généraux pose la question de la reconnaissance des organisations les plus représentatives dans un système de relations professionnelles où l'agent négociateur représentant les syndicats les plus représentatifs bénéficie d'une priorité en matière de négociation collective. Alors que le NUPW prétend que ses effectifs sont supérieurs à ceux des autres organisations de travailleurs accréditées comme agents de négociation, le gouvernement semble soutenir que les adhérents du NUPW constituent une minorité des travailleurs du secteur public. Concernant cet aspect du cas, le comité rappelle que les autorités compétentes devraient, dans tous les cas, être capables d'engager une vérification objective de toute affirmation émanant d'un syndicat qui prétend représenter la majorité des travailleurs dans l'entreprise, pour autant que cette plainte soit recevable. Puisqu'il semble y avoir une divergence fondamentale sur la question entre l'organisation plaignante et le gouvernement, le comité considère que le gouvernement devrait entamer une procédure de vérification pour établir si le NUPW représente la majorité des travailleurs du secteur public. Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir le résultat de la vérification.

Recommandations du comité

101. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Rappelant l'importance qu'il attache à l'obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d'un développement harmonieux des relations professionnelles, le comité rappelle aux parties qu'il convient de privilégier dans toute la mesure possible la négociation collective pour fixer les conditions de travail des fonctionnaires.

b) Le comité demande au gouvernement de procéder à une vérification objective pour décider du bien-fondé des allégations du NUPW selon lesquelles il représente la majorité des travailleurs dans le secteur public de la Barbade et de faire parvenir au comité le résultat de la vérification.

Cas no 1850

Rapport où le comité demande à être informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Congo
présentée par
la Confédération syndicale des travailleurs du Congo (CSTC)

Allégations: intimidations antisyndicales, interdiction de réunions syndicales, restrictions au droit de grève

102. Le comité a examiné ce cas à sa session de juin 1996 [voir 304e rapport du comité, paragr. 199 à 220, approuvé par le Conseil d'administration à sa 266e session (mai-juin 1996)], au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires.

103. Le gouvernement a envoyé des observations sur ce cas dans une communication du 5 mars 1997.

104. Le Congo a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A.  Examen antérieur du cas

105. Dans sa communication du 19 août 1995, la Confédération syndicale des travailleurs du Congo (CSTC) avait indiqué que le gouvernement portait atteinte aux droits syndicaux. Elle avait fait en particulier état des allégations suivantes:

106. A sa session de juin 1996, le comité avait regretté l'absence de réponse du gouvernement sur ce cas, malgré les demandes qui lui avaient été adressées par le comité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant. Il avait été dans l'obligation de présenter un rapport sur le fond sans pouvoir tenir compte des informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.

107. Dans ces conditions, le comité avait adopté les recommandations suivantes:

Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les conclusions suivantes:

a) S'agissant de l'allégation relative à la dispersion violente d'une réunion syndicale à Pointe Noire, le comité demande au gouvernement de diligenter sans retard une enquête impartiale et indépendante pour éclaircir les faits, éviter la répétition de tels actes et de le tenir informé du résultat de cette enquête.

b) S'agissant de l'allégation d'expulsion et d'interdiction de séjour à Pointe Noire prononcées contre M. Louis Gondou, président de la CSTC, le comité demande au gouvernement d'annuler ces mesures qui constituent une grave ingérence dans les activités de l'organisation syndicale qu'il dirige et de diligenter une enquête judiciaire pour vérifier la véracité des allégations. Il lui demande de le tenir informé des résultats de l'enquête et de l'évolution de la situation à cet égard.

c) S'agissant de l'allégation relative à l'expulsion de la CSTC de son local et au pillage de ses biens et documents en juillet 1995, le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante et, dans le cas où elle serait avérée, de restituer à cette organisation de travailleurs son local et ses biens et de punir les auteurs de ces actes illégaux afin d'éviter le renouvellement de pratiques inadmissibles. Il lui demande de le tenir informé des mesures prises en ce sens et des résultats de l'enquête.

d) S'agissant des mesures d'interdiction de réunions syndicales les 27 juillet et 12 août 1995, le comité demande au gouvernement de communiquer ses commentaires et observations sur cet aspect du cas.

e) S'agissant des menaces de dissolution et de suspension qui pèseraient sur la CSTC, rappelant que la suspension et la dissolution des organisations de travailleurs par voie administrative sont contraires à l'article 4 de la convention no 87, le comité demande instamment au gouvernement de ne pas avoir recours à ce type de mesures.

f) S'agissant des allégations de répressions de grévistes, le comité, soulignant que les grèves de protestation contre le non-paiement des rémunérations et les grèves de solidarité avec les travailleurs concernés constituent des activités syndicales légitimes, demande au gouvernement de lever toutes les mesures de représailles antisyndicales qui auraient été prises dans le secteur public, y compris l'arrêté du Conseil des ministres du 8 mars 1995 et de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux dirigeants et aux membres des syndicats qui auraient été licenciés en raison de leurs activités syndicales légitimes d'obtenir leur réintégration dans leurs postes de travail.

g) Le comité, rappelant que les pratiques de listes noires mettent gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux, prie le gouvernement de fournir ses commentaires et observations sur l'allégation selon laquelle de telles pratiques frapperaient les grévistes.

h) Enfin, s'agissant du projet de modification de la législation relative à l'exercice du droit de grève dans la fonction publique, le comité prie le gouvernement de tenir compte, lors de toute modification de la législation à cet égard, des principes de la liberté syndicale et lui suggère de communiquer avant son adoption le projet de texte au BIT pour s'assurer que les dispositions qu'il contient ne vont pas à l'encontre de ces principes. Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur l'aspect législatif de ce cas au regard de la convention no 87.

B.  Réponse du gouvernement

108. A propos de la dispersion à Pointe Noire le 30 septembre 1993 d'une réunion syndicale par un détachement de la police nationale, le gouvernement répond, dans sa communication du 5 mars 1997, qu'il réalise la gravité de cette allégation et accepte, conformément aux conclusions du Comité de la liberté syndicale, de diligenter une enquête impartiale et indépendante afin d'éclaircir les faits et éviter qu'ils se reproduisent.

109. Au sujet de l'expulsion et de l'interdiction de séjour à Pointe Noire prononcée par le Procureur de la République à l'encontre du président de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo, M. Gondou, et des menaces contre le vice-président, M. Lobe, le gouvernement tient à préciser que, conformément aux articles 129 et suivants de la Constitution de la République du Congo, le pouvoir judiciaire jouit d'une autonomie d'action, la Constitution ayant consacré la séparation des pouvoirs. En l'espèce, il appert que M. Louis Gondou, président de la CSTC, en mission syndicale à Pointe Noire, a eu des démêlés avec les services de la police qui l'accusent de divulguer des propos mensongers. Dans ces conditions, le Procureur de la République, en vertu des pouvoirs qu'il tient de la loi et des textes en vigueur, a pris cette décision d'expulsion et d'interdiction de séjour à Pointe Noire de M. Louis Gondou. Il est vrai que cette décision aurait pu être prise sous forme de jugement prononcé par un tribunal légalement constitué et au cours duquel le président de la CSTC aurait pu disposer de la possibilité de présenter sa défense. Le gouvernement note cependant que cette question relève exclusivement du pouvoir judiciaire, raison pour laquelle M. Louis Gondou a, à ce jour, esté en justice pour solliciter l'annulation de ladite décision. Le gouvernement soutient qu'il n'est pas responsable des faits opposant un citoyen à la justice de son pays. Cependant, il prend bonne note des recommandations du comité et le tiendra informé des mesures prises et des résultats. Quant au vice-président de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo, M. Moïse Lobe, ce dernier est libre de tout mouvement et vaque normalement à ses activités syndicales.

110. Quant à la question de l'expulsion de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo de son local, le gouvernement explique que ce local appartenait en réalité à la Loge maçonnique. Celle-ci en avait été dépossédée par l'Etat à l'époque du parti unique. A la faveur du pluralisme, la franc-maçonnerie, détentrice du titre de propriété, a sollicité le rétablissement dans ses droits. Et c'est en exécution d'une décision judiciaire que ledit local a été restitué à son ancien propriétaire, sans pour autant que les biens et documents de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo soient l'objet d'un quelconque pillage.

111. S'agissant de l'interdiction des meetings publics de Koulounda à Brazzaville les 27 juillet et 12 août 1995, le gouvernement souligne que cette décision avait été prise dans le but d'éviter des débordements et du désordre dans l'un des quartiers les plus populaires de la capitale. Les informations recueillies laissaient en effet présager une insécurité due à des éléments armés incontrôlés. Le gouvernement convient qu'il aurait pu agir autrement si les manifestations avaient été programmées dans un lieu offrant toutes les garanties de sécurité. Cependant, aucune autre proposition n'avait été reçue de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo.

112. Pour ce qui concerne les menaces de dissolution et de suspension de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo, le gouvernement note qu'aucune précision n'est apportée par l'organisation plaignante. Il affirme qu'il demeure attaché aux principes édictés par la convention no 87. Il reconnaît cependant avoir à maintes reprises attiré l'attention de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo sur l'obligation du respect des procédures légales et de la liberté du travail à l'occasion des grèves générales déclenchées par cette organisation en 1995.

113. Au sujet de la limitation à l'exercice du droit de grève, le gouvernement explique que les grèves déclenchées par la Confédération syndicale des travailleurs du Congo ont souvent été menées en violation des procédures établies: elles ont eu lieu alors que les négociations n'étaient pas épuisées; dans le secteur public, par exemple, les négociations se sont poursuivies avec les autres organisations syndicales; seule la Confédération syndicale des travailleurs du Congo s'était retirée; dans le secteur privé, notamment le commerce, les grèves ont souvent été accompagnées de voies de fait, occupation de locaux, intimidation et menaces à l'endroit des non-grévistes. C'est pour garantir la liberté du travail que des employeurs avaient sollicité l'appui de la force publique, non pour réprimer les grévistes, mais pour assurer la protection de l'outil de travail et la sécurité de tous, notamment des non-grévistes. Le gouvernement prétend qu'à sa connaissance il n'y a jamais eu constitution de listes noires de travailleurs grévistes, ni affectation arbitraire de dirigeants et militants syndicaux, ni licenciement arbitraire lors de la grève générale de janvier 1995. De même, il n'y a jamais eu d'arrêté du Conseil des ministres du 8 mars 1995 pour n'accorder le versement de salaire qu'aux agents présents effectivement à leurs postes de travail. A l'époque, le gouvernement avait seulement rappelé que la grève de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo était manifestement illégale (du fait que les négociations n'étaient pas rompues et se poursuivaient avec les autres syndicats), tout agent absent de son poste de travail s'exposait à une retenue sur salaire.

114. Enfin, pour ce qui a trait à la législation sur le droit de grève dans la fonction publique, le gouvernement reconnaît qu'un projet de loi y relatif est en cours d'examen. Il assure qu'il le communiquera au BIT avant son adoption définitive.

C.   Conclusions du comité

115. Le comité prend note des informations et observations détaillées fournies par le gouvernement sur chacune de ses recommandations. Il observe en particulier, à propos de la dispersion à Pointe Noire le 30 septembre 1993 d'une réunion syndicale par un détachement de la police, que le gouvernement indique qu'il réalise la gravité de l'allégation et qu'il diligentera une enquête impartiale et indépendante pour éclaircir les faits et éviter qu'ils se reproduisent.

116. Le comité rappelle que, selon la CSTC, la réunion syndicale du 30 septembre 1993 s'était tenue à la bourse du travail et que l'intervention de la police avait causé de nombreux blessés dont un agent des chemins de fer, M. Ngakoya. Le comité souligne l'importance du principe selon lequel le droit des organisations professionnelles de tenir des réunions dans leurs propres locaux pour y examiner des questions professionnelles, sans autorisation préalable ni ingérence des autorités, constitue un élément essentiel de la liberté d'association et que les autorités devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice, à moins que cet exercice ne trouble l'ordre public ou ne le menace de manière grave ou imminente. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 130.] Dans le cas d'espèce, étant donné que la réunion syndicale se tenait à la bourse du travail, le comité estime que les autorités auraient dû s'abstenir de toute intervention des forces de l'ordre, d'autant qu'il en est résulté de nombreux blessés. Il demande en conséquence à nouveau instamment au gouvernement de le tenir informé des résultats de l'enquête et des mesures prises pour sanctionner les auteurs d'actes répréhensibles.

117. Le comité relève, au sujet de l'expulsion et de l'interdiction de séjour à Pointe Noire du président de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo (CSTC), M. Gondou, prononcées par le Procureur de la République en mars 1995, que le gouvernement lui-même reconnaît que la décision d'expulsion et d'interdiction de séjour contre ce syndicaliste aurait pu être prononcée par un tribunal, ce qui aurait permis au président de la CSTC de disposer de la possibilité de se défendre. Le comité rappelle qu'il a déjà conclu, aux vues des éléments de preuve contenus dans la plainte, que la mesure d'expulsion et d'interdiction de séjour à Pointe Noire prononcée par le Procureur à l'encontre du président de la CSTC pour des motifs «de perturbation de l'ordre public» alors que se déroulait un conflit du travail dans le secteur pétrolier, constituait, vu le caractère général du chef d'inculpation (et l'indication du préfet que l'intervention de ce dirigeant syndical allait dans le sens de l'apaisement du climat social et non, comme le déclarait le Procureur, qu'elle visait à mettre en danger l'ordre et la sécurité publics), un acte de grave répression antisyndicale. Le comité demande donc au gouvernement d'annuler cette décision intervenue il y a plus de deux ans, le 23 mars 1995, qui porte atteinte au droit du président de la CSTC de mener à bien ses activités syndicales. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

118. Le comité note que la version des plaignants et celle du gouvernement concernant l'expulsion de la CSTC de son local sont contradictoires. Selon les plaignants, cette centrale aurait été expulsée en juillet 1995 et ses biens et documents auraient été pillés. En revanche, pour le gouvernement, le local qui appartenait à une loge maçonnique a été restitué à ses anciens propriétaires sur décision judiciaire sans que les biens et documents de la centrale soient l'objet d'un quelconque pillage. Le comité insiste, d'une manière générale, sur l'importance du principe selon lequel les biens des syndicats devraient jouir d'une protection adéquate, comme l'a souligné la Conférence internationale du Travail dans sa résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée en 1970. Il demande au gouvernement de faciliter, dans toute la mesure possible, l'obtention de locaux à la CSTC qui puissent lui permettre de mener à bien ses activités. Il demande au gouvernement de fournir le texte du jugement restituant le local à la loge maçonnique.

119. Le comité note que le gouvernement reconnaît qu'il aurait pu s'abstenir d'interdire les meetings publics de Koulounda à Brazzaville les 27 juillet et 12 août 1995 si la CSTC avait programmé ces manifestations dans un lieu offrant toutes les garanties de sécurité, mais il indique que cette centrale ne lui avait fait aucune autre proposition. Le comité rappelle que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. [Voir op. cit., paragr. 132.] Il demande au gouvernement de veiller à l'avenir au respect de ce principe essentiel.

120. Le comité observe que le gouvernement indique que les plaignants n'ont fourni aucune précision sur les menaces alléguées de dissolution ou de suspension de la CSTC. Il reconnaît toutefois qu'il a maintes fois attiré l'attention de cette centrale sur l'obligation du respect des procédures légales et de la liberté du travail à l'occasion des grèves qu'elle a déclenchées en 1995. Le comité rappelle qu'il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. [Voir op. cit., paragr. 474.] Le comité insiste en particulier sur la conclusion qu'il a déjà formulée dans son 304e rapport (paragr. 216) concernant la présente affaire où il a indiqué à propos des grèves de 1995 que les grèves de protestation contre les situations dans lesquelles les travailleurs se trouvent pendant de longs mois sans aucune rémunération du fait du non-paiement des salaires par le gouvernement constituent des activités syndicales légitimes. Le comité demande en conséquence au gouvernement de lever toutes les mesures de représailles antisyndicales qui ont pu frapper les grévistes et leurs organisations, et notamment les licenciements et les pratiques de listes noires. Il lui demande de le tenir informé des mesures prises dans les sociétés Galaxie et Caravelle.

121. Enfin, le comité note avec intérêt que, conformément à sa recommandation antérieure, le gouvernement indique que le projet de loi relatif au droit de grève dans la fonction publique sera communiqué au BIT avant son adoption définitive. Le comité veut croire que le texte en question sera conforme aux principes de la liberté syndicale et prie le gouvernement de tenir ses engagements à cet égard, afin qu'il examine la compatibilité du texte avec les principes de la liberté syndicale.

Recommandations du comité

122. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité relève avec préoccupation les nombreuses violations de la liberté syndicale survenues dans cette affaire qui concerne la dispersion brutale d'une réunion syndicale, l'expulsion et l'interdiction de séjour prononcées contre un dirigeant syndical, des interdictions de réunions syndicales et des licenciements antisyndicaux à la suite de grèves légitimes. Il rappelle au gouvernement qu'en ratifiant les conventions nos 87 et 98 il s'est engagé à respecter la liberté syndicale et lui demande à l'avenir de garantir aux travailleurs et à leurs organisations le droit d'exercer leurs activités syndicales, y compris par la tenue de réunions syndicales et le recours à la grève sans ingérence des pouvoirs publics.

b) En ce qui concerne la dispersion par un détachement de la police nationale d'une réunion syndicale tenue à la bourse du travail de Pointe Noire le 30 septembre 1993 qui a causé de nombreux blessés dont un agent des chemins de fer, M. Ngakoya, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de le tenir informé des résultats de l'enquête et des mesures prises pour sanctionner les auteurs d'actes répréhensibles.

c) Au sujet de l'expulsion et de l'interdiction de séjour à Pointe Noire prononcées par le Procureur contre le président de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo (CSTC), le comité, estimant qu'il s'agit d'un acte de grave répression antisyndicale, demande au gouvernement d'annuler cette décision intervenue il y a plus de deux ans et de le tenir informé à cet égard.

d) S'agissant de l'expulsion de la CSTC de son local, le comité demande au gouvernement de faciliter, dans la mesure du possible, l'obtention de locaux à la CSTC.

e) S'agissant de l'interdiction des meetings publics de Koulounda à Brazzaville en juillet et en août 1995, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les travailleurs puissent à l'avenir jouir du droit de manifestation pacifique pour la défense de leurs intérêts professionnels.

f) A propos des grèves de protestation contre le non-paiement des salaires par le gouvernement, le comité demande au gouvernement de lever toutes les mesures de représailles antisyndicales qui ont pu frapper les grévistes, et notamment les licenciements et les pratiques de listes noires, et de le tenir informé à cet égard.

g) Enfin, le comité demande à nouveau au gouvernement, comme il s'est engagé à le faire, de transmettre le texte du projet de loi relatif au droit de grève dans la fonction publique avant son adoption définitive pour qu'il en examine la compatibilité avec les principes de la liberté syndicale.

Cas no 1905

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement
de la République démocratique du Congo
présentée par
-- le Syndicat national des professionnels de santé, cadres et agents des services de santé (SYNCASS) et
-- le Conseil des syndicats des services publics (COSSEP)

Allégations: ingérence du gouvernement dans la constitution
et dans le fonctionnement des syndicats de fonctionnaires en droit et en fait

123. Le Syndicat national des professionnels de santé, cadres et agents des services de santé (SYNCASS), organisation affiliée à la Confédération démocratique du travail (CDT), a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement dans deux communications du 5 octobre 1996. Par la suite, il a présenté des allégations supplémentaires et des documents à l'appui de ses plaintes dans une communication du 4 décembre 1996. Le Conseil des syndicats des services publics (COSSEP), également affilié à la CDT, a lui aussi présenté des allégations ayant trait aux mêmes questions dans une communication du 24 janvier 1997.

124. Le gouvernement a fourni certains commentaires et observations sur ces plaintes dans une communication du 5 mars 1997.

125. La République démocratique du Congo n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

126. Dans leurs communications des 5 octobre 1996 et 24 janvier 1997, le SYNCASS et le COSSEP saisissent le comité d'allégations de violations de la liberté syndicale en droit et en pratique.

Allégations en droit

127. Le SYNCASS considère que l'arrêté portant réglementation provisoire des activités syndicales au sein de l'administration publique no CAB.MIN/FP/0174/96 du 13 septembre 1996 modifiant et complétant l'arrêté no CAB.MIN/FP/105/94 du 13 janvier 1994 portant sur la même question enfreint les dispositions des conventions internationales du travail sur la liberté syndicale nos 87, 98 et 151 et viole les droits syndicaux.

128. Plus particulièrement, dans le mémorandum qu'il joint à sa plainte, le SYNCASS explique que l'article 3 de l'arrêté restreint la liberté des travailleurs employés par l'Etat d'adhérer aux syndicats de leur choix en limitant leur affiliation aux organisations agréées par le ministre de la Fonction publique et en prévoyant que les agents de l'Etat ne peuvent appartenir qu'à des organisations syndicales de «fonctionnaires et agents de l'Etat». Cet article confère au ministre de la Fonction publique un pouvoir discrétionnaire dans l'enregistrement des syndicats et dans le choix des organisations pouvant exercer leurs activités dans l'administration publique. Ce pouvoir est d'autant plus étendu que l'arrêté ne prévoit aucun organe indépendant d'arbitrage en cas de préjudice causé au syndicat par les décisions du ministre.

129. L'article 6 de l'arrêté entrave l'enregistrement des syndicats par l'inclusion de multiples conditions.

130. L'article 11 de l'arrêté conforte la position du ministre car il rappelle aux syndicalistes qu'ils restent assujettis au Statut de la fonction publique quant à leurs droits et obligations. Selon le SYNCASS, chaque fois que les agents agissent comme des syndicalistes, ils sont évidemment soumis aux statuts des syndicats. Or ces statuts doivent au préalable avoir reçu l'agrément du ministre, conformément aux exigences des articles 4 et 5 de l'arrêté.

131. L'article 12, alinéas b) et c), de l'arrêté constitue à la fois une limitation manifeste de la liberté des membres des syndicats d'élire librement leurs représentants et une intrusion du législateur dans l'élaboration des statuts des syndicats. En effet, l'alinéa b) ouvre la voie aux licenciements et aux mutations à caractère punitif des délégués syndicaux aux fins de les empêcher d'exercer leurs mandats, et l'alinéa c) vise les dirigeants syndicaux investis d'un mandat parlementaire auxquels le ministre de la Fonction publique avait déjà, à plusieurs reprises, dénié le droit de représenter leurs organisations sous le prétexte d'incompatibilité entre le mandat syndical et le mandat de parlementaire.

132. L'article 13 de l'arrêté renforce le pouvoir du ministre sur les syndicats en confiant à ces derniers le rôle de veiller à l'application du Statut de la fonction publique, d'agir en tant que porte-parole des autorités administratives auprès des travailleurs et d'assurer la police de l'exécution des décisions desdites autorités. Ces missions détournent les syndicats de leurs objectifs de défense de leurs membres.

133. Selon le SYNCASS, même si l'Etat n'a pas encore ratifié les conventions nos 87 et 151, le gouvernement est lié par un protocole d'accord signé entre lui et les syndicats du secteur public du 17 septembre 1994. Ce protocole stipule clairement l'obligation du gouvernement de soumettre au Parlement l'instrument de ratification de ces conventions. Le compte rendu du Conseil des ministres du 1er mars 1996 corrobore cette affirmation.

134. Le SYNCASS explique en outre que l'arrêté est inconstitutionnel, illégal et donc nul et de nul effet, tout comme l'arrêté qu'il modifie et complète, à savoir l'arrêté du 31 janvier 1994. En effet, le premier arrêté a été frappé de nullité dès sa publication et n'avait donc pas le 13 septembre 1996, date de sa révision, d'existence légale, étant donné qu'il n'avait été rendu public et donc opposable aux tiers que le 22 avril 1994, c'est-à-dire après la promulgation le 9 avril 1994 de l'Acte constitutionnel de transition actuellement en vigueur. Cet acte constitutionnel en son article 59 confie à la loi et non à un arrêté ministériel la compétence d'édicter les principes fondamentaux relatifs au pluralisme syndical.

Allégations de faits

135. Le SYNCASS, dans sa communication du 5 octobre 1996, dénonce l'ingérence du gouvernement dans la désignation des délégués du COSSEP à la commission paritaire instituée entre le gouvernement et les syndicats, en juin 1996. En effet, le SYNCASS explique que, par lettre du 30 mai 1996, le COSSEP avait nommément désigné huit délégués, deux par centrale syndicale, pour représenter huit syndicats dans la fonction publique, à savoir le Conseil des syndicats des services publics, le COSSEP lui-même, le Directoire national des agents et des fonctionnaires de l'Etat (DINAFET/SYNAFET), le Syndicat des enseignants du Zaïre, le SYEZA, le Syndicat national des cadres et des agents des services de santé (SYNCASS) et quatre autres syndicats.

136. Les deux membres du SYNCASS, qui avaient été désignés, étaient MM. Mulenda Lukwante et Ndjate Hiondo. Or, d'après le plaignant, le gouvernement a par la suite désigné arbitrairement M. Omalundula Otshinga, secrétaire général adjoint du SYNCASS.

137. Le SYNCASS regrette vivement cette nomination à la commission paritaire gouvernement/syndicats étant donné que cette commission s'est transformée en Commission de contrôle des effectifs des agents et fonctionnaires de l'Etat et que ses travaux revêtent une grande importance pour les syndicats. Ceux-ci souhaitent que le secrétaire exécutif national du SYNCASS, régulièrement désigné par l'organe compétent du syndicat, puisse y siéger.

138. Par ailleurs, le SYNCASS dénonce dans sa communication du 4 décembre 1996 le refus du médecin directeur de la clinique Ngaliema de Kinshasa d'autoriser la tenue de l'assemblée générale du syndicat, le 23 août 1996. Dans la documentation jointe à la plainte, le médecin directeur et président du conseil de gestion de la clinique en question a répondu aux délégués syndicaux du SOLSIZA et du DINAFET/SYNAFET à ce sujet: «nous avons le regret de vous informer que le moment ne se prête pas à la tenue de ce genre de rencontres qui démobilisent le personnel». Il a ensuite conclu: «il est inopportun de tenir en ces temps des assemblées du personnel qui doivent être reportées à des dates ultérieures». Tout en reconnaissant que l'interdiction du 23 août 1996 n'est plus en vigueur, le SYNCASS souhaite que le comité réitère ses recommandations antérieures afin qu'une telle pratique ne s'érige pas en règle générale dans les hôpitaux et les cliniques du pays.

139. Le secrétaire général du SYNCASS, membre du Haut Conseil de la République qui siège en tant que Parlement de transition, M. Kibiswa Kwabene, s'insurge contre le refus du ministre de la Fonction publique de traiter avec lui en raison de son mandat de parlementaire, puisque ce mandat ne constitue pas une incompatibilité avec son mandat syndical aux termes des statuts du SYNCASS.

140. Finalement, dans une communication ultérieure du 24 janvier 1997, le COSSEP, qui regroupe plusieurs syndicats de services publics, demande lui-même de pouvoir représenter les affiliés de ses syndicats membres aux négociations collectives, et en particulier dans la commission chargée du contrôle des effectifs des agents de l'Etat. Il joint à sa plainte plusieurs annexes faisant état de refus du gouvernement de prendre en compte la liste des délégués du COSSEP, du fait que certains des délégués syndicaux désignés par les bases sont des parlementaires. Il constate que les négociations se déroulent avec des syndicats qui, d'après lui, ont été créés sur l'initiative du ministre de la Fonction publique ou avec des directions syndicales dédoublées.

B. Réponse du gouvernement

141. Dans sa réponse du 6 mars 1997, le gouvernement qui était au pouvoir à l'époque a indiqué qu'en tant que Membre de l'Organisation internationale du Travail il a confirmé son engagement de respecter les obligations découlant de la Constitution de l'OIT. Il a souligné que le gouvernement de transition s'est engagé, dès le 24 avril 1990, à appliquer les principes du pluralisme syndical prévus par le Code du travail du 9 août 1967, et il a précisé que l'article 10 de l'Acte constitutionnel de transition garantit la liberté d'association dans le respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes mœurs.

142. S'agissant de la violation des droits syndicaux par l'arrêté du ministre de la Fonction publique no CAB/MIN/FP/0174/96 du 13 septembre 1996, réglementant provisoirement les activités syndicales au sein de l'administration publique, le gouvernement a admis que cet arrêté contient quelques articles qui violent les dispositions des textes tant internationaux que nationaux en matière de formation et de fonctionnement des organisations professionnelles de travailleurs.

143. Le gouvernement a assuré que le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale mettrait rapidement en place une commission interministérielle aux fins d'harmoniser les dispositions dudit arrêté avec les instruments juridiques internationaux et nationaux en vigueur.

144. Pour ce qui concerne l'ingérence du ministère de la Fonction publique dans la désignation de représentants du SYNCASS à la commission paritaire entre le gouvernement et les syndicats d'agents de l'Etat, le gouvernement a reconnu là aussi que le ministère de la Fonction publique s'était, par mégarde, selon ses dires, ingéré dans la désignation des délégués du SYNCASS et il a admis que cela constituait une violation flagrante de la liberté syndicale.

145. Le gouvernement a assuré que, pour éviter que de telles violations ne se répètent, le ministère du Travail prendrait contact avec tous les services concernés par les plaintes afin de les conduire à réfléchir sur les libertés et les droits syndicaux.

146. En conclusion, le gouvernement a indiqué à propos des perspectives de ratifications des conventions internationales du travail sur la liberté syndicale que des projets de loi autorisant la ratification tant de la convention no 87 que des conventions nos 135, 141 et 151 avaient été approuvés par le gouvernement dès 1996 et qu'il ne restait que l'adoption de ceux-ci par le Parlement de transition.

C. Conclusions du comité

147. Le comité prend note du changement de régime intervenu dans le pays. Il rappelle que le nouveau gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences que les faits sur lesquels porte cette plainte peuvent continuer à avoir depuis son arrivée au pouvoir, bien que ces faits se soient produits sous le régime de son prédécesseur. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 18.] Le comité exprime donc l'espoir que le nouveau gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations qu'il formule dans le présent cas.

148. Le comité note que les allégations dans le présent cas portent sur des actes d'ingérence du gouvernement dans la constitution et dans le fonctionnement des organisations professionnelles de fonctionnaires et agents de l'Etat tant en droit qu'en pratique.

Allégations en droit

149. Selon les plaignants, l'arrêté du 13 septembre 1996 modifiant et complétant l'arrêté du 13 janvier 1994 sur la réglementation provisoire des activités syndicales au sein de l'administration publique confère au ministre de la Fonction publique un pouvoir discrétionnaire dans l'enregistrement des organisations syndicales et lui permet de s'ingérer dans leur fonctionnement. Le gouvernement, pour sa part, admet que quelques articles de l'arrêté, objet de la plainte, violent les dispositions des textes tant nationaux qu'internationaux et assure que le ministère du Travail mettra rapidement en place une commission interministérielle aux fins d'harmoniser les dispositions dudit arrêté avec les instruments juridiques internationaux et nationaux en vigueur.

150. Le comité prend note de cette information. Il demande en conséquence au gouvernement de bien vouloir abroger sans tarder toutes les dispositions de la législation nationale qui portent atteinte au droit des travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, et, dans le cas d'espèce, des fonctionnaires et agents de l'Etat de constituer des organisations de leur choix, sans autorisation préalable, et de s'y affilier. Il lui demande aussi d'abroger les dispositions qui constituent des entraves au droit des organisations d'agents de l'Etat d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leur programme d'action sans ingérence des autorités publiques.

Monopole syndical

151. Tout en notant que l'arrêté du 13 janvier 1994 fait référence dans son préambule au pluralisme syndical proclamé le 24 avril 1990 et que l'arrêté du 13 septembre 1996 révisant l'arrêté de 1994 mentionne également en son article 1er qu'il a pour objet de réglementer l'exercice des activités syndicales au sein de l'administration publique jusqu'à la publication d'un statut syndical conforme au pluralisme syndical, le comité demande au gouvernement d'abroger sans tarder l'article 56 de la loi portant Statut du personnel de carrière des services publics de l'Etat de 1981 qui impose encore aux fonctionnaires l'obligation de s'affilier à une organisation syndicale nommément désignée dans la loi, à savoir l'Union nationale des travailleurs du Zaïre (UNTZA), et l'article 49 de ce même statut qui leur impose de faire montre, en toute circonstance, d'un engagement sans faille aux idéaux du parti unique.

Rôle des syndicats

152. S'agissant de l'article 13 de l'arrêté du 13 septembre 1996 qui, selon les plaignants, renforce la mainmise du ministre de la Fonction publique sur les syndicats de fonctionnaires en leur confiant le rôle de veiller à l'application du Statut de la fonction publique, d'agir en tant que porte-parole des autorités administratives auprès des travailleurs et d'assurer la police de l'exécution des décisions desdites autorités, le comité rappelle l'importance qui s'attache à ce qu'une organisation de travailleurs soit une organisation qui a pour but de promouvoir et de défendre les intérêts de ses membres conformément à l'article 10 de la convention no 87. De l'avis du comité, ceci implique que les organisations et, dans le cas d'espèce, les organisations de fonctionnaires publics jouissent d'une complète indépendance à l'égard des employeurs et donc des autorités publiques. Afin que ce principe soit respecté, le comité demande au gouvernement d'abroger l'article 13 de l'arrêté du 13 septembre 1996.

Constitution des syndicats

153. S'agissant de l'article 3 de l'arrêté du 13 septembre 1996, qui impose aux organisations syndicales de fonctionnaires l'obligation d'obtenir leur enregistrement par le ministre de la Fonction publique, le comité rappelle l'importance du principe selon lequel les travailleurs ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix. De l'avis du comité, l'enregistrement par le ministre constitue bien dans le cas d'espèce une autorisation préalable, puisque l'article 6 de l'arrêté impose des exigences qui vont au-delà de simples formalités destinées à assurer la publicité nécessaire au fonctionnement de l'organisation et qu'en outre l'article 4 mentionne que l'organisation doit obtenir l'agrément du ministre, en fournissant copie de ses statuts. Le comité demande donc au gouvernement d'amender les dispositions en question pour assurer que l'enregistrement d'un syndicat n'équivaille pas à une autorisation préalable.

Election des représentants syndicaux

154. Enfin, en ce qui concerne l'article 12 de l'arrêté qui impose la déchéance de son mandat syndical au dirigeant d'un syndicat ou au délégué s'il quitte ou perd son emploi (alinéa b)) ou s'il assume un mandat politique ou public dans une institution ou organisme public d'Etat (alinéa c)), le comité rappelle le principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit. Le comité a indiqué à maintes reprises que, si les dispositions de la législation nationale prévoient que tous les dirigeants syndicaux doivent appartenir à la profession dans laquelle l'organisation exerce son activité, la mise en œuvre de ce principe risque d'être mise en cause. En effet, dans de tels cas, le licenciement ou la mise en disponibilité forcée d'un travailleur dirigeant syndical, y compris d'un fonctionnaire qui a été élu membre du Parlement comme dans le cas d'espèce, peut, en lui faisant perdre sa qualité de dirigeant syndical, porter atteinte à la liberté d'action de l'organisation et à son droit d'élire librement ses représentants et même favoriser des actes d'ingérence de la part de l'employeur. D'une manière générale, le comité estime que la réglementation des procédures et modalités d'élection des dirigeants syndicaux relève en priorité des statuts des syndicats. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 354.] Le comité demande en conséquence au gouvernement d'abroger les restrictions susmentionnées à l'élection des dirigeants syndicaux. De plus, le comité demande au gouvernement de garantir que les représentants syndicaux mentionnés dans la plainte, qui étaient également membres du Parlement, puissent exercer librement leurs fonctions syndicales.

155. Relevant, d'après les informations communiquées par le gouvernement, d'une part, que le ministère du Travail mettra rapidement en place une commission interministérielle aux fins d'harmoniser les dispositions de l'arrêté de 1996 avec les instruments juridiques nationaux et internationaux et, d'autre part, que les ratifications des conventions nos 87 et 151 ont déjà été approuvées par le gouvernement en 1996 et qu'elles sont en instance d'adoption par le Parlement de transition, le comité se félicite de l'esprit d'ouverture du gouvernement et veut croire que le gouvernement prendra à très brève échéance toutes les mesures nécessaires pour amender sa législation afin de la mettre en conformité avec les principes de la liberté syndicale. Il demande au gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard.

Allégations de faits

156. Le comité observe que le gouvernement reconnaît que l'ingérence du ministère de la Fonction publique dans la désignation de représentants du SYNCASS à la commission paritaire entre le gouvernement et les syndicats d'agents de l'Etat a constitué une violation flagrante du droit à la liberté syndicale et que, pour éviter la répétition de telles violations, le ministère du Travail prendra contact avec tous les services concernés par les plaintes. Le comité veut croire que les désignations d'office par le ministère de la Fonction publique de délégués du SYNCASS seront immédiatement levées et que seuls les délégués régulièrement désignés par les organes compétents des syndicats d'agents publics siégeront dans les commissions paritaires chargées d'examiner les conditions d'emploi des agents publics et de contrôler les effectifs de la fonction publique.

157. Enfin, en ce qui concerne les entraves à la tenue d'une assemblée générale d'un syndicat dans une clinique de Kinshasa, le comité insiste à nouveau sur l'importance qu'il attache au droit fondamental des travailleurs de tenir des réunions syndicales sans entrave. Il demande donc au gouvernement d'assurer aux travailleurs le respect de ce droit notamment dans les services de santé, éventuellement en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures de travail.

Recommandations du comité

158. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Observant que le gouvernement indique que le ministère du Travail mettra rapidement en place une commission interministérielle aux fins d'harmoniser la législation syndicale relative aux fonctionnaires avec les instruments juridiques nationaux et internationaux, le comité demande instamment au gouvernement d'abroger sans tarder toutes les dispositions de la législation nationale qui portent atteinte au droit des fonctionnaires et des agents de l'Etat de constituer des organisations de leur choix, sans autorisation préalable, et au droit des organisations d'agents de l'Etat d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leur programme d'action sans ingérence des pouvoirs publics. Il lui demande en particulier d'abroger ou d'amender les articles 49 et 56 de la loi portant Statut du personnel de carrière des services publics de l'Etat et certaines dispositions de l'arrêté de 1996 portant réglementation provisoire des activités syndicales dans l'administration publique, notamment les articles 3, 4, 6, 12 et 13. Il demande au gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard.

b) Le comité demande au gouvernement de lever toutes les désignations d'office de délégués des syndicats d'agents publics qui ont été faites par le ministère de la Fonction publique et d'assurer que seuls les délégués régulièrement désignés par les organes compétents des syndicats d'agents publics siégeront dans les commissions paritaires chargées d'examiner les conditions d'emploi des agents publics et de contrôler les effectifs dans la fonction publique. Il lui demande de le tenir informé à cet égard.

c) Le comité demande au gouvernement de garantir que les représentants syndicaux mentionnés dans la plainte qui étaient également membres du Parlement puissent exercer librement leurs fonctions syndicales.

d) Le comité demande au gouvernement de garantir aux travailleurs le respect du droit de tenir des réunions syndicales sans entrave, notamment dans les services de santé.

e) Le comité exprime l'espoir que le nouveau gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations formulées ci-dessus.


Annexe I

Dispositions législatives et réglementaires
relatives à la plainte

Statut du personnel de carrière
des services publics de l'Etat de 1981

Droits, devoirs et incompatibilités

Article 49 (...)

L'agent doit faire montre, en toute circonstance, d'un engagement sans faille aux idéaux du parti...

Article 56

L'agent jouit du droit syndical et est d'office affilié à l'Union nationale des travailleurs du Zaïre (UNTZA). Un règlement d'administration relatif au statut syndical des agents interviendra à l'effet de déterminer la nature et les modalités d'intervention du syndicat au sein des services publics, de créer les institutions assurant la représentation du personnel tant au niveau national que régional, de fixer la composition de ces institutions, leur compétence et la procédure qu'elles doivent observer.

Arrêté du ministre de la Fonction publique
n
o CAB.MIN/FP/0174/96 du 13 septembre 1996 modifiant
et complétant l'arrêté n
o CAB.MIN/FP/105/94 du 13 janvier 1994 portant réglementation provisoire des activités syndicales
au sein de l'administration publique

Article 1er

Le présent arrêté a pour objet de réglementer l'exercice des activités syndicales au sein de l'administration publique jusqu'à la date de la publication du statut syndical conforme au pluralisme syndical.

Sont soumis au présent arrêté tous les agents auxquels s'applique le Statut du personnel de carrière des services publics de l'Etat défini par la loi no 81-003 du 17 juillet 1981.

Article 2

Les agents visés par le présent arrêté sont libres de créer les organisations syndicales, de s'y affilier ou d'adhérer à un syndicat de leur choix ou de s'en retirer.

Article 3

Sont habilitées à exercer une activité syndicale au sein de l'administration publique les organisations syndicales des fonctionnaires et agents de l'Etat enregistrées par le ministre de la Fonction publique. La même habilitation peut être accordée par le ministre de la Fonction publique à d'autres organisations syndicales interprofessionnelles enregistrées au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale et défendant les intérêts professionnels de tout ou partie du personnel de l'administration publique, selon le secteur d'activités que ces organisations s'assignent.

Article 4

La demande d'enregistrement d'un syndicat doit mentionner l'identité complète des membres chargés de son administration et de sa direction. Elle est signée par chacun d'eux. Il est joint à la demande quatre exemplaires des statuts du syndicat requérant et un dossier de chaque membre du Comité directeur du syndicat.

Les organisations syndicales, dont mention faite à l'article 3 ci-dessus, alinéa 3, se signalent au ministre de la Fonction publique par une demande d'agrément à laquelle il est joint une copie de leurs statuts et règlements d'ordre intérieur ainsi que la liste de leurs dirigeants responsables.

Article 5

Les statuts du syndicat doivent préciser notamment:

Article 6

Le dossier de chaque membre chargé de l'administration et la direction d'un syndicat doit contenir les éléments suivants:

Article 7

L'enregistrement du syndicat est sanctionné par voie d'arrêté du ministre de la Fonction publique.

Article 8

Dans les cinq jours de la décision d'enregistrement par le ministère de la Fonction publique, le syndicat adresse un exemplaire de ses statuts au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance dans le ressort duquel est établi le siège du syndicat.

Article 9

Il est fixé une période de transition syndicale de six mois qui court de la date de la signature du présent arrêté.

La période de transition syndicale sera consacrée à :

Article 10

Un code électoral et un calendrier des élections seront élaborés par une commission composée des syndicalistes et des membres du ministère de la Fonction publique assistés des experts du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale.

Article 11

Le mandat des délégués est de 3 ans renouvelable.

Pendant son mandat, le délégué est couvert d'une immunité pour tous actes posés dans l'exercice de l'action syndicale.

Le mandat du délégué syndical ne peut entraîner ni mesure vexatoire, ni préjudice, ni avantages spéciaux pour celui qui l'exerce. Ces délégués restent assujettis au Statut du personnel de carrière des services publics de l'Etat quant aux droits et obligations.

Article 12

Le responsable dirigeant d'un syndicat ou le délégué perd sa qualité:

a) s'il cesse de remplir les conditions d'éligibilité;

b) s'il quitte ou perd son emploi;

c) s'il assume un mandat politique ou public dans une institution ou un organisme public de l'Etat.

En cas de vacance, le délégué est remplacé par un suppléant qui achève le mandat de celui qu'il remplace.

Article 13

Les organisations syndicales représentant les agents auprès de l'administration publique exercent une activité syndicale dans laquelle, d'une part, elles expriment, en les coordonnant, les désirs et les vœux des agents et veillent à la stricte et juste application du statut et ses règlements d'administration; et, d'autre part, elles informent les agents des décisions et mesures prises à leur égard et participent à leur exécution.

Cas no 1910

Rapport où le comité demande à être informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement
de la République démocratique du Congo
présentée par
le Syndicat des travailleurs des plantations et élevages (STPE)

Allégations: ingérence dans les affaires syndicales

159. Le Syndicat des travailleurs des plantations et élevages (STPE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement dans une communication du 18 novembre 1996.

160. Le gouvernement a fourni certains commentaires et observations sur cette plainte dans une communication du 5 mars 1997.

161. La République démocratique du Congo n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

162. Dans sa communication du 18 novembre 1996, le STPE allègue la violation des conventions nos 87, 98 et 135 de l'OIT ainsi que de l'article 229 du Code du travail par le gouvernement. Concrètement, il explique que la société Marsavco-Zaïre, une multinationale du groupe Unilever, avait adressé une lettre confidentielle no PERS/942/96/104/AJRKM le 22 juillet 1996 au ministre du Travail et de la Prévoyance sociale à propos du secrétaire général du Syndicat des travailleurs des plantations et élevages, M. Kadivilako Luzingamo. A la suite de cette correspondance, le ministre, sans avoir entendu les parties intéressées (les responsables de la société et le syndicat précité), a adressé, en date du 30 juillet 1996, une lettre au Syndicat des travailleurs des plantations et élevages, le STPE. Dans cette lettre no 12/CAB/MTPS/0702/96, le ministre du Travail demande à M. Kadivilako Luzingamo de ne plus s'occuper des activités du syndicat au sein de ladite société, au motif que l'intéressé qui avait travaillé dans une société du même groupe jusqu'en 1990 avait intenté un procès à son employeur, les Plantations Lever après la rupture de son contrat de travail.

163. L'organisation plaignante poursuit en indiquant que la direction des ressources humaines de la société Marsavco-Zaïre, ayant reçu une copie de la lettre adressée par le ministre du Travail au secrétaire général du Syndicat des travailleurs des plantations et élevages (STPE), M. Kadivilako Luzingamo, a interdit à ce dirigeant syndical d'exercer toute activité syndicale au sein de ladite société, et ce malgré la lettre de mise au point qui a été adressée le 15 août 1996 au ministre du Travail par les cinq organisations syndicales représentatives au sein de la société, regroupées dans une intersyndicale. La société Marsavco-Zaïre a, en conséquence, refusé la participation de M. Kadivilako aux réunions syndicales et aux négociations de la convention collective en cours d'élaboration. L'organisation plaignante joint à sa plainte des copies de toutes les correspondances y relatives.

B. Réponse du gouvernement

164. Dans sa réponse du 6 mars 1997, le gouvernement qui était au pouvoir à l'époque a réitéré son attachement aux obligations découlant de la Constitution de l'OIT. Il n'a pas réfuté les allégations de l'organisation plaignante; cependant, il a expliqué que la lettre no 0702/96 du 30 juillet 1996 n'avait aucun caractère impératif. Selon le gouvernement, cette lettre avait plutôt pour objet de donner un conseil aux intéressés afin d'assainir le climat social au cours de la négociation collective. Le gouvernement a ajouté que la liberté des syndicats de choisir leurs représentants à la négociation collective est garantie par l'article 267 du Code du travail. En conséquence, pour le gouvernement, une simple lettre qui n'a d'ailleurs pas de force juridique ne peut suppléer un texte législatif. Le gouvernement a conclu en assurant que les services du ministère du Travail feraient tout pour faire revenir les deux parties au respect des principes de la liberté syndicale.

C. Conclusions du comité

165. Le comité prend note du changement de régime intervenu dans le pays. Il rappelle que le nouveau gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences que les faits sur lesquels porte cette plainte peuvent continuer à avoir depuis son arrivée au pouvoir, bien que ces faits se soient produits sous le régime de son prédécesseur. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 18.] Le comité exprime donc l'espoir que le nouveau gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations qu'il formule dans le présent cas.

166. Le comité observe que ce cas a trait à un acte d'ingérence du gouvernement dans la désignation d'un représentant syndical chargé par le syndicat plaignant de négocier une convention collective.

167. Les versions de l'organisation plaignante et du gouvernement coïncident sur les faits, mais elles divergent sur l'interprétation que l'une et l'autre en donnent. Pour l'organisation plaignante, la lettre du ministre du Travail adressée au Syndicat des travailleurs des plantations et élevages (STPE) avec copie à la direction de l'entreprise demandant au secrétaire général du STPE de ne pas exercer d'activité syndicale au sein de la société Marsavco-Zaïre constitue une grave ingérence du gouvernement dans les activités d'un syndicat; en revanche, pour le gouvernement, cette lettre contient plutôt un conseil donné par le ministre aux intéressés afin d'assainir le climat social au cours d'une négociation collective.

168. De la documentation jointe à la plainte, il ressort que le ministre du Travail a, dans une lettre du 30 juillet 1996 adressée au STPE, écrit que la direction de Marsavco-Zaïre a sollicité son concours pour l'assainissement des rapports avec le STPE eu égard à la position de M. Kadivilako, secrétaire général du STPE. Dans la lettre, le ministre indique que l'intéressé avait été chef du personnel dans une autre société du même groupe jusqu'à la date de sa démission, dont la responsabilité incomberait à l'employeur. Il avait assigné la société en justice et, depuis lors, était devenu secrétaire général du STPE. A ce titre, il se présentait auprès de la société en permanent syndical pour les négociations collectives, ce qui constituait le motif de la récusation de M. Kadivilako par la société. Le ministre poursuit en indiquant: «Sans préjudice des principes de la liberté syndicale, de la protection du droit syndical et de la non-ingérence administrative tels que prescrits par les conventions nos 87 et 98 de l'OIT et l'article 229 du Code du travail, je vous saurais gré de bien vouloir résoudre ce problème de manière à sauvegarder la promotion de la négociation collective dans l'entreprise et à préserver l'éthique syndicale.» Le ministre conclut en ajoutant: «Etant donné que le procès qui oppose les deux parties porte sur une cause strictement personnelle et non syndicale, je vous prierai d'envisager le remplacement de M. Kadivilako Luzingamo par un autre permanent syndical, pour les négociations avec Marsavco-Zaïre, pendant toute la durée du procès.»

169. Le STPE, dans une lettre du 12 août 1996 adressée au ministre du Travail, reconnaît que M. Kadivilako a été chef du personnel en 1990 dans une entreprise du groupe Lever, mais nie que ceci constitue un empêchement d'exercer des fonctions syndicales et surtout de défense des droits des travailleurs. Il estime que le problème privé qui l'oppose à son ancien employeur ne peut pas permettre de faire opposition à ces activités syndicales.

170. Quant à l'Intersyndicale qui regroupe cinq organisations représentatives au sein de l'entreprise dans une lettre du 15 août 1996 également adressée au ministre du Travail, elle regrette l'ingérence du gouvernement dans cette affaire étant donné que ce dirigeant syndical a apporté sa contribution dans l'élaboration du projet de révision de la convention collective d'entreprise à négocier avec l'employeur. Elle proteste contre l'intervention ministérielle qui va à l'encontre des principes fondamentaux de l'OIT et du Code du travail, retardant par la même illégalement l'ouverture des travaux de négociation de la révision de la convention qui était prévue au plus tard le 8 mai, conformément à l'article 6 de ladite convention.

171. L'entreprise maintient son refus de commencer les négociations dans une lettre qu'elle a adressée, le 30 août 1996, à l'inspecteur général du travail tant que le secrétaire général du STPE reste partenaire aux négociations malgré l'interdiction imposée par le Cabinet.

172. Enfin, le directeur général de l'Inspection générale du travail, dans une lettre du 7 octobre 1996, signale à l'employeur que la lettre du ministre du Travail du 30 juillet 1996 adressée au STPE ne constitue nullement une interdiction, mais qu'il s'agit d'un conseil prodigué à l'intéressé, et il demande instamment à l'employeur, après lui avoir rappelé le contenu des conventions nos 87 et 98 et du Code du travail, de fixer la date du début des travaux des négociations.

173. Après avoir procédé à l'examen de la documentation, le comité estime que la lettre du ministre du Travail du 30 juillet 1996, adressée au syndicat plaignant avec copie à l'employeur, constitue une ingérence gouvernementale dans la désignation d'un représentant syndical partie à la négociation. En effet, même si par la suite il a été indiqué par l'Inspection générale du travail que cette lettre n'avait pas un caractère impératif, il n'en demeure pas moins que le ministre du Travail a tenté d'influer sur le choix d'un représentant syndical dans le cadre d'un processus de négociation collective. Le comité constate d'ailleurs que c'est apparemment sur la base de la lettre du ministre que l'employeur a refusé d'engager le processus de négociation collective.

174. Le comité rappelle à cet égard la grande importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations de travailleurs doivent pouvoir choisir elles-mêmes leurs délégués aux fins de les représenter dans les négociations collectives, sans ingérence des autorités publiques. Dans un cas antérieur, le comité a exprimé l'opinion que le simple fait qu'un dirigeant syndical ait abandonné antérieurement le travail qu'il avait dans une entreprise déterminée ne doit pas avoir d'incidence en ce qui concerne sa situation et ses fonctions syndicales, sauf si les statuts du syndicat concerné en disposent autrement. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 373.] De l'avis du comité, le fait que l'intéressé avait intenté un procès à son ancien employeur -- qui était une entreprise du même groupe industriel -- n'empêchait pas sa désignation par son syndicat pour représenter les intérêts de ses mandants dans les négociations.

175. Enfin, le comité estime que l'intervention ministérielle, objet de la plainte, a constitué une ingérence gouvernementale indue dans le processus de négociation collective volontaire. En intervenant dans le processus de négociation collective, le gouvernement a enfreint les principes contenus à l'article 4 de la convention no 98 selon lesquels il doit encourager et promouvoir le développement et l'utilisation des procédures de négociation volontaire des conventions collectives entre les employeurs et les organisations de travailleurs pour régler par ce moyen les conditions d'emploi. Le comité demande donc instamment au gouvernement de lever les entraves à la négociation collective qui ont pu résulter de l'intervention du ministre du Travail et de le tenir informé de l'issue des négociations dans l'entreprise. Le comité, notant l'allégation selon laquelle l'entreprise a refusé à M. Kadivilako de participer à des réunions syndicales et à des négociations, demande au gouvernement de garantir que l'intéressé puisse exercer ses activités syndicales sans entraves.

Recommandations du comité

176. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a)  Rappelant que les organisations syndicales doivent pouvoir choisir elles-mêmes leurs délégués aux fins de les représenter dans les négociations collectives sans ingérence des autorités publiques, le comité demande instamment au gouvernement de lever les entraves à la négociation collective qui ont pu résulter de l'intervention du ministre du Travail dans la désignation du représentant du Syndicat des travailleurs des plantations et élevages (STPE) dans le processus de négociation collective.

b)  Le comité, insistant sur l'importance qui s'attache au respect de l'article 4 de la convention no 98, demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue des négociations dans l'entreprise.

c)  Le comité demande au gouvernement de garantir que M. Kadivilako puisse exercer ses activités syndicales sans entraves.

d)  Le comité exprime l'espoir que le nouveau gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations formulées ci-dessus.

Cas no 1865

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de la République de Corée
présentée par
-- la Confédération coréenne des syndicats (KCTU)
-- la Fédération des travailleurs de l'industrie automobile
de Corée (KAWF) et
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: arrestation et détention de dirigeants syndicaux;
refus du gouvernement d'enregistrer des organisations nouvellement créées;
modifications à la législation du travail contraires à la liberté syndicale

177. Le comité a déjà examiné ce cas à ses réunions de mai 1996 et mars 1997 et a soumis à ces occasions un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 304e rapport, paragr. 221-254, et 306e rapport, paragr. 295-346, approuvés par le Conseil d'administration à ses 266e et 268e sessions (juin 1996 et mars 1997).]

178. Depuis le dernier examen du cas, le gouvernement a fourni ses observations dans une communication en date du 5 mai 1997. La CISL a transmis des nouvelles allégations dans une communication du 28 mai 1997.

179. La République de Corée n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examens antérieurs du cas

180. La Confédération coréenne des syndicats (KCTU) avait présenté des allégations selon lesquelles la législation du travail coréenne permettait au gouvernement d'enfreindre gravement le droit des travailleurs de créer les organisations de leur choix et de s'y affilier sans autorisation préalable et en particulier de refuser la demande d'enregistrement qu'elle avait présentée le 23 novembre 1995. La KCTU alléguait en outre que son président, M. Young-kil Kwon, avait été arrêté par la police le jour même du dépôt de la demande d'enregistrement. La Fédération des travailleurs de l'industrie automobile de Corée (KAWF) signalait également que son enregistrement avait été refusé.

181. Par la suite, le 28 décembre 1996, la CISL avait déposé plainte au sujet de l'adoption d'une nouvelle loi sur les syndicats et le règlement des conflits du travail, et plus particulièrement sur les dispositions concernant:

182. Suite à l'adoption de cette législation, un mouvement de grève avait été déclenché par la FKTU et la KCTU. Cette grève avait été déclarée illégale et des mandats d'arrêt avaient été lancés contre les dirigeants de la KCTU. En outre, des dirigeants du syndicat de l'industrie lourde d'Halla avaient été arrêtés dans le port de Mokpo, de même qu'un syndicaliste de l'usine automobile Manda de Taejon. Par la suite, les dirigeants syndicaux arrêtés lors des grèves avaient été libérés. La CISL avait en revanche indiqué que quelque 30 syndicalistes détenus antérieurement aux grèves étaient toujours détenus, purgeant leur peine, ou apparaissaient comme recherchés. La police était intervenue à plusieurs reprises pour disperser des marches pacifiques et autorisées. Enfin, la CISL s'était référée aux tracasseries, en particulier le retrait d'un visa, dont avaient été victimes les membres d'une délégation qu'elle avait envoyée en Corée.

183. Dans ses réponses, le gouvernement avait indiqué sa volonté de réformer le système des relations professionnelles existant en vue d'améliorer le niveau de vie des travailleurs et la flexibilité du marché du travail. Les représentants des employeurs et des travailleurs n'ayant pas réussi à s'entendre sur quelques points au sein de la Commission présidentielle de la réforme des relations professionnelles, le gouvernement avait soumis les projets de loi à l'Assemblée nationale qui les a adoptés le 26 décembre 1996.

184. Pour le gouvernement, ces nouvelles dispositions constituaient un pas considérable vers le respect des normes de l'OIT, tout en reflétant en même temps les besoins économiques de la Corée et ses particularités sociopolitiques. La nouvelle législation prévoyait notamment:

185. Toutefois, comme des fortes revendications avaient été présentées par les organisations syndicales et d'autres secteurs de la société en vue de réexaminer certains aspects des nouvelles lois, les chefs des partis de la majorité et de l'opposition s'étaient rencontrés au Palais présidentiel le 21 janvier 1997 et étaient convenus de rouvrir les débats sur les lois du travail à l'Assemblée nationale.

186. Dans ces conditions, à sa session de mars 1997, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations ci-après au vu des conclusions intérimaires du comité:

a)Au sujet de l'aspect législatif du cas, le comité demande instamment au gouvernement:

b) Au sujet des allégations de fait:

c) Le comité demande au gouvernement d'examiner la possibilité qu'une mission tripartite de haut niveau se rende sur place le plus rapidement possible afin que le gouvernement puisse tenir pleinement compte de ses points de vue dans une perspective de mise en œuvre complète des principes de la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

187. Dans sa communication du 5 mai 1997, le gouvernement traite tout d'abord de l'aspect législatif du cas. Au sujet du droit d'organisation des fonctionnaires, il remarque que ce droit est reconnu de longue date et continuera à l'être aux fonctionnaires exerçant des métiers manuels à l'Office des chemins de fer, au ministère de l'Information et de la Communication et au Centre médical national. Un débat approfondi sur la possibilité d'étendre ces droits à d'autres catégories de fonctionnaires a eu lieu au sein de la Commission présidentielle sur la réforme des relations professionnelles mais n'a pu aboutir à aucun accord. Les représentants des «intérêts du public» à la commission ont proposé de réexaminer ce problème dans la phase de seconde réforme cette année. Le gouvernement reconnaît également le besoin d'étudier en profondeur ce problème et a décidé qu'il serait réexaminé au cours de la seconde phase de réforme. Les partis de la majorité et de l'opposition à l'Assemblée nationale ont approuvé cette mesure.

188. Sur le droit des enseignants, le gouvernement rappelle qu'il a promulgué en 1991 un «statut spécial de la promotion des enseignants» qui permet à ces derniers de s'organiser en associations du secteur de l'éducation et de négocier et de discuter les conditions de travail deux fois par an avec les superintendants au niveau local et le ministre de l'Education au niveau national. Ces associations du secteur de l'éducation comprennent la Confédération coréenne des associations d'enseignants et, au niveau des municipalités et des provinces, les fédérations d'associations d'enseignants. Soixante pour cent des enseignants, soit 260 000 personnes, appartiennent à ces associations. Le gouvernement a tenté de valoriser les droits et intérêts des enseignants par des négociations régulières avec ces organisations. En outre, il a mis sur pied un système qui permet aux enseignants de travailler jusqu'à 65 ans et de prendre un congé de trois ans pour l'éducation de leurs enfants.

189. Dans la société coréenne, les enseignants sont perçus d'une manière spéciale qui n'est pas aisément comprise dans les pays occidentaux. En particulier, tout au long de l'histoire du pays, les enseignants ont été respectés comme des guides spirituels et les étudiants les ont toujours tenus en grande estime. Dans de nombreux cas, le niveau de respect est le même que celui réservé aux parents. Les enseignants sont considérés comme détenteurs d'un travail spécial et important plutôt que comme des travailleurs ordinaires. La tradition reste encore forte et les enseignants peuvent exercer une influence considérable sur les jeunes étudiants. Dans la culture coréenne, l'enseignement est vu comme une profession investie d'une responsabilité publique. Dans ce contexte, la population coréenne comprend difficilement pourquoi les enseignants, qui ont un statut social élevé, souhaiteraient s'organiser en syndicats comme des travailleurs ordinaires. La société coréenne a été ainsi amenée à avoir une forte opinion contre la syndicalisation des enseignants.

190. En s'efforçant de s'attaquer à ce problème, le gouvernement a avancé des propositions qui permettent l'établissement de multiples associations d'enseignants en vue de négocier et de demander des consultations sur les conditions de travail. Ces propositions se sont fondées sur le rapport présenté par la Commission sur la réforme des relations professionnelles. Toutefois, le gouvernement s'est trouvé confronté avec les arguments développés par des personnalités politiques et académiques ainsi que par des associations de parents selon lesquels ce problème devrait être discuté dans le cadre du processus en cours de la réforme de l'éducation plutôt que dans le contexte de la réforme du droit du travail. Dans ces conditions, le gouvernement n'a pas soumis son plan de révision à l'Assemblée nationale. Pendant la discussion sur les nouvelles lois du travail à l'Assemblée nationale, les partis de la majorité et de l'opposition sont convenus d'examiner plus avant et de réexaminer les droits des fonctionnaires et des enseignants. Entre-temps, la Commission présidentielle sur la réforme des relations professionnelles a prévu de discuter en profondeur de cette question en vue de trouver des dispositions raisonnables et améliorées dans la seconde phase de réformes cette année.

191. Au sujet de l'article 4 de la loi sur l'interdiction de percevoir des contributions en espèces ou en nature, le gouvernement confirme que cette loi interdit aux citoyens, personnes morales et organisations de percevoir des contributions indues en espèces ou en nature. Toutefois, aux termes de l'article 2 de cette loi, les droits d'entrée, les contributions forfaitaires ou les cotisations des adhérents sont exclus de l'interdiction. Un syndicat ne peut toutefois percevoir des contributions de citoyens non membres. Selon le gouvernement, si les syndicats étaient considérés comme des exceptions et autorisés à recevoir des contributions des non-membres, ce serait en violation des principes d'égalité et de l'esprit de la règle de droit.

192. Le gouvernement mentionne que la nouvelle loi promulguée le 13 mars 1997 (Loi d'amendement sur les syndicats et les relations de travail) autorise le pluralisme syndical. Elle donne ainsi aux travailleurs le droit de constituer un syndicat de leur choix ou de s'y affilier. En outre, la nouvelle loi offre la possibilité d'une reconnaissance immédiate à la KCTU en tant qu'organisation légale de degré supérieur et permet la constitution d'une seconde ou d'une troisième organisation de degré supérieur dans chaque industrie.

193. Toutefois, au niveau de l'entreprise, le pluralisme syndical ne sera autorisé qu'après une période de cinq ans (c'est-à-dire à partir de 2002). Beaucoup de personnes ont exprimé leur préoccupation quant au fait que le pluralisme syndical au sein d'une entreprise pouvait entraîner une instabilité dans les relations professionnelles et une confusion dans la négociation collective. Il a donc été décidé d'autoriser le pluralisme syndical au niveau de l'entreprise après que des mesures concrètes auront été prises en vue de minimiser ces préoccupations. Des méthodes et procédures appropriées pour la négociation collective seront établies quand le pluralisme syndical sera autorisé au niveau de l'entreprise.

194. Au niveau central, la KCTU ainsi que la Fédération des travailleurs de l'industrie automobile de Corée (KAWF) et le Conseil national des travailleurs du métro (NCSWU) peuvent être, conformément à la nouvelle loi du 13 mars 1997, enregistrées à moins qu'elles soient disqualifiées par la loi. Sous l'empire de la nouvelle loi, les syndicats de branches tels que la Fédération des syndicats coréens de services publics, la Fédération de Corée des syndicats des travailleurs de la chimie, la Fédération des travailleurs des transports de marchandises, la Fédération des syndicats coréens du secteur des équipements de gestion ont été établis et ont mené des activités syndicales depuis le 28 avril 1997.

195. La loi ancienne déclarait illégaux les syndicats dont les objectifs étaient dirigés principalement vers les activités politiques ou sociales. Le concept d'«activités sociales» a été critiqué comme étant trop large et trop vague pour être utilisé comme terme juridique. Dans la loi telle qu'amendée le 13 mars 1997, le terme activités sociales a donc été supprimé (art. 2.4 e) de la loi d'amendement).

196. Dans la nouvelle loi, l'interdiction de l'intervention d'une tierce partie dans la négociation collective et dans les différends de travail a été éliminée. Cette loi énonce que, parmi les personnes et organisations dont les travailleurs et employeurs peuvent demander l'assistance, sont incluses celles notifiées au ministère du Travail, celles qui seraient qualifiées par d'autres lois et les organisations de degré supérieur. Le but de la notification au ministère du Travail est simplement d'informer le gouvernement sur les personnes ou organisations dont les travailleurs et employeurs recherchent l'assistance.

197. Le gouvernement rappelle qu'en vertu de l'ancienne législation tous les services définis comme services publics par la loi étaient sujets à l'arbitrage des autorités. La nouvelle législation classe les services publics en «services normaux» et «services essentiels» en vue de garantir le droit à des actions collectives des travailleurs engagés dans les services publics. L'arbitrage est donc limité aux services publics essentiels. En outre, contrairement aux anciennes lois, l'hygiène publique et les services de radio sont exclus de la liste des services essentiels, alors que les services bancaires (sauf la Banque de Corée) et les services d'autobus ne sont considérés comme essentiels que jusqu'à la fin de l'an 2000 par la nouvelle loi, quand l'expansion du réseau de métro de Séoul sera terminée (art. 71 de la loi d'amendement). Le droit des autorités administratives de demander l'arbitrage obligatoire n'est plus autorisé. Cette procédure n'est possible que dans les cas où le Comité spécial de médiation composé de trois représentants des «intérêts du public» recommande d'y avoir recours. Pendant les délibérations, cette modification a été apportée en vue de mieux refléter la réalité coréenne, bien que, au cours de la préparation de la loi, les normes de l'OIT aient servi de guide.

198. En Corée, les syndicats sont principalement organisés au niveau de l'entreprise et la loi est donc interprétée, en principe, comme refusant le droit syndical aux travailleurs licenciés. Toutefois, en vue d'empêcher les licenciements injustifiés de saper les activités syndicales, les travailleurs licenciés maintiendront, aux termes de la nouvelle loi, leur affiliation syndicale jusqu'à ce que la Commission centrale des relations professionnelles prenne une décision en réexaminant l'affaire (loi d'ajustement, art. 2-4 d))

199. La nouvelle loi permet le remplacement des travailleurs en grève par des travailleurs de la même firme, mais de nouvelles sous-traitances sont interdites pendant la durée de la grève (loi d'ajustement, art. 43). De l'avis du gouvernement, le remplacement des travailleurs en grève doit être examiné non seulement par rapport à la protection du droit à l'action collective, mais aussi par rapport à la liberté de gestion des employeurs et au droit des salariés de travailler dans les entreprises connexes. Si l'on compare cette situation avec celle d'autres pays où les travailleurs grévistes peuvent être remplacés par de la main-d'œuvre extérieure, la nouvelle loi impose des restrictions très sévères au droit des employeurs de maintenir leurs activités malgré la grève.

200. En outre, la nouvelle loi traite des moyens légitimes par lesquels les grévistes peuvent chercher à restreindre les activités normales de l'entreprise. Il est généralement accepté qu'une grève, afin d'être efficace, doit être autorisée à interrompre de façon limitée ces activités. Les décisions antérieures de la Cour suprême ont établi que l'occupation totale des installations et infrastructures de production n'étaient pas conformes à la loi. En Corée, où une tradition de bonnes relations du travail reste à mettre en place, il est fréquent que les grévistes aient recours à des actions extrêmes, par exemple en occupant entièrement les installations ou en utilisant la force ou la menace de la force en vue de dissuader les non-grévistes et tenter d'arrêter les activités. La loi antérieure autorisait les actions collectives sur le lieu de travail et ne fournissait aucun cadre pour la conduite de ces actions. Il a donc été considéré qu'un changement législatif était nécessaire en vue de répondre aux tactiques syndicales. Ainsi, la nouvelle loi abolit l'interdiction de la grève en dehors du lieu de travail. En vue de contrebalancer cette modification, de nouvelles dispositions ont été promulguées pour interdire l'occupation des installations de production et autres lieux clés de fonctionnement de l'entreprise, le blocage de l'entrée des non-grévistes et les manœuvres d'obstruction au travail des non-grévistes (loi d'ajustement, art. 42). La nouvelle loi dispose également que les matières premières et autres produits doivent être entretenus pour éviter qu'ils soient avariés ou pourris et que les activités de sécurité ne doivent pas être interrompues. Il est en outre interdit aux grévistes d'avoir recours à des menaces ou à la violence lorsque les piquets de grève pressent ou tentent de persuader les non-grévistes de participer au mouvement. La nouvelle loi cherche donc à établir un équilibre entre le droit de grève des travailleurs et le droit de propriété des employeurs. Cet équilibre est destiné à permettre d'avoir recours à des tactiques légales pendant les grèves.

201. Aux termes de la nouvelle loi, les employeurs ne sont pas tenus de verser des salaires aux travailleurs en grève et les syndicats ne sont pas autorisés à mener des actions collectives demandant le paiement des jours de grève (loi d'amendement, art. 44). Le principe «pas de travail, pas de salaire», dérivé des contrats de travail, et reconnu sur le plan international, a été retenu par la Cour suprême dans un arrêt du 21 décembre 1995 par lequel la Cour a statué que «pendant les actions collectives, les travailleurs n'ont pas le droit de demander le paiement de leurs salaires, en tant que principales contreparties de leur travail».Toutefois, en Corée, des pratiques de ce type ont été suivies, telles que demande de paiement pendant la grève ou prolongation du conflit, en présentant cette revendication comme condition d'un accord. Comme il est peu probable que ces pratiques pourront être éliminées par les efforts des seuls travailleurs et employeurs, la nouvelle loi clarifie le principe législatif selon lequel les employeurs n'ont pas obligation de payer les salaires pendant la grève et les syndicats ne peuvent déclencher ou prolonger une grève à cette fin.

202. Les permanents syndicaux ne pourront, en vertu de la nouvelle loi, être payés par les employeurs. Un tel paiement constituera une pratique déloyale de travail (loi d'amendement, art. 24). Les entreprises qui pratiquaient ces paiements quand la loi est entrée en vigueur ne seront pas affectées par la nouvelle disposition jusqu'à la fin 2001. Pour le gouvernement, il est globalement reconnu que le paiement des permanents syndicaux doit être assuré par les syndicats concernés. Mais, depuis longtemps, une pratique largement répandue consiste pour les employeurs à assurer ces paiements. Le nombre de permanents syndicaux s'est ainsi accru, de même que les conflits entre syndicats et employeurs sur le nombre de permanents impliqués dans la négociation collective. La nouvelle loi dispose donc que le paiement des salaires des permanents syndicaux sera supporté par les syndicats eux-mêmes. Toutefois, du fait que ce changement radical pourrait constituer un lourd fardeau pour les syndicats, un délai de cinq ans a été accordé pour permettre aux syndicats de se préparer au changement. Ainsi, le paiement des salaires pourra être progressivement réduit par consultation entre syndicats et employeurs. Le montant de la réduction peut être remis au syndicat pour préserver son indépendance financière. Cette disposition tend à minimiser les difficultés auxquelles seraient confrontés les syndicats qui ont une faible assise financière. Le gouvernement souligne que la nouvelle loi ne restreint pas le droit des employeurs et des travailleurs de se consulter ou de négocier d'un commun accord pendant les heures de travail. De même, la nouvelle loi ne limite d'aucune manière la mise à disposition de fonds de bien-être par les employeurs au syndicat ou l'octroi de locaux syndicaux au sein de l'entreprise.

203. En ce qui concerne les allégations de fait, le gouvernement indique que, comme promis par le Président Kim Young Sam lors de la réunion du 21 janvier 1997 des leaders de la majorité et de l'opposition, les mandats d'arrêt et les mesures d'arrestation prises contre 19 personnes, dont M. Kwon Yong-Kil, ont été annulés. Ils sont donc tous en liberté, bien que leurs agissements aient été illégaux.

204. En ce qui concerne les personnes arrêtées avant l'adoption de la loi, leur situation est la suivante:

205. Huit personnes, dont Oh Jong-Ryul, n'ont pas violé le droit du travail, mais la loi sur la sécurité nationale en exerçant des activités qui ne peuvent être considérées comme purement motivées par la révision de la législation du travail. Dix-neuf personnes, dont Lee Seung-Pil, ont entravé le fonctionnement d'entreprises autres que celles où ils travaillaient dans l'intention de promouvoir des causes étrangères au mouvement syndical ou commis des actes de violence et de destruction qui ne peuvent être absous comme action collective loyale. La libération des personnes qui ont fait l'objet de plaintes de leurs victimes et qui sont en jugement ou en cours d'instruction devra être décidée par des autorités judiciaires indépendantes.

206. Le gouvernement confirme qu'une délégation de quatre dirigeants syndicaux s'est rendue en Corée du 11 au 16 janvier 1997, en vue d'affirmer la solidarité internationale avec le mouvement de grève. Il rappelle qu'une entière liberté est accordée aux syndicats nationaux pour s'affilier aux organisations internationales et participer dans les conférences internationales. De même, les organisations internationales peuvent participer aux activités de leurs affiliés dans le pays, sans restriction préalable. Mais, dans le cas d'espèce, plutôt que de se livrer à une mission d'enquête pour comprendre la situation nationale et le contenu de la nouvelle législation, les membres de la délégation se sont livrés à des activités politiques en se joignant au mouvement de grève et en incitant les travailleurs à y participer. Dès leur arrivée, ils ont rencontré les dirigeants de la KCTU, tenu une conférence de presse et participé à une manifestation de solidarité avec la FKTU. Dans une manifestation nationale, organisée pour l'abolition des lois sur le travail et sur l'Agence de sécurité nationale, ils ont déclaré, par exemple, que «les grèves actuelles protestant contre la politique économique et sociale sont justifiables» et que «les membres de l'OCDE peuvent légitimement exercer des pressions pour la révision de la nouvelle législation du travail». Ils ont encouragé l'organisation d'autres grèves, alors que le mouvement pesait déjà lourdement sur l'économie, à la grande inquiétude de la population. Ces actions allaient bien au-delà de ce qui est généralement attendu des membres des organisations internationales de travailleurs, c'est-à-dire fournir des conseils et des directives aux organisations affiliées.

207. Le gouvernement, considérant avec préoccupation que la délégation pourrait violer la loi sur le contrôle de l'immigration en s'impliquant dans «des activités politiques ou autres menées au-delà des termes de leur visa» a délégué, le 14 janvier 1997, des fonctionnaires gouvernementaux pour les rencontrer et leur remettre une note verbale rappelant que les dirigeants syndicaux internationaux ne sont pas autorités à participer à des manifestations ou à prendre parti. Les fonctionnaires ont cherché à s'entendre avec la délégation sur les efforts du gouvernement pour calmer la situation. Malgré cela, la délégation a visité le lieu de rassemblement de la FKTU le 15 janvier et a continué à inciter à faire grève. Cette attitude a obligé le gouvernement à émettre un avertissement qui informait les membres de la délégation qu'ils seraient expulsés s'ils violaient l'ordre et la paix publics. Le gouvernement se réfère à diverses décisions du comité pour montrer que ces mesures sont en conformité avec les principes de la liberté syndicale.

208. Enfin, le gouvernement déclare qu'il accepte en principe la proposition de mission tripartite. Toutefois, les modalités détaillées seront déterminées après des consultations continues entre le gouvernement coréen et le BIT.

C. Nouvelles allégations de la CISL

209. Dans une communication datée du 28 mai 1997, la CISL présente de nouvelles allégations selon lesquelles le ministère du Travail a refusé d'accepter la «notification de Constitution» déposée par la KCTU pour les motifs suivants: certains de ses dirigeants démocratiquement élus, notamment son président Kwon Yong Kil, sont considérés comme inéligibles pour des fonctions syndicales aux termes de la législation coréenne; en outre, des organisations syndicales dûment constituées affiliées à la KCTU, en particulier la Fédération des travailleurs du métal, le Syndicat des enseignants et des travailleurs de l'éducation et la Fédération syndicale du groupe Hyundai, ne sont pas considérées comme syndicats par la loi.

D. Conclusions du comité

Allégations de droit

210. Le comité prend note de l'adoption par l'Assemblée nationale de la loi d'amendement sur les syndicats et les relations de travail et de sa promulgation le 13 mars 1997. Il constate avec intérêt que cette nouvelle loi contient certaines modifications qui constituent un progrès dans la mise en œuvre de ses recommandations, notamment en ce qui concerne la possibilité de pluralisme syndical aux niveaux sectoriel et national. En revanche, certaines dispositions que le comité avait considérées comme contraires aux principes de la liberté syndicale n'ont pas encore été amendées. Le comité se propose de reprendre un par un les points qu'il avait soulevés lors de l'examen antérieur du cas.

211. Le comité prend note des observations formulées par le gouvernement au sujet du problème du droit syndical des fonctionnaires et des enseignants. Il constate que les fonctionnaires n'ont toujours pas le droit syndical à l'exception de travailleurs manuels dans le secteur des chemins de fer, de l'information et de la communication ainsi que de la santé. Pour ce qui est des enseignants, le comité prend note des explications fournies par le gouvernement sur leur rôle et leur statut dans la société coréenne. Il relève également que, malgré la perception particulière qu'a la population de la fonction enseignante, il a été possible de permettre, en 1991, la mise sur pied d'associations d'enseignants qui, selon les dires du gouvernement, peuvent régulièrement discuter et négocier les conditions de travail avec les autorités. Il ne semble pas toutefois que ces associations aient un véritable caractère de syndicat chargé de défendre et de promouvoir les intérêts de leurs membres, comme le prouve le fait que le Syndicat des enseignants et des travailleurs de l'éducation de la République de Corée (CHUNKYOJO) n'ait pu jusqu'à maintenant être enregistré.

212. Dans ces conditions, le comité doit rappeler que les fonctionnaires et les enseignants doivent bénéficier, comme tous les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, du droit de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier, sans autorisation préalable, afin de promouvoir et de défendre leurs intérêts. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 213.] Le refus de reconnaître aux travailleurs du secteur public le droit qu'ont les travailleurs du secteur privé de constituer des syndicats, ce qui a pour résultat de priver leurs «associations» des avantages et privilèges attachés aux syndicats proprement dits, implique, dans le cas des travailleurs employés par le gouvernement et de leurs organisations, une discrimination par rapport aux travailleurs du secteur privé et à leurs organisations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 216.] La seule possibilité pour les enseignants de constituer des associations ne peut donc être considérée comme satisfaisante au regard des principes de la liberté syndicale.

213. A cet égard, le comité prend note de ce que la question du droit syndical des fonctionnaires et des enseignants sera réexaminée au cours de la seconde phase de réforme cette année. Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures appropriées qui permettront d'assurer le respect du principe essentiel de la reconnaissance du droit syndical aux travailleurs sans distinction d'aucune sorte. Le comité demande donc instamment au gouvernement d'enregistrer sans tarder le Syndicat des enseignants et des travailleurs de l'éducation de la République de Corée (CHUNKYOJO) pour qu'il puisse mener à bien légalement ses activités de défense et de promotion des intérêts de ses membres. Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations sur l'évolution de la situation à cet égard.

214. Au sujet des atteintes à l'indépendance financière des organisations, le comité note les explications fournies par le gouvernement selon lesquelles les syndicats peuvent recueillir les fonds de leurs adhérents mais non ceux des citoyens non membres. Le comité souligne encore une fois que les dispositions régissant les opérations financières des organisations de travailleurs ne devraient pas avoir un caractère tel qu'elles puissent conférer aux autorités un pouvoir discrétionnaire sur ces opérations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 430.]

215. Le comité prend note avec intérêt de l'introduction de la possibilité du pluralisme syndical aux niveaux sectoriel et national. Il s'agit là d'un progrès dans la mise en œuvre des principes de la liberté syndicale. Le comité note à cet égard que diverses organisations se sont enregistrées conformément à la nouvelle loi. Toutefois, pour que le progrès soit réellement significatif, il conviendrait qu'il entraîne également à brève échéance l'enregistrement de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU), de la Fédération des travailleurs de l'industrie automobile (KAWF) de la République de Corée, du Conseil national des travailleurs du métro (NCSWU) et de la Fédération des syndicats du groupe Hyundai. A cet égard, le comité relève que le gouvernement lui-même déclare que la nouvelle loi offre la possibilité d'une reconnaissance immédiate à la KCTU, la KAWF et le NCSWU. Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations sur les mesures prises pour enregistrer ces organisations.

216. Le comité regrette que, dans sa démarche vers la reconnaissance du pluralisme syndical, le gouvernement n'ait pas immédiatement inclus les organisations constituées au niveau de l'entreprise pour lequel la multiplicité ne sera possible qu'à partir de 2002. Il note les arguments avancés par le gouvernement pour justifier ce délai, notamment l'instabilité dans les relations professionnelles qui pourrait en résulter. De l'avis du comité, cette période supplémentaire pendant laquelle les principes de la liberté syndicale continueront à être gravement enfreints pourrait être évitée en organisant sans tarder un système stable de négociation collective compatible avec le pluralisme syndical, comme il en existe dans de nombreux pays. Le comité demande encore instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour légaliser sans tarder le pluralisme syndical au niveau de l'entreprise.

217. Le comité note avec intérêt que le terme «activités sociales» a été supprimé des motifs entraînant la disqualification d'une organisation syndicale. Ainsi a été levée une ambiguïté qui subsistait quant au respect du droit des syndicats d'organiser leurs activités.

218. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement au sujet de la levée de l'interdiction de l'intervention d'une tierce partie dans le processus de négociation collective. Il relève, en particulier, que la notification de l'identité de ces tierces parties au ministère du Travail ne répond qu'à un objectif d'information (art. 40 de la loi d'amendement). Le comité comprend donc qu'il ne s'agit pas d'une demande d'autorisation préalable. Il demande au gouvernement de confirmer si tel est bien le cas et d'indiquer quelles sont les sanctions possibles en cas d'absence de notification.

219. Le comité note que la nouvelle législation établit une distinction entre services publics normaux et services publics essentiels et qu'il ne peut être recouru -- après recommandation du comité spécial de médiation -- à l'arbitrage que pour cette deuxième catégorie de services publics (art. 71 et 74 de la loi d'amendement). Le comité relève que les services essentiels sont les suivants: chemins de fer, services de transports urbains, eau, électricité, fourniture du gaz, raffinerie et distribution de pétrole, services hospitaliers, services bancaires, services de télécommunications. Toutefois, les services des transports urbains et les services bancaires (à l'exception de la Banque de Corée) ne seront considérés comme essentiels que jusqu'en l'an 2000.

220. Le comité rappelle à cet égard que le recours à l'arbitrage obligatoire, lorsque celui-ci entraîne l'interdiction du recours à la grève, devrait être limité aux services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 516.] Sur la base de cette définition, le comité estime que la monnaie, les banques, les transports, les installations pétrolières ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme. Ce sont, en revanche, des services où pourrait être prévu, en cas de grève, un service minimum négocié pour assurer la satisfaction des besoins de base des usagers. Le comité relève toutefois qu'aux termes de l'article 63 de la loi d'amendement l'interdiction du droit de grève ne semble pas être totale en cas d'arbitrage. En effet, cet article dispose que des actions collectives ne seront pas menées pendant 15 jours à partir de la date de la soumission du différend à l'arbitrage. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur ce point.

221. En ce qui concerne le remplacement des travailleurs grévistes, le comité note qu'aux termes de la nouvelle loi l'employeur ne peut contracter des travailleurs extérieurs à la firme pas plus que de nouvelles sous-traitances pendant la durée de la grève (art. 43 de la loi d'amendement). Il apparaît ainsi que la possibilité critiquée par le comité de recruter, sous certaines conditions, une main-d'œuvre étrangère à la firme prévue dans la législation de décembre 1996 a été supprimée par les amendements de mars 1997.

222. Le comité note que la nouvelle loi interdit l'occupation des installations de production et autres lieux clés de fonctionnement de l'entreprise, le blocage de l'entrée des non-grévistes et les manœuvres d'obstruction au travail des non-grévistes (art. 38, 1) et 42, 1) de la loi d'amendement). Le comité estime à cet égard que certaines modalités du droit de grève, telles que, par exemple, l'occupation du lieu de travail, de même que la participation à un piquet de grève, ne devraient être considérées comme illégitimes que pour autant qu'elles ne soient pas pacifiques ou qu'elles entravent la liberté du travail. La compatibilité des dispositions ci-dessus mentionnées avec les principes de la liberté syndicale dépendra donc de l'interprétation qui en sera donnée par les tribunaux. Pour que cette compatibilité soit respectée, il conviendrait que l'illégalité de l'action des grévistes ne soit prononcée qu'en cas de violences ou d'atteintes à la liberté du travail des non-grévistes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'application dans la pratique de cette disposition.

223. Le comité comprend de la déclaration du gouvernement et de la législation que le paiement des jours de grève aux travailleurs n'est ni exigé ni interdit (art. 44 de la loi d'amendement). Le comité demande au gouvernement de confirmer si tel est bien le cas.

224. Au sujet du déni du droit syndical aux travailleurs licenciés, le comité note que les intéressés maintiendront leur affiliation syndicale jusqu'à ce que la Commission centrale des relations professionnelles prenne une décision en réexaminant l'affaire (art. 2 4) d)). Le comité considère que cette garantie n'est pas suffisante pour assurer le respect du principe du libre choix de leur organisation par les travailleurs. En outre, comme l'a déjà signalé le comité dans son précédent rapport (paragr. 31-33), l'existence d'une telle disposition pourrait même inciter à l'accomplissement de discrimination antisyndicale dans la mesure où le licenciement d'un travailleur militant syndical l'empêcherait de continuer à exercer des activités au sein de son organisation. Bien plus, comme la législation prévoit en violation des principes de la liberté syndicale (art. 23 1)) que les dirigeants syndicaux sont élus parmi les membres du syndicat, l'incapacité des travailleurs licenciés de garder leur affiliation les empêcherait également de continuer à exercer leurs charges syndicales. Ce cumul de dispositions pourrait même aboutir à la mise en cause ou au refus d'enregistrement d'une organisation sous prétexte de la présence dans ses organes directeurs de personnes inhabilitées à en devenir membres. Il s'agit donc d'une violation des principes de la liberté syndicale à laquelle le comité demande au gouvernement de mettre fin rapidement en abrogeant les dispositions en question.

225. Le comité note qu'au terme d'un délai de cinq ans les permanents syndicaux ne pourront plus être rémunérés par l'employeur. Pendant la période transitoire, les parties s'efforceront de réduire le paiement des salaires, et la réduction ainsi opérée sera utilisée pour l'appui financier du syndicat. Le comité note également qu'une fois la disposition entrée en vigueur (1er janvier 2002) un tel paiement sera considéré, à l'instar de la domination du syndicat par l'employeur ou d'un acte d'ingérence, comme une pratique déloyale de travail. Le comité relève cependant qu'aux termes de l'article 81 4) de la loi d'amendement les employeurs pourront fournir des fonds de bien-être et des locaux aux syndicats. Le comité considère que l'abandon du système de longue date et largement répandu du paiement des permanents syndicaux par l'employeur peut entraîner des difficultés financières qui risquent d'entraver considérablement le bon fonctionnement des syndicats.

226. Ayant ainsi examiné les dispositions qui ont fait l'objet d'allégations et les amendements qui y ont été apportés, le comité constate qu'un certain nombre d'entre elles continuent à enfreindre les principes de la liberté syndicale et que la conformité de certaines autres avec ces principes dépendra de leur application en pratique. Le comité insiste donc auprès du gouvernement pour que les travaux de révision de la législation se poursuivent à brève échéance. Il note à cet égard qu'une seconde réforme sera menée cette année même. Le comité demande instamment au gouvernement de prendre en considération les conclusions et recommandations formulées dans le présent rapport afin que soit assuré le plus vite possible le plein respect des principes de la liberté syndicale. Le comité estime qu'il serait souhaitable que la mission proposée ait lieu avant la prochaine réforme de la législation.

227. Enfin, le comité demande instamment au gouvernement de fournir ses informations sur les nouvelles allégations de la CISL selon lesquelles le ministère du Travail a refusé d'enregistrer la KCTU.

Allégations de fait

228. Le comité prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur la situation des personnes mentionnées par les plaignants comme arrêtées ou recherchées. Les précisions ainsi fournies couvrent l'ensemble des personnes qui figuraient en annexe au précédent rapport. Il note en particulier avec intérêt que les mandats d'arrêt ou d'amener lancés contre 15 dirigeants syndicaux ont été retirés et que les quatre autres dirigeants arrêtés sur la base de ces mandats ont été libérés (voir annexe I). Toutefois, il apparaît que l'un d'entre eux, Kim Imshik, président du Syndicat de l'industrie lourde de Hyundai, a été libéré pour réexamen de la légalité de la détention. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la situation de M. Kim Imshik.

229. En ce qui concerne la situation de Kwon Yong Kil, président de la KCTU, le comité note que le mandat d'arrêt émis à son encontre a été levé comme pour les autres dirigeants mais qu'en revanche aucune information n'a été communiquée sur la procédure pénale ouverte pour violation en 1994 des dispositions sur l'intervention d'une tierce partie dans le règlement des différends du travail. Le comité rappelle qu'il avait demandé au gouvernement de faire tout ce qui était en son pouvoir pour que les charges retenues contre M. Kwon Yong Kil soient abandonnées. Il réitère cette demande avec insistance, et ce d'autant plus que le gouvernement lui-même déclare qu'il n'y a plus d'obstacles à l'intervention des tierces parties dans la nouvelle législation syndicale, ce qui signifie que M. Kwon Yong Kil est poursuivi pour des dispositions qui ont été abrogées.

230. Pour ce qui est des personnes arrêtées et/ou condamnées avant les grèves de décembre 1996, le comité note que neuf d'entre elles ont été libérées soit après une mesure de clémence, soit après accomplissement de leur peine. En outre, les procédures de deux autres personnes ont été suspendues (voir annexe II).

231. En revanche, six dirigeants syndicaux sont actuellement détenus après avoir été condamnés à des peines allant de un à trois ans de prison avec, dans le cas des enseignants, suspension de la profession (voir annexe III). Ces condamnations ont été prononcées pour infractions à la législation sur les différends du travail au Code pénal (ingérence dans les affaires) ou à la loi sur la sécurité nationale. Toutefois, le gouvernement n'a pas apporté de précisions sur les faits précis dont ils ont été accusés. Enfin, 11 autres syndicalistes font l'objet d'un procès devant les tribunaux, neuf d'entre eux ayant bénéficié d'une mise en liberté sous caution. [Voir annexe IV.]

232. Le comité doit exprimer une nouvelle fois sa profonde préoccupation quant au fait que des dirigeants ou membres d'organisations de travailleurs sont encore détenus ou poursuivis pour des faits liés, semble-t-il, à des activités inhérentes à des conflits collectifs de travail. Le comité est convaincu qu'il ne sera pas possible qu'un système stable de relations professionnelles fonctionne sereinement dans le pays tant que des syndicalistes seront l'objet de détentions ou de poursuites judiciaires. Il demande donc instamment au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour que les personnes poursuivies ou détenues pour leurs activités syndicales soient libérées ou que les charges pesant à leur encontre soient levées. Dans le cas des personnes poursuivies pour violences ou attaques, le comité demande au gouvernement d'assurer que les procès seront menés à bien, aussi vite que possible. Il lui demande de fournir des informations au sujet des mesures prises sur tous ces points.

233. Le comité observe que le gouvernement n'a pas fourni d'informations spécifiques sur les allégations relatives à l'intervention de la police dans des marches syndicales. Le comité rappelle à cet égard que les droits syndicaux comprennent le droit de tenir des manifestations publiques. Les autorités publiques ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l'ordre public serait sérieusement menacé. L'intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d'éliminer le danger qu'impliquent les excès de violence lorsqu'il s'agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l'ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 137.]

234. Le comité prend note des explications fournies par le gouvernement sur les mesures prises lors de la visite d'une délégation envoyée par la CISL en janvier 1997. Il doit rappeler à ce propos que, s'il est vrai que le refus d'accorder un visa ou plus généralement l'interdiction d'entrer dans le pays à des ressortissants étrangers sont des questions qui relèvent de la souveraineté d'un Etat, il n'en demeure pas moins que la visite à des organisations syndicales nationales affiliées et la participation à leurs réunions sont des activités normales des organisations internationales de travailleurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 638 et 640.] Le comité demande donc au gouvernement de veiller à ce que l'examen des demandes de visas qui seront déposées à l'avenir par des représentants d'organisations internationales d'employeurs et de travailleurs et les relations des autorités avec les délégations internationales soient guidés par le souci de respecter le droit d'affiliation internationale et de promouvoir un climat favorable à des relations harmonieuses entre le gouvernement et les syndicats.

* * *

235. Le comité note avec intérêt la déclaration du gouvernement selon laquelle il accepte en principe la proposition de mission contenue dans son dernier rapport. Il encourage le gouvernement à recevoir la mission avant la prochaine réforme de la législation et à poursuivre ses consultations avec le Bureau pour en fixer les modalités précises.

* * *

Recommandations du comité

236. Vu les conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a)  Au sujet de l'aspect législatif du cas, le comité, tout en constatant avec intérêt que la loi d'amendement sur les syndicats et les relations de travail contient certaines modifications qui constituent un progrès dans la mise en œuvre de ses précédentes recommandations, demande instamment au gouvernement:

b) Au sujet des allégations de fait:

c)  Le comité encourage le gouvernement à recevoir la mission proposée avant la prochaine réforme de la législation et à poursuivre ses consultations avec le Bureau pour fixer les modalités précises d'une mission sur place.


Annexe I

Information sur 19 personnes ayant fait l'objet d'un mandat d'arrêt
après la révision de la loi du travail

 


Nom

Fonction/
organisation

Date d'arrestation
ou du mandat

Statut du mandat

Charges

Situation actuelle


Kwon Y.K.

président de la KCTU

10.1.97

non exécuté

ingérence dans les affaires

mandat d'arrêt retiré le 11.2.97

Bae S.B.

vice-président de la KCTU

"

"

"

"

Heo Y.K.

vice-président de la KCTU

"

"

"

"

Kim Y.D.

vice-président de la KCTU

"

"

"

"

Dan B.H.

président de la KFMU

"

"

"

"

Lee Y.H.

président de la Fédération des syndicats de Hyundai

"

"

"

"

Kwak D.C.

président du Syndicat de la construction navale Mipo de Hyundai

10.1.97

non exécuté

ingérence dans les affaires

mandat d'arrêt retiré le 11.2.97

Kim I.S.

président du Syndicat de l'industrie lourde de Hyundai

"

exécuté le 18.1.97

"

libéré pour réexamen de la légalité de la détention le 22.1.97

Oh H.K.

directeur de recherches du Syndicat de l'industrie lourde de Hyundai

"

exécuté le 15.1.97

blessures infligées à autrui

arrestation annulée, libéré le 22.1.97

Yoon B.J.

secrétaire général de la KFMU-province Kyunggi du sud

"

non exécuté

ingérence dans les affaires

mandat d'amener retiré le 18.2.97

Lee S.K.

président du Syndicat de Deokbu Jinheung

"

"

"

mandat d'arrêt retiré le 18.2.97

Jeun J.W.

président du Syndicat de l'industrie lourde de Daowoo

"

"

"

mandat d'amener retiré le 11.2.97

Joo K.S.

directeur du Syndicat de l'industrie lourde de Halla

"

exécuté le 15.1.97

"

blessures infligées à autrui

arrestation annulée le 23.1.97

Cheun S.B.

président de l'Association des travailleurs licenciés d'Ulsan

"

non exécuté

ingérence dans les affaires, voies de fait

mandat d'amener retiré le 10.2.97

Choo I.S.

directeur du Syndicat de l'industrie lourde de Halla

"

exécuté le 15.1.97

ingérence dans les affaires, blessures infligées à autrui

arrestation annulée le 23.1.97

Sohn B.H.

président du Syndicat de l'industrie de précision de Hyundai

10.1.97

non exécuté

ingérence dans les affaires

mandat d'amener retiré le 10.2.97

Chung K.D.

président du Syndicat des moteurs de Hyundai

"

"

"

"

Park M.J.

président de la Fédération coréenne des syndicats des hôpitaux

"

"

"

"

Bae B.S.

président de la Fédération coréenne des travailleurs de l'automobile

"

"

"

"


Annexe II

Situation des travailleurs emprisonnés ou recherchés au 12 mars 1997
(11 personnes libérées)

 


Nom

Fonction/
organisation

Date de libération

Motifs de la libération


Lee S.P.

vice-président de la KCTU

3.1.97

sentence accomplie

Lee J.Y.

président du Syndicat de Shin-il Metal

23.6.94

sentence suspendue

Hong Y.P.

président de la KCTU-Masan & Changwon

4.1.97

sentence accomplie

Park S.H.

Syndicat de l'industrie lourde de Hanjin

4.9.96

sentence suspendue

Lee K.S.

président du Syndicat Daerim automobile

5.2.97

"

Kim P.K.

directeur du Syndicat Daerin automobile

"

"

Ahn S.O.

Syndicat Daerim automobile

"

"

Kim K.D.

Syndicat de l'outillage de Changwon, Doosan

23.9.96

"

Shim J.S.

vice-président du Syndicat de l'industrie lourde de Halla

5.2.97

"

Lee K.C.

travailleur licencié, Syndicat de la chimie LG

non incarcéré

accusation suspendue le 16.12.96

Oh H.S.

"

"

"



Annexe III

Six personnes emprisonnées



Nom

Fonction/
organisation

Date d'incarcération

Charges

Sentence


Oh. J.R.

ancien président du Syndicat des enseignants du district de Kwangju

26.1.95

violation de la loi sur la sécurité nationale

2 ans de prison, 1 an suspension de la profession

Hwang Y.H.

président du Syndicat coréen du textile

23.5.96

ingérence dans les affaires, violation du code pénal

2 ans de prison

Im J.Y.

secrétaire au bien-être du Syndicat coréen du textile

"

"

1 an et demi de prison

Lee J.H.

membre du Syndicat coréen du textile

"

"

"

Moon S.D.

président de la Confédération de l'académie de Séoul

6.6.95

violation de la loi sur la sécurité nationale

3 ans de prison, 3 ans de suspension de la profession

Cho M.R.

secrétaire général du Conseil régional de Kuni, Féd. coréenne des travailleurs du métal

19.6.96

violation de la loi sur les différends du travail

1 an de prison


Annexe IV

11 personnes soumises à procès



Nom

Fonction/
organisation

Date d'arrestation

Charges

Situation


Kim K.Y.

secrétaire général, région de Changwon, Syndicat de l'outillage Doosan

19.9.96

violation de la loi sur les différends de travail

libéré sous caution le 10.12.96

Kim S.B.

directeur du Syndicat Expiaworld

25.6.96

loi punissant les crimes

libéré sous caution le 22.11.96

Im Y.T.

directeur du Syndicat Expiaworld

25.8.96

ingérence dans les affaires

libéré sous caution le 6.12.96

Lee S.H.

rédacteur en chef

du Syndicat Korea Fukoku

21.10.96

loi punissant les crimes

libéré sous caution le 10.12.96

Lee J.H.

directeur du Syndicat Korea Fukoku

"

"

"

Im J.Y.

travailleur licencié, Syndicat de la chimie LG

8.10.96

ingérence dans les affaires

libéré sous caution le 11.12.96

Kim W.C.

président du comité de démocratisation du Syndicat des cheminots, Pusan

7.10.96

violation de la loi sur la sécurité nationale

libéré sous caution le 14.12.96

Ahn K.H.

président du Syndicat de l'industrie du métal de Hyoseung

8.10.96

"

libéré sous caution le 1.2.97

Won D.W.

"

"

"

libéré sous caution le 1.2.96

Lee C.E.

président du comité de démocratisation du Syndicat des cheminots

7.10.96

"

premier procès

Song H.J.

"

"

"

"

Cas no 1918

Rapport où le comité demande
à être tenu informé de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de la Croatie
présentée par
la Confédération des syndicats indépendants de Croatie (CITUC)

Allégation: obstacle à l'enregistrement d'une confédération

237. La Confédération des syndicats indépendants de Croatie (CITUC) a présenté une plainte contre le gouvernement de la Croatie dans une communication en date du 30 janvier 1997, alléguant des violations des droits syndicaux. La CITUC a fourni d'autres informations dans une communication du 10 mars 1997. En réponse aux allégations formulées, le gouvernement a formulé ses commentaires et observations dans une communication du 16 avril 1997.

238. La Croatie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

239. Dans sa communication du 30 janvier 1997, la CITUC allègue qu'un refus d'enregistrement lui a été opposé et qu'elle est victime d'une discrimination en raison de son indépendance et de son affiliation politique.

240. Pour retracer l'historique de la situation, la CITUC explique qu'elle a été créée le 28 juin 1990 en tant que nouvelle confédération syndicale démocratique indépendante, regroupant des syndicats nouvellement constitués qui s'étaient retirés de l'Union des syndicats autonomes de Croatie. Mladen Mesi, président du Syndicat indépendant du personnel aéronautique de Croatie, a été élu comme premier président de la CITUC. Alors que la CITUC comptait à une certaine époque plus de 100 000 membres, plusieurs syndicats s'en sont retirés en 1992-93, ce qui a ramené son effectif à 20 000 membres. La CITUC a occupé l'un des trois sièges réservés aux syndicats au sein du Conseil économique et social, organisme national tripartite. La confédération est également l'une des deux confédérations syndicales de Croatie à avoir adhéré pleinement à la Communauté syndicale des Alpes de l'Adriatique et au Forum de la Confédération européenne des syndicats.

241. Selon l'organisation plaignante, le 23 mars 1995, Yvan Muselinovi, directeur du secteur de la production de gaz et de pétrole de l'INA, société d'Etat, a forcé la porte du bureau principal de la CITUC, à Zagreb, à la tête d'un groupe de personnes. Ce groupe a occupé les locaux et saisi les meubles, ainsi que les cachets officiels, la documentation et les archives de l'organisation. Des plaintes pour occupation illégale ont été déposées. Le tribunal municipal a décidé le 4 avril 1995, à titre de mesure temporaire, que les défendeurs devaient remettre en place l'ancienne serrure de la porte d'entrée ou remettre la clé de la nouvelle serrure au demandeur. L'organisation plaignante indique que le groupe mené par M. Muselinovi a continué à utiliser les locaux, le logo, les insignes et les cachets de l'organisation. M. Muselinovi s'est justifié, selon l'organisation plaignante, en disant qu'un congrès extraordinaire de la CITUC, tenu le 17 mars 1995, l'avait élu comme nouveau président. L'organisation plaignante souligne toutefois que les conditions de convocation d'un congrès extraordinaire fixées par la Constitution de la CITUC n'avaient pas été remplies. L'organisation plaignante appelle l'attention sur la position de M. Muselinovi au sein de la société d'Etat et souligne que, aux côtés d'un avocat et du dirigeant d'une autre société, il avait convoqué le congrès extraordinaire, preuve que le changement de direction avait une motivation politique.

242. M. Muselinovi a demandé à être enregistré comme représentant de la CITUC sur le registre des associations et autres organisations sociales. Par décision du 13 juin 1995, le ministère de l'Administration a rejeté cette demande. Il a été fait appel de cette décision devant le tribunal administratif qui a décidé le 11 juillet 1996 de renvoyer le cas au ministère de l'Administration pour plus ample informé. Selon le nouveau Code du travail de 1996, le ministère du Travail et de la Protection sociale (ci-après désigné «le ministère») est responsable de ces questions. Par décision du 10 octobre 1996, le ministère a accepté la demande d'enregistrement de M. Muselinovi. Dans sa décision, le ministère indique qu'il a vérifié si le congrès extraordinaire avait été convoqué conformément à la Constitution de la CITUC, et si la décision d'élire M. Muselinovi était conforme à cette Constitution.

243. Avant la décision du ministère d'accepter l'enregistrement de M. Muselinovi, la CITUC avait, sous la direction de M. Mesi, demandé, ainsi qu'il est prévu par le nouveau Code du travail, à être inscrite sur le registre des associations. Par décision du 29 février 1996, le ministère a interrompu la procédure d'enregistrement dans l'attente d'une décision définitive sur le point de savoir qui était autorisé à représenter et à faire enregistrer l'organisation. M. Mesi a par la suite déposé une plainte auprès du tribunal administratif contre la décision du 10 octobre du ministère. Enfin, par décision du 25 novembre 1996, le ministère a rejeté la demande de M. Mesi d'enregistrement de la CITUC étant donné que M. Muselinovi avait été reconnu comme la personne autorisée à représenter l'association, le Code du travail interdisant l'enregistrement de plus d'une association sous le même nom.

244. La CITUC estime que ces différents faits constituent une violation de l'article 2 de la convention no 87, et en particulier du droit des organisations de travailleurs de créer des organisations sans autorisation préalable. L'organisation plaignante prétend également qu'il y a eu violation des articles 3, 4 et 7 de la convention. Elle affirme que le ministère a interdit à la CITUC de poursuivre ses activités syndicales avant même que toutes les procédures légales aient été épuisées, et cela en raison de l'indépendance de l'organisation et du fait qu'elle n'était pas «politiquement correcte» aux yeux des autorités actuelles. Selon l'organisation plaignante, cette interdiction a pour but de contrôler et d'affaiblir le mouvement syndical en Croatie.

B. Réponse du gouvernement

245. En réponse aux allégations formulées par l'organisation plaignante, le gouvernement souligne les modifications apportées récemment à la législation du travail. Il affirme que la liberté d'association est garantie par la Constitution du pays et par le Code du travail de 1996. Selon le Code du travail, les syndicats existants ne sont pas tenus de se constituer à nouveau. Toutefois, l'enregistrement est exigé si les syndicats souhaitent acquérir la personnalité judiciaire. Avant l'enregistrement, les syndicats peuvent se livrer aux activités pour lesquelles l'enregistrement est requis, y compris la négociation collective et le déclenchement de grèves. Le gouvernement fait remarquer que les dispositions de la nouvelle loi sur la constitution et l'enregistrement des syndicats sont pleinement conformes aux conventions nos 87 et 98.

246. En ce qui concerne les allégations spécifiques, le gouvernement note que le ministère a reçu deux demandes d'enregistrement de confédérations syndicales se dénommant toutes deux «Confédération des syndicats indépendants de Croatie», chacune étant représentée par des personnes différentes et comprenant des membres différents. Avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, le ministère de l'Administration avait reçu une demande tendant à modifier l'enregistrement de la personne autorisée à représenter la CITUC. Cette demande avait été rejetée, puis portée devant le tribunal administratif. Ayant été informé de la procédure légale en instance au sujet de la personne autorisée à représenter la CITUC, le ministère a suspendu la procédure d'enregistrement jusqu'à ce qu'une décision soit prise en la matière. Le 11 juillet 1996, le tribunal administratif a infirmé la décision du ministère de l'Administration.

247. Le ministère a tenu compte de la décision du tribunal administratif et a engagé la procédure requise pour déterminer quelle personne était autorisée à représenter la confédération. Le 15 novembre 1996, le ministère a pris une décision concernant l'enregistrement de la CITUC et l'enregistrement de MM. Muselinovi et Toto comme personnes autorisées. Selon l'article 166 du Code du travail, le nom de l'organisation demandant à être enregistrée doit différer du nom d'une organisation déjà enregistrée. Etant donné que la demande d'enregistrement présentée par M. Mesi concernait une organisation ayant le même nom qu'une organisation déjà enregistrée, le ministère a rejeté la demande. La question a ensuite été portée en appel devant le tribunal administratif. Le gouvernement affirme que la procédure a été conduite conformément à la législation et dans le respect de la convention no 87. En outre, il estime que toute nouvelle analyse de la procédure porterait sur la détermination des faits, ce qui relève de la compétence du tribunal et préjugerait de la décision à prendre par le tribunal. Le gouvernement s'engage à communiquer la décision au comité dès qu'elle aura été rendue.

C. Conclusions du comité

248. Le comité note que les allégations de violation de la liberté syndicale découlent, dans le présent cas, de deux événements étroitement liés: le différend sur la direction de la CITUC et des obstacles à l'enregistrement de la CITUC sous la présidence de M. Mesi.

249. En ce qui concerne le différend concernant le représentant autorisé de la CITUC, le comité rappelle qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur les conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d'une manière qui pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d'une organisation. Dans de tels cas, le comité a également signalé que l'intervention de la justice permettrait de régler la question de la direction et de la représentation de l'organisation en cause. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition (révisée), 1996, paragr. 965-970.] Le comité note que M. Mesi a déposé une plainte auprès du tribunal administratif contre la décision du ministère du 10 octobre 1996 d'enregistrer M. Muselinovi comme personne autorisée à représenter la CITUC. L'organisation plaignante n'a pas mis en cause l'impartialité de la procédure d'appel. Si le tribunal administratif a compétence pour traiter de ce cas au fond, ainsi qu'il est dit plus bas, le comité estime que le principe selon lequel un tel différend doit être réglé par l'autorité judiciaire a été respecté.

250. S'agissant du refus d'enregistrer la CITUC sous la présidence de M. Mesi, le comité rappelle que, si les conditions requises pour l'enregistrement équivalent à exiger une autorisation préalable des autorités publiques pour la constitution ou le fonctionnement d'une organisation de travailleurs, cela constitue une violation de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 259.] Dans le présent cas, l'enregistrement de la CITUC sous la présidence de M. Mesi a été refusé pour deux raisons: tout d'abord, en raison du différend sur la personne habilitée à représenter l'organisation (voir plus haut); en deuxième lieu, du fait que l'organisation que M. Mesi cherchait à faire enregistrer avait le même nom qu'une autre organisation déjà enregistrée. En ce qui concerne cette seconde raison, le comité note qu'il est raisonnable et normal, pour éviter toute confusion, d'exiger que deux organisations n'aient pas le même nom, et que cela ne constitue pas une autorisation préalable.

251. L'organisation plaignante allègue que le refus d'enregistrer la CITUC est entaché de considérations politiques et vise à affaiblir le mouvement syndical en Croatie. Le comité rappelle que le refus d'enregistrer un syndicat parce que les autorités estiment que cela ne serait pas politiquement souhaitable équivaudrait à exiger une autorisation préalable. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 268.] Le comité rappelle en outre que tout appel formé contre une décision administrative concernant l'enregistrement d'un syndicat doit être porté devant les tribunaux. Ce droit d'appel constitue une protection contre les décisions illégales ou injustifiées des autorités responsables de l'enregistrement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 264.] Le comité note que, dans le présent cas, la décision administrative de refus de l'enregistrement peut être contestée en appel conformément à l'article 173 3) du Code du travail de 1996, et qu'un appel a été effectivement interjeté. Ainsi qu'il a été noté ci-dessus, l'organisation plaignante n'a pas mis en cause l'impartialité de la procédure d'appel. Le comité rappelle au gouvernement que, en cas d'appel, le juge doit être en mesure d'examiner l'affaire au fond pour vérifier s'il y a eu violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 267.] Le libellé de l'article 173 3) est ambigu à cet égard puisqu'il dispose que la décision administrative est définitive et peut être contestée devant un tribunal administratif». Par conséquent, le comité invite le gouvernement à lui fournir davantage d'informations sur la compétence du tribunal administratif au sujet du différend sur la direction de l'organisation et sur le refus d'enregistrement. Le comité invite en outre le gouvernement à le tenir informé du développement de la procédure engagée devant le tribunal administratif et à lui communiquer une copie de la décision du tribunal lorsqu'elle sera rendue.

Recommandation du comité

252. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Le comité invite le gouvernement à lui fournir davantage d'informations sur la compétence du tribunal administratif concernant le différend sur la direction de l'organisation et le refus d'enregistrer, à le tenir informé du développement de la procédure engagée devant le tribunal administratif et à lui fournir une copie de la décision du tribunal lorsqu'elle sera rendue.

Cas no 1851

Rapport intérimaire

Plaintes contre le gouvernement de Djibouti
présentées par
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
-- l'Intersyndicale Union djiboutienne du travail/
Union générale des travailleurs de Djibouti (UDT/UGTD) et
-- l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA)

Allégations: arrestations, licenciements et suspensions
de syndicalistes à la suite de grèves, fermeture de locaux syndicaux

253. Le comité a examiné ce cas à sa session de juin 1996 [voir 304e rapport du comité, paragr. 255 à 285, approuvé par le Conseil d'administration à sa 266e session (mai-juin 1996)], au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires.

254. Le gouvernement a fourni des observations dans une communication du 25 mai 1997.

255. L'Union générale des travailleurs de Djibouti (UGTD) a transmis des allégations supplémentaires sur cette affaire dans une communication du 8 mars 1997.

256. Djibouti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

257. Lors de l'examen antérieur du cas, le comité avait noté avec préoccupation que les graves allégations en instance dans le présent cas concernaient des arrestations, des licenciements et des suspensions de syndicalistes, à la suite de grèves de protestation contre la politique économique et sociale du gouvernement dans un nombre très important de secteurs d'activité, ainsi que la fermeture des locaux de l'Union générale des travailleurs de Djibouti (UGTD) et la création d'une organisation syndicale acquise à la cause du gouvernement. Le comité avait relevé que le gouvernement s'était borné à formuler des considérations extrêmement générales sur l'évolution politique de Djibouti et sur l'utilité de la démocratie, tout en accusant les syndicalistes de menées plus politiques que syndicales. Cependant, il avait noté avec un profond regret que le gouvernement ne fournissait aucun commentaire précis sur les allégations portées contre lui par les plaignants.

258. En ce qui concernait le fond des allégations, le comité avait observé que les deux centrales de travailleurs de Djibouti, regroupées en une intersyndicale UDT/UGTD, avaient déclenché une grève en septembre 1995 pour protester contre un projet de loi de finances qui, selon les plaignants, avait un impact catastrophique sur le niveau de vie des travailleurs ainsi que contre le refus du gouvernement de dialoguer auparavant avec les syndicats. Cette grève de deux jours avait été suivie dans de nombreux secteurs d'activité. Elle avait eu pour conséquence de nombreuses arrestations et condamnations de militants et de dirigeants syndicaux (voir annexe I), ainsi que des licenciements massifs et des suspensions (400 enseignants, notamment) (voir annexe II).

259. En conséquence, le comité avait formulé les recommandations suivantes:

a)  Le comité rappelle que les grèves de nature purement politique n'entrent pas dans le champ d'application de la liberté syndicale. Toutefois, il souligne que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs peuvent défendre par le droit de grève doivent pouvoir se rapporter non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail ou à des revendications d'ordre professionnel, mais encore à la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale qui intéressent directement les travailleurs. Le comité insiste en outre sur le fait que les syndicats doivent avoir la possibilité de recourir aux grèves de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement, sans encourir de mesures de représailles. Il demande au gouvernement de s'efforcer à l'avenir de tenir compte de ces principes et d'éviter de considérer des grèves de ce type comme illégales.

b)  Pour ce qui est des arrestations et des condamnations d'un très grand nombre de dirigeants et de militants syndicaux nommément désignés par les plaignants, le comité demande avec insistance au gouvernement de libérer les syndicalistes arrêtés pour faits de grève et de le tenir informé du sort des dirigeants syndicaux arrêtés qui, semble-t-il, font encore l'objet de poursuites judiciaires. Il demande en outre au gouvernement de communiquer le texte de toute décision de justice rendue en la matière.

c)  En ce qui concerne les licenciements et suspensions de grévistes, le comité exhorte le gouvernement à prendre des mesures pour lever au plus vite les sanctions massives qui ont frappé les grévistes et en particulier pour réintégrer dans leur poste de travail les dirigeants et les membres des syndicats qui ont été licenciés ou suspendus pour activités syndicales licites liées à la défense des intérêts des travailleurs.

d)  S'agissant de la fermeture du local de l'UGTD par les forces de l'ordre, le comité, soulignant l'importance d'un contrôle judiciaire indépendant étant donné les risques importants de paralysie que de telles mesures font peser sur les activités des syndicats, demande au gouvernement de communiquer ses commentaires sur cet aspect du cas.

e)  Le comité demande en outre au gouvernement de fournir tout commentaire et observation qu'il estimera approprié au sujet de l'allégation selon laquelle il avait créé une organisation syndicale acquise à sa cause, et dénommée le Congrès djiboutien du travail.

f)  Regrettant vivement l'absence de concertation préalable avec les organisations syndicales lors de l'adoption de projets de lois de nature économique et sociale qui avait débouché sur des mouvements de grève, le comité rappelle l'importance de la consultation des organisations représentatives de travailleurs et d'employeurs lors de l'élaboration des projets de lois sociales. Toutefois, le comité note que le gouvernement souhaite faire appel à l'assistance technique de l'OIT. Il exprime l'espoir qu'elle pourra contribuer efficacement à la rédaction d'un projet de réforme du Code du travail qui garantira pleinement les droits consacrés par les conventions en matière de liberté syndicale et de négociation collective.

B. Nouvelles allégations des plaignants

260. Se référant à la décision d'ajournement prise par le Comité de la liberté syndicale à propos de la plainte en novembre 1996, l'UGTD a indiqué dans une communication du 8 mars 1997 que la situation empire de jour en jour et devient de plus en plus alarmante. En effet:

261. L'UGTD a en conséquence attiré l'attention du comité sur l'urgence que nécessite la situation pour pouvoir entreprendre le plus tôt possible toutes les démarches utiles afin de statuer sur le sort de la plainte étant donné que les familles des dirigeants syndicaux arbitrairement licenciés souffrent depuis septembre 1995.

C. Réponse du gouvernement

262. Dans sa communication du 25 mai 1997, le gouvernement se réfère à l'article 15 de la Constitution de Djibouti qui reconnaît le droit syndical et le droit de grève. Il explique que les licenciements ont été prononcés pour les motifs suivants: absences au travail, atteinte à la liberté du travail, activités purement politiques en concertation avec les partis. Selon le gouvernement, l'UDT et l'UGTD ont fait un choix politique contraire aux travailleurs.

263. En ce qui concerne le siège des syndicats, le gouvernement explique que l'immeuble appartient à l'Etat. L'UGTD a refusé de partager les locaux avec l'UDT. L'UGTD a de plus refusé de signer toute convention concernant le siège et relative au partage des responsabilités. Le ministre du Travail a invité dans son discours du 1er mai les organisations à signer une convention régissant les conditions et modalités d'utilisation des locaux. Tout ceci prouve, selon le gouvernement, que les organisations manquent de culture syndicale.

D. Conclusions du comité

264. Le comité observe avec sérieuse préoccupation que les graves mesures répressives qui ont frappé les militants et les dirigeants syndicaux de plusieurs secteurs de l'économie pour avoir participé à des mouvements de grève contre la politique économique et sociale du gouvernement n'ont pas été levées mais qu'elles se sont encore aggravées depuis son dernier examen du cas. Le comité déplore que le gouvernement n'ait à nouveau répondu aux allégations que par des considérations d'ordre général sans fournir d'informations concrètes et détaillées. Il rappelle la conclusion qu'il avait déjà adressée sur ce point au gouvernement de Djibouti, à savoir que les syndicats doivent avoir la possibilité de recourir à des grèves de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement sans encourir de mesures de représailles. [Voir 304e rapport, paragr. 280.]

265. Concrètement, le comité observe avec un profond regret que selon les plaignants les dirigeants syndicaux ne sont toujours pas rétablis dans leurs fonctions, que le siège de l'UGTD est toujours fermé, que les cotisations des syndicats de base sont toujours gelées, que des menaces et des tracasseries sont imposées à certains dirigeants de l'Intersyndicale UDT/UGTD, que cinq dirigeants du Syndicat des enseignants ont été radiés le 16 février 1997 et que 500 personnes ont été déportées dans un camp de la police à 10 km de la capitale pour avoir protesté pacifiquement contre ces radiations arbitraires et que l'avocat de l'Intersyndicale, Maître Aref Mohamed, a été suspendu de ses fonctions. Le comité doit donc rappeler que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations et qu'il appartient au gouvernement de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 47.]

266. Le comité relève avec une profonde préoccupation en outre qu'il n'a reçu aucune information sur le sort des quinze dirigeants syndicaux qui avaient été arrêtés et condamnés en août et septembre 1995 (voir annexe I). Il demande donc à nouveau avec insistance au gouvernement de libérer les syndicalistes arrêtés pour faits de grève qui seraient encore détenus et de le tenir informé du sort des dirigeants qui feraient encore l'objet de poursuites judiciaires. Il lui demande de communiquer le texte des jugements rendus en la matière.

267. Pour ce qui est des mesures antisyndicales prises contre les grévistes, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de lever immédiatement toutes les mesures de licenciements massifs, de suspensions ou de radiations qui ont frappé les grévistes et de garantir la réintégration dans leur poste de travail des dirigeants et des militants des syndicats qui ont été licenciés ou suspendus pour activités syndicales licites liées à la défense des intérêts des travailleurs, en particulier les dirigeants de l'UGTD, les membres du Syndicat de l'Office des postes et télécommunications (OPT), les membres des syndicats des cheminots, de la santé et de l'enseignement (400 enseignants et 180 instituteurs pour avoir participé à une grève en janvier 1996).

268. Le comité souligne en outre qu'un climat de violence se manifestant par des actes d'agression contre des locaux et des biens syndicaux constitue une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux. Il insiste sur l'importance du principe selon lequel les biens syndicaux devraient jouir d'une protection adéquate. Il note à cet égard que le gouvernement a proposé aux syndicats de signer une convention sur l'usage des locaux syndicaux. Le comité estime cependant que la priorité doit être de lever immédiatement la mesure de fermeture du local de l'UGTD et le gel des cotisations du Syndicat des employés de l'Office des postes et télécommunications (OPT) et du Syndicat des employés de l'électricité de Djibouti (SEED). Il exhorte donc le gouvernement à prendre ces mesures.

269. Le comité demande à nouveau au gouvernement de fournir ses commentaires à propos de la création alléguée d'une organisation syndicale acquise à sa cause, le Congrès djiboutien du travail.

270. Le comité demande enfin au gouvernement de fournir ses commentaires et observations sur les nouvelles graves allégations contenues dans la communication de l'UGTD du 8 mars 1997, notamment la radiation de cinq dirigeants du Syndicat des enseignants le 16 février 1997, la déportation de 500 personnes dans un camp de police à 10 km de la capitale suite à une manifestation pacifique et la suspension de l'avocat de l'Intersyndicale UDT/UGTD, Maître Aref Mohamed.

271. Le comité demande au gouvernement d'accepter la visite sur place d'une mission de contacts directs.

Recommandations du comité

272. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni de réponses concrètes et détaillées aux allégations, et ce d'autant plus que les graves mesures répressives qui ont frappé les militants et dirigeants syndicaux n'ont pas été levées mais se sont au contraire aggravées.

b) S'agissant des arrestations et des condamnations, en août et septembre 1995, de quinze dirigeants syndicaux (voir annexe I), le comité demande à nouveau avec insistance au gouvernement de libérer les syndicalistes arrêtés pour faits de grève qui seraient encore détenus et de le tenir informé du sort des dirigeants qui feraient encore l'objet de poursuites judiciaires. Il lui demande en outre de communiquer le texte des jugements rendus en la matière.

c) En ce qui concerne les licenciements, les suspensions et les radiations de syndicalistes grévistes en 1995, 1996 et 1997 (voir annexe II), le comité exhorte une fois encore le gouvernement à fournir des informations à cet égard et à prendre des mesures pour lever immédiatement les sanctions massives qui ont frappé les grévistes et en particulier pour réintégrer dans leur poste de travail les dirigeants et les membres des syndicats qui ont été licenciés, suspendus ou radiés pour avoir participé à une grève. Il lui demande également de rétablir les dirigeants syndicaux dans leurs fonctions.

d) S'agissant de la fermeture du local de l'UGTD par les forces de l'ordre qui est encore maintenue, le comité demande instamment au gouvernement de lever immédiatement cette mesure qui constitue une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux. Il lui demande également de lever le gel des cotisations syndicales de l'OPT et du SEED.

e) Le comité demande à nouveau au gouvernement de fournir ses commentaires au sujet de la création alléguée d'une organisation syndicale acquise à sa cause, le Congrès djiboutien du travail.

f) Le comité demande au gouvernement de fournir ses commentaires et observations sur les nouvelles et graves allégations contenues dans la communication de l'UGTD du 8 mars 1997, et notamment sur la radiation de cinq dirigeants d'un syndicat de l'enseignement, la déportation de 500 personnes dans un camp suite à une manifestation pacifique et la suspension de l'avocat de l'Intersyndicale UDT/UGTD, Maître Aref Mohamed.

g) Enfin, le comité demande au gouvernement d'accepter la visite sur place d'une mission de contacts directs.


Annexe I

Dirigeants et militants syndicaux arrêtés et/ou condamnés
pour lesquels le gouvernement n'a fourni aucune information


Annexe II

Licenciements, suspensions ou radiations de syndicalistes
pour lesquels le gouvernement n'a fourni aucune information

Cas nos 1512, 1539, 1595, 1740, 1778 et 1786

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Guatemala
présentée par
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
-- la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE)
-- la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)
-- l'Union syndicale des travailleurs du Guatemala (UNSITRAGUA)
-- la Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG)
-- la Confédération mondiale du travail (CMT) et
-- l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation,
de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac
et des branches connexes (UITA)

Allégations: morts, disparitions et actes de discrimination antisyndicale

273. Le comité a examiné ces cas lors de sa réunion de juin 1995 à la lumière des informations obtenues durant la mission de contacts directs effectuée au Guatemala du 13 au 17 février 1995, et a présenté ses conclusions intérimaires au Conseil d'administration. [Voir 299e rapport, paragr. 398 à 427.] Le comité a examiné une nouvelle fois ces cas à sa réunion de mai-juin 1996 et présenté à nouveau des conclusions intérimaires. [Voir 304e rapport, paragr. 304 à 320, approuvé par le Conseil d'administration à sa 266e session (juin 1996).]

274. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a envoyé des informations complémentaires et de nouvelles allégations dans une communication du 27 juin 1996 (cas nos 1512 et 1539), et la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) a envoyé de nouvelles allégations dans des communications des 4 et 16 octobre 1996 (cas no 1778).

275. Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations dans des communications des 13 septembre, 7 octobre, 5 et 12 novembre 1996, et 31 mars 1997.

276. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur des cas

277. A sa réunion de juin 1996, le comité a formulé les recommandations suivantes au sujet des allégations restées en instance [voir 304e rapport, paragr. 320]:

a) Comme il l'a fait lors de sa réunion précédente, le comité déplore vivement les assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, ainsi que les disparitions, les enlèvements, les emprisonnements arbitraires et les agressions; il exprime sa profonde préoccupation devant la situation d'impunité qui prévaut (il semble que les auteurs n'aient été identifiés que dans de rares cas), et il insiste sur l'impérieuse nécessité d'ouvrir des enquêtes sur tous les cas dont il a été saisi afin d'éclaircir les faits et de punir les coupables. A cet égard, le comité rappelle que le Procureur de la République s'est engagé à ouvrir des enquêtes sur tous les cas soumis au comité, et il invite le gouvernement à le tenir informé à ce sujet. Le comité exprime sa profonde préoccupation devant les nouvelles allégations d'assassinats et d'actes de violence perpétrés contre des syndicalistes en 1995.

b) Tout en prenant note des efforts du gouvernement pour envoyer des informations sur les morts violentes et les autres actes de violence allégués, le comité le prie instamment de continuer d'envoyer des informations sur les enquêtes mentionnées dans les conclusions (morts des syndicalistes Juan Tarax, Lilian Elizabeth Juárez Escobar --  l'agent en question a été déféré devant le tribunal compétent --, Camilo Ajqui -- le gouvernement refuse de reconnaître sa condition de syndicaliste --, Adrián Miranda et Belizario López Rojas; détention des syndicalistes Silvio Pastor, Pablo Itzel, Teodoro Pastor, Rolando Pastor et Francisco Pastor -- un responsable a disparu dans le cadre de cette affaire --, enlèvement de Walter Nájera Molina -- qui a été libéré --, disparition de Gustavo Rosalio Vásquez López et agressions commises contre M. Ernesto Bol) et celles relatives aux allégations figurant dans l'annexe, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour retrouver le lieu où sont retenus les disparus. [On trouvera ci-après la liste des allégations qui figurait dans l'annexe du 304e rapport.]

Assassinats de syndicalistes

Disparitions, enlèvements, agressions
et emprisonnements de syndicalistes

Le comité demande au gouvernement d'envoyer ses observations sur les informations complémentaires de l'UITA et de la CISL présentées dans leurs communications de juillet, d'octobre et de décembre 1995. Le texte desdites informations complémentaires, qui figuraient dans les paragraphes 313 à 315 du 304e rapport du comité, est reproduit ci-après:

Dans leurs communications de juillet 1995, l'UITA et la CISL font savoir que Mme Flor de María Salguero de Laparra, syndicaliste de la Fédération syndicale des travailleurs de l'alimentation, de l'agroalimentaire et des branches connexes (FESTRAS), organisatrice syndicale dans le secteur des maquilas, a fait l'objet de menaces de mort en 1995; le 17 mai de cette même année, elle a été enlevée, droguée, battue et violée; plus tard, après sa libération, elle a subi de nouvelles intimidations sous forme d'appels téléphoniques lui rappelant les traitements dont elle avait été victime le 17 mai.

Dans ses communications de juillet, d'octobre et de décembre 1995, la CISL signale que, vers le milieu du mois de mars 1995, M. Alexánder Giovanni Gómez Virula, dirigeant du syndicat de l'entreprise RCA, a été assassiné. De même, M. Ivo Adilio García Rivera, dirigeant du Syndicat des travailleurs de l'électricité et de l'énergie, a été enlevé puis libéré le jour suivant après avoir subi de fortes pressions psychologiques, sans doute au motif d'un arrêt de travail survenu en août 1995. En outre, la CISL allègue l'assassinat de M. Eric Osberto Berganza Pacheco, dirigeant du Syndicat des travailleurs de l'Institut national de l'électricité (STINDE), le 23 juillet 1995, en raison, selon ce même syndicat, de ses activités syndicales. En outre, la syndicaliste Débora Guzmán a reçu de nouvelles menaces contre elle et l'enfant qu'elle attend, visant à la convaincre d'obliger son mari, Félix Hernández, dirigeant du syndicat de Lunafil, à quitter le syndicat. La CISL indique également que M. Ernesto Bol, dirigeant du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Coban, a été sauvagement battu et insulté par des inconnus le 9 novembre 1995 et que l'intéressé n'a pas été réintégré dans son poste de travail malgré une décision de justice en ce sens.

Enfin, la CISL allègue que, dans l'exploitation agricole «Las Delicias», à Retalhuleu, l'entreprise multinationale Plantaciones de Hule «Good Year SA» tente depuis des années de détruire le Syndicat des travailleurs des plantations de Hule, en appliquant des mesures radicalement antisyndicales afin d'intimider les travailleurs, telles que le licenciement systématique des travailleurs syndiqués, les violations du droit fondamental de négociation collective (l'entreprise a nommé un groupe de travailleurs non syndiqués pour représenter l'ensemble des travailleurs); en outre, l'entreprise applique des mesures inacceptables de représailles, comme la fermeture de l'école et du dispensaire qui dépendent d'elle et, tout récemment, le refus de verser, depuis déjà deux mois, le salaire des travailleurs syndiqués.

c) Le comité demande aux plaignants de lui fournir des précisions sur les allégations relatives à la mort des syndicalistes José María Incuyat, Julio César Pérez et Pedro Genovevo, à l'attentat contre le syndicaliste Víctor Alfredo Chacoj et à l'agression physique contre Werner Coc.

d) Déplorant que le gouvernement n'ait pas fourni les informations qui lui avaient été demandées sur certaines allégations encore en instance, relatives notamment à des actes de discrimination antisyndicale, le comité réitère les recommandations qu'il a formulées sur ces questions lors de la réunion de juin 1995, qui sont reproduites ci-après:

B. Informations et nouvelles allégations de la CISL et de la CLAT

278. Dans sa communication du 27 juin 1996, la CISL allègue que M. Crisanto García Alonzo, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des ponts et chaussées de Santa Rosa, enlevé le 7 juin 1996 à 14 heures par des hommes armés, a été libéré le jour suivant, après que sa famille eut payé une rançon de 50 000 quetzales. Durant son enlèvement, il a fait l'objet d'intimidation psychologique.

279. Dans sa communication du 4 octobre 1996, la CLAT allègue la disparition depuis le 30 septembre 1996 de M. Cándido Luis Toj, secrétaire exécutif de la Fédération agricole populaire (FEDECAMPO) et secrétaire général du syndicat des travailleurs de l'exploitation agricole Nueva California (San Miguel de Pachuta). M. Toj se rendait à une réunion avec l'Inspection générale du travail pour discuter de certaines questions de travail avec le propriétaire de l'exploitation Nueva California, et notamment d'actes de représailles à l'encontre de dirigeants syndicaux et de travailleurs. Dans sa communication du 16 octobre 1996, la CLAT indique que M. Cándido Luis Toj a été libéré quelques jours plus tard. En réalité, M. Toj a été détenu injustement par la police de la municipalité de Patulul, qui a nié les faits devant les proches de M. Toj. La CLAT ajoute que, le 8 octobre 1996, M. José Antonio García, secrétaire aux conflits du syndicat de la municipalité de Esquipulas, a été suivi par un individu armé d'un fusil de 12 millimètres. Cela s'est produit vers 17 heures et il était à craindre sérieusement que cet individu ait eu l'intention de l'assassiner. M. García a réussi à échapper à l'individu et à sauver sa vie. Le jour même, à 22 heures, un autre dirigeant syndical de cette organisation a été poursuivi par une camionnette en vue de l'intimider. M. Louis Armando Bravo Pérez, secrétaire général du Syndicat des fonctionnaires des douanes, a été assassiné le 5 octobre 1996 dans la ville de Tecún Omán. En outre, M. Sixto Pérez Coche, secrétaire des finances du syndicat des travailleurs de l'exploitation agricole La Patria (Santa Bárbara, Suchitepéquez) a été victime dernièrement d'une tentative d'assassinat.

C. Réponse du gouvernement

280. Dans ses communications des 13 septembre, 7 octobre, 5 et 12 novembre 1996, et 31  mars 1997, le gouvernement fournit ses observations. Il se réfère aux récents accords de paix et à une réunion de la Commission tripartite des affaires internationales tenue le 13 mars 1997, à laquelle ont participé notamment le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, le Procureur de la nation, et le sous-directeur exécutif de la Commission présidentielle des droits de l'homme (COPREDEH). Selon le compte rendu de la réunion, tant le gouvernement que le Procureur de la nation et COPREDEH sont tout à fait disposés à aider l'OIT et à apporter des éclaircissements sur les allégations, bien que beaucoup de faits se soient produits il y a plusieurs années; dans certains cas, les plaignants ont fourni très peu de données sur les faits allégués et, dans d'autres cas, ils n'ont pas porté plainte auprès des autorités nationales. Le secteur des travailleurs de la commission tripartite s'est déclaré prêt à coopérer à cette tâche. La commission tripartite a décidé de créer un groupe de travail pour apporter des réponses aux allégations.

281. Par ailleurs, le gouvernement signale la création de huit tribunaux de première instance pour les questions du travail, de la prévoyance sociale et de la famille dans huit villes du pays, et la création de deux tribunaux de la Cour d'appel du travail et de la prévoyance sociale (ville de Guatemala et Mazatenango). De plus, il a procédé à une réorganisation régionale des tribunaux pour qu'ils puissent prendre connaissance des conflits collectifs (ces mesures répondent à certaines recommandations de la mission de contacts directs qui s'est rendue dans le pays en février 1995).

282. Le gouvernement fournit notamment les informations suivantes sur les allégations relatives à des actes de violence commis contre des syndicalistes:

283. Le gouvernement a également envoyé des informations sur les allégations suivantes relatives à des actes de discrimination antisyndicale:

D. Conclusions du comité

284. Le comité a pris note avec satisfaction des accords de paix, et tout particulièrement de l'accord de cessez-le-feu définitif (du 4 décembre 1996), de l'accord général sur les droits de l'homme et de l'accord sur les aspects socio-économiques et la situation agraire, qui consacre les principes de libre association, du dialogue social, de la négociation et de la concertation. Le comité a également pris note avec intérêt de la création de nouveaux tribunaux du travail, comme l'avait recommandé la mission de contacts directs qui s'est rendue dans le pays en février 1995. Le comité exprime le sincère espoir que les accords de paix marquent une nouvelle étape dans les relations de travail.

285. Cependant, le comité souligne qu'avec le retour à la normalité dans les relations de travail tous les actes de violence contre des syndicalistes qui font l'objet d'allégations dans les présents cas doivent être clarifiés au moyen de l'ouverture d'enquêtes judiciaires qui permettent de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables. Il appartient également aux organisations plaignantes de collaborer à cette tâche et, dans ce sens, le comité regrette qu'elles n'aient pas envoyé les informations qu'il leur avait demandées.

286. Le comité prend note de la décision de la Commission tripartite des affaires internationales de créer un groupe de travail pour apporter des réponses aux allégations, et espère qu'il pourra répondre en totalité et pourra compter sur la collaboration des organisations syndicales. Le comité prend note du fait que les autorités sont disposées à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour clarifier les faits allégués, bien que, selon le gouvernement, plusieurs de ces faits se soient produits il y a plusieurs années et que, dans certains cas, les plaignants aient fourni très peu d'informations et que, dans d'autres cas, ils aient porté plainte auprès des autorités nationales.

287. Le comité prend note plus particulièrement de l'ouverture ou de la poursuite des enquêtes judiciaires sur la mort des syndicalistes Petronilo Hernández Vasilio (procès paralysé en raison de manque de preuves), Eric Osberto Berganza Pacheco, Alexánder Giovanni Gómez Virual, Adrián Miranda Pérez et Belisario López Rojas, de la disparition de Gustavo Rosalio Vázquez, de l'enlèvement et des agressions dont a été l'objet Edi Antonio Conde Lu, de l'enlèvement de Ivo Adilio García Rivera et de Crisanto García Alonzo. Le comité observe que, d'après ce qui ressort des informations du gouvernement, la mort de Néstor René Osario n'est pas liée à des motifs de caractère syndical (mais à des problèmes de droit civil relatifs à la propriété de terres), pas plus que la détention et la procédure en cours contre Rodríguez Venegas (vol de voiture), ni les agressions présumées contre M. Ernesto Bol (qui a été heurté par un véhicule alors qu'il était en état d'ébriété), ni la détention de M. Cándido Luis Toj (qui a participé au lynchage, et à l'assassinat, d'un contremaître de l'exploitation agricole Nueva California. Quant à l'emprisonnement de M. Rubén Terry Amézquita, il aurait, selon le gouvernement, quitté le pays en qualité de réfugié. Le comité prie les organisations plaignantes de lui fournir davantage de précisions sur l'allégation relative à la mort de Edwin Giovanni Hidalgo (qui, selon le gouvernement, n'était pas un travailleur ni un dirigeant syndical de l'Institut national d'électrification, des éléments supplémentaires étant nécessaires pour confirmer sa mort) ainsi que sur d'autres allégations trop générales mentionnées dans l'annexe au présent rapport.

288. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni d'informations sur les autres allégations d'actes de violence commis contre des syndicalistes [voir en annexe la liste des allégations en instance]; il le prie de le faire en accordant un caractère urgent à cette demande, en s'assurant de l'ouverture d'enquêtes judiciaires, et de le tenir informé à cet égard.

289. Le comité constate par ailleurs que les procédures judiciaires entreprises sur des actes de violence commis contre des syndicalistes auxquelles le gouvernement s'est référé ne semblent pas, d'une façon générale, être terminées ni avoir permis d'identifier et de sanctionner les coupables. A ce sujet, le comité souligne que l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, qui est extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales. Le comité exprime l'espoir que les enquêtes judiciaires déjà en cours et les nouvelles enquêtes qui sont ouvertes permettront de mettre un terme à la situation d'impunité qui a existé jusqu'ici.

290. Le comité prie également le gouvernement d'envoyer des observations sur les allégations de la CISL (27 juin 1996) et de la CLAT (4 octobre 1996) relatives à l'assassinat de Luis Armando Bravo Pérez, le secrétaire général du Syndicat des fonctionnaires des douanes, à la tentative d'assassinat dont a été victime Sixto Pérez Coche, secrétaire des finances du Syndicat des travailleurs de l'exploitation agricole La Patria et à la poursuite du dirigeant syndical José Antonio García par un individu armé. Par ailleurs, le comité réitère sa demande d'informations sur l'évolution des enquêtes relatives à la mort des deux syndicalistes Juan Tarax, Lilian Elizabeth Juárez Escobar, Camilo Ajqui, à la détention des syndicalistes Silvio Pastor, Pablo Itzel, Teodoro Pastor, Rolando Pastor et Francisco Pastor, et à l'enlèvement de Walter Nájera Molina, qui a été libéré.

291. Pour ce qui est des allégations en instance qui ont trait à des actes de discrimination antisyndicale, le comité prend note que l'autorité judiciaire a décidé de ne pas donner suite aux demandes en réintégration de divers membres du syndicat de l'exploitation agricole Nueva California et que, dans le cas d'El Estor, les personnes licenciées ont été réintégrées dans leur poste de travail. Le comité regrette de devoir constater que, selon le gouvernement, les syndicats des exploitations agricoles Medellín, El Trapichito et El Naranjo n'existent pas ou sont restés inactifs depuis longtemps et qu'il n'y a en fait pas de Syndicat des boulangers de Chiquimula ni de Syndicat des travailleurs des entreprises navales de Puerto Santo Tomás de Castilla. Tenant compte des déclarations du gouvernement et du fait que les actes de discrimination dans les cas mentionnés sont intervenus il y a plusieurs années, le comité estime qu'il sera difficile de réintégrer toutes les personnes licenciées. Le comité signale néanmoins à l'attention du gouvernement le principe selon lequel «nul ne doit être licencié ou faire l'objet d'autres mesures préjudiciables en matière d'emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l'exercice d'activités syndicales légitimes, et qu'il importe que tous les actes de discrimination en matière d'emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 696.]

292. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas envoyé d'observations relatives aux personnes licenciées et aux autres actes de discrimination antisyndicale qui se sont produits dans la Corporacíon Textil SA, l'exploitation agricole El Salto, l'entreprise d'embouteillage La Mariposa, et dans la municipalité de Coban, et qu'il ne l'ait pas tenu informé sur l'évolution de la procédure judiciaire relative au licenciement de divers dirigeants du Syndicat des travailleurs de l'hôpital San Juan de Dios. Le comité prie le gouvernement de lui envoyer des informations sur ces sujets. Le comité prie également le gouvernement d'envoyer ses observations sur les allégations de licenciements antisyndicaux, de violations du droit de négociation collective et de représailles contre les travailleurs syndiqués de l'exploitation agricole «Las Delicias». Enfin, le comité prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé de l'issue du recours engagé devant le Procureur général de la Nation sur l'allégation relative à la surveillance des locaux de l'UITA par des inconnus le 23 août 1993.

Recommandations du comité

293. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité prend note avec satisfaction des accords de paix, et tout particulièrement de l'accord de cessez-le-feu définitif (du 4 décembre 1996), de l'accord général sur les droits de l'homme et de l'accord sur les aspects socio-économiques et la situation agraire, qui consacre les principes de libre association, du dialogue social, de la négociation et de la concertation. Le comité prend également note avec intérêt de la création de nouveaux tribunaux du travail, comme l'avait recommandé la mission de contacts directs qui s'est rendue dans le pays en février 1995. Le comité exprime le sincère espoir que les accords de paix marquent une nouvelle étape dans les relations de travail. Cependant, le comité souligne qu'avec le retour à la normalité dans les relations de travail, tous les actes de violence contre des syndicalistes qui font l'objet d'allégations dans les présents cas doivent être clarifiés au moyen de l'ouverture d'enquêtes judiciaires qui permettent de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables.

b) Le comité prend note de la décision de la Commission tripartite des affaires internationales de créer un groupe de travail pour apporter des réponses aux allégations, et espère qu'il pourra leur répondre en totalité et compter sur la collaboration des organisations syndicales.

c) Tout en prenant note des observations du gouvernement sur les enquêtes relatives à certains actes de violence commis contre des syndicalistes, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni d'informations sur la majorité des allégations en instance [voir en annexe la liste des allégations en instance]; il le prie de le faire en accordant un caractère urgent à cette demande, en s'assurant de l'ouverture d'enquêtes judiciaires, et de le tenir informé à cet égard.

d) Constatant que les procédures judiciaires entreprises sur des actes de violence commis contre des syndicalistes auxquelles le gouvernement s'est référé ne semblent pas, d'une façon générale, être terminées ni avoir permis d'identifier et de sanctionner les coupables, le comité souligne que l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, qui est extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales. Le comité exprime l'espoir que les enquêtes judiciaires déjà en cours et les nouvelles enquêtes qui sont ouvertes permettront de mettre un terme à la situation d'impunité qui a existé jusqu'ici.

e) Le comité prie également le gouvernement d'envoyer ses observations sur les allégations de la CISL (27 juin 1996) et de la CLAT (4 octobre 1996) relatives à l'assassinat de Luis Armando Bravo Pérez, secrétaire général du Syndicat des fonctionnaires des douanes, à la tentative d'assassinat dont a été victime Sixto Pérez Coche, secrétaire des finances du Syndicat des travailleurs de l'exploitation agricole La Patria et à la poursuite du dirigeant syndical José Antonio García par un individu armé. Par ailleurs, le comité réitère sa demande d'informations sur l'évolution des enquêtes relatives à la mort des deux syndicalistes Juan Tarax, Lilian Elizabeth Juárez Escobar, Camilo Ajqui, à la détention des syndicalistes Silvio Pastor, Pablo Itzel, Teodoro Pastor, Rolando Pastor et Francisco Pastor, et à l'enlèvement de Walter Nájera Molina, qui a été libéré.

f) Le comité prie les organisations plaignantes de lui fournir davantage de précisions sur l'allégation relative à la mort de Edwin Giovanni Hidalgo (qui, selon le gouvernement, n'était pas un travailleur ni un dirigeant syndical de l'Institut national d'électrification, des éléments supplémentaires étant nécessaires pour confirmer sa mort) ainsi que sur d'autres allégations trop générales mentionnées dans l'annexe au présent rapport.

g) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas envoyé d'observations relatives aux personnes lienciées et aux autres actes de discrimination antisyndicale qui se sont produits dans la Corporacíon Textil SA, l'exploitation agricole El Salto, l'entreprise d'embouteillage La Mariposa, et dans la municipalité de Coban, et qu'il ne l'ait pas tenu informé sur l'évolution de la procédure judiciaire relative au licenciement de divers dirigeants du Syndicat des travailleurs de l'hôpital San Juan de Dios. Le comité prie le gouvernement de lui envoyer des informations sur ces sujets.

h) Le comité prie également le gouvernement d'envoyer ses observations sur les allégations de licenciements antisyndicaux, de violations du droit de négociation collective et de représailles contre les travailleurs syndiqués de l'exploitation agricole «Las Delicias».

i) Enfin, le comité prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé de l'issue du recours engagé devant le Procureur général de la Nation sur l'allégation relative à la surveillance des locaux de l'UITA par des inconnus le 23 août 1993.


Annexe

Allégations relatives à des actes de violence
commis contre des syndicalistes
au sujet desquels des informations complémentaires
sont demandées au gouvernement ou aux plaignants

Assassinats de syndicalistes

Disparitions, enlèvements, agressions
et emprisonnements de syndicalistes

Cas no 1823

Rapport où le comité demande à être informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Guatemala
présentée par
le Syndicat des travailleurs de l'inspection générale du travail
(STIGT)

Allégations: refus d'accorder la personnalité juridique
à un syndicat en voie de constitution
et actes de discrimination antisyndicale

294. Le comité a examiné le présent cas lors de ses sessions de novembre 1995 et mars 1996, et il a présenté chaque fois un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 300e rapport, paragr. 428 à 441, et 302e rapport, paragr. 440 à 446, approuvés par le Conseil d'administration lors de ses 264e et 265e sessions (novembre 1995 et mars 1996).] Par la suite, le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 13 et 27 septembre, du 7 octobre et du 5 novembre 1996.

295. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

296. Lors de l'examen de ce cas par le comité, à sa session de mars 1996, des questions étaient restées en instance concernant le refus d'octroyer la personnalité juridique au Syndicat des travailleurs de l'inspection générale du travail (STIGT) et d'approuver ses statuts, le licenciement de deux de ses membres (Sandra Elizabeth Barrera et Maldivia Dioderet Barrera) et la modification de fonctions de 18 inspecteurs -- membres fondateurs du syndicat. Le comité avait formulé les recommandations suivantes [voir 302e rapport, paragr. 446]:

a) regrettant profondément la réponse constamment négative du gouvernement à ses demandes, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de reconnaître immédiatement la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs de l'inspection générale du travail;

b) le comité prie à nouveau le gouvernement d'indiquer les raisons pour lesquelles les deux membres du syndicat (Mmes Sandra Elizabeth Barrera et Maldivia Dioderet Barrera) ont renoncé à la protection légale contre leur licenciement;

c) en ce qui concerne la modification des fonctions de 18 inspecteurs -- membres fondateurs du syndicat --, le comité, tenant compte des éléments sérieux qui permettent de considérer qu'il s'est agi d'actes de discrimination antisyndicale, prie une fois de plus le gouvernement d'annuler, en consultation avec les dix-huit inspecteurs en cause, le changement de fonctions qui leur a été imposé et de le tenir informé de toutes mesures prises à cet égard.

B. Réponse du gouvernement

297. Dans ses communications des 13 et 17 septembre, du 7 octobre et du 5 novembre 1996, le gouvernement affirme que, par ses décisions du 18 juin et du 29 août 1996, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a déclaré de nouveau qu'il n'y avait pas lieu d'octroyer la personnalité juridique au Syndicat des travailleurs de l'inspection générale du travail. Le gouvernement ajoute que les représentants du syndicat ont demandé à avoir un entretien avec le nouveau ministre du Travail pour tenter de trouver une solution au conflit. Pour ce qui est des raisons pour lesquelles les deux membres du syndicat ont renoncé à la protection légale contre le licenciement, le gouvernement déclare que Mme Sandra Elizabeth Barrera a nié avoir fait partie du syndicat en formation et que son contrat a été résilié le 23 décembre 1994 (aujourd'hui, elle travaille dans un organisme public). Quant à Mme Maldivia Dioderet Barrera, il s'apprête à prendre contact avec elle.

C. Conclusions du comité

298. En ce qui concerne le refus d'octroyer la personnalité juridique au Syndicat des travailleurs de l'inspection générale du travail (STIGT) et d'en approuver les statuts, le comité prend note de la réponse du gouvernement et observe qu'il refuse toujours d'octroyer la personnalité juridique à ce syndicat. Dans ces conditions, le comité tient à souligner à nouveau que le refus du droit syndical opposé aux travailleurs de l'inspection du travail par le directeur général du travail constitue une violation de l'article 2 de la convention no 87, ratifiée par le Guatemala, qui dispose que «les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières». Déplorant profondément la réponse constamment négative du gouvernement à ses demandes dans ce cas, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de reconnaître immédiatement la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs de l'inspection générale du travail. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures qu'il peut prendre à cet égard.

299. En ce qui concerne les raisons pour lesquelles les deux femmes affiliées au STIGT ont renoncé à la protection légale contre le licenciement, le comité note que Mme Sandra Elizabeth Barrera a nié avoir fait partie du STIGT et travaille actuellement dans un organisme public, et que le gouvernement s'apprête à prendre contact avec la deuxième syndicaliste (Mme Maldivia Dioderet Barrera). Le comité prie le gouvernement d'effectuer une enquête sur les raisons pour lesquelles Mme Maldivia Dioderet Barrera a renoncé à la protection légale contre le licenciement et de prendre des mesures en vue de sa réintégration dans ses fonctions s'il devait se confirmer que ce licenciement constitue bien un acte de discrimination antisyndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

300. En ce qui concerne le changement de fonctions de 18 inspecteurs -- les membres fondateurs du syndicat --, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu à ses demandes antérieures et le prie à nouveau d'annuler, en consultation avec les dix-huit inspecteurs en cause, le changement de fonctions qui leur a été imposé. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandations du comité

301. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Déplorant profondément l'attitude constamment négative du gouvernement face à ses recommandations dans ce cas, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de reconnaître immédiatement la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs de l'inspection générale du travail (STIGT). Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures qu'il peut prendre à cet égard.

b) Le comité prie le gouvernement d'effectuer une enquête sur les raisons pour lesquelles Mme Maldivia Dioderet Barrera, membre du STIGT, a renoncé à la protection légale contre le licenciement à laquelle elle avait droit, et de prendre des mesures en vue de sa réintégration dans ses fonctions s'il devait se confirmer que ce licenciement constitue bien un acte de discrimination antisyndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

c) En ce qui concerne le changement de fonctions de 18 inspecteurs -- membres fondateurs du syndicat --, le comité prie une fois de plus le gouvernement d'annuler, en consultation avec les dix-huit  inspecteurs en cause, le changement de fonctions qui leur a été imposé. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Cas no 1876

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Guatemala
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: enlèvement de syndicalistes et menaces à leur encontre

302. Le comité a examiné ce cas à sa réunion de mars 1996 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 305e rapport, paragr. 315 à 326, approuvé par le Conseil d'administration à sa 267e réunion (novembre 1996).]

303. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a envoyé de nouvelles allégations par sa communication du 2 avril 1997. Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations sur ce cas dans des communications des 31 mars, 16 et 26 mai 1997.

304. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

305. Lors de l'examen antérieur du cas, diverses allégations d'enlèvement, d'intimidation ou de menaces de mort à l'encontre de dirigeants syndicalistes étaient restées en instance. Le comité avait formulé les recommandations suivantes. [Voir 305e  rapport, paragr. 326.] Le comité avait demandé aux autorité d'entreprendre des enquêtes sur les menaces de mort proférées contre le dirigeant syndical Víctor Hugo Durán et sur l'enlèvement de Edwin Rolando Yoc (fils d'un dirigeant syndical et actuellement en liberté), et de lui fournir des informations au sujet de l'évolution des enquêtes sur les menaces de mort proférées contre Mme Débora Guzmán Chupén et Mme Vilma Cristina González, et de l'enlèvement de cette dernière pendant quatre heures. Le comité avait souligné que l'absence de jugements contre les coupables entraînait une impunité de fait qui renforçait le climat de violence et d'insécurité et qui était donc extrêmement dommageable pour l'exercice des droits des activités syndicales. Enfin, bien qu'encouragé par une meilleure coopération de la part du gouvernement, le comité avait déploré que le gouvernement n'ait pas envoyé d'observations sur les autres allégations et l'avait instamment prié de le faire sans retard, plus particulièrement au sujet:


B. Nouvelles allégations de la CISL

306. Dans sa communication du 2 avril 1997, la CISL allègue que le 13 mars 1997 quatre individus fortement armés ont contraint, dans l'entreprise de sous-traitance M1 Kwang S.A. (Cantón Najarito, Villa Nueva, département de Guatemala), les syndicalistes Eswin Rocael Ruíz Zacarías, Edwin Tulio Enríquez García et Belarnino González de León à les suivre et les ont conduits au poste de police de Villa Nueva, où ils les ont frappés et maltraités pour leur faire avouer qu'ils étaient les auteurs d'un vol qui avait eu lieu dans l'entreprise de sous-traitance une semaine plus tôt. Peu après, les syndicalistes ont été remis en liberté non sans avoir été avertis qu'ils ne devaient dire à personne ce qui s'était passé.

C. Réponses du gouvernement

307. Dans ses communications des 31 mars, 16 et 26 mai 1997, le gouvernement signale que des enquêtes judiciaires ont été ouvertes au sujet de l'attentat (coup de feu) commis contre M. Víctor Hugo Durán à la suite d'une plainte présentée par la fédération syndicale de ce dirigeant. Le gouvernement fournit également des informations sur l'évolution des enquêtes relatives aux menaces de mort dont a été victime Mme Débora Guzmán et relève que tant cette dernière que son mari ont pu bénéficier de mesures de sécurité que les autorités ont prises en leur faveur afin qu'ils puissent travailler.

308. En ce qui concerne l'allégation relative à l'enlèvement de M. Salvador Archila, le gouvernement déclare qu'il a été arrêté le 31 mars 1996 dans le cadre d'une enquête judiciaire parce qu'il avait pris des personnes en otages et menacé de mort divers responsables d'autorités publiques et d'autres personnes durant trois semaines, pendant que les travailleurs agricoles occupaient l'exploitation Los Cerros (San José El Rodeo). L'autorité judiciaire a ordonné son assignation à résidence et l'enquête judiciaire se poursuit.

309. Le gouvernement signale par ailleurs que Mme Verónica Vázquez a indiqué aux fonctionnaires publics du service des droits de l'homme qui l'ont interrogée que le 27 février vers 18 heures, alors qu'elle quittait son lieu de travail, un homme au teint foncé l'a suivie. Elle a cru qu'il voulait l'agresser car il marchait rapidement; en fait cet homme l'a prise par les épaules et lui a demandé si elle était la secrétaire de la Fédération des employés de banque. Il voulait user de contraintes physiques pour l'obliger à entrer dans un véhicule, mais elle est parvenue à s'échapper et à monter dans un minibus. Mme Vázquez a déclaré en outre qu'elle avait choisi de quitter son travail pour des raisons de sécurité personnelle et que jusqu'à ce jour elle n'avait pas porté à la connaissance des autorités compétentes les actes de violence commis contre sa personne. Mme Vázquez ne fait l'objet depuis lors d'aucune menace ou persécution, et elle travaille normalement pour la Fédération des employés de banque, en assumant la charge de secrétaire administrative.

310. Quant aux allégations de menaces et d'actes d'intimidation à l'encontre de MM. Félix Hernández, Jorge Galindo et Danilo Aguilar, dirigeants de la Fédération nationale des fonctionnaires publics, le gouvernement indique que les fonctionnaires publics du service des droits de l'homme se sont entretenus avec le dirigeant Jorge Galindo, secrétaire aux conflits de ladite fédération. L'intéressé a déclaré qu'il avait effectivement été l'objet de persécutions et de menaces de mort de la part d'hommes inconnus. Des menaces ont été proférées par des inconnus qui conduisaient un véhicule de marque BMW, de couleur beige, à quatre portes, immatriculé dans l'Etat de Californie, et des vitres teintées. Ces inconnus, fortement armés, ont remis à un syndicaliste de la fédération une enveloppe qui contenait des menaces contre M. Félix Hernández, secrétaire général de la FENASEP et quatre autres de ses dirigeants, qui les avertissaient qu'ils seraient tués s'ils ne quittaient pas le pays. Confrontés à de telles menaces, les intéressés ont porté plainte, et des enquêtes sont en cours à ce sujet.

311. En ce qui concerne les arrestations et mauvais traitements dont auraient été victimes MM. Eswin Rocael Ruíz Zacarías, Edwin Tulio Enríquez García et Belarnino González de León, le gouvernement fournit de nombreuses précisions sur les recherches effectuées d'où il ressort qu'il semble exister une relation entre le vol de machines dans l'entreprise de sous-traitance et les arrestations opérées par les agents de sécurité de la police privée. Le parquet de Amatitlán a ouvert des enquêtes et a donné des instructions aux fins de soumettre ce cas aux autorités judiciaires.

D. Conclusions du comité

312. Le comité constate avec préoccupation que les allégations dans le présent cas se réfèrent à l'enlèvement, à la détention, à l'intimidation ou aux menaces de mort dont ont été victimes des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. En premier lieu, le comité ne peut que déplorer profondément ces actes et rappeler que «la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne» et que «les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition (révisée), 1996, paragr. 46 et 47.]

313. Le comité prend note du fait que, selon le gouvernement: 1) le dirigeant syndical, M.  Salvador Archila, n'a pas été enlevé mais qu'il a été détenu et ensuite assigné à résidence par les autorités dans le cadre d'une enquête judiciaire, car il avait gardé en otages et menacé de mort divers responsables d'autorités publiques et personnes pendant trois semaines dans le cadre de l'occupation de l'exploitation agricole Los Cerros par des travailleurs agricoles; 2)  la dirigeante syndicale, Mme  Verónica Vázquez, a été l'objet d'une tentative d'enlèvement, mais qu'elle a choisi de ne pas porter plainte; 3)  les dirigeants syndicaux, Félix Hernández, Jorge Galindo et Danilo Aguilar, ont porté plainte après avoir été victimes de menaces de mort, et que des enquêtes sont actuellement en cours à ce sujet; 4) des enquêtes judiciaires ont été entreprises au sujet de l'attentat (coup de feu) commis contre le dirigeant syndical Víctor Hugo Durán; 5) l'enquête relative aux menaces de mort dont a été victime la dirigeante syndicale Débora Guzmán se poursuit et l'intéressée bénéficie de mesures spéciales de sécurité; et 6) l'arrestation des syndicalistes Eswin Rocael Ruíz Zacariás, Edwin Tulio Enríquez García et Belarnino González de León le 13 mars 1997 fait l'objet d'enquêtes judiciaires. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution des procédures et enquêtes judiciaires susmentionnées.

314. Par ailleurs, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu à l'allégation de menaces de mort proférées contre M. Juan Freancisco Alfaro Mijangos, secrétaire général de la Confédération de l'unité syndicale du Guatemala (CUSG), et qu'il n'ait pas fourni d'informations après la demande formulée lors de l'examen antérieur du cas pour que des enquêtes soient ouvertes sur l'enlèvement de M.  Edwin Rolando Yoc (fils d'un dirigeant syndical et actuellement en liberté). Le comité demande instamment au gouvernement d'ouvrir de toute urgence des enquêtes au sujet des allégations concernant M. Alfaro et M. Edwin Rolando Yoc et de le tenir informé à cet égard. Le comité prie le gouvernement de le tenir également au courant de l'évolution des enquêtes sur les menaces de mort proférées contre Mme Vilma Cristina González.

315. De même, tenant compte du fait que les enquêtes relatives à la majorité des allégations n'ont pas encore abouti, le comité réitère ses conclusions antérieures dans lesquelles il a souligné que l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, qui est extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales.

Recommandations du comité

316. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité constate avec préoccupation que les faits allégués se réfèrent à l'enlèvement, aux menaces de mort et à l'intimidation dont ont été victimes des dirigeants syndicaux et déplore profondément ces actes.

b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution des enquêtes sur les menaces de mort proférées contre: 1) les dirigeants syndicaux Félix Hernández, Jorge Galindo et Danilo Aguilar; 2) la dirigeante syndicale Débora Guzmán; et 3) la syndicaliste Vilma Cristina González.

c) Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de l'enquête judiciaire relative à l'attentat (coup de feu) dirigé contre le dirigeant syndical Víctor Hugo Durán, ainsi que de celles relatives à l'arrestation de Eswin Rocael Ruíz Zacarías, Edwin Tulio Enríquez García et Belarnino González de León;

d) Déplorant que le gouvernement n'ait pas apporté de réponse à l'allégation relative aux menaces de mort proférées contre M. Juan Francisco Alfaro Mijangos, secrétaire général de la Confédération de l'unité syndicale du Guatemala (CUSG), et n'ait pas non plus fourni d'informations après la demande formulée lors de l'examen antérieur du cas pour qu'il entreprenne des enquêtes sur l'enlèvement de M. Edwin Rolando Yoc (fils d'un dirigeant syndical et actuellement en liberté) et le tienne informé à cet égard.

e) Le comité souligne que l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, ce qui est extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales.

Cas no 1898

Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Guatemala
présentée par
la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)

Allégations: législations limitant les droits syndicaux
des travailleurs de l'Etat

317. La plainte figure dans une communication de la Centrale latino-américaine des travailleurs datée du 11 juillet 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication du 8 avril 1997.

318. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

319. Dans sa communication du 11 juillet 1996, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) allègue que le décret no 35-96 du Congrès de la République du Guatemala portant réformes de la loi syndicale et de la réglementation de la grève des travailleurs de l'Etat contient des dispositions contraires à la Constitution nationale et aux conventions nos 87 et 98 de l'OIT. L'organisation plaignante a annexé à sa plainte une copie du décret no 35-96 de mai 1996, dont la teneur suit:

Article 1. L'article 1 du décret no 71-86 du Congrès de la République est modifié comme suit:

Article 1.  Droit d'organisation syndicale.  Les travailleurs de l'Etat et de ses entités décentralisées et autonomes pourront exercer leur droit à la liberté syndicale et à la grève, conformément aux dispositions de la présente loi, à l'exception des forces armées et de la police.

Article 2. L'article 4 du décret no 71-86 du Congrès de la République est modifié comme suit:

Article 4.  Procédures.  Pour l'exercice du droit de grève des travailleurs de l'Etat et de ses entités décentralisées et autonomes, les procédures établies par la présente loi devront être observées, tout comme, à titre complémentaire, ce que prescrit le Code du travail dans la mesure où il est applicable et ne contrevient aux dispositions suivantes:

a) La procédure directe de conciliation obligatoire sera utilisée pour traiter des pactes et conventions collectifs de conditions de travail, en tenant toujours compte pour résoudre les conflits des possibilités légales des recettes et dépenses du budget de l'Etat et, selon le cas, des entités décentralisées et autonomes dont il s'agit. Cette procédure sera considérée comme épuisée si aucun accord n'est intervenu dans un délai de trente jours à partir de la requête de la partie intéressée, à moins que les parties décident de prolonger ce délai.

b) S'il n'est pas démontré que la procédure directe a été épuisée, les formalités pour le déclenchement du conflit n'auront pas été remplies, et le juge devra d'office prendre les mesures nécessaires pour remédier à ce genre de situation extrême.

c) Une fois que l'exigence ci-dessus aura été respectée, le juge se résoudra immédiatement à faire suivre leur cours à la requête et au cahier de revendications et prendra connaissance du conflit en cours, dans l'unique but de veiller à ce qu'aucune des parties usent de représailles contre une autre ou l'empêche d'exercer ses droits.

Les sanctions aux infractions du travail ou celles qui impliquent l'exercice de droits contenus dans la loi ne constituent pas des actes de représailles. En Conférence, les travailleurs pourront faire valoir que leur relation de travail a pris fin sans autorisation judiciaire lorsqu'il existe des motifs de licenciement indirect imputables à l'Etat ou en cas de destitution, les travailleurs conservant leur droit de réclamer les indemnités qui pourraient leur revenir aux termes de la loi en faisant usage des procédures légales.

Ne constitue pas non plus des actes de représailles de la part de l'Etat ou de ses entités décentralisées ou autonomes l'annulation de nominations ou de contrats de travail dans les cas suivants:

c.1) quand le travailleur fait l'objet d'un licenciement justifié; et

c.2) dans les cas de grèves déclarées ayant effectivement lieu, quel que soit leur nom, dès lors qu'elles ont pour conséquence l'abandon ou la suspension du travail sous une forme collective ou qu'elles affectent des services publics déclarés essentiels par la présente loi.

Dans de tels cas, les autorités de l'Etat et de ses entités décentralisées et autonomes habilitées à nommer aux emplois conserveront la faculté d'annuler les nominations et les contrats de travail, sans qu'il puisse y avoir une responsabilité de leur part et sans qu'une autorisation judiciaire préalable soit nécessaire.

d) Aux fins de ce qui est établi par la Constitution politique de la République du Guatemala, sont déclarés essentiels les services publics suivants:

d.1) les hôpitaux, centres et postes de santé, ainsi que les services publics d'hygiène et d'entretien de la propreté;

d.2) les services de navigation aérienne, les services téléphoniques, télégraphiques et postaux;

d.3) l'administration de la justice et ses institutions auxiliaires;

d.4) tous les types de transports publics urbains et périphériques de l'Etat et des municipalités;

d.5) les services d'approvisionnement en eau pour la population et la production; la fabrication, le transport et la distribution d'énergie électrique et de combustibles en général; et

d.6) les services de sécurité publique.

e) Une fois que les procédures de conciliation ont été épuisées sans que l'on ait pu arriver à un arrangement ou à une convention, le règlement des conflits collectifs de caractère socio-économique dans lesquels sont impliqués des travailleurs qui assurent des services publics essentiels doit être soumis à l'arbitrage obligatoire prévu au chapitre III, titre 12, du Code du travail. Dans ce cas, le juge n'est pas obligé de se prononcer sur la légalité de la grève.

Le droit de grève des travailleurs de l'Etat et de ses entités décentralisées et autonomes reste soumis à ce qui est prévu par cette loi et par le Code du travail, exception faite des services publics essentiels mentionnés dans le présent article, qui ne devront être touchés dans aucun cas.

f) Outre les sanctions professionnelles qui pourront être imposées à ceux qui participeront aux grèves énumérées dans les cas de grève cités à l'alinéa c) du présent article, les contrevenants devront répondre de leurs responsabilités pénales et civiles.

g) Sont formellement interdites les grèves motivées par la solidarité intersyndicale ou la solidarité avec des mouvements organisés par des comités ad hoc ou pour des intérêts étrangers à des revendications socio-économiques.

Article 3.  Le présent décret entrera en vigueur le jour suivant sa publication dans le Journal officiel.

B. Réponse du gouvernement

320. Dans sa communication du 8 avril 1997, le gouvernement convient qu'en date du 27 mai 1996 le décret no 35-96 du Congrès de la République du Guatemala a été publié au Journal officiel. Ce décret modifie le décret no 71-86 relatif à la loi syndicale et à la réglementation des grèves des travailleurs de l'Etat. Les organisations syndicales du Guatemala ont condamné publiquement cet acte du pouvoir législatif estimant que ces réformes limitaient le droit d'organisation et de négociation collective, et elles ont porté plainte devant la Cour constitutionnelle le 6 juin 1996 en faisant valoir que le décret no 35-96 du Congrès de la République était inconstitutionnel. La Cour constitutionnelle a statué le 13 janvier 1997 déclarant que la plainte en inconstitutionnalité n'était pas fondée, condamnant la partie plaignante aux frais et dépens et imposant une amende aux avocats auxiliaires. Cette décision a été notifiée aux intéressés en date du 4 février 1997.

C. Conclusions du comité

321. Le comité constate que dans le présent cas l'organisation plaignante allègue que le décret no 35-96 contient des dispositions contraires à la Constitution nationale et aux convention nos 87 et 98 de l'OIT. Le gouvernement a répondu que la Cour constitutionnelle a débouté les organisations syndicales de leur requête pour inconstitutionnalité. Le comité rappelle qu'il n'est pas compétent pour se prononcer sur le fait que les normes légales nationales sont ou non en conformité avec la Constitution nationale. En revanche, il a pour tâche d'examiner les normes nationales en vigueur à la lumière des principes de la liberté syndicale et des conventions ratifiées en la matière.

322. A cet égard, le comité constate que le décret no 35-96 exclut les forces armées et la police du droit d'organisation syndicale et de grève (art. 1er), impose l'utilisation de la procédure directe des conciliations pour traiter des pactes et conventions collectives et un délai de trente jours pour que le conflit collectif puisse être porté devant l'autorité judiciaire (art. 2 a), b) et c)), interdit la grève dans certains services qualifiés d'essentiels (art. 2c)), et soumet ces services à l'arbitrage obligatoire. Enfin, il interdit les grèves de solidarité.

323. Le comité estime que l'exclusion des forces armées et de la police des droits d'organisation syndicale et de grève n'est pas contraire aux principes de la liberté syndicale, puisque l'article 9, paragraphe 1, de la convention no 87 déclare que «la mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s'appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale».

324. Pour ce qui est de l'imposition légale de la conciliation dans le cadre de la négociation collective dans le secteur public, même pendant un délai de trente jours, le comité estime que l'on ne saurait considérer comme attentatoire à la liberté syndicale une législation prévoyant le recours aux procédures de conciliation et d'arbitrage volontaire dans les conflits collectifs du travail en tant que condition préalable à une déclaration de grève. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 500.] Dans ces conditions, le comité estime que ces dispositions ne violent pas les principes de la liberté syndicale.

325. En revanche, le comité est d'avis que la grève est désormais interdite dans quelques services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme (c'est-à-dire des services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne) [voir Recueil, op. cit., paragr. 526] tels que les services postaux, les services de transport ou de production, de transport ou de distribution de combustibles. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 545.] De même, il a considéré qu'une interdiction générale des grèves de solidarité risque d'être abusive et que les travailleurs devraient pouvoir avoir recours à de tels mouvements pour autant que la grève initiale qu'ils soutiennent soit elle-même légitime [voir Recueil, op. cit., paragr. 486] et que l'interdiction des grèves non liées à un conflit collectif auquel les travailleurs ou le syndicat seraient parties est contraire aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit. paragr. 489.]

326. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier la législation de manière que: 1) la grève ne soit interdite que dans les services essentiels dans le sens strict du terme; et 2) qu'il n'y ait pas recours à une interdiction générale des grèves de solidarité et que soient respectés les principes mentionnés dans le paragraphe précédent.

327. Le comité soumet ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Recommandations du comité

328. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier la législation de manière que: 1) la grève ne soit interdite que dans les services essentiels dans le sens strict du terme; et 2) qu'il n'y ait pas recours à une interdiction générale des grèves de solidarité et que soient respectés les principes mentionnés dans les conclusions.

b) Le comité soumet ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Cas no 1863

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation
Plainte contre le gouvernement de la Guinée
présentée par
l'Union syndicale des travailleurs de Guinée (USGT)

Allégations: répression, arrestation et condamnation
de dirigeants syndicaux et de grévistes à la suite d'un conflit
du travail dans le secteur de l'enseignement, mutation d'un syndicaliste

329. Le comité a examiné ce cas à sa session de mai 1996 [voir 304e rapport du comité, paragr. 321 à 364, approuvé par le Conseil d'administration à sa 266e session (mai-juin 1996)] au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires.

330. Le gouvernement a envoyé certaines observations et informations sur ce cas dans une communication du 21 mars 1997.

331. La Guinée a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

332. A sa session de mai-juin 1996, le comité avait noté que le présent cas portait sur des allégations de répression antisyndicale lors d'un conflit du travail dans le secteur de l'éducation comportant des arrestations et des condamnations, la mutation d'un syndicaliste ainsi que des retenues sur salaires pour faits de grève.

333. Il avait observé que les versions des faits relatées par l'organisation plaignante, l'Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), et par le gouvernement concordaient sur certains points, mais qu'elles divergeaient sur d'autres. Ainsi, les uns et les autres confirmaient que des négociations collectives avaient eu lieu par secteur en 1994 et 1995. Cependant, l'organisation plaignante estimait que la non-application correcte des statuts particuliers des enseignants, le retard dans le paiement des salaires, la désintégration de la recherche scientifique nationale et surtout l'élévation du coût de la vie l'avaient conduite à réclamer un réajustement du salaire indiciaire et l'instauration du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) -- questions déjà soulevées en avril 1994 -- dans un mémorandum adressé au gouvernement le 1er novembre 1995. L'USTG expliquait que, le 27 novembre 1995, un préavis de grève générale de soixante-douze heures pour la période du 18 au 20 décembre 1995 sur toute l'étendue du territoire national avait été déposé, car toutes les revendications contenues dans le mémorandum du 1er novembre n'étaient pas satisfaites. L'organisation plaignante convenait que l'autre organisation représentative des enseignants, la FSPE, affiliée à la CNTG, avait refusé de faire grève. Cependant, le secrétaire général du SLECG/USTG, M. Soumah, et M. Condé avaient été détenus pendant quarante-huit heures au début de la grève. En outre, plusieurs grévistes avaient été condamnés à un an de prison avec sursis. Un syndicaliste avait été muté et la police était intervenue pour disperser les enseignants et les chercheurs réunis en assemblée générale.

334. Le gouvernement reconnaissait que l'USTG avait bien envoyé un mémorandum de revendications le 1er novembre 1995. Toutefois, il avait souhaité que ce mémorandum soit examiné plus tard par la Commission consultative du travail et des lois sociales, car les revendications avaient été, selon lui, mises en réserve lors de précédentes négociations. Le gouvernement soulignait qu'après le préavis de grève les parties étaient convenues d'ouvrir la négociation salariale le 15 décembre 1995 à l'ensemble des fonctionnaires et non aux seuls enseignants, conformément au cahier de doléances déposé par l'ensemble des centrales le 1er mai 1995. Toutefois, entre-temps, le SLECG affilié à l'USTG avait refusé de négocier en présence du syndicat rival. Le 15 décembre, le gouvernement avait insisté sur le respect des engagements réciproques antérieurs pour une négociation élargie sur les salaires de tous les fonctionnaires dans la fonction publique en présence de délégués du SLECG. Le gouvernement convenait que la grève avait effectivement eu lieu par endroits à partir du 18 décembre. Il affirmait que dans plusieurs établissements les enseignants grévistes avaient porté violemment atteinte à la liberté du travail des non-grévistes. Il regrettait que les 19 et 20 décembre, malgré ses demandes, le SLECG se fut refusé à participer à des négociations; il déclarait que les négociations avaient repris le 21 décembre entre lui et les centrales syndicales dans la Commission consultative du travail et des lois sociales.

335. Dans ces conditions, le comité avait adopté les recommandations suivantes:

a) Regrettant vivement que M. Soumah, secrétaire général du SLECG, ait été arrêté pendant toute la durée de la grève, le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de sa situation.

b) Regrettant l'arrestation, la détention et la condamnation de syndicalistes grévistes en décembre 1995 et janvier 1996, le comité prie le gouvernement de fournir ses observations à cet égard, notamment en communiquant les textes des jugements prononcés par le tribunal de Conakry le 29 décembre 1995 à l'encontre des six enseignants condamnés et en indiquant les motifs de l'arrestation de MM. Mamadou Cellou Diallo, Mohamed Sankhou ainsi que du représentant du SLECG à Télimélé et leur situation actuelle.

c) Le comité, rappelant que l'intervention de la police pour briser une grève constitue une atteinte aux droits syndicaux et que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique dans des cas de mouvements de grève que dans des situations présentant un caractère de gravité et où l'ordre public serait sérieusement menacé, demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante, impartiale et approfondie en vue de déterminer la nature de l'action de la police ainsi que les responsabilités, et de le tenir informé à cet égard.

d) Enfin, s'agissant de la mutation d'un dirigeant syndical pour faits de grève, le comité demande au gouvernement de vérifier la véracité de l'allégation et de prendre les mesures nécessaires pour permettre à ce dirigeant du SLECG d'être réintégré dans son poste de travail.

B. Réponse du gouvernement

336. Le gouvernement indique tout d'abord qu'il prend note de la préoccupation du comité sur l'évolution de la situation de M. M'Bemba Soumah, secrétaire général du SLECG, et de celles d'autres responsables syndicaux interpellés pour les fins d'enquête. Il affirme cependant que les intéressés ont été interpellés le 18 décembre 1995 et mis en liberté provisoire le 21 décembre 1995 et que les démarches qui ont abouti à cette libération étaient de nature à éteindre l'action publique déclenchée contre les intéressés pour les faits mis à leur charge.

337. En ce qui concerne la situation des six enseignants, le gouvernement précise qu'ils ont été condamnés à un an de prison assorti de sursis chacun, tel qu'il ressort des dispositifs du texte de jugement que le gouvernement joint à la réponse. Sept enseignants avaient été poursuivis pour trouble à l'ordre public et entrave à la liberté du travail. L'un d'entre eux, M. Victor Kamano, a été relaxé. Les autres (MM. Moriba Kandé, Mamadou Bano Diallo, Ibrahima Diallo, Sékou Fofana, Faya Traoré et Mamadou Sow) ont été condamnés à un an de prison avec sursis pour atteinte à la liberté du travail par le juge de paix de Conakry, à l'audience du 29 décembre 1995, statuant publiquement et contradictoirement en matière correctionnelle et en premier ressort.

338. En ce qui concerne la mutation de Frantoma Bérété à Macenta, le gouvernement affirme que l'intéressé a effectivement repris son travail et exerce normalement ses activités syndicales dans cette préfecture. Sa présence à Macenta lui a même permis de conquérir cette région forestière et renforcer les bases de sa centrale, étant élu au poste de secrétaire général de l'Union syndicale du SLECG.

339. Concernant l'interpellation de MM. Louis M'Bemba Soumah, Souleymane Condé, Mamadou Cellou Diallo, Mohamed Sankhou et d'autres responsables syndicaux, le gouvernement indique que les intéressés ont fait l'objet d'une interpellation pour les fins d'enquête au niveau de la police judiciaire et que, dans le cas d'espèce, cette simple interpellation n'a pas excédé les soixante-douze heures réglementaires à la suite de laquelle une liberté provisoire avait été obtenue, le dossier en question ayant ensuite fait l'objet d'un classement sans suite.

340. En conclusion, le gouvernement déclare observer une politique constante de dialogue et d'ouverture avec tous les partenaires sociaux dans le respect de la personnalité de chaque organisation en vue de promouvoir la justice sociale, l'égalité et la loyauté. Pour la sauvegarde de la liberté syndicale, il met tout en œuvre en vue de faire connaître et humaniser toutes les pratiques administratives, policières et sécuritaires susceptibles de la restreindre et demande le concours positif des titulaires de ces libertés, notamment à travers le respect des principes tendant au maintien de l'ordre public et la promotion des libertés consacrées par la loi fondamentale.

C. Conclusions du comité

341. Le comité prend note des informations communiquées par le gouvernement en réponse à ses recommandations. Il observe en particulier que M. Soumah, le secrétaire général du SLECG, et les autres responsables syndicaux interpellés le 18 décembre 1995 ont été relâchés le 21 décembre après soixante-douze heures, qu'ils n'ont été l'objet d'aucune poursuite judiciaire et qu'ils jouissent actuellement d'une complète liberté.

342. Le comité rappelle à cet égard que les mesures privatives de liberté prises contre les dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il s'agit de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 77.] Il demande au gouvernement à l'avenir de ne pas procéder à des détentions pour interrogatoires lorsque les syndicalistes exercent pacifiquement leur droit de grève qui est un moyen essentiel dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux.

343. En ce qui concerne la condamnation à un an de prison avec sursis d'enseignants grévistes, le comité note que d'après le jugement rendu dans cette affaire le juge de paix de Conakry les a déclarés coupables des faits d'entrave à la liberté du travail à l'issue d'une audience publique et contradictoire.

344. Le comité rappelle cependant à cet égard que le seul fait de participer à un piquet de grève et d'inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s'accompagne de violence ou d'entrave à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes, actes qui, dans beaucoup de pays, sont punis par la loi pénale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 586.]

345. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas communiqué d'informations sur l'enquête indépendante et impartiale qu'il lui avait demandé de diligenter en vue de déterminer la nature de l'action de la police lors de son intervention pour briser la grève de 1995. Il demande à nouveau au gouvernement de faire procéder à cette enquête et de le tenir informé des résultats à cet égard.

346. Enfin, s'agissant de la mutation de M. Frantoma Bérété, le comité observe que le gouvernement ne nie pas le fait mais il note avec intérêt que d'après le gouvernement l'intéressé a été depuis lors élu secrétaire général de l'Union syndicale du SLECG à Macenta et qu'il a développé l'action syndicale dans cette préfecture. Néanmoins, le comité réitère ses conclusions antérieures selon lesquelles l'intéressé devrait pouvoir être réintégré dans son poste s'il le désire.

Recommandations du comité

347. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité demande au gouvernement de ne pas procéder à des détentions pour interrogatoires de militants et dirigeants syndicaux lorsque les syndicalistes ne font qu'exercer pacifiquement leur droit de grève qui est un moyen essentiel de promouvoir et de défendre leurs intérêts économiques et sociaux.

b) Le comité prie à nouveau le gouvernement de communiquer des résultats de l'enquête indépendante et impartiale qu'il lui a demandé de diligenter en vue de déterminer la nature de l'action de la police lors de son intervention pour briser une grève en 1995.

c) S'agissant de la mutation de M. Frantoma Bérété, le comité réitère sa conclusion antérieure selon laquelle l'intéressé devrait pouvoir être réintégré dans son poste s'il le désire.

Cas no 1890

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de l'Inde
présentée par
l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation,
de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac
et des branches connexes (UITA)

Allégations: licenciement et suspension de syndicalistes

348. Dans une communication du 29 mai 1996, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), au nom de son affilié, Fort Aguada Beach Resort Employees' Union (FABREU), a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Inde.

349. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication datée du 5 mars 1997 à laquelle étaient joints plusieurs documents.

350. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

351. Dans sa communication du 29 mai 1996, l'UITA indique que sa plainte se réfère à certaines violations des droits syndicaux à Fort Aguada Beach Resort, filiale du groupe Taj Hotel, le gouvernement de l'Inde n'ayant pas garanti totalement et efficacement les droits des dirigeants syndicaux pour leur permettre d'accomplir leur tâche dans un environnement sécuritaire.

352. Plus spécifiquement, l'UITA explique que M. Laximan Malwankar, valet de chambre depuis plus de dix ans, a été élu président du syndicat des employés de Fort Aguada Beach Resort (FABREU) à Goa, en Inde, le 17 août 1990. L'UITA allègue que M. Malwankar s'est, à plusieurs reprises, vu refuser du temps libre pour assister à des réunions avec la direction de l'entreprise ou pour accomplir son travail syndical. Elle fournit les exemples suivants à l'appui de ses allégations.

353. Premièrement, le responsable du service de nettoyage a refusé d'accorder à M.  Malwankar du temps libre pour assumer sa fonction syndicale en décembre 1992. Puis, en décembre 1993, M. Malwankar a essuyé un nouveau refus d'assister à une réunion du conseil d'administration de la caisse de prévoyance au sein duquel il venait d'être élu à la majorité des voix. En mai 1994, M. Malwankar a été informé qu'il serait transféré dans un autre hôtel appartenant au même groupe (Taj Coromandel Hotel à Madras). Cet ordre de transfert est intervenu à un moment capital pour le syndicat puisqu'il préparait son cahier de revendications en vue des négociations de juillet 1994. Selon l'UITA, c'était la première fois qu'un valet de chambre était envoyé en formation dans un autre hôtel du groupe Taj, tout comme c'était la première fois en dix ans de service pour M. Malwankar. En août 1994, la direction a demandé aux tribunaux de lui interdire définitivement l'accès à l'hôtel, ce qui fut fait.

354. L'UITA explique ensuite qu'un mot d'ordre de grève a été lancé par FABREU le 11 novembre 1994 suite à ces attitudes antisyndicales. FABREU a menacé de déclencher une grève si l'ordre de mutation de M.  Malwankar n'était pas annulé et si aucun accord n'intervenait concernant les cahiers de revendications. Suite au refus de la direction d'accéder à ces demandes, une grève a été lancée le 24 décembre 1994 à laquelle participèrent 150 employés (sur un effectif permanent de 204 personnes). A ce stade, la direction a demandé aux tribunaux d'interdire, pendant toute la durée de la grève, l'accès de l'hôtel à 133 des 150 employés grévistes avec obligation de ne pas approcher à moins de 300 mètres de l'hôtel.

355. L'UITA ajoute que M. Malwankar a reçu une lettre de licenciement le 16 janvier 1995. De plus, bien que la direction ait promis de satisfaire les demandes de FABREU lorsque la grève avait été interrompue le 5 avril 1995, elle avait néanmoins suspendu sept grévistes et en avait muté huit autres en avril 1995. Enfin, la direction avait informé le secrétaire général de FABREU qu'une nouvelle organisation de travailleurs appelée Fort Aguada Beach Resort Workers' Association avait été créée à l'hôtel et qu'elle avait signé avec elle un accord le 20 octobre 1995. En conséquence, la direction avait indiqué qu'elle ne reconnaissait plus FABREU et qu'elle cessait toute relation avec cette dernière.

356. L'UITA souligne que le nouveau syndicat n'a toujours pas été agréé par l'administration de Goa. De plus, malgré la pression énorme exercée sur les travailleurs pour qu'ils adhèrent à Fort Aguada Beach Resort Workers' Association et qu'ils se désaffilient à FABREU, 189 employés ont continué à payer leur cotisation annuelle à FABREU qui reste jusqu'à ce jour le seul syndicat enregistré de Fort Aguada Beach Resort. L'UITA ajoute que M. Laximan Malwankar étant protégé par la loi de 1947 sur les conflits du travail il ne pouvait être licencié sans l'accord préalable du Tribunal du travail. De plus, FABREU a vainement demandé à plusieurs reprises au commissaire à l'emploi de poursuivre la direction de Fort Aguada Beach Resort pour pratiques déloyales. Le commissaire n'a même pas répondu à la demande de FABREU qui souhaitait obtenir une copie de l'accord signé avec le syndicat plusieurs années auparavant. Il n'y eut aucune réponse non plus de la part du ministre du travail.

B. Réponse du gouvernement

357. Dans sa communication du 5 mars 1997, le gouvernement répond point par point aux allégations de l'UITA.

358. Concernant l'allégation selon laquelle le responsable du service de nettoyage a refusé d'accorder du temps libre à M. Laximan Malwankar en décembre 1992 pour qu'il remplisse sa fonction syndicale, le gouvernement indique que le premier refus à cet égard remonte à mai 1992, comme en témoigne la correspondance échangée entre l'employeur et le syndicat. Le gouvernement joint à sa réponse la correspondance échangée entre M. Malwankar et l'employeur: i) avis du 30 mai 1992 adressée par l'employeur à M. Malwankar; ii) lettre datée du 4 juin 1992 de M. Malwankar au directeur résident; iii) lettre de l'employeur datée du 6 juin 1992; iv) lettre du syndicat datée du 17 juin 1992; v) lettre de l'entreprise datée du 18 juin 1992; et vi) lettre du syndicat datée du 7 décembre 1992. Le gouvernement appelle particulièrement l'attention sur le paragraphe 14 de la lettre du syndicat datée du 7 décembre 1992 qui précise que: «Dans l'intervalle et devant la charge de travail syndical qui s'accumule, les membres du comité vous demandent donc par la présente de continuer à accorder du temps libre à notre président». Selon le gouvernement, ceci indique clairement que la direction permettait volontiers à M. Malwankar de prendre du temps libre pour se consacrer à son travail syndical et que le refus de la direction ne constituait qu'un incident isolé dû à l'attitude de M. Malwankar envers ses supérieurs, et notamment son refus d'obéir aux ordres dans le cadre de son travail.

359. Concernant le refus d'accorder du temps libre à M. Malwankar en décembre 1993 pour assister à une réunion du conseil d'administration de la caisse de prévoyance auquel il venait d'être élu, le gouvernement explique que M. Malwankar a été élu comme administrateur le 27 octobre 1993 et que son transfert vers un hôtel de Madras date du 3 mai 1994. Durant cette période, le conseil a tenu une seule réunion à laquelle il n'a pas assisté. Aucune preuve ne vient corroborer le fait qu'il ait demandé à la direction la permission d'assister à cette réunion et qu'il lui fut opposé un refus. La convocation à la réunion a été faite par le panneau d'affichage et elle impliquait que tous les membres devaient assister à cette réunion.

360. Concernant l'ordre de transfert transmis à M. Malwankar en mai 1994 alors que le syndicat préparait son cahier de revendications, le gouvernement fait remarquer que, conformément aux conditions d'emploi, les travailleurs sont susceptibles d'être transférés à des fins de formation, etc. M. Malwankar a donc été informé de son transfert en vue de suivre une formation de trois mois conformément aux conditions de son emploi. Il a refusé d'obéir aux ordres. Ce point a été débattu entre le syndicat et la direction, mais les deux parties n'ont pas réussi à s'entendre. En conséquence, le syndicat a lancé un préavis de grève le 11 novembre 1994 et la clause de temporisation de six semaines s'est terminée le 22 décembre 1994. L'entreprise a été déclarée service d'utilité publique au cours de cette période. Le gouvernement a porté le conflit devant le Tribunal du travail le 20 décembre 1994. Durant la période de six semaines, les travailleurs n'ont pas fait grève, mais ils l'ont déclenchée à l'expiration de ces six semaines, à savoir avec effet au 24 décembre 1994. De plus, le gouvernement prétend que la grève a commencé alors que le processus d'arbitrage était encore en instance.

361. Concernant le fait que M. Malwankar s'est vu interdire l'accès à l'hôtel en août 1994, le gouvernement fait les déclarations qui suivent. Après émission des avis de transfert de M. Malwankar à Madras pour suivre une formation, il a été rayé de l'établissement à Goa le 3 mai 1994 et prié de se présenter à l'hôtel de Madras. Il a refusé de se conformer à ces ordres. Par la suite, l'entreprise, alléguant qu'il pénétrait dans l'enceinte de l'hôtel et en perturbait le bon fonctionnement, a obtenu une injonction temporaire (le gouvernement joint une copie du jugement civil passé le 4 septembre 1994 ainsi qu'une décision intérimaire du 6 août 1994).

362. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la direction a interdit à 133 des 150 grévistes de pénétrer dans les locaux de l'hôtel, le gouvernement explique qu'au cours de la grève des violences mineures ont été signalées. Ces troubles pouvant rejaillir sur l'activité de l'hôtel en détournant les clients, la direction a obtenu une injonction interdisant aux grévistes d'approcher à moins de 500 mètres.

363. Concernant le préavis de licenciement reçu par M. Malwankar le 16 janvier 1995, le gouvernement précise que M. Malwankar, s'étant vu dresser procès-verbal, a été licencié le 16 janvier 1995. L'entreprise a demandé l'approbation de sa décision de licenciement conformément à l'article 33(b) de la loi sur les conflits du travail (le gouvernement joint une copie de la demande de l'entreprise datée du 16 novembre 1995 auprès du Tribunal du travail).

364. Le gouvernement se réfère ensuite à l'allégation selon laquelle, même si la grève a été suspendue le 5 avril 1995 avec promesse de la direction de satisfaire les demandes du syndicat, sept grévistes ont néanmoins été suspendus et huit autres transférés. Le gouvernement précise que, compte tenu de l'allégation relative à des actes de malveillance commis par certains travailleurs, la direction a dû prendre des mesures à l'encontre de 26 puis de 14 travailleurs. Puis un accord est intervenu entre les employés et la direction mettant fin à la grève le 5 avril 1995. Avant cet accord, la majorité des employés avait déjà rejoint leur poste de travail. L'accord a été conclu entre le syndicat et la direction grâce à l'intervention d'un médiateur, M. Pratap Masterjee. La direction a accepté d'abandonner les poursuites contre tous les employés, à l'exception de sept d'entre eux et huit autres étant assurés que les charges pesant contre eux seraient retirées s'ils acceptaient leur transfert. Les ordres de transfert ont été transmis, mais les quinze travailleurs ayant refusé d'obéir, ils font l'objet de poursuites (le gouvernement joint une copie de la lettre de M. Masterjee datée du 5 avril 1995 et de la lettre du syndicat en date du 5 avril 1995 annulant l'ordre de grève, ainsi que la liste des employés poursuivis).

365. Concernant l'attitude de la direction qui a signé un accord avec la Fort Aguada Beach Resort Workers' Association nouvellement formée le 20 octobre 1995 aboutissant à la destitution de FABREU, le gouvernement souligne que cet accord bilatéral a été signé conformément aux dispositions des articles 2(p) et 18(1) de la loi sur les conflits du travail. Ce syndicat a fait une demande d'enregistrement le 20 octobre 1995 et l'accord entre la direction et le syndicat est intervenu le jour même. Cet accord portait sur une demande de prime de 30 pour cent pour l'année 1994-95 et il a été conclu par l'octroi d'une prime de 20 pour cent (le gouvernement joint une copie de l'accord). Le gouvernement poursuit en précisant que tous les employés membres de Fort Aguada Beach Resort Workers' Association versent leur cotisation à cette association et qu'ils sont également membres de l'autre syndicat, à savoir FABREU. La nouvelle association a également abouti à un autre accord avec l'employeur sur le cahier de revendications conformément à l'article 2(p) de la loi de 1947 sur les conflits du travail. Le gouvernement a déjà transmis le cahier de revendications de FABREU, daté du 27 juin 1994, au Tribunal du travail pour décision.

C. Conclusions du comité

366. Le gouvernement note que les allégations dans la présente affaire se réfèrent à de nombreux actes de harcèlement et de discrimination antisyndicale à l'encontre de M. Laximan Malwankar, président de Fort Aguada Beach Resort Employees' Union (FABREU), à Goa en Inde. Ces allégations concernent également la suspension de sept membres de FABREU ainsi que le transfert de huit autres membres par la direction de Fort Aguada Beach Resort suite à un mouvement de grève déclenché par FABREU. Enfin, ces allégations portent sur la reconnaissance par la direction d'une nouvelle association au détriment de FABREU qui fut en conséquence destituée par la direction.

367. Concernant l'allégation selon laquelle M. Malwankar s'est vu, à plusieurs reprises, refuser du temps libre pour exercer son activité syndicale, le gouvernement indique que la seule et unique fois où M. Malwankar n'a pas été autorisé à remplir sa fonction syndicale fut en mai 1992 d'après la correspondance jointe à la réponse du gouvernement et échangée entre le syndicat et la direction. Pour preuve que M. Malwankar était habituellement autorisé par la direction à effectuer son travail syndical, le gouvernement se réfère en particulier au paragraphe 14 d'une lettre datée du 7 décembre 1992 et adressée à la direction par les membres du comité du syndicat. «Dans l'intervalle et devant la charge de travail syndical qui s'accumule, les membres du comité vous demandent donc par la présente de continuer à accorder du temps libre à notre président.» Le comité considère cependant que ce paragraphe ne constitue en aucun cas une preuve formelle de l'autorisation habituellement accordée par la direction à M. Malwankar pour qu'il puisse exercer ses activités syndicales car tous les autres paragraphes de cette lettre longue de trois pages semblent prouver le contraire (le texte de cette lettre est joint en annexe).

368. De plus, quant à l'allégation du refus de la direction d'accorder du temps libre à M. Malwankar en décembre 1993 pour qu'il assiste à une réunion du conseil d'administration de la caisse de prévoyance, le gouvernement confirme seulement que M. Malwankar n'était pas présent lors de cette réunion et ajoute qu'il n'y a aucune preuve de sa demande d'autorisation auprès de la direction et du refus de cette dernière. Le comité estime cependant qu'au vu de la lettre susmentionnée fournie par le gouvernement il ne s'agit là que d'un incident de plus pour illustrer la réticence de la direction à accorder à M. Malwankar du temps libre en vue de se consacrer à son activité syndicale. A cet égard, le comité rappelle que les dispositions pertinentes de la recommandation no 143 concernant les représentants des travailleurs dans l'entreprise et les facilités à leur accorder stipulent, entre autres, que les représentants des travailleurs dans l'entreprise devraient bénéficier, sans perte de salaire ni de prestations et avantages sociaux, du temps libre nécessaire pour pouvoir remplir leurs fonctions de représentation dans l'entreprise (paragr. 10(1)) et que, alors que les représentants des travailleurs pourront être tenus d'obtenir la permission de la direction avant de prendre ce temps libre, cette permission ne devrait pas être refusée de façon déraisonnable (paragr. 10(2)).

369. Concernant l'ordre de transfert adressé à M. Malwankar en mai 1994, le gouvernement indique que M. Malwankar a reçu l'ordre d'aller suivre une formation dans un autre hôtel du même groupe à Madras conformément aux conditions de son emploi. Le comité remarque cependant que M. Malwankar fut informé de son congé de formation de trois mois en mai 1994 et qu'en conséquence, s'il s'était plié à l'ordre de mutation, il aurait été absent pour préparer le cahier des revendications du syndicat et assister aux négociations avec la direction prévues pour juin 1994. Tout d'abord, le comité ne voit pas en quoi il était nécessaire de transférer M. Malwankar pour suivre une formation au moment même où le syndicat préparait son cahier de revendications. En outre, étant donné le harcèlement dont avait été auparavant victime M. Malwankar, le comité ne peut que conclure que l'ordre de mutation transmis à M. Malwankar en mai 1994 se fondait sur son statut de délégué syndical ainsi que sur ses activités syndicales. Quant au préavis de licenciement de M. Malwankar, le comité remarque que, dans la demande soumise par l'entreprise auprès du Tribunal du travail en vue d'obtenir l'autorisation de licenciement, le licenciement repose sur plusieurs actes de malveillance. Le comité observe cependant que le préavis de licenciement reçu par M. Malwankar le 16 janvier 1995 a été envoyé après le déclenchement, en novembre 1994, de la grève par les délégués syndicaux et les membres de FABREU et qu'il était motivé par le refus de la direction d'annuler l'ordre de transfert de M. Malwankar et la demande auprès des tribunaux en vue de lui interdire l'accès définitif à l'hôtel en août 1994. Le comité conclut encore une fois que le licenciement de M. Malwankar est dû à son statut de syndicaliste et à ses activités syndicales.

370. A cet égard, le comité souhaite rappeler que l'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, tels que le licenciement, la rétrogradation, la mutation et autres actes préjudiciables. Cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 724.] Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que M. Malwankar soit réintégré dans son poste de travail s'il le désire. Dans le présent cas, le comité note que l'entreprise a déposé une demande d'autorisation de licenciement devant le Tribunal du travail concernant M. Malwankar. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue de la procédure judiciaire.

371. Concernant l'allégation selon laquelle la direction a suspendu sept membres de FABREU et muté huit autres membres en avril 1995 malgré ses promesses initiales de satisfaire les demandes de FABREU lorsque la grève serait suspendue, le gouvernement reconnaît que la direction a bien agi de la sorte même si elle déclare l'avoir fait sur la base d'actes de malveillance commis par les employés concernés. Néanmoins, le comité ne peut que noter que la direction a demandé que des enquêtes soient conduites concernant des actes de malveillance commis par certains employés pendant la durée de la grève déclenchée par FABREU. Selon les dires du gouvernement, la direction a accepté d'abandonner les poursuites contre la majorité des employés uniquement après l'arrêt de la grève.

372. Le comité remarque que le gouvernement est aussi d'avis que la grève n'était pas légitime puisque l'industrie hôtelière a été déclarée d'utilité publique durant la période concernée et que le conflit a été porté devant le Tribunal du travail. Les travailleurs n'auraient donc pas dû déclencher une grève alors que les procédures étaient toujours en instance. Le comité souhaite cependant attirer l'attention sur le principe selon lequel l'arbitrage dont la sentence est obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail et à une grève n'est acceptable que s'il intervient à la demande des deux parties au conflit. Autrement, le recours à l'arbitrage obligatoire à la demande d'une seule des parties impliquées devrait être limité aux conflits dans la fonction publique à l'égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d'autorité au nom de l'Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption risquerait de mettre en danger dans tout ou partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 515.] L'industrie hôtelière n'entrant dans aucune des catégories mentionnées, le comité considère que la grève déclenchée par FABREU était légitime. A cet égard, le comité rappelle le principe selon lequel nul ne devrait faire l'objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. [Voir Recueil, op.cit., paragr. 590.] De plus, le comité considère que la protection contre les actes de discrimination antisyndicale doit couvrir non seulement le licenciement, mais aussi toute mesure discriminatoire qui interviendrait en cours d'emploi et, en particulier, les transferts, les rétrogradations et autres actes préjudiciables. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 695.] Le comité note que, dans le cas présent, 15 membres de FABREU ayant participé à la grève (parmi lesquels sept ont été suspendus et huit ont reçu un avis de transfert) font l'objet de poursuites à la demande de la direction. Le comité demande au gouvernement d'assurer que la direction abandonne les poursuites en cours à l'encontre des quinze membres de FABREU. Il demande également au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation. Enfin, le comité demande au gouvernement d'abroger la déclaration d'utilité publique de l'industrie hôtelière qui n'est pas un service essentiel au sens strict du terme où la grève peut être interdite.

373. Concernant l'allégation selon laquelle la direction a signé un accord le 20 octobre 1995 avec une nouvelle organisation appelée Fort Aguada Beach Resort Workers' Association et qu'elle ne reconnaîtra donc plus FABREU, le comité note que le gouvernement confirme que la direction a bien signé un accord avec cette association conformément aux dispositions de la loi sur les conflits du travail. Le gouvernement indique également que tous les membres de la nouvelle association sont également membres de FABREU. Quoiqu'il en soit, le comité estime que ce point est sans rapport avec la question de la destitution ou non de FABREU. En effet, le comité remarque que, selon les termes de l'accord du 20 octobre 1995 signé entre la direction et Fort Aguada Beach Resort Workers' Association, dont une copie est jointe par le gouvernement, il est précisé, entre autres, que: «... La direction devrait reconnaître l'association comme seul agent de négociation pour et au nom des employés engagés par l'entreprise.» Le comité a considéré, lors de précédentes affaires, que la reconnaissance par un employeur des principaux syndicats représentés dans son entreprise ou du plus représentatif d'entre eux constitue la base même de toute procédure de négociation collective des conditions d'emploi au niveau de l'établissement et que, là où, selon les systèmes en vigueur, le syndicat le plus représentatif jouit de droits préférentiels ou exclusifs de négociation, il importe que ce syndicat soit déterminé d'après des critères objectifs et préétablis, afin d'éviter toute possibilité de partialité ou d'abus. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 822 et 827.]

374. Dans le présent cas, même si Fort Aguada Beach Resort Workers' Association jouit certainement des droits de négociation exclusifs, il n'est pas sûr qu'elle soit le syndicat le plus représentatif ou que sa reconnaissance comme seul agent de négociation par la direction ait été déterminé en fonction de critères objectifs et préétablis. En effet, le comité note que, dans une lettre datée du 22 mai 1995 et adressée à la direction de Fort Aguada Beach Resort, certains employés de l'établissement exigent de la direction qu'elle tienne des négociations avec six autres travailleurs qu'ils ont désignés comme leurs représentants. Dans cette lettre (dont une copie est jointe par le gouvernement), ces employés déclarent en particulier qu'ils souhaitent un règlement direct à l'amiable avec la direction, puisque le cahier des revendications établi par FABREU au nom des employés en date du 27 juin 1994 est toujours en instance auprès du Tribunal du travail. Les employés concernés indiquent dans la lettre qu'ils ne peuvent attendre éternellement les décisions concernant le cahier des revendications. Alors que ces travailleurs font partie de Fort Aguada Beach Resort Workers' Association, le comité remarque que seuls 66 employés (dont les six représentants désignés) ont signé cette lettre. Le plaignant avait auparavant indiqué que l'effectif de FABREU comptait 189 employés. Bien que le plaignant n'ait fourni aucune preuve de sa déclaration, le comité remarque que, dans une lettre datée du 20 février 1997 et adressée au ministre fédéral du Travail, M. R.S. Mardolker, le commissaire au travail de l'administration de Goa indique lui-même que l'effectif de FABREU se situe aux alentours de 160 (le gouvernement joint une copie de cette lettre).

375. Pour les raisons susmentionnées, le comité se doit de conclure qu'aucun doute n'existe quant au fait que FABREU est le syndicat le plus représentatif à la Fort Aguada Beach Resort. Le comité estime en conséquence qu'en reconnaissant la Fort Aguada Beach Resort Workers' Association comme seul agent négociateur le jour même où cette association demandait son enregistrement, la direction a agi en violation du droit de négociation collective. Dans ces conditions, le comité demande instamment aux autorités de prendre les mesures conciliatoires appropriées pour obtenir la reconnaissance par l'employeur de FABREU aux fins de négociation collective.

Recommandations du comité

376. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Notant qu'une demande en vue d'obtenir l'approbation du licenciement de M. L. Malwankar, président de Fort Aguada Beach Resort Employees' Union (FABREU) a été porté par l'employeur devant le Tribunal du travail, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la procédure judiciaire en cours. Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que M. Malwankar soit réintégré dans son poste de travail s'il le désire.

b) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures appropriées pour s'assurer que les poursuites en cours demandées par la direction de Fort Aguada Beach Resort à l'encontre de 15 membres de FABREU qui ont suivi la grève soient abandonnées. Il demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.

c) Le comité demande au gouvernement d'abroger la déclaration d'utilité publique de l'industrie hôtelière qui n'est pas un service essentiel au sens strict du terme où la grève peut être interdite.

d) Enfin, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures de conciliation appropriées pour obtenir la reconnaissance par l'employeur de FABREU aux fins de la négociation collective. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation sur le sujet.


 Annexe

Syndicat des employés de Fort Aguada Beach Resort

(Enregistré conformément à la loi sur les syndicats, 1926)
Enregistrement no 140/23-8-1977

Date: 7 décembre 1992

M. le Directeur général régional
Fort Aguada Beach Resort
Sinquerim, Bardez, Goa

Monsieur,

Pressions exercées par la direction sur le président de notre syndicat

1. Nous faisons référence au dernier paragraphe de votre lettre du 18 juin 1992 adressée à notre président, reproduit ci-après pour mieux en apprécier le contenu:

A ce sujet, nous voudrions qu'il soit bien clair qu'à l'avenir, si votre chef de service vous refuse l'autorisation de vous absenter de votre poste pour accomplir votre travail syndical, vous en référerez au chef du personnel, au directeur résident ou à moi-même pour accord avant de vous investir dans vos tâches syndicales.

2. Nous faisons également référence aux derniers paragraphes de la lettre datée du 28 novembre 1992 adressée à notre président par M. R.D. Khosla, Directeur résident, reproduits aussi pour mieux apprécier les contradictions qu'ils contiennent:

Afin d'éviter les échanges verbaux de cette nature et d'établir des procédures permettant à la direction de décider si oui ou non vous pouvez bénéficier de temps libre, nous voudrions que vous respectiez les procédures suivantes:

1. Vous devrez soumettre, par écrit, à votre chef de service, la demande de temps libre en vue d'effectuer votre travail syndical.

2. La requête doit être soumise 24 heures avant l'heure à laquelle vous souhaitez être libéré.

3. Le chef de service doit donner sa réponse par écrit.

4. Dans le cas où, poussé par des contraintes de travail, votre chef de service vous refuserait ce temps libre, vous pouvez en aviser le signataire de cette lettre et vous ne pourrez pas abandonner votre poste.

3. Après examen des deux paragraphes précédents, le comité du syndicat dans son ensemble est unanime à penser que, d'une façon ou d'une autre, votre objectif essentiel est de contrarier les droits syndicaux du président et d'entraver sa liberté de mouvement, ce qui est en soi fort gênant. Vous avez en effet, volontairement ou non, manqué à l'honneur de notre syndicat en proférant des injures pernicieuses et injustifiées!

4. Les deux paragraphes ci-dessus sont la preuve tangible que l'hostilité que vous manifestez à l'égard de notre président n'a pas évolué dans le bon sens; au contraire, avec le temps, elle s'est durcie plus que jamais puisque désormais vous élaborez et appliquez de nouveaux modes de harcèlement beaucoup plus sournois. Voilà des méthodes, notez-le bien, qui vont à l'encontre de l'intérêt premier et de l'intégrité de notre syndicat. Vous semblez encore ignorer la profonde estime que lui portent vos employés, non pas parce qu'il est M. Laximar Malwankar, mais parce qu'ils l'ont élu président et que, quels que soient les facilités, les privilèges, le respect et les égards rattachés à la fonction de président du syndicat, c'est à M. Malwankar qu'ils échoient désormais parce qu'il est notre président, qu'il a été librement choisi et qu'il a droit au respect! Vous ne pouvez pas l'humilier comme vous le faites actuellement.

5. Malheureusement, ce que l'ensemble des membres du comité du syndicat, les employés et tout lecteur censé retiennent des deux lettres mentionnées ci-dessus, c'est votre acharnement délibéré et manifeste envers M. Malwankar, non pas l'employé mais le président syndical, et soyez assurés que nous déplorons tous votre attitude qui est globalement inadmissible. Si c'est là un échantillon des capacités ou des actions que nous réserve l'avenir, alors vous avez tort car la confrontation, que le syndicat a jusque là repoussée avec une infinie patience, devient alors inévitable.

6. Le syndicat ne pourra tolérer davantage que vous pensiez que le syndicalisme fait partie du décor et que vous tentiez d'imposer votre ignorance en matière syndicale en bafouant les statuts qui garantissent son intégrité, l'esprit du bien-être social qui l'anime ou encore les concessions mutuelles qui caractérisent les relations professionnelles basées sur le principe monolithique de la négociation collective que des hommes de loi respectables ont laborieusement imaginé, élaboré et développé au cours des quarante dernières années. Il est pourtant étonnant, pour ne pas dire stupéfiant, de vous voir faire une montagne d'un rien en essayant d'attirer l'attention sur le fondement même de notre syndicat et en vous en prenant à notre président. Si vous continuez dans cette voie sous le premier prétexte venu, vous sonnerez alors le glas des bonnes relations professionnelles que nous entretenions jusqu'alors!

7. Le directeur général régional désire que, si notre président n'est pas autorisé par son chef de service à effectuer son activité syndicale, il aille débusquer le directeur du personnel ou le directeur résident ou le directeur général régional et que, si aucun des trois n'est joignable à temps ou si aucun d'entre eux ne lui accorde son autorisation, alors il ne pourra pas se consacrer à son mandat syndical avec les conséquences qui s'imposent pour notre syndicat. Cette logique, de toute évidence, est trop rigide et nuit à la légitimité et à la légalité de notre syndicat et n'est donc pas acceptable puisqu'elle porte atteinte à nos intérêts.

8. Si vous vous en tenez aux restrictions excessivement drastiques et déloyales imposées par le directeur résident à notre président dans le cadre de son activité syndicale, alors vous ne pourrez empêcher le sabordage prématuré et inconscient des relations professionnelles et non de notre syndicat comme vous le croyez. Notre syndicat ne peut pas disparaître, les relations professionnelles, oui.

9. Il est utile de rappeler que le directeur général régional avait émis l'idée que lui seul déciderait d'accorder ou de refuser au président la permission d'effectuer son travail syndical. Mais, cette fois encore, il semble que l'idée soit reléguée au second plan pour laisser d'autres idées sur le devant de la scène! Quel formidable revirement! Mais il n'en demeure pas moins que, chaque fois que notre président a tenté de rencontrer le directeur général régional, ce dernier restait introuvable et que, à maintes reprises, les membres du comité ont dû vous approcher pour que vous acceptiez d'accorder du temps libre au président. Cette façon d'agir a souvent tourmenté nos esprits.

10. La question la plus pertinente est: Devons-nous conclure, au vu des deux lettres mentionnées ci-dessus, que notre président librement choisi et respecté de tous devrait se cantonner à son activité professionnelle? Souhaitez-vous agir en toute légalité en ce domaine? Le syndicat est déterminé à trouver une réponse dans le cadre de la législation du travail.

11. La question la plus importante est la suivante: Vous semble-t-il justifié de harceler avec tant d'imagination notre président dès que l'occasion se présente? Ne pensez-vous pas que les tactiques désastreuses que vous adoptez risquent de mettre en péril les relations professionnelles? On ne peut escamoter la question.

12. Enfin, nous voudrions rappeler que la situation difficile que nous sommes contraints de subir suite à votre refus d'accorder du temps libre à notre président affecte directement notre travail syndical, et les membres du comité ainsi que les employés ne peuvent tolérer plus longtemps une telle situation comme nous vous l'indiquions dans une précédente correspondance.

13. Nous sommes tous très perplexes, voire fatigués, par la rigueur de votre attitude envers le président de notre syndicat. Cette question pourrait donc être abordée lors d'une réunion du comité avec vous si vous consentiez à consacrer un peu de votre précieux temps à ce grave problème.

14. Dans l'intervalle et devant la charge de travail syndical qui s'accumule, les membres du comité vous demandent donc par la présente de continuer à accorder du temps libre à notre président.

15. Entre-temps, tâchez de régler rapidement le problème dans l'intérêt des relations professionnelles, qui ne peuvent être ni amicales, ni harmonieuses en l'absence de coopération syndicale.

Veuillez agréer nos salutations distinguées, pour Fort Aguada Beach Resort Employees' Union.

 

Secrétaire général,

Membre,

Vice-président,

Membre,

Président,

Membre,

Secrétaire adjoint,

Membre,

Trésorier,

Membre.

 

Cas no 1877

Rapport où le comité demande a être informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Maroc
présentée par
l'Union marocaine du travail (UMT)

Allégations: licenciements de grévistes et discrimination antisyndicale

377. Le 22 mars 1996, l'Union marocaine du travail (UMT) a déposé une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Maroc. Par une communication en date du 22 avril 1996, l'organisation plaignante a fait parvenir des informations complémentaires.

378. Dans une communication en date du 5 mars 1997, le gouvernement a fait parvenir ses observations.

379. L'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) se sont jointes à la plainte dans des communications des 26 et 29 mars 1996. Enfin, l'Union syndicale des travailleurs du Maghreb arabe (USTMA) a appuyé la plainte par une communication en date du 27 mars 1996.

380. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A.  Allégations de l'organisation plaignante

381. La plainte déposée par l'UMT se réfère à la détérioration du climat social au sein de deux usines de la société SOMADIR, à Casablanca et El Jadida, comptant respectivement 300 et 200 employés. L'organisation plaignante allègue des violations de la liberté syndicale qui auraient été commises par l'employeur au cours de la période couvrant les années 1994 à 1996.

A l'usine de Casablanca

382. L'organisation plaignante rappelle les événements qui ont mené à la fermeture de l'entreprise en février 1996. Dès mars 1994, les travailleurs de l'usine déclenchèrent une grève puisque aucune suite n'avait été donnée par la direction au cahier revendicatif déposé au mois de novembre précédent. A la suite de négociations, les parties ont néanmoins conclu une entente en avril 1994 satisfaisant en grande partie aux revendications des travailleurs, la direction de l'entreprise s'engageant à cette occasion à conclure une convention d'entreprise. L'organisation plaignante rapporte qu'aucune suite ne fut donnée à cette entente.

383. Les travailleurs de l'usine tinrent une série d'assemblées générales et déposèrent des motions revendicatives auprès de la direction. Une copie de ces motions fut également transmise à l'inspection du travail de Casablanca. Les revendications portaient notamment sur la titularisation des travailleurs temporaires, une augmentation générale des salaires, des indemnités journalières, mensuelles et annuelles, des aides sociales et une négociation d'un projet de convention d'entreprise. La direction de l'usine indiqua aux travailleurs en janvier 1996 qu'aucune augmentation de salaires ne serait accordée. En outre, elle annonça qu'elle avait déjà procédé à la rédaction du règlement intérieur qui allait être diffusé et appliqué au sein de l'entreprise.

384. Le 30 janvier 1996, les parties, incluant le directeur de l'usine, M. Mohammed Smires, se réunirent à l'inspection du travail. A cette occasion, le directeur de l'usine rejeta toute discussion concernant une augmentation salariale ou la conclusion d'une convention d'entreprise. Le 8 février, une autre réunion fut tenue en présence du délégué préfectoral de l'emploi de Casablanca au cours de laquelle M. Smires annonça l'intention de la direction de licencier 70 travailleurs et ajouta que la discussion ne porterait que sur l'identification des travailleurs qui feraient l'objet de cette mesure. La direction justifiait cette décision par le fait que la société allait mettre un terme à la production de levure sèche, d'alcool et de glycérine bien que, précise l'organisation plaignante, l'entreprise ait déjà cessé ses activités depuis plus de dix ans.

385. Le 15 février, une assemblée générale de l'ensemble du personnel fut tenue au siège de l'organisation plaignante à Casablanca au cours de laquelle il fut décidé de poursuivre l'action et d'envisager tous les moyens légaux de protestation pour mettre un terme à la politique de l'employeur.

386. L'organisation plaignante ajoute que les mesures antisyndicales se sont néanmoins multipliées par la suite. A titre d'exemple, le 19 février, M. Smires, après avoir menacé M. Mohammed Horane, machiniste et syndicaliste, lui aurait fait retirer sa carte de pointage et d'entrée. En signe de protestation, les collègues de travail de M. Horane observèrent une pause de cinq minutes. M. Smires répliqua en ordonnant l'arrêt de l'activité de tous les employés de bureau, soit une trentaine de personnes auxquelles il annonça que l'usine était fermée, leur retirant également leur carte de pointage. Informés, l'inspecteur du travail et le délégué préfectoral adjoint de l'emploi vinrent immédiatement sur les lieux. Après une rencontre avec le directeur de l'usine, les deux représentants du ministère de l'Emploi annoncèrent publiquement que tous les membres de la section syndicale de l'organisation plaignante étaient suspendus, soit MM. Mohammed Karim, Bouchaib Adrif, Abdelkébir Kaboul, Mohammed Fahmi, Allal Laouinate, Meziane Azzay, Abdelilah Marhoum, Brahim Achrait, Rachid Anaddam, Mustapha Bouachamia et Mohammed Boukhima. Ces syndicalistes se rendirent alors au siège de l'organisation plaignante à Casablanca d'où ils lancèrent un appel à la grève. La même journée, le directeur de l'entreprise ordonnait la fermeture de l'usine avec ordre de n'y laisser pénétrer personne.

A l'usine d'El Jadida

387. L'organisation plaignante souligne que le climat social s'est également détérioré à l'usine d'El Jadida. Aucune discussion n'a eu lieu à la suite du dépôt du cahier revendicatif en novembre 1995. Les travailleurs de l'usine se réunirent le 11 janvier 1996 et décidèrent que tous les moyens légaux devaient être pris aux fins d'inciter à l'ouverture des négociations. Malgré les procédures entreprises auprès des autorités publiques pour que soit notamment tenue une réunion de concertation sur le cahier revendicatif, aucune suite ne fut donnée aux démarches des travailleurs. Au contraire, la direction décida de suspendre MM. Bouchaib Moundir, chauffeur, et Hassan Raoui, et de licencier MM. Abderrahim Oussamam et Rachid Labed.

388. Le 5 février 1996, le chef du service administratif et financier, M. Mohammed Taher, informa les travailleurs du total rejet du cahier revendicatif et de la décision de licencier 30 salariés considérés en surnombre. Enfin, il ajouta que le propriétaire envisageait la fermeture de l'usine et l'importation de levure à partir de pays européens.

389. Le 22 février, un avis de grève fut déposé en protestation contre l'attitude de l'employeur et à titre de mouvement de solidarité avec les travailleurs de l'usine de Casablanca. Avant que la grève ne débutât le 26 février, l'organisation plaignante précise que les travailleurs prirent toutes les mesures nécessaires pour laisser les machines de l'usine en bon ordre.

390. Malgré ces mesures, la direction de l'usine adressa des avis de suspension et de licenciement, datés respectivement des 26 février et 12 mars 1996, à huit délégués du personnel, dont cinq également délégués syndicaux de l'organisation plaignante: MM. El Mustapha Achoute, Abderrassoul Ghazza, Najib Boudriga, Abdellah El Hassi, Mohammed Mifdal, Jamal Bella, Ahmed Nouamane et Saad Taha. Parmi eux, M. Abderrassoul Ghazza était en congé annuel et MM. Jamal Bella et Abdellah El Hassi ne se trouvaient pas à l'usine au moment de l'arrêt de travail.

391. L'organisation plaignante conclut qu'à la suite de la double fermeture des usines de Casablanca et d'El Jadida la levure a disparu des circuits officiels de distribution au Maroc. Elle ajoute que les plus hautes autorités publiques ont été informées de la situation et qu'une campagne nationale et internationale de solidarité avec les travailleurs de SOMADIR a été déclenchée en vue de la réintégration immédiate et inconditionnelle des syndicalistes et de tous ceux qui auraient été licenciés illégalement. L'organisation plaignante allègue que la situation est demeurée inchangée au cours du mois de mars 1996, et que la direction de SOMADIR refuse de reprendre les activités de production de levure, tous les délégués syndicaux et les délégués du personnel des usines visées (12 travailleurs à Casablanca et 8 travailleurs à El Jadida) ainsi que 45 autres travailleurs ne sont pas définitivement licenciés.

B.  Réponse du gouvernement

392. Dans sa réponse, le gouvernement explique que le conflit en question est causé par le fait que la direction de la société SOMADIR estime que la situation financière de l'entreprise ne permet pas de satisfaire aux revendications des employés, alors que ces derniers insistent sur la prise en considération de leurs demandes puisqu'ils estiment, sur la base de calculs, que la situation financière de l'entreprise se serait au contraire améliorée.

393. Le gouvernement précise que, dès l'apparition du différend entre les parties, l'inspection du travail a pris l'initiative d'organiser deux réunions de conciliation en vue de trouver un règlement. Elles n'aboutirent malheureusement pas, la direction manifestant même son intention de se départir d'une partie de ses effectifs (70 travailleurs sur 390).

394. Le gouvernement considère que cette divergence de positions est la cause principale de la tension qui s'est installée entre les parties et qui a entraîné le licenciement d'un représentant des travailleurs à la suite d'une altercation verbale avec le directeur de l'usine à Casablanca. En signe de solidarité, les travailleurs de l'usine se sont alors mis en grève. Le gouvernement rappelle que la direction aurait par la suite licencié tous les représentants des travailleurs sous prétexte d'incitation à l'arrêt de travail, sans préavis ni considération des pertes que pouvait entraîner cette mise à pied. Le gouvernement insiste sur le fait que l'inspection du travail a alors intensifié ses contacts avec les parties aux fins de trouver une solution à ce différend. Il précise que l'inspection du travail n'a du reste jamais donné son aval à la mise à pied des représentants des travailleurs.

395. Enfin, le gouvernement conclut que, dans le but d'inciter les parties concernées à coopérer afin de trouver une solution au différend qui les oppose, la question a été soumise au Conseil consultatif pour la promotion du dialogue social, formé de représentants du ministère concerné, des organisations professionnelles et syndicales.

C.  Conclusions du comité

396. Le comité observe que le présent cas concerne des mesures antisyndicales, prises par la direction des usines de la société SOMADIR à Casablanca et El Jadida, contre les travailleurs, et notamment contre les dirigeants syndicaux et les délégués du personnel au cours de la période couvrant les années 1994 à 1996, et l'incapacité des autorités publiques à régler le différend.

397. Le comité note que le dépôt du cahier des revendications par les travailleurs des usines de Casablanca et d'El Jadida est à l'origine de l'exacerbation du conflit les opposant avec la direction. Selon les informations transmises par le gouvernement, l'employeur estime que la situation financière de la société ne permet pas de satisfaire aux revendications des travailleurs, alors que ces derniers soutiennent au contraire que les résultats sont en progression et autorisent dès lors l'amélioration de leurs conditions de travail.

398. Le comité déplore les mesures prises par la direction des deux usines contre les travailleurs, et notamment celles dirigées contre les délégués du personnel et les représentants syndicaux qui ont abouti à la fermeture des deux usines. Plus précisément, le comité relève qu'à l'usine de Casablanca les parties auraient conclu une entente en avril 1994 à laquelle aucune suite n'a été donnée par la direction. Au contraire, le comité relève que la direction a pris des mesures contre les représentants syndicaux de l'usine de Casablanca en retirant, en février 1996, la carte de pointage et d'entrée de M. Mohammed Horane, syndicaliste, et en suspendant tous les membres de la section syndicale de l'organisation plaignante, soit MM. Mohammed Karim, Bouchaib Adrif, Abdelkébir Kaboul, Mohammed Fahmi, Allal Laouinate, Meziane Azzay, Abdelilah Marhoum, Brahim Achrait, Rachid Anaddam, Mustapha Bouachamia et Mohammed Boukhima.

399. Pour ce qui est de l'usine d'El Jadida, le comité observe la même dégradation dans les relations entre la direction et les travailleurs qui a résulté, en janvier 1996, à la suspension de MM. Bouchaib Moundir et Hassan Raoui ainsi qu'au licenciement de MM. Abderrahim Oussamam et Rachid Labed; en février 1996, au licenciement de 30 salariés considérés par la direction en surnombre et, enfin, les 26 février et 12 mars 1996, à l'envoi d'avis de suspension et de licenciement à huit délégués du personnel dont cinq également délégués syndicaux, soit MM. El Mustapha Achoute, Abderrassoul Ghazza, Najib Boudriga, Abdellah El Hassi, Mohammed Mifdal, Jamal Bella, Ahmed Nouamane et Saad Taha.

400. Le comité rappelle qu'aux termes de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par le Maroc les travailleurs ne doivent pas faire l'objet d'actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. Le comité relève que, dans de nombreux cas concernant le Maroc et notamment dans les deux plus récents, il a fait état de sa vive préoccupation compte tenu de la gravité des allégations de discrimination antisyndicale dont il était saisi. [Voir cas nos 1687 et 1691, 305e rapport, paragr. 397 à 412.] En outre, il note avec regret que, malgré le fait que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations demande depuis de nombreuses années de renforcer les dispositions législatives (notamment le dahir no 1-58-145 du 29 novembre 1960) aux fins de garantir aux travailleurs, en droit comme en fait, une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale, aucun progrès tangible n'a jusqu'à maintenant été enregistré.

401. Vu l'absence d'informations permettant de démontrer la légitimité des mesures de suspension et de licenciement prises par la direction de la société SOMADIR et les allégations de l'organisation plaignante confirmées par le gouvernement selon lesquelles ces mesures étaient précisément dirigées contre les syndicalistes, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs qui ont été licenciés ou suspendus en raison de leurs activités syndicales légitimes, notamment MM. Mohammed Horane, Mohammed Karim, Bouchaib Adrif, Abdelkébir Kaboul, Mohammed Fahmi, Allal Laouinate, Meziane Azzay, Abdelilah Marhoum, Brahim Achrait, Rachid Anaddam, Mustapha Bouachamia, Mohammed Boukhima, Bouchaib Moundir, Hassan Raoui, Abderrahim Oussamam, Rachid Labed, El Mustapha Achoute, Abderrassoul Ghazza, Najib Boudriga, Abdellah El Hassi, Mohammed Mifdal, Jamal Bella, Ahmed Nouamane et Saad Taha, soient réintégrés sans délai dans leur poste de travail, s'ils le désirent. Egalement, le comité rappelle qu' «il est nécessaire que la législation établisse d'une manière expresse des recours et des sanctions suffisamment dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale afin d'assurer l'efficacité pratique des articles 1 et 2 de la convention no 98». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 743.] Dans ce contexte, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la société SOMADIR n'ait pas recours à des actes de discrimination antisyndicale et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

402. En outre, le comité relève l'implication des autorités publiques dans le différend et leur incapacité à inciter les parties à le régler. Le gouvernement reconnaît que la direction des usines aurait licencié tous les représentants des travailleurs sous prétexte d'incitation à l'arrêt de travail, mais insiste sur le fait que l'inspection du travail n'a jamais donné son aval à une telle mesure. La question a été soumise au Conseil consultatif pour la promotion du dialogue social, la décision étant toujours attendue. Le comité prend note de cette information et prie le gouvernement de transmettre une copie de la décision dès qu'elle sera rendue.

403. Enfin, le comité rappelle que, pour que la protection contre les actes de discrimination antisyndicale soit effectivement assurée, les méthodes adoptées peuvent varier d'un Etat à l'autre mais, si de tels actes se produisent, «le gouvernement intéressé doit, quelles que soient les méthodes utilisées normalement, prendre toutes les mesures qui s'avèrent nécessaires pour remédier à cette situation». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 737.] Le gouvernement a en effet la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale contre les travailleurs; il doit s'assurer qu'il existe dans la législation et dans la pratique des procédures promptes, facilement accessibles, non seulement impartiales mais considérées comme telles par les parties concernées et auxquelles les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales peuvent avoir recours. Le comité prie dès lors le gouvernement de prendre toutes les mesures appropriées à cet égard. Le comité rappelle au gouvernement que l'assistance technique du BIT est à sa disposition, et il attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect du cas.

Recommandations du comité

404. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Rappelant que le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale contre les travailleurs et qu'à cet égard il doit s'assurer qu'il existe dans la législation et dans la pratique des procédures promptes, facilement accessibles, non seulement impartiales mais considérées comme telles par les parties concernées et auxquelles les travailleurs peuvent avoir recours, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures appropriées à cet égard. Le comité rappelle au gouvernement que l'assistance technique du BIT est à sa disposition, et il attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect du cas.

b) Rappelant qu'aux termes de la convention no 98 les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs qui ont été licenciés ou suspendus en raison de leurs activités syndicales légitimes, notamment MM. Mohammed Horane, Mohammed Karim, Bouchaib Adrif, Abdelkébir Kaboul, Mohammed Fahmi, Allal Laouinate, Meziane Azzay, Abdelilah Marhoum, Brahim Achrait, Rachid Anaddam, Mustapha Bouachamia, Mohammed Boukhima, Bouchaib Moundir, Hassan Raoui, Abderrahim Oussamam, Rachid Labed, El Mustapha Achoute, Abderrassoul Ghazza, Najib Boudriga, Abdellah El Hassi, Mohammed Mifdal, Jamal Bella, Ahmed Nouamane et Saad Taha, soient réintégrés sans délai dans leur poste de travail, s'ils le désirent. Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la société SOMADIR n'ait pas recours à des actes de discrimination antisyndicale et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

c) Notant que le différend opposant les travailleurs à la direction de la société SOMADIR a été soumis au Conseil consultatif pour la promotion du dialogue social, le comité prie le gouvernement de transmettre une copie de la décision dès qu'elle sera rendue.

Cas no 1907

Rapport où le comité demande a être tenu
informé de l'évolution de la situation
Plainte contre le gouvernement du Mexique
présentée par
le Syndicat national révolutionnaire des travailleurs
des transports et activités apparentées
de la République mexicaine (section 10) (CTM)

Allégations: violation du droit de grève

405. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication du Syndicat national révolutionnaire des travailleurs des transports et activités apparentées de la République mexicaine (section 10) (CTM) du 7 novembre 1996. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication du 3 mars 1997.

406. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais non la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

407. Dans sa communication du 7 novembre 1996, le Syndicat national révolutionnaire des travailleurs des transports et activités apparentées de la République mexicaine (section 10) (CTM) indique que, le 18 avril 1995, conformément à la législation fédérale du travail, les entreprises de transport Tres Estrellas de Oro S.A. de C.V. et Corsarios del Bajío S.A. de C.V. ont été informées que, si elles ne révisaient pas les dispositions salariales du contrat collectif de travail, une grève serait déclenchée. Les entreprises en question ayant refusé de répondre à cette requête, les travailleurs se sont mis en grève le 21 juin 1995. Le 10 août 1995, le Conseil fédéral de conciliation et d'arbitrage (JFCA) a déclaré la grève légale. Les entreprises ont fait appel aux tribunaux mais ont été débouteés, à la suite de quoi elles ont accepté les revendications des travailleurs et ont demandé au JFCA qu'il donne instruction aux grévistes de reprendre le travail dans un délai de vingt-quatre heures.

408. L'organisation plaignante indique que, le 13 février 1996, le JFCA a demandé que les travailleurs reprennent le travail dans les vingt-quatre heures suivant la notification de la décision du syndicat. L'organisation plaignante indique que la décision a été notifiée au secrétaire général du syndicat le 15 février 1996, mais que celui-ci, de connivence avec les patrons, s'est abstenu d'en informer les grévistes. Dans ces conditions, le 18 février, les grévistes n'ont pas été admis à leurs postes de travail. L'organisation plaignante indique qu'elle a de nouveau sollicité le JFCA pour qu'il fixe une nouvelle date de reprise du travail, ce qu'il a fait, mais que les entreprises ont fait appel de cette décision et ont obtenu gain de cause; en conséquence de quoi le JFCA a confirmé le délai initial de vingt-quatre heures fixé le 13 février 1996.

B. Réponse du gouvernement

409. Dans sa communication du 3 mars 1997, le gouvernement indique que le Conseil fédéral de conciliation et d'arbitrage (JFCA), autorité habilitée à connaître des conflits collectifs du travail, a déclaré légale la grève déclenchée par les travailleurs le 21 juin 1995, vu qu'elle était conforme aux dispositions de forme et de fond énoncées dans la législation fédérale du travail. Il faut signaler qu'avant d'aboutir à cette décision le JFCA a refusé, le 10 août 1995, de déclarer la grève illégale malgré la demande présentée à cet effet par les entreprises le 23 juin; que, le 30 août 1996, il a jugé irrecevable la demande en nullité présentée le 18 août 1996 par les entreprises; que, le 31 janvier 1996, il a rejeté une nouvelle demande, preésentée le 10 octobre 1995, visant à ce que l'objet de la grève soit déclaré illicite. Le gouvernement ajoute que, le 2 février 1996, les entreprises ont accepté, sans y changer un seul mot, le cahier de revendications des travailleurs à l'origine de la grève; elles ont présenté un organigramme du personnel où figurait le salaire de chaque travailleur et ont envoyé à chacun deux chèques: l'un correspondant aux salaires échus entre le 21 juin 1995 et le 2 février 1996 et l'autre aux étrennes de 1995. Le gouvernement indique que, dans ces conditions, le conflit du travail n'avait plus de raison d'être, d'où la décision prise le 13 février 1996 par le JFCA d'ordonner la reprise du travail dans les vingt-quatre heures suivant la notification au syndicat qui avait déclenché la grève. Le secrétaire général du syndicat, dûment accrédité pour toutes les procédures pertinentes et par conséquent autorisé à recevoir toutes notifications, a reçu la notification du JFCA personnellement le 15 février 1996.

410. Le gouvernement indique que plusieurs travailleurs ont fait valoir qu'ils n'avaient pas été informés par le secrétaire général du syndicat du délai fixé pour la reprise du travail et ont demandé au JFCA de fixer un nouveau délai. Le JFCA, soucieux de remédier à tout défaut de communication de la part du secrétaire général et d'éviter que les travailleurs demeurent sans défense, a répondu favorablement à cette requête le 21 février 1996, fixant le nouveau délai au 23 février, à 21 heures. Le gouvernement signale que les entreprises ont interjeté un recours en annulation contre cette décision, recours que les tribunaux du travail des premier et deuxième district ont accepté respectivement les 14 et 19 mars 1996. En avril 1996, tant les autorités du JFCA que les dirigeants de la section 10 du syndicat ont contesté ces décisions et présenté des recours en révision. Le septième Tribunal collégial du travail qui s'est saisi de ces recours en révision, en toute compétence et autonomie, a confirmé les décisions d'annulation. Cette confirmation a eu pour effet: a) de rendre sans effet la décision du JFCA du 21 février 1996 qui fixait un nouveau délai pour la reprise du travail; b) de confirmer sa décision du 13 février octroyant un délai de vingt-quatre heures aux travailleurs pour reprendre le travail.

411. Le gouvernement signale que le Tribunal collégial a fondé sa décision sur le fait que les demandeurs n'ont pu faire la preuve ni de la personnalité juridique dont ils se prévalaient ni de leur intérêt juridique dans les affaires en question, étant donné que depuis le début du conflit seuls étaient accrédités le secrétaire général du syndicat et les représentants légaux désignés par lui, parmi lesquels ne figuraient pas les membres de la section 10. Le tribunal ne pouvait octroyer la raison juridique à qui n'était pas partie aux procès; et cela d'autant moins que les notifications ont été adressées personnellement au représentant légal des travailleurs. Il n'existe aucune voie de recours contre cette décision du septième Tribunal collégial; autrement dit, cette décision est passée en force de chose jugée et, d'un point de vue juridique, le conflit est terminé.

412. Le gouvernement indique que le contrat des travailleurs qui n'ont pas repris le travail dans le délai de vingt-quatre heures fixé par le JFCA, conformément à la décision du septième Tribunal collégial, a été résilié et qu'ils ont été convoqués devant le JFCA pour recevoir les chèques qui n'avaient pas été versés du fait de la grève ainsi que les étrennes correspondant à 1995. Le gouvernement ajoute que le JFCA a pris ses décisions et s'est prononcé en faveur des travailleurs en conformité avec la législation applicable, et que les organes compétents de la Cour suprême de justice (tribunaux de district et Tribunal collégial) ont également agi en conformité avec la législation, et qu'ils ont tranché en toute autonomie et de plein droit dans les cas de recours en annulation et en révision dont ils ont été saisis (y compris par le JFCA).

C. Conclusions du comité

413. Le comité observe que dans le présent cas l'organisation plaignante indique que les entreprises de transport Tres Estrellas de Oro S.A. de C.V. et Corsarios del Bajío S.A. de C.V. ont refusé de réintégrer des travailleurs qui avaient participé à une grève dans le secteur du transport. L'organisation plaignante attribue leur licenciement au fait que le secrétaire général du syndicat, de connivence avec la direction de ces entreprises, n'a pas informé les grévistes du délai (vingt-quatre heures) fixé par le Conseil fédéral de conciliation et d'arbitrage pour la reprise du travail après que les entreprises eurent accepté les revendications du syndicat.

414. Le comité observe qu'il ressort de la réponse du gouvernement que: 1) la grève déclenchée par le Syndicat national des travailleurs des transports et activités apparentées de la République mexicaine a été déclarée légale par le Conseil fédéral de conciliation et d'arbitrage (JFCA) en dépit des recours présentés par les entreprises en question; 2) les entreprises ont par la suite fait droit aux revendications des grévistes; 3) de ce fait, le Conseil fédéral de conciliation et d'arbitrage (JFCA) a ordonné la reprise du travail dans un délai de vingt-quatre heures le 13 février 1996; 4) cette décision a été notifiée au secrétaire général du syndicat le 15 février 1996; 5) quelques travailleurs membres du syndicat ont indiqué qu'ils n'avaient pas été informés de cette décision par le secrétaire général et ont demandé au JFCA de fixer un nouveau délai pour la reprise du travail, mais les entreprises s'y sont opposées et leur recours a été jugé recevable par le tribunal qui a confirmé le délai de vingt-quatre heures initialement fixé par le JFCA; 6) le contrat de travail des grévistes qui n'avaient pas repris le travail dans le délai de vingt-quatre heures fixé par le Conseil fédéral de conciliation et d'arbitrage (JFCA) a été considéré comme annulé; ces travailleurs ont perçu le paiement des jours de grève ainsi que les étrennes correspondant à 1995.

415. Dans cette affaire, le comité observe que, les travailleurs en grève n'ont pas respecté le délai de vingt-quatre heures fixé par le Conseil fédéral de conciliation et d'arbitrage (JFCA) parce que, selon l'organisation plaignante, ils n'ont pas été informés de cette décision (le secrétaire général du syndicat aurait omis de notifier ce délai aux grévistes parce qu'il était de connivence avec la direction des entreprises). Par ailleurs, le comité observe que, quelques jours après la notification au secrétaire général du syndicat de la décision du Conseil fédéral de conciliation et d'arbitrage (JFCA), les grévistes ont montré clairement qu'ils souhaitaient réintégrer leur poste, et de fait ils se sont adressés à cet effet au JFCA.

416. De l'avis du comité, le défaut de communication entre le secrétaire général du syndicat et les grévistes concernant la date à laquelle ces derniers devaient reprendre le travail n'aurait pas dû entraîner une décision aussi grave que celle de mettre fin au contrat de travail des grévistes, compte tenu en particulier de ce que: 1) l'organisation plaignante maintient que ce défaut de communication s'explique par la connivence du secrétaire général avec la direction des entreprises; 2) cette affirmation de l'organisation plaignante n'a pas été démentie par le gouvernement; 3) les grévistes n'avaient aucun intérêt, bien au contraire, à poursuivre la grève étant donné que les entreprises avaient accepté leurs revendications. Dans ces conditions, étant donné que dans le présent cas les autorités ont déclaré la grève légale, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures pour que les travailleurs des entreprises de transport Tres Estrellas de Oro S.A. de C.V. et Corsarios del Bajío S.A. de C.V. qui ont participé à la grève et qui ne sont pas retournés au travail dans un délai de vingt-quatre heures puissent réintégrer leurs postes de travail. S'il n'était pas possible pour le gouvernement de se conformer à cette recommandation, le comité le prie de l'informer des difficultés légales qui l'empêchent de réintégrer les travailleurs dans leurs postes de travail.

Recommandation du comité

417. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Le comité demande au gouvernement de faire tout son possible pour que les travailleurs des entreprises de transport Tres Estrellas de Oro S.A. de C.V. et Corsarios del Bajío S.A. de C.V., qui ont participé à la grève et qui ne sont pas retournés au travail dans un délai de vingt-quatre heures puissent réintégrer leurs postes de travail. S'il n'était pas possible pour le gouvernement de se conformer à cette recommandation, le comité le prie de l'informer des difficultés légales qui l'empêchent de réintégrer les travailleurs dans leurs postes de travail.

Cas no 1864

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Paraguay
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: arrestations, agressions et menaces à l'encontre
de syndicalistes motivées par des grèves

418. La plainte figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), datée du 22 décembre 1995. La CISL a envoyé de nouvelles allégations par des communications du 1er avril et du 31 mai 1996. Le gouvernement a envoyé des observations partielles dans une communication du 24 avril 1996.

419. Compte tenu de l'absence de réponse du gouvernement sur la majeure partie des questions en instance, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à deux reprises. De même, lors de sa réunion de mars 1997, le comité a appelé l'attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration lors de sa 184e session (novembre 1971), il pourrait présenter à sa prochaine session un rapport sur le fond de l'affaire, même si les informations attendues du gouvernement ne sont pas reçues à temps. [Voir 306e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 268e session, mars 1997, paragr. 9.] A ce jour, les informations complètes du gouvernement n'ont pas encore été reçues.

420. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

421. Dans sa communication du 22 décembre 1995, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) allègue que, le 15 août 1995, les travailleurs affiliés au Syndicat des ouvriers unis de l'entreprise Exportations de viande du Paraguay (EXPCAR), dont le siège se trouve dans la localité de Piquete Cué, ont déclenché une grève générale pour revendiquer le paiement des prestations familiales, des heures supplémentaires, du travail de nuit, de la sécurité sociale obligatoire et du salaire minimum légal. Les travailleurs ont suspendu la grève le 24 août 1995, après avoir conclu un accord avec l'employeur. Cependant, le 25 septembre 1995, la grève a repris pour une durée indéterminée au motif que les accords signés n'avaient pas été respectés. La CISL fait savoir que les grévistes avaient occué d'arrêter 15 syndicalistes, dont le secrétaire général. Le 24 octobre 1995, ils ont été arrêtés brutalement, puis transférés à la prison nationale, et ils ont été libérés le 18 novembre 1995. Par ailleurs, six femmes affiliées au syndicat et qui faisaient une grève de la faim ont été hospitalisées dans un service de soins intensifs le 24 novembre 1995 compte tenu de la gravité de leur état de santé.

422. Par ailleurs, la CISL allègue, dans sa communication du 1er avril 1996, qu'un jour avant la grève décidée par les confédérations syndicales nationales pour le 28 mars 1996, M. Gerónimo López, secrétaire général de la Confédération paraguayenne des travailleurs (CPT), a été agressé physiquement et verbalement, et menacé à l'arme blanche par un individu nommé Arnaldo Acosta et quatre autres qui, agissant au nom du ministère de la Justice et du Travail, ont proféré injures et insultes au siège même de la CPT. Entre autres menaces, M. López a été averti que la grève du 28 mars 1996 serait sa dernière action syndicale puisque le ministre de la Justice et du Travail se chargerait de démanteler la CPT.

423. Enfin, dans sa communication du 31 mai 1996, la CISL allègue que, lors d'une grève nationale décrétée pour les 2 et 3 mai 1996 par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) -- affiliée à la CISL --, et par trois autres confédérations syndicales nationales pour protester contre la politique économique du gouvernement, des unités de la police nationale ont déclenché une répression brutale contre les dirigeants syndicaux, les paysans et les étudiants qui participaient à une marche pacifique. Ces unités de police ont arrêté une centaine de personnes dont MM. Alan Flores, président de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), et Eduardo Ojeda, dirigeant de la Centrale nationale des travailleurs (CNT), qui ont été sauvagement battus par plus de 15 policiers lors de leur arrestation. Ils ont été libérés, après une détention de plus de douze heures.

B. Réponse du gouvernement

424. Dans sa communication du 24 avril 1996, le gouvernement envoie les informations communiquées par les autorités de police et de justice sur le conflit violent qui a éclaté entre MM. Gerónimo López Gómez (secrétaire général de la Confédération paraguayenne des travailleurs (CPT)) et Arnaldo Rafael Acosta Getto (secrétaire de l'organisation de la CPT). Selon ces informations, M. López Gómez a empêché M. Acosta d'entrer dans les locaux de la CPT alors qu'une réunion s'y déroulait, qui traitait des thèmes relatifs à la grève du 28 mars 1996; un échange de coups s'est ensuivi, au cours duquel les adversaires ont tous deux été blessés. Ils ont été arrêtés puis remis en liberté par l'autorité judiciaire.

C. Conclusions du comité

425. En premier lieu, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas communiqué ses observations sur la majorité des questions en suspens en dépit du temps qui s'est écoulé depuis la présentation de la plainte et en dépit du fait qu'il a été invité à faire ses commentaires à plusieurs reprises, y compris par un appel d'urgence.

426. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable [voir paragr. 17 du 127e rapport, approuvé par le Conseil d'admnistration à sa 184e session (novembre 1971)], le comité se voit dans l'obligation de présenter un rapport sur le fond de cette affaire sans pouvoir disposer des informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.

427. Le comité rappelle au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait; ainsi, le comité est convaincu que, si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées et portant sur des faits précis concernant le fond des allégations. [Voir premier rapport, paragr. 31, approuvé par le Conseil d'administration en mars 1952.]

428. Le comité observe avec préoccupation que, dans le cas présent, l'organisation plaignante a allégué divers actes de violence, des arrestations et des menaces à l'encontre de syndicalistes, motivés par des grèves.

429. Pour ce qui est des allégations d'agressions et de menaces dont a été victime M. Gerónimo López, secrétaire général de la CPT, le comité prend note du fait que, selon la documentation policière et judiciaire envoyée par le gouvernement, l'agression est le fait du secrétaire de l'organisation de la CPT, lorsqu'on l'a empêché d'entrer dans les locaux de la CPT pendant une réunion traitant de certains aspects de la grève qui devait avoir lieu le 28 mars 1996, cette agression s'est soldée par des blessures pour les deux adversaires. A cet égard, le comité rappelle qu'il ne lui appartient pas d'examiner les questions qui s'inscrivent dans des conflits internes des syndicats, et il décide donc de ne pas poursuivre l'examen de cette allégation.

430. Quant à l'allégation relative à la répression qui a eu lieu en octobre 1995 à l'encontre des travailleurs qui participaient à la grève au sein de l'entreprise EXPCAR (plusieurs personnes ont été blessées et 15 syndicalistes ont été arrêtés, puis libérés trois semaines plus tard), le comité souligne la longue période pendant laquelle les syndicalistes ont été détenus et prie le gouvernement de confirmer qu'ils ne font l'objet d'aucune accusation pénale.

431. En ce qui concerne l'agression et l'arrestation de centaines de personnes -- dont Alan FLores, président de la CUT, et Eduardo Ojeda, dirigeant de la CNT -- et leur détention qui a duré plus de douze heures, au motif qu'ils avaient participé à une manifestation s'inscrivant dans le cadre d'une grève de protestation contre la politique économique du gouvernement au début mai 1996, le comité déplore le recours à la violence et à la détention d'un grand nombre de personnes mais observe que les personnes arrêtées ont été remises en liberté.

432. Compte tenu de l'absence de réponse du gouvernement sur les allégations d'agression et de détention mentionnées dans les paragraphes précédents, le comité ne peut que déplorer l'action des autorités et demander au gouvernement qu'il prenne des mesures pour que les unités de police s'abstiennent de recourir à la violence et d'arrêter les travailleurs qui exercent des activités syndicales légitimes, et qu'il ouvre des enquêtes concernant les actes de violence allégués. A cet égard, le comité signale à l'attention du gouvernement que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 47.] Le comité souligne également que la détention de dirigeants syndicaux pour activités liées à l'exercice de leurs droits syndicaux dont le droit de grève est contraire aux principes de la liberté syndicale [voir Recueil de décisions, op. cit., paragr. 69.] et que les mesures privatives de liberté contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil de décisions, op. cit., paragr. 77.]

Recommandations du comité

433. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité déplore que, bien qu'il ait lancé un appel d'urgence au gouvernement, ce dernier n'ait pas fait parvenir ses commentaires sur l'allégation relative à la répression d'octobre 1995 à l'encontre des travailleurs qui participaient à la grève dans l'entreprise EXPCAR (au cours de laquelle plusieurs personnes ont été blessées, 15 syndicalistes arrêtés, puis libérés trois semaines plus tard), ainsi qu'à l'agression et à l'arrestation de centaines de personnes -- dont Alan Flores, président de la CUT, et Eduardo Ojeda, dirigeant de la CNT -- dont la détention a duré plus de douze heures, au motif qu'ils avaient participé à une grève de protestation contre la politique économique du gouvernement au début du mois de mai 1996.

b) Le comité prie le gouvernement de confirmer que les syndicalistes de l'entreprise EXPCAR ne font l'objet d'aucune accusation pénale.

c) Constatant que les personnes détenues, mentionnées dans les allégations, ont été libérées, le comité, tout en déplorant les arrestations et détentions décrites, prie le gouvernement de prendre des mesures pour que les unités de police s'abstiennent d'avoir recours à la violence et d'arrêter les travailleurs qui exercent des activités syndicales légitimes et d'ouvrir des enquêtes sur les actes de violence mentionnés dans ces allégations.

Cas no 1855

Rapport définitif
Plainte contre le gouvernement du Pérou
présentée par
-- la Fédération des employés de banque du Pérou (FEB)
-- le Syndicat unitaire des travailleurs de l'éducation du Pérou (SUTEP) et
-- la Fédération nationale unifiée des travailleurs de la santé (FENUTSSA)

Allégations: restrictions à la négociation collective,
discrimination et ingérence dans les activités syndicales,
licenciements antisyndicaux et refus de congé syndical

434. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1996 où il a soumis un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 305e rapport du comité, paragr. 413 à 433, approuvé par le Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996).]

435. Le gouvernement a fait parvenir de nouvelles observations dans une communication du 28 février 1997.

436. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. En revanche, il n'a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Examen antérieur du cas

437. A sa session de novembre 1996, le comité a formulé les recommandations suivantes à propos des allégations encore en instance [voir 305e rapport, paragr. 433]:

B. Réponse du gouvernement

438. En ce qui concerne les allégations relatives aux menaces de licenciement et aux pressions dont ont été l'objet les travailleurs syndiqués des établissements Banco de Crédito del Perú et Interbanc, et qui ont incité un grand nombre de travailleurs à quitter la FEB, le gouvernement fait savoir que la législation péruvienne du travail contient diverses dispositions qui protègent les travailleurs syndiqués des licenciements arbitraires. Ces dispositions reconnaissent aux travailleurs le droit à la protection juridictionnelle en vertu duquel est déclaré nul et non avenu le licenciement pour cause d'affiliation à un syndicat ou de participation à des activités syndicales, la victime d'un tel licenciement pouvant alors choisir la réintégration à son poste ou l'indemnisation financière.

439. Pour ce qui est de l'issue du recours en amparo interjeté par la FENUTSSA concernant le licenciement de 66 travailleurs membres du syndicat de l'Institut national de la santé (INS), dont tous ses dirigeants, le gouvernement indique que la 20 chambre du tribunal civil de Lima a jugé fondé le recours en amparo, rendant sans effet l'article 10 du règlement du plan d'évaluation, lequel dispose que les travailleurs qui ne se présentent pas à l'évaluation aux dates prévues seront déclarés en surnombre. Sur la base de ce jugement, il a été procédé à une nouvelle évaluation des tâches et du rendement des employés de l'INS qui ne s'étaient pas présentés en présence de représentants du ministère public désignés par les autorités judiciaires compétentes. A l'issue de cette évaluation, 60 travailleurs de l'INS qui n'ont pas obtenu de résultats suffisants ont été licenciés.

440. En ce qui concerne la demande du comité que des mesures soient prises en vue de réparer le préjudice occasionné dans le cas où les licenciements auraient été fondés sur des motifs antisyndicaux, et que les dirigeants ou membres du syndicat soient autorisés à réintégrer leur poste de travail s'ils le désirent, le gouvernement signale que le licenciement des soixante travailleurs de l'INS n'a aucun caractère antisyndical, étant donné qu'il est, en tout point, conforme à la loi no 26093 qui, comme cela a déjà été signalé, autorise les institutions publiques décentralisées à licencier pour cause de sureffectif le personnel qui n'obtient pas des résultats suffisants dans les évaluations susmentionnées.

441. En ce qui concerne les allégations du SUTEP selon lesquelles le ministère de l'Education aurait refusé de faire droit à son cahier de revendications et d'accorder un congé syndical à ces dirigeants, le gouvernement signale que ces allégations ont déjà été traitées dans le cas no 1804 (Pérou) et qu'il réitère donc les observations qu'il a formulées à cette occasion.

C. Conclusions du comité

442. En ce qui concerne les allégations relatives aux menaces de licenciement et aux pressions dont ont été l'objet les travailleurs syndiqués des établissements Banco de Crédito del Perú et Interbanc, et qui ont incité un grand nombre de travailleurs à quitter la FEB, le comité prend note de ce qu'a signalé le gouvernement, à savoir que la législation nationale protège les travailleurs contre les licenciements antisyndicaux. Néanmoins, il constate avec regret que le gouvernement n'a pas une nouvelle fois répondu concrètement aux allégations d'actes antisyndicaux qui ont incité un grand nombre de travailleurs des établissements suscités à quitter la FEB. A cet égard, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que, conformément à l'article 1 de la convention no 98, dans la pratique aussi les travailleurs jouissent d'une protection adéquate contre tout acte de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en rapport avec leur emploi, en particulier contre tout acte visant à conditionner l'emploi d'un travailleur au fait qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou qu'il cesse d'être membre d'un syndicat.

443. En ce qui concerne l'issue du recours en amparo interjeté par la FENUTSSA pour le licenciement de 66 travailleurs membres du syndicat de l'Institut national de la santé (INS), parmi lesquels tous ses dirigeants, le comité note que, conformément à ce qu'a indiqué le gouvernement, le juge a déclaré fondée la demande d'amparo, et que par conséquent l'INS a procédé à une nouvelle évaluation des tâches et du rendement des employés qui ne s'étaient pas présentés. Le gouvernement signale que, à l'issue de cette nouvelle évaluation, 60 travailleurs de l'INS n'ayant pas obtenu des résultats suffisants ont été considérés comme excédentaires et licenciés conformément à la loi no 26093 (laquelle habilite les institutions publiques décentralisées à licencier pour cause de sureffectif le personnel qui n'obtient pas des résultats satisfaisants à l'évaluation professionnelle). Le comité constate qu'il ne dispose pas de l'information suffisante pour déterminer si les évaluations ont été réalisées en fonction de critères discriminatoires. Le comité rappelle que, dans un cas analogue déjà examiné [voir 304e rapport, cas no 1796, paragr. 458] relatif à l'application des programmes d'évaluation des tâches et du rendement du personnel prévus par la loi no 26093, le comité avait prié le gouvernement que ces programmes ne soient pas utilisés dans la pratique pour procéder à des actes de discrimination antisyndicale. Le comité prie le gouvernement d'assurer en pratique l'application de ce critère.

444. S'agissant des allégations du SUTEP selon lesquelles le ministère de l'Education aurait refusé de faire droit à son cahier de revendications et d'accorder un congé syndical à ses dirigeants, le comité observe, ainsi que le signale le gouvernement, que ces allégations ont déjà été examinées dans le cas no 1804 (Pérou); par conséquent il réitère les mêmes conclusions, à savoir [voir 300e rapport, paragr. 322 à 324]:

S'agissant du refus des autorités de négocier des pétitions présentées par le SUTEP, le comité rappelle que le personnel enseignant doit jouir du droit de négociation collective. Le comité tient également à rappeler que, le déroulement de véritables négociations constructives étant nécessaire à l'instauration et au maintien d'une relation de confiance entre les parties, il importe que tant les employeurs -- et notamment l'Etat en tant qu'employeur -- que les syndicats participent aux négociations de bonne foi, en s'efforçant de parvenir à un accord, ce qui suppose que tout retard injustifié dans le déroulement des négociations soit évité. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour rapprocher les parties et faciliter la négocation entre le SUTEP et le ministère de l'Education.

En ce qui concerne le refus des autorités d'octroyer un congé syndical à M. Nicolás Olmedo Auris Melgar, secrétaire aux affaires internationales du SUTEP, le comité note qu'il ressort de la documentation jointe par les organisations syndicales que 1) en 1990, le ministère de l'Education a accordé à M. Melgar, qui exerçait les fonctions de secrétaire aux relations internationales, un congé syndical; 2) en mars 1994, le SUTEP a sollicité l'octroi à M. Melgar d'un nouveau congé syndical; 3) en avril et en août 1994, les services du ministère de l'Education ont déclaré irrecevable la demande de congé syndical en motivant leur décision par le fait que «conformément à l'article 80 du règlement administratif de la loi de 1992 sur le corps enseignant, les professeurs qui exercent un mandat syndical on droit à un congé avec traitement pendant la durée de leur mandat aux postes de secrétaire général, sous-secrétaire général, secrétaire à l'organisation, secrétaire aux affaires pédagogiques, secrétaire à la défense, secrétaire à l'économie, secrétaire à l'intérieur, secrétaire de presse et de propagande, pour ce qui est du comité exécutif national; les fonctions pour lesquelles le requérant a été élu -- à savoir celles de secrétaire aux affaires internationales -- n'étant pas énumérées, le congé syndical ne peut être octroyé».

A cet égard, le comité relève que l'article 80 du règlement administratif de la loi sur le corps enseignant dispose à la fin de l'alinéa a), qu'outre les personnes qui exercent les fonctions mentionnées par le gouvernement «quatre représentants pour chaque degré d'enseignement» sont également habilités à recevoir un congé avec traitement. Dans ces conditions, notant qu'en vertu des dispositions de l'article 80 du règlement administratif de la loi sur le corps enseignant, M. Auris Melgar pourrait aspirer à obtenir un congé syndical, et tenant compte du fait qu'en 1990 les services du ministère de l'Education lui ont permis de jouir d'un tel congé, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que le congé demandé soit accordé au dirigeant syndical en cause et de le tenir informé à cet égard.

Recommandations du comité

445. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) En ce qui concerne les allégations de la FEB relatives aux menaces de licenciement et aux pressions dont ont été l'objet les travailleurs syndiqués des établissements Banco de Crédito del Perú et Interbanc, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que, conformément à l'article 1 de la convention no 98, dans la pratique également les travailleurs jouissent d'une protection adéquate contre tout acte de discrimination visant à porter atteinte à la liberté syndicale en rapport avec leur emploi, en particulier contre tout acte visant à conditionner l'emploi d'un travailleur au fait qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou qu'il cesse d'être membre d'un syndicat.

b) S'agissant du licenciement de 66 travailleurs membres du syndicat de l'Institut national de la santé (INS), y compris tous ses dirigeants syndicaux, à la suite des procédures d'évaluation, le comité demande au gouvernement de s'assurer que les évaluations ne sont pas utilisées dans la pratique pour procéder à des actes de discrimination antisyndicale.

c) En ce qui concerne les allégations du SUTEP selon lesquelles le ministère de l'Education aurait refusé de faire droit à son cahier de revendications et d'accorder un congé syndical à ses dirigeants, le comité observe, ainsi que le signale le gouvernement, que ces allégations ont déjà été examinées dans le cas no 1804 (Pérou); par conséquent il réitère ses recommandations antérieures, à savoir:

-- le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour rapprocher les parties et faciliter la négociation entre le SUTEP et le ministère de l'Education;

-- le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que le congé syndical demandé soit accordé à M. Nicolás Olmedo Auris Melgar, dirigeant syndical du SUTEP et de le tenir informé à ce sujet.

Cas no 1878

Rapport où le comité demande à être informé
de l'évolution de la situation
Plaintes contre le gouvernement du Pérou
présentées par
-- le Syndicat unitaire des techniciens et auxiliaires spécialisés de l'Institut péruvien de sécurité sociale (SUTAEIPSS) et
-- le Syndicat unique des travailleurs de la Société péruvienne de radiodiffusion (SUTRACPR)

Allégations: actes de discrimination au motif de la qualificationde travailleurs occupant des postes de confiance

446. Le comité a examiné ce cas à sa session de mars 1997 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 306e rapport du comité, paragr. 520 à 540, approuvé par le Conseil d'administration à sa 268e session (mars 1997).]

447. Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations dans une communication datée du 28 février 1997.

448. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Examen antérieur du cas

449. Dans les recommandations qu'il a formulées à sa session de mars 1997, le comité s'est proposé d'examiner l'allégation du Syndicat unique des travailleurs de la Société péruvienne de radiodiffusion (SUTRACPR) concernant le fait que l'entreprise a pris des mesures antisyndicales, à la lumière de la réponse du gouvernement reçue le 28 février 1997. [Voir 306e rapport, paragr. 540.]

450. Dans ses allégations, le SUTRACPR signale que la Société péruvienne de radiodiffusion a imposé un programme généralisé de requalification de postes à 230 travailleurs qui occupent ainsi des postes de confiance. Ces travailleurs sont tous des syndicalistes parmi lesquels se trouvent tous les dirigeants de ce syndicat. Compte tenu du fait qu'en vertu de la législation nationale les travailleurs assurant des postes de confiance ne sont pas autorisés à constituer des syndicats ni à être couverts par la négociation collective, on peut en déduire que, par cette mesure, l'entreprise tente de faire disparaître l'organisation syndicale.

B. Réponse du gouvernement

451. Dans une communication datée du 28 février 1997, le gouvernement signale qu'en vertu du décret-loi no 728, qui vise à promouvoir l'emploi, et du règlement qui l'accompagne, la Société péruvienne de radiodiffusion a légalement requalifié 218 travailleurs, les plaçant ainsi à des postes de confiance ou parmi le personnel de direction. Le gouvernement ajoute néanmoins que, conformément à l'article 35 du règlement susmentionné, les travailleurs peuvent former un recours devant les autorités judiciaires, s'ils sont en désaccord avec la requalification décidée par l'employeur. Or aucun des 218 travailleurs qui occupent désormais des

postes de confiance ou font partie du personnel de direction n'a intenté une action en justice contre l'entreprise à cet égard. Enfin, le gouvernement précise que, conformément à l'article 12, alinéa b), de la loi sur les relations collectives de travail, l'affiliation d'un travailleur à un syndicat est subordonnée à la condition qu'il ne fasse pas partie du personnel de direction ou occupe un poste de confiance au service de l'employeur, à moins que le règlement ne l'autorise expressément.

C. Conclusions du comité

452. Tout en prenant note des informations reçues, le comité constate avec regret que le gouvernement n'a fourni aucun élément permettant de clarifier l'allégation relative à la nature antisyndicale du programme généralisé de requalification de 218 travailleurs à des postes de confiance et parmi le personnel de direction, surtout si l'on tient compte du fait, signalé par l'organisation plaignante, que tous les travailleurs requalifiés à des postes de confiance ou parmi le personnel de direction sont des syndicalistes, parmi lesquels figurent tous les dirigeants de cette organisation, fait qui a été démenti par le gouvernement.

453. A cet égard, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait que «Il n'est pas nécessairement incompatible avec les dispositions de l'article 2 de la convention de dénier au personnel de direction ou d'encadrement le droit d'appartenir aux mêmes syndicats que les autres travailleurs, mais seulement à deux conditions: premièrement, qu'ils aient le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts et, deuxièmement, que ces catégories de personnel ne soient pas définies en termes si larges que les organisations des autres travailleurs de l'entreprise ou de la branche d'activité risquent de s'en trouver affaiblies, en les privant d'une proportion substantielle de leurs membres effectifs ou potentiels.» Le comité rappelle qu'une interprétation trop large de la notion de «poste de confiance» permettant de priver les travailleurs de leur droit de se syndiquer peut restreindre gravement l'exercice des droits syndicaux et même, dans les petites entreprises, empêcher la création de syndicats, ce qui va à l'encontre du principe de liberté syndicale. A cet égard, les dispositions légales qui permettent aux employeurs d'affaiblir les organisations de travailleurs en accordant artificiellement des promotions à certains travailleurs constituent une violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 231, 233 et 234, respectivement.] Le comité demande au gouvernement de s'assurer qu'à l'avenir les programmes de requalification du personnel ne soient pas utilisés pour commettre des actes de discrimination antisyndicale et d'examiner en outre la législation en la matière pour qu'elle prenne pleinement en considération les principes ci-dessus mentionnés.

Recommandations du comité

454. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) En ce qui concerne l'allégation du Syndicat unique des travailleurs de la Société péruvienne de radiodiffusion (SUTRACPR), le comité demande au gouvernement de procéder à une enquête sur l'allégation relative à la nature antisyndicale du programme généralisé de requalification de 218 travailleurs à des postes de confiance et parmi le personnel de direction, et de le tenir informé à cet égard.

b) Le comité prie le gouvernement de s'assurer qu'à l'avenir les programmes de requalification du personnel ne soient pas utilisés pour commettre des actes de discrimination antisyndicale et d'examiner en outre la législation en la matière pour qu'elle prenne pleinement en considération les principes mentionnés dans les conclusions et qui concernent le droit d'organisation des travailleurs occupant des postes de confiance et les abus que constituent les promotions artificielles

Cas no 1886

Rapport où le comité demande a être tenu informé
de l'évolution de la situation
Plainte contre le gouvernement de l'Uruguay
présentée par
l'Association des employés de banque de l'Uruguay (AEBU)

Allégations: actes de discrimination antisyndicale

455. La plainte qui fait l'objet du cas présent figure dans une communication de l'Association des employés de banque de l'Uruguay (AEBU) datée du 6 juin 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication datée du 23 janvier 1997.

456. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

457. Dans une communication du 6 juin 1996, l'Association des employés de banque de l'Uruguay (AEBU) a fait savoir que, le 17 janvier 1991, elle s'est présentée devant l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale (IGTSS) pour dénoncer les pratiques antisyndicales de l'entreprise Lloyds Bank Limited (BLSA) à l'encontre de ses affiliés. L'organisation plaignante ajoute que, par une décision datée du 10 mars 1994, l'IGTSS a condamné l'entreprise Lloyds Bank Limited (BLSA) à payer une amende de 1 440 U.R. (mille cent quarante unités réajustables) pour avoir commis les actes antisyndicaux suivants, en violation de la convention no 98, article 1, paragraphes 1 et 2: a) l'octroi, en 1990, de gratifications aux membres du personnel qui ont travaillé pendant des grèves de revendication; b) la désignation à des postes de direction aux seuls travailleurs non affiliés au syndicat; c) l'octroi, en 1985, d'une augmentation de salaire de 6 pour cent aux travailleurs non affiliés. Par la suite, l'entreprise condamnée a présenté un recours en révocation auprès de l'IGTSS et un recours hiérarchique auprès du pouvoir exécutif. L'organisation plaignante ajoute que, le 12 février 1996, le pouvoir exécutif, se fondant, d'une part, sur des erreurs d'appréciation des faits et, d'autre part, sur les lois applicables, a révoqué la décision de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale, datée du 10 mars 1994, qui condamnait la Lloyds Bank pour actes de discrimination antisyndicale. L'organisation plaignante envoi, en annexe à la plainte, des exemplaires du rapport du bureau juridique de l'Inspection générale du travail ainsi que le texte des décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du pouvoir exécutif.

458. L'organisation plaignante ajoute qu'elle a été informée de la décision du pouvoir exécutif datée du 28 février 1996 et qu'elle a introduit à son encontre un recours en nullité dans les délais prévus par la loi auprès du tribunal administratif. L'interjection de cet appel implique une procédure juridique dont la durée moyenne est d'environ trois ans. L'organisation plaignante indique que le tribunal administratif n'est pas un organe spécialisé en matière de droit collectif du travail et que, par conséquent, l'examen d'une plainte déposée par un syndicat pour cause de comportements antisyndicaux de la part d'une entreprise transnationale prendra au moins neuf ans. Le temps qui s'est déjà écoulé et celui que va prendre la procédure contentieuse démontrent bien l'inadéquation des mécanismes nationaux s'agissant de réparer les violations de droits.

459. L'organisation plaignante conclut en signalant que, dans le cas présent, les conventions nos 87 et 98 n'ont pas été respectées.

B. Réponse du gouvernement

460. Dans sa communication du 23 janvier 1997, le gouvernement déclare que: 1) le 10 mars 1994, l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale du ministère du Travail et de la Sécurité sociale a pris une décision -- pour conclure l'enquête administrative -- aux termes de laquelle elle condamnait la Lloyds Bank Limited (BLSA) à une amende, au motif que cette entreprise avait enfreint la convention internationale du travail no 98 en se livrant à des actes antisyndicaux; 2) l'entreprise condamnée a introduit les recours administratifs pertinents à l'encontre de cette décision, conformément aux dispositions des articles 317 et suivants de la Constitution nationale, c'est-à-dire un recours en nullité et un recours hiérarchique; 3) le pouvoir exécutif, le 12 février 1996, a statué sur le recours hiérarchique en révoquant la décision de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale susmentionnée, laissant du coup sans effet la condamnation y afférente; 4)  le 6 juin 1996, l'Association des employés de banque de l'Uruguay a saisi l'Inspection générale d'une réclamation, relative à la décision du pouvoir exécutif précédemment mentionnée, invoquant qu'elle contenait des erreurs tant en ce qui concernait ses motifs que ses fondements juridiques; et 5) par ailleurs, l'AEBU a introduit une action en nullité auprès du tribunal administratif, contre la décision du pouvoir exécutif, afin d'obtenir son annulation.

461. Le gouvernement fait observer que le tribunal administratif est l'organe juridictionnel suprême en matière administrative qui connaît des demandes en nullité des actes administratifs définitifs et qui juge de leur légalité. En prononçant un jugement définitif, il est en mesure de confirmer ou d'annuler l'acte qui a été contesté. S'il prononce une annulation, l'acte s'éteint de plein droit et les effets de cette extinction sont rétroactifs, de sorte que, dans chaque cas, il faut examiner la portée de cette rétroactivité. Dans le cas présent, le processus d'annulation auquel nous faisons référence en est actuellement à la phase probatoire, et puisque la demande a été contestée par l'administration il faudra encore passer par diverses étapes de procédure (allégations des parties, avis du Procureur général de la République) avant d'arriver au jugement définitif. Le gouvernement fait savoir qu'il informera en temps voulu le Comité de la liberté syndicale des résultats de la procédure judiciaire susmentionnée.

C. Conclusions du comité

462. Le comité observe que, dans le cas présent, les allégations portent sur des actes de discrimination antisyndicale à l'encontre de travailleurs affiliés à l'Association des employés de banque de l'Uruguay, commis par l'entreprise Lloyds Bank. Concrètement, l'organisation plaignante allègue que, le 17 janvier 1991, elle a dénoncé auprès de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale du ministère du Travail des augmentations de salaire aux travailleurs non syndiqués et la nomination à des postes de direction uniquement de travailleurs non affiliés au syndicat, ainsi que l'octroi de gratifications aux travailleurs qui ont travaillé pendant un conflit collectif.

463. Le comité note la réponse du gouvernement selon laquelle: i) le 10 mars 1994, après avoir mené une enquête, l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale du ministère du Travail a rendu une décision par laquelle elle condamne l'entreprise Lloyds Bank à payer une amende pour avoir enfreint la convention internationale du travail no 98 en commettant des actes antisyndicaux; ii) l'entreprise a introduit des recours administratifs à l'encontre de la décision de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale; iii) le 12 février 1996, le pouvoir exécutif a révoqué la décision de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale qui condamnait l'entreprise; iv) le 6 juin 1996, l'Association des employés de banque de l'Uruguay a introduit un recours administratif et un recours en nullité auprès des autorités judiciaires (tribunal administratif) à l'encontre de la décision prise par le pouvoir exécutif; v) le processus judiciaire en est à la phase probatoire, de sorte que plusieurs étapes de procédure doivent encore s'accomplir avant que le jugement définitif ne soit prononcé.

464. Pour ce qui est de l'allégation relative à une augmentation de salaire de 6 pour cent octroyée aux travailleurs non affiliés au syndicat en 1985, le comité prend note du fait que, comme l'affirme l'organisation plaignante et aux termes des décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du pouvoir exécutif, cette augmentation n'a pas été appliquée en un premier temps aux travailleurs affiiliés. Bien qu'elle l'ait été par la suite, notamment après que le syndicat a mené des actions collectives, le comité estime que les travailleurs syndiqués ont subi un préjudice clairement dû à leur affiliation syndicale. Dans ces conditions, le comité, tout en soulignant que «nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées» [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 690], demande au gouvernement de prendre des mesures pour éviter que des actes de discrimination semblables ne se reproduisent à l'avenir.

465. Quant aux allégations relatives à l'octroi de gratifications aux travailleurs non affiliés au syndicat au cours d'un conflit collectif, le comité fait observer que, d'une part, les décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du bureau juridique stipulent que:

«... Ainsi, il est pleinement reconnu dans ces décisions que les gratifications dont il est question ont été octroyées exclusivement aux fonctionnaires non affiliés au syndicat et au plus fort du conflit du secteur bancaire, alors que le renouvellement de la convention collective était en négociation»; et «Si cette mesure n'est pas de nature répressive et si elle ne constitue pas une prime au mérite professionnel indépendamment de l'affiliation syndicale, comme l'a soutenu la Lloyds Bank dans le cadre d'une argumentation à laquelle elle a renoncé depuis, on peut se demander quelle était alors sa véritable finalité. Et c'est sans doute celle qui est mentionnée dans le rapport du bureau juridique... c'est-à-dire celle de récompenser, au cours d'un conflit, les membres du personnel qui n'ont pas participé à l'action collective. Voilà qui discrédite l'activité syndicale, d'où la dénonciation d'actes antisyndicaux exerçant un effet discriminatoire.»

Par ailleurs, le comité observe que la décision du pouvoir exécutif révoquant celle de l'Inspection générale du travail stipule que:

«...selon les preuves rassemblées, il est manifeste que la gratification n'a pas été octroyée à tous les employés non affiliés mais seulement à certains d'entre eux, soit moins de 35 pour cent, de sorte que l'on ne saurait invoquer un acte de discrimination à l'égard des membres du syndicat. Ces gratifications ne sont pas une rémunération obligatoire mais plutôt des sommes d'argent que l'employeur, sans y être obligé, décide de verser aux fonctionnaires dont il estime qu'ils les ont méritées...»

466. A cet égard, observant que même si l'on prend en compte la décision du pouvoir exécutif aux termes de laquelle ces gratifications n'ont pas été octroyées à la totalité des travailleurs non affiliés, le comité constate qu'aucun travailleur affilié n'a reçu de gratification, et que ces gratifications ont été octroyées au cours d'une période de conflit provoqué par la négociation d'une convention collective. Dans ce contexte, le comité estime que l'octroi de gratifications aux membres du personnel non affiliés au syndicat -- même s'il ne s'agit pas de la totalité d'entre eux-- à l'exclusion de tous les travailleurs affiliés, en période de conflit collectif, constitue un acte de discrimination antisyndicale, en violation de la convention no 98. Ceci étant, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter que de tels actes ne se reproduisent.

467. Pour ce qui est de l'allégation relative à la désignation à des postes de direction de travailleurs non affiliés au syndicat, le comité observe que les décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du bureau juridique stipulent que:

«...les décisions font état de l'infraction à la convention n° 98 puisque l'impossibilité pour le personnel affilié au syndicat des banques d'accéder à des postes de direction est prouvée. Il ne s'agit donc pas de faire retomber sur l'employeur la charge d'étayer ses affirmations en produisant une preuve générique et négative, mais plutôt d'analyser avec soin les éléments de preuve concrets apportés à ces dossiers. Ainsi, on peut faire référence à des témoignages et à des documents probants qui étayent la conclusion selon laquelle la politique de promotion de la banque a été discriminatoire à l'égard des affiliés à l'AEBU... Parmi les déclarations versées au dossier, on peut signaler celles qui portent sur l'expérience personnelle d'affiliés qui ont reçu des propositions de promotion, assujetties à la condition qu'ils se désaffilient du syndicat (MM. Vietez et Tucuna); par ailleurs, des personnes occupant déjà des postes de direction ont été promues dès qu'elles se sont désaffiliées...» «... dans le règlement de cette question, la déclaration de M. David Oscar Vietez revêt une importance fondamentale puisqu'il témoigne de ce que M. Máximo Domínguez avait insinué que si lui, David Oscar Vietez se désaffiliait de l'AEBU, il pourrait éventuellement être nommé à un poste de direction. Compte tenu de ce qui précède, nous affirmons qu'il y a eu acte antisyndical manifeste, réitéré dans le temps, puisque divers témoignages ont fait mention de cas concrets de travailleurs qui, lorsqu'ils se sont désaffiliés du syndicat, ont accédé à des postes de direction».

La décision du pouvoir exécutif révoquant la décision administrative stipule que:

«... La jurisprudence de notre pays en matière sociale signale que l'un des facteurs déterminants des responsabilités des fonctionnaires de niveau exécutif et de direction, par rapport à celles des fonctionnaires de grade moins élevé est ce rôle de protagoniste qu'ils assument dans la formulation des décisions et dans la gestion des entreprises; il est donc impossible de limiter le pouvoir de sélection des cadres de direction, lequel ne saurait être considéré, en soi,comme discriminatoire.» «Il n'est pas prouvé que des fonctionnaires se soient désaffiliés du syndicat dans le seul but d'être promus à des postes de direction puisque, dans le cas où référence a été faite à ces procédures, la promotion s'est produite plusieurs années après la désaffiliation; il est donc impossible d'établir un lien de cause à effet entre les deux événements.»

468. A cet égard, le comité observe que les conclusions des décisions de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale et du pouvoir exécutif divergent. Par conséquent, le comité estime qu'il ne dispose pas des éléments d'information suffisants pour déterminer si, pour des raisons antisyndicales, les postes de direction ont été réservés aux seuls travailleurs non affiliés à l'organisation syndicale. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de lui communiquer le texte du jugement du tribunal administratif dès qu'il sera prononcé.

469. Enfin, le comité observe avec inquiétude que les actes de discrimination allégués dans le cas présent ont été dénoncés aux autorités administratives en janvier 1991, que trois ans et deux mois plus tard, en mars 1994, l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale du ministère du Travail a pris une décision condamnant l'entreprise en question, qu'un an et onze mois plus tard, en mars 1996, le pouvoir exécutif a statué sur les recours présentés par l'entreprise révoquant cette décision et qu'en juin 1996 l'organisation plaignante a introduit des actions administratives et judiciaires contre la décision du pouvoir exécutif (selon les déclarations du gouvernement, au moment de la rédaction de sa réponse de janvier 1997, le processus en était encore à la phase probatoire). Ainsi, tout en constatant que plus de six ans se sont écoulés depuis la dénonciation initiale auprès de l'administration jusqu'à ce jour, le comité observe qu'il a récemment examiné un cas dans le cadre d'une plainte contre le gouvernement de l'Uruguay, et qu'il a déjà eu l'occasion de déplorer la lenteur des enquêtes administratives concernant les actes de discrimination; il avait déjà demandé au gouvernement de prendre des mesures pour qu'à l'avenir ce type d'enquête soit effectuée rapidement [voir 283e rapport, cas no 1596 (Uruguay), paragr. 371 et 374 b)]. Compte tenu de ce qui précède, et rappelant que «les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale équivaut à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés.» [voir Recueil de décisions, op. cit., paragr. 749], le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir, lors de dénonciations d'actes de discrimination antisyndicale, les autorités pertinentes effectuent sans délai une enquête et prennent les mesures qui s'imposent pour remédier à ces actes de discrimination.

Recommandations du comité

470. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Pour ce qui est de l'allégation relative à l'augmentation de salaire des travailleurs non affiliés au syndicat AEBU, le comité, tout en soulignant que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées, demande au gouvernement qu'il prenne des mesures pour éviter que des actes de discrimination semblables ne se reproduisent à l'avenir.

b) A propos des allégations relatives aux gratifications octroyées aux travailleurs non affiliés au syndicat pendant un conflit collectif, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter que de tels actes, qui sont contraires à la convention no 98, ne se reproduisent.

c) En ce qui concerne l'allégation relative à la désignation de travailleurs uniquement non syndiqués à des postes de direction de l'entreprise Lloyds Bank, le comité demande au gouvernement de lui communiquer le texte du jugement du tribunal administratif à cet égard, dès qu'il sera prononcé.

d) Rappelant que les procédures relatives à des questions de discrimination antisyndicale contraires à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces car une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale équivaut à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés; le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir, lors de dénonciations d'actes de discrimination antisyndicale, les autorités pertinentes effectuent une enquête sans délai et prennent les mesures qui s'imposent pour remédier aux actes de discrimination constatés.

Cas no 1812

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Venezuela
présentée par
le Secrétariat international des syndicats des employés des arts,
de la communication et du spectacle/Fédération internationale des syndicats des travailleurs de l'audiovisuel (ISETU/FISTAV)

Allégations: ingérence patronale à l'occasion de la constitution
d'un syndicat

471. Le comité a examiné le présent cas à sa session de mars 1996 et il a présenté à cette occasion un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 302e rapport, paragr. 519 à 534, approuvé par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996).]

472. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication du 20 mai 1997.

473. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

474. L'examen antérieur du cas en mars 1996 [voir 302e rapport, paragr. 519 à 534] a laissé en suspens les allégations selon lesquelles la direction de l'entreprise de radiodiffusion CORAVEN-RCTV aurait soutenu la création d'un nouveau syndicat (SINATRAINCORATEL) par diverses pratiques antisyndicales (représentants de l'entreprise présents à la réunion constitutive du nouveau syndicat, menaces de licenciement des travailleurs qui ne deviendraient pas membres de ce syndicat, négociation d'une nouvelle convention collective alors que la précédente était encore en vigueur, etc.) et que les autorités administratives auraient commis des irrégularités dans la procédure d'enregistrement de ce syndicat. Le syndicat qui existait déjà (SRTVA) a présenté plusieurs recours contre ces pratiques.

475. Le comité a noté avec préoccupation que l'examen de cette question par les autorités administratives avait pris énormément de temps (de mars 1994 à janvier 1996) et a formulé la recommandation suivante [voir 302e rapport, paragr. 534]:

Le comité demande au gouvernement de communiquer des informations sur l'issue du recours présenté devant le Tribunal supérieur par le syndicat SRTVA concernant l'allégation d'ingérence de la direction de l'entreprise CORAVEN-RCTV dans la création et les activités du syndicat SINATRAINCORATEL.

B. Réponse du gouvernement

476. Dans sa communication du 20 mai 1997, le gouvernement déclare que le ministère du Travail a rejeté deux recours administratifs interjetés par le SRTVA contre l'enregistrement du SINATRAINCORATEL. Il pouvait intenter un recours judiciaire dans un délai de six mois à compter de la dernière décision (3 janvier 1996). Le gouvernement déclare être incompétent pour déclarer l'annulation de l'enregistrement d'une organisation car celle-ci équivaudrait à une dissolution par voie administrative, qui est interdite par la convention no 87. Ainsi, s'il est avéré que le SINATRAINCORATEL a été créé sous ingérence patronale, les intéressés devraient recourir devant l'organe judiciaire compétent.

C. Conclusions du comité

477. Le comité prend note des observations du gouvernement et observe que, selon ce qui en ressort, il n'est pas certain que le syndicat SRTVA a soumis les recours devant l'autorité judiciaire. A ce sujet, le comité demande au gouvernement d'indiquer si le SRTVA a soumis un recours judiciaire sur les allégations relatives à l'ingérence de la direction de l'entreprise CORAVEN-RCTV dans la création et l'exercice des activités du syndicat SINATRAINCORATEL et, dans l'affirmative, de l'informer du résultat du jugement en question.

478. Ainsi qu'il l'a fait lors de son dernier examen du cas, le comité souligne une fois de plus que le ministère du Travail a mis très longtemps (de mars 1994 à janvier 1996) pour se prononcer sur le recours en nullité intenté par le syndicat SRTVA concernant la création du nouveau syndicat sous ingérence patronale (SINATRAINCORATEL), et il exprime l'espoir que l'autorité judiciaire pourra se prononcer dans un bref délai.

Recommandation du comité

479. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Le comité demande au gouvernement d'indiquer si le syndicat SRTVA a présenté un recours devant l'autorité judiciaire sur les allégations relatives à l'ingérence de la direction de l'entreprise CORAVEN-RCTV dans la création et les activités du syndicat SINATRAINCORATEL et, dans l'affirmative, de l'informer du résultat du jugement en question.

Cas no 1909

Rapport définitif
Plainte contre le gouvernement du Zimbabwe
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: violation du droit de manifester, agressions
et arrestation de dirigeants syndicaux

480. Dans une communication en date du 15 novembre 1996, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Zimbabwe.

481. Le gouvernement a fourni ses observations sur ce cas dans une communication du 20 janvier 1997.

482. Le Zimbabwe n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

483. Dans une communication du 15 novembre 1996, la CISL indique que ce cas porte sur de graves violations des droits syndicaux contre des dirigeants et des membres d'une organisation qui lui est affiliée, le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU). La CISL précise que, le 11 novembre 1996, un groupe d'une centaine de travailleurs a manifesté pacifiquement à proximité du ministère de la Justice à Harare pour exprimer sa solidarité avec les médecins et les infirmiers en grève. Alors qu'ils étaient assis sous les arbres, ils ont été brutalement pris à parti par une cinquantaine de policiers qui ont fait usage de grenades lacrymogènes. Les personnes qui ont tenté de s'échapper ont été matraquées par la police. Un certain nombre de responsables syndicaux, dont le secrétaire général du ZCTU, Morgan Tsvangirai, et le vice-président du ZCTU, Isaac Matongo, ont été arrêtés et interrogés au commissariat de police avant d'être relâchés. Cette provocation a conduit le ZCTU à menacer de lancer un appel à la grève générale.

484. La CISL affirme que le refus continuel du gouvernement de promouvoir le dialogue dans le cadre des procédures de relations professionnelles a conduit à des troubles répétés dans le secteur public tout au long de l'année 1996. Le cas le plus récent a été la décision unilatérale de licencier un millier de médecins et d'infirmiers plutôt que de discuter de leurs revendications. Ceci a abouti à une grève de trois semaines dans le secteur de la santé, grève qui ne fait que détériorer les relations professionnelles au Zimbabwe.

485. La CISL souligne que les travailleurs et leurs organisations devraient avoir le droit de manifester pacifiquement leur désaccord sur les questions économiques et sociales qui affectent leurs membres. Le rejet systématique des demandes légitimes de dialogue et la répression brutale des manifestations constituent des violations des principes les plus élémentaires de la liberté syndicale. En conclusion, la CISL rappelle qu'en tant que Membre de l'OIT le Zimbabwe est tenu de respecter les conventions fondamentales sur la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

486. Dans sa communication du 20 janvier 1997, le gouvernement nie catégoriquement qu'un groupe d'une centaine de travailleurs qui avait manifesté pacifiquement à proximité du ministère de la Justice à Harare le 11 novembre 1996 ait été brutalement pris à parti par la police. Tout d'abord, le gouvernement souligne que la liberté syndicale est proclamée dans la Constitution du pays qui dispose que: «nul ne sera empêché de jouir de sa liberté de réunion et d'association à savoir de son droit de se réunir librement et de s'associer à d'autres personnes, et, en particulier, de créer des partis politiques ou des syndicats ou d'autres associations ou d'y adhérer pour la protection de ses intérêts».

487. Comme le droit de manifester pacifiquement et de s'associer librement à une organisation de son choix est un droit constitutionnel, le gouvernement indique que les personnes intéressées auraient pu porter l'affaire devant un tribunal, puisqu'elles allèguent que leurs droits constitutionnels ont été violés. Le gouvernement estime que si elles ne l'ont pas fait, c'est parce qu'elles savaient que la police n'avait rien à se reprocher. En outre, d'après le gouvernement, si les allégations de la CISL et du ZCTU (selon lesquelles les travailleurs assis sous un arbre ont été brutalement pris à parti par la police) étaient fondées, on pourrait supposer qu'il y ait eu des blessés. Or, selon le gouvernement, il n'a pas de rapport ou de registre mentionnant qu'une personne ait été hospitalisée à la suite de l'incident allégué.

488. Le gouvernement indique qu'en réalité le 11 novembre 1996 un groupe de personnes s'est réuni à l'extérieur d'une salle d'audience du tribunal de Rotton Row avec l'intention d'assister à l'audience concernant la grève illégale des médecins et des infirmiers. Néanmoins, des personnes ont tenté d'entrer de force dans la salle d'audience qui ne peut accueillir que 30 personnes. Après avoir multiplié les avertissements leur demandant de ne pas entrer, la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser ces personnes pour rétablir l'ordre public. Selon le gouvernement, les policiers qui sont intervenus sont des fonctionnaires hautement qualifiés qui ont utilisé les quantités de gaz lacrymogène conformes aux normes professionnelles pour disperser la foule. Une fois celle-ci dispersée, il n'a pas été nécessaire de recourir à d'autres mesures de contraintes. En conséquence, aucune personne n'a été agressée par la suite.

489. S'agissant de l'allégation selon laquelle Morgan Tsvangirai, secrétaire général du ZCTU, et Isaac Matongo, vice-président du ZCTU, auraient été arrêtés, le gouvernement nie ces arrestations. Il reconnaît que deux dirigeants du ZCTU ont été emmenés au commissariat de police pour être interrogés, afin d'éclairer la police sur la grève générale qu'ils avaient l'intention de lancer. Ceci a été fait dans l'intérêt de l'ordre public pour veiller à ce que la grève se déroule en bon ordre.

490. Se référant à la grève des médecins et des infirmiers mentionnée par la CISL dans sa plainte, le gouvernement souligne qu'en application de la législation nationale les médecins et les infirmiers sont considérés comme des personnes travaillant pour des services essentiels et qu'en conséquence elles ne peuvent pas faire grève. En se mettant en grève, elles ont entrepris une action illégale. La manifestation du ZCTU était donc un soutien à une grève illégale. De l'avis du gouvernement, la police a agi dans le cadre des droits constitutionnels pour rétablir l'ordre public dans une situation qui allait certainement porter atteinte à l'ordre public et mettre en danger des vies humaines et des biens.

C. Conclusions du comité

491. Le comité note que, dans le présent cas, les allégations portent sur la dispersion par la police d'une manifestation pacifique organisée par des membres du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU), ainsi que sur des agressions physiques contre ces travailleurs par les mêmes forces de police. Ces allégations se réfèrent en outre à l'arrestation du secrétaire général du ZCTU, Morgan Tsvangirai, et du vice-président du ZCTU, Isaac Matongo, à la suite de cette manifestation.

492. En ce qui concerne la dispersion d'une manifestation du ZCTU par la police le 11 novembre 1996, le comité note la très grande contradiction qui existe entre les déclarations de l'organisation plaignante et du gouvernement concernant la nature de la manifestation. L'organisation plaignante affirme qu'une centaine de travailleurs ont été brutalement pris à parti par une cinquantaine de fonctionnaires de police, alors qu'ils étaient assis sous des arbres à proximité du ministère de la Justice pour exprimer leur solidarité avec les médecins et les infirmiers en grève. En revanche, le gouvernement soutient que ces personnes ont essayé d'entrer de force dans la salle du tribunal pour suivre l'audience concernant la grève illégale des médecins et des infirmiers. La police a dû recourir au gaz lacrymogène pour disperser ces personnes et rétablir l'ordre public. Le gouvernement nie cependant catégoriquement que la police ait fait usage d'autres mesures de contraintes comme l'allègue l'organisation plaignante.

493. Dans ces conditions, le comité ne peut que rappeler que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. Les autorités ne devraient recourir à la force publique que si l'ordre public est réellement menacé. L'intervention de la force publique devrait être proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler, et le gouvernement devrait prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue de supprimer le danger qu'impliquent les excès de violence lorsqu'il s'agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l'ordre public. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 132 et 137.] Le comité demande au gouvernement de respecter ces principes.

494. En ce qui concerne l'allégation de l'organisation plaignante selon laquelle le secrétaire général du ZCTU, Morgan Tsvangirai, et le vice-président du ZCTU, Isaac Matongo, auraient été arrêtés et interrogés au siège de la police avant d'être relâchés, le gouvernement dément que ces deux dirigeants syndicaux aient été arrêtés. Le gouvernement reconnaît néanmoins que deux dirigeants ont été emmenés au commissariat de police à des fins d'interrogatoire pour renseigner la police sur la grève générale que le ZCTU entendait lancer. A cet égard, le comité rappelle au gouvernement que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 77.] Le comité demande donc au gouvernement de faire en sorte que les autorités compétentes s'abstiennent d'avoir recours à de telles mesures à l'avenir.

Recommandations du comité

495. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité demande au gouvernement de respecter les principes relatifs au droit de manifestation des travailleurs.

b) Le comité rappelle au gouvernement que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. Il demande donc au gouvernement de faire en sorte que les autorités compétentes s'abstiennent d'avoir recours à de telles mesures à l'avenir.

 

Genève, le 6 juin 1997.

Max Rood,
Président.

Points appelant une décision:

 

paragraphe 54;
paragraphe 69;
paragraphe 87;
paragraphe 101;
paragraphe 122;
paragraphe 158;
paragraphe 176;
paragraphe 236;

paragraphe 252;
paragraphe 272;
paragraphe 293;
paragraphe 301;
paragraphe 316;
paragraphe 328;
paragraphe 347;
paragraphe 376;

paragraphe 404;
paragraphe 417;
paragraphe 433;
paragraphe 445;
paragraphe 454;
paragraphe 470;
paragraphe 479;
paragraphe 495.

 


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.