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GB.268/10
268e session
Genève, mars 1997
 

DIXIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Rapport de la Commission de l'emploi
et de la politique sociale

1. La Commission de l'emploi et de la politique sociale s'est réunie les 17 et 18 mars 1997. Mme Sarmiento (gouvernement, Philippines) a été élue présidente. MM. Katz et Itoh étaient respectivement vice-président employeur et vice-président travailleur.

2. L'ordre du jour de la commission était le suivant:

  1. Le rôle du développement des entreprises dans la promotion de l'emploi et le progrès social: stratégie de l'OIT.
  2. Rapport préliminaire sur les synthèses des examens par pays de la politique de l'emploi effectués par l'équipe spéciale du CAC.
  3. L'emploi dans le monde 1996/97: Les politiques nationales à l'heure de la mondialisation.
  4. Le travail des enfants.

3. Faute de temps la commission n'a pas examiné la deuxième question à son ordre du jour.

Le travail des enfants

4. Le représentant du gouvernement de l'Allemagne a officiellement proposé que la question concernant le travail des enfants(1) soit retirée de l'ordre du jour de la présente session. A la session de novembre 1996 du Conseil d'administration, plusieurs délégués ont estimé que l'instance la plus appropriée pour débattre des progrès du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) est la Commission de la coopération technique. Certes, des aspects importants liés au travail des enfants, à la politique sociale et à l'emploi peuvent être traités par la Commission de l'emploi et de la politique sociale, mais c'est à la Commission de la coopération technique que devrait être confiée la question de l'état d'avancement du programme IPEC de coopération technique.

5. Le vice-président employeur (M. Katz) a déploré la proposition du délégué de l'Allemagne et a rappelé qu'à l'origine le thème du travail des enfants avait été assigné à la présente commission par le Groupe de travail sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international. C'est en 1995 que la Commission, pour la première fois, a examiné la question, sur la base d'un excellent document du Bureau. Les membres employeurs avaient jugé nécessaire un document qui permette de voir quelle a été depuis l'évolution de la situation et des politiques. Le Bureau a préparé un excellent document qui présente des orientations concrètes. Le groupe des employeurs reconnaît, qu'en tant que programme d'activités pratiques, l'IPEC doit être examiné par son comité directeur et par la Commission de la coopération technique, mais la question du travail des enfants dépasse le cadre de l'IPEC, et c'est pourquoi les questions de fond y afférentes devraient être traitées au niveau approprié. Si ce n'est pas la commission ESP qui s'en charge, il faut que ce soit le Conseil d'administration dans son ensemble. Si ni l'un ni l'autre n'examinent ces questions, cela signifiera que, jusqu'à l'adoption de la nouvelle convention, l'OIT ne s'occupera du travail des enfants que dans le cadre de l'IPEC. L'intention des employeurs n'est pas de placer l'IPEC sous le contrôle de la Commission ESP.

6. Le vice-président travailleur (M. Itoh). au nom des membres travailleurs, a déclaré réserver sa position, car même si son groupe appuie la proposition du représentant du gouvernement de l'Allemagne, encore lui faut-il avoir un grand débat sur la question avant de pouvoir se prononcer définitivement. Cependant, il a instamment demandé que le document sur le travail des enfants soit examiné à la présente session de la commission ESP.

7. Le représentant du gouvernement de la France a déclaré que la position du gouvernement de l'Allemagne fait l'objet d'un vaste soutien, mais il est convenu, comme le vice-président employeur, que la question du travail des enfants doit être retenue comme thème de discussion de la présente commission. Il a proposé, en guise de compromis, qu'il soit indiqué qu'il est pertinent que le travail des enfants soit débattu au sein de la Commission de la coopération technique, étant bien entendu que la présente commission doit continuer d'examiner les aspects politiques de la question.

8. Le représentant du gouvernement des Etats-Unis s'est associé à la déclaration de l'orateur précédent.

9. La présidente a fait remarquer que le mandat de la commission ESP est complémentaire de celui de la Commission de la coopération technique puisque la première examine les politiques et l'autre les programmes. Se référant au compromis suggéré par la France, la présidente a proposé que la commission continue de débattre du travail des enfants.

10. Le représentant du gouvernement de l'Allemagne a admis que la proposition est pragmatique mais a indiqué que le document dont la commission est saisie donne la fausse impression d'être un rapport d'activité, auquel cas il ne devrait pas être examiné par la commission. Il a suggéré que celle-ci s'éloigne de la structure du document et se concentre sur les aspects du travail des enfants touchant aux problèmes sociaux et à l'emploi.

11. Le directeur du Département des conditions et du milieu de travail (M. Bequele) a indiqué que, depuis mars 1996, le Bureau a progressé dans certains grands domaines. Il a mené à bien des activités préparatoires pour donner suite à la décision prise par le Conseil d'administration en mars 1996 d'inscrire le travail des enfants à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail en 1998, en vue de l'adoption de nouvelles normes sur ce thème. De nouvelles perspectives ont été mises en lumière dans le rapport sur la législation et la pratique intitulé Le travail des enfants: l'intolérable en point de mire ainsi que dans le questionnaire qui l'accompagne et qui sollicite les vues des Etats Membres. L'an dernier, l'OIT a prôné une approche plus audacieuse prévoyant un programme d'action assorti d'un calendrier, la suppression immédiate des formes les plus intolérables du travail des enfants, et une approche intégrée combinant prévention, affranchissement et réadaptation. Cette approche se caractérise par la prise en compte du principe selon lequel Un crime contre un enfant, où qu'il soit commis, doit être considéré partout comme un crime et prône une augmentation des ressources au niveau international pour la lutte contre le travail des enfants au niveau national. L'intérêt manifesté à l'égard de l'IPEC accroît la visibilité de l'OIT dans ce domaine puisque l'on compte un nombre record de 24 pays participants, dont 12 se sont joints à l'IPEC au cours de l'année écoulée (dix d'entre eux sont situés en Amérique latine). Les pays donateurs sont maintenant au nombre de 14, et le gouvernement de l'Allemagne vient de nouveau en tête avec une contribution importante pour la période 1996-2001, tandis que l'Espagne reste le principal donateur pour l'Amérique latine. L'IPEC fait de plus en plus de place à des activités auxquelles participent les organisations d'employeurs et de travailleurs conformément à l'engagement énoncé dans les résolutions de l'OIE et de la CISL de juin 1996, qui ont été appuyées par les fédérations affiliées. L'orateur a cité des exemples tels que l'organisation d'une conférence de haut niveau en mai 1997 par la Fédération des employeurs du Pakistan en collaboration avec l'OIT, et l'accord de partenariat conclu entre la Chambre de commerce et d'industrie de Sialkot, (Pakistan), l'UNICEF et l'OIT, pour mettre fin au travail des enfants à Sialkot. Les employeurs manifestent un intérêt accru pour la formulation de codes de conduite, et ils ont fait appel à l'OIT pour en obtenir informations et orientations. Le BIT prépare également un rapport sur les programmes d'étiquetage qui paraîtra dans les deux mois à venir. A propos de l'engagement des organisations de travailleurs, M. Bequele a déclaré qu'un certain nombre de secrétariats professionnels inscriront le travail des enfants à leur ordre du jour de 1997. En outre, un accord a été signé entre trois secrétariats professionnels et la FIFA à propos de la fabrication des ballons de football. Sur la scène internationale, on peut citer la Conférence d'Amsterdam sur le travail des enfants, à laquelle ont participé plus de 30 gouvernements, des organisations d'employeurs et de travailleurs et des ONG. Cette conférence a appuyé le projet d'une convention sur le travail des enfants, ainsi que les travaux de l'IPEC. En outre, le gouvernement des Pays-Bas s'est engagé à verser un million de dollars des Etats-Unis pour le Programme d'information statistique et de suivi concernant le travail des enfants, et M. Bequele a invité les pays donateurs à contribuer à ce programme. En octobre, l'OIT collaborera avec la Norvège pour organiser une autre grande conférence internationale sur le travail des enfants, et deux conférences régionales seront organisées en mai avec l'OUA et le gouvernement de la Colombie. Pour conclure, M. Bequele a mentionné l'accord de coopération signé entre l'OIT et l'UNICEF. Il a exprimé un optimisme prudent pour l'avenir, notant que les principes et les valeurs de l'OIT reçoivent un écho positif dans le monde, que la future convention fait l'objet d'un soutien considérable sur le plan international et que les travaux de l'IPEC suscitent un intérêt renouvelé.

12. Le vice-président travailleur a indiqué que le Bureau ne doit pas négliger les effets du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague de 1995, qui a loué les activités entreprises par l'OIT dans le domaine du travail des enfants. Il a noté que la Réunion tripartite informelle au niveau ministériel sur le travail des enfants, qui s'est tenue pendant la Conférence de 1996, a également apporté son appui à ces activités. Globalement, la nécessité de mettre un terme au travail des enfants fait l'unanimité, mais des divergences subsistent entre les trois groupes et au sein de chaque groupe sur certains points. L'orateur est convenu qu'il existe souvent un lien entre le travail des enfants et la pauvreté. Il importe donc que les programmes d'ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque mondiale soient réformés, afin qu'ils n'aggravent pas la pauvreté. Il faut que la Conférence internationale du Travail de 1998 comprenne la nécessité que ces considérations se reflètent dans la nouvelle convention. En ce qui concerne les observations formulées au sein de la Commission du programme, du budget et de l'administration à propos de la participation des organisations internationales non gouvernementales aux réunions et aux activités de l'OIT, l'orateur a indiqué que les ONG s'occupant du travail des enfants sont souvent très compétentes mais ont fréquemment une vue trop étroite des choses: on peut les inviter à des réunions mais il est hors de question qu'elles participent au processus de décision de l'OIT. Il s'est félicité du document du BIT sur le travail des enfants. Il a appuyé l'idée d'une nouvelle convention, qui compléterait la convention no 138. La nouvelle convention devrait être axée sur les formes les plus intolérables du travail des enfants. L'orateur a exprimé des réserves à l'égard de l'expression très jeunes, qui correspond au groupe des enfants âgés de moins de 12 ans, car elle donne l'impression que l'OIT tolère le travail des enfants âgés de plus de 12 ans. Il a noté, par ailleurs, qu'il conviendrait de s'entendre sur la terminologie à utiliser dans la nouvelle convention. Il s'est félicité que des fonctionnaires d'ACTRAV et d'ACTEMP travaillent à plein temps pour le programme IPEC, ce qui établira un lien plus solide avec les activités des syndicats et des organisations d'employeurs. Il a souligné l'importance que revêtent l'inspection du travail et la promotion de la coopération technique pour la formation des inspecteurs du travail dans la lutte contre le travail des enfants, et a suggéré que l'IPEC donne suite à une idée avancée lors d'une précédente session du Conseil d'administration, à savoir l'organisation d'un atelier de formation international pour les inspecteurs du travail. Les membres travailleurs considèrent que quand les enfants sous soustraits au travail, ils devraient être remplacés par des adultes de leur famille. De la sorte, le revenu total de la famille ne diminuerait guère et il y aurait moins de risque que les enfants soient astreints à d'autres travaux. L'orateur a demandé des informations sur la composition du comité directeur de l'IPEC qui, à sa dernière réunion, ne comprenait que deux représentants des travailleurs sur 70 membres, et il a insisté sur la nécessité d'adopter une structure plus tripartite.

13. Le vice-président employeur a félicité le Bureau de son document, mais a noté qu'il gagnerait à être illustré par des études de cas. A propos des conférences internationales récentes, il aurait souhaité la présence d'une annexe contenant les principales conclusions de ces conférences, voire une évaluation de leurs résultats. Il a demandé si le Bureau a arrêté une stratégie pour toutes ces réunions internationales et s'est interrogé sur le point de savoir si le seul objectif des réunions internationales à venir est de créer un climat favorable à l'adoption d'une nouvelle norme aux conférences de 1998 et 1999, ou s'il y a quelque chose que l'OIT peut faire concrètement dans l'intervalle. Se référant à la déclaration de M. Bequele, selon laquelle un crime contre un enfant, où qu'il soit commis, doit être considéré partout comme un crime, le vice-président employeur a demandé des éclaircissements sur ce qu'il faut faire pour obtenir que les pédophiles qui commettent à l'étranger des crimes contre des enfants puissent être jugés. Comme le sait l'Organisation, l'OIE a soulevé d'importantes questions de fond dans ce domaine. Où le Bureau en est-il à ce sujet? Il s'agit de questions très importantes. Il faut veiller avant tout à ce que les initiatives prises n'aient pas d'effets préjudiciables et il ne faut pas se limiter à soustraire les enfants au travail mais aussi les scolariser ou leur offrir d'autres possibilités. L'orateur a appelé l'attention de la commission sur la résolution de juin 1993 du Conseil général de l'OIE concernant le travail des enfants, qui ne diffère guère de la résolution de la CIT sur ce point important. Comme les travailleurs, il s'est interrogé sur le rôle des ONG. Nombre d'entre elles s'occupent très bien du problème au niveau local, mais, dans certains pays, leur affaire semble être de s'attaquer au monde des affaires. Dans un programme comme l'IPEC, l'évaluation devrait être une activité permanente. Le document cite trois types d'évaluation. L'orateur a demandé si les évaluations déjà menées ont soulevé des questions qui pourraient être traitées par la commission. En ce qui concerne l'amélioration de la communication, l'orateur a indiqué que le programme de Sialkot a été bien accueilli dans la presse des Etats-Unis et qu'il est intéressant par les solutions de rechange qu'il offre. Au Bangladesh, le programme d'étiquetage mentionné dans le document a eu des résultats désastreux et la BGMEA a un programme offrant des solutions différentes, sur lesquelles il serait souhaitable d'avoir davantage d'informations. Il a indiqué que les travaux de l'OIT conduits dans le cadre du programme IPEC ont forcé le respect du Congrès des Etats-Unis et des donateurs privés de ce pays. A cet égard, il s'est inquiété des contraintes pesant sur le développement du programme et a encouragé le Bureau à envisager de faire appel au secteur privé pour financer des programmes de coopération technique.

14. Le représentant du gouvernement de l'Inde a félicité le Bureau de son rapport et l'OIT de ses efforts pour lutter contre le travail des enfants dans le cadre de l'IPEC. Il s'est dit favorable à l'adoption d'un dossier d'information multimédias, comme suggéré au paragraphe 10 du document, car ce serait un moyen très efficace d'éveiller les consciences au niveau international. Le document ne dit pas ce que ce dossier devrait contenir, mais il devrait souligner les dangers liés à l'emploi d'enfants, présenter une vision optimiste des choses et conseiller de traiter le problème du travail des enfants en même temps que la pauvreté, l'analphabétisme et le chômage. Cette idée devrait également figurer dans la nouvelle convention. Il faut attacher autant d'importance à la réadaptation des enfants astreints au travail qu'à la prévention et à l'affranchissement. Les enfants qui travaillent sont différents des autres enfants et constituent un groupe hétérogène, ce qui implique que le problème doit être abordé sous plusieurs angles en fonction des besoins des uns et des autres. Au niveau international, les institutions du système des Nations Unies devraient unir leurs forces, tout comme devraient le faire les différents ministères au niveau national. Les organismes chargés de l'exécution des projets devraient être soigneusement choisis. Il faudrait également parvenir à une synergie entre les divers projets en se mettant d'accord sur un objectif à long terme commun. L'orateur a souhaité que les évaluations portent sur le contenu et aussi sur les méthodes, et que tous les groupes sociaux des diverses communautés participent aux projets IPEC, ce qui est une condition de la réussite.

15. Le représentant du gouvernement de l'Allemagne s'est félicité du document établi par le Bureau. La nouvelle convention est un tremplin vers la réalisation des objectifs de la convention no 138, et les activités des groupes employeurs et travailleurs sont très importantes à cet égard. A propos du rôle des ONG, l'orateur a noté que la structure tripartite de l'OIT continuera à prendre les grandes décisions politiques et stratégiques, mais a estimé qu'il faut tirer parti des compétences des ONG pour que ces décisions soient le plus équilibrées possible. Il a remercié le gouvernement des Pays-Bas d'avoir organisé la Conférence d'Amsterdam sur le travail des enfants, et l'OIT d'avoir contribué à sa réussite. Répondant à la question du vice-président employeur sur les aspects juridiques de la poursuite des pédophiles pour des crimes commis à l'étranger, le représentant du gouvernement de l'Allemagne a expliqué que son pays a modifié sa législation pour permettre que des Allemands soient extradés et poursuivis en justice. L'orateur s'est dit tout à fait favorable aux programmes d'étiquetage, mais a insisté sur leur caractère purement volontaire: il ne faut pas obliger les fabricants à étiqueter leurs produits, pas plus qu'il ne faut obliger les consommateurs à n'acheter que des produits ainsi étiquetés. Enfin, s'agissant des diverses formes d'évaluation (auto-évaluation, évaluation paritaire avec les donateurs et évaluation dans le cadre d'un forum tripartite), l'orateur a dit préférer la troisième méthode, en ajoutant qu'il faudrait l'utiliser plus souvent.

16. Le représentant du gouvernement de la Finlande a félicité l'OIT des résultats obtenus par l'IPEC ces dernières années. L'attachement de la communauté internationale à ce programme a été tout à fait manifeste lors de la Conférence d'Amsterdam mais en mettant l'accent sur l'élimination des formes les plus intolérables du travail des enfants, il ne faut pas perdre de vue l'objectif final, à savoir l'abolition totale de cette forme d'exploitation. Cette idée pourrait être inscrite dans la nouvelle convention. L'orateur a insisté pour la mise en place d'une banque de données statistiques fiables: cela rendra plus transparent le problème de l'exploitation des enfants et permettra de suivre plus facilement son évolution. Appuyant le principe selon lequel un crime contre un enfant, où qu'il soit commis, doit être considéré partout comme un crime, l'orateur a indiqué que cette importante question devrait être traitée dans le cadre d'une coopération internationale qui pourrait être proposée dans la nouvelle convention.

17. Le représentant du gouvernement du Royaume-Uni a également félicité le Bureau de son document, qu'il a jugé concis et détaillé. Son gouvernement a participé à la Conférence d'Amsterdam et réaffirmé avec force son attachement à l'action internationale contre l'exploitation des enfants qui travaillent. Après avoir manifesté l'appui de son gouvernement aux conclusions de la conférence, l'orateur a fermement appuyé le rôle joué par l'OIT dans la lutte contre le travail des enfants via son programme IPEC. Il a rappelé son plein soutien au projet de convention, et a exhorté l'OIT à donner suite aux conclusions de la conférence d'Amsterdam, notamment en procédant périodiquement à l'examen de la situation et à l'évaluation des progrès accomplis et en identifiant les meilleures pratiques. Ce travail permettrait notamment d'indiquer aux gouvernements donateurs les domaines d'action prioritaires, et permettrait aussi à l'OIT d'asseoir la réputation qu'elle a déjà dans le domaine du travail des enfants.

18. Tout en exprimant l'adhésion de son gouvernement au projet de convention, le représentant du gouvernement de la Malaisie a noté que le nouvel instrument sur le travail des enfants ne devrait pas avoir pour objectif de renforcer les normes existantes, car cela créerait des problèmes aux Etats Membres et finirait par aller à l'encontre de la ratification. Le nouvel instrument devrait viser à améliorer le mode et la stratégie d'application des normes existantes en donnant la priorité aux formes les plus intolérables du travail des enfants. L'intervenant s'est déclaré très satisfait des travaux de l'IPEC qui ont reçu un très large appui des Etats Membres. En ce qui concerne la lutte contre le travail des enfants, le rôle de l'OIT est à la fois de fournir des services et de fixer des normes. L'orateur a estimé lui aussi que ce problème a des racines socio-économiques dont il faut tenir compte, et qu'à long terme il s'agit à la fois de promouvoir l'emploi et de lutter contre la pauvreté, de prévoir des programmes d'éducation et de sensibiliser la collectivité. Il existe déjà en Malaisie une législation efficace et un système d'inspection du travail pour suivre la situation et la contrôler. En vertu de la loi malaisienne, les parents ou tuteurs d'un enfant astreint au travail sont passibles de sanctions au même titre que l'employeur. L'élimination de la pauvreté a une priorité élevée dans les programmes nationaux de développement, ce qui permet de s'attaquer en même temps aux causes profondes du travail des enfants. En conclusion, l'orateur a souligné qu'à long terme les méthodes propres à faciliter et à promouvoir la lutte contre l'exploitation de la main-d'œuvre enfantine seront plus efficaces que les mesures réglementaires.

19. Comme le vice-président travailleur, M. Mansfield (membre travailleur), a insisté sur l'importance du progrès économique pour que les pays puissent combattre le travail des enfants, car il existe une relation étroite entre la pauvreté des familles et des pays et cette exploitation. Il importe d'accélérer la croissance et d'en mieux répartir les fruits dans chaque pays. L'intervenant a exprimé des réserves au sujet des programmes d'ajustement structurel préconisés par le FMI et la Banque mondiale, et a cité l'opinion des délégués africains du groupe des travailleurs qui établissent un lien entre ces programmes et l'aggravation de la pauvreté. A titre d'exemple, l'Ouganda a été informé que l'allégement de sa dette censé intervenir dans le courant de l'année a une nouvelle fois été différé par le FMI. L'orateur a regretté cette mesure, en disant que cela contribue à l'aggravation du travail des enfants en Afrique. Il a souscrit à l'observation du représentant du gouvernement de l'Inde selon laquelle l'exploitation des enfants n'est pas uniquement imputable à la pauvreté mais au laxisme des gouvernements et d'autres institutions qui tolèrent cette exploitation. La pauvreté ne saurait être une excuse, et il a préconisé l'adoption de programmes positifs qui créent les conditions propres à favoriser l'élimination du travail des enfants. Se référant au document, il a remercié les pays donateurs de leur contribution, en particulier les gouvernements de l'Allemagne et de l'Espagne, mais il a fait observer qu'il faudrait que les gouvernements fournissent davantage de fonds. L'orateur a proposé que lui et son collègue, M. Noakes, du groupe des employeurs, encouragent le gouvernement de l'Australie à augmenter sa contribution à l'IPEC. En réponse à la question posée par le vice-président employeur, l'intervenant a informé la commission que, tout comme les Allemands, les Australiens qui se rendent coupables de crimes contre des enfants à l'étranger sont passibles de poursuites pénales dans leur pays. Il a indiqué que plusieurs affaires ont déjà été instruites par des tribunaux australiens en vue d'éliminer l'utilisation de main-d'œuvre enfantine pour la production de ballons de football. L'orateur a rendu hommage aux fédérations de football et à la FIFA pour leurs initiatives car l'industrie de ces articles de sport est connue pour exploiter la main-d'œuvre enfantine, et il a exprimé l'espoir que l'IPEC s'en occupera. Il a prôné la mise en place de mécanismes indépendants de contrôle qui permettront d'évaluer l'efficacité des codes de conduite et a recommandé l'établissement de procédures de notification rigoureuses. En l'absence de contrôle, les codes de conduite ne servent pas à grand-chose. Aux Jeux olympiques, qui se dérouleront en l'an 2000 à Sydney, il faudra apporter la preuve que le matériel utilisé n'a pas été fabriqué par des enfants, et ce devrait être un objectif international. En réponse au vice-président employeur qui demandait des précisions sur les activités syndicales dans le domaine du travail des enfants, en dehors des activités énumérées dans le document, le délégué a mentionné un programme visant à affranchir des enfants travaillant en servitude dans des briqueteries au Pakistan. L'organisation de la CISL pour l'Asie et le Pacifique collecte des fonds pour racheter les dettes et fournir aux enfants des possibilités de scolarisation. L'orateur a insisté pour qu'une plus large place soit faite à la recherche et aux statistiques. Il a également incité l'OIT à accroître les crédits imputés sur son budget ordinaire de façon à ne pas tabler uniquement sur les ressources de l'IPEC pour le financement des activités dans le domaine du travail des enfants. Le programme bénéficie de l'appui des mandants de l'OIT partout dans le monde, et cela devrait se refléter dans le budget de l'OIT.

20. Le représentant du gouvernement du Swaziland a accueilli avec satisfaction le rapport établi par le Bureau. Tout en adhérant à l'approche de l'IPEC, ainsi que du groupe des employeurs et de celui des travailleurs, qui condamnent toutes les formes de travail des enfants, il a prié instamment la commission de tenir compte des spécificités sociales et culturelles des différentes régions car en Afrique, par exemple, il faut faire la distinction entre travail des enfants et formation des enfants. Il y a lieu d'entreprendre des études régionales approfondies pour mettre en lumière ces spécificités. Au sujet de l'applicabilité du paragraphe 10 du document, l'orateur a ajouté que les besoins essentiels des pauvres sont énormes en Afrique et que, de ce fait, il est bien plus important qu'ailleurs d'en tenir compte au moment de proposer des initiatives. Si le processus de mondialisation peut être fructueux, il risque également de donner lieu à une restructuration qui aura une incidence défavorable sur les pauvres. En conclusion, l'orateur a demandé instamment à l'OIT de s'attaquer au phénomène grandissant des enfants qui vivent dans la rue, car ce mode de vie est tout aussi préjudiciable au développement naturel de l'enfant, et toute intervention dans ce domaine sera accueillie favorablement par toutes les parties concernées.

21. Le représentant du gouvernement de l'Italie a rappelé l'appel contenu dans la Constitution de l'OIT et dans la Déclaration de Philadelphie concernant la protection et l'aide dues aux enfants. Il a pris acte de la prise de conscience à l'échelle mondiale de la nécessité de faire face au problème que soulève le travail des enfants et a fait savoir que, malgré les contraintes, son gouvernement apporte un appui financier qui sera orienté vers la fourniture de matériel aux hôpitaux pour enfants et l'ouverture d'écoles en Asie du Sud, conjointement avec l'UNICEF et l'IPEC. Le gouvernement italien juge particulièrement utiles l'intervention des organisations d'employeurs et de travailleurs et celle des ONG et des missions religieuses qui travaillent sur le terrain, qui sont à même d'identifier les problèmes et de trouver les meilleurs moyens de les résoudre.

22. Le représentant du gouvernement du Japon a exprimé la satisfaction de son gouvernement devant le renforcement des activités exécutées par l'OIT pour éliminer les formes les plus intolérables du travail des enfants. Son gouvernement est pleinement conscient qu'il importe de s'attaquer à ce problème et apporte un appui sans réserve à la nouvelle convention. L'intervenant a porté à la connaissance de la commission que son gouvernement se propose de consulter les syndicats et les organisations d'employeurs au Japon et de collaborer étroitement avec eux afin de déterminer de quelle manière le Japon pourrait le mieux promouvoir l'adoption de la nouvelle convention.

23. M. Anand (membre employeur) a souligné que l'IPEC s'efforce de remédier au problème que représente le travail des enfants mais qu'il faut aussi penser à prévenir l'aggravation que ne manquerait pas d'entraîner une croissance démographique excessive. La persistance de la pauvreté, notamment en Asie du Sud, associée à une politique démographique inadéquate, ne peut que favoriser une telle aggravation. En matière d'analyse, le rapport sur l'emploi dans le monde n'a pas beaucoup à offrir à la sous-région et il ne fait pas non plus preuve de beaucoup d'optimisme. Il faudrait instaurer des liens avec d'autres programmes des Nations Unies, par exemple ceux du FNUAP et de l'UNICEF, et les organisations non gouvernementales devraient être davantage associées aux activités en vue de promouvoir la prévention à long terme. Pour finir, l'orateur a demandé que les décideurs tiennent compte de l'importance de la collaboration entre les acteurs sociaux.

24. Le représentant du gouvernement de l'Inde a réaffirmé que le problème du travail des enfants doit être abordé séparément de celui de la pauvreté, du chômage et du sous-emploi, car la pauvreté est le résultat d'un ensemble de circonstances défavorables, et le travail des enfants, en détruisant les formes les plus productives des ressources humaines de l'avenir, ne fait que perpétuer cette situation. Il a prôné l'adoption d'une stratégie pluridimensionnelle qui permette d'aborder ces différents problèmes -- pauvreté, analphabétisme, chômage et sous-emploi -- de manière uniforme et de placer le travail des enfants dans sa juste perspective.

25. Le vice-président travailleur a regretté que, malgré les conventions nos 138 et 29, le problème du travail des enfants persiste un peu partout dans le monde et il a souhaité que de nouvelles conventions viennent renforcer les conventions existantes. Certes, éradication de la pauvreté et élimination du travail des enfants sont indissociables, mais cela ne signifie pas qu'on ne peut pas s'attaquer immédiatement au problème du travail des enfants, et un renforcement de la coopération dans ce domaine s'impose entre les employeurs et les travailleurs. L'orateur a instamment invité l'OIT et les gouvernements à prendre les mesures nécessaires pour que la pauvreté ne progresse pas et à faire pression sur le FMI et la Banque mondiale pour que ceux-ci revoient les programmes d'ajustement structurel ayant des répercussions sociales négatives et contribuant par conséquent à aggraver le problème du travail des enfants. Les relations entre l'OIT et les institutions de Bretton Woods devraient servir de cadre à la lutte contre ces problèmes.

26. M. Tabani (membre employeur) a loué la qualité du rapport préparé par l'IPEC, qui présente les multiples activités entreprises par l'OIT pour lutter contre le travail des enfants. Il a souscrit aux observations formulées par le vice-président employeur et a félicité l'IPEC du travail accompli en Asie du Sud, et notamment au Pakistan. Il a attiré l'attention sur le paragraphe 30 du document qui traite de la diffusion des informations et des moyens d'étendre méthodiquement la portée de l'information publique en coopération avec PRESSE. Il a appuyé sans réserve les idées exprimées dans ce paragraphe et a indiqué que l'OIT devrait poursuivre vigoureusement ces initiatives afin de mettre le problème du travail des enfants au premier plan, de sensibiliser le grand public et de le tenir au courant des progrès accomplis.

27. Le représentant du gouvernement de la Chine a félicité l'IPEC d'avoir préparé un document aussi riche en informations. Le travail détruit la santé physique et mentale des enfants et il importe d'adopter des mesures adéquates pour s'attaquer à ce problème. Cette responsabilité incombe à tous les gouvernements et à la communauté internationale dans son ensemble. L'orateur a indiqué que son gouvernement a adopté une législation et des mesures pratiques strictes pour lutter contre le travail des enfants, et qu'il appuie pleinement le projet de nouvelle convention et participera activement à son élaboration. L'orateur a approuvé le lien établi par de précédents orateurs entre la pauvreté et le travail des enfants et a invité instamment l'OIT à redoubler d'efforts dans ce domaine par ses activités de coopération technique et ses programmes d'assistance aux pays en développement. Il a aussi invité la communauté internationale à tenir pleinement compte de la diversité et de la complexité du problème.

28. La représentante du gouvernement de l'Egypte a indiqué que son gouvernement appuie l'idée d'une nouvelle convention. Elle a rendu hommage aux pays donateurs, notamment l'Allemagne et l'Espagne, mais a invité la commission à prendre en considération les spécificités socio-économiques des différents pays participants. Elle s'est félicitée que l'IPEC ait décidé de s'attaquer au problème du travail des enfants en Afrique et a formé le vœu que l'attention accordée à ce continent soit à la mesure de la gravité de la situation. L'Egypte a adapté sa législation, conformément aux engagements qu'elle a pris en ratifiant la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant en 1990. L'Egypte a décidé de faire de la période 1989-1999 la décennie de la protection de l'enfant et a créé en 1988 un conseil de protection de l'enfance. De plus, elle a signé un protocole d'entente avec l'IPEC en 1996, et un programme national d'action prévoyant notamment une collaboration avec les organisations d'employeurs et de travailleurs est en préparation.

29. Le représentant du gouvernement de l'Afrique du Sud a indiqué que le document préparé par le Bureau sera utile à son pays. Les partenaires sociaux ont un rôle très important à jouer dans le cadre de la campagne internationale contre le travail des enfants; en Afrique du Sud, par exemple, il existe actuellement plus de 50 000 ONG dont beaucoup commencent à travailler au ralenti après avoir lutté activement contre l'apartheid. L'Afrique du Sud est prête à participer à l'IPEC et le ministère du Travail a entrepris en novembre 1996 une enquête destinée à évaluer le nombre d'enfants touchés. Selon la nouvelle Constitution du pays, adoptée en décembre 1996, toute personne âgée de moins de 18 ans est considérée comme un enfant aux plans politique et juridique. L'Afrique du Sud a participé activement à un certain nombre de conférences internationales, mais l'orateur a déclaré qu'il aimerait que le Bureau mette au point une stratégie concernant les manifestations internationales lancées par l'OIT et l'IPEC. Le gouvernement sud-africain ratifiera la convention relative aux droits de l'enfant, et des discussions tripartites démarreront bientôt dans le pays à ce sujet. L'orateur a remercié les donateurs avec lesquels ont été entreprises un certain nombre d'enquêtes sur les conditions d'emploi et le travail des enfants. L'Afrique du Sud a besoin d'activités de recherche et d'échange d'informations, et il faut espérer qu'il sera possible de travailler plus étroitement avec le Bureau de statistique pour mettre en place une base de données informatisées fiables. L'orateur a appuyé le principe selon lequel Un crime contre un enfant, où qu'il soit commis, doit être considéré partout comme un crime et a indiqué à la commission que des pédophiles profitant de la phase de transition en Afrique du Sud ont été extradés. Il a souscrit aux observations du délégué du Swaziland sur le problème des enfants des rues, qui est un phénomène de plus en plus fréquent dans de nombreuses villes d'Afrique du Sud. L'intervenant a indiqué que les médias sont un puissant moyen de promouvoir le débat national, et il a cité à titre d'exemple un film produit par la CISL et le Congrès des syndicats du Royaume-Uni et présenté en Afrique du Sud. Le gouvernement de ce pays examine la possibilité de sanctions limitées contre la commercialisation d'articles fabriqués par des enfants, notamment dans l'industrie du football. L'orateur a indiqué que les effets de l'ajustement structurel seront examinés lors de différentes réunions de l'OUA et de la SADCC et a espéré qu'une plus grande part du budget de l'OIT pour la coopération technique sera affectée à l'IPEC dans l'intérêt des pays du tiers monde.

30. Le représentant du gouvernement de l'Ouganda s'est félicité du document préparé pour la réunion et a souligné que la collaboration entre les gouvernements, les groupes d'employeurs et les groupes de travailleurs est essentielle dans la lutte contre le travail des enfants. Il a souscrit à ce qu'a dit le représentant du Swaziland, à savoir qu'il faut faire la distinction entre travail des enfants et formation des enfants, et qu'en Afrique il s'agit surtout de formation des enfants. Il a exprimé l'espoir que cela se reflètera dans la nouvelle convention. L'Ouganda a ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, dont la Constitution nationale de 1995 consacre les principes, à l'article 34.4. Il faut une approche multidimensionnelle et les Etats membres du Groupe de coopération d'Afrique de l'Est, à savoir le Kenya, l'Ouganda et la République-Unie de Tanzanie, ont tenu en février 1997 une conférence où ils ont reconnu que le travail des enfants doit être un domaine prioritaire d'harmonisation de leurs législations et de coopération. L'orateur a remercié les pays donateurs de leur appui financier à l'IPEC et s'est associé à l'idée que l'OIT devrait consacrer une plus grosse part de son budget ordinaire aux activités de ce programme.

31. Le représentant du gouvernement du Brésil a indiqué que son gouvernement a fait de la lutte contre le travail des enfants l'une des priorités essentielles de sa politique sociale, en prenant dans ce domaine toute une série de mesures à court et moyen terme. Il s'est déclaré très satisfait de l'appui de l'IPEC à l'élaboration des politiques nationales de lutte contre le travail des enfants. Il a ajouté que son gouvernement appuie sans réserve la nouvelle convention, avant de remercier le gouvernement des Pays-Bas d'avoir organisé la Conférence ministérielle internationale qui s'est tenue en février à Amsterdam et qui a permis un échange fructueux de vues et d'opinions sur la question du travail des enfants.

32. Le vice-président employeur a redemandé si le Bureau envisage d'élaborer une recommandation de politique générale autour de l'idée qu'un crime contre un enfant, où qu'il soit commis, doit être considéré partout comme un crime. Il a demandé aussi, dans le cas où les contraintes financières sont un obstacle à l'expansion du programme, s'il y a des objections à ce qu'on fasse appel à des donateurs privés et, s'il y a des objections, s'il serait possible de réexaminer la question. Enfin, en ce qui concerne les observations formulées précédemment au sujet des programmes des institutions de Bretton Woods, il a fait remarquer, qu'en 1987, une réunion de haut niveau a reconnu à la fois la nécessité de procéder à des ajustements structurels et la nécessité de mettre en place des programmes visant à en atténuer les effets. Si le travail des enfants est une conséquence directe de l'ajustement structurel, l'OIT et les institutions concernées doivent discuter ensemble pour voir ce qui peut être fait et s'il est possible d'appliquer un programme d'activités pratiques par le biais de l'IPEC lorsque le bien-être des enfants est menacé.

33. Le vice-président travailleur a indiqué que les membres travailleurs sont favorables à un renforcement de la coopération entre l'OIT et les institutions de Bretton Woods, sous réserve que cela conduise à l'intégration des principes de l'OIT dans les politiques recommandées par ces institutions et dans les programmes qu'elles mettent en œuvre. Il a répété que son groupe s'inquiète de constater que la pauvreté et les souffrances s'aggravent sous l'effet de l'ajustement structurel. Il a ajouté que l'examen du rapport L'emploi dans le monde montrera que, même dans les pays censés avoir tiré profit de l'ajustement structurel, les inégalités sociales se sont aggravées.

34. Le représentant du Directeur général (M. Taqi, Sous-directeur général) a assuré le vice-président employeur que les fonds provenant de donateurs privés, autrement dit de sources non gouvernementales, sont les bienvenus, comme le recommandent les dernières directives, qui sont moins restrictives que les précédentes et qui visent à préserver la liberté d'action du Bureau face aux donateurs. Il a cité l'exemple de l'Italie, où employeurs et travailleurs ont uni leurs forces pour recueillir plus de 1 million de dollars qu'ils ont versés à l'IPEC.

35. M. Bequele a remercié la commission de ses commentaires sur la qualité du rapport, le travail de l'OIT en général et l'IPEC en particulier. S'agissant des questions de terminologie au sujet desquelles des préoccupations tout à fait justifiées ont été exprimées, il a expliqué que l'expression formes extrêmes de travail des enfants utilisée par le secrétariat est une solution de compromis, et que la Conférence en 1998 prendra une décision définitive sur ces questions. Il a ensuite souligné que la convention no 138 demeure la convention fondamentale dont le cadre définit la tâche de l'OIT en matière de travail des enfants. La nouvelle convention sera complémentaire; le texte sera plus simple et elle attirera un plus grand nombre de ratifications. En ce qui concerne les questions de fond, le lien entre la pauvreté et le travail des enfants a bien été pris en compte par le Bureau, qui maintient ces trois objectifs que sont la prévention, l'affranchissement et la réinsertion dans tous ses projets, tout en s'attachant à promouvoir la lutte contre la pauvreté et l'éducation pour tous. L'orateur a insisté sur l'importance du principe d'application difficile mais fondamental, selon lequel un crime contre un enfant, où qu'il soit commis, doit être considéré partout comme un crime, principe évoqué dans le rapport du Bureau à la Conférence de juin 1996 pour bien mettre en évidence le caractère international de certaines formes d'exploitation des enfants comme la traite, la prostitution, les problèmes transfrontières, etc. Il appartiendra à la Conférence de 1998 de dire si ce concept est acceptable et sous quelle forme. Dans le questionnaire qui a été envoyé aux Etats Membres, le Bureau demande à ces derniers d'indiquer les types d'assistance judiciaire et technique internationale qui permettraient, selon eux, de renforcer la campagne contre le travail des enfants. M. Bequele a également indiqué que le Bureau accroîtra son effort de recherche et de statistique et continuera à produire des analyses factuelles et objectives sur des questions aussi controversées que l'étiquetage. Au sujet de l'IPEC, il a indiqué que la composition du comité directeur de l'IPEC a été décidée il y a six ans, en concertation avec les membres du Conseil d'administration; beaucoup de choses ont changé depuis et il appartient à la commission de décider du futur cadre directeur de l'IPEC. S'agissant des ressources, il a réitéré ce qu'a dit M. Taqi, à savoir que le Bureau cherche à explorer de nouvelles voies pour le financement de l'IPEC. Enfin, M. Bequele a fait savoir à propos des évaluations qu'en plus de celles mentionnées par le représentant du gouvernement de l'Allemagne, il y a des évaluations tripartites qui sont faites au niveau national, comme l'a précisé le représentant du gouvernement de l'Inde, et que l'on fera plus souvent des exercices de ce genre afin d'enrichir l'expérience de l'IPEC.

36. Mme Hagen (Directrice générale adjointe) a indiqué que le dialogue avec les institutions de Bretton Woods porte essentiellement sur les effets à court et moyen terme de l'ajustement structurel, sur l'emploi et la pauvreté. Il importe de mettre en place des filets de sécurité ciblés, surtout en faveur des groupes à faible revenu. On ne peut que se préoccuper des retombées sur les enfants des compressions budgétaires dont ont souffert l'enseignement, l'éducation et la santé. Un changement important s'est produit au fil des années aussi bien à la Banque mondiale qu'au FMI au sujet des effets négatifs des coupes opérées dans les programmes destinés à aider les enfants, et de la nécessité d'adopter une approche budgétaire plus équilibrée. Le dialogue a beaucoup insisté sur l'importance des normes internationales fondamentales et sur la nécessité d'harmoniser les politiques des institutions de Bretton Woods et celles de l'OIT. Les discussions avec M. Wolfensohn (Président de la Banque mondiale) ont été axées sur l'amélioration de la collaboration avec la Banque, qui se prépare déjà à proposer une autre approche pour sa participation à la campagne de lutte contre le travail des enfants. Les projets en cours seront revus non seulement pour déterminer s'il y a des éléments qui contribuent à aggraver le problème du travail des enfants, surtout dans les programmes de travaux publics, mais aussi pour promouvoir la scolarisation. Le Bureau est très encouragé par ce renforcement de la coopération entre les deux institutions et l'OIT, ce qui permettra d'avoir un dialogue plus suivi sur les programmes d'ajustement structurel au cours des prochaines années.

Le rôle du développement des entreprises dans la promotion
de l'emploi et le progrès social:
stratégie de l'OIT

37. Le chef du Service du développement et de la gestion des entreprises (M. Lisk) a présenté le document du Bureau(2). Ce document, établi à la demande, en novembre 1996, du bureau et d'autres membres de la commission a pour objet de mettre en lumière la contribution de l'OIT au développement des entreprises, y compris les politiques envisagées au premier Forum des entreprises organisé par l'OIT (Genève, novembre 1996), qui a fait l'objet d'un rapport distinct. Le document examine de quelle façon le développement des entreprises contribue à la promotion de l'emploi et au progrès social. La première partie du document expose les raisons pour lesquelles le développement des entreprises est une préoccupation majeure de l'OIT; la deuxième présente le programme de développement des entreprises de l'OIT et activités connexes et indique la place qu'il occupe dans le programme global de l'OIT; la troisième partie jette les bases d'une stratégie de l'OIT pour l'entreprise et propose, notamment, des principes directeurs visant à encourager l'esprit d'entreprise et le développement des entreprises en tant que moyens de promouvoir l'emploi et le progrès social. Le programme de développement des entreprises s'adresse à tous les types d'entreprises, quelle que soit leur taille, en tenant compte des préoccupations et priorités très diverses des Etats Membres. Mis en œuvre en étroite coordination avec d'autres grands programmes, il contribue aussi à promouvoir le tripartisme. Le rôle de catalyseur de l'Etat dans ce domaine est renforcé par l'assistance technique visant à améliorer la productivité et la compétitivité et à faciliter la réalisation des objectifs sociaux. L'aide prodiguée aux organisations d'employeurs a pour objet de leur permettre d'accroître leur influence et d'améliorer l'efficacité de leurs activités de promotion et constitue au sein de l'OIT un cadre institutionnel pour canaliser l'assistance technique dans ce domaine. Cette assistance, qui vise à améliorer les conditions de travail dans l'entreprise, à favoriser un partage équitable des gains de productivité et à promouvoir les droits fondamentaux des travailleurs, conformément à la législation du travail en vigueur, aux principes de l'OIT et aux normes internationales du travail, sert les intérêts des travailleurs et de leurs organisations.

38. Le vice-président travailleur a souligné que les entreprises ne sont pas les seules à représenter le monde des affaires -- aucune ne peut fonctionner sans travailleurs. En outre, ce sont les travailleurs qui pâtissent le plus de l'ajustement structurel et des répercussions de la mondialisation des échanges sur chaque économie. Citant les travaux de Lester Thurow sur The Future of Capitalism (L'avenir du capitalisme), l'orateur a parlé des forces économiques fondamentales qui modifient la nature du capitalisme. Les clivages entre riches et pauvres s'accentuent. L'OIT est censée contribuer à remédier à ces problèmes, et la communauté internationale attend beaucoup d'elle, comme en témoignent les conclusions du Sommet mondial pour le développement social et celles de la Conférence ministérielle de l'OMC, tenue en décembre 1996 à Singapour; et pourtant, dans le même temps, les gouvernements essayent de réduire ses ressources en opérant des compressions budgétaires. Le document à l'étude, qui apparemment fait référence aux principes de l'OIT, à la Déclaration de Philadelphie, au tripartisme et à d'autres préoccupations sociales, suscite chez les travailleurs à la fois confusion et espoir. En effet, ces considérations importantes ne se reflètent ni dans les activités passées du Département des entreprises ni dans les Propositions de programme et de budget pour 1998-99. Cela donne à penser au groupe des travailleurs que cette approche du développement des entreprises ne permet pas de répondre de façon satisfaisante aux objectifs de l'OIT, ce à quoi le groupe des travailleurs ne saurait se résigner. L'orateur a rappelé, à cet égard, que toutes les activités de l'OIT doivent correspondre aux besoins des travailleurs autant qu'à ceux des employeurs lesquels, c'est naturel, s'intéressent avant tout au profit. L'OIT ne devrait pas se lancer dans des activités pour lesquelles elle n'a pas d'avantage comparatif et d'autres organisations sont plus efficaces et expérimentées. L'orateur a attiré en particulier l'attention sur les activités proposées en matière de crédit ou d'autres financements en faveur des petites et moyennes entreprises (PME). L'OIT ne devrait pas s'en occuper et en revanche se concentrer par exemple sur les mauvaises relations, entre la direction et des travailleurs, qui sont probablement à l'origine de bon nombre de faillite dans les petites et moyennes entreprises. Le Département du développement des entreprises et des coopératives devrait également allouer des ressources à la promotion des normes internationales du travail dans les petites et moyennes entreprises. La réalité, c'est qu'aujourd'hui une grande entreprise, comme cela a été le cas récemment en France, licencie du jour au lendemain 3 000 travailleurs. L'orateur a demandé quelle est la réaction de l'OIT à ce genre d'initiative des entreprises multinationales. A son avis, les activités du Département des entreprises et des coopératives se concentrent trop sur le secteur privé et il faudrait que davantage de ressources soient affectées à l'assistance aux entreprises du secteur public. Les paragraphes 10 à 17 montrent la place limitée du développement des entreprises dans le programme de l'OIT. Les activités décrites semblent simplistes et le groupe des travailleurs n'est pas satisfait. L'orateur a demandé, en particulier, au Bureau d'indiquer les ressources dont il disposera pour concrétiser ce qui est dit au paragraphe 14, à savoir que le programme du développement des entreprises collaborera avec tous les mandants. En outre, le Forum des entreprises (paragraphes 15 à 17) a suscité certaines critiques. Il aurait dû faire une plus large place au tripartisme et se concentrer davantage sur la promotion de meilleures relations professionnelles dans l'entreprise. L'orateur a fait observer, en guise de conclusion, que le groupe des travailleurs n'a jamais été consulté à propos du contenu de la stratégie. A propos du dernier paragraphe, il a estimé que la collaboration avec d'autres organisations devrait s'étendre à l'OMC.

39. Le vice-président employeur a déclaré qu'en écoutant les observations du groupe des travailleurs il s'est senti comme Sisyphe, condamné pour l'éternité à rouler un rocher qui, parvenu au sommet, retombe. Il s'est demandé si les remarques qu'il venait d'entendre sont une attaque contre le document, contre les propositions de programme et de budget du Directeur général, ou les deux, ou encore contre les entreprises en général. Bien entendu, les travailleurs sont indispensables à la réussite de l'entreprise et dans certains pays comme les Etats-Unis nombre de bons employeurs, influencés dans une certaine mesure par la pratique des industries japonaises, ont obtenu d'excellents résultats en collaborant avec les travailleurs et leurs représentants, et considèrent que cela va de soi. Aux Etats-Unis, la notion de travailleurs exploités ne correspond pas aux faits. En outre, la mondialisation n'est ni une conspiration diabolique ni un phénomène nouveau, mais une réalité économique. Il aurait été utile que le document mentionne également les investisseurs et pas seulement les entrepreneurs. Qu'il s'agisse ou non des mêmes personnes, l'entreprise ne peut fonctionner sans investisseurs de même titre qu'elle ne peut fonctionner sans travailleurs. Il semble que le rapport cherche à justifier un rôle pour l'OIT vis-à-vis de l'entreprise. Cela ne devrait pas être mis en question. L'OIT a un rôle à jouer vis-à-vis de l'entreprise car celle-ci est la source de tout emploi. Qui plus est, l'expérience montre que l'entreprise privée est la principale source de l'emploi librement choisi, durable et productif. Bien entendu, les entreprises publiques qui opèrent sur une base commerciale aux conditions du marché peuvent également créer ce type d'emploi. En revanche, les entreprises privées qui, pour diverses raisons sont très protégées ou subventionnées ou qui opèrent dans des conditions de cartel, créent des emplois non productifs ou non durables. Une stratégie pour l'entreprise comporte deux éléments: conseils aux gouvernements et aux partenaires sociaux pour l'élaboration de politiques propices à la création d'entreprises et à leur développement, et assistance technique. Les conseils doivent notamment porter sur la politique macroéconomique, par exemple des politiques budgétaires et monétaires stables. qui ne sous-estiment ni l'épargne ni l'investissement, un régime de libre-échange, des taux d'imposition qui ne découragent pas l'investissement, des cadres réglementaires propres à soutenir le libre jeu du marché et en particulier une réglementation souple du travail, notamment dans les petites entreprises. L'OIT devrait se garder de mener campagne contre la flexibilité des marchés du travail. Il importe également que les politiques s'appuient sur un environnement culturel propice qui prépare les hommes et les femmes à se recycler et à s'adapter continuellement au progrès technique, et où l'entreprise ne soit pas considérée comme la source de tout mal, mais au contraire comme la source de la richesse et du bien-être. Outre les conseils pour l'élaboration des politiques, l'OIT devrait fournir une assistance technique dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Le document ne fournit pas suffisamment de détails sur l'assistance technique et la liste figurant au paragraphe 13 n'est pas complète et appelle des explications. Il faudrait y inclure, entre autres thèmes importants, la formation à la gestion, l'organisation du travail et le financement des entreprises (l'OIT peut avoir des idées novatrices dans ce domaine même s'il ne semble pas qu'elle ait un avantage comparatif). Le programme de développement des entreprises de l'OIT devra être soigneusement évalué, une fois qu'il aura acquis plus d'expérience. Revenant aux observations formulées par le vice-président travailleur au nom du groupe des travailleurs, l'orateur s'est déclaré surpris par l'hostilité à l'égard des entreprises que semble avoir suscité le succès du premier Forum des entreprises. Il est convenu que tous les groupes devraient contribuer aux travaux du prochain forum. En conclusion, il a déclaré que le Programme international pour les petites entreprises pourrait être très utile, mais l'on manque d'informations précises à son sujet et la Conférence internationale du Travail devra en fixer les détails. L'importance de la création d'emplois par les petites et moyennes entreprises ne saurait être remise en question. Enfin, il est clairement établi que l'OIT a un rôle très important à jouer dans la lutte contre la pauvreté par la promotion de l'entreprise.

40. Le représentant du gouvernement du Swaziland a fait observer que le document aborde la question de la promotion de l'emploi sous l'angle approprié et que les petites entreprises ont un rôle important à jouer dans la lutte contre le chômage. Nombre de petites entreprises prospères seront les grands employeurs de demain. Toutefois, beaucoup de petits employeurs ne sont pas affiliés à des organisations d'employeurs et ne tirent donc pas profit des informations et de l'appui de l'OIT. L'orateur a mis l'accent sur l'importance du dialogue tripartite dans toutes les activités de l'OIT et a noté avec satisfaction que le document défend l'amélioration de la productivité, la compétitivité des entreprises et la répartition équitable des bénéfices. Dans l'entreprise, il devrait exister un lien étroit entre la formation, la productivité, la sécurité de l'emploi et la protection sociale. De bonnes pratiques en matière de sécurité et de santé au travail contribuent à assurer des relations professionnelles harmonieuses. Pour que l'amélioration de la productivité puisse être considérée comme bénéfique non seulement pour l'employeur mais aussi pour les travailleurs, il faut que la confiance règne sur le lieu de travail.

41. M. Mansfield (membre travailleur) a déclaré que personne ne conteste que le développement de l'entreprise entraîne une croissance de l'économie car sans entreprise il n'y a pas d'emploi. C'est une évidence qu'il est inutile de réaffirmer constamment. Il n'est pas vrai que les travailleurs considèrent en quelque sorte l'entreprise comme un mal, ainsi que l'a suggéré le vice-président employeur. L'orateur a indiqué qu'il lui semble que le document cherche à rendre le rôle du Département du développement des entreprises plus au goût du groupe des travailleurs. Apparemment, les propositions soumises à la Commission du programme, du budget et de l'administration ne sont pas cohérentes avec le document dont la commission est saisie. Il faut éviter de donner l'impression que l'entreprise est l'apanage des patrons du secteur privé, car cela revient à nier le rôle important et des travailleurs et du secteur public. Le grand programme pour les entreprises alloue des ressources importantes au développement de nouveaux modes de crédit et de financement pour la promotion de l'entreprise. Dans ce domaine, l'OIT ne possède pas d'avantage comparatif, et il vaudrait mieux laisser d'autres institutions s'en occuper. En revanche, des domaines importants, auxquels le département devrait se consacrer, sont ignorés, et notamment le développement des compétences des chefs d'entreprise et des dirigeants syndicaux en matière de négociation collective au niveau de l'entreprise. Il y a là des besoins croissants car, dans bien des pays, la négociation collective se fait de plus en plus au niveau de l'entreprise. L'amélioration des qualifications au niveau de l'entreprise et les aspects sociaux du développement des entreprises (discrimination, travail des enfants, égalité de rémunération) sont d'autres domaines à étudier et l'intervenant a demandé à être assuré qu'on s'en occupera. Il a mis l'accent sur la nécessité de promouvoir de meilleures normes de gestion. Certaines organisations syndicales pourraient aussi tirer parti du perfectionnement de leurs compétences en matière de gestion. En conclusion, l'orateur a suggéré que ces nouvelles propositions remplacent celles figurant dans le projet de programme et budget pour le Département du développement des entreprises et des coopératives. Le prochain Forum des entreprises doit être organisé de façon véritablement tripartite. C'est la Commission de l'emploi et de la politique sociale qui devrait en assumer la responsabilité, et un rapport sur les modalités de ce deuxième forum devrait donc être présenté à la réunion de novembre 1997.

42. Le représentant du gouvernement de l'Inde a estimé que le document est plus conceptuel que pratique et que, malheureusement, il ne montre pas assez clairement comment les louables intentions qui y sont exposées seront mises à exécution. Comme pour toute entreprise humaine, il y a matière à amélioration et l'orateur a appelé l'attention sur certaines omissions. Par exemple, le paragraphe 7 donne l'impression trompeuse que les politiques de libéralisation, de stabilisation et d'ajustement s'accompagnent en quelque sorte d'un désengagement de l'Etat. Or l'Etat assume souvent un nouveau rôle de promoteur et de catalyseur de l'économie, et cela mérite d'être noté. Le paragraphe 13 mentionne les besoins en matière d'emploi des pays qui sortent d'un conflit et des économies en transition, mais il faudrait préciser les types d'emplois proposés, car cela a des effets sur la façon de gérer le développement des compétences. De nombreux établissements doivent complètement changer et se moderniser pour pouvoir faire face aux besoins nouveaux de qualifications techniques. Les chefs d'entreprise ont besoin d'aides de toutes sortes, par exemple pour accéder aux marchés des matières premières, ainsi qu'aux marchés publics.

43. Le représentant du gouvernement de la Namibie s'est référé au Résumé des travaux du Forum des entreprises qui s'est déroulé en novembre 1996. Il a fait sienne l'opinion des membres travailleurs selon laquelle une base tripartite est essentielle au succès de réunions d'une telle importance. Le tripartisme est aussi à la base de la création d'emplois. Il y a dans de nombreux pays en développement, des entreprises qui traitent mal le personnel, souvent considéré comme la propriété personnelle du chef d'entreprise ou du directeur. Le document n'est pas sans lacunes mais il prouve néanmoins que la question de l'aide aux entreprises est bien comprise à l'OIT, et la commission devrait appuyer le Département des entreprises. Les débats devraient se limiter aux aspects fondamentaux du rapport. Se référant au paragraphe 21 de ce rapport, l'orateur a déclaré qu'à la suite du Sommet mondial pour le développement social le Directeur général devrait demander aux Etats Membres d'indiquer les mesures qu'ils ont prises pour lutter contre la pauvreté en créant des emplois. Il a appelé l'attention sur l'importance de la question portant sur les conditions générales pour stimuler la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises, qui figure à l'ordre du jour de la session de 1997 de la Conférence internationale du Travail.

44. Le représentant du gouvernement des Etats-Unis a considéré que la discussion s'inscrit dans un continuum s'appuyant sur les résultats de la réunion de haut niveau tenue il y a dix ans et sur les débats relatifs à la politique de l'emploi qui ont eu lieu à la session de juin 1996 de la Conférence internationale du Travail. Il lui a paru peu probable que la commission parvienne à conclure, et l'orateur a remercié le Bureau d'avoir élaboré le document qui montre qu'un fil logique commence à se dessiner dans le domaine du développement des entreprises. La discussion semble avoir pris la bonne direction. La prochaine session de la Conférence internationale du Travail offrira une occasion opportune de débattre de ces questions importantes. Le Forum des entreprises de novembre 1996 avait un goût de tripartisme et l'intervenant a apprécié les contributions sur le fond de M. Brett (membre travailleur) et de M. Oechslin (membre employeur). Le débat entre dirigeants d'entreprise et les observations du directeur général du Forum économique mondial ont apporté une dimension supplémentaire. L'orateur a insisté sur l'importance de l'entreprise privée pour la croissance et le progrès social. En prévision de la discussion qui aura lieu à la Conférence internationale du Travail en juin 1997, il a exprimé l'espoir que tous les documents préparatoires indiqueront clairement comment le développement des entreprises s'inscrit dans le mandat essentiel de l'OIT. L'orateur a indiqué que son gouvernement accorde une priorité élevée à ce domaine d'activités de l'OIT.

45. Le représentant du gouvernement de la Finlande a fait référence au rapport L'emploi dans le monde, et il a souligné que la croissance est la condition sine qua non de l'emploi. On insiste beaucoup sur la nécessité d'un climat propice à l'entreprise, mais cela ne suffit pas. Pour obtenir une bonne récolte, il faut un bon agriculteur et beaucoup de travail. Le document décrit des travaux intéressants, mais semble sous-estimer le fait que le bien-être des travailleurs est au cœur de toute bonne stratégie d'entreprise. La formation permanente, la participation directe et la confiance mutuelle sont indispensables au succès de l'entreprise. Toutes les activités doivent être adaptées aux besoins des Etats Membres.

46. Le représentant du gouvernement de l'Italie a évoqué le rôle essentiel des petites entreprises et des microentreprises ainsi que des coopératives, à partir de l'expérience de son pays. Dans les petites entreprises, les facteurs clés de la réussite sont la proximité de la direction et des travailleurs, l'ouverture au progrès technologique et la capacité de s'adapter aux réalités économiques. Certes, la croissance économique peut favoriser l'emploi, mais cela n'est pas automatique. La proximité des partenaires sociaux dans ce genre d'entreprises a permis à chacun de comprendre à la fois les problèmes économiques et les problèmes sociaux. L'assistance technique à ce type d'entreprises ne peut que donner de très bons résultats. C'est pourquoi le gouvernement italien appuie les efforts de l'OIT dans ce domaine, et l'orateur a souligné l'importance de la formation, pour que ce secteur puisse réaliser son potentiel et améliorer ainsi les conditions de vie et de travail.

47. Le vice-président employeur s'est associé à la déclaration de M. Mansfield. Tous les domaines mentionnés s'inscrivent dans l'activité de l'OIT, mais non pas nécessairement dans celle du Département du développement des entreprises et des coopératives. C'est pourquoi un sous-directeur général est chargé de promouvoir la coordination avec les autres programmes du Bureau. Cette coordination est indispensable. S'agissant du financement des entreprises, l'orateur a admis que ce n'est pas un domaine dans lequel l'OIT possède un avantage comparatif, mais il s'est demandé si le Bureau pourrait proposer quelques idées novatrices en la matière. Il croit comprendre qu'il s'agit d'une étude plutôt que d'un programme pratique, et des propositions utiles pourraient être avancées, par exemple par les équipes multidisciplinaires. Enfin, en ce qui concerne le budget du département, l'orateur a fait observer que les fonds proviennent pour la plupart de sources extrabudgétaires et qu'ils sont destinés à des fins spécifiques, ce qui impose des contraintes pour leur utilisation.

48. M. Hammar (Sous-directeur général responsable des activités de l'OIT concernant les entreprises) a remercié les membres de la commission de leurs remarques qui seront très utiles. Tant le Forum des entreprises que le rapport à l'examen sont des nouveautés, d'où des difficultés. Certes, les propositions de programme et de budget du Directeur général et le document objet de la discussion ne semblent pas mettre l'accent sur les mêmes éléments mais ils ont été écrits à des fins et à des moments différents, et le document est bien sûr influencé en partie par les résultats positifs du Forum des entreprises. Evoquant l'organisation du travail dans le Bureau, l'orateur a expliqué que tous les départements ont des activités se rapportant aux entreprises. La coopération interdépartementale est très étroite sur des thèmes tels que la négociation collective, l'organisation du travail et les normes internationales du travail, mais ces thèmes sont la responsabilité première d'autres département et ne doivent pas, bien sûr, être annexés par le Département des entreprises et des coopératives. Pour ce qui est de la consultation tripartite, la coopération est également étroite avec les bureaux des activités pour les employeurs et pour les travailleurs, qui sont invités à toutes les réunions préparatoires destinées à arrêter la stratégie en faveur de l'entreprise ou à préparer le Forum des entreprises. M. Oechslin (membre employeur) et M. Brett (membre travailleur) ont été dûment consultés à propos du forum. Néanmoins, l'orateur a écouté très attentivement les commentaires formulés, et il estime qu'ils devraient être à l'origine d'améliorations à l'avenir. Il a remercié les gouvernements du Swaziland, de l'Inde, de la Namibie, des Etats-Unis, de la Finlande et de l'Italie de leur soutien et de leurs conseils. Voilà ce qui explique en partie l'énorme montant -- 60 millions de dollars des Etats-Unis -- destiné au programme sur les entreprises: ce programme répond à un besoin véritable. L'orateur a souligné que, comme l'a mentionné le vice-président employeur, environ 50 millions de dollars proviennent de contributions volontaires, ce qui montre bien que les travaux de ce département sont appréciés par les mandants de l'OIT et par les donateurs. Le programme est apprécié aussi par la Banque mondiale et il attire des fonds extrabudgétaires substantiels. Quant à la question des normes internationales du travail, l'orateur a considéré que les propositions de programme et de budget du Directeur général auraient certes pu contenir davantage de références explicites. Cependant, les références à la promotion de la justice sociale sont fréquentes et il va de soi que toutes les activités de l'OIT en faveur de l'entreprise sont mises en œuvre conformément aux principes de l'Organisation.

49. Le directeur du Département du développement des entreprises et des coopératives (M. Ishida) a remercié les membres de la commission de leur appui et de leurs critiques constructives. Etant donné que la question du financement des entreprises a été soulevée à la fois par les employeurs et par les travailleurs, il a expliqué brièvement le programme. Il est vrai que l'OIT ne possède pas d'avantage comparatif pour ce qui est des questions de financement du secteur privé. Cependant, le principal objet du programme est le développement de l'esprit d'entreprise et celui des microentreprises et de l'emploi indépendant, dont le but ultime est l'atténuation de la pauvreté. L'éducation et la formation sont des éléments essentiels de ce programme. Les groupes vulnérables reçoivent une formation de base leur permettant de créer des entreprises et de les améliorer. Cette formation est suivie de services d'appui pour l'identification des débouchés, la commercialisation et la gestion financière. L'accès au crédit peut jouer un rôle essentiel dans ce processus, y compris le microcrédit, l'épargne et les banques locales (par exemple la Banque Grameen au Bangladesh). Il est absolument essentiel pour ce secteur que le programme étudie le résultat de l'expérience acquise non seulement dans les pays en développement, mais aussi dans les pays industrialisés où l'on parle souvent de système bancaire social à base communautaire.

50. Au sujet des avantages que peuvent tirer les travailleurs du programme de l'OIT pour les entreprises, M. Lisk a déclaré que le département est pleinement conscient de leur importance et, en fait, il a pris des initiatives pour associer les membres des organisations de travailleurs à ses activités. Cette collaboration comprend notamment la fourniture d'une formation à la gestion destinée aux dirigeants syndicaux. Par ailleurs, le département travaille avec une organisation syndicale nationale qui a récemment créé un holding pour créer des entreprises au sein du mouvement syndical, ainsi qu'avec une autre organisation syndicale nationale sur les questions que soulève la négociation liée à la productivité et le partage équitable des avantages découlant de celle-ci. Le deuxième point a trait au rôle de l'Etat, dont l'orateur craint que le document n'ait donné une fausse impression. Les propositions de programme et de budget du Directeur général établissent clairement que le département a l'intention de se concentrer sur la question du rôle de l'Etat par rapport à l'entreprise. Cela est clairement expliqué au paragraphe 3.

L'emploi dans le monde 1996/97:
Les politiques nationales à l'heure de la mondialisation

51. Le vice-président travailleur a estimé que le rapport est une contribution utile aux travaux sur l'évolution de la situation macroéconomique et du marché du travail, notamment parce qu'il donne une description à jour des problèmes qui se posent dans les pays industriels comme dans les pays en développement. L'orateur a jugé cependant qu'il sous-estime les effets de la mondialisation sur les travailleurs et souhaiterait que des études plus approfondies soient consacrées aux liens entre la mondialisation, les normes du travail et la qualité de l'emploi. Il a regretté que le Bureau n'ait pas analysé plus à fond l'incidence de l'investissement direct étranger sur l'évolution économique et sociale. Il a approuvé en revanche l'idée que le plein emploi reste d'actualité ainsi que les mesures préconisées par le Bureau. Nombre de gouvernements ont abandonné la recherche du plein emploi pour se concentrer sur la maîtrise de l'inflation, de sorte que, souvent, ils en viennent à tolérer un taux de chômage de 7 à 8 pour cent. Comme les effets négatifs de la mondialisation et de la libéralisation des échanges touchent surtout les travailleurs, le Bureau devrait examiner cette question de leur point de vue et mettre davantage en lumière les réalités auxquelles ils sont confrontés par suite de la mondialisation. Le rapport montre clairement que les inégalités de salaires s'accroissent dans les pays industriels. Le Bureau devrait accorder davantage d'attention aux conséquences sociales et économiques de cette aggravation des inégalités. Citant les faits présentés dans le rapport et dans d'autres sources, l'orateur a souligné l'incidence négative des écarts croissants de revenus sur les groupes socialement les plus vulnérables. Dans les pays en développement, les privatisations et la déréglementation entreprises dans le cadre de l'ajustement structurel ont eu pour effet non seulement de creuser les écarts, comme dans les pays industriels, mais aussi de faire chuter l'emploi. L'orateur a comparé le cas de la République de Corée, de Singapour et de Taïwan, où les salaires réels ont augmenté sans que, apparemment, les disparités de salaires s'accentuent, à celui du Chili et de l'Indonésie, où il y a eu à la fois baisse des salaires réels et accroissement de leur dispersion. Dans d'autres pays comme le Pérou, la Thaïlande, la Malaisie et le Brésil, les salaires réels ont augmenté mais les inégalités aussi. En conclusion, l'orateur a estimé que le rapport constitue un guide utile et un encouragement pour ceux qui s'intéressent au problème mondial de l'emploi. Il juge donc important que ce rapport continue à être publié tous les deux ans.

52. Le vice-président employeur a reconnu que certains points du rapport sont intéressants et positifs. Il a axé ses remarques sur l'orientation politique générale du rapport, analogue, quoique plus subtile, à celle du précédent rapport. Cette orientation, qui correspond à une tendance politique très précise, pourrait menacer la réputation de l'OIT en tant que centre d'excellence capable de produire des recherches objectives. Il est correct de dire -- c'est là l'un des aspects positifs du rapport -- que la politique nationale est déterminante, mais que l'économie mondiale aujourd'hui pardonne beaucoup moins les erreurs de décision commises au niveau national. L'orateur a approuvé ce qui est dit de la nécessité de maintenir une économie ouverte. En revanche, il ne partage pas l'idée, certes classique en matière de libéralisation des échanges, qu'il faut étaler dans le temps la transition car, élevé au rang de principe, cela pourrait nuire à l'économie. Par exemple, la réduction progressive des subventions aux houillères allemandes et l'étalement sur une longue période de la restructuration d'Air France ont peut-être sauvé temporairement quelques emplois, mais ce gradualisme a coûté cher à l'économie et à l'emploi en général. Aussi faut-il se garder d'appliquer à outrance un principe qui peut être positif, mais qui ainsi risquerait de compromettre la réalisation des objectifs. L'orateur s'est dit d'accord avec l'analyse relative à la croissance sans emploi, mais a souligné qu'il existe dans certains domaines un type de croissance qui ne crée pas, ou très peu d'emplois. Au sujet du plein emploi, le rapport comporte un long passage intéressant sur le caractère contestable de ce qu'on appelle la fin du travail. L'orateur a jugé très judicieuses certaines remarques relatives à la notion de plein emploi, qui pour lui est le niveau d'emploi maximum viable. Toute la section relative au NAIRU (taux de chômage non inflationniste) vise à justifier une approche macroéconomique keynésienne axée sur la demande, et non une politique limitée à des mesures axées sur l'offre, comme la déréglementation du marché du travail. Une politique de l'emploi s'inspirant d'un instrument rédigé en 1964, âge d'or du keynésianisme, est vouée à l'échec, et ne peut que nuire à la réputation de sérieux de l'OIT. Tout en admettant qu'on ne peut pas s'en remettre uniquement au marché du travail et que la politique macroéconomique est un élément vital d'une stratégie globale de l'emploi, l'orateur a souligné que des réformes du marché du travail sont indispensables pour lutter contre le chômage structurel. Le rapport ne distingue pas le chômage cyclique et le chômage structurel. Le rapport aurait dû avoir pour sous-titre A bas Maastricht!. Bien sûr, l'action ne doit pas se limiter au marché du travail, mais s'étendre aussi au marché des produits et aux autres facteurs institutionnels (par exemple les cartels). En tout état de cause, la flexibilité du marché du travail est un aspect essentiel de la réforme structurelle nécessaire à la lutte contre le chômage. C'est un bien pauvre argument que d'affirmer, comme le fait le rapport, que les efforts limités, isolés et partiels qui ont été faits dans cette direction auraient dû mettre fin au chômage. L'étude de l'OCDE sur l'emploi, de même que le FMI et la Conférence du G7 à Détroit ont montré clairement qu'il faut agir en profondeur et sur un large front, selon une approche adaptée aux besoins nationaux. Le redressement de la production européenne n'a pas fait augmenter l'emploi. La plupart des experts reconnaissent que la petite augmentation de production que l'on peut espérer ne suffira pas plus à améliorer notablement la situation que ce n'a été le cas dans les longues périodes représentatives précédentes. Le fait est que, au cours des dernières années, la croissance de la production a été à peu près la même dans l'Union européenne qu'aux Etats-Unis (voir le tableau de la page 20 du rapport). Selon les statistiques et projections du FMI, la croissance européenne sera supérieure de 2 pour cent en 1997 à celle des Etats-Unis. Or les Etats-Unis ont créé 11,8 millions d'emplois depuis 1992 alors que, dans l'Union européenne, l'emploi total est tombé de 148,6 millions de personnes en 1992 à 146,4 millions à la fin de 1996, soit une perte nette de 2,2 millions d'emplois. Le chômage continue à progresser dans certains grands pays d'Europe malgré l'augmentation de la production. Le chômage structurel continue à augmenter à des rythmes divers, dans la plupart des pays d'Europe, à l'exception du Royaume-Uni, de l'Irlande et des Pays-Bas. Pour ce qui est de l'Union européenne, on estime que le chômage structurel pourrait atteindre actuellement 9 pour cent de la main-d'œuvre, sur un chômage total de 11 pour cent. L'analyse de l'OCDE confirme que la réforme du marché du travail est un élément clé, mais non exclusif, de la lutte contre le chômage structurel. La politique macroéconomique a un rôle déterminant à jouer dans une stratégie d'ensemble de l'emploi. Par ailleurs, il existe d'importantes synergies entre les réformes structurelles de différents domaines, comme la flexibilité du marché du travail et la concurrence accrue sur les marchés des produits. Il existe aussi des interactions entre les conditions macroéconomiques et les réformes du marché du travail. Dans la plupart des pays d'Europe, il est généralement admis que la suppression progressive des déséquilibres budgétaires est nécessaire à l'amélioration de la croissance à moyen terme. Toutefois, ces déséquilibres budgétaires sont liés aux dysfonctionnements des marchés du travail, qui ont entraîné une hausse considérable du chômage au cours des vingt-cinq dernières années. En Europe, le non-respect des objectifs d'assainissement budgétaire aurait pour effet, outre de perturber les marchés financiers, de menacer la réalisation de l'UEM, ce qui aurait d'incalculables conséquences. Une fois l'UEM en place, une flexibilité accrue du marché du travail sera nécessaire pour compenser la perte de l'instrument que représentent les taux de change quand les pays seront contraints -- c'est inévitable -- de procéder à des ajustements. Au sujet des Etats-Unis, l'orateur a noté qu'il est dit au chapitre 3 que l'aggravation des inégalités sur le marché du travail est simplement une autre forme de dérogation au principe du plein emploi. Le rapport affirme de nouveau qu'une faible productivité peut traduire un degré élevé de sous-emploi si des travailleurs sont transférés d'un secteur fortement productif à un secteur faiblement productif et faiblement rémunérateur. L'orateur a déclaré ne pas comprendre de quels Etats-Unis parle le rapport. Celui-ci donne l'impression que les Etats-Unis sont un pays appauvri, non compétitif et non productif, ce qui ne semble vraiment pas être le cas. Selon le dernier rapport Stiglitz, la plupart des emplois nouvellement créés dans ce pays sont bien rémunérés, très qualifiés et très productifs. L'argument ne tient donc pas. Par ailleurs, le Bureau néglige le fait que la validité des statistiques relatives à la productivité et aux salaires réels est remise en question depuis quelque temps pour un certain nombre de raisons. Elles font l'objet d'un réexamen en profondeur depuis les calculs récents de la Commission Baskin, qui a jugé que l'indice des prix à la consommation des Etats-Unis avait été surestimé d'au moins 1,1 pour cent. Si l'on recalcule le chiffre de la productivité et celui des salaires réels, on constatera une différence considérable par rapport aux affirmations selon lesquelles les salaires stagnent, les salariés les moins bien payés s'enfoncent dans la pauvreté et la durée hebdomadaire moyenne du travail s'allonge. Cela ne signifie pas que les inégalités salariales sont inconnues aux Etats-Unis, et cette question fait d'ailleurs l'objet d'une étude approfondie de nombreux économistes et spécialistes des sciences sociales. L'orateur a l'impression que, pour le Bureau, les échanges jouent un rôle extrêmement faible en ce domaine. Mais il y a des arguments concernant les effets de la désyndicalisation. L'opinion qui fait le plus autorité est celle selon laquelle l'aggravation des écarts de salaires est due à l'accroissement de la demande de qualifications et à la prime accordée à l'éducation. Cette évolution fait que les travailleurs américains appartenant au quintile le moins payé demeurent toujours défavorisés par rapport au reste de la population active. Assurément, il n'est pas facile de répondre à cette constatation. L'orateur est d'accord avec le rapport sur le fait que la formation n'est pas une panacée. Il s'agit d'une question extrêmement complexe qui comprend des éléments culturels. Il s'agit d'un problème social majeur pour les Etats-Unis, qui exige qu'on lui accorde l'attention voulue. L'orateur est surpris de lire dans le rapport que les changements institutionnels pourraient expliquer les disparités salariales aux Etats-Unis. Or c'est justement l'absence d'évolution institutionnelle, autrement dit les rigidités du marché du travail, qu'on accuse d'être la cause du chômage structurel en Europe. En fait, la difficulté de licencier les travailleurs et les coûts qu'entraînent les licenciements sont fréquemment cités comme le point essentiel de la réforme du marché du travail et un obstacle à l'embauche. C'est là l'une des raisons pour lesquelles, en longue période, l'investissement en Europe, quoique souvent beaucoup plus élevé qu'aux Etats-Unis, n'a pas réussi à entraîner un taux de croissance supérieur. Une explication simple est que l'investissement industriel en Europe s'est concentré sur les techniques à faible intensité de main-d'œuvre, et non sur les techniques de pointe et sur la productivité des facteurs, ce qui a eu pour effet d'accroître à la fois la productivité du travail et le chômage. Pour conclure ses remarques sur les pays industriels, l'orateur a souligné que l'idée d'un financement par le déficit résulte d'une analyse erronée de la nature du chômage en Europe. C'est prescrire un remède inadapté, qui, s'il était administré, aurait pour effet de faire fuir l'épargne et l'investissement productif et d'entraîner une hausse des impôts et des taux d'intérêt, ce qui freinerait la création d'emplois. L'orateur a estimé que les mesures d'accompagnement préconisées par le Bureau pour maîtriser l'inflation auraient sans doute au contraire pour effet de relancer cette inflation ou de casser la progression de la productivité en faussant la répartition de la main-d'œuvre entre les différents secteurs.

53. Abordant la question des pays en transition, l'orateur a noté que le rapport montre bien que c'est dans les pays où la réforme a été la plus précoce et la plus profonde que la reprise a été la plus vigoureuse. Toutefois, le rapport recommande ensuite de desserrer la politique macroéconomique et de tolérer une certaine inflation, ce qui est dangereux, même dans les pays où l'inflation est faible. Il importe de sauvegarder la stabilité macroéconomique. Les déficits budgétaires demeurent élevés dans nombre de pays. Même dans ceux qui sont le plus avancés dans la transition, le montant élevé des arriérés fiscaux et salariaux, ainsi que les prêts non rentables ont freiné la transformation des entreprises. Cela dit, le rapport contient des passages pleins de bon sens sur la nécessité de développer les institutions du marché du travail et de stimuler la croissance des entreprises. L'orateur a jugé plus contestable la recommandation de prévoir des subventions à l'emploi et une protection temporaire sous la forme d'équivalents tarifaires. Théoriquement, ces mesures peuvent se justifier, mais, ce qui est préoccupant, c'est que les politiques protectionnistes censées être temporaires ont la fâcheuse habitude de durer.

54. En ce qui concerne les pays en développement, l'orateur a jugé qu'il serait présomptueux de généraliser. Les régions diffèrent, de même que les divers pays d'une région. Le rapport omet une large partie du monde. Il ne semble pas vouloir admettre que, même dans le monde en développement, les pays les plus performants sont ceux qui ont réussi à maîtriser les déséquilibres budgétaires et dans lesquels le secteur public consacre essentiellement ses efforts au développement du secteur privé. A contrario, les pays les moins performants sont ceux qui connaissent de forts déséquilibres budgétaires, lesquels sont dus pour une bonne part à l'existence d'entreprises publiques déficitaires et à la lourdeur de la réglementation applicable au secteur privé et au commerce extérieur. Le rapport du BIT semble pencher en faveur du modèle qui fait de l'Etat l'agent du développement. C'est certes un modèle valide qui a fait ses preuves dans la zone du Pacifique. Mais quand l'Etat dépasse le rôle consistant à œuvrer activement à la mise en place d'un cadre favorable à l'activité industrielle et commerciale, il risque d'échouer. L'industrie pétrochimique coréenne en donne un bon exemple. En affirmant que les modalités des licenciements ne constituent généralement pas un problème dans les pays les moins développés, le rapport semble ignorer plusieurs pays importants, comme l'Inde. Pour autant qu'on le sache, le conflit du travail qu'a connu récemment la Corée portait justement sur le droit de licenciement. Certes, il faut se garder de généraliser abusivement, comme l'indique le rapport du BIT, mais force est de constater que la réglementation du travail est toujours source de rigidités. Selon de multiples indications, ces rigidités existent dans un grand nombre de pays en développement. Examinant les écarts de salaires qui jouent en faveur des travailleurs qualifiés, particulièrement au Chili, le document soumis à la commission indique que les techniques importées par le biais de l'investissement direct étranger peuvent être une des causes de ces écarts. Pour les pays développés, l'analyse que fait le BIT est très différente. Enfin, l'orateur a tenu à mettre en garde contre les politiques progressives: s'il est vrai que les thérapies de choc sont dangereuses, les politiques graduelles risquent de retarder sérieusement les résultats de l'ajustement sans atténuer véritablement les souffrances, sauf pour quelques groupes privilégiés.

55. Le représentant du gouvernement de la France a indiqué que le ministre français du Travail a réuni la plupart des experts français pour examiner ce rapport, qui apporte une note optimiste en démontrant que le plein emploi est possible. Il dément ainsi un certain nombre de doctrines et d'ouvrages qui proclament la fin du travail. Il avance que les difficultés rencontrées par les pays industriels et en développement ne sont pas imputables au progrès technique, mais sur ce point la démonstration est un peu faible, car il ne fait aucun doute que la soudaineté du progrès technique est l'un des éléments qui expliquent la situation actuelle de l'emploi. A propos des observations du vice-président employeur, l'orateur a déclaré avoir eu lui aussi l'impression que le BIT reste influencé par la théorie de Keynes. Sur la question du plein emploi, il a estimé que le rapport comporte des lacunes car il n'analyse pas en détail ce que le plein emploi pourrait être au cours des trois prochaines années. L'emploi doit être redéfini d'une façon quelque peu différente; le contenu et la qualité des emplois doivent être pris en compte, et le concept d'employabilité doit être introduit comme un élément supplémentaire. L'orateur s'est déclaré en désaccord avec le BIT quand celui-ci classe le travail à temps partiel parmi les formes d'emploi atypiques, donc inacceptables: les emplois modernes diffèrent sur le plan de la qualité. L'orateur a déclaré que la France est prête à être plus étroitement associée à la préparation de prochains rapports de cette nature. Enfin, il a abordé la question de la publicité qui devrait être donnée à ce rapport et de la reconnaissance dont il devrait bénéficier dans le système des Nations Unies à New York. A ce sujet, il a exhorté l'OIT à être davantage présente au sein du Conseil économique et social (ECOSOC): il faudrait trouver des moyens qui permettent aux membres employeurs et travailleurs de l'OIT d'être mieux représentés au sein de ce conseil en vue de promouvoir le tripartisme dans le système des Nations Unies. Il a néanmoins tenu à remercier Mme Hagen pour sa très active participation à la dernière réunion de l'ECOSOC.

56. Le représentant du gouvernement de l'Ethiopie a indiqué que ce rapport devrait faciliter la conception et la mise en œuvre de politiques d'emploi et de politiques sociales judicieuses et prudentes à l'échelle nationale. Il a souscrit sans réserve à l'analyse du rapport, selon laquelle l'emploi salarié permanent n'est pas la forme d'emploi dominante dans les pays en développement où la plupart des travailleurs occupent des emplois indépendants ou des emplois occasionnels. Le rapport comporte trois lacunes. Premièrement, c'est une dangereuse généralisation que d'indiquer que les importations en provenance des pays à bas salaires et le déplacement de la production vers les zones à bas coûts sont la cause de l'aggravation des problèmes d'emploi dans les pays avancés: une telle généralisation risque d'accroître les obstacles aux échanges commerciaux internationaux, ce qui, s'ajoutant à des termes de l'échange défavorables, réduirait gravement les recettes d'exportation des pays en développement. La croissance des exportations est la seule source sûre d'investissement pour favoriser le développement économique des pays pauvres, et l'accroissement des exportations des pays en développement va de pair avec un accroissement des importations de biens d'équipement et de biens intermédiaires en provenance des pays développés, ce qui favorise la création d'emplois dans ces pays. Deuxièmement, la répartition de l'investissement direct étranger est passée sous silence dans le rapport. La situation catastrophique des pays les moins avancés qui ne parviennent pas à attirer des investissements directs étrangers et le risque de voir les pauvres exclus du courant de la mondialisation méritent de retenir l'attention de l'OIT, de même que les suppressions d'emplois et la baisse des salaires réels des travailleurs non qualifiés. Enfin, dans l'analyse des politiques nationales propres à atténuer les conséquences sociales négatives de la mondialisation, le rapport ne tient pas suffisamment compte de la vulnérabilité des économies déshéritées aux chocs économiques internationaux.

57. Le représentant du gouvernement de l'Inde s'est associé à de précédents orateurs pour féliciter le Bureau de son excellent rapport qui montre les avantages du plein emploi productif et librement choisi et les maux qu'engendre le chômage. En ce qui concerne les limitations du rapport, l'orateur a souligné qu'il n'existe aucune garantie constitutionnelle ou juridique du droit au travail dans beaucoup de pays en développement et que la structure arriérée du secteur rural entrave gravement l'amélioration de la productivité agricole et des conditions de vie des pauvres. En outre, toute étude de l'emploi doit tenir compte des salaires minima, et le plein emploi comporte une dimension sociologique. L'orateur a contesté l'analyse optimiste du plein emploi qui figure dans le rapport et s'est demandé si les recommandations qu'il contient déboucheraient sur des résultats concrets. En fait, elles n'apportent pas de solutions à de nombreux dilemmes auxquels les pays en développement se trouvent confrontés. L'OIT devrait entreprendre des études en vue de promouvoir une corrélation plus étroite entre les investissements directs étrangers et l'économie locale; de favoriser un partenariat entre les investisseurs étrangers, les travailleurs, les communautés locales et le gouvernement; d'adopter des stratégies multiples afin d'améliorer la capacité de ses mandants d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie globale de promotion de l'emploi et de lutte contre la pauvreté. Il importe à cette fin que l'OIT se concentre davantage sur les moyens d'action que sur les résultats et s'attache à renforcer les pouvoirs des groupes et des communautés plutôt qu'à gérer des ressources, à favoriser le développement des institutions plutôt qu'à définir des objectifs.

58. Le représentant du gouvernement des Etats-Unis a souligné que, dans son pays, le marché joue un rôle central. Il a déclaré avoir constaté avec plaisir que le Bureau reconnaît le rôle de la concurrence et s'est félicité de la position constructive qu'il a adoptée à l'égard de la mondialisation et de la concurrence mondiale. A propos des statistiques du travail récemment publiées aux Etats-Unis, il a fait observer que la déréglementation, le progrès technologique, l'accroissement des échanges et les restructurations ont permis de réduire l'inflation, de développer la concurrence et d'accroître l'efficacité des entreprises aux Etats-Unis. A propos des inégalités salariales, l'orateur a présenté la conclusion d'un colloque récemment tenu à New York, selon laquelle le progrès technologique est le facteur qui contribue le plus à l'évolution des revenus, alors que d'autres facteurs comme la libéralisation des échanges, l'évolution démographique, la baisse des salaires minima réels, le recul de la syndicalisation et l'immigration croissante ne jouent qu'un rôle secondaire. A propos du taux de chômage non accélérateur de l'inflation (NAIRU), il a proposé de pousser plus loin l'analyse et d'étudier un certain nombre d'autres questions comme le nombre de personnes occupant des emplois faiblement rémunérés qui pourraient être transférées vers d'autres emplois plus rémunérateurs, ou encore les problèmes de formation. Il a réaffirmé le rôle déterminant de la concurrence et a formé le vœu que le Bureau poursuive ses travaux.

59. M. Mansfield (membre travailleur) a rappelé que lorsque l'OIT a décidé, au début des années quatre-vingt, de faire de la lutte contre le chômage une de ses priorités, il y avait beaucoup moins de chômeurs qu'aujourd'hui. L'aggravation continue de ce problème fait qu'il est essentiel que l'OIT continue à promouvoir le débat sur les mesures à prendre pour combattre le chômage, et les membres travailleurs tiennent à ce que le rapport continue de paraître tous les deux ans. S'agissant du plein emploi, il est faux de dire que cet objectif ne peut être atteint, et les politiques qui acceptent implicitement un NAIRU de 6 à 8 pour cent sont moralement et politiquement inacceptables. Les critères économiques établis pour l'Union monétaire européenne sont un autre exemple de la façon dont les décideurs fixent des priorités sans tenir compte de l'impact sur l'emploi et plus généralement sur la situation sociale. Le groupe des travailleurs est d'accord avec le BIT quand il indique dans son rapport qu'il y a place pour un certain assouplissement des politiques budgétaires et monétaires, propre à promouvoir la croissance et l'emploi. Citant une remarque faite par un industriel et homme politique allemand dans le Times du 14 mars 1997, il a souligné que l'adoption d'une politique macroéconomique expansionniste est une condition indispensable à la réduction du chômage et à la croissance. S'agissant de la libéralisation des échanges et de la mondialisation, le groupe des travailleurs prie instamment l'OIT de bien prendre conscience des réalités auxquelles sont confrontés les travailleurs du fait de la mondialisation. L'orateur a rappelé que M. Smadja, du Forum économique mondial, a reconnu lors du Forum des entreprises organisé par l'OIT en 1996 que la mondialisation a un coût social très lourd, et il a souligné que l'OIT a pour tâche d'exploiter le potentiel productif de la mondialisation au service du plein emploi et de la justice sociale. Les travailleurs espèrent que les prochains rapports fourniront davantage de données statistiques et prêteront davantage attention aux expériences réussies de certains pays. Ils sont opposés à l'idée de consacrer le prochain rapport principalement au problème de la formation. Répondant aux remarques du vice-président employeur, l'intervenant a souligné que la réforme économique doit se faire progressivement et d'une manière qui soit socialement acceptable, et que la contribution du déficit budgétaire des Etats-Unis à la croissance économique montre que l'équilibre budgétaire n'est pas une nécessité absolue. Pour conclure, il a souhaité que le prochain rapport insiste pour que des objectifs de création d'emplois figurent dans les programmes d'ajustement structurel. Le prochain rapport devrait aussi s'intéresser particulièrement aux politiques macroéconomiques et aux politiques actives du marché du travail, et examiner l'impact des marchés financiers internationaux sur l'emploi. Enfin, il a fait savoir que le groupe des travailleurs est favorable à l'organisation d'une conférence tripartite de haut niveau à laquelle participeraient des ministres des Finances en vue de discuter des stratégies à adopter pour combattre le chômage.

60. M. Funes de Rioja (membre employeur) s'est dit d'accord avec le représentant du gouvernement de la France pour dire que le rapport est quelque peu biaisé, lorsqu'il présente le travail à temps partiel comme une forme de travail atypique ou précaire. Pour le groupe des employeurs, il est faux de dire que la réglementation du marché du travail n'entraîne pas une augmentation des coûts de main-d'œuvre ou qu'une hyperinflation réduit le pouvoir d'achat des travailleurs plus vite que toute autre chose dans des pays comme le sien.

61. Citant le rapport, le représentant du gouvernement de la Finlande a souligné que la mondialisation provoque indirectement des bouleversements sociaux. Aussi faut-il gérer la transition vers un monde plus ouvert d'une manière qui atténue ses effets négatifs sur la société. S'il est vrai que la principale cause des problèmes d'emploi est une croissance trop lente, il n'en reste pas moins que les décisions macroéconomiques ne donnent pas beaucoup de résultats. Une partie importante du prochain rapport devrait être consacrée à des études portant sur la création d'emplois à très petite échelle, et des efforts devraient être faits pour définir les dénominateurs communs à toute création d'emplois.

62. Le représentant du gouvernement du Japon a souligné que la politique de son pays en matière d'emploi repose sur deux fondements: un chômage peu important et des taux de salaires homogènes. Il a jugé que le rapport est un peu superficiel et contient un certain nombre de points discutables. A propos de la section sur les rigidités du marché du travail, il a souligné qu'il est généralement admis que ces rigidités ne sont pas la cause unique ou principale du chômage, et que le vrai problème est de savoir dans quelle mesure tels ou tels éléments du marché du travail peuvent contribuer au chômage. Le degré d'influence de ces éléments doit être étudié d'un point de vue macroéconomique. Pour ce qui est des politiques du marché du travail, le rapport en sous-estime l'importance, et ses conclusions quant à leur efficacité ne s'appuient pas suffisamment sur les faits. Le BIT devrait étudier ce que font d'autres institutions dans le domaine de l'emploi et soumettre les conclusions de ces études à la prochaine session de la commission.

63. Le représentant du gouvernement de la Malaisie a demandé à être informé des mesures prises pour faire connaître les conclusions du rapport aux Etats Membres, et de la manière dont ces conclusions se traduisent en programmes et actions destinés à favoriser la création d'emplois. Il a souligné que les EMD pourraient jouer un rôle des plus utiles dans ce domaine.

64. La représentante du gouvernement de la Hongrie a parlé du chapitre sur les économies en transition. Elle a rejeté la suggestion qui y est faite de réexaminer les politiques de stabilisation, soulignant qu'il pourrait être dangereux, et même fatal, de remettre en cause l'équilibre atteint juste après avoir obtenu les premiers résultats. Elle s'est déclarée prête à accueillir tout conseil et suggestion tenant également compte des solutions qui sont socialement acceptables. S'agissant des institutions du marché du travail, il n'est pas vrai que la montée du chômage est due à l'absence d'institutions de ce genre au début de la période de transition. Pour ce qui est du système hongrois d'allocations de chômage, ce qui en est dit dans le rapport ne correspond plus à la réalité. L'oratrice s'est dite opposée à la formule des aides financières transitoires à l'emploi. Le genre de formules a été utilisé dans un certain nombre de pays en tant que protection temporaire contre le chômage déclaré. Les résultats ne sont pas convaincants et il vaut mieux adopter dès le début une politique réaliste car cela donnera de meilleurs résultats à long terme. Toutefois, au bout d'un certain temps, ce genre de formule pourrait être appliquée dans certains secteurs et certaines circonstances.

65. M. Varela (membre employeur) a proposé que, pour le prochain rapport, un projet soit soumis à la commission, et que ce projet soit discuté par le Conseil d'administration avant publication.

66. M. Falbr (membre travailleur) a répondu aux remarques faites par le vice-président employeur à propos du rythme de la transition. Malgré une situation favorable au début de la période de transition, la République tchèque n'a pas abouti à des résultats satisfaisants. En effet, le programme boiteux de privatisation massive lancé dans ce pays a été source d'incertitude pour les entreprises privatisées et de déception sur le plan social, les investissements directs étrangers ayant fortement diminué et les faillites augmenté, sans parler d'un déficit budgétaire élevé qui fait craindre une crise financière du genre de celle qu'a connue le Mexique. L'orateur a souligné qu'une transition rapide et un libéralisme pur et dur sont plus dangereux que fructueux.

67. Le représentant du gouvernement de la Chine a jugé le rapport très intéressant et riche en informations précieuses et en suggestions et observations constructives. Conscient de la contribution de l'emploi à la stabilité sociale et à la sécurité, le gouvernement de son pays attache une grande importance à la question du plein emploi, et beaucoup d'efforts sont consacrés au projet de réemploi, dont le but est de former les travailleurs à de nouveaux emplois exigeant de nouvelles compétences. A cet égard, la formation paraît être un excellent thème pour le prochain rapport de L'emploi dans le monde.

68. Répondant au représentant du gouvernement de la France et à d'autres sur l'optimisme affiché à propos de l'objectif du plein emploi, le vice-président employeur les a renvoyés à un document de synthèse de l'OCDE. Il a dit ne pas être pessimiste et a jugé qu'il existe une stratégie permettant d'obtenir des résultats, même si elle ne va pas sans grandes difficultés politiques. En ce qui concerne le déficit budgétaire des Etats-Unis, il n'a jamais été exagérément élevé en pourcentage du PIB, mais il suscite beaucoup de préoccupations sur le plan politique. Aux Etats-Unis, ce qui préoccupe dans le déficit budgétaire, c'est qu'il fait fuir l'épargne et l'investissement privé, ce qui a des effets à long terme sur l'emploi productif. Pour ce qui est des politiques macroéconomiques, l'orateur a reconnu qu'elles sont nécessaires dans le cadre d'un ensemble de mesures de réforme équilibré mais que, dans la plupart des cas, ces politiques doivent viser à éliminer les déséquilibres budgétaires et à assurer la stabilité. Au sujet du NAIRU, il a dit que les 8 pour cent de l'Europe reflètent le niveau du chômage structurel en Europe; aux Etats-Unis, le NAIRU varie entre 5 et 6 pour cent. Au sujet de l'UEM, il a rappelé qu'il s'agit d'un pas de plus sur la voie de l'intégration européenne, qui joue un rôle extrêmement dynamisant dans l'économie mondiale. Une Europe divisée où chaque pays suivrait une politique protectionniste n'est pas une bonne chose pour les travailleurs. Répondant à M. Mansfield, l'orateur a déclaré que ce qui le préoccupe dans le rapport ce n'est pas ce que d'autres institutions diront à son sujet mais le fait que ses conclusions et les stratégies qu'il préconise ne correspondent pas aux faits et aux statistiques et même à ceux présentés dans le rapport. Les prochains rapports devraient faire plus de place aux statistiques et à l'analyse. Par ailleurs, tout en niant avoir recommandé des réformes brutales, l'orateur a mis en garde contre un processus de réforme trop lent, car ceci risquerait de prolonger les souffrances et de favoriser les groupes privilégiés. Pour le prochain rapport, il a suggéré comme thème les effets du changement technologique sur la demande de qualifications et de formation. Ce rapport devrait traiter de l'évolution de l'organisation du travail et examiner de près l'impact de l'accélération du progrès technique puisque celui-ci est tenu responsable de la dispersion des salaires et du chômage. C'est sous cet angle qu'il faudrait traiter de la formation. L'orateur s'est dit d'accord avec le BIT lorsqu'il écrit dans le rapport que les politiques actives du marché de l'emploi, dont la formation est une importante composante, n'ont pas répondu aux attentes, mais il a souligné qu'un récent rapport de l'OCDE affirme qu'il serait possible d'améliorer leur efficacité. Il conviendrait d'entreprendre une analyse plus approfondie de ces questions et aucune organisation n'est mieux qualifiée que l'OIT pour la réaliser.

69. Le vice-président travailleur a réagi à la suggestion faite par M. Varela à propos du prochain rapport. Il est clair que le BIT doit en assumer la responsabilité. Des consultations préliminaires seraient une perte de temps et risqueraient de dénaturer le rapport.

70. Le chef de l'équipe interdépartementale des analyses et rapports (M. Lee) a relevé le nombre et la qualité des interventions qu'a suscités le rapport et a constaté avec satisfaction que le débat se poursuit et que le terrain d'entente est élargi. Les suggestions précises qui ont été faites en ce qui concerne les thèmes du prochain rapport sont très utiles. L'orateur a notamment relevé la question du coût social de l'adaptation à la mondialisation et du progrès technique et les problèmes communs que connaissaient à cet égard certaines catégories de travailleurs des pays particulièrement pauvres. A propos de la création d'emplois et de l'ajustement structurel en période de réforme économique, du rythme de la réforme et de l'importance de certains instruments pour arriver à concilier l'équité, les filets de sécurité et la justice sociale avec le processus de mondialisation, l'orateur a reconnu les risques inhérents aux efforts tendant à maîtriser le rythme des réformes, les problèmes de comptabilité des mesures d'incitation et le danger des politiques protectionnistes. Le recours à certains mécanismes pour traiter les effets sociaux de la mondialisation soulève les mêmes problèmes. Il y a beaucoup d'expériences et d'études à faire pour améliorer les mécanismes, et c'est une très bonne idée que d'étudier les expériences qui ont abouti. Il serait également intéressant d'examiner les politiques actives du marché du travail, d'élargir la base statistique du rapport et de s'intéresser à la création d'emplois à très petite échelle. L'orateur a jugé très utiles trois suggestions faites au cours du débat, à savoir s'intéresser, par-delà la question du NAIRU, à celle de l'amélioration des compétences des travailleurs les plus défavorisés pour leur permettre d'occuper des emplois plus productifs; diffuser le rapport dans les pays en développement; développer le concept de plein emploi.

71. M. Taqi a noté que, faute de temps, il n'a pas été possible d'examiner le deuxième point de l'ordre du jour, à savoir le rapport préliminaire sur la synthèse des examens par pays de la politique de l'emploi, effectués par l'Equipe spéciale du CAC, mais il a jugé que ce n'est pas très grave car la préparation du document de synthèse se poursuit et il a espéré que le CAC pourrait l'examiner en avril 1997. Il a ajouté qu'à la prochaine session de la commission, le Bureau présentera, en plus de la version intégrale du rapport de synthèse, qui comprendra une analyse plus détaillée de chacun des pays étudiés, un rapport sur l'examen du rapport par le CAC et les conclusions auxquelles il aura abouti. La commission devrait pouvoir discuter de la question en novembre.

Genève, le 25 mars 1997.

(Signé) Mme R. Sarmiento,
Présidente.

1. Document GB.268/ESP/4.

2. Document GB.268/ESP/1.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.