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GB.267/2
267e session
novembre 1996
 

DEUXIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Propositions pour l'ordre du jour
de la 87e session (1999) de la Conférence

Table des matières

    Introduction

  1. Règlement des conflits du travail
  2. Enregistrement et déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (y compris la révision de la liste des maladies professionnelles, tableau I de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964)
  3. Protection des données personnelles des travailleurs
  4. Promotion des coopératives
  5. Révision de la convention (no 103) (révisée) et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952
  6. Révision d'une autre convention (ou d'un groupe de conventions) identifiée(s) par le Groupe de travail sur la politique de révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail
  7. Rôle de l'OIT dans la coopération technique

Introduction

1. En vertu de son Règlement, le Conseil d'administration est invité, à sa présente session, à procéder à un premier examen de l'ordre du jour proposé pour la 87e session (1999) de la Conférence.

2. La Conférence sera saisie des questions ci-après qui sont inscrites d'office à son ordre du jour:

3. L'ordre du jour de la Conférence en 1999, année budgétaire, devrait comprendre trois questions normatives, dont une ayant trait à la révision de normes existantes, sur la base du cycle des travaux de la Conférence que le Conseil avait adopté en 1992. Au cours de la présente session, le Conseil d'administration est appelé à déterminer les questions parmi lesquelles le choix des questions à inscrire à l'ordre du jour pourrait être fait. Au cours de la seconde étape de la discussion, qui aura lieu à la session de printemps, le Conseil d'administration sera appelé à prendre une décision définitive. Lors de la première étape, le Bureau doit présenter un document contenant les informations pertinentes sur les questions proposées par le Directeur général et, à la session de printemps, un autre document traitant des questions supplémentaires proposées par le Conseil d'administration lors de la première étape de la discussion.

4. L'ordre du jour de la 86e session (1998) de la Conférence, tel qu'il a été établi par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996), comprend trois questions normatives: 1) conditions générales pour stimuler la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises (deuxième discussion); 2) le travail en sous-traitance (deuxième discussion); et 3) le travail des enfants (première discussion). Etant donné qu'une seconde discussion devrait avoir lieu en 1999 en vue de l'adoption de nouvelles normes sur le travail des enfants, le Conseil d'administration, à sa session de mars prochain, n'aurait à choisir, pour compléter l'ordre du jour de la 87e session (1999) de la Conférence, que deux questions normatives. Toutefois, on rappellera que le Conseil n'a pas sélectionné de question pour discussion générale pour l'ordre du jour de la Conférence en 1998, et que la Conférence avait recommandé que la coopération technique fasse périodiquement l'objet d'une discussion générale. Il a donc été décidé de soumettre au Conseil, en plus des propositions pour l'adoption de nouvelles normes et des propositions pour la révision de normes existantes, cette question pour discussion générale. Dans la mesure où le Conseil souhaiterait compenser les décisions prises pour 1998, il pourrait éventuellement déplacer une discussion générale en 1999. Si le Conseil optait pour une discussion générale sur la coopération technique, celle-ci remplacerait une des questions normatives.

5. Pour ce qui concerne l'adoption de nouvelles normes, quatre sujets sont proposés. Il s'agit d'abord du règlement des conflits du travail. La question, initialement proposée par le groupe des employeurs et soumise à l'examen du Conseil pour l'ordre du jour de la Conférence en 1996 et en 1997, avait été appuyée par de nombreux gouvernements aux sessions de mars et novembre 1994 et de mars-avril 1995. La contribution présentée comprend peu de changements par rapport au texte précédemment examiné par le Conseil. Toutefois, si celui-ci estimait que des modifications devraient être apportées à cette proposition, le Bureau pourrait la reformuler pour la session de mars 1997 en tenant compte des demandes qui pourraient intervenir lors de la présente session.

6. La deuxième proposition porte sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. L'examen de cette question, qui avait reçu un certain appui au Conseil d'administration lorsqu'il avait été envisagé de la retenir pour l'ordre du jour de la Conférence en 1996 et en 1997, pourrait permettre de procéder également à la révision de la liste des maladies professionnelles, tableau I de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964.

7. En troisième lieu, la question de la protection des données personnelles des travailleurs est de nouveau soumise à l'examen du Conseil, après l'avoir été pour l'ordre du jour de la Conférence en 1995, 1996 et 1997. A la suite de la réunion d'experts, qui aura lieu en octobre 1996 sur ce sujet, des informations additionnelles pourraient être présentées oralement au Conseil lors de la présente session. En outre, si le Conseil le souhaitait, la contribution qui lui serait soumise à la session de mars-avril 1997 incorporerait les conclusions de cette réunion d'experts.

8. Enfin, le Conseil pourrait considérer la question de la promotion des coopératives. Une réunion d'experts tenue en mars-avril 1993 avait conclu à la nécessité d'entreprendre une action normative dans ce domaine en raison des changements que connaissent les mouvements coopératifs dans le monde. Cette action normative pourrait consister à élaborer une nouvelle convention accompagnée d'une nouvelle recommandation, ou éventuellement une nouvelle recommandation seulement, portant sur la promotion des coopératives. De plus, la réunion d'experts avait aussi conclu à la nécessité de réviser la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966, et d'en élargir la portée à l'ensemble des Etats Membres, c'est-à-dire tant aux pays développés qu'aux pays en développement.

9. En matière de révision des normes existantes, le Bureau propose au Conseil de réexaminer la question de la révision de la convention (no 103) (révisée), et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952. Cette question, déjà soumise pour l'ordre du jour de la Conférence en 1995, 1996 et 1997, avait fait l'objet d'un intérêt manifeste de la part d'un nombre important de membres du Conseil. Elle avait d'ailleurs failli être retenue en avril 1995 à la place de la révision de la convention (no 96) sur les bureaux de placement payants (révisée), 1949, et certains membres du Conseil avaient même proposé de l'inscrire directement à l'ordre du jour de la Conférence en 1998. Par ailleurs, on rappellera que le Groupe de travail sur la politique de révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail examinera le cas de la convention no 103 lors de la présente session du Conseil, et qu'il pourrait recommander la révision de cet instrument.

10. A ce propos, on notera que le Groupe de travail sur la politique de révision des normes a déjà recommandé, en mars 1996, la révision d'une convention ainsi qu'éventuellement d'autres instruments sur le travail de nuit des jeunes(1). Sans préjuger des recommandations que le groupe de travail pourrait faire à la présente session, mais afin de donner suite aux décisions déjà adoptées par le Conseil à ce sujet, celui-ci voudra peut-être d'ores et déjà examiner la question de la révision de cette convention ou éventuellement d'autres instruments que le groupe de travail identifierait à la présente session. Compte tenu des circonstances, le Bureau n'a pas été en mesure d'inclure une contribution détaillée à ce sujet dans le présent document, mais une telle contribution pourrait être préparée pour la session de mars 1997, si le Conseil le souhaitait.

11. Enfin, la question du rôle de l'OIT en matière de coopération technique pourrait être envisagée pour une discussion générale à la Conférence en 1999. On rappellera que la Conférence avait recommandé en 1987, puis en 1993, que la question de la coopération technique soit examinée en profondeur à intervalles réguliers, au moins tous les cinq ans. Or cette question a été proposée pour l'ordre du jour de la Conférence en 1998 et n'a pas été retenue. Si le Conseil la retenait maintenant, il devrait alors choisir une seule question normative, en vue soit de l'adoption de nouvelles normes, soit de la révision de normes existantes.

12. Les questions ci-après sont donc soumises à l'examen du Conseil d'administration:

Propositions pour de nouvelles normes:

  1. règlement des conflits du travail;
  2. enregistrement et déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (y compris la révision de la liste des maladies professionnelles, tableau I de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964);
  3. protection des données personnelles des travailleurs;
  4. promotion des coopératives.

Propositions pour la révision de normes existantes:

  1. révision de la convention (no 103) (révisée) et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952;
  2. révision d'une autre convention (ou d'un groupe de conventions) identifiée(s) par le Groupe de travail sur la révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail.

Proposition pour discussion générale:

  1. le rôle de l'OIT en matière de coopération technique.

13. Plusieurs questions normatives sont à l'étude au sein du Bureau et pourraient être présentées en vue de leur inscription à l'ordre du jour de la Conférence en l'an 2000 ou ultérieurement. Certains sujets ont déjà été évoqués, comme le harcèlement sexuel, la sécurité et la santé au travail dans l'agriculture, la révision de la convention (no 13) sur la céruse (peinture), 1921, et celle de la convention (no 136) sur le benzène, 1971. Des propositions pour une discussion générale pourraient porter sur la question du chômage et de l'insertion professionnelle des jeunes ou sur la question de l'emploi et de la formation. Par ailleurs, les travaux en cours au sein de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail du Conseil d'administration et de son Groupe de travail sur la politique de révision des normes devraient permettre au Conseil d'administration de dégager des orientations pour une activité normative future, en particulier dans le domaine de l'aménagement du temps de travail, du travail de nuit des femmes, ou encore des questions relatives aux travailleurs migrants. D'autres propositions pourraient résulter des travaux des organes de contrôle. En ce sens, l'étude spéciale de 1996 sur l'égalité dans l'emploi et la profession a donné lieu à une discussion au sein de la Commission de l'application des normes de la Conférence sur l'éventualité d'un protocole additionnel à la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. De plus, la commission d'experts présentera en décembre prochain une étude d'ensemble sur la convention (no 150) sur l'administration du travail, 1978. Le Conseil d'administration pourrait être appelé à se prononcer sur l'éventuelle inscription de ce sujet à l'ordre du jour de la Conférence en l'an 2000 ou ultérieurement.

14. Le Conseil d'administration est appelé, à sa présente session, à déterminer les questions parmi lesquelles le choix pourrait être fait à sa 268e session (mars 1997), lors de laquelle il devra arrêter l'ordre du jour définitif de la 87e session (1999) de la Conférence.

* * *

I. Règlement des conflits du travail

15. Les propositions à ce sujet sont pour l'essentiel les mêmes que celles qui ont été présentées au Conseil d'administration à ses 261e et 262e sessions. Si le Conseil en décide ainsi, il va de soi que le Bureau les remaniera à la lumière de tous commentaires ou demandes formulés par ses membres.

16. Pour que les relations professionnelles se déroulent dans un climat sain, il importe de pouvoir assurer un règlement prompt et équitable des conflits du travail, et l'existence d'un mécanisme de règlement approprié apparaît indispensable à cette fin.

17. Plusieurs sortes de procédures peuvent être engagées aux différents stades d'un conflit. Les divers pays ont opté pour des procédures différentes et instauré toute une série de mécanismes en précisant les procédures à mettre en oeuvre aux différents stades de chaque type de conflit.

Catégories de conflits

18. La plupart des pays ont établi une distinction entre plusieurs types de conflits pour lesquels ils ont instauré des procédures de règlement distinctes. Les distinctions opérées par les pays reflètent l'évolution historique de leur système de relations professionnelles et sont par conséquent très variables. Procéder à une classification des divers types de conflits du travail d'un point de vue global n'est donc pas chose aisée.

19. On peut néanmoins identifier un certain nombre de distinctions largement répandues. Les deux distinctions les plus courantes s'établissent entre les conflits de droits et les conflits d'intérêts, d'une part, et entre les conflits individuels et les conflits collectifs, de l'autre. La distinction entre les conflits de droits et les conflits d'intérêts caractérise le mécanisme de règlement des conflits dans de nombreux pays. Les conflits de droits sont soulevés par l'application ou l'interprétation d'une disposition d'un contrat de travail, d'une convention collective ou d'une loi; les conflits d'intérêts résultent de l'établissement ou de la modification de droits ou d'obligations, principalement dans le cadre de la négociation collective.

20. En ce qui concerne les conflits de droits, une distinction est souvent établie entre les conflits individuels et les conflits collectifs, alors que les conflits d'intérêts sont, en règle générale, uniquement collectifs. Un conflit individuel porte par définition sur l'interprétation d'un contrat individuel de travail ou la législation applicable en matière d'emploi. Des conflits de droits collectifs peuvent notamment être déclenchés par l'interprétation ou la violation alléguée des prescriptions de forme d'une convention collective (par exemple les clauses d'obligation de paix sociale pendant toute la durée d'existence d'une convention collective) ou d'une loi (par exemple les prescriptions relatives à la constitution d'organes représentatifs des travailleurs dans les entreprises).

21. Dans un grand nombre de pays, la distinction précitée s'applique à la fois aux procédures de règlement des conflits en vigueur et au droit de grève et de lock-out. La distinction établie entre ces différents types de conflits est cependant loin d'être universelle et, même là où elle a cours, elle est souvent floue. Ainsi, cette distinction ne présente guère d'intérêt au Royaume-Uni, où l'élaboration de nouvelles règles est liée de manière si complexe à l'interprétation des règles existantes dans la négociation collective qu'un différend sur des droits existants peut facilement dégénérer en un conflit d'intérêts. Nombre de pays en développement d'Asie et d'Afrique, qui ont hérité du Royaume-Uni le large concept de différend du travail ou de différend professionnel qui englobe toutes les formes de conflit du travail, continuent d'avoir recours à des procédures de règlement qui, par principe, s'appliquent aussi bien aux conflits d'intérêts qu'aux conflits de droits, même si certains d'entre eux ont tenté avec plus ou moins de succès d'introduire une distinction (par exemple le Bangladesh et le Pakistan en 1969) et si d'autres pays ont élaboré des procédures spécifiquement conçues pour les conflits individuels déclenchés par la cessation de la relation de travail (par exemple à Sri Lanka depuis 1957 et la Malaisie depuis 1969).

22. Dans certains autres pays, par exemple la France et les pays d'Afrique francophones, la distinction fondamentale qui est observée aux fins des procédures de règlement des différends oppose les conflits individuels et les conflits collectifs, les premiers étant toujours des conflits de droits, tandis que les seconds, qui sont en général des conflits d'intérêts, peuvent aussi être des conflits de droits.

23. Dans nombre de pays en développement, la distinction entre conflits d'intérêts et conflits de droits perd de son intérêt en raison des diverses restrictions imposées à l'exercice du droit de grève, car la possibilité de déclencher une action collective constitue en général l'une des principales caractéristiques des procédures relatives aux conflits d'intérêts, par opposition aux procédures applicables aux conflits de droits.

24. Outre les types de conflits susmentionnés, il en existe d'autres qui sont assujettis à des procédures de règlement spéciales dans un grand nombre de pays. C'est le cas notamment des conflits nés de la non-reconnaissance d'un syndicat ou de pratiques de travail déloyales, c'est-à-dire des conflits liés à l'exercice des droits syndicaux.

Procédures de règlement des conflits du travail

25. Les procédures de règlement des conflits du travail sont très diverses. Les conventions et recommandations pertinentes de l'OIT, mentionnées ci-après, laissent à chaque pays une grande habitude pour mettre au point son système de règlement des conflits, avec une procédure distincte pour chaque catégorie de conflit.

Conflits d'intérêts

26. Les conflits d'intérêts résultent généralement de l'incapacité des parties à une négociation collective de parvenir à un accord sur les conditions d'emploi ou sur leur relation mutuelle. Les procédures se fondent alors sur le principe suivant lequel les parties doivent résoudre elles-mêmes leurs différends par la négociation, au besoin en menaçant de mener ou en menant une action de revendication, et des tiers doivent éventuellement être appelés à aider les parties à trouver une solution mutuellement acceptable à leurs différends. Ce principe a cependant été sensiblement remanié dans la plupart des pays en développement où les pouvoirs publics jouent un rôle actif dans le règlement des conflits afin de s'assurer que l'issue de la négociation collective ou le règlement intervenu est compatible avec leur politique économique, et de réduire l'incidence des mouvements sociaux, qu'ils jugent en général préjudiciables au développement économique et à la stabilité politique. En période de difficultés économiques, ce principe a, à l'occasion, été remanié dans le même sens dans certains pays industriels à économie de marché.

a) Conciliation et médiation

27. Pour résoudre les conflits d'intérêts, on a le plus souvent recours à des procédures de conciliation et de médiation, en vertu desquelles une tierce partie aide les parties à la négociation dans la recherche d'une solution. Dans de nombreux pays, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine, des services publics de conciliation ou, plus rarement, des inspecteurs du travail, y pourvoient. Dans un certain nombre de pays industriels, des organismes jouissant d'une grande indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics sont chargés de la conciliation et de la médiation, comme le Service consultatif de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service -- ACAS) au Royaume-Uni, le Service fédéral de médiation et de conciliation (FMCS) aux Etats-Unis, la Commission australienne des relations professionnelles, le Conseil d'arbitrage au Danemark ou les Commissions des relations professionnelles au Japon. Dans la plupart des pays industriels à économie de marché, la conciliation constitue l'unique procédure permettant de résoudre les conflits d'intérêts collectifs et elle s'est avérée très efficace puisque la grande majorité des différends est résolue à ce stade.

28. La création d'un organe indépendant vise généralement à inspirer aux partenaires sociaux une plus grande confiance dans la neutralité du mécanisme de conciliation. La nécessité d'inspirer confiance aux parties a aussi influencé la composition de ces organes dans de nombreux pays. Ainsi, les Commissions des relations professionnelles au Japon et le conseil d'administration de l'ACAS réunissent un nombre égal d'employeurs, de représentants syndicaux et de membres indépendants. De même, les conciliateurs au Danemark sont, dans la pratique, tous nommés conjointement par les syndicats et les organisations patronales.

29. En Allemagne, employeurs et syndicats jouissent d'une grande autonomie en matière de conciliation, et des procédures de médiation ont été établies dans la plupart des branches d'activité par accord entre les parties aux conventions collectives; les conseils sont composés d'un nombre égal de représentants de l'association patronale et du syndicat intéressés et sont présidés par une personnalité neutre. La Belgique et la Suisse ont mis en place des systèmes de conciliation analogues pour certaines branches d'activité.

30. Un certain nombre de pays en développement et de nouveaux pays industriels ont aussi établi des organes tripartites chargés de la conciliation. Ainsi, dans bon nombre de pays d'Amérique centrale et d'Amérique latine (Brésil, Mexique, Venezuela par exemple), ce type d'organe existe depuis longtemps.

31. La conciliation est volontaire lorsque les parties sont libres de décider d'y recourir ou non; elle est obligatoire lorsque les parties sont tenues d'y recourir. Ainsi, en Belgique, aux Etats-Unis, en France, en Hongrie et au Royaume-Uni, les deux parties doivent consentir au recours à la conciliation. En Australie, au Canada, en Inde, en Malaisie, en Pologne et à Singapour, la conciliation est obligatoire soit parce que la loi dispose que l'on doit y avoir recours en cas de différend, et les conciliateurs sont habilités à engager la procédure, soit parce que le droit de grève ou de lock-out est subordonné à une tentative préalable de résoudre le différend par la conciliation. En tout état de cause, que la conciliation soit obligatoire ou volontaire, elle est censée aider les parties à régler leurs différends par voie d'accord, et elle ne permet en aucun cas au conciliateur de leur imposer une quelconque solution.

32. Même si, dans beaucoup de pays, les termes conciliation et médiation sont employés indifféremment, dans certains d'entre eux une distinction est faite selon la part d'initiative prise par la tierce partie. Ainsi, l'ACAS, au Royaume-Uni, mène en général la conciliation dans une atmosphère calme et confidentielle et s'efforce de faciliter les négociations entre les parties; il s'abstient le plus souvent de faire des propositions. Toutefois, lorsqu'il paraît utile de recourir à la médiation et que les parties y consentent, l'ACAS peut désigner comme médiateurs des personnes indépendantes, qui formulent des recommandations précises en vue d'un règlement possible du conflit. Au Chili et en République dominicaine, la législation du travail établit une distinction entre la conciliation et la médiation. Au Chili, le terme médiation vise aussi le recours à un conciliateur habilité à proposer des solutions. En République dominicaine, en revanche, les termes conciliation et médiation s'appliquent au type de différend plutôt qu'au type de procédure de règlement.

b) Arbitrage

33. L'arbitrage est une procédure en vertu de laquelle une tierce partie, qui n'agit pas en tant que Cour de justice, est habilitée à prendre une décision qui résout le conflit.

34. L'arbitrage est réputé volontaire lorsqu'il ne peut être mis en oeuvre que si les parties y consentent, et obligatoire lorsqu'il peut être mis en application à l'initiative de l'une des parties ou des pouvoirs publics.

35. L'arbitrage obligatoire des conflits d'intérêts est rare dans le secteur privé dans les pays industriels, sauf au Canada (au bureau fédéral et dans certaines provinces), où les conflits d'intérêts concernant l'établissement d'une première convention collective doivent être soumis à l'arbitrage obligatoire dans certaines circonstances, par exemple lorsque la négociation a été entachée d'antisyndicalisme. L'arbitrage obligatoire est beaucoup plus répandu dans la fonction publique des pays industriels (notamment en Irlande, en Norvège et au Royaume-Uni) et parfois dans les services essentiels. Il est également plus répandu dans les secteurs public et privé de nombreux pays en développement ou dans les nouveaux pays industriels. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer aux procédures utilisées dans un certain nombre de pays d'Afrique et d'Asie, comme le Kenya, le Nigéria et Singapour.

36. L'arbitrage obligatoire des conflits d'intérêts a été institué par les pouvoirs publics dans un certain nombre de pays en développement (par exemple au Nigéria, en Ouganda et en Zambie), car ils estiment qu'il protège l'économie nationale et la vie publique des troubles provoqués par l'action revendicative, tout en contribuant au maintien de l'ordre public. Pourtant, dans de nombreux pays, cette tentative de supprimer l'action revendicative engendre en pratique un mécontentement qui donne parfois lieu à une action illégale perturbatrice.

37. On estime parfois que l'arbitrage obligatoire présente des avantages dans les pays où le déséquilibre des forces entre les employeurs et les syndicats compromet toute perspective de négociation collective efficace. Pourtant, à mesure que le système des relations professionnelles se développe, l'arbitrage obligatoire apparaît souvent comme un obstacle à la libre négociation collective et cède progressivement le pas à la conciliation, qui reprend la première place parmi les procédures de règlement des conflits.

38. Afin d'encourager les parties à prendre une part croissante au règlement des conflits, tout en gardant le champ des relations professionnelles à l'écart de toute action de lutte ouverte, un certain nombre de pays en développement se sont efforcés d'encourager l'arbitrage volontaire des conflits d'intérêts pour que les parties portent délibérément leurs différends devant des arbitres de leur choix au lieu de laisser aux autorités le soin de les soumettre à l'arbitrage obligatoire. Toutefois, en dépit des grands efforts déployés par nombre de pays pour le développer, le recours à l'arbitrage volontaire des conflits d'intérêts n'est pas encore très répandu dans les pays en développement du fait, en partie, de la pénurie d'arbitres capables de forcer la confiance des parties antagonistes. Par ailleurs, le large éventail de possibilités d'arbitrage obligatoire existant dans certains pays en développement est un autre facteur qui nuit à l'arbitrage volontaire.

39. L'arbitrage volontaire des conflits d'intérêts est de même assez peu fréquent dans les pays industriels. Cela s'explique principalement par le fait que la procédure de conciliation (et au besoin le recours à l'action de revendication) correspond davantage à la façon de concevoir les relations professionnelles dans ces pays.

Conflits de droits

40. Le principe fondamental sur lequel reposent les procédures de règlement des conflits de droits est que ces différends, s'ils ne sont pas résolus par voie de négociation, doivent l'être par des tribunaux ou par des arbitres et non par une action de revendication, parce qu'ils impliquent la vérification de droits, de devoirs ou d'obligations existants. Dans la pratique, cependant, ces procédures recoupent largement les procédures de règlement des conflits d'intérêts dans de nombreux systèmes de relations professionnelles. Le peu d'intérêt que revêt la distinction entre ces deux types de procédures dans le système traditionnel de relations professionnelles du Royaume-Uni et de certains des pays qui en ont hérité a été souligné plus haut.

41. Un autre facteur qui contribue à estomper cette distinction est le rôle de la conciliation. On y recourt dans un grand nombre de pays, probablement appelé à s'accroître non seulement pour résoudre les conflits d'intérêts, mais aussi pour trouver une solution, du moins au premier stade, aux conflits de droits. Il existe même des pays, comme la Suède, où un différend opposant les parties à une convention collective ne peut être porté devant le tribunal du travail qu'après que les parties aient négocié. En France, un collège restreint du tribunal du travail, le conseil des prud'hommes, dirige les procédures de conciliation obligatoire avant que le cas ne soit jugé. Comme cela a été mentionné précédemment, les conflits de droits sont parfois réglés par des services de conciliation indépendants. Le large succès de la conciliation dans le règlement des conflits de droits semble indiquer que les partenaires sociaux reconnaissent aujourd'hui dans leur ensemble que ces conflits résultent souvent d'un malentendu ou d'une absence de communication entre les parties, lacune qu'il est plus facile de combler par la discussion que par une action en justice.

42. Les organismes chargés du règlement des conflits de droits se répartissent en plusieurs catégories, dont des tribunaux ordinaires, les tribunaux du travail, les organismes administratifs quasi judiciaires et les arbitres ou conseils d'arbitrage.

43. La compétence des tribunaux habilités à connaître des conflits de droits varie énormément. Dans un certain nombre de pays, comme l'Italie et les Pays-Bas, tous les conflits de droits, qu'ils soient individuels ou collectifs, sont portés devant les tribunaux ordinaires. Aux Pays-Bas, vu le nombre de cas en instance de jugement, la justice du travail est très lente. En Italie, en revanche, les conflits du travail sont soumis à une procédure beaucoup plus rapide que les cas ordinaires, et les juges qui en sont chargés sont spécialisés dans les conflits sociaux du travail.

44. Les tribunaux du travail se distinguent souvent des tribunaux ordinaires par leur compétence en matière de relations professionnelles, leur composition tripartite, leurs procédures simples et leur relative autonomie; ils ne sont cependant pas tous conformes à ce modèle, le problème du légalisme et des délais excessifs a été noté dans un certain nombre de systèmes de tribunaux du travail. Il s'avère que les tribunaux du travail sont le mécanisme le plus communément utilisé pour le règlement des conflits de droits, notamment en Autriche, en Finlande, en France et dans de nombreux pays africains influencés par le droit français, en Espagne, en Turquie, en Hongrie, au Brésil et en Uruguay, pour ne citer que quelques exemples. Dans les pays qui disposent de tribunaux du travail, la compétence dans le domaine du travail est souvent répartie entre le tribunal du travail et les juridictions de droit commun. Alors que les tribunaux du travail jouissent en Allemagne d'une compétence pour ainsi dire exclusive sur tous les conflits de droits individuels et collectifs et que, dans un certain nombre de pays d'Asie et d'Afrique, leur compétence s'étend à la fois aux conflits de droits et aux conflits d'intérêts, ces cas semblent néanmoins être l'exception plutôt que la règle.

45. Au Danemark et en Suède, les tribunaux du travail ne sont habilités à connaître que des conflits de droits collectifs opposant des parties à une convention collective. En Suède, par exemple, un différend entre un employeur et un salarié qui n'appartient pas à un syndicat est d'abord porté devant un tribunal de droit commun, et il peut éventuellement faire l'objet d'un recours auprès du tribunal du travail. Au Royaume-Uni, les conflits de droits portant sur une législation spécifique, par exemple ceux qui mettent en cause l'égalité de rémunération entre hommes et femmes, la discrimination en fonction du sexe et le licenciement abusif, relèvent de la compétence exclusive des tribunaux du travail, alors que les conflits de droits concernant les contrats individuels de travail sont instruits par les tribunaux de droit commun.

46. En France, les tribunaux du travail (conseils de prud'hommes) n'ont qualité que pour statuer sur des conflits individuels qui englobent cependant l'interprétation et l'application des clauses des conventions collectives, lesquelles sont souvent reprises dans les contrats individuels de travail. Les allégations de violation de la législation du travail, quant à elles, sont portées devant les tribunaux de droit commun. Les tribunaux du travail à Sri Lanka ne sont compétents que pour instruire les différends portant sur la rupture d'un contrat de travail.

47. Dans un nombre non négligeable de pays (Allemagne, Suède, Costa Rica, Mexique et Singapour), les tribunaux du travail sont tripartites; les conseils de prud'hommes en France sont essentiellement des organes bipartites. L'avantage de tribunaux bi- ou tripartites réside dans l'expérience des relations professionnelles qu'ont acquise leurs membres employeurs et travailleurs. Les procédures suivies par ces tribunaux sont moins légalistes en général que celles des tribunaux de droit commun, ce qui permet de résoudre les conflits dans les meilleurs délais et à peu de frais, mais risque parfois d'encourager une solution plus politique que judiciaire. Certains autres pays, comme l'Argentine, les Philippines et le Venezuela, ont instauré un système de juges administratifs qui ne prévoit pas de représentation spécifique des travailleurs ou des employeurs.

48. Le rôle des représentants des employeurs et des travailleurs est variable dans les organismes tripartites. Dans certains pays, ils assument des positions antagonistes tandis que, dans la plupart des systèmes, ils sont censés agir en toute indépendance (c'est le cas en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suède). Selon les pays, les membres non juristes prennent part au vote ou ont uniquement voix consultative.

49. Il est courant au Canada et aux Etats-Unis que les conventions collectives établissent des procédures d'arbitrage pour les conflits de droit (ce que l'on appelle communément les procédures de règlement des différends). Aux Etats-Unis, les parties insèrent volontairement une clause d'arbitrage dans la plupart des conventions collectives; au Canada, la législation du travail de la plupart des provinces l'exige et, lorsque cela n'est pas fait expressément, la convention collective est réputée contenir une telle clause. Les arbitres sont parfois désignés selon les besoins pour résoudre un différend précis, mais leurs noms peuvent aussi être expressément mentionnés dans la convention collective, auquel cas ils sont appelés à régler tous les différends surgissant pendant la durée de validité de la convention. Aux Etats-Unis, l'arbitrage est en principe mené par un seul arbitre, tandis qu'au Canada les différends sont portés devant des conseils tripartites. Un des principaux avantages du système d'arbitrage pour le règlement des différends réside dans son caractère largement volontaire et dans sa souplesse. Il présente cependant une lacune: ne peuvent recourir à cette procédure que les unités de négociation qui disposent d'un agent négociateur agréé.

Conflits de reconnaissance

50. Dans la plupart des pays d'Europe occidentale et dans un certain nombre de pays en développement, la reconnaissance des syndicats ne suscite pas de problèmes majeurs, principalement parce que les employeurs reconnaissent d'eux-mêmes le pouvoir négociateur des syndicats, ou que la loi les y oblige. Aux Etats-Unis et dans certains autres pays, les demandes de reconnaissance des syndicats se sont heurtées à une très forte résistance des employeurs, ce qui a souvent donné lieu à d'âpres conflits. C'est pourquoi, dans ces pays, des lois ont été adoptées afin de soumettre toute la question de la reconnaissance syndicale à une réglementation beaucoup plus détaillée que dans les autres pays. Le principe fondamental sur lequel repose le système de reconnaissance syndicale aux Etats-Unis et au Canada est que le syndicat choisi par la majorité des travailleurs au sein d'une unité de négociation donnée est le représentant exclusif de tous les travailleurs de l'unité et doit être reconnu comme tel par l'employeur. Ce système a principalement pour objet de résoudre les problèmes de reconnaissance syndicale en évitant les conflits sociaux.

51. Le système en vigueur en Amérique du Nord a influencé les systèmes d'un certain nombre de pays en développement en proie à des difficultés en raison de la multiplicité des syndicats, notamment en Asie et dans la région des Caraïbes.

Pratiques déloyales en matière de travail

52. Un certain nombre de pays ont établi des procédures spéciales pour régler les conflits suscités par des pratiques déloyales en matière de travail. Les définitions de cette expression varient beaucoup d'un pays à l'autre, mais elles se rapportent dans l'ensemble à l'exercice des droits syndicaux. Le plus souvent, il s'agit de différends portant sur des actes allégués de discrimination antisyndicale en matière d'emploi. Dans certains pays, le conflit peut aussi être déclenché par le refus d'un employeur de négocier avec un syndicat ainsi que par certaines actions entreprises par les syndicats à l'égard des employeurs. L'incapacité d'un syndicat à représenter équitablement les travailleurs est également définie dans certains pays comme une pratique déloyale en matière de travail.

53. Aux Etats-Unis, un organisme administratif spécial, dénommé Conseil national des relations professionnelles (National Labour Relations Board), est chargé de régler ces différends. Dans d'autres pays, comme le Japon et le Canada, des organismes spécialisés parajudiciaires ont également qualité pour les examiner.

L'action de revendication

54. Le droit de grève est l'un des principaux moyens dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et protéger leurs intérêts économiques et sociaux. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels le reconnaît expressément à l'article 8. Au niveau régional, la Charte sociale européenne est un des premiers instruments à l'avoir reconnu expressément dans le cas d'un conflit d'intérêts, sous réserve des engagements pris au titre des conventions collectives en vigueur. A l'OIT, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration ont reconnu que le droit de grève, bien qu'il ne soit pas expressément mentionné dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, découle en fait du principe de la liberté syndicale et constitue un moyen essentiel pour les travailleurs et leurs organisations de promouvoir et de protéger leurs intérêts économiques et sociaux.

55. La grève offre souvent aux travailleurs, par son effet de levier économique, un moyen de faire contrepoids au pouvoir de l'employeur. Cependant, l'ampleur de certains conflits sociaux peut rendre grèves et lock-out préjudiciables à la vie économique. Dans la plupart des pays industriels, cette dernière considération ne l'emporte pas sur la première et le droit de grève n'est donc pas soumis à des restrictions importantes. Dans un certain nombre de pays en développement, en revanche, diverses considérations, et notamment le poids du développement économique, ont amené les gouvernements à le restreindre beaucoup plus sévèrement.

56. La législation applicable aux grèves et aux lock-out doit être examinée relativement à l'étendue de la reconnaissance des droits, comme à la réglementation de leur exercice. L'étendue de la reconnaissance du droit de grève varie considérablement. A une extrémité de l'échelle se situent les pays où le principe du droit de grève est reconnu par la Constitution, par la législation, par la jurisprudence ou les conventions signées par les fédérations d'employeurs et de travailleurs, sous réserve de restrictions auxquelles certaines catégories de travailleurs peuvent être soumises. Certains de ces pays (la France, l'Italie et le Portugal par exemple) ne garantissent pas de la même manière le droit de lock-out, au motif que les travailleurs sont moins puissants que les employeurs et que le droit de grève vise à redresser l'équilibre. D'autres pays (c'est le cas notamment du Canada, des Etats-Unis, du Mexique et de la Suède) reconnaissent pour leur part expressément et le droit de grève et le droit de lock-out. Au Royaume-Uni, où le droit de grève n'est pas explicitement inscrit dans la loi, des immunités statutaires limitées sont accordées en cas de grève à ceux dont la responsabilité civile ou pénale pourrait sinon se trouver engagée.

57. Dans certains pays (par exemple en France (secteur privé) et en Italie), le droit de grève est considéré comme un droit de chaque travailleur, tandis que, dans d'autres (par exemple en Allemagne et en Suède), il s'agit d'un droit des syndicats. Il en résulte, dans la réalité, que les grèves non officielles ou sauvages sont en principe légales dans la première catégorie de pays, alors qu'elles sont considérées comme illégales dans les autres.

58. La plupart des pays qui reconnaissent en principe le droit des travailleurs de se mettre en grève refusent ce droit à certaines catégories de travailleurs (militaires, hauts fonctionnaires, etc.).

59. A l'autre extrême, il existe des pays où l'ensemble des travailleurs ne jouit pas du droit de grève ou dans lesquels ce droit est sévèrement restreint. Bien que les pays où la législation interdit expressément la grève de façon permanente soient relativement peu nombreux, nombreux sont ceux, en revanche, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine, où l'interdiction des grèves découle, pour des raisons pratiques, de l'effet cumulatif des dispositions relatives au mécanisme établi de règlement des différends, selon lequel tous les différends non résolus doivent être soumis à l'arbitrage obligatoire. Dans beaucoup d'autres pays, où le recours à l'arbitrage n'est pas obligatoire, les autorités sont habilitées à soumettre les conflits à l'arbitrage obligatoire de leur propre chef, se ménageant ainsi la possibilité d'interdire ou d'étouffer rapidement, pour ainsi dire, toute tentative de grève. De l'avis des organes de contrôle de l'OIT, de tels pouvoirs entravent sérieusement la capacité des syndicats de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres ainsi que leur droit d'organisation, et ne sont pas compatibles avec les principes de la liberté syndicale.

60. Même dans les pays où le droit de grève ou de lock-out est en principe reconnu, les différentes modalités de leur exercice sont souvent réglementées. La réglementation porte essentiellement sur le moment, l'objet et les modalités de la grève et des lock-out.

61. La réglementation du choix des dates des grèves et des lock-out est consacrée dans nombre de pays par l'obligation faite aux parties à une convention collective de ne recourir ni à la grève ni au lock-out pendant la durée de validité de cette convention. Cette obligation, que l'on nomme habituellement obligation de paix sociale, peut être établie par une disposition législative expresse, comme en Suède, par un accord général entre des centrales syndicales et patronales, comme au Danemark, par une clause expresse de la convention collective liant les parties, comme aux Etats-Unis, ou en tant que fonction de la convention collective, ainsi que les tribunaux en ont décidé, en établissant la paix entre les parties -- comme en Allemagne, en Autriche et en Suisse.

62. Les motivations d'une grève licite sont elles aussi soumises à une réglementation dans de nombreux pays. Souvent, une grève n'est réputée licite que si ses objectifs sont liés aux relations professionnelles et si elle s'inscrit dans la perspective d'un conflit professionnel ou le prépare (selon les termes utilisés dans la législation britannique), bien qu'il soit difficile de définir ce que l'on entend par conflit professionnel ou par objectifs liés aux relations professionnelles. Le caractère légal des objectifs poursuivis est souvent mis en cause lorsqu'il s'agit de grèves politiques ou de grèves de solidarité. Bien que, dans certains pays, les grèves politiques ou de solidarité soient en général tolérées, elles sont interdites ou soumises à des restrictions dans beaucoup d'autres.

63. Le but d'un lock-out détermine aussi son caractère licite dans certains pays. En France et en Italie par exemple, l'employeur peut en prendre l'initiative uniquement en tant que mesure défensive lorsqu'une grève illégale a été déclenchée, tandis qu'au Chili le lock-out peut être la riposte à toute grève touchant plus de 50 pour cent de la main-d'oeuvre. En Espagne, les lock-out sont autorisés dans certaines circonstances, très limitées, par exemple lorsqu'il est nécessaire de protéger les personnes ou les biens contre les actes de violence.

64. En ce qui concerne les modalités de la grève et du lock-out, on s'accorde en général sur un point: ils doivent se dérouler dans un climat pacifique. Autre grand principe, la grève ou le lock-out doivent être le dernier recours dans les conflits du travail, et tous les efforts doivent donc être déployés pour régler les différends de manière pacifique. Ce principe a été rendu contraignant par les tribunaux dans certains pays, comme en Allemagne et aux Pays-Bas, où une grève n'est réputée licite que si toutes les possibilités de négociation ont été épuisées. Dans beaucoup de pays, enfin, la loi prévoit que la grève doit faire l'objet d'un préavis ou être votée par les travailleurs syndiqués mais, dans beaucoup d'autres, ce n'est pas exigé. Les systèmes juridiques divergent considérablement pour ce qui est de la réglementation des grèves perlées, des grèves du zèle, des grèves tournantes, des piquets de grève, des grèves de solidarité et de l'occupation des locaux d'une entreprise par son personnel.

65. Récemment, la réglementation des grèves et des lock-out dans les services essentiels est redevenue d'actualité dans certains pays. Si les grèves et les lock-out dans les services essentiels font, depuis des années, l'objet de restrictions dans un grand nombre pays, une tendance se dessine actuellement dans d'autres pays -- où le droit de grève et de lock-out était traditionnellement largement reconnu -- à introduire certaines restrictions à l'exercice de ces droits dans les services essentiels, par exemple sous la forme d'une obligation d'assurer un service minimum pendant la grève ou d'une interdiction des lock-out.

66. Les organes de contrôle de l'OIT ont estimé que l'interdiction des grèves dans les services essentiels, lorsqu'elle existe, devrait être limitée aux services dont l'interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes dans la totalité ou une partie de la population, et que des garanties appropriées devraient être fournies afin de protéger les travailleurs qui sont ainsi privés d'un des moyens essentiels de défendre leurs intérêts, en mettant en place des procédures de conciliation appropriées, impartiales et rapides et, en dernier recours, lorsque celles-ci échouent, des procédures d'arbitrage auxquelles les parties concernées peuvent participer à toutes les étapes et dans lesquelles les sentences devraient être, dans tous les cas, contraignantes pour les deux parties et appliquées rapidement et intégralement. Les organes de contrôle de l'OIT ont également pris position sur un certain nombre des questions évoquées ci-dessus, notamment sur les grèves politiques, et les périodes de préavis et les votes.

Normes internationales du travail

67. Les normes internationales du travail sur le règlement des différends ont un caractère général qui reflète la grande diversité des systèmes de règlement des conflits existants. La recommandation (no 92) sur la conciliation et l'arbitrage volontaires, 1951, recommande que des organismes de conciliation volontaire, gratuits et expéditifs, soient établis afin de contribuer à la prévention et au règlement des conflits du travail. Elle recommande également que des mesures soient prises pour que la procédure puisse être engagée soit sur l'initiative de l'une des parties au conflit, soit d'office par l'organisme de conciliation volontaire. Lorsqu'un conflit a été soumis à une procédure de conciliation ou d'arbitrage avec le consentement de toutes les parties intéressées, celles-ci doivent être encouragées à s'abstenir de grèves et de lock-out pendant que la conciliation ou l'arbitrage sont en cours. La recommandation stipule également qu'aucune de ses dispositions ne pourra être interprétée comme limitant, d'une manière quelconque, le droit de grève.

68. Une autre indication quant à la façon dont un mécanisme approprié de règlement des conflits devrait être conçu est fournie par la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, qui prévoit des mesures visant à assurer que les organismes et les procédures de règlement des conflits du travail contribuent à promouvoir la négociation collective. Dans la même veine, la recommandation (no 163) sur la négociation collective, 1981, préconise d'instituer des procédures de règlement des conflits du travail qui aident les parties à trouver elles-mêmes une solution au conflit qui les oppose.

69. La recommandation (no 130) sur l'examen des réclamations, 1967, traite d'une catégorie particulière de conflits du travail, à savoir les réclamations présentées par un ou par plusieurs travailleurs concernant des mesures ou des situations qui se rapportent aux relations de travail ou aux conditions d'emploi, lorsque le ou les travailleurs estiment, de bonne foi, que ces mesures ou ces situations sont contraires aux dispositions d'une convention collective en vigueur ou à celles d'un contrat individuel de travail, à un règlement d'entreprise, à la législation nationale, ou encore aux us et coutumes de la profession, de la branche d'activité économique ou du pays. Elle recommande qu'un ou plusieurs travailleurs aient le droit de présenter une ou des réclamations sans qu'il en résulte un quelconque préjudice et que cette ou ces réclamations soient examinées selon une procédure appropriée au sein de l'entreprise. Lorsque tous les efforts en vue de régler une réclamation au sein de l'entreprise ont échoué, la recommandation indique qu'il devrait être possible de la régler définitivement par des procédures convenues, par la conciliation, l'arbitrage ou une décision judiciaire, etc. La recommandation établit une distinction entre ce type de réclamations et celles qui visent à modifier les conditions d'emploi qui sont exclues de son champ d'application.

70. Concernant les conflits du travail dans la fonction publique, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, prévoit que le règlement des différends concernant les conditions d'emploi doit être recherché par voie de négociation entre les parties ou par une procédure indépendante ou impartiale telle que la médiation, la conciliation et l'arbitrage. La convention souligne en outre que cette procédure doit être instituée de façon à inspirer confiance aux parties intéressées. Au cours de la discussion qui a abouti à l'adoption de l'instrument, on est parvenu à un accord sur le fait que cette convention ne traitait en aucune façon du droit de grève.

71. A côté des conventions et recommandations internationales mentionnées ci-dessus, le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration et la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT ont formulé des principes relatifs au droit de grève et aux restrictions qui peuvent lui être imposées. L'OIT s'est fondée sur ces principes tels qu'ils ont été définis par ces organes pour conseiller les Etats Membres au sujet de l'élaboration de leur législation du travail. Pour définir ces principes, ces organismes se sont fondés sur les principes généraux relatifs à la liberté syndicale qui sont énoncés dans la Déclaration de Philadelphie et dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. La commission d'experts a entrepris une étude d'ensemble (la sixième) sur l'application de cette convention et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, que la Conférence a examinée à sa 81e session en 1994.

Vers l'adoption d'un nouvel instrument
sur le règlement des conflits

72. Si l'on considère qu'il serait opportun que la question du règlement des conflits fasse l'objet d'une action normative, il faudrait procéder à une enquête beaucoup plus approfondie sur la législation et la pratique nationales afin de rassembler des informations plus détaillées et plus à jour sur les règles et les procédures de règlement des conflits et sur le droit de grève et de lock-out dans les Etats Membres. La dernière étude d'ensemble sera sans doute utile, mais il faudra davantage d'informations pour donner un fondement solide à l'action normative dans ce domaine sensible.

73. Toute nouvelle norme sur le règlement des conflits pourrait inclure des dispositions sur les conflits de droits individuels modifiant celles de la recommandation (no 130) sur l'examen des réclamations, 1967, ainsi que des dispositions sur les conflits d'intérêts modifiant celles qui figurent dans la recommandation (no 92) sur la conciliation et l'arbitrage volontaires, 1951. Compte tenu de la grande diversité des systèmes et des méthodes de règlement des conflits qui prévaut dans les Etats Membres de l'OIT, les nouvelles dispositions ne pourront peut-être pas aller au-delà des déclarations d'ordre général qui figurent dans les recommandations existantes. Néanmoins, on pourrait envisager de transformer ces recommandations en une convention ou en des conventions que viendraient éventuellement compléter une ou plusieurs recommandations.

* * *

II. Enregistrement et déclaration des accidents du travail
et des maladies professionnelles (y compris la révision
de la liste des maladies professionnelles, tableau I
de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents
du travail et de maladies professionnelles, 1964)

74. Les activités normatives de l'OIT en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles ont mis l'accent sur différents aspects de la prévention sur le lieu de travail. Certaines conventions et recommandations comportent des dispositions générales relatives à la déclaration des lésions professionnelles, mais n'envisagent pas véritablement l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles sous l'angle de la prévention. Les définitions nationales diffèrent souvent de la définition internationale que recommande la résolution concernant les statistiques sur les lésions professionnelles adoptée par la treizième Conférence internationale des statisticiens du travail (Genève, 1982). En outre, les procédures de collecte des données et de déclaration varient selon les pays, de même que les sources des statistiques et les domaines qu'elles couvrent (par exemple telle catégorie de travailleurs, tel type d'activité économique, entreprises employant un nombre donné de travailleurs, lésions entraînant une durée minimum d'incapacité, etc.). Les systèmes obligatoires de déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que les régimes d'indemnisation sont en général les deux principales sources de statistiques. Or, compte tenu de la diversité des définitions et des procédures appliquées dans les Etats Membres, il est impossible de savoir précisément si l'information disponible rend bien compte de la situation réelle. Sans harmonisation préalable, on ne peut donc établir des comparaisons internationales permettant d'évaluer le degré d'observation des normes et l'efficacité de la prévention.

75. La question de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, proposée pour la première fois au Conseil d'administration à sa session de novembre 1989, n'a pas été retenue pour l'ordre du jour de la Conférence de 1991(2). Depuis, plusieurs Etats Membres ont modifié leurs systèmes de statistiques sur les accidents du travail ou en ont introduit de nouveaux. Des participants au Séminaire tripartite régional latino-américain sur l'organisation des services de santé au travail et sur l'enregistrement et l'analyse des accidents du travail et des maladies professionnelles (Mexico, 23-27 octobre 1989) ont souligné combien il importe de disposer de données fiables sur les lésions professionnelles et insisté sur la nécessité d'harmoniser les systèmes d'enregistrement et de déclaration. Des propositions visant à harmoniser les statistiques sur les accidents du travail et les maladies professionnelles dans les Etats membres de l'Union européenne ont déjà été avancées, et deux groupes de travail ont été créés: le Groupe de travail chargé de l'harmonisation des statistiques européennes sur les accidents du travail (ESAW) et le Groupe de travail des statistiques sur les maladies professionnelles. A la suite d'une étude approfondie des pratiques en vigueur dans les Etats membres de l'Union européenne, des méthodes ont été mises au point pour l'harmonisation des statistiques sur les accidents du travail et l'établissement de statistiques comparables sur les maladies professionnelles. En 1992, la XXIVe Assemblée générale de l'Association internationale de la sécurité sociale (AISS) a adopté un rapport qui prône également la mise en place d'un système international harmonisé pour la notification des accidents et l'établissement de statistiques.

76. A la session de mars 1994 du Conseil d'administration, il a été proposé d'inscrire la question de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles à l'ordre du jour de la Conférence de 1996(3). Avant d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une future session de la Conférence, le Conseil a décidé d'attendre les résultats de la réunion d'experts qui, en octobre 1994, a été saisie d'un projet de Recueil de directives pratiques sur l'enregistrement et la notification des accidents du travail et des maladies professionnelles pour examen et adoption (voir plus loin le paragraphe 84). Bien que dépourvu de caractère obligatoire, ce projet de recueil indique la démarche à suivre pour établir des critères uniformes propres à faciliter la mise en place, compte tenu de l'expérience internationale, de systèmes qui devraient permettre aux Etats Membres de recueillir des informations comparables. Ses recommandations visent à guider et à encourager leurs efforts d'harmonisation et peuvent contribuer à la définition du contenu de normes internationales futures. Le recueil devrait normalement être publié au cours du dernier trimestre de 1996 -- soit deux ans après son adoption --, mais il est déjà utilisé dans plusieurs Etats Membres.

77. La question de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, de nouveau proposée au Conseil d'administration à sa session de mars-avril 1995, n'a pas été retenue pour l'ordre du jour de la Conférence de 1997(4). Compte tenu des besoins et des tendances récentes au plan international, et du fait que le recueil de directives pratiques paraîtra en 1996, il est proposé d'inscrire l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail de 1999. A l'évidence, des normes internationales permettraient d'améliorer et d'harmoniser à la fois la terminologie et les procédures. Cela faciliterait la collecte de données fiables et comparables sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en vue de l'établissement de politiques et de mesures cohérentes de prévention aux niveaux national et sectoriel ainsi qu'à celui de l'entreprise.

Le problème

78. Malgré les progrès réalisés dans les domaines de la sécurité, de la santé et du bien-être des travailleurs, on dénombre chaque année pas moins de 200 000 décès et 120 millions d'accidents et de maladies d'origine professionnelle. L'absence de données fiables sur les causes de ces accidents et de ces maladies est un obstacle majeur à la prévention de ce fléau. Pour que l'on puisse réunir cette information, il faut qu'il y ait à la fois enregistrement au niveau de l'entreprise et déclaration auprès des autorités compétentes.

79. Les employeurs doivent enquêter sur les accidents et maladies survenant dans leur entreprise et enregistrer les informations obtenues. Certains renseignements essentiels doivent être relevés concernant la victime, y compris les circonstances de l'accident ou de la maladie. Enregistrées selon une présentation uniforme, ces données permettent d'analyser les circonstances des accidents et maladies, d'en découvrir les causes et de concevoir des mesures de prévention. Elles permettent aussi aux représentants des travailleurs, s'ils y ont accès, de contribuer à l'amélioration des conditions de travail.

80. L'entreprise ne doit pas se contenter d'enregistrer et de conserver au niveau de l'entreprise les informations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles; il lui faut également les déclarer auprès des autorités compétentes, c'est-à-dire principalement les organismes de sécurité sociale ou les services chargés de faire appliquer la législation relative à la sécurité et à la santé au travail. Les organismes de sécurité sociale, qu'ils relèvent de l'Etat ou qu'ils soient totalement ou partiellement autonomes, ont besoin de ces informations pour indemniser les victimes ou leurs ayants droit. Les services chargés de faire respecter la législation en ont besoin pour étudier les cas individuels et établir des statistiques qui leur permettront de concevoir des stratégies d'application et des directives propres à faciliter l'élaboration de programmes de prévention efficaces. Certains organismes de sécurité sociale ont pour double fonction d'administrer les régimes d'indemnisation et de contribuer à la prévention des accidents et des maladies. Il importe que la déclaration suive une présentation uniforme de façon que les informations reçues par ces organismes puissent être exploitées efficacement pour déterminer, en particulier, quels sont les accidents et les maladies les plus fréquents et pour mettre au point des stratégies permettant de les combattre.

81. La qualité des informations disponibles au niveau de l'entreprise comme au niveau national à des fins de prévention varie beaucoup d'un pays à l'autre, selon le champ de la législation sur les prestations de sécurité sociale et sur la protection en matière de sécurité et de santé au travail. Certains pays n'ont même pas encore pris de dispositions pour organiser la collecte de données. Les normes nationales s'assortissent rarement de directives pour l'enregistrement et la déclaration.

Normes internationales

82. Les normes de l'OIT en matière de sécurité et de santé au travail n'abordent guère l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles sous l'angle de la prévention et ne sont pas suffisamment directives. La convention (no 160) et la recommandation (no 170) sur les statistiques du travail, 1985, ainsi que la résolution concernant les statistiques sur les lésions professionnelles adoptée par la treizième Conférence internationale des statisticiens du travail (1982), encouragent l'établissement de statistiques sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

83. L'article 11 de la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, prévoit que l'autorité ou les autorités compétentes devront progressivement assurer l'établissement et l'application de procédures visant la déclaration des accidents du travail et des cas de maladies professionnelles par les employeurs et, lorsque cela est approprié, par les institutions d'assurance et les autres organismes ou personnes directement intéressés, ainsi que l'établissement de statistiques annuelles. Le paragraphe 15 de la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, dispose que les employeurs devraient être tenus d'enregistrer les données relatives à la sécurité, à la santé des travailleurs et au milieu de travail jugées indispensables par l'autorité ou les autorités compétentes et qui pourraient inclure les données concernant tous les accidents du travail et tous les cas d'atteinte à la santé donnant lieu à déclaration. La convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, dispose que la législation nationale concernant les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles doit protéger tous les salariés. Chaque Membre doit prescrire une définition de l'accident du travail et dresser une liste des maladies qui seront reconnues comme maladies professionnelles dans des conditions prescrites. La législation nationale devra inclure une définition générale des maladies professionnelles qui soit suffisamment large pour couvrir au moins les maladies énumérées dans le tableau I annexé à la convention. Conformément à la recommandation (no 97) sur la protection de la santé des travailleurs, 1953, la législation nationale devrait exiger la déclaration des cas de maladie professionnelle reconnus ou suspectés. Beaucoup de conventions et de recommandations de l'OIT contiennent des dispositions de ce type, très générales, mais ne donnent aucune indication pratique quant aux méthodes d'enregistrement et de déclaration ni quant aux procédures ou systèmes nationaux appropriés.

84. En octobre 1994, un projet de Recueil de directives pratiques sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles a été examiné et adopté par une réunion d'experts. Le rapport de la réunion, qui rend dûment compte des résultats des discussions, a été soumis lors de sa 261e session au Conseil d'administration(5), qui a autorisé le Directeur général à publier le recueil de directives pratiques(6), lequel paraîtra vraisemblablement au cours du dernier trimestre de 1996. Les experts ont souligné que la collecte, l'enregistrement et la déclaration des données relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles contribuaient à la prévention des lésions professionnelles et qu'il était important d'étudier les causes des accidents et des maladies afin d'élaborer des mesures de prévention. Le projet de recueil a donc été amendé en conséquence de manière à constituer pour les autorités compétentes un instrument utile lors de l'élaboration de systèmes d'enregistrement et de déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, tout en apportant de précieux conseils au sujet d'une action concertée entre employeurs et travailleurs visant la prévention globale des lésions professionnelles. Les experts se sont entendus à considérer qu'il incombe à l'autorité compétente d'établir et de mettre en oeuvre un système national d'enregistrement et de déclaration des accidents du travail, des maladies professionnelles, des accidents de trajet, des événements et des incidents dangereux; que ce système national devrait être mis en oeuvre par l'employeur après avoir consulté les travailleurs et leurs représentants; et que des concepts et une terminologie pertinents pour des systèmes de notification, d'enregistrement et de déclaration devraient être définis par l'autorité compétente à la suite de consultations avec les organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives, et qu'ils devraient s'inspirer du recueil de directives pratiques et être en conformité avec les accords et les recommandations adoptés sur le plan international.

85. Ce recueil a pour objectifs:

  1. d'établir des principes généraux et de renforcer et canaliser diverses activités nationales en systèmes cohérents de collecte d'informations fiables sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
  2. de fournir des orientations concernant les modalités juridiques, administratives et pratiques de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles;
  3. d'instaurer, de contrôler et de valider des procédures uniformes en vue de l'enregistrement des accidents du travail et des maladies professionnelles, et de leur déclaration aux autorités nationales;
  4. d'élargir et de rendre plus efficaces la recherche des causes des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que l'identification de mesures de prévention et leur application;
  5. d'élargir le champ des statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles et d'en améliorer la comparabilité et l'analyse;
  6. de promouvoir le développement progressif des procédures et des méthodes d'enregistrement et de déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, des plus simples aux plus complexes;
  7. de contribuer à l'harmonisation internationale de la terminologie, en ce qui concerne les accidents et les maladies d'origine professionnelle devant être enregistrés et déclarés.

Le projet de recueil définit aussi des critères équivalents pour l'enregistrement et la déclaration des faits et incidents dangereux et des accidents de trajet.

86. La réunion d'experts a reconnu l'intérêt et la nécessité de prodiguer des conseils relatifs aux listes des maladies professionnelles, notamment dans les pays se trouvant à des stades de développement différents et où il n'existe aucune liste de ce type. En conséquence, le recueil de directives pratiques prévoit que l'autorité compétente doit établir une liste de maladies, comprenant au moins les maladies énumérées dans la version la plus récente du tableau I annexé à la convention no 121, qui doivent être considérées comme des maladies professionnelles dans les conditions stipulées, ou qu'elle doit inclure dans sa législation une définition générale des maladies professionnelles qui soit suffisamment large pour englober au moins les maladies énumérées au tableau I, et qu'elle doit réexaminer périodiquement la liste établie et la compléter progressivement. La version actuelle du tableau I, telle qu'elle a été amendée en 1980, figure à l'annexe A du recueil de directives pratiques. Les experts ont reconnu les difficultés inhérentes à l'identification des maladies professionnelles et au fait de se référer à une liste dont l'établissement remonte à 15 ans, et ils ont donc recommandé de mettre à jour le tableau I annexé à la convention susmentionnée. En 1991, une consultation informelle sur la révision du tableau I, organisée par l'OIT, a préparé une liste révisée. Comme cette liste révisée n'a pas été approuvée officiellement, elle a été reproduite à l'annexe B du recueil de directives pratiques, comme exemple de maladies professionnelles que les pays peuvent choisir de faire figurer dans leurs listes lorsqu'ils les révisent et les complètent. La question de la révision de la liste des maladies professionnelles annexée à la convention no 121 a été proposée au Conseil d'administration à sa session de novembre 1992, mais n'a pas été retenue pour l'ordre du jour de la Conférence de 1994(7). Une telle liste peut constituer un instrument précieux pour la mise en oeuvre des nouvelles normes internationales envisagées.

87. Il serait donc approprié que la Conférence examine en même temps la mise à jour de la liste des maladies professionnelles de l'OIT et le ou les instruments internationaux qui pourraient être adoptés sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. La liste proposée de maladies professionnelles qui serait soumise à la Conférence en 1999 a deux finalités: i) elle constituerait la version révisée du tableau I annexé à la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, c'est-à-dire qu'elle serait utilisée à des fins d'indemnisation; ii) elle constituerait également une liste des maladies professionnelles pour le ou les nouveaux instruments, c'est-à-dire qu'elle serait utilisée à des fins d'enregistrement et de déclaration. La seizième Conférence internationale des statisticiens du travail, proposée pour le programme et budget de l'OIT pour 1998-99, examinera les questions liées aux statistiques sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Enregistrement et déclaration des accidents du travail

88. Les modalités d'enregistrement des accidents au niveau de l'entreprise sont très variables. Si les grandes entreprises ont tendance à établir des comptes rendus détaillés des accidents et de leurs causes, ce n'est pas la règle dans les autres. Certaines entreprises, notamment des multinationales, ont établi leur propre système d'enregistrement, parfois pour pouvoir comparer les chiffres entre leurs divers établissements. Ces pratiques répondent certes à un besoin immédiat, mais elles ne sont d'aucune utilité pour les autorités nationales qui s'interrogent sur l'orientation qu'elles doivent donner à leurs efforts de prévention. Dans beaucoup de pays, l'enregistrement des accidents et des maladies au niveau de l'entreprise n'est régi par aucune disposition législative.

89. La déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles est généralement liée à un système national d'indemnisation ou à l'obligation légale de notification à l'autorité compétente. Dans un certain nombre de pays, les rapports faisant état des accidents du travail sont adressés à la fois à l'organisme de sécurité sociale et à l'autorité chargée de faire respecter la législation ou au service équivalent.

90. En règle générale, seuls les accidents donnant lieu à indemnisation ou ceux qui répondent à certains critères font l'objet de déclarations auprès des autorités compétentes, tandis que bon nombre d'accidents mineurs, dont la connaissance serait pourtant encore plus importante pour mettre au point des mesures de prévention, ne sont pas déclarés. Il en résulte que la fréquence relative des accidents déclarés peut varier grandement selon les pays et selon les secteurs de l'économie d'un même pays. Au surplus, des changements dans l'organisation des régimes d'assurance ou dans les critères relatifs à l'indemnisation ou à la déclaration peuvent avoir des conséquences directes sur le nombre des accidents du travail déclarés.

91. Un problème important, lorsque l'on compare les chiffres relatifs aux accidents du travail dans divers pays, est celui des différences dans les principales catégories d'accidents non mortels soumis à déclaration dans chaque pays, qui vont des accidents entraînant une incapacité de travail d'un nombre de jours déterminé aux accidents de toute nature, avec ou sans interruption de travail. En outre, les renseignements à fournir dans la déclaration diffèrent. Dans la plupart des pays, des indications doivent être fournies sur l'heure, le jour et le lieu de l'accident, le type d'accident et sa cause principale, ainsi que sur la nature et le siège de la lésion. Dans certains pays, des précisions doivent être fournies sur ce que faisait la personne au moment de l'accident. Seuls quelques pays demandent que l'on indique la profession, les qualifications et la formation de la personne victime de l'accident, depuis combien de temps cette personne occupe sa fonction et quels sont les dispositifs de sécurité ou l'équipement de protection individuelle prévus. Les critères pour la déclaration des accidents diffèrent pour les accidents de trajet et les accidents de la circulation survenus pendant le travail.

92. On relève aussi des différences considérables en ce qui concerne la déclaration des accidents dans certains secteurs de l'économie. En particulier, dans les secteurs de l'agriculture, de la construction, de la marine et des mines, les critères de déclaration ne sont pas uniformes, ce qui peut se traduire par des informations incohérentes dans un certain nombre de pays. Les déclarations sont généralement peu nombreuses dans le secteur tertiaire. En outre, les travailleurs indépendants, les travailleurs à temps partiel, les travailleurs occasionnels et les stagiaires/apprentis peuvent être omis du fait qu'ils n'ont pas recours aux régimes d'assurance publics.

93. En général, les données relatives aux accidents mortels sont plus fiables que celles qui ont trait aux accidents non mortels parce que les premiers sont presque toujours déclarés. Mais, là encore, la pratique n'est pas uniforme en ce qui concerne l'interprétation du terme mortels aux fins de la déclaration.

Enregistrement et déclaration des maladies professionnelles

94. L'enregistrement et la déclaration des maladies professionnelles sont encore plus compliqués. La plupart des pays ont une définition légale des maladies professionnelles qui revêt la forme d'une liste officielle de ces maladies. Dans bien des cas, la liste officielle est liée aux critères d'indemnisation. Toutefois, il y a des différences entre les méthodes de définition choisies. Certains pays ont une liste de maladies classées qui est parfois similaire, mais pas nécessairement identique, au tableau I annexé à la convention no 121, tel qu'il a été modifié en 1980. D'autres Etats Membres utilisent un système dit mixte (maladies figurant sur la liste et autres maladies). Il en résulte que les statistiques nationales sur les maladies professionnelles diffèrent en ce qui concerne les maladies visées, leur définition, les critères pour reconnaître ces maladies et les catégories de travailleurs concernées. Les maladies ayant des causes multiples et celles qui ont de longues périodes de latence posent des problèmes particuliers.

95. Les procédures de déclaration des maladies professionnelles diffèrent considérablement de celles des accidents du travail, en ce qui concerne aussi bien les personnes chargées de faire les déclarations que les personnes qui les reçoivent. C'est l'employeur ou le médecin qui doit faire la déclaration à l'inspection du travail ou au service équivalent, ou bien le rapport doit être reçu en premier lieu par l'organisme d'assurance. Dans certains pays, il existe plusieurs méthodes d'information facultatives. Les déclarations vont toujours à l'organisme d'assurance chargé de verser les indemnités, mais il arrive que l'organisme de contrôle ne soit pas informé des cas de maladies professionnelles. En général, le nombre de cas de maladies professionnelles non déclarés est impossible à évaluer; d'après les études faites dans de nombreux pays, il n'y a pas de doute que ce nombre est considérable. Il convient de noter que beaucoup de pays en développement ne sont pas en mesure de recueillir et de publier des données nationales sur les maladies professionnelles. Dans ces pays, les maladies résultant d'une exposition professionnelle sont souvent diagnostiquées comme maladies non professionnelles parce que le pays ne dispose pas de spécialistes et/ou d'équipements permettant d'établir un diagnostic suffisamment précis à cette fin.

Teneur de l'instrument ou des instruments
internationaux envisagés

96. Un système national de déclaration, d'enregistrement et d'évaluation des accidents du travail et des maladies professionnelles est essentiel pour le rassemblement de données cohérentes et comparables, pour les comparaisons internationales, et pour une utilisation économique et rationnelle de ressources limitées, dans le monde, afin d'assurer la protection des travailleurs. Des normes internationales prévoiraient une politique et des principes cohérents au niveau national et à celui de l'entreprise, ainsi que la collecte harmonisée de données relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Cela faciliterait l'analyse comparative ainsi que la mise en oeuvre des politiques et programmes nationaux axés sur l'action préventive et les mesures de promotion. Le Recueil de directives pratiques sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles de l'OIT, adopté en octobre 1994, qui est certes plus détaillé que le ou les instruments envisagés, pourrait servir de point de départ pour les élaborer. Une convention énonçant les principes de base, complétée par une recommandation, est envisagée.

97. Les instruments envisagés devraient viser à renforcer et à coordonner diverses activités pour former des systèmes cohérents de rassemblement d'informations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles dans les Etats Membres. Ces systèmes devraient englober les méthodes de déclaration et d'enregistrement au sein de l'entreprise et de déclaration à l'autorité nationale. Un bon système d'enregistrement à l'échelon de l'entreprise faciliterait l'étude et l'analyse des résultats enregistrés, ce qui favoriserait l'examen de la politique de sécurité et de santé au sein de l'entreprise, en particulier en vue de mettre au point des programmes cohérents et efficaces d'action préventive.

98. Les aspects suivants de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pourraient être abordés:

a) Dispositions générales

99. Les dispositions pourraient spécifier que l'autorité compétente devrait définir, mettre en application et réexaminer périodiquement une politique nationale et des principes directeurs cohérents sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, et qu'elle devrait instaurer et mettre progressivement en place des procédures nationales ainsi que les modalités juridiques, institutionnelles et administratives nécessaires. Les dispositions concernant la déclaration au niveau national pourraient couvrir tous les accidents du travail mortels, tous les accidents du travail entraînant une incapacité de travail pendant une période à déterminer par l'autorité compétente et toutes les maladies professionnelles figurant sur une liste nationale ou répondant à la définition des maladies stipulées par l'autorité compétente et diagnostiquées au cours d'une période donnée. Les dispositions concernant l'enregistrement au niveau de l'entreprise pourraient être élargies de manière à couvrir également les accidents et maladies auxquels ne s'appliquent pas les prescriptions en matière de déclaration.

b) Mesures au niveau de l'entreprise

100. Ces mesures concerneraient l'établissement de procédures adéquates et la répartition des responsabilités au sein de l'entreprise: l'employeur aurait à enregistrer les accidents du travail et les maladies professionnelles, et le travailleur à établir un rapport à ce sujet. Les dispositions pourraient préciser la teneur et le format des registres, le délai imparti aux employeurs pour établir les registres, et les mesures à prendre pour s'assurer la coopération des travailleurs et veiller à leur formation en matière d'établissement de rapports et d'enregistrement. Les indications à consigner dans les registres devraient comprendre au moins les renseignements qui doivent être déclarés au service compétent chargé de faire respecter la législation, à l'organisme approprié servant les prestations au titre de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ou à tout autre organisme désigné. Des dispositions pourraient prévoir l'enregistrement d'informations complémentaires ou progressivement plus détaillées.

101. Des renseignements précis sur les causes les plus fréquentes des accidents du travail et des maladies professionnelles et sur l'ampleur des lésions permettraient d'établir plus facilement un ordre de priorité dans les mesures de prévention nécessaires. Ils faciliteraient aussi l'évaluation de l'efficacité des mesures législatives et autres. Des dispositions pourraient ainsi préciser les mesures à prendre pour favoriser une identification et une évaluation plus uniformes des causes des accidents du travail et des maladies professionnelles dans chaque entreprise et, par suite, dans toutes les branches de l'activité économique ainsi qu'à l'échelle nationale, par l'utilisation des informations enregistrées.

c) Déclaration au niveau national

102. Ces dispositions indiqueraient aux Etats Membres comment ils doivent établir et mettre en oeuvre des procédures uniformes pour la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, et notamment les organismes auxquels la déclaration doit être faite; elles préciseraient également les responsabilités des employeurs et des travailleurs quant au respect des procédures prévues. Les instruments envisagés pourraient également porter sur les mesures d'application.

103. Les dispositions préciseraient le type et la portée des informations à fournir à l'organe compétent chargé de faire respecter la législation, à l'organisme approprié servant les prestations au titre de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ou à tout autre organisme désigné, le délai dans lequel la déclaration devra être soumise en fonction du type de lésion et les dispositions que l'entreprise aura prises en matière de déclaration. La déclaration des accidents du travail devrait comprendre des données sur l'entreprise où a eu lieu l'accident et sur son employeur, sur la victime de l'accident, sur l'ampleur, la nature et le siège des lésions provoquées, sur le déroulement de l'accident, sur l'enquête en cours et les mesures prises pour empêcher qu'un tel accident ne se reproduise. La déclaration des maladies professionnelles devrait comprendre des données sur l'entreprise et l'employeur, sur la personne atteinte de maladie professionnelle, sur la maladie professionnelle et les agents, procédés ou expositions qui, par leur nocivité, peuvent avoir causé cette maladie. Des dispositions pourraient prévoir que des informations progressivement plus détaillées figurent dans la déclaration.

104. Les instruments envisagés pourraient également préciser les moyens de promouvoir l'utilisation des données déclarées au niveau national, notamment par la création de bases de données nationales et la compilation de statistiques fiables sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, dont on puisse s'inspirer pour établir un ordre de priorité et élaborer une politique et des programmes nationaux d'action préventive. Les instruments pourraient tenir compte du rôle qui incombe aux organismes de sécurité sociale et aux institutions responsables au niveau sectoriel selon la législation et la pratique nationales.

Révision de la liste des maladies professionnelles

105. Sur la base d'une étude des maladies qui pourraient être incorporées à bon escient dans une liste révisée des maladies professionnelles destinée à remplacer celle du tableau I annexé à la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, la nouvelle liste envisagée pourrait inclure les rubriques supplémentaires ci-après:

  1. maladies causées par des substances chimiques organiques et inorganiques ou leurs composés qui ne figurent pas dans la liste actuelle;
  2. maladies causées par des agents physiques tels que rayonnements thermiques, rayonnements ultraviolets et températures extrêmes;
  3. maladies respiratoires professionnelles non mentionnées dans la liste actuelle;
  4. troubles musculo-squelettiques d'origine professionnelle et maladies causées par des mouvements répétitifs, des efforts vigoureux et certaines postures;
  5. cancer professionnel causé par des substances carcinogènes ne figurant pas dans la liste actuelle;
  6. autres maladies et troubles, y compris les dermatoses causées par des agents physiques, chimiques ou biologiques non mentionnés sous d'autres rubriques et toute autre maladie pour laquelle un lien direct est établi entre l'exposition d'un travailleur à un tel agent et la contraction de la maladie.

106. L'inclusion des maladies susmentionnées dans la liste de l'OIT contribuerait de façon appréciable à la prévention, parce que ces maladies peuvent être évitées si un contrôle adéquat est exercé. Le fait que la liste révisée sera utilisée à des fins d'indemnisation comme à des fins d'enregistrement et de déclaration des maladies professionnelles (paragr. 87) sera de nature à améliorer la circulation de l'information sur la fréquence des maladies liées au travail dans un but de prévention. Cette liste fournira aussi une aide précieuse pour la surveillance de la santé des travailleurs exposés à des risques professionnels spécifiques. Une liste harmonisée aura l'avantage de favoriser une coopération étroite entre les organismes d'assurance et les services chargés de faire respecter la législation (paragr. 95). En raison de la double finalité de la nouvelle liste des maladies professionnelles, qui pourrait comporter deux parties, l'établissement de la liste et l'élaboration des nouveaux instruments sur l'enregistrement et la déclaration des maladies professionnelles devraient être simultanés. Aux fins de l'enregistrement et de la déclaration, la liste devrait non seulement mentionner les maladies pour lesquelles un lien direct avec le travail a été établi, mais aussi celles pour lesquelles on soupçonne l'existence d'un tel lien.

III. Protection des données personnelles des travailleurs

107. On se rappellera que la Réunion d'experts sur la protection de la vie privée des travailleurs, dont la date a été fixée au mois d'octobre 1996, a été chargée d'examiner un projet de recueil de directives pratiques sur la protection de la vie privée des travailleurs et de formuler des recommandations sur l'action que l'OIT devrait entreprendre à cet égard dans l'avenir(8). Si le Conseil d'administration le demande, des informations sur les conclusions adoptées par la réunion d'experts pourraient être incluses dans le document qui lui sera soumis à sa session de mars 1997.

Nature du problème

108. La question de la protection des données doit être replacée dans le cadre plus large des préoccupations en matière de vie privée et de dignité humaine. La notion de droit au respect de la vie privée et sa définition varient suivant les systèmes juridiques et les situations nationales. D'une manière générale, on peut dire que le respect de la vie privée concerne la nature et l'étendue du droit de chacun de ne pas être importuné ou d'être à l'abri d'intrusions injustifiées. On l'a également défini comme la possibilité pour chaque individu de rester maître des renseignements le concernant. Les individus se voient garantir la liberté de décider si les renseignements concernant leur personne peuvent être diffusés, sous réserve de certaines limites tenant aux intérêts légitimes de l'Etat ou des tiers. Les travailleurs ont intérêt, du point de vue de leur droit au respect de la vie privée, à ne pas dévoiler à leurs employeurs des informations de caractère personnel ou sensible. Il peut arriver que cet intérêt entre en conflit avec celui des employeurs qui, eux, ont intérêt à recueillir un maximum de renseignements sur les candidats à un emploi avant de les engager, ainsi qu'à gérer et à surveiller le travail et la manière dont il est exécuté.

109. Les progrès de l'informatique ont accru considérablement la capacité des employeurs de collecter, de stocker et de traiter les informations personnelles relatives aux salariés ainsi que celle d'incorporer rapidement des données en provenance d'autres sources. Ainsi constitué, ce dossier peut contenir des inexactitudes ou induire en erreur. Ces informations, y compris celles qui revêtent un caractère personnel sensible, peuvent être recueillies à l'insu du travailleur; elles peuvent aussi être utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été recueillies à l'origine; elles peuvent encore être transmises à des tiers non autorisés, qu'il s'agisse d'autres entreprises ou d'établissements extérieurs. Le fait de recueillir ainsi des renseignements personnels sans aucune restriction, surtout si c'est à l'insu des intéressés, est source de difficultés particulières pour les travailleurs, lesquels peuvent faire l'objet d'une discrimination dans leur emploi ou leur métier. Les pratiques de certains employeurs ont fait apparaître la vulnérabilité des travailleurs et les atteintes à la vie privée dont ils peuvent être victimes.

110. Les intérêts spécifiques des employeurs ne suffisent pas à expliquer le rassemblement de données de plus en plus détaillées sur les salariés. Les modifications structurelles des relations employeurs-salariés qu'a entraîné le développement des indemnités et avantages divers ont aussi eu une influence. Des informations supplémentaires sur certains salariés sont nécessaires pour la fourniture des prestations. De plus, des mesures réglementaires ont abouti à une augmentation importante des données requises des employeurs par les institutions gouvernementales. Par exemple, plus du tiers des données réunies par les employeurs allemands le sont à des fins fixées par la réglementation.

111. En outre, l'utilisation des ordinateurs pour traiter et stocker les informations, de nombreuses autres méthodes de collecte d'informations sur les individus sont répandues sur les lieux de travail. L'électronique a été utilisée pour surveiller et contrôler les travailleurs, souvent à leur insu. Les écoutes téléphoniques, la surveillance vidéo et le recours aux dispositifs d'écoute et de recherche comptent parmi les moyens les plus couramment utilisés. La surveillance électronique peut être source de crainte et d'angoisse lorsqu'elle sert à la direction à exercer une surveillance excessive et à obliger les travailleurs à respecter des normes irréalistes. Les spécialistes du stress ont constaté que l'intrusion des dispositifs de surveillance et de contrôle constituait un facteur de stress sur le lieu de travail entraînant des troubles physiques et psychologiques.

112. Par ailleurs, la pratique des tests s'étend rapidement. Ils comprennent des tests de dépistage de l'alcool et des drogues, le test du VIH, des tests génétiques, des tests de franchise faisant appel aux détecteurs de mensonge et à d'autres moyens, et un large éventail de tests psychologiques et de personnalité. Ils peuvent être appliqués aux travailleurs comme aux candidats à un emploi. L'utilisation de ces tests peut constituer une intrusion injustifiée dans la vie privée de l'individu, être sans rapport avec l'emploi considéré et avoir des conséquences graves et durables pour les intéressés si les tests ne sont pas fiables ou si des erreurs sont commises lors de l'évaluation des résultats. Enfin, l'ensemble des pratiques de contrôle, de surveillance et de tests peut avoir un effet discriminatoire sur différents groupes et créer un climat général de méfiance et d'incertitude sur le lieu de travail.

113. Ces problèmes ne se limitent pas aux pays industrialisés. Ils se retrouvent à peu près partout. Les télécommunications modernes, la baisse rapide du prix de la technologie de l'information, la mondialisation de l'économie et le transfert des techniques, y compris l'introduction de systèmes de traitement des données perfectionnés dans les pays en développement, multiplient les risques d'atteinte à la vie privée des travailleurs dans des pays de plus en plus nombreux. Ces problèmes ont davantage retenu l'attention au plan national dans les pays industrialisés, non seulement en raison de l'évolution rapide des techniques, mais aussi en réponse à l'élaboration d'un certain nombre de textes: lignes directrices régissant la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données de caractère personnel adoptées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel et Recommandation sur la protection des données à caractère personnel utilisées à des fins d'emploi du Conseil de l'Europe, ainsi qu'un projet de directive de la Communauté européenne concernant la protection des données. Les pays en développement sont, eux aussi, préoccupés par ces problèmes. Des représentants des pays suivants sont membres de Privacy International, organisation non gouvernementale qui se consacre à la défense de la vie privée: Argentine, Chili, Costa Rica, Haïti, Inde, Kenya, Panama, Philippines, Thaïlande, Zambie et Zimbabwe. En outre, les représentants de pays en transition vers l'économie de marché, comme la Bulgarie, ont déclaré que la question était importante étant donné l'essor que devraient prendre le contrôle et la surveillance, et la nécessité de disposer d'un cadre réglementaire avant que ces pratiques ne soient très répandues. En outre, il est indispensable d'améliorer la protection de la vie privée tout en tenant compte des besoins de la gestion du personnel.

L'action à l'échelon national

114. Il est rare que la protection de la vie privée des travailleurs fasse l'objet de textes particuliers dans les législations nationales. Toutefois, la constitution de certains pays, y compris de récentes chartes constitutionnelles, reconnaissent un droit général au respect de la vie privée dans des pays tels que l'Espagne, le Niger, le Portugal et Sao Tomé-et-Principe, alors que, dans beaucoup d'autres, dont la Belgique, le Costa Rica, l'Italie, le Japon, les Seychelles et la Tunisie, une protection d'ordre général est garantie contre toute ingérence dans la correspondance ou d'autres moyens de communication. Certains pays ont traité les problèmes de droit au respect de la vie privée et de la dignité humaine de manière plus spécifique dans leur législation du travail. C'est ainsi que la France a modifié son Code du travail en décembre 1992 pour élargir les principes garantissant les libertés individuelles et la protection de la vie privée des demandeurs d'emploi et des salariés. En Espagne, la Charte des travailleurs dispose que les droits fondamentaux des travailleurs comportent le respect de leur vie privée et de leur dignité. Le Code suisse des obligations prévoit la protection de la personnalité des travailleurs. La législation sur la protection des données, encore qu'elle ne concerne pas spécifiquement le lieu de travail, est l'ensemble de dispositions législatives le plus complet qui ait été adopté à ce jour.

Protection des données personnelles des travailleurs
dans la législation nationale
(9)

115. Portée de la législation. Aucun pays n'a adopté jusqu'ici de législation portant exclusivement sur la protection des données personnelles des travailleurs: la préférence a été donnée à une législation sur la protection des données personnelles en général, applicable à l'ensemble des citoyens, qu'ils soient ou non travailleurs. Le nombre des pays qui se sont dotés d'une législation de ce genre est encore limité. Toutefois, de nouveaux textes législatifs sur la protection des données sont entrés en vigueur en 1993 en Belgique, en Espagne, en Nouvelle-Zélande et en Suisse. Des pays d'Europe orientale ont aussi manifesté un intérêt nouveau pour la protection des données personnelles des travailleurs. Avec les changements que connaissent actuellement leurs systèmes politiques et économiques, ces pays se montrent de plus en plus soucieux d'adopter des politiques et des mécanismes de protection des données qui soient adaptés aux normes établies dans le reste de l'Europe. Des textes de loi ont déjà été adoptés en Hongrie, en Slovaquie(10) et dans la République tchèque, tandis qu'un projet de loi relatif à la protection des données personnelles a été élaboré en Pologne. En septembre 1993, d'autres pays et territoires envisageaient l'adoption d'une législation relative à la protection des données personnelles, notamment la Bulgarie, la Croatie, l'Estonie, la Grèce, le Liechtenstein, la Lituanie et Hong-kong.

116. Environ la moitié des pays qui ont légiféré sur la protection des données personnelles en général réglementent la collecte et le traitement de ces données sous quelque forme que ce soit, manuelle ou électronique. Parmi ces pays, on trouve l'Allemagne, l'Australie, la Belgique, le Canada, le Danemark, les Etats-Unis, la Finlande, la France, la Hongrie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la Slovaquie, la Suisse et la République tchèque. Dans les autres pays (Autriche, Espagne, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède), seules les données personnelles enregistrées sous forme électronique tombent sous le coup de la loi. Au Canada, aux Etats-Unis au niveau fédéral, en Italie et au Japon, la portée de la loi est limitée au secteur public. Les catégories de données protégées varient également et sont définies dans la législation, de même que les sujets auxquels elles se rapportent.

117. Certains pays, au premier rang desquels les Etats-Unis, la protection des données personnelles conservées par les employeurs est assurée de facto. C'est ainsi que les employeurs peuvent être poursuivis pour atteinte à la vie privée pour des manquements concernant la collecte des données, et la conservation, l'utilisation et la divulgation de dossiers personnels. Les affaires d'atteinte à la vie privée qui reviennent le plus fréquemment concernent des employeurs qui ont communiqué à des tiers des renseignements privés, qu'il s'agisse de données d'ordre médical ou psychologique, ou de rapports d'évaluation. Néanmoins, dans la plupart des pays, la protection du droit des travailleurs au respect de la vie privée est assurée essentiellement par des dispositions légales, ce qui confère à la réglementation et à la protection juridique un cadre beaucoup plus clairement défini.

118. Institutions de protection des données. La plupart des pays où la loi protège les données se sont dotés d'institutions spéciales de protection des données chargées de surveiller l'application de la législation. En général, ces institutions ont connaissance des enregistrements, notifications, etc., des employeurs et se prononcent sur leur bien-fondé avant que les dossiers soient établis, et sont habilitées à recevoir les plaintes pour violation de la législation. Dans certains pays, ces organismes ont également un certain droit d'initiative en ce qui concerne la protection de la vie privée, qu'il s'agisse, par exemple, de proposer des amendements à la législation, de proposer des directives pour le traitement des fichiers personnels, ou encore de procéder à des études spéciales (souvent dans des domaines qui n'ont pas été spécifiquement envisagés par le législateur et qui peuvent revêtir une importance particulière sur le lieu de travail, comme celui des tests concernant les drogues, l'alcool, le VIH, les tests génétiques et psychologiques ou les problèmes touchant au contrôle et à la surveillance). C'est ainsi qu'en Nouvelle-Zélande le nouveau Commissaire à la protection de la vie privée a reçu un large mandat qui lui permet d'enquêter sur les affaires qui touchent à la vie privée en général et de suivre l'évolution technologique et son effet sur la vie privée des individus.

119. Les institutions qui s'occupent de la protection des données se sont montrées très actives dans certains pays pour élaborer des politiques ou une réglementation relatives aux données personnelles des travailleurs. C'est ainsi qu'en France la Commission nationale de l'informatique et des libertés a fait valoir la nécessité de restreindre l'utilisation des systèmes automatisés lors du recrutement et du licenciement, a édicté des règles concernant l'exploitation des données recueillies aux fins d'administration du personnel et de paiement des salaires, a critiqué les usages multiples qui sont faits des données sur les salariés par l'interconnexion sans restriction avec les bases de données, a analysé la comptabilité des communications téléphoniques (c'est-à-dire l'enregistrement des numéros et d'autres renseignements sur les appels) et a saisi la justice pour empêcher que l'on ne recueille des renseignements détaillés sur les convictions politiques des salariés et leur vie privée. Au Canada, le Commissaire fédéral à la protection de la vie privée a critiqué avec succès la pratique des employeurs consistant à demander aux salariés des renseignements directs sur leurs maladies ou leurs lésions, a entrepris de limiter le recours abusif au filtrage, aux tests et au contrôle indiscrets, du moins quand il existe d'autres moyens, et a joué un rôle essentiel dans l'examen des problèmes relatifs à la drogue, au VIH et aux tests génétiques. Au Royaume-Uni, le Commissaire à la protection des données a annoncé une révision des autorisations données aux employeurs qui leur permettaient de recueillir des données personnelles, y compris des informations sensibles sur leurs salariés, afin de déterminer si l'information est adéquate à son objet ou si elle le dépasse. Cela vaut, par exemple, pour les autorisations qui permettaient de recueillir des renseignements sur la vie sexuelle des travailleurs à des fins d'administration du personnel et des salariés.

120. Procédures préalables. Dans un certain nombre de pays, les employeurs doivent remplir certaines conditions pour établir des dossiers personnels concernant leurs salariés. C'est ainsi qu'en Autriche notification doit être donnée préalablement à l'autorité compétente; cette notification doit contenir les informations suivantes: la base légale du dossier, les nom et adresse de l'employeur, l'objet du dossier, les personnes que concernent les renseignements ainsi que les modes de classement et de communication des données. Comme c'est le cas en Suède, des licences ou des permis autorisant la collecte et le traitement de certains types de renseignements sont parfois requis. En revanche, en Hongrie, les données concernant les salariés sont exclues de l'obligation d'enregistrement.

121. Collecte des données. Dans la plupart des pays, les données recueillies doivent être pertinentes, à jour, légales et nécessaires aux fins du fichier considéré, en d'autres termes, dans le cas de l'emploi, être liées au travail. De nombreux pays, parmi lesquels le Danemark, la France, la Norvège et la Suède, réglementent la manière dont les données doivent être effectivement recueillies alors que, dans d'autres pays, tels que l'Australie, le Canada, l'Espagne, les Etats-Unis et le Portugal, c'est aux employeurs qu'il appartient de s'assurer que les salariés savent dans quel but les données sont recueillies. Les sources de données sont elles aussi réglementées dans certains pays. C'est ainsi qu'au Luxembourg l'information doit être recueillie auprès des salariés eux-mêmes et qu'en Finlande, s'il s'agit de sources autres que les salariés, les employeurs sont tenus de faire connaître les sources qu'ils ont utilisées. En Belgique, en Espagne, aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande et au Portugal, les employeurs qui utilisent des formulaires pour recueillir les données doivent indiquer le but dans lequel les données sont recueillies, les destinataires de ces données et les conditions d'accès au fichier.

122. Mesures de sécurité. Les employeurs doivent prendre des mesures de sécurité appropriées pour se prémunir contre tout accès non autorisé, ou toute divulgation ou utilisation frauduleuse des dossiers personnels. Au Canada, des mesures de sécurité minimales et spécifiques sont énoncées dans les lois et règlements, alors qu'en France c'est à l'autorité nationale compétente qu'il appartient de veiller à ce que des règles de sécurité appropriées soient adoptées au niveau de l'entreprise. Les personnes qui ont à connaître des données personnelles sont souvent liées par le secret professionnel.

123. Interconnexion des fichiers. Les possibilités d'interconnexion ou de fusion de plusieurs fichiers qui s'offrent aux employeurs sont strictement réglementées en Australie, au Canada (Québec), au Danemark, aux Etats-Unis, en France, en Hongrie, en Norvège, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suède. Beaucoup de pays qui autorisent l'interconnexion des fichiers -- c'est le cas du Danemark, des Etats-Unis, de la France et du Portugal -- prévoient des procédures qui font obligation à l'employeur de spécifier les types d'interconnexion envisagés et leur objet. Il peut arriver que les employeurs soient tenus de préciser les types d'interconnexion et leur objet, ou d'obtenir l'autorisation préalable de l'autorité nationale compétente au moment où sont établis les fichiers personnels.

124. Règles applicables aux données sensibles. La plupart des pays restreignent ou interdisent la collecte et le traitement des données dites sensibles, lesquelles pourront comprendre, selon les définitions retenues dans la législation nationale, les renseignements concernant la race, les opinions religieuses, politiques ou philosophiques, l'origine nationale ou sociale, les habitudes ou les préférences sexuelles, l'appartenance à des syndicats ou autres associations, l'état de santé, la consommation d'alcool ou d'autres substances enivrantes, la fortune personnelle, les rapports d'évaluation professionnelle ainsi que les numéros d'immatriculation à la sécurité sociale. En Suède, les renseignements concernant le rendement et la productivité sont également considérés comme sensibles, et des précautions particulières sont à prendre si des informations à caractère d'évaluation figurent dans les dossiers personnels.

125. Les règles particulières régissant les données sensibles sont plus ou moins strictes selon les pays. La collecte de données sensibles est généralement interdite (sauf quelques exceptions) en Allemagne (Hesse), au Danemark, en Espagne, en Finlande, en France, au Luxembourg, en Norvège et au Portugal. Dans un certain nombre de pays, le stockage de données sensibles est soumis à des mesures de sécurité supplémentaires. En outre, la communication à l'extérieur de données sensibles est également restreinte. Les dispositions vont de l'obligation d'obtenir le consentement du salarié à l'interdiction pure et simple pour certains types de renseignements; tel est le cas en Finlande et en Norvège pour les données de sécurité sociale, au Luxembourg pour les renseignements relatifs à l'appartenance syndicale et au Japon en ce qui concerne la nationalité, les croyances religieuses ou philosophiques, la situation sociale ou les activités syndicales du salarié.

126. Droit d'accès aux dossiers. Un aspect essentiel de la législation sur la protection des données est le droit des intéressés de consulter leur propre dossier. Ce droit est reconnu dans la plupart des pays qui ont légiféré en la matière. Toutefois, au Japon, les salariés n'ont pas le droit de consulter les dossiers personnels détenus par leur employeur. En Nouvelle-Zélande, l'employeur peut refuser de divulguer des renseignements à caractère d'évaluation qui ont été recueillis uniquement afin de déterminer l'aptitude à l'emploi ou les qualifications d'un travailleur, si cette divulgation constitue un manquement à la promesse du secret faite à la personne qui a fourni les renseignements. Dans des pays tels que l'Allemagne, la Finlande et le Luxembourg, les travailleurs peuvent demander à leurs représentants ou au comité d'entreprise de les aider à accéder à leur dossier. Dans tous les pays, les employeurs peuvent avoir le droit de refuser l'accès au dossier dans certaines circonstances bien définies.

127. Rectification des données. La plupart des pays prévoient également la possibilité de rectifier les données personnelles. Dans de nombreux pays, dont l'Australie, l'Autriche, le Canada, les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande et la Suisse, si l'exactitude des données est contestée, le salarié peut demander qu'une note faisant état de la contestation soit annexée au dossier ou bien, comme cela se pratique en Irlande, les données peuvent être complétées par une déclaration établie d'un commun accord par l'employeur et le salarié. Beaucoup de pays, en cas de refus de corriger des données, prévoient la possibilité de déposer une plainte auprès des autorités chargées de la protection des données. En Suède, si l'on soupçonne que des dossiers à fonctionnement électronique contiennent des renseignements personnels erronés ou trompeurs, l'employeur est tenu de procéder sur le champ à une enquête. En Allemagne, si l'on est fondé à douter de l'exactitude des données, l'employeur doit faire connaître la source des renseignements et l'identité de tous ceux à qui ils ont été communiqués. Sont également prévus le droit de faire supprimer les renseignements recueillis de manière illégale ainsi que des procédures permettant de faire figurer des observations dans les dossiers et de demander la suppression de certains documents. En Suisse, les salariés peuvent demander que la suite donnée à une réclamation relative à des données contestées soit portée à la connaissance de tiers ou rendue publique.

128. Communication extérieure des données. La plupart des législations nationales réglementent la communication extérieure des renseignements personnels en exigeant le consentement de l'intéressé, comme c'est le cas en Australie, en Autriche, au Canada, au Danemark, en Finlande, en Hongrie, en Irlande, au Japon, en Norvège, aux Pays-Bas et en Suède, et/ou en précisant que cette communication doit être conforme à la loi ou à la réglementation en vigueur, ou à d'autres conditions spécifiques. Au Danemark, en France et en Suède, l'autorisation de l'autorité compétente peut être requise. Au Canada, les données personnelles peuvent être transmises dans certaines circonstances, même si le salarié refuse son consentement. Un autre aspect de la communication extérieure des données est leur communication transfrontière, laquelle fait l'objet d'une réglementation particulière dans la plupart des pays que l'on vient de citer et dans un certain nombre d'autres.

Réglementation de certaines méthodes
de collecte des données

129. Outre la législation régissant la collecte et le traitement des données personnelles, on se préoccupe de plus en plus de la réglementation de certaines méthodes de collecte des informations auprès des travailleurs, que ce soit au moyen de tests de diverse nature ou de méthodes de contrôle et de surveillance.

130. Tests destinés aux travailleurs. L'utilisation qui est faite des tests par certains employeurs lors du recrutement ou en cours d'emploi est un aspect important du respect de la vie privée des travailleurs et de la protection des données personnelles les concernant. Le problème concerne à la fois les conditions dans lesquelles les employeurs ont le droit d'imposer ces tests aux travailleurs ou aux candidats à un emploi, et l'utilisation et la divulgation des renseignements ainsi obtenus. Naturellement, on s'est plus ou moins intéressé à la réglementation de ces tests selon qu'ils étaient plus ou moins utilisés dans les pays concernés. Dans de nombreux pays, les employeurs ne recourent guère à ce genre de tests et leur utilisation est parfois limitée à des catégories d'emploi bien spécifiques. En fait, peu de pays ont adopté une législation concernant spécifiquement les tests pratiqués sur les salariés. Ce qui s'est passé le plus souvent, en fait, c'est que les efforts de réglementation des tests se sont généralement appuyés sur les textes de loi existants, notamment sur la réglementation relative à la protection de la vie privée et des données personnelles, à la santé et à la sécurité au travail, au milieu de travail, à la participation aux décisions et à la discrimination.

131. Si la législation de nombreux pays interdit l'usage de l'alcool (et, moins fréquemment, des drogues) sur les lieux de travail, du moins dans les industries sensibles sur le plan de la sécurité, il est rare que ces textes prévoient que les salariés puissent être soumis à des tests obligatoires pour vérifier que la loi est bien respectée. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la législation permet de soumettre à des tests de dépistage de l'alcool et des drogues les travailleurs qui occupent des emplois sensibles sur le plan de la sécurité, par exemple dans l'industrie des transports. De même, le gouvernement des Etats-Unis fait obligation aux employeurs du secteur privé qui effectuent des travaux sous contrat pour le compte du gouvernement dans le domaine de la défense nationale ou de l'énergie d'adopter des programmes de tests de dépistage des drogues. Dans d'autres pays, l'employeur pourra s'appuyer sur la législation en matière de sécurité et de santé au travail pour obliger les travailleurs à subir des tests médicaux appropriés soit au moment de l'embauche, soit dans des circonstances particulières, par exemple lorsqu'on est légitimement fondé à soupçonner l'intéressé d'abus d'alcool ou d'autres substances enivrantes.

132. De même, les pays n'ont que rarement précisé dans leur législation les devoirs ou les droits des employeurs qui souhaiteraient soumettre leurs salariés ou les candidats à un emploi à des tests de dépistage du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ou leur poser des questions sur leur état de santé à ce sujet. Toutefois, l'Italie a promulgué une loi qui interdit dans la plupart des cas aux employeurs d'exiger des tests VIH. Il convient de relever à cet égard que ces tests et ces pratiques risquent d'enfreindre la législation relative à la protection de la vie privée des travailleurs et à la protection contre la discrimination lorsque leur pertinence pour l'emploi de l'intéressé n'est pas clairement établie. Néanmoins, le test VIH a été expressément autorisé dans le cas de certaines catégories de personnes lorsqu'il existe un risque particulier de transmission. C'est ainsi que la Commission canadienne des droits de l'homme a pour doctrine, en matière de SIDA, que l'on peut légitimement demander à l'intéressé d'administrer la preuve qu'il est indemne de l'infection à VIH pour occuper un emploi dans trois circonstances: lorsque le salarié est appelé à exécuter des actes invasifs qui impliquent l'exposition au sang ou aux produits sanguins et que le risque de transmission reste réel une fois prises toutes les précautions raisonnables; lorsque le salarié est amené à se rendre dans des pays qui interdisent l'entrée sur leur territoire aux personnes infectées par le VIH; lorsque le salarié exerce des fonctions qui touchent à la sécurité du public et qu'il s'en acquitte seul. Aux Etats-Unis, la loi relative au service de santé publique demande aux Etats d'adopter des directives publiées par le Centre de prévention des maladies qui: a) invitent instamment les personnels de santé qui utilisent des techniques invasives à vérifier qu'ils ne sont pas séropositifs, et b) invitent tous les personnels de santé à respecter scrupuleusement les procédures de prévention. Comme c'est le cas en Pologne et à Trinité-et-Tobago, les examens médicaux des gens de mer peuvent comporter le test VIH.

133. En ce qui concerne les tests génétiques, dans au moins dix Etats des Etats-Unis, la législation interdit toute discrimination en matière d'emploi qui reposerait sur le dépistage d'un ou de plusieurs traits génétiques. Le recours au dépistage génétique est des plus controversés dans un certain nombre de pays, ne serait-ce qu'à cause de sa fiabilité variable comme moyen de prédiction de maladies ultérieures. Le suivi génétique des travailleurs, destiné à repérer les dommages d'ordre génétique que pourraient subir les travailleurs par suite d'exposition prolongée à des substances nocives, est moins controversé. En Finlande, la législation en matière de sécurité et de santé au travail oblige les employeurs à prendre en considération le risque de dommages génétiques auquel sont exposés les salariés travaillant avec certaines substances dangereuses. La Finlande a également participé à un projet de recherche aux côtés d'autres pays nordiques pour déterminer si l'exposition des travailleurs aux génotoxines les prédispose à la maladie, en particulier au cancer. Un projet de loi sur les tests génétiques sur le lieu de travail a été soumis au Parlement danois par le gouvernement du Danemark. De la même manière, en Allemagne, l'utilisation du dépistage et du suivi génétiques sur le lieu de travail a fait l'objet d'un débat au Parlement.

134. Les tentatives faites pour réglementer l'utilisation des tests psychologiques ou de personnalité, notamment dans le cas des candidats à l'emploi, se sont appuyées en partie sur les dispositions qui, dans de nombreux textes de loi relatifs à la protection des données, exigent que l'information sollicitée soit pertinente, ainsi que sur les réglementations particulières relatives aux données sensibles, par exemple celles qui concernent les croyances philosophiques, la vie sexuelle, etc., des travailleurs. La fiabilité de certaines techniques d'évaluation de la personnalité, telles que la graphologie, a été critiquée dans certains pays comme le Canada et la France. De plus en plus, les employeurs qui ont recours aux tests psychologiques et aux tests de personnalité sont invités à apporter la preuve que ces tests ne revêtent pas de caractère discriminatoire, notamment pour des motifs tenant à la race ou au sexe.

135. Les tests de franchise, qu'il s'agisse de moyens mécaniques (détecteurs de mensonge et analyseurs du stress vocal) ou de questionnaires qui prétendent évaluer la franchise des travailleurs, ne sont pas expressément envisagés dans la législation des pays européens. Aux Etats-Unis, les tests de franchise par des moyens mécaniques sont interdits dans le cadre de l'emploi, sauf dans le cas des services de renseignement et de certains services de répression, encore que les détecteurs de mensonge puissent être utilisés dans des circonstances particulières pour les travailleurs de l'industrie pharmaceutique qui participent à la production et à la distribution des médicaments, et pour les travailleurs des services de sécurité chargés de la protection des fonds. Les tests non mécaniques sont interdits au Massachusetts, tandis que, dans l'Etat de Rhode Island, ils ne peuvent servir de base principale à une décision relative à l'emploi. Au Canada, les tests mécaniques de dépistage du mensonge sont illégaux au Nouveau-Brunswick et dans l'Ontario, et ils sont également interdits dans l'Etat australien de la Nouvelle-Galles du Sud.

136. Contrôle et surveillance des travailleurs. Il s'agit là d'un autre secteur relatif à la vie privée et à la protection des données personnelles des travailleurs dont on est amené à se préoccuper de plus en plus. La surveillance audiovisuelle des travailleurs, le contrôle qualitatif ou quantitatif informatisé, la surveillance des appels téléphoniques des salariés et la fouille au corps des travailleurs sont autant de méthodes qui ont fait l'objet de restrictions dans divers pays.

137. Le plus souvent, la réglementation des pratiques des employeurs dans ce domaine se fonde sur la législation existante, de caractère plus général, et sur les principes de bonne foi et d'équité dans les relations d'emploi. Les lois relatives à la protection des données jouent aussi un rôle important et ont été spécifiquement appliquées à certaines formes de surveillance électronique dans des pays tels que la France et la Suède. Dans plusieurs pays, y compris l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, les Pays-Bas et la Suède, les droits de codécision des comités d'entreprise portent aussi sur l'introduction et l'utilisation de dispositifs techniques destinés à surveiller le comportement ou les résultats des salariés ainsi que sur les méthodes de fouille dans les entreprises. En France, le préavis et la consultation du comité d'entreprise sont de règle lors de l'introduction de toute nouvelle technologie permettant de surveiller le comportement ou le travail des salariés, mais il n'y a pas de droit de codécision. Des amendements relatifs à l'embauche et aux libertés individuelles apportés au Code français du travail en 1992 interdisent aux employeurs de recueillir des renseignements au moyen de dispositifs secrets. Dans des pays tels que la Norvège, les Pays-Bas et la Suède, les dispositions de la législation relative au milieu de travail qui prescrivent un milieu de travail satisfaisant peuvent être invoquées pour limiter le droit des employeurs de surveiller le comportement ou les résultats des travailleurs, y compris la surveillance informatisée des travailleurs qui utilisent des écrans de visualisation, à l'insu des travailleurs. Dans certains pays comme la France et la Suède, le Code pénal interdit aux employeurs, sous peine de poursuites, d'enregistrer ou d'écouter les appels téléphoniques sans le consentement du salarié. En France, le Code pénal protège également les travailleurs contre la surveillance sur le lieu de travail au moyen de caméras vidéo. En Belgique, la législation relative aux contrats de travail prévoit une protection similaire.

138. Dans un petit nombre de cas, le législateur a prévu le cas spécifique du contrôle et de la surveillance des travailleurs. En Suède, une loi sur les caméras de surveillance interdit la surveillance dissimulée des lieux de travail publics. En Italie, une loi relative à la liberté des travailleurs et à la liberté syndicale (la charte des travailleurs) contient une disposition concernant l'utilisation d'équipements de télésurveillance de l'activité des travailleurs. Les équipements tels que le matériel audiovisuel, le matériel d'écoute téléphonique et les systèmes informatisés de contrôle et de surveillance, susceptibles d'être utilisés à cette fin, ne peuvent être installés qu'avec l'accord du syndicat ou du comité d'entreprise. Dans une autre de ses dispositions, la loi assortit de certaines conditions les fouilles auxquelles peuvent être soumis les travailleurs. Aux Etats-Unis, un projet de loi envisage de restreindre la surveillance électronique sur les lieux de travail, surtout si elle est dissimulée.

Protection des données personnelles des travailleurs
dans les conventions collectives

139. La protection des données (et de la vie privée des salariés) n'occupe pas une grande place dans les conventions collectives. En effet, il s'est souvent révélé difficile de négocier des dispositions relatives à la protection des données personnelles des travailleurs en raison d'autres priorités jugées plus importantes (salaires, sécurité de l'emploi, durée du travail, etc.), du fait que les employeurs revendiquent leurs prérogatives en la matière et de la complexité du sujet.

140. Lorsque la protection des données est abordée dans les conventions collectives, on ne lui consacre souvent qu'un ou deux brefs paragraphes dans un document par ailleurs assez long. Il n'existe toutefois des conventions, dans certains pays (Allemagne, Autriche, Etats-Unis et Suisse par exemple), qui traitent de manière très détaillée la question de la protection des données personnelles et, dans certains cas, ces conventions sont exclusivement consacrées à cette question.

141. Des conventions de cette nature ont été conclues dans des branches très diverses. On peut y trouver, comme dans le cas d'une convention collective conclue dans une laiterie en Allemagne, des dispositions relatives aux questions suivantes: interdiction d'utiliser les liaisons programmées entre les données relatives au lieu de travail et/ou les données personnelles en vue d'examiner automatiquement l'aptitude d'un salarié à occuper un poste, de comparer automatiquement les aptitudes et les données relatives à la productivité ou au comportement de plusieurs salariés, ou de sélectionner les salariés à muter ou à licencier; interdiction d'utiliser les renseignements pour des contrôles ou l'évaluation du rendement; modifications des données stockées à la demande du salarié; création d'une commission de l'informatique au sein du comité d'entreprise; droit à l'information du comité d'entreprise; recours à un organisme d'arbitrage pour régler les litiges relevant de la codécision occasionnés par l'utilisation de systèmes ou de matériels d'information électroniques. En Norvège, l'accord-cadre de 1990 conclu entre la Confédération norvégienne du commerce et de l'industrie et la Confédération des syndicats de Norvège porte sur les dossiers personnels et contient aussi des dispositions détaillées sur les contrôles internes, la surveillance par télévision, le progrès technologique, et les systèmes et mesures de contrôle informatisés dans l'entreprise.

142. Un certain nombre de dispositions relatives à ces questions figurent également dans les accords relatifs aux technologies nouvelles, notamment en ce qui concerne l'obligation de préavis et de divulgation de l'information aux travailleurs et/ou à leurs représentants, de consultation et de négociation lors de l'introduction de technologie nouvelle et les restrictions apportées à la surveillance du rendement des travailleurs.

Position des employeurs et des travailleurs

143. Organisations de travailleurs. Dans plusieurs pays industrialisés, les organisations de travailleurs ont plaidé vigoureusement en faveur de la protection légale des données personnelles collectées lors de l'embauche et en cours d'emploi. Une de leurs principales exigences est que seules les informations relatives à l'emploi soient rassemblées et que cette catégorie d'information soit définie de façon précise. Les autres exigences sont notamment: que les données soient exactes; que les travailleurs aient accès sans restriction aux données les concernant, qu'ils connaissent l'utilisation faite de ces données et que l'assurance leur soit donnée que les informations réunies dans un but déterminé ne soient pas utilisées pour un autre but; que des limites soient fixées à l'accès aux données dans l'entreprise; que la transmission des données à des tiers ne soit autorisée qu'en accord avec le travailleur; que la conservation des données soit limitée dans le temps; qu'un rôle important soit attribué aux représentants des travailleurs et aux comités d'entreprise lors de l'introduction de nouveaux systèmes de traitement des données et de l'élaboration de la réglementation relative à leur utilisation.

144. A l'échelon international, les organisations de travailleurs ont fait valoir la nécessité de normes internationales du travail et ont elles-mêmes adopté des directives sur la protection des données. Ainsi, des directives sur les systèmes de collecte et de traitement des données personnelles ont été adoptées en 1985 par la Conférence syndicale internationale sur les systèmes de saisie et de traitement des données sur le personnel, organisée par la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (FIET). Outre des dispositions détaillées sur la collecte et l'utilisation des données, les directives contiennent des dispositions portant sur les écoutes téléphoniques et le contrôle et la surveillance des mouvements des salariés.

145. Un grand nombre d'organisations de travailleurs au niveau national ont adopté des principes directeurs concernant les tests de dépistage de l'abus de l'alcool et, dans certains cas, de drogues. Certaines se sont déclarées opposées à presque toutes les formes de tests, y voyant une intrusion injustifiable dans la vie privée des travailleurs et une atteinte à leur dignité personnelle. En matière de dépistage de l'alcoolisme et de l'usage des drogues, ce sont les tests aléatoires, par opposition aux tests fondés sur une suspicion légitime ou au dépistage auquel il est procédé au cours des examens médicaux périodiques, qui rencontrent la plus forte opposition. D'autres organisations ont fait valoir que les tests, quels qu'ils soient, ne doivent pas être introduits de manière unilatérale, mais dans le cadre de la négociation collective, et qu'ils ne doivent concerner que les travailleurs qui présentent des symptômes de troubles dans leur travail. Elles ont également souligné l'importance des garanties en matière de respect de la vie privée, la nécessité de recourir aux formes de tests les plus fiables et l'obligation d'informer les travailleurs et leurs représentants des méthodes de test utilisées.

146. En France, les organisations de travailleurs font valoir que l'abus de l'alcool et des drogues est un problème strictement médical qui devrait être laissé à l'appréciation du médecin du travail uniquement et être protégé par le secret médical. Aux Etats-Unis, les syndicats se sont également déclarés opposés à ce que l'on procède à des tests dans les secteurs où il n'est pas démontré, statistiquement ou autrement, que le problème présente un caractère de gravité. En outre, les tests en matière de drogue ont été tout particulièrement critiqués dans la mesure où, en général, ils mesurent l'utilisation antérieure en dehors du lieu de travail et non les effets préjudiciables au travail.

147. Dans les cas où les organisations de travailleurs ont élaboré des directives concernant le SIDA, celles-ci portent surtout sur l'éducation et la formation, ainsi que sur la protection des salariés. En ce qui concerne les tests VIH, le recours systématique aux tests avant l'embauche s'est heurté à une opposition générale, de même que la pratique consistant à soumettre systématiquement les travailleurs au test. En revanche, le dépistage du VIH n'est pas nécessairement rejeté dans certains cas particuliers, sous réserve de garanties suffisantes en matière de confidentialité et de sécurité de l'emploi. C'est ainsi qu'en Suède, la Commission nationale, au sein de laquelle sont représentées les principales organisations de travailleurs, a publié des directives concernant le VIH sur les lieux de travail qui disposent que, dans le cas des emplois devant satisfaire à certaines exigences de sécurité ou de rendement, des contrôles médicaux peuvent se justifier dans des situations exceptionnelles; ces contrôles peuvent comporter le dépistage du VIH.

148. La question des tests génétiques est moins fréquemment abordée. Au Danemark, les organisations de travailleurs se sont prononcées contre l'interdiction des tests génétiques, préférant contrôler la manière dont la technologie est mise en oeuvre plutôt que de l'interdire. En revanche, aux Etats-Unis, plusieurs Etats ont adopté une législation interdisant les tests génétiques (pour la recherche d'un ou plusieurs traits génétiques) après que des travailleurs eurent protesté parce que les personnes dont les tests génétiques avaient fait apparaître certains traits avaient été victimes de discrimination dans leur emploi et, dans certains cas, de licenciement.

149. Relativement peu d'organisations de travailleurs se sont prononcées sur les tests psychologiques. Celles qui l'ont fait soulignent que les tests utilisés devraient être précis et fiables, qu'ils ne devraient être qu'une méthode d'évaluation parmi d'autres et que le droit à la protection de la vie privée devrait être respecté. La Confédération suédoise des cadres (TCO) a fait connaître des exigences détaillées concernant les tests psychologiques, y compris un droit de veto syndical à l'égard de l'utilisation de ces tests et le droit du candidat à l'emploi de refuser de s'y soumettre.

150. Aux Etats-Unis, les organisations de travailleurs ont énergiquement soutenu le projet de loi sur la protection de la vie privée des consommateurs et des travailleurs visant à limiter l'utilisation de la surveillance électronique et vidéo sur le lieu de travail. Elles font valoir que la surveillance secrète des salariés ne fait pas de meilleurs ouvriers et que, loin d'améliorer la productivité et la qualité, elle crée une atmosphère de suspicion, nuit à la fierté du travail bien fait, empiète sur la vie privée des travailleurs, et qu'elle est source de stress et de troubles physiques et mentaux chez les travailleurs.

151. Organisations d'employeurs. A l'échelon international, les organisations d'employeurs, notamment l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe (UNICE), ont exprimé leur crainte que la législation sur la protection des données personnelles n'entraîne des dépenses disproportionnées par rapport aux objectifs visés. Certaines organisations ont souligné qu'il est difficile d'éviter l'utilisation des données personnelles dans la gestion du personnel. En outre, le développement de la réglementation peut faire gravement obstacle à une gestion efficace; de nombreuses lois sont trop restrictives, et ce sujet est extrêmement sensible et lié aux valeurs culturelles. Pour l'UNICE, il convient d'établir un équilibre satisfaisant entre la nécessité de protéger les individus en ce qui concerne le traitement automatisé des données personnelles et celle de permettre l'exercice d'activités légitimes sans que celles-ci soient soumises à des restrictions injustifiées ou extrêmement coûteuses qui risqueraient de paralyser certains secteurs de l'industrie.

152. Les organisations d'employeurs considèrent souvent les tests comme faisant partie intégrante d'une politique en matière d'alcool et de drogues, y compris des programmes d'assistance aux salariés. Elles soutiennent que l'employeur a le droit d'instituer des tests de dépistage de l'alcool et des drogues, que ce soit à titre régulier ou aléatoire, du moins dans certaines circonstances, particulièrement lorsque la sécurité du personnel et des tiers est en cause. La protection des secrets industriels et commerciaux a également été avancée comme justification des tests. Même si les directives n'insistent pas sur l'imposition de sanctions, le droit d'en infliger n'en est pas moins maintenu. C'est ainsi que la Confédération suédoise des employeurs (SAF) établit une distinction entre l'abus d'alcool, généralement traité comme un problème de santé, et l'utilisation de drogues illicites, et considère qu'il est justifié, dans ce dernier cas, de moins tenir compte des considérations personnelles.

153. En ce qui concerne le SIDA et le test VIH, certaines organisations d'employeurs ont joué un rôle actif dans la formation et l'information de leurs membres. Elles ont souligné que les risques d'infection sur le lieu de travail sont pratiquement nuls dans la plupart des professions et que, normalement, les employeurs n'ont pas de raison d'exiger le test VIH ni de savoir si leurs travailleurs ont le SIDA ou sont séropositifs. Les tests facultatifs destinés au personnel se rendant dans des pays étrangers où les risques pour la santé sont élevés sont encouragés. Dans les professions où existe un risque de transmission du VIH, notamment dans les services de santé, certaines organisations d'employeurs se sont prononcées pour l'utilisation du test VIH, moyennant des garanties appropriées de confidentialité. Aux Pays-Bas, par exemple, le Conseil des fédérations d'employeurs (RCO) estime que le test VIH devrait même constituer un élément essentiel de l'examen médical d'embauche si le médecin estime que le risque professionnel et la sécurité sur le lieu de travail le justifient.

154. Aux Etats-Unis, les organisations d'employeurs s'inquiètent de la nouvelle réglementation que l'on se propose d'introduire en matière de surveillance électronique. Elles ont vigoureusement combattu le projet de loi sur la protection de la vie privée des consommateurs et des travailleurs, encore qu'une organisation au moins ait jugé acceptable une législation exigeant que les mesures de surveillance soient portées à la connaissance des intéressés au cours des entrevues et au moment de l'embauche, ainsi que certaines restrictions à la surveillance des secteurs considérés comme privés sur le lieu de travail, comme les vestiaires. Plusieurs organisations d'employeurs ont fait valoir que la surveillance électronique n'est pas fondamentalement plus inquisitrice que la surveillance personnelle traditionnelle et qu'elle a l'avantage d'une plus grande objectivité. Elles ont également souligné l'importance de la surveillance électronique comme moyen d'améliorer la productivité des salariés et l'assurance de qualité, d'identifier les besoins en matière de formation, d'évaluer les résultats des travailleurs, de contrôler la sécurité et de prévenir les pertes. L'une de ces organisations a également souligné la nécessité pour les employeurs de pouvoir effectuer une surveillance vidéo des piquets de grève pour prévenir les activités illégales.

Action internationale

155. Les dispositions relatives à la protection de la vie privée figurant dans les instruments adoptés par l'Organisation des Nations Unies et les organisations internationales régionales servent dans certains pays de base légale pour contester les pratiques qui, sur le lieu de travail, constituent une violation de la vie privée des individus. Parmi les dispositions fréquemment invoquées, on peut citer la protection de la vie privée à l'article 17 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques, 1966(11), et à l'article 8 de la Convention pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1950, adoptée par le Conseil de l'Europe(12).

156. Le seul instrument international consacré spécifiquement à la protection des données dans le cadre de la relation d'emploi est la recommandation no R(89)2 du Conseil de l'Europe sur la protection des données à caractère personnel utilisées à des fins d'emploi. Cette recommandation avait été adoptée pour donner suite à la Convention de 1981 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, qui est le seul instrument international juridiquement contraignant dans le domaine de la protection des données personnelles en général. Ont également exercé une influence sur le développement des législations nationales les Lignes directrices régissant la protection de la vie privée et des flux transfrontières de données à caractère personnel adoptées par l'OCDE en 1980, lesquelles s'appliquent aux données à caractère personnel qui comportent des dangers pour le respect de la vie privée et les libertés individuelles, quels que soient les méthodes et l'équipement utilisés pour traiter ces données.

157. A l'OIT, la protection des données personnelles des travailleurs n'a pas fait l'objet de normes spécifiques, à l'exception de certaines dispositions sur la protection des données relatives à la santé des travailleurs figurant dans plusieurs instruments sur les services de santé au travail, le poids maximum et le travail de nuit(13). Cependant, la Déclaration de Philadelphie affirme, en tant que principe général, que tous les êtres humains ont le droit de poursuivre leur progrès matériel dans la liberté et la dignité. En outre, les mesures de protection de la vie privée des travailleurs jouent un rôle dans l'application du principe de l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi affirmé dans la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a examiné la question dans son rapport général sur la convention no 111 (et la recommandation no 111) en relation avec la protection contre la discrimination dans l'accès à la profession et à l'emploi et dans les conditions de travail et d'emploi(14).

158. La question a été soulevée dans diverses instances de l'OIT. En 1985, la Commission consultative des employés et des travailleurs intellectuels a adopté une résolution concernant les systèmes d'information sur le personnel et les données de caractère privé dans le commerce et les bureaux(15). Quelques années plus tard, la Commission de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme a adopté une résolution concernant la protection des données personnelles(16) faisant appel aux gouvernements pour qu'ils exigent que les données personnelles concernant les employés du secteur de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme soient réunies et utilisées de telle manière qu'elles respectent la dignité et l'intégrité de la personne. Selon le rapport de 1987 du Groupe de travail du Conseil d'administration sur les normes internationales du travail(17), la protection des données concernant les travailleurs pourrait faire l'objet de nouveaux instruments. Le Directeur général est revenu sur la question dans son rapport sur les droits de l'homme à la 75e session (1988) de la Conférence internationale du Travail(18). Il a estimé que la protection des travailleurs contre une utilisation indue des données personnelles ainsi que de l'équipement électronique moderne aux fins de contrôle et de surveillance du travail effectué par les travailleurs pourrait faire l'objet de nouvelles normes.

159. En ce qui concerne le dépistage de la toxicomanie et de l'alcoolisme, le Comité mixte OIT-OMS sur la santé des gens de mer a adopté en 1993 des principes directeurs concernant les procédures applicables aux tests sur la drogue et l'alcool aux fins d'utilisation sur le plan mondial dans l'industrie maritime(19). En outre, la Réunion d'experts tripartite interrégionale de l'OIT sur le dépistage de la toxicomanie et de l'alcoolisme sur le lieu de travail a adopté des principes directeurs sur le dépistage de l'alcoolisme et de la toxicomanie sur le lieu de travail en mai 1993(20).

160. En ce qui concerne le SIDA, une Consultation conjointe OMS-BIT sur le SIDA et le lieu de travail a débouché sur l'élaboration d'une déclaration consensuelle. Cette déclaration comprend des dispositions sur le dépistage du VIH à l'embauche et en cours d'emploi, lesquelles affirment que ce dépistage ne devrait pas être obligatoire(21). En outre, une Consultation de l'OMS sur le dépistage et le conseil en matière d'infection à VIH a donné lieu à une déclaration générale qui prend position contre le dépistage obligatoire sur le lieu de travail ainsi que dans d'autres cadres. Les actes de la Conférence internationale sur le SIDA et le lieu de travail, coparrainée par de nombreuses institutions dont l'OIT, contiennent une recommandation qui se prononce contre le dépistage systématique de l'infection à VIH sur le lieu de travail(22). En outre, tant la Communauté européenne (Conclusions du Conseil et des ministres de la Santé des Etats membres sur le SIDA et le lieu de travail, 15 décembre 1988) que le Conseil de l'Europe (recommandation no R(89)14 adoptée par le Conseil des ministres du Conseil de l'Europe le 24 octobre 1989) ont pris position contre les tests VIH obligatoires sur le lieu de travail.

161. Hormis les principes généraux relatifs à la protection de la vie privée, à de rares exceptions près, les aspects concernant le contrôle et la surveillance ne sont pas spécifiés dans les instruments internationaux. Par exemple, le principe selon lequel aucune installation de vérification quantitative ou qualitative ne peut être utilisée à l'insu des travailleurs figure dans une Directive du Conseil des Communautés européennes concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation en date du 29 mai 1990 (90/270/CEE).

162. L'aperçu qui précède de la législation et de la pratique nationales montre que les problèmes les plus importants ont été identifiés et que les gouvernements et les organisations d'employeurs et de travailleurs cherchent des réponses et des orientations au sujet de ce problème complexe. L'absence de réglementation dans de nombreux pays constitue une menace pour les travailleurs qui ne sont pas toujours bien informés quant aux répercussions éventuelles de la nouvelle technologie sur leur vie privée.

163. Les pays en développement adoptent divers types de technologie qui ont des répercussions sur la protection des données personnelles des travailleurs et sur les moyens de les surveiller. Des systèmes de comptabilité très élaborés permettant d'exercer un contrôle sont installés dans des pays tels que les Philippines. Le courrier électronique et les communications par fax se généralisent, ce qui pose le problème de l'accès à ce type de communications et des dispositions à prendre pour protéger les données. Le journal Bangkok Post a fait savoir que le centre de bases de données démographiques du gouvernement de la Thaïlande informatise les cartes d'identité et l'enregistrement civil et fournit des services d'information relatifs à la gestion. La décentralisation sur le plan international de la saisie des données a également un impact. L'emploi dans le secteur de la saisie et du traitement courant des données progresse dans les pays en développement, et ces opérations sont parfois spécifiquement destinées à l'exportation, par le biais de la sous-traitance internationale. Ces emplois sont occupés surtout par des femmes. Ce phénomène a deux conséquences: d'une part, ce type de travail fait partie de ceux qui sont le plus sujets à la surveillance ou qui s'y prêtent le mieux (ce qui ne manque pas de rendre plus fatigante encore une activité qui l'est déjà, de par son caractère répétitif) et, d'autre part, lorsqu'une surveillance est effectuée, elle touche essentiellement les femmes(23).

164. Etant donné l'utilisation croissante des techniques électroniques sur le lieu de travail, leur expansion partout dans le monde, et l'internationalisation croissante du traitement des données, il est légitime d'envisager la création de nouvelles normes de l'OIT ayant trait à la protection des données personnelles des travailleurs. La complexité de la relation d'emploi exige la mise en place de règles particulières. D'aucuns estiment suffisante la disposition de caractère général portant sur la protection de la vie privée, inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans certaines constitutions nationales, mais d'autres considèrent que les références à la dignité et à la vie privée sont trop vagues lorsqu'il s'agit d'une application particulière dans une situation spécifique, telle que la protection des données sur le lieu de travail. Les dispositions concernant la protection des données figurant dans les lois et les normes affirment de manière plus explicite que les individus, quelles que soient leur fonction ou leur position, ont le droit fondamental de décider de l'utilisation des données les concernant. Les dispositions des constitutions nationales protègent souvent l'individu contre l'action de l'Etat, mais les relations d'emploi dans le secteur privé ne sont pas toujours protégées. En tout état de cause, les garanties générales de respect de la vie privée et de la dignité personnelle doivent se traduire par des droits exécutoires.

165. Tout en reconnaissant les prérogatives des employeurs en matière de recrutement et de surveillance du travail, les nouvelles normes établiraient des principes généraux concernant la protection des données et d'autres aspects de la vie privée des travailleurs que peuvent soulever certaines méthodes de rassemblement des données. Le respect de la vie privée et de la dignité humaine du salarié lors du rassemblement et de l'utilisation des données personnelles aux fins de l'emploi et dans la relation d'emploi devrait être l'idée maîtresse de ces nouvelles normes. Elles pourraient reconnaître les avantages du traitement automatique des données, mais énonceraient à cet égard des principes visant à minimiser les risques d'atteinte aux libertés fondamentales des salariés, notamment à leur droit au respect de la vie privée.

166. Ces nouvelles normes s'appliqueraient aux données personnelles des travailleurs rassemblées et traitées manuellement ou automatiquement par les employeurs, dans le contexte de la relation de travail, y compris lors de l'embauche. Elles définiraient ce que sont les données personnelles et les sujets auxquels elles se rapportent, et contiendraient des dispositions relatives à l'information des salariés ainsi qu'à la consultation et à la négociation avec leurs représentants concernant l'introduction ou l'adaptation de méthodes de rassemblement et d'utilisation des données personnelles des salariés; elles prévoiraient également la création ou la désignation d'organismes nationaux chargés de surveiller leur application.

167. Des dispositions spécifiques porteraient sur les points suivants: méthodes de rassemblement des données et restrictions les concernant (les données devraient être en rapport avec le travail, pertinentes, actuelles et rassemblées par des moyens équitables et licites); types de données pouvant être rassemblés et restrictions ou interdictions frappant le rassemblement de certains types de données sur des questions personnelles délicates; notification aux salariés du rassemblement de données les concernant et obligation d'obtenir leur consentement pour le rassemblement et la diffusion de certaines données; stockage des données, notamment durée autorisée pour le stockage et moyens d'assurer la sécurité des données; raisons pour lesquelles, aux fins du recrutement ou de l'emploi, des données peuvent être rassemblées ou utilisées; personnes autorisées à accéder aux données; possibilité pour les travailleurs d'accéder aux données les concernant et de les rectifier le cas échéant; restrictions à l'interconnexion des dossiers; divulgation des données et méthodes limitant leur communication à des tiers; principes directeurs concernant la communication transfrontière des données.

168. Des dispositions supplémentaires pourraient être prévues au sujet de certaines pratiques suivies sur le lieu de travail en matière de contrôle, de surveillance et de tests pour recueillir des informations sur les salariés.

IV. Promotion des coopératives

169. Les coopératives jouent un rôle important dans le développement économique, social, culturel et politique de la plupart des pays. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies l'a réaffirmé en 1994 dans un rapport spécial présenté à l'Assemblée générale sur le statut et le rôle des coopératives au regard des nouvelles tendances économiques et sociales(24). En 1995, le Sommet mondial pour le développement social a souscrit à ce rapport en s'engageant lui-même à utiliser et développer pleinement le potentiel des coopératives pour parvenir au plein emploi productif par la mise en place de cadres juridiques encourageant les coopératives à mobiliser des capitaux et à promouvoir l'esprit d'entreprise.

170. On estime à quelque 800 millions le nombre de membres d'entreprises coopératives à travers le monde. Il faut y ajouter 100 millions de personnes occupées par ces entreprises. En outre, le mouvement coopératif soutient indirectement les emplois créés par d'autres entreprises qui achètent ou fournissent des biens et des services aux coopératives.

171. Parmi les plus gros employeurs, on trouve des coopératives, et ces dernières contribuent de façon appréciable au produit national brut dans les pays où s'exerce leur activité. Par les lieux de travail qu'elles constituent, par le rôle d'employeur qu'elles jouent et par leur action en faveur de l'emploi direct et indirect, les coopératives exercent une influence sur l'emploi. Comme elles se soucient du bien-être social de leurs membres, les coopératives agissent également dans les domaines du logement, des soins de santé, des soins aux personnes âgées ainsi que dans celui de l'éducation, principalement dans l'enseignement primaire. Ces services sont souvent fournis sur l'initiative d'organisations de travailleurs et d'employeurs ou en étroite collaboration avec de telles organisations qui partagent les préoccupations sociales et économiques du mouvement coopératif. A cet égard, il y a lieu de rappeler que les syndicats ont joué un rôle important dans le développement des coopératives.

A quoi bon de nouvelles normes internationales?

172. L'OIT reconnaît l'importance des coopératives dans l'article 12 de sa Constitution qui prévoit la consultation des coopérateurs, en plus des employeurs et des travailleurs, à travers leurs organisations internationales reconnues. Conformément à cette disposition, l'Organisation a favorisé le développement des coopératives et prodigué des conseils aux gouvernements et aux organisations d'employeurs et de travailleurs sur le rôle qu'ils peuvent jouer dans ce domaine. En outre, pour ainsi dire depuis sa création, l'OIT favorise le développement des coopératives principalement par ses activités d'assistance technique et de coopération technique.

173. La seule norme qui traite expressément des questions concernant les coopératives est la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966. L'objet de cette recommandation était de donner aux gouvernements des pays en développement des directives pour le développement des coopératives. On estime cependant que la recommandation no 127 n'a pas une portée suffisamment large et qu'elle ne prévoit pas des moyens adéquats pour développer pleinement le potentiel d'auto-assistance des coopératives de nos jours. Il serait par conséquent du plus haut intérêt de concevoir de nouvelles normes internationales tendant à promouvoir les coopératives, sous la forme soit d'une nouvelle convention, soit d'une nouvelle recommandation fondées sur les principes et les valeurs coopératifs de notre époque.

174. Les récentes tendances économiques -- ajustement structurel, et surtout privatisation -- ont fait ressortir le rôle des coopératives dans la promotion de l'emploi indépendant et de l'emploi salarié. Les conséquences de ces changements économiques mondiaux, auxquels les coopératives peuvent réagir, touchent tous les pays. Les normes internationales existantes ne devraient plus être limitées aux seuls pays en développement, aussi la nouvelle norme devrait-elle viser tous les Etats Membres de l'OIT.

175. La recommandation no 127 reflète les préoccupations relatives au développement qui avaient cours dans les années soixante, notamment dans la conception qu'elle exprime du rôle des gouvernements et des coopératives en tant qu'instruments du développement. Dans un réel effort pour remédier temporairement à la faiblesse de l'entreprenariat, les normes se sont concentrées sur la question des instruments dont les gouvernements pouvaient se servir pour favoriser le développement économique. La manière dont de nombreuses législations concernant les coopératives ont été conçues en s'inspirant de ces normes en témoigne. Ces législations ont bien plus fourni une base juridique en vue de l'intervention de l'Etat dans les affaires des coopératives qu'un cadre dans lequel pouvaient s'organiser des activités économiques privées. En vertu de la recommandation actuelle, les gouvernements se sont estimés habilités à intervenir à toutes les étapes des activités des coopératives -- création, détermination des objectifs, gestion quotidienne et finalement dissolution pour des raisons politiques. Certes, la plupart des questions soulevées par la recommandation no 127 conservent leur pertinence, mais les lignes de force et les centres d'intérêt ont évolué de manière si spectaculaire qu'il conviendrait d'envisager de nouvelles normes avec une orientation différente.

176. Les normes existantes s'étendent longuement sur la relation entre le développement des coopératives et la réforme agraire dans les pays en développement, étant donné qu'à l'époque de l'adoption de la recommandation no 127 les pays ayant récemment accédé à l'indépendance étaient obligés d'entreprendre des programmes de développement agricole entraînant la cession aux producteurs autochtones des terres détenues par des étrangers et la réorganisation de la production et de la commercialisation dans le cadre de coopératives. Aujourd'hui, cependant, cette question ne représente plus qu'un aspect limité de la privatisation, qui englobe l'extension des entreprises autogérées dans les pays industriels et les anciens pays socialistes. A titre d'exemple, une nouvelle tendance qui se dessine dans les pays industriels est la réorganisation des entreprises en difficulté en coopératives ou en entreprises possédées et gérées en commun par le biais de leur rachat par les travailleurs ou de plans d'options sur titres offerts aux salariés. Dans les anciens pays socialistes, la privatisation des terres agricoles, des installations manufacturières et de l'infrastructure des services est une affaire à la fois urgente et complexe. Les nouvelles normes internationales doivent donc prendre en compte le processus de privatisation au sens large, alors qu'il est insuffisamment traité dans la recommandation en vigueur qui ne fait référence qu'au processus de réforme agraire.

177. La conception de l'aide financière publique, et donc du contrôle des coopératives, a elle aussi évolué. Au moment de l'adoption de la recommandation no 127, on s'attendait à ce que les gouvernements jouent un rôle prédominant dans l'acheminement de l'aide nationale et internationale vers les coopératives. Les programmes d'ajustement structurel impliquent, entre autres, un retrait progressif de l'Etat dans la gestion des coopératives, et en particulier une réduction de l'aide financière et des subventions. C'est la raison pour laquelle les coopératives intensifient leurs efforts pour mobiliser et gérer leurs mécanismes de crédit et d'épargne, leurs relations commerciales avec d'autres coopératives dans le pays et à l'étranger et un système d'échange mutuel de coopération technique à travers les réseaux de coopératives. La nouvelle norme devrait tenir compte de ces aspects.

178. La viabilité commerciale et l'autonomie de gestion des coopératives, et par conséquent le bien-être économique et social de leurs membres, ont souvent été mis en péril par leur participation aux programmes de développement généraux pour lesquels elles ne possédaient pas les ressources financières ou humaines nécessaires. Il conviendrait donc de ne pas exagérer la contribution des coopératives à ces programmes et de ne pas nourrir d'attentes irréalistes à cet égard. Il faudrait laisser les coopératives développer leur autosuffisance et contracter les obligations décidées par leurs membres. Il serait donc souhaitable de reconsidérer le point de vue selon lequel les coopératives devraient avoir des objectifs d'une aussi grande envergure dans l'optique de la politique économique et sociale globale que ceux préconisés dans les normes en vigueur. Aussi, tant que les normes internationales concernant les coopératives ne seront pas axées sur le renforcement des coopératives indépendantes et autonomes orientées vers leurs membres plutôt que sur l'Etat et les objectifs économiques et sociaux nationaux, elles ne seront pas à même de favoriser le développement des coopératives. On admet généralement qu'un tel déplacement d'accent engloberait mieux les principes coopératifs universellement reconnus et contribuerait à libérer le potentiel d'autosuffisance actuellement sous-utilisé dans les domaines de l'emploi et de la mise en valeur des ressources humaines et sociales.

179. Lors de l'adoption de la recommandation no 127, la mise en valeur des ressources humaines des coopératives était considérée comme incombant principalement aux gouvernements qui possédaient alors les ressources financières et l'infrastructure de formation nécessaires. Les normes en vigueur se limitent donc au cadre traditionnel de l'enseignement et de la formation concernant les coopératives et ne prennent pas en considération la planification des carrières et du personnel, l'analyse des résultats, les systèmes de communication et d'information et le maillage des réseaux institutionnels et de recherche. Cependant, les coopératives réclament de plus en plus de pouvoir jouer un rôle accru dans la planification, la réalisation et le contrôle de la mise en valeur des ressources humaines. Les nouvelles normes devraient donc donner corps à une idée plus large de la mise en valeur des ressources humaines des coopératives et tenir compte du fait que les mouvements coopératifs doivent participer plus largement à cette évolution.

180. Deux réunions d'experts sur les coopératives ont insisté sur la nécessité de repenser les normes internationales existantes dans le sens indiqué plus haut. La Réunion d'experts en coopératives (Genève, mars-avril 1993) a examiné l'impact de la recommandation no 127(25), et la Réunion d'experts sur la législation coopérative (Genève, mai 1995) a discuté de l'incidence de la législation du travail, des systèmes de relations professionnelles et des normes internationales du travail sur la législation coopérative et du rôle régulateur de l'Etat dans la législation coopérative(26). En ce qui concerne la dernière question, le Conseil d'administration a demandé au Directeur général d'envisager la révision de la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966, ainsi que l'a recommandé la réunion d'experts.

181. Nombreux sont les pays qui ont récemment entrepris de réorganiser leur mouvement coopératif. Des lois sur les coopératives sont ou ont été révisées selon les principes coopératifs reconnus sur le plan international, tout en tenant compte des nouvelles manières d'envisager le développement économique et politique. La recommandation no 127 devrait être révisée pour appuyer ou stimuler de telles réformes, en prenant expressément en considération les points suivants.

Nouvelles normes internationales envisagées

182. Le nouvel instrument devrait tenir compte des changements intervenus au cours des trois dernières décennies et refléter la nouvelle vision des problèmes du développement, tout en retenant les parties de la recommandation no 127 qui restent valables.

183. Ce qui pourrait rester inchangé. Les deux principaux points fondamentaux pour l'édification d'institutions démocratiques, à savoir la définition des coopératives et la formulation précise des principales questions que toute législation concernant les coopératives doit traiter, pourraient rester inchangés vu qu'ils reflètent les principes coopératifs. En outre, la législation d'un nombre croissant de pays retient cette définition comme point de départ et incorpore dans des règlements les problèmes proposés par la recommandation no 127.

184. Ce qui pourrait être modifié. Un nouvel instrument pourrait redéfinir les priorités. Il pourrait contenir de nouvelles normes permettant aux coopératives de libérer leur potentiel d'auto-assistance au profit de leurs membres et, partant, de leur collectivité dans son ensemble.

185. Les normes actuelles s'adressent aux gouvernements des pays en développement. Ce champ pourrait être élargi de manière à inclure, entre autres, les gouvernements de tous les Etats Membres de l'OIT, les organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi que les coopératives, leurs syndicats et leurs fédérations. Les raisons qui militent en faveur de l'inclusion des gouvernements de tous les Etats Membres de l'OIT ont été exposées plus haut. Il convient de noter que la réunion d'experts de 1995 a recommandé d'examiner la nécessité de distinguer différentes catégories de pays (pays en développement, pays en transition, pays industriels). Compte tenu de la constitution tripartite de l'OIT, les organisations d'employeurs et de travailleurs pourraient aussi être incluses. Quant aux mouvements coopératifs, on pourrait aussi s'adresser à eux, car il importe d'insister sur les responsabilités du mouvement coopératif lui-même.

186. Comme indiqué plus haut, la recommandation no 127 accorde davantage de pouvoirs à l'Etat que ne le fait le principe de subsidiarité en vogue actuellement. Un nouvel instrument pourrait faire la part des pouvoirs de l'Etat et de l'autonomie des coopératives. Ainsi, le rôle des gouvernements devrait être limité à l'immatriculation, à la radiation et au contrôle du respect de la loi. Il n'en demeure pas moins que les gouvernements partagent la responsabilité de fournir un cadre favorable au développement des coopératives et des autres organisations d'auto-assistance. Les nouvelles normes pourraient, par exemple, faire en sorte que:

  1. les activités sociales des coopératives soient favorisées mais non contrôlées par l'Etat;
  2. l'enseignement, la formation et l'information puissent être conçus et organisés conjointement par les coopératives et par l'Etat, mais qu'ils ne soient pas considérés comme un service public assuré gratuitement par l'Etat;
  3. les activités intéressant à la fois les coopératives et l'Etat, comme la création d'emplois, la protection de l'environnement et la sécurité alimentaire, puissent être librement entreprises par les coopératives, de préférence sur une base contractuelle;
  4. toutes les formes de mesures positives en faveur des coopératives n'aient pas pour effet de menacer leur autonomie;
  5. des lois soient adoptées comme suite à l'expérience acquise dans l'élaboration participative de la législation.

187. Ce qui pourrait être ajouté. Partout dans le monde, les coopératives participent à un éventail toujours plus large d'activités économiques et sociales, donnant lieu à toute une gamme d'initiatives personnelles inédites. Il est certes pertinent d'examiner la meilleure façon d'envisager ces initiatives, mais un cadre législatif n'est pas forcément nécessaire dans tous les cas. Afin d'éviter toute équivoque, il serait opportun d'élaborer de nouvelles normes qui déterminent les initiatives d'auto-assistance nécessitant un cadre législatif pour bien fonctionner. Ce pourrait être fait en complétant la définition des coopératives.

188. La recommandation no 127 contient une liste des questions fondamentales que le législateur doit traiter. Cette liste pourrait rester inchangée, mais ces questions relèvent en grande partie du droit des sociétés. Cette raison ainsi que bien d'autres militent en faveur d'une sociétisation de la législation relative aux coopératives. Le potentiel d'auto-assistance doit cependant être appuyé et protégé par la législation qui met en évidence pour chacune des questions évoquées dans la recommandation existante les spécificités des coopératives telles qu'elles sont définies dans les principes coopératifs, à savoir notamment l'accent placé sur les membres, le contrôle par les membres et l'autonomie.

189. L'absence ou le manque de responsabilité est la principale raison de l'échec des coopératives. Cependant, des coopératives demandent aujourd'hui des audits périodiques en temps opportun des résultats de leur gestion et de leurs résultats financiers à des commissaires aux comptes qualifiés et indépendants qui tiennent compte de l'approche orientée vers les membres, caractéristique des coopératives. En outre, des organisations coopératives faîtières font preuve d'une plus grande aptitude à assurer ce service. Les nouvelles normes pourraient donc prendre en considération la capacité d'autofinancement et d'autocontrôle financier des mouvements coopératifs.

190. Quel type de nouvel instrument? Lors de la réunion d'experts de 1995, les avis étaient partagés sur la question de la forme de l'instrument: une recommandation est-elle appropriée ou faut-il la transformer en convention?(27). Certains experts ont suggéré que l'on pourrait adopter à la fois une convention et une recommandation.

191. Une convention, qui pourrait être complétée par une recommandation, donnerait une dimension universelle aux valeurs fondamentales actualisées des coopératives mentionnées plus haut et bénéficierait d'une plus large reconnaissance de la part des Etats Membres.

192. Au cas où les Etats Membres de l'OIT seraient en faveur de l'adoption d'une recommandation, on estime qu'en raison de la nature même du sujet et des changements de fond proposés dans la norme actuelle il vaudrait mieux adopter une nouvelle recommandation. Néanmoins, une révision de la recommandation no 127 serait aussi envisageable.

V. Révision de la convention (no 103) (révisée)
et de la recommandation (no 95)
sur la protection de la maternité, 1952

193. Reconnaissant la nécessité de protéger les travailleuses à la naissance d'un l'enfant, l'OIT a adopté la convention (no 3) sur la protection de la maternité, 1919. La convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, a réaffirmé les règles énoncées dans la convention antérieure -- droit à un congé de maternité de douze semaines, dont une partie à prendre obligatoirement après la naissance, versement de prestations financières pendant ce congé, interdiction du licenciement pendant le congé de maternité et temps de pause pour allaitement --, en précisant certains points et en donnant à d'autres une plus grande souplesse. La recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, a approfondi les dispositions de la convention no 103 et énoncé des mesures supplémentaires pour protéger la santé des femmes enceintes et allaitantes ainsi que celle de leurs enfants. La Déclaration de Philadelphie (partie III, paragraphe h)) fait figurer la protection de la maternité parmi les buts et objectifs de l'Organisation internationale du Travail.

194. En 1983, après avoir examiné le rôle des deux conventions, le Conseil d'administration a invité le Directeur général à lui soumettre, le moment venu, de nouvelles propositions pour la révision de la convention no 103(28). En 1987, tenant compte de l'importance capitale de la protection de la maternité, le Conseil d'administration a confirmé que les conventions nos 3 et 103 devaient continuer de figurer parmi les normes à promouvoir en priorité.

195. Une directive relative à la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des femmes enceintes, accouchées ou allaitantes au travail a été adoptée le 19 octobre 1992 par le Conseil des ministres des Communautés européennes. Cette directive prévoit l'évaluation des risques spécifiques que comporte l'exposition aux agents, procédés ou conditions de travail réputés dangereux pour la santé, la protection des femmes enceintes et allaitantes contre l'exposition à des agents dangereux ou contre le travail de nuit, l'octroi d'un congé de maternité de quatorze semaines assorti de prestations d'un montant équivalant aux prestations en cas de maladie, et l'interdiction de licenciement, sauf dans des cas exceptionnels n'ayant aucun rapport avec la grossesse. Le Conseil a également adopté une directive (96/34/EC du 3 juin 1996) sur l'accord-cadre concernant le congé parental conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES.

Attitude des différents pays à l'égard
de la protection de la maternité

196. La plupart des pays ont adopté des dispositions légales pour assurer la protection de la maternité. Bien que leur portée et leur qualité soient extrêmement variables, elles s'inspirent manifestement des dispositions des normes de l'OIT; un très grand nombre de pays offrent de meilleures conditions que celles qui figurent dans les instruments pertinents de l'OIT, notamment pour ce qui a trait à la durée du congé de maternité, au montant des prestations en espèces, à la protection de la santé et à la protection contre toute discrimination fondée sur la maternité.

197. Les femmes travaillant dans des entreprises industrielles et non industrielles semblent être protégées par la législation du travail dans la très grande majorité des pays examinés, mais des secteurs qui emploient parfois un nombre considérable de travailleuses, comme l'agriculture ou les services domestiques, sont exclus dans certains pays, de même que les travailleuses à domicile, les travailleuses indépendantes et celles qui travaillent dans de petites entreprises. De très nombreuses législations du travail ne s'appliquent pas aux agents de l'Etat, mais ceux-ci bénéficient généralement de règles particulières en matière de protection de la maternité qui, en pratique, leur offrent souvent des conditions plus favorables. Plus préoccupant est le fait que, dans un grand nombre de pays, le système de sécurité sociale n'assure pas un revenu de remplacement pendant les absences du travail dues à la maternité.

198. Avec l'entrée en vigueur en août 1993 de la loi sur le congé familial et le congé de maladie aux Etats-Unis, le droit au congé de maternité, c'est-à-dire le droit de retourner travailler après une absence pour donner naissance à un enfant, est maintenant reconnu presque universellement. Conformément aux normes de l'OIT, les femmes sont généralement tenues de fournir, à un moment qui peut être prescrit, un certificat médical signé par un médecin ou une sage-femme indiquant la date prévue pour l'accouchement. Toutefois, on peut relever des différences en ce qui concerne la durée du congé, sa répartition et sa prolongation éventuelle, de même que les prestations en espèces qui sont payables pendant le congé. Ces dernières représentent l'équivalent de ce que gagnait la femme auparavant dans certains pays, tandis que d'autres pays prévoient des prestations inférieures ou qui ne sont payées que durant une partie du congé. Les normes de l'OIT prévoient que ces prestations devraient être financées par des fonds publics ou par un système d'assurance, et que l'employeur ne peut être tenu de prendre à sa charge le coût des prestations dues aux femmes qu'il emploie. Toutefois, dans de nombreux pays, l'employeur reste tenu de prendre à sa charge une partie (par exemple Honduras, Norvège) ou la totalité (par exemple Burundi) du traitement de l'employée. En outre, un grand nombre de pays précisent les conditions donnant droit au congé ou aux prestations de maternité, ou aux deux, conditions qui peuvent exclure de la protection certains groupes de femmes.

199. Plusieurs pays exigent que les femmes aient été employées pendant un minimum de temps pour pouvoir prétendre à un congé de maternité (une année pour l'Australie) ou à des prestations de maternité. Dans beaucoup de pays, elles doivent avoir cotisé au système de sécurité sociale ou d'assurance pertinent pendant une période allant de quelques semaines à un an. Lorsque l'employeur est tenu de prendre à sa charge le coût des prestations en espèces, celles-ci peuvent être calculées en fonction de l'ancienneté chez le même employeur (en Arabie saoudite, 50 pour cent du revenu après un an, et 100 pour cent après trois ans). Toujours en infraction avec les normes de l'OIT, quelques pays limitent le droit au congé de maternité à un certain nombre de grossesses durant la période où la femme travaille pour le même employeur (par exemple Egypte) et, dans certains cas exceptionnels (par exemple les enseignants à Trinité-et-Tobago), si une femme n'est pas mariée, elle ne peut prétendre à un congé de maternité. Le droit au congé peut aussi être défini en fonction des effectifs de l'entreprise. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis la loi sur le congé familial et le congé de maladie ne s'applique qu'aux salariées des sociétés comptant plus de 50 travailleurs dans un rayon de 75 miles.

200. Des progrès notables ont été relevés en ce qui concerne la durée du congé de maternité. Les deux conventions de l'OIT sur la protection de la maternité prévoient une période de douze semaines. Il n'y a que 34 pour cent des 144 pays pour lesquels on dispose d'informations dans lesquels cette disposition n'est pas respectée, alors qu'elle l'est dans environ la moitié d'entre eux et qu'elle est dépassée (parfois jusqu'à 50 pour cent) dans 59 pays. Quelques pays (par exemple Trinité-et-Tobago) prévoient 13 semaines; plus de 20 pays, notamment le Bénin, le Japon et Panama, ont atteint la durée de 14 semaines préconisée dans la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952. Dans d'autres pays, cette durée est dépassée (par exemple 15 semaines en Belgique et au Congo; 16 semaines en Autriche et en Espagne; 18 semaines au Chili). Depuis 1982, date à laquelle le Conseil d'administration a réexaminé la situation pour la dernière fois, la durée du congé de maternité a été augmentée dans un certain nombre de pays, par exemple Belgique, Chili, Chypre, Cuba, Danemark, Espagne, Grèce, Guatemala, Suède et Venezuela. Enfin, de nombreux pays accordent aux nouveaux pères une brève période de congé au moment de la naissance (par exemple Finlande, six jours payés; Nouvelle-Zélande, deux semaines non payées; Turquie, trois jours payés; Uruguay (dans le secteur public), trois jours payés).

201. Depuis la fin des années soixante-dix, certains pays ont une politique de congé pour responsabilités familiales qui, au lieu de se limiter aux mères, s'inscrit dans une optique parentale. C'est ainsi que, de nos jours, le congé de maternité et le congé de paternité font partie du congé parental dans des pays tels que l'Australie, le Danemark, l'Islande, la Norvège et la Suède. Les régimes de congé parental réservent généralement une partie du congé à la mère qui a besoin de se reposer à la fin de la période de grossesse pour protéger sa santé et celle de l'enfant qu'elle porte en son sein (par exemple 14 semaines pour la mère, à prendre avant et après la naissance comme dans les régimes de congé de maternité), et jusqu'à deux semaines au père, à prendre au moment de la naissance ou peu après, et prévoient que le solde sera réparti entre les parents comme ils l'entendent. On notera également que le congé d'adoption est prévu de plus en plus souvent pour les parents adoptifs, que ce soit dans le cadre des régimes de congé parental (par exemple au Portugal) ou du congé de maternité postnatal (par exemple au Chili et en Pologne). En Colombie, la durée du congé d'adoption équivaut à un congé de maternité complet.

202. Dans certains cas, le droit au congé est accordé en totalité (par exemple Grenade, Philippines et Zambie) et la répartition du temps libre est laissée en grande partie à la discrétion des femmes intéressées. Dans la plupart des pays, toutefois, la répartition du congé de maternité est réglementée: la durée du congé prénatal et du congé postnatal est fixée; dans d'autres, les femmes ont la possibilité de réduire la durée de leur congé prénatal et d'allonger d'autant celle de leur congé postnatal (par exemple deux semaines en France).

203. Dans de nombreux pays, notamment en Autriche, à la Barbade, en Inde, en Irlande et au Maroc, la période de congé postnatal est obligatoire, comme le préconisent les normes de l'OIT. Toutefois, cette période peut être d'une durée inférieure aux six semaines prescrites par les normes (par exemple cinq semaines à Malte). Il y a aussi des cas où la femme peut reprendre son travail avant la fin de la période obligatoire si elle présente un certificat médical attestant qu'elle est apte à le faire (par exemple en Suisse). Dans quelques pays (par exemple en Allemagne), le congé prénatal et le congé postnatal sont tous deux obligatoires. Dans d'autres, l'employeur peut demander à la femme concernée de cesser de travailler à un moment donné avant la date prévue pour l'accouchement. Dans d'autres encore (par exemple au Canada), il n'y a pas de période de congé obligatoire car on estime que le congé est un droit qui doit être exercé librement, et que le temps libre doit être organisé en fonction des besoins individuels des femmes.

204. Conformément aux dispositions des normes de l'OIT, le congé de maternité est souvent prolongé en cas de maladie résultant de la grossesse et de l'accouchement (Cameroun, Chili, Grèce, Indonésie). Plusieurs pays prévoient aussi une prolongation du congé de maternité en cas de naissances multiples (Afghanistan, Ghana, Luxembourg). Dans un autre groupe de pays, la prolongation est envisagée pour les deux motifs (Chine, France, Guinée). Le congé de maternité est aussi prolongé dans un grand nombre de pays lorsque l'accouchement se produit plus tard que prévu; parmi ces pays, on peut citer les Bahamas, la Belgique et le Burundi. Plusieurs pays veillent, en cas de naissance prématurée, à ce que la durée du congé ne soit pas écourtée et stipulent que le congé postnatal sera augmenté du nombre de jours qui n'ont pas été pris avant la naissance, comme en Ethiopie, à Malte et au Nicaragua.

205. Dans de nombreux pays, les femmes qui reprennent le travail après un congé de maternité ont le droit de retrouver le poste qu'elles occupaient auparavant. Dans d'autres pays, on doit leur offrir une situation comparable.

206. La possibilité de percevoir des prestations en espèces pendant le congé de maternité et le montant de ces dernières sont particulièrement importants. Dans un tout petit nombre de pays (par exemple en Australie, aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande), le congé de maternité n'est pas payé. Dans d'autres, il y a paiement d'un montant forfaitaire. En vertu de la convention no 103, lorsque ces prestations sont fournies au titre d'une assurance sociale obligatoire et fondées sur les gains antérieurs, elles doivent représenter au moins les deux tiers des gains précédents qui sont pris en compte pour le calcul des prestations. Dans seulement 20 des 144 pays pour lesquels on dispose d'informations, les prestations calculées sur la base des gains antérieurs, qu'elles soient versées par l'assurance ou la sécurité sociale ou bien encore par l'employeur, sont inférieures à cette norme, qui est atteinte ou dépassée dans plus de 90 pays. Toutefois, dans un petit nombre de pays, notamment en France et aux Pays-Bas, la prestation est calculée sur la base d'un plafond salarial qui peut être inférieur au traitement réel des femmes qui occupent des postes élevés. Au cours des dix dernières années, des augmentations du montant des prestations en espèces ont été introduites dans certains pays, notamment à Belize (de 60 à 80 pour cent), à Chypre (de 60 à 75 pour cent), au Costa Rica et au Honduras (des deux tiers à 100 pour cent) et au Sénégal (de 50 à 100 pour cent). Dans certains pays, des prestations en nature ont aussi été maintenues.

207. La plupart des pays fournissent également des prestations médicales, notamment des soins pour la période prénatale, l'accouchement et la période postnatale. Certains pays, comme la France, encouragent la femme à se soumettre régulièrement à un examen prénatal en lui fournissant une allocation qui lui est versée sur présentation d'un certificat médical, mesure qui s'applique aussi bien aux travailleuses qu'aux non-travailleuses mais qui peut s'accompagner, dans le cas des travailleuses, de l'octroi de temps libre rémunéré pour subir l'examen, comme en Chine. L'octroi de temps libre rémunéré pour les examens médicaux prénatals est souvent prévu par les conventions collectives.

208. Conformément aux normes de l'OIT qui préconisent un temps de pause pour allaitement, la législation de la plupart des pays autorise les nouvelles mères à interrompre leur travail afin d'allaiter leurs enfants, en général deux fois par jour pendant une demi-heure. Des temps de pause plus longs sont prévus, par exemple en Mongolie (deux pauses d'une heure jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de six mois, une seule pendant les six mois suivants) ou en Somalie (deux pauses d'une heure). Dans certains cas, la loi fait obligation à l'employeur de fournir des locaux appropriés permettant aux travailleuses d'allaiter. Il semble que, lorsque l'on attache une importance particulière aux avantages de l'allaitement au sein pour la santé de l'enfant, comme par exemple aux Etats-Unis, ces locaux sont fournis volontairement. En général, les temps de pause pour allaitement sont considérés comme du temps de travail et rémunérés en conséquence, mais dans certains cas la rémunération résulte de la négociation collective et non de prescriptions légales. Dans certains pays, la loi prescrit la durée de la période durant laquelle le temps de pause pour allaitement doit être accordé (par exemple six mois au Brésil, neuf mois en Espagne, douze mois au Japon, quinze mois au Bénin et dix-huit mois en Egypte).

209. Les normes relatives à la protection de la maternité traitent de la question de la protection de l'emploi en interdisant tout licenciement pendant le congé de maternité (et toute prolongation de celui-ci), ou à une date telle que le préavis expirerait pendant le congé. Le licenciement pour des motifs qui pourraient être considérés comme légitimes n'est pas autorisé durant cette période. La convention (no 158) sur le licenciement, 1982, dispose que la grossesse ou l'absence du travail pendant le congé de maternité ne constituent pas un motif valable de licenciement. Dans plusieurs pays, notamment au Bangladesh, au Botswana et en Irlande, la législation reflète l'interdiction contenue dans les conventions de l'OIT relatives à la protection de la maternité. Toutefois, dans plusieurs autres pays, l'interdiction existe mais elle n'est pas absolue. C'est ainsi qu'en Guinée, où un employeur n'a pas le droit de licencier une femme durant le congé de maternité ou toute prolongation de celui-ci, le licenciement est légal si la salariée a eu une conduite répréhensible sans liaison aucune avec la grossesse ou si, pour des raisons étrangères à la grossesse, l'employeur estime impossible de maintenir le contrat en vigueur; dans bien des pays, un employeur peut licencier une femme en congé de maternité qui a pris un emploi rémunéré durant ce congé. Dans un autre groupe de pays, le licenciement est interdit pendant une période plus longue que celle qui est envisagée dans les normes de l'OIT, par exemple durant les derniers mois de la grossesse ou à partir du moment où celle-ci est connue, comme à Chypre, mais l'interdiction n'est pas absolue et les travailleuses en question peuvent être congédiées pour de justes motifs sans rapport avec la grossesse ou dans des cas tels que la fermeture de l'entreprise. La nécessité d'assurer la protection de l'emploi en cas de maternité est donc reconnue par la grande majorité des pays, où la législation garantit la protection de l'emploi pendant toute la durée de la grossesse, le congé de maternité et aussi pendant une période déterminée après l'expiration du congé (par exemple trois mois en Colombie). Il n'est pas rare que le congé de maladie soit pris en compte pour l'ancienneté.

210. La plupart des pays admettent la nécessité de protéger la santé des femmes enceintes et allaitantes et ils ont adopté à cette fin un certain nombre de mesures qui s'inspirent dans les grandes lignes des directives contenues dans la recommandation no 95 de l'OIT. Le niveau de protection accordée varie, mais les mesures que l'on rencontre le plus fréquemment sont l'interdiction du travail de nuit, des heures supplémentaires et de certains types de travaux reconnus par l'autorité compétente comme étant préjudiciables à la santé de la mère ou de l'enfant. Les travailleuses de nuit et celles qui exécutent normalement des travaux dangereux doivent généralement être mutées, sans perte de gains, à un poste plus approprié à leur état.

211. Dans un certain nombre de pays, le travail de nuit est interdit à toutes les femmes, que ce soit dans l'industrie ou d'une façon générale; une protection spéciale pour les femmes enceintes y est donc moins nécessaire. En Italie, les dérogations à l'interdiction générale du travail de nuit pour les femmes dans l'industrie, qui ont été négociées dans le cadre des conventions collectives, ne peuvent pas s'appliquer aux femmes enceintes ou jusqu'à sept mois après l'accouchement. Le travail de nuit est interdit aux femmes enceintes au Chili, en Ethiopie et en Indonésie; dans certains pays, l'interdiction ne porte que sur une partie de la grossesse (par exemple les trois mois qui précèdent la date prévue pour l'accouchement au Lesotho); toutefois, en pareil cas, la période durant laquelle la femme n'est pas autorisée à travailler la nuit peut être prolongée si un médecin le demande (Namibie). Ailleurs, par exemple au Japon, si une travailleuse enceinte ou allaitante le demande, elle n'est pas contrainte de travailler la nuit.

212. Les heures supplémentaires sont interdites dans un grand nombre de pays, notamment au Ghana (femmes enceintes et femmes ayant des enfants de moins de huit mois), dans la République démocratique populaire lao (l'interdiction s'applique aussi au travail effectué pendant les journées normales de repos), au Panama et en Suisse. Les conventions collectives contiennent souvent des dispositions supplémentaires pour l'aménagement des heures de travail des femmes enceintes ou allaitantes, qui peuvent être autorisées à s'en aller plus tôt ou à arriver plus tard de façon à éviter les heures de pointe, comme en France.

213. La plupart des pays interdisent l'emploi des femmes enceintes et allaitantes à un travail qui, de l'avis de l'autorité compétente, est préjudiciable à leur santé ou à celle de leur enfant. Certains pays énoncent l'interdiction en termes généraux, tandis que d'autres précisent les types de travaux qui sont interdits, par exemple exposition aux produits chimiques, aux rayonnements et aux infections en Finlande, aux rayonnements ionisants en Guinée; manutention manuelle de charges en Italie (jusqu'à sept mois après l'accouchement) et exposition au benzène en Espagne. En Turquie, la protection contre les travaux pénibles s'étend jusqu'à six mois après l'accouchement. D'autres pays indiquent que, pendant une certaine période, les femmes enceintes seront affectées à des travaux légers (Cambodge). Dans plusieurs pays, les femmes affectées à un travail incompatible avec la grossesse doivent être transférées à un travail approprié (par exemple Chili, France, Thaïlande); dans certains d'entre eux, lorsque le transfert n'est pas possible, le congé de maternité commence dès que l'incompatibilité est établie (Danemark). Le transfert est aussi prescrit lorsque le travail n'est pas dangereux en soi mais qu'un médecin le juge inapproprié à l'état de santé de la travailleuse (par exemple France, Tchad). Au Ghana, les femmes enceintes (après le quatrième mois) ne peuvent pas être affectées à un travail en dehors de leur lieu de résidence permanent.

214. Seules les femmes ont la capacité biologique de porter, de mettre au monde et d'allaiter des enfants. Bien que les femmes accomplissent une fonction sociale unique en donnant naissance à des enfants, dans la pratique la maternité peut être une source de discrimination, par exemple lorsque des grossesses effectives ou potentielles sont prises en compte dans l'examen de demandes de formation ou d'emploi ou sont considérées comme un motif de licenciement. Elle peut aussi provoquer une discrimination indirecte en matière de conditions de travail. Etant donné qu'il y a de plus en plus de femmes qui souhaitent ou doivent combiner leur travail avec la maternité et que le travail des femmes est de plus en plus nécessaire au développement des économies nationales, de nombreux pays ont modifié leur attitude à l'égard de la maternité et du travail au cours des quarante dernières années. En particulier, on admet de plus en plus que les femmes ne devraient pas être désavantagées sur le marché de l'emploi en raison de la maternité. Ainsi, des mesures ont été prises dans plusieurs pays pour que les femmes ne fassent pas l'objet de discrimination du fait de leur grossesse. Parmi ces mesures, on peut citer une interdiction générale de toute discrimination fondée sur la grossesse (comme aux Etats-Unis et au Venezuela) ou des dispositions plus précises (par exemple en France, où il est illégal pour un employeur de chercher à savoir si une candidate à un emploi est enceinte). Dans un jugement de 1989, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé qu'un employeur qui licencie ou refuse de recruter une femme parce qu'elle est enceinte transgresse la directive communautaire de 1976 sur l'égalité de traitement. La Cour a fait valoir que la grossesse est propre aux femmes, de sorte que, chaque fois qu'il y a traitement défavorable pour cause de grossesse, il y a par définition discrimination fondée sur le sexe: il n'est pas nécessaire de comparer le traitement d'une femme enceinte avec celui d'un homme hypothétique, comme cela est généralement prévu dans les affaires portant sur l'égalité des sexes.

215. De nombreuses conventions collectives contiennent des clauses concernant la protection de la maternité. Certaines conventions ne font que reprendre les dispositions légales, mais le plus souvent elles prévoient une meilleure protection dans plusieurs domaines. Il n'est pas rare que l'employeur accepte de verser des prestations financières supérieures à celles de la sécurité sociale, qu'il accorde un congé de maladie plus long que celui qui est prescrit par la législation, et qu'il autorise de plus longues interruptions de travail pour allaitement ou accorde un congé de paternité alors que cela n'est pas prévu par la loi. Il arrive aussi que des employeurs décident de s'abstenir de donner à leurs salariées enceintes un préavis de licenciement pendant une période plus longue que la période au cours de laquelle la loi leur interdit de le faire ou d'accorder le congé de maternité aux femmes qui ne sont pas au bénéfice de la législation pertinente (par exemple dans les métiers essentiellement féminins de certains pays, où un certain nombre de salariées à temps partiel font moins d'heures de travail que ce que requiert la législation sur la protection de la maternité). On recourt aussi parfois à la négociation collective pour apporter des précisions qui ne figurent pas dans la législation: par exemple, en Malaisie, un accord conclu entre l'Association des banques commerciales et le Syndicat national des employés de banque prévoit que, lorsque des jours fériés tombent dans une période au cours de laquelle une employée est en congé de maternité, le congé doit être prolongé d'un jour ouvrable pour chacun de ces jours fériés. En vertu d'un certain nombre d'accords, les travailleuses sont autorisées à prendre leur congé annuel immédiatement après leur congé de maternité.

Perspectives d'action internationale future

216. Les conventions sur la protection de la maternité ont recueilli jusqu'à présent peu de ratifications. En août 1996, la convention no 3 et la convention no 103 n'avaient été ratifiées que par 34 pays chacune. Cette légère augmentation par rapport aux chiffres de 1982 est due principalement à la confirmation, par de nouveaux Etats, de la ratification couvrant leur territoire qui avait été faite avant qu'ils deviennent Membres de l'OIT.

217. Le manque de souplesse des instruments décourage les ratifications. Les quatre principaux obstacles qui s'opposent à la ratification de la convention no 103 sont les suivants: a) son champ d'application, qui est défini de manière très large; b) le caractère obligatoire du congé postnatal; c) l'interdiction absolue du licenciement pendant la période, relativement courte, du congé de maternité; et d) la disposition selon laquelle les employeurs ne doivent pas être directement responsables du versement des prestations.

218. En revanche, il ressort de la brève analyse qui précède que des progrès sensibles ont été accomplis dans de nombreux pays, où la législation et la réglementation comportent maintenant des normes équivalentes, et même supérieures à celles de la convention no 103, ou prévoient des mesures que les normes n'envisagent même pas.

219. Le droit à la protection de la maternité, qui a été énoncé dans une résolution adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1975, a été largement reconnu dans un grand nombre d'Etats Membres. Le mode de participation des femmes à la vie active s'est modifié de façon très nette, la plupart continuant aujourd'hui à travailler lorsqu'elles ont des enfants. L'évolution récente de nombreux pays témoigne d'une volonté politique de renforcer la protection de la maternité. L'OIT devrait être en mesure de guider ces efforts dans le cadre commun de normes modernes dont la souplesse permet à des pays aux situations très différentes de consolider leurs acquis et d'y apporter des améliorations réalistes, tout en répondant aux besoins et aux vux des travailleurs et aux préoccupations légitimes des employeurs. Plusieurs membres gouvernementaux du Conseil d'administration, notamment ceux du groupe africain, de l'Allemagne, de l'Australie, du Brésil, du Canada, de la Chine, de l'Espagne, des Etats-Unis, de la France, de l'Inde, de la République islamique d'Iran, de l'Italie, du Nicaragua, de la Norvège, du Pakistan, du Panama, des Pays-Bas, de la Pologne, du Royaume-Uni et de la Fédération de Russie, estiment que le moment est venu de réviser la convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, et la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952.

220. Une révision des normes sur la protection de la maternité devrait avoir pour objectif d'élaborer des normes qui puissent être largement ratifiées et qui tiennent compte en même temps des progrès réalisés dans de nombreux pays. Il faudrait s'efforcer d'assurer une souplesse suffisante dans les domaines -- recensés au paragraphe 217 ci-dessus -- où l'on a relevé l'existence de difficultés pour un certain nombre de gouvernements. En même temps, il faudrait veiller à ce que les dispositions assurant une protection fondamentale -- non-discrimination et sécurité de l'emploi, protection de la santé, congé de maternité et prestations en espèces -- soient toutes conservées et, le cas échéant, améliorées, ce dans le cadre d'un instrument unique, afin d'accomplir des progrès dans l'avenir.

221. L'application d'un certain nombre de normes a montré qu'un moyen satisfaisant d'assurer l'extension progressive de la protection offerte est de faire en sorte que le champ d'application de l'instrument soit défini en termes très larges et qu'il soit prévu de l'appliquer par étapes. Etant donné que la répartition des femmes dans l'emploi peut évoluer au fil des années, il semble inutile de trop détailler les secteurs ou les professions à prendre en considération. Une formulation satisfaisante consisterait peut-être à s'en tenir au principe que l'instrument devrait s'appliquer à tous les secteurs de l'économie et à toutes les catégories de travailleurs, en autorisant toutefois, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs intéressées, l'exclusion partielle ou totale de certaines catégories de travailleurs pour lesquelles l'application de l'instrument risquerait de créer des problèmes particuliers et substantiels. Il serait demandé à tout Membre qui fait usage de cette possibilité d'indiquer clairement dans son premier rapport les catégories de travailleurs qui seraient exclues et les raisons de leur exclusion, et de préciser dans les rapports suivants les mesures qui auront été prises pour étendre progressivement l'application des dispositions à ces catégories.

222. Des progrès qualitatifs reflétant les mesures actuellement en vigueur dans de nombreux pays pourraient être recherchés, notamment l'interdiction de toute discrimination pour cause de grossesse ou d'accouchement, la protection de l'emploi, la protection de la santé génésique des travailleurs, la protection de la santé des femmes enceintes et allaitantes, la durée et la répartition du congé de maternité et le montant des prestations en espèces. On pourrait aussi envisager de tenir compte des nouvelles tendances observées dans un nombre croissant de pays et, par exemple, de situer le congé de maternité dans le cadre du congé parental ou de prévoir un congé d'adoption.

223. La protection de la maternité est une condition essentielle de l'égalité de chances et de traitement entre les hommes et les femmes dans l'emploi et la profession. En effet, comme l'a fait observer la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, elle est davantage une prémisse du principe de l'égalité qu'une dérogation à celui-ci. Cet aspect a aussi été souligné dans la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, selon laquelle l'adoption de mesures visant à protéger la maternité n'est pas considérée comme un acte discriminatoire (art. 4.2). Un des principaux objectifs d'une convention révisée pourrait être d'officialiser le consensus sur ce point en prévoyant l'interdiction de toute discrimination pour motif de grossesse, d'accouchement ou d'allaitement. La convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, interdit toute discrimination fondée sur le sexe et, implicitement, toute discrimination liée à des critères de sexe, comme l'a noté la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son étude d'ensemble de 1988 concernant les normes sur la discrimination (emploi et profession). Conformément à un certain nombre de résolutions de l'OIT affirmant que les femmes enceintes et allaitantes remplissent une fonction sociale pour laquelle elles ne devraient pas être pénalisées, il semble important d'affirmer expressément que la maternité ne doit pas être un motif de discrimination. Une disposition de ce genre permettrait de préciser que la maternité est un état qui demande un traitement différent si l'on veut parvenir à une véritable égalité entre les hommes et les femmes. La convention révisée devrait établir qu'il est illégal pour les employeurs d'invoquer la grossesse pour refuser un emploi à une femme ou mettre fin à son contrat pendant la période d'essai. La recommandation révisée pourrait fournir des conseils sur la pratique admissible en ce qui concerne la divulgation ou la preuve de l'état de grossesse lors du recrutement ou en cours d'emploi.

224. La convention révisée pourrait également contenir des dispositions visant à protéger l'emploi des femmes pendant la grossesse et le congé de maternité et pendant une certaine période après la reprise du travail, en précisant que le licenciement ne serait autorisé, dans des conditions spécifiées, que s'il repose sur des motifs sans rapport aucun avec la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou les responsabilités familiales. Cela supprimerait l'une des difficultés actuelles, tout en améliorant réellement la protection conformément à la pratique en vigueur dans un certain nombre de pays. Les normes révisées établiraient aussi le droit des salariées de réintégrer leur poste antérieur ou d'être affectées à un poste offrant des conditions similaires et contiendraient des directives concernant la préservation des droits d'ancienneté et des questions connexes.

225. Un autre objectif important de la convention révisée serait la protection de la santé génésique des travailleurs et de la santé des femmes enceintes et allaitantes. Par le passé, les mesures de protection de la maternité visaient à protéger la santé des travailleuses et des nouveau-nés en prévoyant un congé de maternité et des prestations en espèces ainsi que des pauses d'allaitement. La recommandation no 95 tient compte de la nécessité de prendre d'autres mesures de protection de la santé pendant la grossesse. Elle prévoit l'interdiction du travail de nuit, des heures supplémentaires et de tout travail comportant des dangers particuliers pour la grossesse ou l'allaitement, ainsi que le droit au transfert à un autre travail sans perte de salaire. Elle envisage en outre la possibilité d'un transfert lorsqu'un médecin certifie qu'un travail peut être préjudiciable à la santé de la femme qui l'accomplit. Toutefois, ces mesures ne permettent pas toujours de garantir l'issue satisfaisante de la grossesse et de prévenir des anomalies attribuables à l'exposition de l'un ou l'autre des futurs parents à des risques inhérents au milieu de travail. L'interdiction de faire travailler les femmes en âge de procréer à des opérations comportant des risques tératogènes ou mutagènes ne tient pas compte de l'exposition du père et ne saurait par conséquent offrir de solution satisfaisante, même si l'on fait abstraction des considérations d'égalité. On pourrait profiter de la révision des normes de protection de la maternité pour incorporer dans la convention révisée des mesures préventives minima suffisantes concernant la protection de la santé en relation avec la conception, la gestation et l'allaitement, et pour inclure des directives plus précises dans la recommandation révisée.

226. Pour l'OIT, la durée normale du congé de maternité est fixée à douze semaines depuis 1919. On peut raisonnablement penser que la nouvelle convention adoptera des normes un peu plus généreuses. La durée normale du congé de maternité pourrait être fixée à quatorze semaines par exemple, et les douze semaines prévues actuellement pourraient être retenues comme une dérogation provisoire admissible dans les pays où il n'est pas immédiatement possible d'adopter une norme supérieure. La révision de l'instrument pourrait aussi viser à assurer un juste équilibre entre la nécessité d'offrir une protection adéquate et le fait qu'il serait souhaitable de tenir compte des préférences individuelles en ce qui concerne la répartition du congé de maternité. Une des solutions possibles consisterait à prévoir qu'une fraction donnée du congé de maternité doit être obligatoirement prise avant et/ou après l'accouchement, tout en laissant à l'autorité compétente de chaque pays le soin de fixer la durée de cette période et le moment à partir duquel elle doit commencer.

227. Les prestations en espèces sont un autre domaine où des améliorations pourraient être recherchées. Lorsque les prestations sont calculées sur la base des gains antérieurs, les nouvelles normes pourraient peut-être retenir le niveau actuel des deux tiers des gains antérieurs, tout en indiquant qu'après un certain temps les prestations seraient portées à 100 pour cent de ces gains, comme le prévoit la recommandation no 95. Lorsque les prestations en espèces sont versées sous la forme d'un montant forfaitaire, des mesures pourraient être prises afin de s'assurer que ce montant est suffisant pour pourvoir à l'entretien de la mère et de l'enfant et qu'il est indexé sur le coût de la vie.

228. La convention no 103 dispose qu'il ne faut pas mettre à la charge des employeurs individuellement le coût des prestations dues à leurs salariées. Cela est essentiel si l'on veut assurer l'égalité des chances aux femmes en âge de procréer, et le Bureau estime que ce principe fondamental ne saurait être remis en question. Cependant, il sait très bien que, dans nombre de pays, les fonds publics sont insuffisants et les régimes publics d'assurance inexistants ou pas assez développés pour assumer le coût des prestations de maternité. Il est donc proposé, tout en conservant ce principe comme objectif, d'autoriser des dérogations temporaires. Les Etats Membres faisant usage de cette possibilité auraient à mettre au point et à adopter progressivement des arrangements satisfaisants pour financer les prestations de maternité.

229. Le Bureau estime que toute révision de la convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, doit avoir pour objectif la mise au point des normes à la fois réalistes et complètes. Il semble qu'il y ait à présent un accord très largement établi sur quelques principes de base, tels la condamnation de la discrimination pour cause de grossesse, d'accouchement et d'allaitement, et notamment la protection des femmes enceintes contre des décisions en matière d'emploi motivées par leur état, le droit au congé de maternité et à des prestations en espèces appropriées au cours de ce congé, et la nécessité de protéger la santé. Edifiées sur ces piliers de la protection de la maternité les nouvelles normes ouvriraient la voie à de nouveaux progrès, sous forme de dispositions allant au-delà des obligations essentielles, et elles proposeraient une orientation concernant les mesures à prendre pour veiller à l'application pratique de la protection de la maternité, compte dûment tenu des possibilités et des contraintes de chaque pays.

VI. Révision d'une autre convention (ou d'un groupe de conventions) identifiée(s) par le Groupe de travail sur la politique de révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail

230. Si le Conseil d'administration le demande, des propositions à cet égard pourraient être soumises à sa session de mars 1997, sur la base des recommandations faites par le Groupe de travail sur la politique de révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail(29).

* * *

VII. Rôle de l'OIT dans la coopération technique

Généralités

231. En 1987, après avoir examiné le rôle de l'OIT dans la coopération technique, la Conférence a déclaré qu'il serait souhaitable que l'OIT entreprenne à intervalles réguliers, au moins tous les cinq ans, un examen global du programme de coopération technique(30). La Conférence a réitéré ce souhait en 1993, lorsqu'elle a entrepris un autre examen général du programme(31). A son tour, lorsqu'il a souscrit à la nouvelle stratégie de coopération technique de l'OIT(32), le Conseil d'administration, par l'entremise de la Commission de la coopération technique, a insisté sur la nécessité de réévaluer l'impact sur le rôle de l'OIT dans la coopération technique des bouleversements récemment intervenus dans les domaines politique, économique et social. Compte tenu des changements importants -- résumés ci-après -- qui modifient les dimensions du programme, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif, il y aura lieu dans trois ans (en 1999), d'examiner d'un il neuf le rôle futur de l'OIT dans la coopération technique.

Un environnement en mutation

232. Le programme de coopération technique de l'OIT est conditionné par le processus en cours de réforme des activités opérationnelles du système des Nations Unies, dans le cadre des examens triennaux d'ensemble menés par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1989, 1992 et 1995. Le débat porte sur des questions fondamentales telles que le rôle et la fonction des activités de développement du système des Nations Unies et leur relation avec les autres fonctions du système, la répartition des responsabilités à l'égard du développement au niveau international et l'avantage comparatif du système par rapport aux autres protagonistes, notamment les institutions de Bretton Woods, les donateurs bilatéraux, les organisations non gouvernementales (ONG) et le secteur privé. La réforme a aussi porté sur le niveau et les modalités de financement, les structures de direction et la coordination à l'échelle mondiale, sectorielle et nationale. Elle entraîne une redéfinition des modalités de gestion et d'exécution des activités de coopération technique du système des Nations Unies, ainsi qu'une modification des rôles et responsabilités des gouvernements, des organismes de financement et de l'OIT en tant qu'institution spécialisée. Les autorités nationales prennent de plus en plus la relève des organisations en ce qui concerne l'administration et l'exécution des projets, et le rôle qui est désormais assigné à ces dernières est de fournir un appui technique.

233. Un autre fait nouveau important est la réorientation de fond récemment décidée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur la base du concept de développement humain durable (DHD). Selon la définition du PNUD, le DHD passe par la lutte contre la pauvreté, la création d'emplois, la régénération de l'environnement et l'intégration des femmes dans le développement. C'est de la lutte contre la pauvreté que le PNUD fait sa priorité absolue. L'OIT doit faire en sorte que sa participation et l'expérience qu'elle a accumulée dans des domaines qui sont au cur même du concept de DHD soient reconnues et dûment intégrées dans le nouveau cadre de programmation du PNUD. Pour ce qui est de l'exécution des programmes, l'OIT devra aussi examiner avec soin la façon dont elle peut s'adapter sur les plans administratif, financier et technique à des changements aussi rapides et radicaux que ceux qui résultent de la décision prise en mai 1995 par le conseil d'administration du PNUD à propos des nouvelles modalités de programmation. Les effets de cette décision sur l'OIT sont décrits ci-après.

234. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les donateurs multi-bilatéraux sont devenus la source de financement extrabudgétaire la plus importante pour le programme de coopération technique de l'OIT. Ils contribuent pour 60 pour cent au moins au financement de ce programme en 1996-97. La programmation dans le cadre d'accords multi-bilatéraux diffère d'un donateur à l'autre au niveau de la priorité géographique et des domaines techniques. Cependant, on note une tendance commune chez les donateurs dans leurs relations avec les organismes des Nations Unies: les donateurs se préoccupent davantage de l'efficacité du programme et exigent une plus grande efficience dans l'administration des programmes de coopération technique. Les décisions concernant le financement seront de plus en plus fondées sur des évaluations de l'efficacité et de l'efficience, et aucune organisation ne peut s'en remettre à ses relations actuelles pour escompter un financement futur. En conséquence, si l'OIT est capable de démontrer qu'elle exécute efficacement son programme et qu'elle l'administre de manière rationnelle, il a de bonnes chances qu'elle obtienne un financement accru de la part des donateurs multi-bilatéraux. D'autres domaines d'activité liés au développement offrent des perspectives d'expansion pour les années à venir. Ceux qui intéressent tout particulièrement l'OIT sont les suivants: le travail des enfants, l'environnement, l'intégration des femmes dans le développement, la promotion des droits de l'homme, l'appui à la démocratisation. Les modalités de programmation devront bien sûr tenir compte des exigences spécifiques des donateurs tout en respectant la demande exprimée.

Effets des changements apportés
par le PNUD aux modalités d'exécution

235. Les modalités de participation de l'OIT et des autres organisations aux programmes financés par le PNUD ainsi que le montant des ressources qui leur seront allouées continueront d'être influencés par la politique du PNUD qui est favorable à l'exécution nationale et à l'approche-programme. Les nouvelles procédures adoptées pour déterminer les modalités d'exécution ainsi que le nouveau mécanisme concernant les dépenses d'appui n'ont, du point de vue de l'OIT, pas permis d'assurer des programmes de qualité et une bonne définition des responsabilités. Une autre série de réformes consiste à remplacer par un cycle triennal continu le cycle quinquennal de programmation et à abolir le système des chiffres indicatifs de planification au profit d'une planification plus souple des ressources. L'importance accrue des crédits affectés à un thème précis ne sera pas sans effets sur la planification préliminaire et ne fera qu'intensifier la concurrence pour des ressources limitées.

236. L'OIT a pu peser sur les priorités et le choix des activités menées au titre des SAT-1 -- activités techniques au niveau des programmes -- pendant les premiers cycles de programmation (1992-1996), comme en témoignent le nombre des activités qui lui ont été confiées et leur volume financier. En revanche, elle a eu plus de difficultés à intégrer pleinement les activités menées au titre des SAT-1 dans son propre processus de programmation et à assurer la complémentarité et la synergie voulues entre les SAT-1 et son programme ordinaire. Le défi qu'il lui faudra relever sera de faire inscrire les questions d'ordre plus général qui lui tiennent à cur parmi les objectifs et dans le plan d'exécution des activités entrant dans le cadre des SAT-1 et de trouver au sein des équipes multidisciplinaires et des départements techniques les ressources humaines nécessaires pour mener à bien sa tâche dans les délais impartis. En 1993, les nouvelles modalités d'exécution du PNUD étaient déjà connues, et la Conférence en a débattu à l'occasion de l'examen de la coopération technique de l'OIT. Mais ce n'est que depuis 1993 que l'effet de ces modalités sur l'exécution des activités de coopération technique de l'OIT se fait sentir. Il serait donc utile de savoir ce que la Conférence pense de la façon dont l'OIT a pu peser sur ce processus malgré ses difficultés financières.

Conférences mondiales

237. La série de conférences mondiales qui se sont tenues sous les auspices des Nations Unies, et en particulier le Sommet mondial pour le développement social (Copenhague, 1995), donnent une idée de la position que la communauté internationale adoptera en ce qui concerne les questions abordées ci-dessus. Le Sommet social, de même que la Conférence internationale sur la population et le développement (Le Caire, septembre 1994) et la Conférence sur l'environnement et le développement (Rio de Janeiro, 1992), a beaucoup insisté sur certains des grands problèmes auxquels devront s'attaquer les politiques de développement social de l'avenir. Le rôle unique que la société civile et les ONG jouent dans le processus global de développement y a été réaffirmé. Le Sommet social a permis à trois entités distinctes de s'exprimer: les ONG, le monde des affaires et les syndicats. La quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995) a fait naître l'espoir que les normes fondamentales de l'OIT, ainsi que ses préoccupations essentielles, jouiront d'une priorité accrue dans les programmes nationaux. D'ici à 1999, il devrait être possible de mesurer l'effet que ces sommets mondiaux et les engagements énoncés dans leurs programmes d'action ont eu sur le rôle de l'OIT et sur les ressources mises à sa disposition pour son programme de coopération technique, compte tenu des responsabilités qui lui ont été confiées pour le suivi de ces programmes.

Comment gérer un programme dynamique de coopération
technique avec des ressources en baisse

238. Naguère, les Nations Unies, en particulier le PNUD et, dans une moindre mesure, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), étaient la principale source de financement extrabudgétaire de l'OIT, et conditionnaient ainsi le déploiement du programme dans les différentes régions en développement. Aujourd'hui, ces financements ont beaucoup diminué. Le PNUD reste néanmoins un partenaire important de toutes les institutions spécialisées, à l'avant-garde du dialogue sur le développement. L'OIT a entamé des discussions avec le PNUD sur les domaines d'intérêt commun qui relèvent du concept du développement humain durable, notamment les stratégies et les programmes de lutte contre la pauvreté et de création d'emplois.

239. Il faudra explorer les possibilités de financement conjoint et autres modalités de partage des coûts. On peut s'attendre à ce que le budget ordinaire de l'Organisation et, notamment, les ressources de la coopération technique financée par le budget ordinaire (CTBO), soient appelés à jouer un rôle plus stratégique de catalyseur. Partant, il serait des plus utiles que la Conférence passe en revue le volume des activités de coopération technique financées par le budget ordinaire et les critères régissant l'utilisation de ces ressources.

240. Etant donné le poids relatif des donateurs multi-bilatéraux, on a commencé de préparer des dossiers qui analysent les politiques, priorités et procédures de chaque donateur, en vue d'établir des directives détaillées à l'intention des bureaux extérieurs et des départements techniques. Cette initiative vise à faciliter la participation de l'OIT à la conception et à la mise en oeuvre des programmes de développement qui relèvent de sa compétence. Les financements octroyés par les banques de développement, qui augmentent régulièrement, influeront aussi sur la taille et l'orientation du programme. L'OIT est engagée depuis quelques années dans un dialogue actif avec l'Union européenne (UE) en vue de renforcer la coopération entre les deux organisations dans le cadre de l'aide au développement. Des missions conjointes d'évaluation des besoins au niveau des pays ont été effectuées sur le terrain et des consultations techniques visant à déterminer les centres d'intérêt communs ont eu lieu entre les deux organisations, à la suite de quoi le nombre des activités financées par l'UE a sensiblement augmenté en 1995. L'UE devrait jouer un rôle de plus en plus important dans l'avenir en tant que partenaire de l'OIT pour le développement, et l'OIT devrait définir clairement sa politique concernant sa coopération avec l'Union européenne.

La politique de partenariat actif

241. L'introduction, en 1992, de la politique de partenariat actif (PPA) est le facteur interne qui a le plus pesé sur le programme de coopération technique de l'OIT. Quatorze équipes consultatives sous-régionales ont été créées pour rapprocher les services techniques de l'OIT de ses mandants. Des examens sont en cours pour définir les priorités des différents pays en matière de développement dans les domaines de compétence de l'OIT, et cela, autant que possible, compte tenu des notes de stratégie de pays prévues par la résolution 47/199 adoptée en 1992 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Les pays attendent beaucoup de cette innovation, et l'OIT se doit d'agir avec célérité pour traduire efficacement ces objectifs prioritaires en activités concrètes. La PPA est considérée par la communauté internationale comme un effort louable de l'OIT pour s'adapter à l'évolution actuelle, et son succès dépend de la capacité de l'Organisation de faire périodiquement le bilan et d'ajuster rapidement en conséquence ses politiques, ses procédures et ses structures. L'approche multidisciplinaire de la planification et de l'exécution des programmes a dans l'ensemble donné de très bons résultats. Toutefois, la répartition des compétences techniques au sein des équipes sera revue en 1997 pour qu'elles puissent encore mieux répondre aux besoins des pays. L'examen qui sera effectué en 1999 offrira une excellente occasion d'évaluer les effets de la politique de partenariat actif, notamment sur les programmes de coopération technique et leur pertinence pour les mandants.

Normes internationales du travail
et coopération technique

242. Si l'on recherche la synergie entre ces deux moyens d'action, c'est pour éviter toute contradiction entre les activités menées dans le cadre de la coopération technique et les principes consacrés par les normes, en particulier les normes relatives aux droits fondamentaux de la personne humaine. L'OIT ne doit ménager aucun effort pour aider, en usant des ressources de la CTBO, ses Etats Membres à appliquer les normes et à créer un environnement social et économique favorable aux niveaux local et national. Cependant, la promotion des normes internationales du travail doit aussi faire partie intégrante du programme de coopération technique, afin d'incorporer les normes dans les politiques et la législation des Etats Membres et de créer un environnement favorisant leur application. Le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) est un bon exemple à cet égard: il a non seulement sensiblement contribué à faire prendre conscience du travail des enfants et mis en évidence différentes méthodes permettant d'éliminer le travail des enfants, mais, ce qui est plus important, il est également parvenu dans de nombreux pays à persuader le gouvernement d'élaborer une politique nationale sur le travail des enfants. Les débats auxquels a donné lieu le document dont le Conseil d'administration a été saisi en 1992 sur la question des normes internationales du travail et de la coopération technique(33) ont été fructueux, mais il faudra les poursuivre pour tenir compte de l'évolution récente de la situation et de ses effets sur ces deux moyens d'action.

La stratégie de coopération technique de l'OIT

243. Cette question est analysée en détail dans le chapitre II du document dont est saisie, à la présente session, la Commission de la coopération technique au titre de la deuxième question à l'ordre du jour(34). La stratégie comporte trois éléments principaux sur lesquels il convient de revenir ici. La formulation des objectifs par pays, qui vise à déterminer les priorités nationales, est un effort concerté pour renforcer les capacités nationales. Les efforts visant à améliorer l'exécution des activités de coopération technique doivent porter tant sur la qualité que sur la quantité et ils ne peuvent que renforcer la capacité de l'OIT d'obtenir des fonds de sources variées. L'application d'une stratégie dynamique de mobilisation des ressources, brièvement mentionnée ci-dessus, justifie que l'on reconstitue une réserve fournie de propositions issues des mandants.

244. La mise en oeuvre de la stratégie de coopération technique de l'OIT sera régulièrement le point fondamental de l'ordre du jour de la Commission de la coopération technique du Conseil d'administration, mais il serait bon que la Conférence, à sa session de 1999, examine plus en détail les effets qu'elle aura produits.

Conclusion

245. Compte tenu de ces faits nouveaux, qui tous ont une incidence sur le programme de coopération technique de l'OIT, il est souhaitable que la Conférence examine ce programme dans les années quatre-vingt-dix afin d'évaluer, en particulier, comment il s'est adapté au nouveau contexte et de déterminer ce qu'il faut faire pour renforcer l'aptitude de l'OIT à répondre rapidement aux besoins de ses mandants et à agir efficacement et le plus rationnellement possible dans le cadre de la coopération technique au cours du siècle prochain.

246. Aux fins de l'établissement de l'ordre du jour de la 87e session (1999) de la Conférence, le Conseil d'administration est invité à choisir les sujets sur lesquels il souhaiterait recevoir des propositions plus détaillées à sa 268e session (mars 1997), compte tenu des propositions suivantes qui ont été soumises à son examen:

Propositions pour de nouvelles normes:

  1. règlement des conflits du travail;
  2. enregistrement et déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (y compris la révision de la liste des maladies professionnelles, tableau I de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964);
  3. protection des données personnelles des travailleurs;
  4. promotion des coopératives.

Propositions pour la révision de normes existantes:

  1. révision de la convention (no 103) (révisée) et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952;
  2. révision d'une autre convention (ou d'un groupe de conventions) identifiée(s) par le Groupe de travail sur la révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail.

Proposition pour discussion générale:

  1. le rôle de l'OIT en matière de coopération technique.

Genève, 30 septembre 1996.

Point appelant une décision: paragraphe 246.

1 Document GB.265/8/2, paragr. 24.

2 Document GB.244/2/2.

3 Document GB.259/2/2, paragr. 226-248.

4 Document GB.262/2, paragr. 69-94.

5 Document GB.261/STM/4/14.

6 Document GB.261/8/26, paragr. 12-14.

7 Document GB.254/2/1, paragr. 53-64.

8 Voir le rapport de la réunion d'experts soumis au Conseil d'administration à sa présente session.

9 Les lois de 19 pays relatives à la protection des données sont présentées en détail (non compris les textes récents adoptés en Belgique, en Espagne, en Hongrie, en Nouvelle-Zélande, en République tchèque, en Slovaquie et en Suisse) dans BIT: Conditions of Work Digest, vol. 10 (2/1991) intitulé Workers' Privacy, Part I: Protection of personal data. Les dispositions juridiques relatives au contrôle et à la surveillance prises dans 19 pays industrialisés figurent dans BIT: Conditions of Work Digest, vol. 12 (1/1993) intitulé Workers' Privacy, Part II: Monitoring and surveillance in the workplace. En outre, les tests pratiqués sur les travailleurs dans 18 pays font l'objet d'une étude dans BIT: Conditions of Work Digest, vol. 12 (2/1993) intitulé Testing in the workplace.

10 La loi du 29 avril 1992 sur la protection des données personnelles et les systèmes d'information a été adoptée par l'Assemblée fédérale de la République fédérative tchèque et slovaque, mais elle est maintenant applicable dans les deux pays.

11 Article 17 (1) Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.

(2) Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

12 Article 8 (1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

(2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

13 Convention (no 152) sur la sécurité et l'hygiène dans les manutentions portuaires, 1979; recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985; recommandation (no 128) sur le poids maximum, 1967; convention (no 171) sur le travail de nuit, 1990.

14 BIT: Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Egalité dans l'emploi et la profession, Etude d'ensemble des rapports concernant la convention (no 111) et la recommandation (no 111) sur la discrimination (emploi et profession), 1958, Conférence internationale du Travail, 75e session, Genève, 1988, rapport III (partie 4B), voir en particulier paragr. 71, 105 et 121.

15 Résolution (no 96) concernant les systèmes d'information sur le personnel et les données de caractère privé dans le commerce et les bureaux. Voir BIT: Note sur les travaux, Commission consultative des employés et des travailleurs intellectuels, neuvième session, Genève, avril 1985, p. 121.

16 Résolution (no 9) concernant la protection des données personnelles dans le secteur de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme. Voir BIT: Note sur les travaux, Commission de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme, première session, Genève, déc. 1989.

17 Document GB.235/12/8.

18 BIT: Les droits de l'homme - Une responsabilité commune, rapport du Directeur général à la Conférence internationale du Travail, 75e session, Genève, 1988, partie I, p. 53.

19 Voir BIT: Rapport de la septième session du Comité mixte OIT-OMS sur la santé des gens de mer, Genève, 10-14 mai 1993, document GB.258/STM/3/4).

20 BIT: Rapport, Réunion d'experts tripartite interrégionale sur le dépistage de la toxicomanie et de l'alcoolisme sur le lieu de travail, Oslo, Norvège, 10-14 mai 1993.

21 OMS-BIT: Consultation sur le SIDA et le lieu de travail: Déclaration, Genève, 27-29 juin 1988, document WHO/GPA/INF/88.7.

22 Le SIDA et le lieu de travail, UNESCO, Paris, 25-26 avril 1990.

23 Voir Pearson, R., Mitter, S: Global information processing: The emergence of software services and data entry jobs in selected developing countries, Programme des activités sectorielles, document de travail (Genève, BIT, 1992), document polycopié, SAP 4, 14/WP.51.

24 Nations Unies: Assemblée générale, quarante-neuvième session, rapport du Secrétaire général A/49/213/Rev.1.

25 Document GB.256/6/7.

26 Document GB.264/10.

27 Document GB.264/ESP/3.

28 Voir documents GB.219/SC/2/2, GB.221/SC/5/4 Corr., et GB.222/12/18.

29 Document GB.265/8/2.

30 Conférence internationale du Travail, 73e session, 1987, résolution concernant le rôle de l'OIT en matière de coopération technique.

31 Conférence internationale du Travail, 80e session, 1993, résolution concernant le rôle de l'OIT en matière de coopération technique.

32 Document GB.261/7/20.

33 Document GB.252/15/1.

34 Document GB.267/TC/1.

Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.