GB.268/2 268e session Genève, mars 1997 |
DEUXIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
A. Propositions pour de nouvelles normes
B. Proposition pour la révision de normes existantes
C. Propositions pour une discussion générale
1. Conformément aux dispositions adoptées par le Conseil d'administration à sa 254e session (novembre 1992)(1), il est proposé que la 87e session (1999) de la Conférence internationale du Travail s'ouvre le mardi 1er juin 1999.
2. Il est proposé que la session se tienne à Genève.
3. La Conférence sera saisie des questions inscrites d'office, à savoir:
4. L'ordre du jour de la 86e session (1998) de la Conférence, tel qu'il a été établi par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996), comprend deux questions normatives en deuxième discussion (les conditions générales pour stimuler la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises et le travail en sous-traitance) ainsi qu'une question normative en première discussion (le travail des enfants).
5. Les propositions de programme et de budget pour la période biennale 1998-99 prévoient, à des fins budgétaires et sans préjuger de la décision du Conseil d'administration, que trois questions techniques au total pourraient être inscrites à l'ordre du jour de la Conférence en 1999. Etant donné qu'une deuxième discussion devrait se tenir en 1999 en vue de l'adoption de nouvelles normes sur le travail des enfants, le Conseil d'administration devrait, à sa présente session, n'avoir que deux questions normatives à choisir en vue de compléter l'ordre du jour de la 87e session (1999) de la Conférence. On se souviendra toutefois qu'aucune question pour discussion générale n'a été retenue pour la session de 1998 de la Conférence. Au cas où le Conseil d'administration souhaiterait compenser les décisions qu'il a prises pour 1998, il pourrait décider de remplacer l'une des questions normatives par une discussion générale en 1999.
6. Lors de sa 267e session (novembre 1996), le Conseil d'administration a procédé à un premier examen des questions proposées pour inscription à l'ordre du jour de la Conférence en 1999. Il a décidé de demander que des rapports détaillés lui soient soumis à sa présente session sur les sept questions suivantes:
Propositions pour de nouvelles normes:
I. Enregistrement et déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (y compris la révision de la liste des maladies professionnelles, tableau I de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964).
II. Protection des données personnelles des travailleurs.
III. Promotion des coopératives.
Proposition pour la révision de normes existantes:
IV. Révision de la convention (no 103) (révisée) et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952.
Propositions pour une discussion générale:
V. Rôle de l'OIT dans la coopération technique.
VI. Règlement des conflits du travail.
VII. Investissement et emploi.
7. Les questions I à VI ont déjà fait l'objet de propositions soumises au Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996). A la demande du groupe des employeurs, une nouvelle série de propositions ont été préparées sur le thème Investissement et emploi (question VII). On se souviendra en outre que le Conseil d'administration a demandé que la question du règlement des conflits du travail ne soit plus proposée en vue de l'adoption de nouvelles normes mais plutôt pour discussion générale. Les propositions portant sur cette question ont donc été révisées en conséquence. Les propositions relatives à la question I ont également été modifiées en vue de tenir compte des faits nouveaux survenus dans ce domaine.
8. La présentation du document soumis au Conseil d'administration est différente de celle adoptée les années précédentes car les contributions II à V, qui n'ont pas subi de modifications par rapport à celles présentées en novembre 1996, n'ont pas été reproduites. On rappellera en effet que selon l'accord passé en 1992 au sein du Conseil d'administration seules les questions supplémentaires proposées par le Conseil lors de la première discussion en novembre devraient être traitées dans le document de mars, tandis que le document présenté lors de la session de novembre contiendrait des contributions sur toutes les questions proposées par le Directeur général. Dans le but d'éviter la publication à deux reprises des mêmes contributions, et pour des raisons d'économies, seules les questions supplémentaires ou celles qui ont fait l'objet de modifications suite à la première discussion sont publiées dans le présent document. Bien entendu, le document GB.267/2 relatif aux propositions pour l'ordre du jour de la 87e session (1999) de la Conférence, présenté en novembre 1996, est à la disposition des membres du Conseil d'administration qui souhaiteraient le consulter.
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9. Les activités normatives de l'OIT en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles ont mis l'accent sur différents aspects de la prévention sur le lieu de travail. Les conventions et recommandations existantes comportent des dispositions générales relatives à la déclaration des lésions professionnelles, mais n'envisagent pas véritablement l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles sous l'angle de la prévention. Les définitions nationales diffèrent souvent de la définition internationale que recommande la résolution concernant les statistiques sur les lésions professionnelles adoptée par la treizième Conférence internationale des statisticiens du travail (Genève, 1982). En outre, les procédures de collecte des données et de déclaration varient selon les pays, de même que les sources des statistiques et les domaines qu'elles couvrent (par exemple certaines catégories de travailleurs, certaines formes d'activité économique, les entreprises employant un nombre donné de travailleurs, les lésions entraînant une durée minimum d'incapacité, etc.). Les systèmes de déclaration obligatoire des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que les régimes d'indemnisation sont en général les deux principales sources de statistiques. Or, compte tenu de la diversité des définitions et des procédures appliquées dans les Etats Membres, il est impossible de savoir précisément si l'information disponible rend bien compte de la situation réelle. Sans harmonisation préalable, on ne peut donc établir des comparaisons internationales permettant d'évaluer le degré d'observation des normes et l'efficacité de la prévention.
10. La question de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, proposée pour la première fois au Conseil d'administration à sa session de novembre 1989, n'a pas été retenue pour l'ordre du jour de la Conférence de 1991(2). Depuis lors, plusieurs Etats Membres ont modifié leurs systèmes de statistiques sur les accidents du travail ou en ont introduit de nouveaux. Des participants au Séminaire tripartite régional latino-américain sur l'organisation des services de santé au travail et sur l'enregistrement et l'analyse des accidents du travail et des maladies professionnelles (Mexico, 23-27 octobre 1989) ont souligné combien il importe de disposer de données fiables sur les lésions professionnelles et insisté sur la nécessité d'harmoniser les systèmes d'enregistrement et de déclaration. Des propositions visant à harmoniser les statistiques sur les accidents du travail et les maladies professionnelles dans les Etats membres de l'Union européenne ont déjà été avancées, et deux groupes de travail ont été créés: le Groupe de travail chargé de l'harmonisation des statistiques européennes sur les accidents du travail (ESAW) et le Groupe de travail des statistiques sur les maladies professionnelles. A la suite d'une étude approfondie des pratiques en vigueur dans les Etats membres de l'Union européenne, des méthodes ont été mises au point pour l'harmonisation des statistiques sur les accidents du travail et l'établissement de statistiques comparables sur les maladies professionnelles. En 1992, la XXIVe Assemblée générale de l'Association internationale de la sécurité sociale (AISS) a adopté un rapport qui prône également la mise en place d'un système international harmonisé pour la déclaration des accidents et la compilation de statistiques d'accidents du travail.
11. A la session de mars 1994 du Conseil d'administration, il a à nouveau été proposé d'inscrire la question de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles à l'ordre du jour de la Conférence de 1996(3). Avant d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une future session de la Conférence, le Conseil a décidé d'attendre les résultats de la réunion d'experts qui, en octobre 1994, a été saisie d'un projet de Recueil de directives pratiques sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pour examen et adoption (voir plus loin le paragraphe 19). Bien que dépourvu de caractère obligatoire, ce projet de recueil indique la démarche à suivre pour établir des critères uniformes propres à faciliter la mise en place, compte tenu de l'expérience internationale, de systèmes qui devraient permettre aux Etats Membres de recueillir des informations comparables. Ses recommandations visent à orienter et à stimuler leurs efforts d'harmonisation et peuvent contribuer à la définition du contenu de normes internationales futures.
12. La question de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, de nouveau proposée au Conseil d'administration à sa session de mars-avril 1995, n'a pas été retenue pour l'ordre du jour de la Conférence de 1997(4). Compte tenu des besoins et des tendances récentes au plan international et de la récente parution du recueil de directives pratiques en 1996, il est proposé d'inscrire l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail en 1999. A l'évidence, des normes internationales permettraient d'améliorer et d'harmoniser à la fois la terminologie et les procédures. Cela faciliterait la collecte de données fiables et comparables sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en vue de l'instauration de politiques et de mesures cohérentes de prévention tant aux niveaux national et sectoriel qu'à celui de l'entreprise.
Le problème
13. Malgré les progrès réalisés dans les domaines de la sécurité, de la santé et du bien-être des travailleurs, on dénombre chaque année pas moins de 200 000 décès et 120 millions d'accidents et de cas de maladies d'origine professionnelle. L'absence de données fiables sur les causes de ces accidents et de ces maladies est un obstacle majeur à la prévention de ce fléau. Pour que l'on puisse réunir ces informations, il faut qu'il y ait à la fois enregistrement au niveau de l'entreprise et déclaration auprès des autorités compétentes.
14. Les employeurs sont tenus d'enquêter sur les accidents et les cas de maladies survenant dans leur entreprise et d'enregistrer les informations obtenues. Certains renseignements essentiels doivent être relevés concernant la victime, notamment les conditions dans lesquelles l'accident est survenu ou la maladie s'est déclarée. Enregistrées selon une présentation uniforme, ces données permettent d'analyser les circonstances des accidents et maladies, d'en découvrir les causes et de concevoir des mesures de prévention. Elles permettent aussi aux représentants des travailleurs, lorsqu'elles leur sont communiquées, de contribuer à l'amélioration des conditions de travail.
15. L'entreprise ne doit pas se borner à enregistrer les informations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et à les conserver dans l'entreprise; il lui faut également les déclarer auprès des autorités compétentes, c'est-à-dire principalement aux organismes de sécurité sociale ou aux services chargés de faire appliquer la législation relative à la sécurité et à la santé au travail. Les organismes de sécurité sociale, qu'ils relèvent de l'Etat ou qu'ils soient totalement ou partiellement autonomes, ont besoin de ces informations pour indemniser les victimes ou leurs ayants droit. Les services chargés de faire respecter la législation en ont besoin pour étudier les cas individuels et établir des statistiques qui leur permettront de concevoir des stratégies d'application et des directives propres à faciliter l'élaboration de programmes de prévention efficaces. Certains organismes de sécurité sociale ont pour double fonction d'administrer les régimes d'indemnisation et de contribuer à la prévention des accidents et des maladies. Il importe que la déclaration suive une présentation uniforme de façon que les informations reçues par ces organismes puissent être exploitées efficacement pour déterminer, en particulier, quels sont les accidents et les maladies les plus fréquents et pour mettre au point des stratégies permettant de les combattre.
16. La qualité des informations disponibles au niveau de l'entreprise comme au niveau national à des fins de prévention varie beaucoup d'un pays à l'autre, selon la portée de la législation sur les prestations de sécurité sociale et sur la protection en matière de sécurité et de santé au travail. Certains pays n'ont même pas encore pris de dispositions pour organiser la collecte de données. Les normes nationales s'assortissent rarement de directives pour l'enregistrement et la déclaration.
Normes internationales
17. Les normes de l'OIT en matière de sécurité et de santé au travail n'abordent guère l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles sous l'angle de la prévention et ne sont pas suffisamment directives. La convention (no 160) et la recommandation (no 170) sur les statistiques du travail, 1985, ainsi que la résolution concernant les statistiques sur les lésions professionnelles adoptée par la treizième Conférence internationale des statisticiens du travail (1982), favorisent la compilation de statistiques sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
18. L'article 11 de la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, prévoit que l'autorité ou les autorités compétentes devront progressivement assurer l'établissement et l'application de procédures visant la déclaration des accidents du travail et des cas de maladies professionnelles par les employeurs et, le cas échéant, par les institutions d'assurance et les autres organismes ou personnes directement intéressés, ainsi que l'établissement de statistiques annuelles. Le paragraphe 15 de la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, dispose que les employeurs devraient être tenus d'enregistrer les données relatives à la sécurité, à la santé des travailleurs et au milieu de travail jugées indispensables par l'autorité ou les autorités compétentes et qui pourraient inclure les données concernant tous les accidents du travail et tous les cas d'atteinte à la santé donnant lieu à déclaration. La convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, dispose que la législation nationale concernant les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles doit protéger tous les salariés. Chaque Membre doit prescrire une définition de l'accident du travail et dresser une liste des maladies qui seront reconnues comme maladies professionnelles dans des conditions prescrites. La législation nationale devra inclure une définition générale des maladies professionnelles qui soit suffisamment large pour couvrir au moins les maladies énumérées dans le tableau I annexé à la convention. Conformément à la recommandation (no 97) sur la protection de la santé des travailleurs, 1953, la législation nationale devrait exiger la déclaration des cas de maladie professionnelle reconnus ou suspectés. Beaucoup de conventions et de recommandations de l'OIT contiennent des dispositions de ce type, très générales, mais ne donnent aucune indication pratique quant aux méthodes d'enregistrement et de déclaration ni quant aux procédures ou systèmes nationaux appropriés.
19. En octobre 1994, un Recueil de directives pratiques sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles a été élaboré lors d'une réunion d'experts, dans le souci d'offrir aux autorités compétentes un instrument précieux qui les aide à mettre au point des systèmes d'enregistrement et de déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, et qui fournisse également des conseils utiles en vue d'une action concertée des employeurs et des travailleurs propre à assurer une prévention globale des maladies professionnelles. Les experts ont souligné que la collecte, l'enregistrement et la déclaration des données relatives aux accidents et aux maladies professionnelles sont indispensables pour prévenir les lésions professionnelles et indiqué qu'il importait de recenser et d'étudier les causes d'accidents et l'origine des maladies, en vue de mettre au point des mesures préventives. Ils sont également convenus qu'il incombait à l'autorité compétente d'établir et de mettre en uvre un système national d'enregistrement et de déclaration des accidents du travail, des maladies professionnelles, des accidents de trajet, des événements et des incidents dangereux; que ce système devait être mis en uvre par l'employeur après consultation des travailleurs et de leurs représentants; que les concepts pertinents ainsi que la terminologie adaptée au système de notification, d'enregistrement et de déclaration devaient être définis par l'autorité compétente, après consultation des organisations les plus représentatives de travailleurs et d'employeurs, qu'ils devaient s'inspirer du recueil de directives pratiques et être conformes aux accords et aux recommandations adoptés à l'échelle internationale. Le Conseil d'administration, à sa 261e session (novembre 1994), a approuvé le texte du recueil de directives pratiques pour publication(5), et ce recueil est disponible depuis novembre 1996. Un extrait du rapport de la réunion d'experts(6), qui reflète fidèlement les conclusions auxquelles ont abouti les débats, a été incorporé au recueil et fournit des conseils d'utilisation.
20. Ce recueil a pour objectifs:
21. La réunion d'experts a reconnu l'intérêt des listes de maladies professionnelles et la nécessité de prodiguer des conseils par leur truchement, notamment dans les pays se trouvant à des stades de développement différents et où il n'existe aucune liste de ce type. En conséquence, le recueil de directives pratiques prévoit que l'autorité compétente doit établir une liste de maladies, comprenant au moins les maladies énumérées dans la version la plus récente du tableau I annexé à la convention no 121, qui doivent être considérées comme des maladies professionnelles dans les conditions stipulées, ou qu'elle doit inclure dans sa législation une définition générale des maladies professionnelles qui soit suffisamment large pour englober au moins les maladies énumérées au tableau I, et qu'elle doit réexaminer périodiquement la liste établie et la compléter progressivement. La version actuelle du tableau I, telle qu'elle a été amendée en 1980, figure à l'annexe A du recueil de directives pratiques. Les experts ont reconnu les difficultés inhérentes à l'identification des maladies professionnelles et au fait de se référer à une liste dont l'établissement remonte à quinze ans, et ils ont donc recommandé de mettre à jour le tableau I annexé à la convention susmentionnée. En 1991, une liste révisée a été préparée lors d'une consultation informelle sur la révision du tableau I, organisée par le BIT. Comme cette liste révisée n'a pas été approuvée officiellement, elle a été reproduite à l'annexe B du recueil de directives pratiques, comme exemple de maladies professionnelles que les pays peuvent choisir de faire figurer dans leurs listes lorsqu'ils les révisent et les complètent. La question de la révision de la liste des maladies professionnelles annexée à la convention no 121 a été proposée au Conseil d'administration à sa session de novembre 1992, mais n'a pas été retenue pour l'ordre du jour de la Conférence de 1994(7). Une telle liste peut constituer un instrument précieux pour la mise en uvre des nouvelles normes internationales envisagées.
22. Il serait donc approprié que la Conférence envisage dans le même temps de mettre à jour la liste des maladies professionnelles du BIT parallèlement aux instruments internationaux qui pourraient être adoptés sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. La liste proposée de maladies professionnelles qui sera soumise à la Conférence en 1999 aurait pour double fonction: i) d'offrir une version révisée du tableau I annexé à la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, c'est-à-dire qu'elle pourrait être utilisée à des fins d'indemnisation; ii) de constituer également une liste de maladies professionnelles pour le ou les nouveaux instruments, c'est-à-dire qu'elle serait utilisée à des fins d'enregistrement et de déclaration. Il convient de noter à cet égard qu'une réunion d'experts doit se tenir en 1998 en vue d'examiner certains aspects des statistiques des maladies professionnelles, en particulier la compilation des données et la révision des systèmes de classification des accidents du travail qui remontent à 1962, et auxquels se réfère le recueil de directives pratiques. Sur la base des conclusions adoptées par cette réunion, la seizième Conférence internationale des statisticiens du travail, prévue pour la fin de l'année 1998, adoptera de nouvelles recommandations dans ce domaine. La liste mise à jour des maladies professionnelles ainsi que les systèmes révisés de classification des accidents du travail se révéleront indispensables dans la mise en uvre du ou des instruments internationaux qui pourraient être adoptés en matière d'enregistrement et de déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Enregistrement et déclaration des accidents du travail
23. Les modalités d'enregistrement des accidents au niveau de l'entreprise varient très fortement d'un cas à l'autre. Si les grandes entreprises ont tendance à établir des comptes rendus détaillés des accidents et de leurs causes, ce n'est pas la règle dans les autres. Certaines entreprises, notamment des multinationales, ont établi leur propre système d'enregistrement, parfois pour pouvoir comparer les chiffres entre leurs divers établissements. Ces pratiques répondent certes à un besoin immédiat, mais elles ne sont d'aucune utilité pour les autorités nationales qui s'interrogent sur l'orientation qu'elles doivent donner à leurs efforts de prévention. Dans beaucoup de pays, l'enregistrement des accidents et des maladies au niveau de l'entreprise n'est régi par aucune disposition législative.
24. La déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles est généralement liée à un système national d'indemnisation ou à l'obligation légale de notification à l'autorité compétente. Dans un certain nombre de pays, les rapports faisant état d'accidents du travail sont adressés à la fois à l'organisme de sécurité sociale et à l'autorité chargée de faire respecter la législation ou au service équivalent.
25. En règle générale, seuls les accidents donnant lieu à indemnisation ou ceux qui répondent à certains critères font l'objet de déclarations auprès des autorités compétentes, tandis que bon nombre d'accidents mineurs, dont la connaissance serait pourtant encore plus importante pour mettre au point des mesures de prévention, ne sont pas déclarés. Il en résulte que la fréquence relative des accidents déclarés peut varier grandement selon les pays et selon les secteurs de l'économie d'un même pays. Au surplus, des changements dans l'organisation des régimes d'assurance ou dans les critères d'indemnisation ou de déclaration peuvent avoir des conséquences directes sur le nombre des accidents du travail déclarés.
26. Un problème important, lorsque l'on compare les chiffres relatifs aux accidents du travail dans divers pays, est celui des différences dans les principales catégories d'accidents non mortels soumis à déclaration dans chaque pays, qui vont des accidents entraînant une incapacité de travail d'un nombre de jours déterminé aux accidents de toute nature, avec ou sans interruption de travail. En outre, les renseignements à fournir dans la déclaration diffèrent. Dans la plupart des pays, des indications doivent être fournies sur l'heure, le jour et le lieu de l'accident, le type d'accident et sa cause principale, ainsi que sur la nature et le siège de la lésion. Dans certains pays, des précisions doivent être fournies sur ce que faisait la personne au moment de l'accident. Seuls quelques pays demandent que l'on indique la profession, les qualifications et la formation de la personne victime de l'accident, depuis combien de temps cette personne occupe sa fonction et quels sont les dispositifs de sécurité ou l'équipement de protection individuelle prévus. Les critères pour la déclaration des accidents diffèrent pour les accidents de trajet et les accidents de la circulation survenus pendant le travail.
27. On relève aussi des différences considérables en ce qui concerne la déclaration des accidents dans certains secteurs de l'économie. En particulier, dans les secteurs de l'agriculture, de la construction, de la marine et des mines, les critères de déclaration ne sont pas uniformes, ce qui peut se traduire par des informations incohérentes dans un certain nombre de pays. Les déclarations sont généralement peu nombreuses dans le secteur tertiaire. En outre, les travailleurs indépendants, les travailleurs à temps partiel, les travailleurs occasionnels et les stagiaires ou apprentis peuvent être omis du fait qu'ils n'ont pas recours aux régimes d'assurance publics.
28. En général, les données relatives aux accidents mortels sont plus fiables que celles qui ont trait aux accidents non mortels parce que les premiers sont presque toujours déclarés. Là encore, la pratique n'est cependant pas uniforme en ce qui concerne l'interprétation du terme mortels aux fins de déclaration.
Enregistrement et déclaration des maladies professionnelles
29. L'enregistrement et la déclaration des maladies professionnelles sont encore plus compliqués. La plupart des pays ont une définition légale des maladies professionnelles qui revêt la forme d'une liste officielle de ces maladies. Dans bien des cas, la liste officielle est liée aux critères d'indemnisation. Toutefois, il y a des différences entre les méthodes de définition choisies. Certains pays ont une liste de maladies classées qui est parfois similaire, mais pas nécessairement identique, au tableau I annexé à la convention no 121, tel qu'il a été modifié en 1980. D'autres Etats Membres utilisent un système dit mixte (maladies figurant sur la liste et autres maladies). Il en résulte que les statistiques nationales sur les maladies professionnelles diffèrent en ce qui concerne les maladies visées, leur définition, les critères pour reconnaître ces maladies et les catégories de travailleurs couvertes. Les maladies ayant des causes multiples et celles qui ont de longues périodes de latence posent des problèmes particuliers.
30. Les procédures de déclaration des maladies professionnelles diffèrent considérablement de celles des accidents du travail, en ce qui concerne aussi bien les personnes chargées de faire les déclarations que les personnes qui les reçoivent. C'est l'employeur ou le médecin qui doit faire la déclaration à l'inspection du travail ou au service équivalent, ou bien le rapport doit être reçu en premier lieu par l'organisme d'assurance. Dans certains pays, il existe plusieurs méthodes d'information facultatives. Les déclarations vont toujours à l'organisme d'assurance chargé de verser les indemnités, mais il arrive que l'organisme de contrôle ne soit pas informé des cas de maladies professionnelles. En général, le nombre de cas de maladies professionnelles non déclarés est impossible à évaluer; d'après les études faites dans de nombreux pays, il n'y a pas de doute que ce nombre est considérable. Il convient de noter que beaucoup de pays en développement ne sont pas en mesure de recueillir et de publier des données nationales sur les maladies professionnelles. Dans ces pays, il arrive souvent que les maladies résultant d'une exposition professionnelle soient souvent diagnostiquées comme maladies non professionnelles parce que le pays ne dispose pas de spécialistes et/ou d'équipements permettant d'établir un diagnostic suffisamment précis à cette fin.
Teneur de l'instrument ou des instruments internationaux envisagés
31. Un système national de déclaration, d'enregistrement et d'évaluation des accidents du travail et des maladies professionnelles est essentiel pour le rassemblement de données cohérentes et comparables, pour les comparaisons internationales, et pour une utilisation économique et rationnelle de ressources limitées qui, dans le monde entier, sont affectées à la protection des travailleurs. Des normes internationales prévoiraient une politique et des principes cohérents au niveau national et à celui de l'entreprise, ainsi que la collecte harmonisée de données relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Cela faciliterait l'analyse comparative ainsi que la mise en uvre des politiques et programmes nationaux axés sur l'action préventive et les mesures de promotion. Le Recueil de directives pratiques sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles de l'OIT, paru en 1996, qui est certes plus détaillé que le ou les instruments envisagés, pourrait servir de point de départ pour les élaborer. Une convention énonçant les principes de base, complétée par une recommandation, est envisagée.
32. Les instruments envisagés devraient viser à renforcer et à coordonner les diverses activités au sein de systèmes cohérents de rassemblement d'informations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles dans les Etats Membres. Ces systèmes devraient englober les méthodes de déclaration et d'enregistrement au sein de l'entreprise et de déclaration à l'autorité nationale. Un bon système d'enregistrement à l'échelon de l'entreprise faciliterait l'étude et l'analyse des résultats enregistrés, ce qui favoriserait l'examen de la politique de sécurité et de santé au sein de l'entreprise, en particulier en vue de mettre au point des programmes cohérents et efficaces d'action préventive.
33. Les aspects suivants de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pourraient être abordés:
a) Dispositions générales
34. Les dispositions pourraient spécifier que l'autorité compétente devrait définir, mettre en uvre et réexaminer périodiquement une politique nationale et des principes directeurs cohérents sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, et qu'elle devrait instaurer et appliquer progressivement des procédures nationales, et mettre en place les modalités juridiques, institutionnelles et administratives nécessaires. Les dispositions concernant la déclaration au niveau national pourraient couvrir tous les accidents du travail mortels, tous les accidents du travail entraînant une incapacité de travail pendant une période à déterminer par l'autorité compétente et toutes les maladies professionnelles figurant sur une liste nationale ou répondant à la définition des maladies prescrites par l'autorité compétente et diagnostiquées au cours d'une période donnée. Les dispositions concernant l'enregistrement au niveau de l'entreprise pourraient être élargies de manière à couvrir également les accidents et les maladies auxquels ne s'appliquent pas les prescriptions en matière de déclaration.
b) Mesures au niveau de l'entreprise
i) Mesures à prendre pour l'enregistrement
35. Ces mesures concerneraient l'établissement de procédures adéquates et la répartition des responsabilités au sein de l'entreprise: le travailleur ayant à déclarer l'événement et l'employeur étant tenu d'enregistrer les accidents du travail et les cas de maladies professionnelles. Les dispositions pourraient préciser la teneur et le format des registres, le délai imparti aux employeurs pour établir les registres, et les mesures à prendre pour s'assurer la coopération des travailleurs et veiller à leur formation en matière de déclaration et d'enregistrement. Les indications à consigner dans les registres devraient comprendre au moins les renseignements qui doivent être déclarés au service compétent chargé de faire respecter la législation, à l'organisme approprié servant les prestations au titre de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ou à tout autre organisme désigné. Des dispositions pourraient prévoir l'enregistrement d'informations complémentaires ou progressivement plus détaillées.
ii) Utilisation des informations enregistrées
36. Des renseignements précis sur les causes les plus fréquentes des accidents du travail et des maladies professionnelles et sur l'ampleur des lésions permettraient d'établir plus facilement un ordre de priorité dans les mesures de prévention nécessaires. Ils faciliteraient aussi l'évaluation de l'efficacité des mesures législatives et autres. Des dispositions pourraient ainsi préciser les mesures à prendre pour favoriser l'identification et l'évaluation uniformes des causes des accidents du travail et des maladies professionnelles dans chaque entreprise et, par suite, dans toutes les branches de l'activité économique ainsi qu'à l'échelle nationale, par l'utilisation des informations enregistrées.
c) Déclaration au niveau national
i) Dispositions générales
37. Ces dispositions indiqueraient aux Etats Membres comment ils doivent établir et mettre en uvre des procédures uniformes pour la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, et notamment les organismes auxquels la déclaration doit être faite; elles préciseraient également les responsabilités des employeurs et des travailleurs quant au respect des procédures prévues. Les instruments envisagés pourraient également porter sur les mesures d'application.
ii) Prescriptions en matière de déclaration
38. Les dispositions préciseraient le type et la portée des informations à fournir à l'organe compétent chargé de faire respecter la législation, à l'organisme approprié servant les prestations au titre de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ou à tout autre organisme désigné, le délai dans lequel la déclaration devra être soumise en fonction du type de lésion et les dispositions que l'entreprise devra prendre en matière de déclaration. La déclaration des accidents du travail devrait comprendre des données sur l'entreprise où a eu lieu l'accident et sur son employeur, sur la victime de l'accident, sur l'ampleur, la nature et le siège des lésions provoquées, sur le déroulement de l'accident, sur l'enquête en cours et les mesures prises pour empêcher qu'un tel accident se reproduise. La déclaration des maladies professionnelles devrait comprendre des données sur l'entreprise et l'employeur, sur la personne atteinte de maladie professionnelle, sur la maladie professionnelle et les agents, procédés ou expositions qui, par leur nocivité, peuvent avoir causé cette maladie. Des dispositions pourraient prévoir que des informations progressivement plus détaillées figurent dans la déclaration.
iii) Procédures pour l'utilisation des résultats de la déclaration
39. Les instruments envisagés pourraient également proposer des moyens de promouvoir l'utilisation des données déclarées au niveau national, notamment par la création de bases de données nationales et l'établissement de statistiques fiables sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, dont on puisse s'inspirer pour établir un ordre de priorité et élaborer une politique et des programmes nationaux d'action préventive. Les instruments pourraient tenir compte du rôle qui incombe aux organismes de sécurité sociale et aux institutions responsables au niveau sectoriel selon la législation et la pratique nationales.
Révision de la liste des maladies professionnelles
40. Sur la base d'une étude des maladies qui pourraient être incorporées à bon escient dans une liste révisée des maladies professionnelles destinée à remplacer celle du tableau I annexé à la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, et compte tenu des pratiques actuelles et des tendances observées dans le diagnostic et l'évaluation des maladies professionnelles à des fins de réparation, la nouvelle liste envisagée pourrait inclure les rubriques supplémentaires ci-après:
41. L'inclusion des maladies susmentionnées dans la liste de l'OIT contribuerait de façon appréciable à la prévention, parce que ces maladies peuvent être évitées si un contrôle adéquat est exercé. Etant donné que la liste révisée sera utilisée à des fins d'indemnisation comme à des fins d'enregistrement et de déclaration des maladies professionnelles (voir plus haut, paragr. 21), elle devrait contribuer à améliorer la circulation de l'information sur la fréquence des maladies liées au travail dans un but de prévention. Cette liste fournira aussi une aide précieuse pour la surveillance de la santé des travailleurs exposés à des risques professionnels spécifiques. Une liste harmonisée aura l'avantage de favoriser une coopération étroite entre les organismes d'assurance et les services chargés de faire respecter la législation (paragr. 29). En raison de la double finalité de la nouvelle liste des maladies professionnelles, qui pourrait comporter deux parties, l'établissement de la liste et l'élaboration des nouveaux instruments sur l'enregistrement et la déclaration des maladies professionnelles devraient être simultanés. Aux fins de l'enregistrement et de la déclaration, la liste devrait non seulement mentionner les maladies pour lesquelles un lien direct avec le travail a été établi, mais aussi celles pour lesquelles on soupçonne l'existence d'un tel lien.
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42. L'attention du Conseil d'administration est appelée sur les conclusions adoptées par la Réunion d'experts sur la protection de la vie privée des travailleurs, tenue en octobre 1996(8). Les participants à la réunion ne sont pas parvenus à s'entendre sur l'opportunité d'adopter des normes internationales dans ce domaine, et aucune recommandation n'a par conséquent été formulée à cet effet. Compte tenu des circonstances, la contribution portant sur cette question, qui avait été présentée au Conseil d'administration, à sa session de novembre 1996(9), reste inchangée.
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43. Le Conseil d'administration est invité à se reporter au document GB.267/2 (partie IV) présenté en novembre 1996.
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44. On se souviendra que les propositions du Groupe de travail sur la politique de révision des normes relatives à la révision des conventions nos 3 et 103 ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996). Le groupe de travail a recommandé, en particulier, que la convention (no 3) sur la protection de la maternité, 1919, soit prise en considération dans le contexte de la révision des instruments sur la protection de la maternité(10). Compte tenu de ce qui précède, la contribution qui avait été soumise au Conseil d'administration sur ce thème en novembre 1996 demeure inchangée.
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45. Le Conseil d'administration est invité à se reporter au document GB.267/2 (partie VII) présenté en novembre 1996.
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46. Les propositions à ce sujet sont pour l'essentiel les mêmes que celles qui avaient été présentées au Conseil d'administration à ses 261e, 262e et 267e sessions. Toutefois, elles sont maintenant soumises en vue d'une discussion générale et non plus en vue de l'adoption de nouvelles normes.
47. Pour que les relations professionnelles se déroulent dans un climat sain, il importe de pouvoir assurer un règlement prompt et équitable des conflits du travail, et l'existence d'un mécanisme de règlement approprié apparaît indispensable à cet effet.
48. Il existe un grand nombre de procédures pouvant être engagées à différents stades d'un conflit, et divers pays ont opté pour des procédures différentes et instauré toute une série de mécanismes, en précisant les procédures à mettre en uvre aux différentes étapes de chaque type de conflit.
Catégories de conflits
49. La plupart des pays ont établi une distinction entre plusieurs types de conflits pour lesquels ils ont instauré des procédures de règlement distinctes. Les distinctions opérées par les pays reflètent l'évolution historique de leur système de relations professionnelles et varient par conséquent très fortement d'un cas à l'autre. Procéder à une classification des divers types de conflits du travail d'un point de vue global n'est donc pas chose aisée.
50. On peut néanmoins identifier un certain nombre de distinctions largement répandues. Les deux distinctions les plus courantes s'établissent entre les conflits de droits et les conflits d'intérêts, d'une part, et entre les conflits individuels et les conflits collectifs, de l'autre. La distinction entre les conflits de droits et les conflits d'intérêts caractérise le mécanisme de règlement des conflits dans de nombreux pays. Les conflits de droits sont soulevés par l'application ou l'interprétation d'une disposition d'un contrat de travail, d'une convention collective ou d'une loi; les conflits d'intérêts résultent de l'établissement ou de la modification de droits ou d'obligations, principalement dans le cadre de la négociation collective.
51. En ce qui concerne les conflits de droits, une distinction est souvent établie entre les conflits individuels et les conflits collectifs, alors que les conflits d'intérêts sont, en règle générale, uniquement collectifs. Un conflit individuel porte par définition sur l'interprétation d'un contrat individuel de travail ou la législation applicable en matière d'emploi. Des conflits de droits collectifs peuvent notamment être déclenchés par l'interprétation ou la violation alléguée des prescriptions de procédure d'une convention collective (par exemple les clauses d'obligation de paix sociale pendant toute la durée d'existence d'une convention collective) ou d'une loi (par exemple les prescriptions relatives à la constitution d'organes représentatifs des travailleurs dans les entreprises).
52. Dans un grand nombre de pays, la distinction précitée s'applique à la fois aux procédures de règlement des conflits en vigueur et au droit de grève et de lock-out. La distinction établie entre ces différents types de conflits est cependant loin d'être universelle et, même là où elle a cours, elle est souvent floue. Ainsi, cette distinction ne présente guère d'intérêt au Royaume-Uni, où l'élaboration de nouvelles règles est liée de manière si complexe à l'interprétation des règles existantes dans la négociation collective qu'un différend sur des droits existants peut facilement dégénérer en un conflit d'intérêts. Nombre de pays en développement d'Asie et d'Afrique, qui ont hérité du Royaume-Uni le large concept de différend du travail ou de différend professionnel qui englobe toutes les formes de conflits du travail, continuent d'avoir recours à des procédures de règlement qui, par principe, s'appliquent aussi bien aux conflits d'intérêts qu'aux conflits de droits, même si certains d'entre eux ont tenté avec plus ou moins de succès d'introduire une distinction (par exemple le Bangladesh et le Pakistan en 1969) et si d'autres pays ont élaboré des procédures spécifiquement conçues pour les conflits individuels déclenchés par la cessation de la relation de travail (par exemple à Sri Lanka depuis 1957 et en Malaisie depuis 1969).
53. Dans certains autres pays, par exemple la France et les pays francophones d'Afrique, la distinction fondamentale qui est observée des procédures de règlement des différends oppose les conflits individuels et les conflits collectifs, les premiers étant toujours des conflits de droits, tandis que les seconds, qui sont en général des conflits d'intérêts, peuvent aussi être des conflits de droits.
54. Dans nombre de pays en développement, la distinction entre conflits d'intérêts et conflits de droits est moins marquée en raison des diverses restrictions imposées à l'exercice du droit de grève, car la possibilité de déclencher une action collective constitue en général l'une des principales caractéristiques des procédures relatives aux conflits d'intérêts, par opposition aux procédures applicables aux conflits de droits.
55. Outre les types de conflits susmentionnés, il en existe d'autres qui sont assujettis à des procédures de règlement spéciales dans un grand nombre de pays. C'est le cas notamment des conflits nés de la non-reconnaissance d'un syndicat ou de pratiques de travail déloyales, c'est-à-dire des conflits liés à l'exercice des droits syndicaux.
Procédures de règlement des conflits du travail
56. Les procédures de règlement des conflits du travail
sont très diverses. Les conventions et recommandations pertinentes
de l'OIT, mentionnées ci-après, laissent à chaque
pays une grande latitude pour mettre au point son système de règlement
des conflits, avec une procédure distincte pour chaque catégorie
de conflit.
57. Les conflits d'intérêts résultent généralement de l'incapacité des parties à une négociation collective de parvenir à un accord sur les conditions d'emploi ou sur leur relation mutuelle. Les procédures se fondent alors sur le principe suivant lequel les parties doivent résoudre elles-mêmes leurs différends par la négociation, en ayant au besoin recours à la menace ou à la mise en uvre d'une action de revendication, et il arrive que des tiers soient finalement appelés en renfort pour aider les parties à trouver une solution mutuellement acceptable à leurs différends. Ce principe a cependant été sensiblement remanié dans la plupart des pays en développement où les pouvoirs publics jouent un rôle actif dans le règlement des conflits afin de s'assurer que l'issue de la négociation collective ou le règlement intervenu est compatible avec leur politique économique, et de réduire l'incidence des mouvements sociaux, qu'ils jugent en général préjudiciables au développement économique et à la stabilité politique. En période de difficultés économiques, ce principe a parfois été remanié dans le même sens dans certains pays industriels à économie de marché.
a) Conciliation et médiation
58. Pour résoudre les conflits d'intérêts, on a le plus souvent recours à des procédures de conciliation et de médiation, en vertu desquelles une tierce partie aide les parties à la négociation dans la recherche d'une solution. Dans de nombreux pays, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine, des services publics de conciliation ou, plus rarement, les inspecteurs du travail y pourvoient. Dans un certain nombre de pays industriels, des organismes jouissant d'une grande autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics sont chargés de la conciliation et de la médiation, comme le Service consultatif de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service -- ACAS) au Royaume-Uni, le Service fédéral de médiation et de conciliation (FMCS) aux Etats-Unis, la Commission australienne des relations professionnelles, le Conseil d'arbitrage au Danemark ou les commissions des relations professionnelles au Japon. Dans la plupart des pays industriels à économie de marché, la conciliation constitue l'unique procédure permettant de résoudre les conflits d'intérêts collectifs et elle s'est révélée très efficace puisque la grande majorité des différends est résolue à ce stade.
59. La création d'organes indépendants vise généralement à inspirer aux partenaires sociaux une plus grande confiance dans la neutralité du mécanisme de conciliation. La nécessité d'inspirer confiance aux parties a aussi influencé la composition de ces organes dans de nombreux pays. Ainsi, les commissions des relations professionnelles au Japon et le conseil d'administration de l'ACAS au Royaume-Uni réunissent un nombre égal de représentants des employeurs et des syndicats et de membres indépendants. De même, les conciliateurs au Danemark sont, dans la pratique, tous nommés conjointement par les syndicats et les organisations patronales.
60. En Allemagne, employeurs et syndicats jouissent d'une grande autonomie en matière de conciliation, et des procédures de médiation ont été établies dans la plupart des branches d'activité par accord entre les parties aux conventions collectives; les conseils sont composés d'un nombre égal de représentants de l'association patronale et du syndicat intéressés, et sont présidés par une personnalité neutre. La Belgique et la Suisse ont mis en place des systèmes de conciliation analogues pour certaines branches d'activité.
61. Un certain nombre de pays en développement et de nouveaux pays industriels ont aussi établi des organes tripartites chargés de la conciliation. Ainsi, dans nombre de pays d'Amérique centrale et d'Amérique latine (Brésil, Mexique, Venezuela par exemple), ce type d'organe existe depuis longtemps.
62. La conciliation est volontaire lorsque les parties sont libres de décider d'y recourir ou non; elle est obligatoire lorsque les parties sont tenues d'y recourir. Ainsi, en Belgique, aux Etats-Unis, en France, en Hongrie et au Royaume-Uni, les deux parties doivent consentir au recours à la conciliation. En Australie, au Canada, en Inde, en Malaisie, en Pologne et à Singapour, la conciliation est obligatoire soit parce que la loi dispose que l'on doit y avoir recours en cas de différend, les conciliateurs étant habilités à engager la procédure, soit parce que le droit de grève ou de lock-out est subordonné à une tentative préalable de résoudre le différend par la conciliation. En tout état de cause, que la conciliation soit obligatoire ou volontaire, elle est censée aider les parties à régler leurs différends par voie d'accord, et elle ne permet en aucun cas au conciliateur de leur imposer une quelconque solution.
63. Même si, dans beaucoup de pays, les termes conciliation et médiation sont employés indifféremment, dans certains d'entre eux une distinction est faite selon la part d'initiative prise par la tierce partie. Ainsi, l'ACAS, au Royaume-Uni, mène en général la conciliation dans une atmosphère calme et confidentielle, et s'efforce de faciliter les négociations entre les parties; il s'abstient le plus souvent de faire des propositions. Toutefois, lorsqu'il paraît utile de recourir à la médiation et si les parties y consentent, l'ACAS peut désigner comme médiateurs des personnes indépendantes, qui formulent des recommandations précises en vue d'un règlement possible du conflit. Au Chili et en République dominicaine, la législation du travail établit une distinction entre la conciliation et la médiation. Au Chili, le terme médiation vise aussi le recours à un conciliateur habilité à proposer des solutions. En République dominicaine, en revanche, l'utilisation des termes conciliation et médiation est subordonnée au type de différend plutôt qu'au type de procédure de règlement.
b) Arbitrage
64. L'arbitrage est une procédure en vertu de laquelle une tierce partie, qui n'agit pas en tant que Cour de justice, est habilitée à prendre une décision qui résout le conflit.
65. L'arbitrage est réputé volontaire lorsqu'il ne peut être mis en uvre que si les parties y consentent, et obligatoire lorsqu'il peut être mis en application à l'initiative de l'une des parties ou des pouvoirs publics.
66. L'arbitrage obligatoire des conflits d'intérêts est rare dans le secteur privé des pays industriels, sauf au Canada (au niveau fédéral et dans certaines provinces), où les conflits d'intérêts concernant l'établissement d'une première convention collective doivent être soumis à l'arbitrage obligatoire dans certaines circonstances, par exemple lorsque la négociation a été entachée d'antisyndicalisme. L'arbitrage obligatoire est beaucoup plus répandu dans la fonction publique des pays industriels (notamment en Irlande, en Norvège et au Royaume-Uni) et parfois dans les services essentiels. Il est également plus répandu dans les secteurs public et privé de nombreux pays en développement ou dans les nouveaux pays industriels. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer aux procédures utilisées dans un certain nombre de pays d'Afrique et d'Asie, comme le Kenya, le Nigéria et Singapour.
67. L'arbitrage obligatoire des conflits d'intérêts a été institué par les pouvoirs publics dans un certain nombre de pays en développement (par exemple au Nigéria, en Ouganda et en Zambie), car ils estiment qu'il protège l'économie nationale et la vie publique des troubles provoqués par l'action revendicative, tout en contribuant au maintien de l'ordre public. Pourtant, dans de nombreux pays, cette tentative de supprimer l'action revendicative peut engendrer en pratique un mécontentement qui donne parfois lieu à une action illégale perturbatrice.
68. On estime parfois que l'arbitrage obligatoire présente des avantages dans les pays où le déséquilibre des forces entre les employeurs et les syndicats compromet toute perspective de négociation collective efficace. Pourtant, à mesure que le système des relations professionnelles se développe, l'arbitrage obligatoire apparaît souvent comme un obstacle à la libre négociation collective et cède progressivement le pas à la conciliation, qui reprend la première place parmi les procédures de règlement des conflits.
69. Afin d'encourager les parties à prendre une part croissante au règlement des conflits, tout en préservant les relations professionnelles de toute action de lutte ouverte, un certain nombre de pays en développement se sont efforcés de favoriser l'arbitrage volontaire des conflits d'intérêts, en vertu duquel les parties portent délibérément leurs différends devant des arbitres de leur choix au lieu de laisser aux autorités le soin de les soumettre à l'arbitrage obligatoire. Toutefois, en dépit des grands efforts déployés par nombre de pays pour le développer, le recours à l'arbitrage volontaire des conflits d'intérêts n'est pas encore très répandu dans les pays en développement du fait, en partie, de la pénurie d'arbitres capables d'inspirer la confiance aux parties antagonistes. Par ailleurs, le large éventail de possibilités d'arbitrage obligatoire existant dans certains pays en développement est un autre facteur qui nuit à l'arbitrage volontaire.
70. L'arbitrage volontaire des conflits d'intérêts est lui aussi assez peu répandu dans les pays industriels. Cela s'explique principalement par le fait que la procédure de conciliation (et au besoin le recours à l'action de revendication) correspond davantage à la façon de concevoir les relations professionnelles dans ces pays.
Conflits de droits
71. Le principe fondamental sur lequel reposent les procédures de règlement des conflits de droits est que ces différends, s'ils ne sont pas résolus par voie de négociation, doivent l'être par des tribunaux ou par des arbitres et non par une action de revendication, parce qu'ils impliquent la vérification des droits, des devoirs ou des obligations existants. Dans la pratique, cependant, ces procédures recoupent largement les procédures de règlement des conflits d'intérêts dans de nombreux systèmes de relations professionnelles. Le peu d'intérêt que revêt la distinction entre ces deux types de procédures dans le système traditionnel de relations professionnelles du Royaume-Uni et de certains des pays qui en ont hérité a été souligné plus haut.
72. Un autre facteur qui contribue à estomper cette distinction est le rôle de la conciliation. On y recourt dans un grand nombre de pays, probablement appelé à s'accroître, non seulement pour résoudre les conflits d'intérêts, mais aussi pour trouver une solution, du moins au premier stade, aux conflits de droits. Il existe même des pays, comme la Suède, où un différend opposant les parties à une convention collective ne peut être porté devant le tribunal du travail qu'après que les parties ont négocié. En France, un collège restreint du tribunal du travail, le Conseil des prud'hommes, dirige les procédures de conciliation obligatoire avant que le cas soit jugé. Comme cela a été mentionné précédemment, les conflits de droits sont parfois réglés par des services de conciliation indépendants. Le large succès de la conciliation dans le règlement des conflits de droits semble indiquer que les partenaires sociaux reconnaissent aujourd'hui dans leur ensemble que ces conflits résultent souvent d'un malentendu ou d'une absence de communication entre les parties, lacune qu'il est plus facile de combler par la discussion que par une action en justice.
73. Les organismes chargés du règlement des conflits de droits se répartissent en plusieurs catégories, dont les tribunaux ordinaires, les tribunaux du travail, les organismes administratifs quasi judiciaires et les arbitres ou conseils d'arbitrage.
74. La compétence des tribunaux habilités à connaître des conflits de droits varie énormément. Dans un certain nombre de pays, comme l'Italie et les Pays-Bas, tous les conflits de droits, qu'ils soient individuels ou collectifs, sont portés devant les tribunaux ordinaires. Aux Pays-Bas, vu le nombre de cas en instance de jugement, les tribunaux du travail ont pris beaucoup de retard. En Italie, en revanche, les conflits du travail sont soumis à une procédure beaucoup plus rapide que les affaires ordinaires, et les juges qui en sont chargés sont spécialisés dans les conflits sociaux du travail.
75. Les tribunaux du travail se distinguent souvent des tribunaux ordinaires par leur compétence en matière de relations professionnelles, leur composition tripartite, leurs procédures plus souples et leur relative autonomie; mais ils ne sont cependant pas tous conformes à ce modèle. Le problème du légalisme et des délais excessifs a été évoqué dans un certain nombre de systèmes de tribunaux du travail. Il s'avère que les tribunaux du travail sont le mécanisme le plus communément utilisé pour le règlement des conflits de droits, notamment en Autriche, en Finlande, en France -- et dans de nombreux pays africains influencés par le droit français --, en Espagne, en Turquie, en Hongrie, au Brésil et en Uruguay, pour ne citer que quelques exemples. Dans les pays qui disposent de tribunaux du travail, la compétence dans le domaine du travail est souvent répartie entre le tribunal du travail et les juridictions de droit commun. Alors que les tribunaux du travail jouissent en Allemagne d'une compétence pour ainsi dire exclusive sur tous les conflits de droits individuels et collectifs et que, dans un certain nombre de pays d'Asie et d'Afrique, leur compétence s'étend à la fois aux conflits de droits et aux conflits d'intérêts, ces cas semblent néanmoins être l'exception plutôt que la règle.
76. Au Danemark et en Suède, les tribunaux du travail ne sont habilités à connaître que des conflits de droits collectifs opposant des parties à une convention collective. En Suède, par exemple, un différend entre un employeur et un salarié qui n'appartient pas à un syndicat est d'abord porté devant un tribunal de droit commun, et il peut éventuellement faire l'objet d'un recours auprès du tribunal du travail. Au Royaume-Uni, les conflits de droits portant sur une législation spécifique, par exemple ceux qui mettent en cause l'égalité de rémunération entre hommes et femmes, la discrimination en fonction du sexe et le licenciement abusif, relèvent de la compétence exclusive des tribunaux du travail, alors que les conflits de droits concernant les contrats individuels de travail sont instruits par les tribunaux de droit commun.
77. En France, les tribunaux du travail (conseils de prud'hommes) n'ont qualité que pour statuer sur des conflits individuels qui englobent cependant l'interprétation et l'application des clauses des conventions collectives, lesquelles sont souvent reprises dans les contrats individuels de travail. Les allégations de violation de la législation du travail sont, quant à elles, portées devant les tribunaux de droit commun. Les tribunaux du travail à Sri Lanka ne sont compétents que pour instruire les différends portant sur la rupture d'un contrat de travail.
78. Dans un nombre non négligeable de pays (Allemagne, Suède, Costa Rica, Mexique et Singapour), les tribunaux du travail sont tripartites; les conseils de prud'hommes en France sont essentiellement des organes bipartites. L'avantage de tribunaux bi ou tripartites réside dans l'expérience des relations professionnelles qu'ont acquise leurs membres employeurs et travailleurs. Les procédures suivies par ces tribunaux sont moins légalistes en général que celles des tribunaux de droit commun, ce qui permet de résoudre les conflits dans les meilleurs délais et à peu de frais, mais risque parfois d'encourager une solution plus politique que judiciaire. D'autres pays, comme l'Argentine, les Philippines et le Venezuela, ont instauré un système de juges administratifs qui ne prévoit pas de représentation spécifique des travailleurs ou des employeurs.
79. Le rôle des représentants des employeurs et des travailleurs dans les organismes tripartites peut varier d'un cas à l'autre. Dans certains pays, ces représentants assument des positions antagonistes tandis que, dans la plupart des systèmes, ils sont censés agir en toute indépendance (c'est le cas en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suède). Selon les pays, les membres non juristes prennent part au vote ou ont uniquement voix consultative.
80. Il est courant au Canada et aux Etats-Unis que les conventions collectives établissent des procédures d'arbitrage pour les conflits de droits (que l'on appelle communément les procédures de règlement des différends). Aux Etats-Unis, les parties insèrent volontairement une clause d'arbitrage dans la plupart des conventions collectives; au Canada, la législation du travail de la plupart des provinces l'exige et, lorsque cela n'est pas fait expressément, la convention collective est réputée contenir une telle clause. Les arbitres sont parfois désignés selon les besoins pour résoudre un différend précis, mais ils peuvent aussi être nommément désignés dans la convention collective, auquel cas ils sont appelés à régler tous les différends surgissant pendant la durée de validité de la convention. Aux Etats-Unis, l'arbitrage est en principe mené par un seul arbitre, tandis qu'au Canada les différends sont portés devant des conseils tripartites. Un des principaux avantages du système d'arbitrage pour le règlement des différends réside dans son caractère largement volontaire et dans sa souplesse. Il présente cependant une lacune: ne peuvent recourir à cette procédure que les unités de négociation qui disposent d'un agent négociateur agréé.
Conflits de reconnaissance
81. Dans la plupart des pays d'Europe occidentale et dans un certain nombre de pays en développement, la reconnaissance des syndicats ne pose pas de problème majeur, principalement parce que les employeurs reconnaissent d'eux-mêmes le pouvoir négociateur des syndicats, ou que la loi les y oblige. Aux Etats-Unis et dans certains autres pays, les demandes de reconnaissance des syndicats se sont heurtées à une très forte résistance des employeurs, ce qui a souvent donné lieu à d'âpres conflits. C'est pourquoi, dans ces pays, des lois ont été adoptées afin de soumettre toute la question de la reconnaissance syndicale à une réglementation beaucoup plus détaillée que dans les autres pays. Le principe fondamental sur lequel repose le système de reconnaissance syndicale aux Etats-Unis et au Canada est que le syndicat choisi par la majorité des travailleurs au sein d'une unité de négociation donnée est le représentant exclusif de tous les travailleurs de l'unité et doit être reconnu comme tel par l'employeur. Ce système a principalement pour objet de résoudre les problèmes de reconnaissance syndicale en évitant les conflits sociaux.
82. Le système en vigueur en Amérique du Nord a influencé les systèmes d'un certain nombre de pays en développement en proie à des difficultés en raison de la multiplicité des syndicats, notamment en Asie et dans la région des Caraïbes.
Pratiques déloyales en matière de travail
83. Un certain nombre de pays ont établi des procédures
spéciales pour régler les conflits suscités par des
pratiques déloyales en matière de travail. Les définitions
de cette expression varient beaucoup d'un pays à l'autre, mais elles
se rapportent dans l'ensemble à l'exercice des droits syndicaux.
Le plus souvent, il s'agit de différends portant sur des actes allégués
de discrimination antisyndicale en matière d'emploi. Dans certains
pays, le conflit peut aussi être déclenché par le refus
d'un employeur de négocier avec un syndicat ainsi que par certaines
actions entreprises par les syndicats à l'égard des employeurs.
L'incapacité d'un syndicat de représenter équitablement
les travailleurs est également définie dans certains pays
comme une pratique déloyale en matière de travail.
84. Aux Etats-Unis, un organisme administratif spécial, dénommé Conseil national des relations professionnelles (National Labour Relations Board), est chargé de régler ces différends. Dans d'autres pays, comme le Japon et le Canada, des organismes spécialisés parajudiciaires ont également qualité pour les examiner.
Action de revendication
85. Le droit de grève est l'un des principaux moyens dont disposent
les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et protéger
leurs intérêts économiques et sociaux. Le Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels le reconnaît
expressément en son article 8. Au niveau régional, la Charte
sociale européenne est un des premiers instruments à l'avoir
reconnu expressément dans le cas d'un conflit d'intérêts,
sous réserve des engagements pris au titre des conventions collectives
en vigueur. A l'OIT, la Commission d'experts pour l'application des conventions
et recommandations et le Comité de la liberté syndicale du
Conseil d'administration ont reconnu que le droit de grève, bien
qu'il ne soit pas expressément mentionné dans la convention
(no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical,
1948, découle en fait du principe de la liberté syndicale
et constitue un moyen essentiel pour les travailleurs et leurs organisations
de promouvoir et de protéger leurs intérêts économiques
et sociaux.
86. La grève offre souvent aux travailleurs, par son effet de levier économique, un moyen de faire contrepoids au pouvoir de l'employeur. Cependant, l'ampleur de certains conflits sociaux peut rendre grèves et lock-out préjudiciables à la vie économique. Dans la plupart des pays industriels, cette dernière considération ne l'emporte pas sur la première et le droit de grève n'est donc pas soumis à des restrictions importantes. Dans un certain nombre de pays en développement, en revanche, diverses considérations, et notamment le poids du développement économique, ont amené les gouvernements à le restreindre beaucoup plus sévèrement.
87. La législation applicable aux grèves et aux lock-out doit être examinée relativement à l'étendue de la reconnaissance des droits, comme à la réglementation de leur exercice. L'étendue de la reconnaissance du droit de grève varie considérablement. A une extrémité de l'échelle se situent les pays où le principe du droit de grève est reconnu par la Constitution, par la législation, par la jurisprudence ou les conventions signées par les fédérations d'employeurs et de travailleurs, sous réserve de restrictions auxquelles certaines catégories de travailleurs peuvent être soumises. Certains de ces pays (la France, l'Italie et le Portugal par exemple) ne garantissent pas de la même manière le droit de lock-out, au motif que les travailleurs sont moins puissants que les employeurs et que le droit de grève vise à redresser l'équilibre. D'autres pays (c'est le cas notamment du Canada, des Etats-Unis, du Mexique et de la Suède) reconnaissent expressément le droit de grève et le droit de lock-out. Au Royaume-Uni, où le droit de grève n'est pas explicitement inscrit dans la loi, des immunités statutaires limitées sont accordées en cas de grève à ceux dont la responsabilité civile ou pénale pourrait sinon se trouver engagée.
88. Dans certains pays (par exemple en France (secteur privé) et en Italie), le droit de grève est considéré comme un droit de chaque travailleur, tandis que, dans d'autres (par exemple en Allemagne et en Suède), il s'agit d'un droit des syndicats. Il en résulte, dans la réalité, que les grèves non officielles ou sauvages sont en principe légales dans la première catégorie de pays, alors qu'elles sont considérées comme illégales dans les autres.
89. La plupart des pays qui reconnaissent en principe le droit des travailleurs de se mettre en grève refusent ce droit à certaines catégories de travailleurs (militaires, hauts fonctionnaires, etc.).
90. A l'autre extrême, il existe des pays où l'ensemble des travailleurs ne jouit pas du droit de grève ou dans lesquels ce droit est sévèrement restreint. Bien que le nombre des pays où la législation interdit expressément la grève de façon permanente soit relativement faible, nombreux sont ceux, en revanche, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine, où l'interdiction des grèves découle, pour les raisons pratiques imaginables, de l'effet cumulatif des dispositions relatives au mécanisme établi de règlement des différends, selon lequel tous les différends non résolus doivent être soumis à l'arbitrage obligatoire. Dans beaucoup d'autres pays, où le recours à l'arbitrage n'est pas obligatoire, les autorités sont habilitées à soumettre les conflits à l'arbitrage obligatoire de leur propre initiative, se ménageant ainsi la possibilité d'interdire ou d'étouffer rapidement, pour ainsi dire, toute tentative de grève. De l'avis des organes de contrôle de l'OIT, de tels pouvoirs entravent sérieusement la capacité des syndicats de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres ainsi que leur droit d'organisation, et ne sont pas compatibles avec les principes de la liberté syndicale.
91. Même dans les pays où le droit de grève ou de lock-out est en principe reconnu, les différentes modalités de leur exercice sont souvent réglementées. La réglementation porte essentiellement sur le moment, l'objet et les modalités de la grève et du lock-out.
92. La réglementation du choix des dates des grèves et des lock-out est consacrée dans nombre de pays par l'obligation faite aux parties à une convention collective de ne recourir ni à la grève ni au lock-out pendant la durée de validité de cette convention. Cette obligation, que l'on nomme habituellement obligation de paix sociale, peut être établie par une disposition législative expresse, comme en Suède, par un accord général entre des centrales syndicales et patronales, comme au Danemark, par une clause expresse de la convention collective liant les parties, comme aux Etats-Unis, ou en tant que fonction de la convention collective, ainsi que les tribunaux en ont décidé, en établissant la paix entre les parties -- comme en Allemagne, en Autriche et en Suisse.
93. Les motivations d'une grève licite sont elles aussi soumises à une réglementation dans de nombreux pays. Souvent, une grève n'est réputée licite que si ses objectifs sont liés aux relations professionnelles et si elle s'inscrit dans la perspective d'un conflit professionnel ou le prépare (selon les termes utilisés dans la législation britannique), bien qu'il soit difficile de définir ce que l'on entend par conflit professionnel ou par objectifs liés aux relations professionnelles. Le caractère légal des objectifs poursuivis est souvent mis en cause lorsqu'il s'agit de grèves politiques ou de grèves de solidarité. Bien que, dans certains pays, les grèves politiques ou de solidarité soient en général tolérées, elles sont interdites ou soumises à des restrictions dans beaucoup d'autres.
94. Le but d'un lock-out détermine aussi son caractère licite dans certains pays. En France et en Italie, par exemple, l'employeur peut en prendre l'initiative uniquement en tant que mesure défensive lorsqu'une grève illégale a été déclenchée, tandis qu'au Chili le lock-out peut être la riposte à toute grève touchant plus de 50 pour cent de la main-d'uvre. En Espagne, les lock-out sont autorisés dans certaines circonstances, très limitées, par exemple lorsqu'il est nécessaire de protéger les personnes ou les biens contre des actes de violence.
95. En ce qui concerne les modalités de la grève et du lock-out, on s'accorde en général sur un point: ils doivent se dérouler dans un climat pacifique. Autre grand principe, la grève ou le lock-out doivent être le dernier recours dans les conflits du travail, et tous les efforts doivent donc être déployés pour régler les différends de manière pacifique. Ce principe a été rendu contraignant par les tribunaux dans certains pays, comme en Allemagne et aux Pays-Bas, où une grève n'est réputée licite que si toutes les possibilités de négociation ont été épuisées. Dans beaucoup de pays, enfin, la loi prévoit que la grève doit faire l'objet d'un préavis ou être votée par les travailleurs syndiqués mais, dans beaucoup d'autres, ce n'est pas exigé. Les systèmes juridiques divergent considérablement pour ce qui est de la réglementation des grèves perlées, des grèves du zèle, des grèves tournantes, des piquets de grève, des grèves de solidarité et de l'occupation des locaux d'une entreprise par son personnel.
96. Récemment, la réglementation des grèves et des lock-out dans les services essentiels est redevenue d'actualité dans certains pays. Si les grèves et les lock-out dans les services essentiels font, depuis des années, l'objet de restrictions dans un grand nombre de pays, une tendance se dessine actuellement dans d'autres pays -- où le droit de grève et de lock-out était par tradition largement reconnu -- à introduire certaines restrictions à l'exercice de ces droits dans les services essentiels, par exemple sous la forme d'une obligation d'assurer un service minimum pendant la grève ou d'une interdiction des lock-out.
97. Les organes de contrôle de l'OIT ont estimé que l'interdiction des grèves dans les services essentiels, lorsqu'elle existe, devrait être limitée aux services dont l'interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes dans la totalité ou une partie de la population, et que des garanties appropriées devraient être fournies afin de protéger les travailleurs qui sont ainsi privés d'un des moyens essentiels de défendre leurs intérêts, en mettant en place des procédures de conciliation appropriées, impartiales et rapides et, en dernier recours -- et seulement lorsque celles-ci échouent --, des procédures d'arbitrage auxquelles les parties concernées peuvent participer à toutes les étapes et dans lesquelles les sentences devraient être, dans tous les cas, contraignantes pour les deux parties et appliquées rapidement et intégralement. Les organes de contrôle de l'OIT ont également pris position sur un certain nombre des questions évoquées ci-dessus, notamment sur les grèves politiques, et les périodes de préavis et les scrutins.
Normes internationales du travail
98. Les normes internationales du travail sur le règlement des
différends ont un caractère général qui reflète
la grande diversité des systèmes de règlement des
conflits existants. La recommandation (no 92) sur la conciliation et l'arbitrage
volontaires, 1951, recommande que des organismes de conciliation volontaire,
gratuits et expéditifs, soient établis afin de contribuer
à la prévention et au règlement des conflits du travail.
Elle recommande également que des mesures soient prises pour que
la procédure puisse être engagée soit sur l'initiative
de l'une des parties au conflit, soit d'office par l'organisme de conciliation
volontaire. Lorsqu'un conflit a été soumis à une procédure
de conciliation ou d'arbitrage avec le consentement de toutes les parties
intéressées, celles-ci doivent être incitées
à s'abstenir de grèves et de lock-out pendant que la conciliation
ou l'arbitrage sont en cours. La recommandation dispose également
qu'aucune de ses clauses ne pourra être interprétée
comme limitant, d'une manière quelconque, le droit de grève.
99. Une autre indication quant à la façon dont un mécanisme approprié de règlement des conflits devrait être conçu est fournie par la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, qui prévoit des mesures visant à assurer que les organismes et les procédures de règlement des conflits du travail contribuent à promouvoir la négociation collective. Dans la même veine, la recommandation (no 163) sur la négociation collective, 1981, préconise d'instituer des procédures de règlement des conflits du travail qui aident les parties à trouver elles-mêmes une solution au conflit qui les oppose.
100. La recommandation (no 130) sur l'examen des réclamations, 1967, traite d'une catégorie particulière de conflits du travail, à savoir les réclamations présentées par un ou plusieurs travailleurs concernant des mesures ou des situations qui se rapportent aux relations de travail ou aux conditions d'emploi, lorsque le ou les travailleurs estiment, de bonne foi, que ces mesures ou ces situations sont contraires aux dispositions d'une convention collective en vigueur ou à celles d'un contrat individuel de travail, à un règlement d'entreprise, à la législation nationale, ou encore aux us et coutumes de la profession, de la branche d'activité économique ou du pays. Elle recommande qu'un ou plusieurs travailleurs aient le droit de présenter une ou plusieurs réclamations sans qu'il en résulte un quelconque préjudice et que cette ou ces réclamations soient examinées selon une procédure appropriée au sein de l'entreprise. Lorsque tous les efforts en vue de régler une réclamation au sein de l'entreprise ont échoué, la recommandation indique qu'il devrait être possible de la régler définitivement par des procédures convenues, par la conciliation, l'arbitrage ou une décision judiciaire, etc. La recommandation établit une distinction entre ce type de réclamations et les revendications collectives tendant à modifier les conditions d'emploi, lesquelles sont exclues de son champ d'application.
101. Concernant les conflits du travail dans la fonction publique, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, prévoit que le règlement des différends concernant les conditions d'emploi doit être recherché par voie de négociation entre les parties ou par une procédure indépendante ou impartiale telle que la médiation, la conciliation et l'arbitrage. La convention souligne en outre que cette procédure doit être instituée de façon à inspirer confiance aux parties intéressées. Au cours de la discussion qui a abouti à l'adoption de l'instrument, on est parvenu à un accord sur le fait que cette convention ne traitait en aucune façon du droit de grève.
102. A côté des conventions et recommandations internationales mentionnées ci-dessus, le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration et la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT ont formulé des principes relatifs au droit de grève et aux restrictions qui peuvent lui être imposées. L'OIT s'est fondée sur ces principes tels qu'ils ont été définis par ces organes pour conseiller les Etats Membres au sujet de l'élaboration de leur législation du travail. Pour définir ces principes, ces organismes se sont fondés sur les principes généraux relatifs à la liberté syndicale qui sont énoncés dans la Déclaration de Philadelphie et dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. La commission d'experts a entrepris une étude d'ensemble (la sixième) sur l'application de cette convention et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, que la Conférence a examinée à sa 81e session en 1994.
Perspectives d'élaboration d'un nouvel instrument
sur le règlement des conflits du travail
103. Les informations fournies ci-dessus montrent que le sujet du règlement des conflits du travail n'a fait l'objet que de très peu de normes internationales du travail, malgré le fait qu'il constitue une tête de chapitre importante dans le domaine des relations professionnelles. Cela est dû en partie au fait que certaines questions directement ou indirectement liées à la problématique du règlement des conflits du travail -- particulièrement celles du droit de grève et de lock-out -- ont de tout temps été très controversées. Il pourrait être souhaitable de réexaminer l'ensemble de la question, à la lumière notamment des développement récents qui ont été résumés ci-dessus, afin de déterminer si l'OIT devrait prochainement prendre des initiatives dans ce domaine et, dans l'affirmative, lesquelles.
* * *
104. Les conclusions adoptées par la Conférence en juin 1996 soulignent que nombre des grandes préoccupations de l'OIT ont un rapport avec l'investissement. En effet, sans un investissement durable et bien ciblé, les objectifs de politique sociale seront difficiles à atteindre. Il est essentiel de préciser la nature de l'investissement, les facteurs qui motivent la décision d'investir et l'incidence qu'elle peut avoir sur l'emploi. On trouvera ci-après quelques réflexions concernant l'incidence de l'investissement sur la croissance de la production et de l'emploi, les décisions des entreprises en la matière, l'interaction entre les secteurs publics et privés et l'investissement étranger direct. Enfin, des points sont suggérés pour la discussion.
Introduction
105. L'investissement est un élément essentiel du processus de croissance de la production. Il constitue donc une condition indispensable à l'amélioration des salaires et de la qualité de l'emploi. Des investissements insuffisants peuvent entraver considérablement la croissance de l'emploi, notamment en période d'ajustement structurel. De fait, la disparité des investissements entre les diverses régions est l'un des principaux facteurs qui expliquent leurs niveaux d'emploi variables. Les économies en transition en particulier ont besoin d'investissements pour se moderniser. En outre, la nature de l'investissement, sa localisation et ses incidences éventuelles sur les besoins de compétences peuvent avoir des conséquences sur le niveau de l'emploi.
106. Par définition, l'investissement exige une épargne. Un niveau élevé d'épargne aussi bien que d'investissement est souhaitable. L'épargne qui finance l'investissement peut provenir de l'étranger par diverses voies, dont l'investissement étranger direct, de sorte qu'un pays peut investir plus qu'il n'épargne. Un grand nombre de pays à croissance lente n'ont pu dégager qu'une faible épargne nationale et ont donc largement tablé sur l'emprunt à l'étranger, sous la forme d'emprunts commerciaux ou de flux financiers à des conditions de faveur. Le niveau de l'investissement intérieur y est souvent trop faible pour assurer une croissance durable de la production ou pour améliorer la qualité de l'emploi. Cependant, récemment, un grand nombre de pays qui enregistrent une croissance rapide et de bons résultats en matière de création d'emplois ont eu très peu recours à l'épargne étrangère et ont dégagé leurs propres ressources pour financer un niveau élevé d'investissement national. En principe, des flux internationaux de capitaux plus importants devraient accroître l'efficacité globale de la répartition des ressources et de l'investissement.
107. Selon les définitions conventionnelles, l'investissement est une catégorie hétéroclite qui comprend l'équipement et les machines, les bâtiments résidentiels et non résidentiels, l'aménagement du territoire et d'autres formes de développement des infrastructures, telles que les routes et les ports. Certains de ces éléments sont essentiels à la croissance de la production et de l'emploi, tandis que d'autres peuvent apparaître comme un résultat de cette croissance. De même, nombre de facteurs dont on peut estimer, à juste titre, qu'ils jouent un rôle essentiel dans le développement d'un pays ne sont pas considérés comme des investissements. Il s'agit, par exemple, de la mise en valeur du capital humain (c'est-à-dire du processus par lequel des personnes acquièrent des compétences). Bien que ce processus d'acquisition de compétences s'inscrive difficilement dans le cadre normal de la comptabilité nationale, il convient de reconnaître qu'il joue un rôle parallèle à celui de l'investissement matériel.
108. Il a été établi qu'il existe une relation assez solide entre certains types d'investissement, tels que l'investissement en équipement et en machines, et la croissance économique. Compte tenu de cette relation, ces types d'investissement semblent devoir être encouragés. Cependant, un cadre politique adéquat est nécessaire pour que l'efficacité de l'investissement et, par conséquent, sa rentabilité soient optimales. Lorsque le cadre politique est inadéquat, l'accès privilégié au crédit et aux possibilités de prêts pour certaines entreprises peut se traduire par un surinvestissement dans un domaine et un sous-investissement dans d'autres, de telle sorte qu'il y a pénurie de capital pour utiliser la main-d'uvre dans certains secteurs.
109. Les conclusions de la Conférence insistent sur la nécessité de créer un environnement mondial favorisant le plein emploi. La stabilité économique et financière et l'ouverture des politiques économiques et commerciales sont indispensables à l'essor de l'investissement. Par ailleurs, la conclusion selon laquelle la mondialisation croissante des marchés financiers doit engendrer des investissements productifs et non une spéculation financière est de première importance.
Les décisions de l'entreprise en matière d'investissement
110. La discussion sur les motivations des investisseurs porte le plus souvent sur les décisions prises par l'entreprise quant à la question de savoir si elle doit étendre ou modifier son stock de capital, en laissant d'ordinaire de côté les questions relatives à la réglementation du marché du travail. En général, on suppose que les entreprises du secteur public ainsi que les ménages et les entreprises individuelles se comportent dans les grandes lignes de la même manière que les entreprises du secteur privé constituées en sociétés. Cependant, les premières poursuivent probablement des objectifs quelque peu différents de ceux des entreprises privées en général et elles sont souvent confrontées à d'autres types de contraintes, notamment en ce qui concerne l'emploi. Par le passé, la discussion sur les déterminants de l'investissement ne prenait pas en compte les décisions sur la relocalisation à l'étranger car cette option était rarement envisagée. Manifestement, de nombreuses considérations nouvelles ont commencé à intervenir ces dernières années. L'accent mis sur la mondialisation, y compris la réduction des obstacles aux échanges, l'abaissement des coûts de transports et l'abaissement des coûts relatifs à la surveillance et au contrôle de la qualité ouvrent un choix beaucoup plus vaste aux investisseurs. En particulier pour décider de la localisation de la production, on accorde à présent beaucoup plus d'importance aux coûts relatifs de la main-d'uvre et, dans de nombreux cas, aux différents niveaux de la protection de l'environnement ainsi que des normes de sécurité et de santé. Beaucoup plus de travailleurs qu'auparavant sont à présent intégrés dans le marché mondialisé.
111. Naguère, il n'était nul besoin d'aborder explicitement la question de la réglementation du marché du travail à propos des décisions relatives à l'investissement dans le secteur privé, notamment dans les pays industrialisés. Cependant, dans les pays en développement, la situation était souvent différente, car la législation du travail y est plus difficile à appliquer et l'ampleur de la pauvreté a souvent entraîné l'apparition d'un éventail des taux de salaire extrêmement large entre les secteurs structuré, non structuré et agricole, les écarts étant beaucoup plus prononcés que ce que pourraient justifier les niveaux de productivité relatifs. La segmentation du marché du travail et, de fait, l'application de la législation du travail peuvent donc avoir une incidence sur les décisions concernant le montant et la localisation de l'investissement ainsi que sur le volume et la qualité de l'emploi qu'il engendre.
112. Il a toujours été reconnu qu'un accroissement de l'investissement ne se traduira par un accroissement de l'emploi dans le processus de production que si le nouvel équipement est moins économe de main-d'uvre. On part souvent du principe que si des travailleurs perdent leur emploi parce qu'un investissement permet d'économiser de la main-d'uvre, ils sont automatiquement absorbés ailleurs. Or cela ne va pas de soi. En outre, on suppose souvent que la technologie incorporée dans l'investissement reflète la recherche de nouveaux procédés tenant compte exclusivement des ressources nationales et des disponibilités en matière de compétences, qui sont par conséquent adaptées aux niveaux des compétences dans chaque pays.
113. Dans les pays en développement, on sait depuis longtemps que certaines technologies inhérentes à de nouveaux biens d'équipement peuvent être inappropriées compte tenu du potentiel du pays concerné en matière de capital et de compétences. L'investissement n'a alors qu'une incidence faible, voire négative, sur l'emploi. En outre, l'inégalité salariale croissante dans certains pays industrialisés laisse penser qu'une grande partie des nouveaux investissements dans ces pays va de pair avec le recours à une main-d'uvre plus qualifiée et ne tient pas compte de la disponibilité de main-d'uvre non qualifiée. Le processus de production fait dès lors de moins en moins appel à la main-d'uvre non qualifiée.
L'interaction entre le secteur public et le secteur privé
114. L'interaction de la politique du gouvernement et des décisions du secteur privé en matière d'investissement est fonction des attentes qu'engendre cette politique et de son succès s'agissant d'encourager l'investissement, notamment lorsqu'une décision dans ce domaine constitue la condition préalable des suivantes. Cette interaction est également fonction du large éventail de mesures que le gouvernement doit de toute façon prendre pour élargir la base des investissements dans le secteur privé. Diverses études ont été entreprises sur les liens entre l'investissement public et l'investissement privé et elles ont souvent établi qu'il existe entre eux une relation positive. Cependant, il est malaisé d'isoler empiriquement les types particuliers d'investissement public qui semblent de nature à induire l'investissement privé. Certaines des formes utiles des dépenses publiques concernent l'investissement, notamment dans l'infrastructure, là où des goulets d'étranglement dans les ports, les routes et la fourniture d'énergie peuvent faire monter les coûts du secteur privé jusqu'à un niveau prohibitif (voir ci-après le rôle du secteur privé pour desserrer ces goulets d'étranglement).
115. La politique de dépenses de l'Etat peut également décourager l'investissement privé. A cet égard, deux scénarios sont possibles. D'une part, lorsque l'accès du secteur privé au crédit est limité, voire rationné, ce sont les petites et moyennes entreprises et le secteur des ménages et des entreprises individuelles qui souffrent le plus, tandis que les entreprises du secteur structuré jouissant de liens privilégiés avec les banques sont favorisées. Les conséquences qui en découlent pour l'emploi sont une différenciation accrue des conditions d'emploi et de travail entre les entreprises du secteur structuré et celles du secteur non structuré. Par ailleurs, même lorsque les taux d'intérêt sont fixés par le marché, les conséquences peuvent être identiques. L'épargne courante du secteur public (y compris l'épargne des entreprises du secteur public, dans la mesure où leur dette est garantie par l'Etat) peut devenir de plus en plus insuffisante s'agissant de couvrir les dépenses en capital. Le secteur public doit alors emprunter davantage, ce qui propulse les taux d'intérêt à un niveau qui décourage l'investissement privé. En outre, lorsque l'emprunt public atteint un certain niveau, la probabilité pour que l'inflation réduise la valeur réelle des emprunts d'Etat s'accroît, la dévaluation devient inévitable, et elle encourage une fuite des capitaux. Le cercle vicieux de la stagnation s'installe alors, qui exerce des effets très négatifs sur les niveaux de l'emploi.
116. Les conclusions de la Conférence sur la nécessité pour les pays industrialisés de réduire les taux d'intérêt réels, les déficits budgétaires et la dette publique afin de stimuler l'investissement et l'emploi sont très pertinentes à cet égard. Il faut noter qu'à l'inverse la croissance économique et la baisse du chômage pourraient avoir des effets positifs sur la réduction des déficits budgétaires.
117. On a évoqué plus haut le rôle que le secteur privé pourrait éventuellement jouer afin de desserrer les goulets d'étranglement de l'infrastructure matérielle. Il existe trois possibilités d'interaction entre le secteur privé et le secteur public: les contrats de gestion des entreprises publiques et des services publics de distribution; la construction et l'exploitation, entre autres, de routes et de ponts par le secteur privé; et le crédit-bail. La première de ces options se situe d'ordinaire à mi-chemin de la privatisation, de sorte que toutes les préoccupations que suscite celle-ci lui sont nécessairement associées, telles que la question de la sécurité de l'emploi pour la main-d'uvre. A cet égard, il faut rappeler qu'il est souhaitable de compenser toutes diminutions d'emplois par de nouvelles créations d'activités ailleurs, comme le mentionnent les conclusions de la Conférence notamment à l'égard des économies en transition. La seconde option s'applique surtout aux quasi-monopoles, tels que la production d'énergie, et les autoroutes et les tunnels à péage. Ces types de monopoles peuvent avoir une incidence importante sur les coûts dans le reste de l'économie si l'on ne peut envisager de concurrence: dans ce cas, des questions compliquées et délicates de réglementation se posent. La troisième option, à savoir le crédit-bail, est à présent très répandue dans tous les pays où le gouvernement souhaite réduire ses besoins d'emprunt sans renoncer au contrôle des opérations. Les entreprises privées peuvent soit acheter des avoirs publics (le prix d'achat étant alors considéré comme un emprunt négatif du gouvernement), soit se doter de nouveaux avoirs afin de les céder en crédit-bail au gouvernement. Cela impliquera très probablement une participation du secteur privé à leur gestion, ce qui pourrait réduire les coûts d'exploitation. Cependant, l'investisseur privé devra, en général, emprunter à un coût plus élevé que le gouvernement, de sorte que la réduction pourrait bien être illusoire.
118. Il est un domaine où la politique gouvernementale en matière d'investissement a une grande incidence sur l'emploi, notamment dans les pays en développement: il s'agit du choix de la technologie. Par le passé, les gouvernements ont parfois encouragé la mécanisation prématurée de l'agriculture, ce qui a eu des effets négatifs sur l'emploi et les salaires ruraux. Cependant, les dévaluations monétaires en termes réels très répandues dans les années quatre-vingt ont, dans une large mesure, éliminé cette préoccupation. Au cours de la décennie qui a suivi la crise de la dette, dans la plupart des pays en développement l'équipement importé est devenu beaucoup plus cher par rapport aux biens de consommation et aux salaires. Or il n'a pas toujours été possible de tirer parti de ces écarts de coûts croissants en faveur de la main-d'uvre, soit faute de disposer des compétences en matière d'encadrement nécessaires pour utiliser une main-d'uvre plus nombreuse équipée de matériel plus simple, soit parce que le secteur des petites et moyennes entreprises et le secteur des ménages et des entreprises individuelles, en général, étaient sous-développés, disposaient de possibilités de financement insuffisantes et n'étaient pas en mesure de soumissionner pour des marchés publics. Cependant, le potentiel de création d'emplois par les méthodes à forte intensité de main-d'uvre avec une participation locale demeure important, par exemple dans les projets d'aménagement du territoire et du logement en zone urbaine ainsi que dans les travaux publics à petite échelle dans les zones rurales. Ce point est souligné, par exemple, dans la recommandation (no 169) concernant la politique de l'emploi (dispositions complémentaires), 1984. A cet égard, il est essentiel que soient appliquées les normes du travail pertinentes en matière de rémunération et de conditions de travail dans ce type d'activité.
L'investissement étranger direct
119. On a déjà dit que l'effet combiné de divers processus en cours, regroupés sous le terme de mondialisation, a été d'élargir considérablement les possibilités de relocalisation de la production entre divers pays et régions afin de servir un marché donné. Ce processus a été bénéfique pour l'emploi, même s'il soulève de nombreux problèmes d'ajustement. Le succès d'un pays qui réussit à attirer l'investissement étranger direct, notamment pour servir les marchés étrangers, est souvent vu comme un hommage rendu à ses choix en matière de politique économique et de politique du marché du travail. A cet égard, il est essentiel de déterminer les avantages qu'un pays d'accueil et sa main-d'uvre peuvent attendre de l'investissement étranger direct. Ces bénéfices seront d'autant plus grands que:
120. Les politiques visant à tirer le meilleur profit de l'investissement étranger direct ont inclus des éléments tels qu'un niveau minimum de participation locale au capital et des dispositions sur un minimum d'apports locaux. Ce niveau minimum de participation locale au capital vise d'ordinaire à garantir que les investisseurs locaux participeront à la gestion du projet. Les dispositions relatives aux apports locaux ont une raison d'être et un impact sur l'emploi local qui sont évidents. Cependant, elles doivent être assorties d'efforts concrets visant à améliorer les apports locaux potentiels. L'investissement étranger doit aller de pair avec une politique industrielle et une intervention active, et non pas seulement avec les incitations fiscales habituellement mises en uvre pour l'attirer. La Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale le reconnaît expressément. En ce qui concerne notamment les pays en développement, la Déclaration tripartite appelle les entreprises multinationales à prendre en compte les politiques et les objectifs des gouvernements en matière d'emploi. Pour ce faire, elles devraient adapter leurs technologies aux besoins du pays d'accueil, mettre au point des techniques appropriées et promouvoir l'utilisation des matières premières locales. Elles devraient aussi participer à des programmes de formation officiels pour élargir l'expérience des cadres de direction locaux.
121. Enfin, une discussion nourrie est en cours sur les facteurs qui déterminent la localisation de l'investissement étranger direct. A cet égard, on a toutes les raisons de croire que les facteurs fondamentaux qui attirent l'investissement du secteur privé en général et le stimulent exerceront les mêmes effets sur l'investissement étranger direct. Parmi ces facteurs, on peut citer la stabilité politique et sociale, la stabilité relative des prix et un cadre de politique macroéconomique fiable. Le rôle des politiques et des institutions du marché du travail ainsi que d'autres éléments, comme les normes de sécurité et de santé, prête davantage à controverse. La flexibilité de la main-d'uvre, qu'il s'agisse de la capacité de l'employeur de modifier le nombre des travailleurs qu'il emploie et leurs heures de travail ou de la capacité des travailleurs de passer d'une tâche à l'autre ou d'accepter une certaine fluctuation de leurs revenus, est considérée comme un important déterminant, plus encore que les coûts unitaires de main-d'uvre. Cependant, il est indispensable d'avoir une idée de la portée de l'effet de certains de ces facteurs. Partant de l'hypothèse que presque tous les autres coûts sont fixés sur le plan international, la différence entre les coûts unitaires de main-d'uvre dans certaines industries est si grande que ces industries disparaissent de certains endroits, à moins qu'un nouveau produit ne soit effectivement créé. Cependant, même les différences majeures entre les prix unitaires de main-d'uvre peuvent peser moins lourd que d'autres éléments de la stratégie des entreprises, sans parler de l'action directe du gouvernement pour attirer ou retenir ces dernières. De même, les entreprises peuvent décider d'une relocalisation pour des raisons fiscales ou à cause de mesures de protection de l'environnement, par exemple, et non pas en fonction des coûts unitaires de main-d'uvre. De faibles différences en la matière peuvent aisément être contrebalancées par des considérations de politique économique générale, et même par la perspective de travailler avec une main-d'uvre bien organisée. Quant à la préoccupation relative à la flexibilité du marché du travail, elle ne se manifeste en principe que lorsque les autres différences sont peu importantes, par exemple dans les coûts unitaires de main-d'uvre et dans les politiques générales. Toutefois, la portée de ces facteurs, et notamment des facteurs relatifs à la sécurité, la santé et la pollution, demeure très difficile à évaluer.
Points suggérés pour la discussion
122. Au cas où le Conseil d'administration déciderait d'inscrire à l'ordre du jour de la Conférence une question sur l'investissement et l'emploi en vue d'une discussion générale, on trouvera ci-après des propositions préliminaires concernant des points que la Conférence voudra sans doute aborder:
123. Compte tenu des propositions qui précèdent et de celles qui figurent dans le document GB.267/2 au sujet des questions ci-après, le Conseil d'administration est invité à fixer l'ordre du jour de la 87e session (1999) de la Conférence internationale du Travail:
Propositions pour de nouvelles normes:
Proposition pour la révision de normes existantes:
Propositions pour une discussion générale:
Genève, le 12 février 1997.
Points appelant une décision:
paragraphe 1;
paragraphe 2;
paragraphe 123.
1 Document GB.254/16/19, paragr. 5.
3 Document GB.259/2/2, paragr. 226-248.
4 Document GB.262/2, paragr. 69-94.
5 Document GB.261/8/26, paragr. 12-14.
7 Document GB.254/2/1, paragr. 53-64.
8 Document GB.267/6, paragr. 5, et document MEWP/1996/5.
9 Document GB.267/2, partie III (paragr. 107-168).
10 Document GB.267/LILS/4/2 (Rev.), paragr. 42. Document annexé au document GB.267/9/2 (annexe III).