L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
ILO-fr-strap

GB.268/WP/SDL/1/2
268e session
Genève, mars 1997
 
Groupe de travail sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international WP/SDL

PREMIÈRE QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Poursuite de la discussion sur le programme
de travail et le mandat du groupe de travail

b) Réponses supplémentaires au questionnaire d'évaluation
de l'incidence de la mondialisation et de la libéralisation des échanges sur la réalisation des objectifs sociaux de l'OIT

Table des matières

I. Introduction

II. Incidence

III. Attitudes vis-à-vis de la libéralisation et de la mondialisation; changements apportés à la législation nationale

IV. Action et coopération internationales

V. Observations générales, suggestions et informations


I. Introduction

1. A sa 267e session (novembre 1996), le Groupe de travail sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international a examiné un rapport soumis par le Bureau sur les réponses au questionnaire d'évaluation de l'incidence de la mondialisation et de la libéralisation des échanges sur la réalisation des objectifs sociaux de l'OIT(1). Ce rapport se fondait sur les réponses reçues d'environ un quart des mandants de l'OIT. L'une des préoccupations exprimées a trait au taux de réponses assez faible. On a jugé qu'il convenait de donner un délai supplémentaire aux mandants et qu'on pourrait rédiger, à usage interne, un bref résumé des principaux points(2). On a donc demandé aux bureaux extérieurs de l'OIT, au début de décembre 1996, d'informer les mandants de la prolongation du délai et, à la mi-février 1997, on avait ainsi reçu plus de 50 réponses supplémentaires, principalement en provenance des pays en développement. S'inspirant de ces réponses et des réponses reçues précédemment, le présent rapport résume les principales conclusions de l'enquête. Des tableaux statistiques à jour son fournis à part(3).

2. Au total, 180 mandants de 98 pays ont répondu au questionnaire. On a reçu une réponse de chacun des trois mandants pour 19 pays. Les réponses supplémentaires ont fait passer le taux de réponses de 25 pour cent à 35 pour cent des mandants. Elles ont permis en outre d'améliorer la répartition de l'échantillon en réduisant l'écart des taux de réponses pour les différentes catégories de mandants. Cependant, les organisations d'employeurs, les pays les moins avancés et les pays d'Afrique restent sous-représentés, tandis que les gouvernements, les pays industriels, les pays d'Europe et -- chose nouvelle -- l'Amérique latine sont surreprésentés. Les principales conclusions restent très proches de celles indiquées antérieurement. Cependant, elles sont sans doute plus fiables en raison de la taille plus grande de l'échantillon et de l'amélioration de sa répartition. Etant donné les limites de l'opération (indiquées dans le rapport précédent), le taux global de réponses et la nature non aléatoire de l'échantillon, les conclusions exposées ci-dessous doivent être interprétées avec prudence.

II. Incidence

A. Contexte général et tendances

3. Pour les raisons exposées dans le rapport précédent, il s'est malheureusement révélé difficile d'utiliser de manière systématique les informations générales. Il est cependant possible de faire quelques observations. En premier lieu, l'emploi total a progressé au cours de la décennie écoulée dans la quasi-totalité des pays en développement qui ont fourni des données. Cette progression a été de 30 à 40 pour cent dans la plupart des cas. A l'opposé, l'ensemble des pays en transition d'Europe figurant dans l'échantillon ont enregistré une baisse de 10 à 20 pour cent. Dans les pays industriels, l'évolution s'est faite dans les deux directions et se situe entre moins 15 et plus 15 pour cent. En deuxième lieu, la proportion de femmes dans l'emploi total en 1995 était généralement de 20 à 40 pour cent dans les pays en développement, d'environ 50 pour cent dans les pays en transition et de 35 à 50 pour cent dans les pays industriels. Elle a quelque peu augmenté dans la plupart des pays. Elle varie beaucoup plus d'un pays à l'autre dans les principaux secteurs d'exportation que dans l'ensemble de l'économie. En troisième lieu, un quart environ des réponses signalent une inversion de la situation de certains secteurs de leur économie, qui sont passés de la situation de gros exportateur net à celle de gros importateur net, ou vice versa. Ce phénomène s'est produit dans tous les types d'économies et de secteurs.

B. Emploi et salaires

4. On constate des divergences dans la manière dont les différents mandants perçoivent les effets de la mondialisation et de la libéralisation des échanges sur l'emploi net et les salaires réels. Les travailleurs ont généralement une vue négative du passé et attendent peu de l'avenir. Les gouvernements et les employeurs, au contraire, ont une vision nuancée du passé et envisagent l'avenir avec un grand optimisme. Dans l'ensemble, les mandants s'accordent à dire que ces phénomènes n'ont que peu contribué à réduire les disparités salariales. De fait, selon plus de la moitié des réponses des gouvernements et des travailleurs, ils les auraient même aggravées. Les employeurs, en revanche, ne partagent pas cet avis. Selon les gouvernements et les employeurs, mais non les travailleurs, la propension desdits phénomènes à aggraver les écarts de salaires devrait s'atténuer dans l'avenir.

5. La classification des résultats par type d'économie fait apparaître une vision moins favorable de la part des mandants des économies en développement et en transition que de celle des mandants des pays industriels. Cependant, les premiers espèrent une amélioration marquée dans l'avenir, mais non les seconds. Cette différence semble traduire les perspectives d'intégration plus larges des premières dans l'économie internationale, intégration qui, comme l'ont indiqué de nombreuses réponses, ouvrirait les marchés mondiaux à leurs exportations, stimulerait la croissance et créerait de l'emploi.

C. Liberté syndicale et syndicalisation

6. L'enquête confirme l'opinion commune selon laquelle le taux de syndicalisation a tendance à baisser dans la plupart des pays. Les données fournies indiquent que ce taux a diminué trois fois plus souvent qu'il n'a augmenté au cours des dix dernières années. Certaines baisses ont été considérables, en particulier dans les pays en transition. En revanche, il y a eu aussi quelques augmentations spectaculaires par exemple au Mozambique et en Afrique du Sud, et l'on atteint un taux de syndicalisation voisin de 100 pour cent dans d'autres pays comme Cuba et la Finlande.

7. Les taux de syndicalisation dans les principaux secteurs d'exportation ne sont pas, semble-t-il, systématiquement plus élevés ou moins élevés que ceux des autres secteurs de l'économie. La moitié environ des réponses ne font état d'aucune différence significative et, lorsqu'un écart est signalé, le taux est aussi souvent qualifié de plus élevé que de moins élevé. Il ne semble guère y avoir non plus de différence dans l'évolution d'ensemble: les taux ont diminué plus souvent qu'ils n'ont augmenté dans les principaux secteurs d'exportation ainsi que dans les secteurs exposés à la concurrence des importations.

8. Aucune tendance nette ne se dégage des réponses quant au type d'organisation auquel appartiennent les travailleurs des entreprises multinationales, par opposition à ceux des entreprises nationales. Il ressort cependant de la moitié environ des réponses que les premiers ont davantage tendance que les seconds à s'affilier à des organisations nationales ou sectorielles. Aucune tendance claire ne se dégage de la plupart des autres réponses.

9. Près de la moitié des réponses émanant de pays industriels ne font état d'aucun changement survenu dans la proportion des travailleurs protégés par des conventions collectives au cours des dix dernières années, que ce soit dans l'économie tout entière ou dans les principaux secteurs d'exportation. Il ressort cependant de la plupart des réponses émanant de pays en développement et de pays en transition que cette proportion a en fait évolué, quoique de façon non systématique. Là où elle a évolué, les travailleurs sont davantage portés à évoquer une baisse que les gouvernements, lesquels se partagent également entre la baisse et la hausse. Les réponses des employeurs se situent entre les deux.

10. Selon la plupart des réponses, et en particulier celles des gouvernements et des employeurs, la libéralisation des échanges et la mondialisation n'ont pas influé sur l'exercice de la liberté syndicale et le droit de participer à des négociations collectives. La moitié des réponses des travailleurs partagent ce point de vue. Cependant, dans les cas où un effet est perçu, l'opinion des travailleurs -- qui estiment que ces phénomènes ont contribué à restreindre leurs droits -- diffère très nettement de celle des gouvernements et des employeurs, lesquels, le plus souvent, estiment le contraire. Les raisons invoquées à l'appui de l'idée qu'il y a eu extension des droits se rapportent souvent à l'émergence d'une économie de marché, à la privatisation et à l'essor de la démocratie en tant que facteurs susceptibles de renforcer les partenaires sociaux et les possibilités d'exercer la liberté syndicale et le droit de négociation collective. Ceux qui font état d'une diminution invoquent parfois les mêmes raisons pour justifier leur appréciation. Pour la plupart d'entre eux toutefois, la restriction de l'exercice des droits syndicaux est imputable à l'essor des multinationales, à la réduction des activités syndicales dans les zones franches d'exportation et au démantèlement des codes du travail.

D. Egalité de chances et de traitement

11. Les femmes semblent être moins présentes dans les principaux secteurs d'exportation que dans les autres secteurs de l'économie. La moitié environ des réponses indiquent que leur pourcentage est plus faible dans ces secteurs, et un tiers qu'il est à peu près identique. Cependant, cette présence s'est peut-être accrue plus souvent qu'elle n'a diminué au cours des dix dernières années, principalement dans les pays en développement. La plupart des mandants considèrent que la libéralisation des échanges et la mondialisation n'ont pas influé sur l'égalité de chances et de traitement des travailleurs au cours des dix dernières années. Dans les cas où la réponse indique qu'elles ont exercé une influence, les gouvernements et les employeurs considèrent généralement celle-ci comme positive, les travailleurs comme négative.

E. Travail des enfants

12. Dans 15 pays, les réponses des gouvernements font état d'une augmentation des infractions déclarées concernant le travail des enfants au cours des dix dernières années. Dans la plupart des cas, cette augmentation est jugée imputable à une progression du travail des enfants, et non à un meilleur contrôle du respect de la législation en la matière. Neuf gouvernements ont signalé une baisse qu'ils attribuent à un meilleur respect de la législation. Dans 27 pays, le nombre des infractions déclarées est resté à peu près stable au cours des dix dernières années.

13. L'importance du travail des enfants dans l'économie est jugée faible dans la moitié environ des réponses, dont plusieurs de pays industriels, et forte dans 10 pour cent environ d'entre eux. Les autres réponses indiquent que cette forme de travail est inexistante. Quelle que soit la base de ventilation des réponses, il semble cependant que le travail des enfants soit moins pratiqué dans les grands secteurs d'exportation que dans l'économie en général. La moitié de ceux qui répondent à la question posée à ce sujet estiment que les principaux secteurs d'exportation représentent moins de 1 pour cent du travail des enfants dans le pays. Un quart des réponses estime que cette proportion est de 1 à 4 pour cent, et quelques-unes la situent à plus de 20 pour cent.

14. La plupart des réponses indiquent que l'étendue du travail des enfants dans les principaux secteurs d'exportation a diminué ou est restée stable au cours des dix dernières années. Cependant, les travailleurs sont beaucoup plus portés à estimer le contraire que les gouvernements et les employeurs. Parmi les raisons avancées pour expliquer pourquoi le travail des enfants est limité ou ne se répand pas dans les principaux secteurs d'exportation, figurent l'existence d'un grand réservoir de main-d'œuvre bon marché, le chômage, le taux de syndicalisation élevé et les valeurs familiales traditionnelles. L'augmentation du travail des enfants est souvent associée à la montée de la pauvreté, à la progression du secteur non structuré, à l'absence d'un contrôle effectif et au laxisme dans l'application des lois interdisant le travail des enfants. Lorsque les réponses mentionnent une diminution, celle-ci est généralement attribuée à une diminution de la pauvreté, à la progression de la scolarisation, au caractère strict du contrôle, aux pressions internationales, aux campagnes de sensibilisation et à l'application effective de la législation.

F. Conditions de travail

15. Il n'existe apparemment pas de différence systématique entre les principaux secteurs d'exportation et les secteurs comparables produisant pour le marché intérieur pour ce qui est des taux d'accidents du travail et de maladies professionnelles: la moitié environ des réponses n'en constatent aucune et les autres sont réparties de manière plus ou moins égale. Dans la plupart des cas, on considère que les taux ont diminué ou sont restés stables dans les principaux secteurs d'exportation comme dans l'économie en général. Près de la moitié des réponses des travailleurs indiquent cependant le contraire. Dans l'ensemble, la situation des pays industriels semble s'être considérablement améliorée au cours des dix dernières années mais, dans les économies en transition, les réponses indiquant une détérioration sont plus nombreuses que celles indiquant une amélioration.

G. Sécurité sociale

16. Le questionnaire interrogeait les mandants sur leur perception de l'incidence de la libéralisation des échanges et de la mondialisation sur certains aspects des régimes de sécurité sociale dans leur pays au cours des dix dernières années. Une proportion écrasante des réponses provenant des pays industriels indiquent qu'elles n'ont pas eu d'effet, du point de vue tant de la proportion que des catégories de travailleurs couverts. Trente à quarante pour cent des réponses indiquent cependant que les prestations offertes et la viabilité financière nette du système ont diminué. Les quatre cinquièmes des réponses indiquent que le statut juridique et le fonctionnement du système n'ont pas changé. Les effets les plus nuisibles sur les systèmes de sécurité sociale sont observés dans les économies en transition, nombre de réponses indiquant que le taux de couverture, les prestations offertes et la viabilité financière du système ont diminué. Nombre de réponses constatent également des changements dans le statut juridique et le fonctionnement du système. Le tableau qui se dégage pour les pays en développement est dans l'ensemble plus encourageant. Bien que la moitié environ des réponses indiquent que la libéralisation des échanges et la mondialisation n'ont pas eu d'incidence sur les aspects mentionnés des systèmes de sécurité sociale, l'autre moitié des réponses font plus souvent état d'une augmentation que d'une diminution du taux de couverture et des prestations, et il apparaît que la viabilité financière nette du système s'est aussi souvent améliorée que détériorée.

H. Zones franches d'exportation

17. Dans la majorité des réponses, les questions figurant dans cette partie du questionnaire ont été ignorées, sans doute parce qu'il n'existe pas de ZFE dans les pays correspondants et que de telles zones ne sont pas envisagées dans un proche avenir. La part des ZFE dans les exportations totales varie énormément, de 1 à 2 pour cent à plus de 60 pour cent. Il en va de même de l'emploi. La main-d'œuvre des ZFE est essentiellement féminine. La plupart des réponses déclarent que l'on s'attend à ce que l'emploi y progresse, mais elles divergent fortement sur le fait de savoir si les conditions d'emploi y sont similaires à celles des secteurs comparables du reste de l'économie. Si la plupart des gouvernements et la moitié des employeurs indiquent qu'elles sont les mêmes, les travailleurs indiquent dans presque tous les cas qu'elles sont différentes. Pour certains mandants, les conditions d'emploi dans les ZFE sont meilleures; pour un nombre bien supérieur d'entre eux, surtout parmi les travailleurs, tel n'est pas le cas. Ces derniers signalent des salaires et avantages parfois inférieurs, l'absence de sécurité sociale, de pension de retraite ou de systèmes de participation aux bénéfices, le recours systématique aux contrats temporaires et la non-application de la législation et des normes du travail dans des domaines comme la liberté syndicale et le droit de négociation collective. La raison la plus souvent citée pour expliquer cette différence est la nécessité d'attirer les investissements dans un climat de concurrence acharnée.

III. Attitudes vis-à-vis de la libéralisation et de la mondialisation; changements apportés à la législation nationale

18. Il était demandé aux mandants de préciser si, au regard de l'économie mondiale, plusieurs facteurs constituaient un avantage ou un handicap pour leur pays. Les trois groupes ont déclaré que, sur l'ensemble des six facteurs indiqués, les coûts salariaux et les charges sociales leur paraissaient les moins avantageux. Les qualifications de la main-d'œuvre ont été placées en tête des avantages par les gouvernements et par les travailleurs alors que les employeurs ont opté pour la capacité d'innover et de s'adapter. Dans les pays industriels, les coûts salariaux et les charges sociales sont, d'une certaine manière, considérés comme un handicap alors que les qualifications des travailleurs, le climat des relations professionnelles, la productivité du travail et la capacité d'innover ou de s'adapter sont, par ordre décroissant, classés dans la catégorie des avantages. Les bas salaires des pays en transition constituent leur atout majeur, suivis par les qualifications de la main-d'œuvre. Du point de vue des mandants des pays en développement, tous les facteurs cités leur paraissent procurer un léger avantage, à l'exclusion des coûts salariaux perçus comme un facteur neutre.

19. Il ressort nettement de l'enquête que le défi de la mondialisation et de la libéralisation des échanges est pris très au sérieux par la plupart des pays, notamment en développement et en transition. Les modifications multiples et substantielles qui, depuis une dizaine d'années, sont apportées à la législation nationale en vue de tirer un meilleur parti des possibilités offertes par cette double évolution(4) sont là pour en témoigner. Selon plus de 70 pour cent des réponses de chaque groupe, les changements les plus fréquemment apportés visent à développer les exportations, à attirer les investissements étrangers et à améliorer la formation ainsi que le recyclage. Près de la moitié des réponses se sont également référées aux changements apportés à la législation en ce qui concerne la création ou le développement des zones franches d'exportation (ZFE), au travail en sous-traitance, au salaire minimum légal, aux conditions d'engagement, à la durée du travail, au licenciement ainsi qu'aux autres modifications qui visent à accroître la flexibilité du marché du travail. Les conséquences sociales préjudiciables de la mondialisation et de la libéralisation des échanges semblent avoir moins retenu l'attention: les changements législatifs les moins fréquents sont ceux qui portent sur l'introduction de régimes spéciaux conçus à l'intention des travailleurs ayant perdu leur emploi par suite de la libéralisation des échanges et d'autres mesures visant à atténuer les répercussions négatives que peut avoir la mondialisation. On s'attend à ce que les changements apportés à la législation soient, dans les toutes prochaines années, plus nombreux qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent dans tous les domaines.

20. Près de la moitié des réponses pour l'ensemble des groupes ou pour chacun d'entre eux déclarent que la libéralisation des échanges et la mondialisation n'exercent aucune influence sur les moyens d'action dont le gouvernement dispose pour promouvoir les objectifs sociaux de l'OIT. Pour ce qui est des autres, la plupart des travailleurs considèrent que les moyens d'action ont été réduits alors que les employeurs sont, en majorité, d'un avis contraire. Des progrès sont souvent attribués aux effets positifs de la libéralisation sur la croissance: il va sans dire que la croissance favorise la poursuite des objectifs sociaux. Par ailleurs, la privatisation et l'affaiblissement du rôle de l'Etat, qui résultent également de la libéralisation, sont souvent cités parmi les raisons qui expliquent pourquoi les moyens d'action disponibles sont aujourd'hui plus limités. La montée du chômage, l'érosion des salaires, la suppression des subventions et la déréglementation du marché du travail sont évoquées comme d'autres raisons.

IV. Action et coopération internationales

21. Une majorité des mandants, notamment de pays industriels, ayant répondu au questionnaire ne considèrent pas que la libéralisation des échanges et la mondialisation exercent une forte influence sur l'aptitude de leur pays à ratifier et à appliquer les conventions de l'OIT relatives aux droits fondamentaux des travailleurs ou d'autres normes du travail. Les autres se répartissent équitablement entre ceux qui estiment que ces phénomènes ont contribué à réduire cette aptitude et ceux qui sont de l'opinion contraire. Les travailleurs ont davantage tendance à faire état de plus grandes difficultés que les gouvernements ou les employeurs. Il ressort de la classification des réponses par type d'économie que là où la libéralisation des échanges et la mondialisation ont exercé une influence sur cette aptitude, elle a le plus souvent consisté à faciliter la ratification et l'application des conventions dans les économies en transition, à les compliquer dans les pays industriels, les résultats ayant été mitigés dans les pays en développement.

22. Les mandants sont largement d'accord (à 82 pour cent) sur le fait que la libéralisation des échanges et la mondialisation rendent nécessaires la reconnaissance et l'application universelles des droits fondamentaux des travailleurs. Si les travailleurs sont très largement de cet avis (89 pour cent) tout comme les gouvernements (84 pour cent), les employeurs ne sont pas loin derrière (71 pour cent). L'adhésion est moins résolue en ce qui concerne les autres normes du travail (65 pour cent), mais la configuration reste la même et une majorité des gouvernements et des employeurs sont du même avis. En outre, la presque totalité de ceux qui estiment que la libéralisation des échanges et la mondialisation exigent la reconnaissance universelle et l'application des droits fondamentaux des travailleurs sont d'avis que cet objectif doit être poursuivi dans le cadre de l'OIT. Près d'un quart d'entre eux sont également favorables à une action menée dans une autre enceinte, l'Organisation mondiale du commerce étant l'instance la plus fréquemment citée, notamment par les organisations de travailleurs.

23. Bon nombre de réponses prévoient que l'on aura davantage recours à l'avenir aux quatre types de mesures évoquées dans le questionnaire pour promouvoir le respect des normes internationales du travail. Les plus attendues de ces mesures (70-80 pour cent des réponses) sont l'application volontaire de codes de conduite pour les entreprises ou les industries et la mise au point de systèmes d'étiquetage pour les biens et les services fabriqués ou fournis en respectant les droits fondamentaux des travailleurs. Près de la moitié des réponses s'attendent à ce qu'il soit davantage recouru au boycottage de produits importés par les syndicats, les consommateurs ou d'autres groupes non-gouvernementaux et à l'application extraterritoriale des législations nationales. Les travailleurs sont plus nombreux que les gouvernements, et surtout que les employeurs, à s'attendre à de telles mesures, sauf pour ce qui est des codes de conduite, dont l'utilisation accrue est prévue par les quatre cinquièmes des réponses de chaque groupe. Pour ce qui est des mesures auxquelles les mandants sont le plus favorables, les codes de conduite et les systèmes d'étiquetage figurent en tête.

V. Observations générales, suggestions et informations

Suggestions de recherche pour l'avenir

24. Bon nombre de réponses contiennent des suggestions de recherche pour l'avenir ou souscrivent à des propositions déjà avancées lors de réunions antérieures du groupe de travail. Parmi ces dernières figurent des propositions formulées par le groupe des travailleurs qui recommandent la conduite par l'OIT d'examens par pays sur le respect des droits fondamentaux des travailleurs par les Etats Membres, une évaluation de l'efficacité des mécanismes de défense des droits fondamentaux des travailleurs, une étude de l'utilisation faite des mesures d'incitation du marché du travail pour attirer des investissements étrangers directs et une analyse des liens entre le respect des normes du travail, la productivité et le développement économique.

25. Un thème de recherche fréquemment cité concerne des analyses empiriques plus détaillées de l'incidence de la libéralisation des échanges et de la mondialisation sur les objectifs sociaux de l'OIT. Plusieurs mandants se sont en particulier félicités de la proposition des études par pays. Certains d'entre eux ont recommandé une analyse des répercussions sociales des politiques du FMI, de la Banque mondiale et du PNUD. D'autres suggestions plus ciblées ont évoqué la nécessité d'une analyse de l'incidence de la mondialisation et de la libéralisation des échanges sur les agglomérations urbaines et le secteur non structuré ainsi que sur les secteurs industriels des pays en développement caractérisés par un marché intérieur exigu. Il a également été proposé de mettre au point un système d'indicateurs qui permette d'évaluer périodiquement le degré d'exposition à la mondialisation et à la libéralisation des échanges et son efficacité dans chaque pays. D'autres propositions visaient la relation entre la libéralisation des échanges et les normes du travail ainsi que les tendances globales de la productivité et de la compétitivité dans différents pays. Des études comparatives des droits syndicaux et de la liberté d'organisation dans les entreprises multinationales ainsi que du respect des droits fondamentaux des travailleurs dans les zones franches d'exportation ont également été suggérées.

26. Enfin, plusieurs suggestions portent sur le type d'enquête prévu. Il a été proposé d'adresser un questionnaire de suivi dans cinq ans environ afin d'acquérir une meilleure compréhension de l'incidence réelle de la libéralisation des échanges et de la mondialisation, en particulier sur les pays en développement. D'autres propositions de même nature recommandent d'adresser un questionnaire approprié aux sociétés multinationales ainsi qu'aux syndicats et aux organisations affiliées aux confédérations syndicales afin de leur demander leur avis.

Autres moyens et autres institutions

27. Plusieurs mandants ont fait des suggestions concernant d'autres moyens et d'autres institutions par le biais desquels la question de l'incidence de la libéralisation des échanges et de la mondialisation sur la réalisation des objectifs sociaux de l'OIT pourrait être traitée. Parmi les mesures proposées figurent l'inclusion d'une dimension sociale dans tous les programmes d'aide multilatérale au développement, l'examen par la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail du Conseil d'administration de l'extension des procédures de contrôle applicables aux normes fondamentales du travail, la promotion de normes du travail spécifiques par le biais de programmes coordonnés de coopération technique et d'aide au développement, la conduite d'enquêtes périodiques, et la tenue de discussions et de séminaires sur des thèmes se rapportant à cette question. Au nombre des autres institutions évoquées figurent l'OMC, l'OCDE, la CNUCED et les institutions financières internationales.

Manière pour l'OIT de s'affirmer

28. Il était demandé aux mandants de donner leur avis sur la manière dont l'OIT devrait s'affirmer et atteindre ses objectifs en la matière au sein de la communauté internationale. On peut regrouper les suggestions sous les rubriques suivantes.

a) Le renforcement de l'action normative de l'OIT: La promotion active et l'application des normes internationales du travail, notamment des normes fondamentales, sont recommandées par certains mandants. Il a également été proposé à cet égard que l'OIT s'efforce de susciter un accord international sur ce que sont les normes fondamentales du travail et communique cette définition à la communauté internationale. Plusieurs mandants ont également préconisé le renforcement des mécanismes de contrôle, ainsi que la réorientation des activités normatives de l'OIT vers la révision et la modernisation des normes existantes, ou vers l'élaboration d'une nouvelle convention qui permette de s'attaquer à l'exploitation du travail des enfants.

b) Le renforcement de la capacité analytique de l'OIT: Une autre approche suggérée par nombre de mandants consisterait à mener des recherches continues et objectives, à diffuser des informations et à faire de l'OIT un centre d'excellence sur le sujet. Une conférence sur la libéralisation des échanges et la mondialisation a également été proposée.

c) Des activités de diffusion: Les suggestions formulées au titre de cette rubrique englobent notamment la promotion du tripartisme et la recherche d'un consensus, la coopération technique sur des questions sociales et des questions relatives au travail, la sensibilisation et l'éducation, les mesures destinées à faciliter l'accès des travailleurs à la formation et l'établissement de mécanismes permettant aux travailleurs ordinaires de se familiariser avec les travaux de l'OIT.

d) Une coopération et une coordination inter-institutions: Un certain nombre de réponses indiquent que le rôle de chef de file de l'OIT dans ce domaine pourrait être affirmé par le biais d'une coopération et d'une coordination plus efficaces avec les autres organisations internationales intéressées, telles que l'OMC, le FMI, la Banque mondiale et l'Union européenne, de manière à faire en sorte que, dans toute la mesure possible, les droits des travailleurs ne soient pas affectés par la libéralisation. Certains mandants sont d'avis que l'OIT devrait défendre l'idée d'un lien officiel entre le respect des droits fondamentaux des travailleurs et la participation aux échanges internationaux. D'autres, en revanche, estiment que l'OIT ne devrait pas s'occuper des questions relatives au commerce ni chercher à jouer un rôle de chef de file ou approuver l'imposition de contraintes qui risquent de faire plus de mal que de bien. Il a été suggéré que l'OIT demande la constitution d'un groupe de travail chargé d'étudier cette question à l'OMC et qu'elle obtienne le statut permanent d'observateur au sein de cette organisation. La création d'un comité consultatif OIT/OMC sur les normes du travail a également été proposée.

Genève, le 3 mars 1997.

1 Document GB.267/WP/SDL/1/1.

2 Rapport oral de la Présidente au Conseil d'administration. Voir document GB.267/PV: procès-verbal de la troisième séance.

3 Le rapport précédent donne des informations détaillées sur les méthodes de classification et d'établissement des statistiques.

4 Il convient de souligner que si la plupart des réponses apportées aux autres parties du questionnaire renseignent sur la façon dont ses effets sont perçus, celles qui portent sur les changements apportés à la législation nationale fournissent davantage d'indications factuelles à ce sujet.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.