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Rapport et conclusions de la sixième Réunion régionale européenne

Table des matières

Introduction

I. Cérémonie d’ouverture

II. Discussion générale du rapport du Directeur général

Tendances du développement dans la région
Le travail décent dans l’économie de l’information
Activités de l’OIT

III. Adoption du rapport et des conclusions de la réunion

Annexe

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Introduction

    1. La sixième Réunion régionale européenne de l’OIT s’est tenue à Genève (Suisse) du 12 au 15 décembre 2000.
    2. Au total, 420 délégués et conseillers techniques de 43 pays, dont 213 délégués gouvernementaux, parmi lesquels 12 ministres, ainsi que 106 délégués des employeurs et 101 délégués des travailleurs, y ont participé. Plusieurs organisations inter-gouvernementales et internationales étaient également représentées. Sur les 420 délégués et conseillers techniques présents à la réunion, 312 étaient des hommes et 108 des femmes.
    3. I. Cérémonie d’ouverture

    4. La réunion a élu président à l’unanimité Son Excellence l’Ambassadeur Jean-Jacques Elmiger, chef des affaires internationales du travail au secrétariat d’Etat à l’économie de la Suisse, et elle a élu vice-présidents MM. Ludeck Rychlý, ministre adjoint du Travail et des Affaires sociales de la République tchèque, Antonis Pierides (délégué des employeurs, Chypre) et Marc Blondel (délégué des travailleurs, France).
    5. Le Directeur général du Bureau international du Travail a souhaité la bienvenue aux délégations et plus particulièrement à celle de la République fédérale de Yougoslavie, récemment devenue Membre de l’OIT. Il a remercié la Suisse d’avoir bien voulu accueillir la réunion et d’appuyer le système multilatéral. Il a rappelé l’importance des réunions régionales pour la promotion du travail décent. Il a noté que l’hétérogénéité et l’étendue de la région Europe et Asie centrale soulèvent des difficultés particulières mais que la région est unie dans le changement: beaucoup de pays sont en phase de transition vers la démocratie et l’économie de marché et tous sont confrontés à la mondialisation et à la révolution de l’information. Le Directeur général a aussi rappelé que l’OIT a ses racines en Europe (14 des 42 Membres fondateurs sont des Etats européens) et que c’est sur ce continent que les buts et principes de l’OIT sont devenus le plus une réalité.
    6. Il a noté que le modèle social européen, guidé par l’idée de la solidarité sociale dans une économie de marché, est confronté à des problèmes nés de la modernisation et de la mondialisation. En outre, les acquis de l’Europe ne sauraient être tenus pour irréversibles puisque l’on voit apparaître dans la région des problèmes de traite des êtres humains et d’exploitation des enfants. Néanmoins, il est réconfortant d’observer que la région s’est mobilisée dans ce domaine: à ce jour, 42 Etats d’Europe et d’Asie centrale ont ratifié la convention (nº 138) sur l’âge minimum, 1973, et 14 ont ratifié la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. A bien des égards, l’avenir du progrès social dans une économie mondialisée se joue en Europe. Le monde souhaite vivement voir des pays qui, comme les pays européens, ont des systèmes bien développés de protection sociale enregistrer des succès en matière de performance économique, de productivité et de commerce.
    7. Le Directeur général a ensuite évoqué le rôle que l’OIT pourrait jouer dans une région où l’intégration sociale est déjà très avancée. Il a fait état du rôle de l’Organisation en tant que canal pour exprimer l’engagement de l’Europe vis-à-vis du monde en développement et comme tribune pour l’Europe s’agissant de déterminer les grandes orientations à l’échelle mondiale. L’OIT devrait aussi participer à la recherche de solutions aux problèmes sociaux et de travail auxquels sont confrontées les sociétés européennes. Dans l’est et le centre de la région, elle doit en priorité aider les pays en cours de transformation économique ainsi que ceux qui sortent d’un conflit armé. Elle a aussi pour objectif d’aider les pays qui souhaitent adhérer à l’Union européenne à atteindre ce but. Dans les économies les plus avancées, le programme mis en place par l’OIT pour promouvoir le travail décent est d’actualité: il s’agit de favoriser la création d’emplois afin de pérenniser la prospérité; de préserver la protection sociale face aux changements démographiques et à l’intensification de la concurrence mondiale; de promouvoir le dialogue social et des solutions fondées sur un consensus grâce à une participation tripartite active; de respecter les normes du travail et les principes et droits fondamentaux au travail. A cette fin, l’OIT cherche à renforcer sa coopération avec les institutions européennes. Elle entend resserrer ses relations de coopération avec la Commission européenne et avec les partenaires sociaux européens et étudier des actions communes permettant d’engager avec les mandants de nouvelles formes de dialogue pour s’attaquer aux questions essentielles dans les pays développés.
    8. Le Directeur général a évoqué le thème du rapport "Le travail décent dans l’économie de l’information". Ce thème a été choisi dans l’intention de traiter d’une question qui se trouve au cœur de la nouvelle économie, celle des perspectives de création et de destruction d’emplois inhérentes aux technologies de l’information et des communications, et d’aborder le problème du fossé numérique à l’intérieur des pays et entre eux. Il a fait observer que le progrès technique est irréversible mais qu’il importe d’œuvrer afin qu’un beaucoup plus grand nombre de gens profitent des avantages qui peuvent en découler. Enfin, le Directeur général a invité les délégués à fournir des orientations au Bureau sur la voie à suivre en ce qui concerne les TIC et d’autres questions, à partir de leur situation propre et dans le contexte du travail décent et des objectifs stratégiques approuvés par la Conférence et le Conseil d’administration.
    9. Lord Russel-Johnston, président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, s’est déclaré très honoré d’avoir été invité à s’adresser à la réunion. Il a insisté sur la convergence qui existe entre les domaines d’activité et les objectifs de l’OIT et ceux du Conseil de l’Europe ainsi que de son Assemblée parlementaire. Il a présenté la Charte sociale européenne comme l’exemple qui est peut-être le mieux connu et le plus important de ces domaines d’activité communs.
    10. En ce qui concerne l’impact des technologies de l’information et de la communication dans le monde du travail, Lord Russel-Johnston a estimé que ces technologies ont révolutionné les formes et les conditions de travail à une vitesse accélérée. La flexibilité qui résulte des nouvelles technologies a amélioré l’accès de beaucoup de personnes à l’emploi mais leur développement crée aussi de nouveaux dangers, par exemple la violation des droits et de la vie privée des travailleurs, la pression qui s’exerce parfois sur eux, les risques de nouvelles maladies professionnelles. L’orateur a demandé aux délégations ainsi qu’à l’OIT et aux organisations du Conseil de l’Europe de coopérer, lorsqu’il existe un terrain commun, pour le respect des droits humains et sociaux dans leurs Etats Membres.
    11. M. Pascal Couchepin, chef du Département fédéral de l’économie de la Suisse, a souhaité la bienvenue aux délégués au nom de son pays. Il a noté que l’ordre règne désormais en Europe sous les auspices de l’Union européenne, en voie d’élargissement, du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Néanmoins, la conscience sociale du monde et de l’Europe reste placée sous les auspices de l’OIT. Il a fait observer que tous les pays d’Europe et d’Asie centrale sont touchés par les processus de libéralisation et par la révolution des technologies de l’information. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication entraîneront la création de nouveaux emplois et permettront aux pays en transition de surmonter le clivage numérique par leurs systèmes d’éducation. Les pays qui s’opposent au progrès technologique doivent renoncer à des gains de croissance substantiels. L’orateur s’est demandé pourquoi l’Europe peine à engranger des gains de croissance comparables à ceux enregistrés aux Etats-Unis depuis une décennie. La réponse, a-t-il déclaré, est que les Etats-Unis sont ouverts à l’innovation et à la technique, ce qui leur permet d’être le leader mondial dans le domaine des technologies de l’information et de la biotechnologie. Seule une Europe qui restera ouverte et économiquement puissante pourra servir de modèle aux autres pays.
    12. Pour relever ce défi, l’Etat et les partenaires sociaux doivent redéfinir leurs rôles respectifs. L’Etat doit, par l’éducation, promouvoir l’adaptation à la mondialisation économique et assurer la formation aux technologies de l’information et de la communication. En tant qu’employeur, il doit permettre l’interaction entre secteur public et secteur privé. En Suisse, la décision d’affranchir le personnel fédéral du statut de fonctionnaire a ainsi permis aux pouvoirs publics de faire figure d’employeur moderne. Dans la nouvelle économie, les employeurs doivent prendre mieux conscience de leurs responsabilités sociales. C’est pourquoi leur participation au Forum mondial de l’emploi que l’OIT organisera en 2001 ainsi qu’au Pacte global des Nations Unies est essentielle. Enfin, la mondialisation pose des problèmes aux syndicats du fait que le travail peut être délocalisé à l’étranger et que le télétravail favorise le travail en solitaire. En conséquence, les syndicats doivent se renforcer et offrir une plus large gamme de services, dans des domaines tels que la formation professionnelle et le conseil juridique. La déréglementation au niveau national rend nécessaire un renforcement de la réglementation internationale et, sur ce plan, l’OIT a un rôle majeur à jouer. A cet égard, l’orateur s’est félicité de la réforme de la politique normative de l’Organisation et a ajouté que celle-ci devrait aussi renforcer le Groupe de travail du Conseil d’administration sur la dimension sociale de la mondialisation en y incluant une approche intégrée en matière de commerce, d’investissement et de conditions de travail. L’OIT devrait aussi utiliser ses moyens de coopération technique pour proposer de nouvelles solutions, par exemple en matière de politique migratoire. Par tous ces moyens, elle pourrait contribuer à créer partout un village global, une véritable économie mondialisée à visage humain.
    13. II. Discussion générale du rapport
      du Directeur général

      Tendances du développement dans la région

    14. Avant d’ouvrir la discussion sur le rapport du Directeur général, les participants à la réunion ont regardé une vidéo intitulée L’Europe à l’heure de la mondialisation.
    15. Les délégués des travailleurs, par l’intermédiaire de leur porte-parole, M. Brett, ont fait remarquer que, si le rapport du Directeur général fait référence au "Modèle social européen", il mentionne également les principes et les valeurs universels que représente l’OIT. Partout dans le monde, ces valeurs sont importantes pour le progrès économique et social, quelle que soit la région. En ce qui concerne le volume I du rapport, L’Europe à l’heure de la mondialisation: le travail décent dans l’économie de l’information, les travailleurs ont estimé qu’il ne traite pas des problèmes plus généraux de cette nouvelle économie, tel le fait que de nombreuses entreprises nouvelles ont échoué, entraînant des pertes et des transferts d’emplois et l’insécurité. Le rapport demande que la migration réponde aux nouvelles exigences de la main-d’œuvre, ce qui donne la fausse impression que l’Europe est en situation de plein emploi. Il faudra réexaminer la sécurité sociale, car les travailleurs sont moins liés à un seul employeur. Pour les mêmes raisons, il faudra renforcer les syndicats pour qu’ils puissent offrir une protection aux travailleurs de la technologie de l’information isolés et nomades. L’OIT devrait traiter de ces questions dans le contexte plus vaste de l’évolution de la nature du travail, qui va bien au-delà des technologies de l’information et de la communication. Pour ce qui est du volume II du rapport, Le travail décent en Europe et en Asie centrale: Activités de l’OIT 1995-2000, les délégués travailleurs espèrent que la coopération entre l’OIT et les institutions financières internationales opérant en Europe et en Asie centrale s’intensifiera. Ils espèrent notamment que l’OIT étudiera le problème très répandu de la corruption. Elle devra aussi se pencher sur le faible développement des petites et moyennes entreprises et sur la progression des formes atypiques de l’emploi. Cette dernière devrait inciter les Etats membres européens à ratifier la convention (nº 175) sur le travail à temps partiel, 1994, et la convention (nº 177) sur le travail à domicile, 1996.
    16. Les délégués des employeurs, par l’intermédiaire de leur porte-parole, M. Thüsing, ont pris note du champ élargi du rapport, qui couvre la région allant de l’Europe occidentale à l’Asie centrale. Ils ont exprimé leur souhait de voir s’intensifier la coopération ente l’OIT et l’Union européenne. De par les dispositions concernant l’emploi du Traité d’Amsterdam, la responsabilité de la politique de l’emploi a été confiée à l’Europe, tandis que les marchés du travail, les politiques fiscale, économique et salariale relèvent de la compétence de chaque pays. Il faut établir clairement que ces domaines continueront de relever de chaque pays. Les délégués des employeurs ont également noté la mention faite dans le rapport aux formes atypiques d’emploi; de leur point de vue, il ne s’agit plus de formes atypiques mais plutôt de formes nouvelles de travail, présentant des avantages et des inconvénients. Ils ont également fait remarquer que beaucoup de systèmes de protection sociale glorifiés par le rapport ne peuvent être maintenus qu’au prix de la réduction des prestations. La prise de telles mesures est difficile, car il y a en Europe l’idée très enracinée du droit à ces prestations. Dans les pays en transition, il faudra également examiner les prestations de sécurité sociale à la lumière des forces du marché. Enfin, ils ont souligné la nécessité, pour les pays en transition et les membres de la Communauté des Etats indépendants (CEI), de mettre au point des infrastructures administratives et politiques de qualité qui pourraient être le fondement de la paix et du progrès. Un tel cadre légal permettrait aussi de garantir l’autonomie de tous les partenaires sociaux.
    17. Le représentant gouvernemental de la France, s’exprimant au nom des Etats membres de l’Union européenne, a souligné la convergence des principes de l’OIT et des objectifs de la politique sociale européenne. La politique sociale européenne s’est efforcée d’encourager une société plus intégrée. Lors du Sommet européen de Lisbonne, les Etats membres de l’Union européenne ont affirmé leurs objectifs communs, à savoir la lutte contre l’exclusion, qui comprend la promotion de la participation à l’emploi et l’accès à toutes les ressources, l’exercice des droits, l’accès aux biens et aux services, la prévention des risques d’exclusion, l’action en faveur des plus vulnérables et la mobilisation de tous les acteurs concernés. Il faudra aussi promouvoir le dialogue social. L’objectif du travail décent coïncide remarquablement avec l’ordre du jour politique de l’Union européenne, qui vise l’amélioration de l’éducation, la formation permanente, l’investissement en ressources humaines, l’employabilité accrue, la réduction des pénuries de compétences, la promotion de l’inclusion sociale et l’égalité de chances pour les hommes et les femmes.
    18. Le représentant de la Commission européenne a fait savoir que la coopération avec l’OIT est très importante, notamment si l’on tient compte des vastes domaines de convergence qui existent entre les objectifs économiques et sociaux des deux organisations. L’ordre du jour du travail décent de l’OIT coïncide également avec les priorités de la Commission européenne, qui comprennent un nouvel ordre du jour social de la commission visant à assurer l’emploi et la protection sociale et à promouvoir les relations professionnelles. Afin d’assurer une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi, il conviendrait de mettre au point des stratégies d’éducation et d’apprentissage permanent. A cet égard, le Sommet européen de Lisbonne s’est fixé pour objectif de faire de l’Europe l’économie du savoir la plus concurrentielle dans le monde.
    19. Le représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a souligné que la démocratie, la paix et la stabilité dans la région européenne qui sont autant d’objectifs de son organisation, contiennent aussi la dimension du travail décent. L’OIT, compte tenu de sa structure tripartite unique, est un important partenaire de l’OSCE dans ses activités en faveur de la paix. L’orateur a exprimé l’espoir que la réunion régionale ferait des propositions visant à intensifier encore la collaboration entre l’OSCE et l’OIT, compte tenu des particularités et des forces des deux organisations, et que l’on pourrait éviter d’inutiles chevauchements d’activités.
    20. Un certain nombre d’orateurs de la région ont fait remarquer qu’en dépit de la stabilisation macroéconomique intervenue dans de nombreux pays en transition aucune croissance économique tangible ne s’est manifestée. Bon nombre de ces pays sont sous le fardeau de la dette publique qui a limité les ressources budgétaires pour la création d’emplois, les soins de santé et la protection sociale. Les femmes sont particulièrement touchées par ces politiques, car elles s’accompagnent d’une réduction des prestations de maternité et des soins de santé y relatifs. Du reste, l’annulation de la dette extérieure permettrait à certains pays d’atteindre les objectifs de l’OIT. Pour certains orateurs, l’occasion est peut-être venue de réviser la Déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale afin de lui prévoir un mécanisme de contrôle plus efficace. Ils ont exhorté l’OIT à insister davantage, dans ses relations avec les institutions financières internationales, sur la nécessité de tenir compte des effets sociaux négatifs de leurs politiques sur les travailleurs des pays en développement. Les politiques du marché de l’emploi et les politiques macroéconomiques doivent être liées pour pouvoir établir le plein emploi comme un objectif politique central. L’OIT devrait préconiser l’inclusion des normes internationales du travail dans les accords et traités internationaux tout comme dans les travaux des organisations internationales pertinentes telles que le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
    21. Des délégués ont souligné qu’il fallait trouver un équilibre entre les réformes économiques et la nécessité d’une flexibilité de la main-d’œuvre tout en garantissant un solide système de protection sociale et de promotion de l’emploi. Pour réussir, les gouvernements doivent chercher à parvenir à la stabilité macroéconomique, à des marchés ouverts et à des politiques actives de formation professionnelle et du marché du travail. L’OIT pourrait apporter sa contribution à ces politiques par ses travaux de recherche, la réforme des mesures liées aux normes et la formulation de politiques sur le travail dans le domaine des technologies de l’information. Des orateurs ont fait remarquer que, dans certains pays, la réforme des politiques structurelles, une politique fiscale stable et des vues communes entre le gouvernement et les partenaires sociaux sur les augmentations de salaire sont en grande partie à l’origine des progrès de l’économie et de l’emploi. Ils ont insisté sur la nécessité d’un dialogue social fort pour assurer le succès de ces approches par la médiation et ont déclaré que l’OIT avait un rôle important à jouer dans la promotion de ces mécanismes.
    22. S’agissant des défis sociaux des nouvelles technologies de l’information, un certain nombre d’orateurs ont estimé que la meilleure façon d’y répondre était de s’appuyer sur la formation permanente, une plus grande employabilité et la flexibilité. Les principales sources de la prospérité économique seraient la capacité des salariés à s’adapter aux très rapides changements dans le monde du travail. Il importerait donc que les travailleurs soient novateurs, constamment formés, et de plus en plus mobiles sur le plan professionnel. Il faut investir davantage dans l’éducation dans les pays de l’UE pour éviter le risque d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, et les futurs Etats membres de l’Union européenne devraient renforcer leurs connaissances techniques dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. Ils ont insisté sur le fait que les nouvelles technologies auraient un impact sur toute la durée de la vie professionnelle et sur tous les lieux de travail, qu’ils soient exposés à la concurrence mondiale, nationale ou même locale, et même lorsqu’ils ne sont pas exposés à la concurrence du marché comme dans le cas du secteur public. Il faudrait dynamiser les partenaires sociaux pour faire face à ce puissant changement. Un nouvel équilibre doit être trouvé entre la flexibilité et la sécurité. Cette dernière doit être maintenue, nul ne contestant son rôle de tremplin pour les nouveaux emplois. Les mandants tripartites et l’OIT doivent agir sur la base des connaissances qu’ils ont, des forces du changement au travail, tant sur le lieu de travail que dans l’économie en général.
    23. Plusieurs orateurs ont appelé à une plus grande protection des travailleurs migrants, qui sont souvent socialement exclus dans la plupart des pays européens. Ils espèrent que la région jouera un rôle central dans la formulation et la mise en œuvre des mesures en faveur des travailleurs migrants et des autres groupes désavantagés. Les problèmes du trafic des personnes humaines et des migrations irrégulières doivent également être abordés.
    24. De nombreux délégués ont félicité l’OIT pour sa participation au Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, et en particulier à l’initiative en faveur de la cohésion sociale. Le respect des normes du travail, la promotion du dialogue social et les politiques actives du marché du travail sont considérés comme des éléments essentiels de la cohésion sociale et du développement de la démocratie.
    25. De nombreux orateurs ont appelé à une coopération plus étroite entre l’OIT et l’UE, la Commission européenne et les programmes Phare et Tacis dans les pays d’Europe centrale et orientale et de la CEI. Ils ont également appelé à un renforcement de la coopération avec l’OSCE et les organisations régionales d’employeurs et de travailleurs.
    26. Un certain nombre de délégués des employeurs ont souligné l’importance de disposer d’organisations d’employeurs représentatives et autonomes en Europe centrale et orientale en tant que composantes déterminantes du dialogue social. La faiblesse actuelle des organisations d’employeurs est due à leur manque de stabilité financière. Leur situation du point de vue de la déductibilité des cotisations n’est pas satisfaisante. Ils appellent les gouvernements à adopter et à appliquer pleinement une résolution sur la question, adoptée lors de la cinquième Conférence régionale européenne à Varsovie en 1995.
    27. Un certain nombre de délégués des travailleurs ont insisté sur l’importance de syndicats forts, notamment en Europe centrale et orientale et en Asie centrale. Après dix années de réformes dans les pays de la CEI, les syndicats libres ont acquis une plus grande importance dans le cadre du dialogue social. A cet égard, l’OIT doit réexaminer sa position envers différents types d’organisations syndicales ("anciennes et nouvelles"). A l’avenir, chaque pays de la région de la CEI devra être traité et considéré de façon distincte en tenant compte de son niveau de développement et de ses spécificités. Par ailleurs, les organisations syndicales devraient prévoir dans leurs futures priorités une formation aux technologies de l’information et de la communication (TIC) et une formation permanente et à distance qui leur permettra de conserver leur rôle primordial de partenaires sociaux. Avec l’aide de l’OIT, les syndicats pourraient se servir des TIC pour favoriser le respect des droits fondamentaux au travail et fournir des informations, une formation et des connaissances. Il conviendrait également d’envisager de promouvoir les accords-cadres, y compris la négociation collective.
    28. Plusieurs orateurs se sont également inquiétés de la réforme de la politique normative de l’OIT approuvée par le Conseil d’administration en novembre. Cette nouvelle approche ralentira le processus normatif, affaiblira les mécanismes de contrôle et transformera les normes en simples directives. Ce processus pourrait être dangereux pour l’Europe centrale et orientale et l’Asie centrale.
    29. Un orateur a fait remarquer que beaucoup des travailleurs d’Europe centrale et orientale et de la CEI étaient employés dans le secteur agricole. Ils se trouvent confrontés à de graves problèmes en matière de droits et de principes fondamentaux, y compris le droit d’organisation et de négociation collective. De plus, les travailleurs agricoles sont dans un secteur dangereux avec un taux d’accidents et de décès professionnels élevé. L’orateur s’est félicité que la Conférence internationale du Travail de juin 2001 débatte d’une nouvelle norme relative à la sécurité et à la santé dans l’agriculture. Le rôle de l’OIT dans l’instauration de travail décent dans le secteur agricole est donc important pour les pays en transition.
    30. Outre la discussion générale qui précède, un certain nombre d’orateurs ont fait des déclarations individuelles concernant leurs pays et institutions nationales.
    31. Le ministère du Travail, des Affaires sociales et de la Famille de Slovaquie a indiqué que son gouvernement avait cherché à aligner sa politique sociale sur les principes figurant dans la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et que le développement de technologies de l’information et des communications faisait partie de sa stratégie de croissance économique et sociale. Il a rappelé que l’Equipe consultative multidisciplinaire pour l’Europe centrale et orientale (CEET) de l’OIT à Budapest a fourni une assistance dans le cadre de la loi (tripartite) de partenariat social et économique récemment adoptée et que son gouvernement a signé avec l’OIT un accord de coopération axé sur la promotion de l’emploi des hommes et des femmes, l’amélioration de la protection sociale et le renforcement du dialogue social. La Slovaquie met au point de nouvelles lois du travail, y compris un Code du travail, avec l’assistance technique de l’OIT. Elle a déposé l’instrument de ratification de la convention no 183 sur la protection de la maternité, 2000, devenant ainsi le premier pays à ratifier ce texte.
    32. La ministre du Travail et des Affaires sociales et première ministre adjointe de l’Albanie a félicité le Directeur général de son rapport. L’évolution dans les Balkans et en Europe du Sud-Est a un impact sur les relations professionnelles dans l’ensemble de la région. Le développement social, la lutte contre la pauvreté et le chômage et le renforcement de la cohésion sociale sont aujourd’hui des questions prioritaires en Albanie. La coopération avec l’OIT dans ces domaines devrait être encore renforcée. Elle s’est félicitée de l’importance accordée par l’OIT aux questions de développement régional, notamment dans le cadre du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est. Le développement et la consolidation des relations professionnelles, de même que le tripartisme comme élément contribuant au consensus social, sont des questions essentielles pour l’OIT et figurent dans le programme de travail de la communauté internationale pour le Kosovo.
    33. Le ministre de la politique sociale et du travail de la Bulgarie a rappelé les événements favorables intervenus dans son pays, y compris la Conférence tripartite réunissant des mandants de l’OIT sur l’emploi, le travail et la politique sociale dans l’Europe du Sud-Est tenue en octobre 1999 et qui a débouché sur l’adoption de la Déclaration de Sofia et sur l’adoption par le gouvernement bulgare d’un projet de statut pour un Conseil de la coopération économique et sociale en Europe du Sud-Est. Ce conseil contribuerait au renforcement de la coopération économique et sociale régionale, à la définition et à l’examen de problèmes communs, à l’échange d’expériences et à la préparation de programmes de promotion de l’emploi, d’insertion sociale et de lutte contre la pauvreté. L’orateur a rappelé que, dans le cadre de l’accord de coopération pour l’intégration européenne signé en juin 2000 par le BIT et la République de Bulgarie, des consultations ont lieu en vue d’harmoniser la législation nationale du travail avec les normes européennes et internationales.
    34. Le ministre du Travail et de la Protection sociale de Croatie a qualifié d’impressionnant le nombre de projets de l’OIT dans les pays en transition. Il s’est félicité plus particulièrement de l’évaluation objective de la situation dans chaque pays dans le cadre de la politique de partenariat actif et de la coopération entre son pays et la CEET de Budapest. La Croatie a appuyé l’initiative de l’OIT tendant à donner une dimension sociale au Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est et le ministre a espéré que l’OIT continuerait à appuyer des projets dans ce contexte.
    35. Le ministre du Travail et de la Protection sociale du Kazakhstan a indiqué que son pays avait multiplié les efforts pour instaurer la démocratie et une économie de marché à forte composante sociale. Des accords tripartites généraux ont été signés au cours des cinq dernières années sous les auspices de la Commission nationale tripartite permanente. Dans le cadre de la coopération entre l’OIT et le Kazakhstan, de nombreux programmes importants sont menés, y compris un programme de lutte contre la pauvreté pour la période 2000-2002. L’intervenant a espéré que l’OIT aiderait son pays à préparer une politique sociale et que l’Organisation diffuserait des codes de bonnes pratiques et des codes d’éthique concernant les entreprises multinationales.
    36. Le délégué des employeurs de la Croatie a rappelé que les employeurs d’Europe du Sud-Est ont lancé en septembre 1999 un forum des employeurs pour l’Europe du Sud-Est. Lors de la réunion tenue à Zagreb le 3 octobre 2000, ce forum a décidé de créer des mécanismes de coopération pour participer aux tables de travail du Pacte de stabilité, au développement et à la coopération économiques proposés par la Déclaration de Sarajevo, et pour représenter les intérêts des organisations d’employeurs auprès d’autres institutions et conférences internationales. Enfin, de nouvelles initiatives ont été débattues lors des réunions tenues à Istanbul en octobre 2000 et à Paris en décembre 2000. Dans ce contexte, l’orateur a suggéré que les partenaires sociaux participent à tous les processus et décisions de la région par l’intermédiaire de structures tripartites nationales qui seraient établies dans chaque pays de la région de l’Europe du Sud-Est. Les représentants des partenaires sociaux de chacun des pays de la région du Sud-Est de l’Europe devraient avoir la possibilité d’informer et de consulter leurs membres au sujet des propositions visant à améliorer l’emploi, les revenus et le travail décent dans la région, tels les investissements, les programmes de création d’emplois, la formation professionnelle, etc. L’oratrice a demandé que l’on appuie la proposition élaborée par l’Association des industriels de Bulgarie, qui consiste à créer un réseau électronique à l’intention des pays de la région du Pacte de stabilité, afin de promouvoir l’emploi, la coopération et la croissance économique.
    37. Le délégué des travailleurs du Bélarus a appuyé la position selon laquelle le processus de renforcement du dialogue social offre des possibilités d’examen des problèmes nationaux, et le dialogue social lui-même est un élément fondamental des droits des partenaires sociaux. Il a souligné toutefois qu’au Bélarus le dialogue social est très formel et n’a aucun impact sur les problèmes nationaux comme la pauvreté ou le niveau de vie. Aujourd’hui, les syndicats de ce pays sont en transition et deviennent plus indépendants. Le gouvernement essaie d’intervenir dans les affaires syndicales et, du fait de procédures précises de pré-enregistrement, les syndicats font l’objet d’un contrôle plus strict. En conséquence, les syndicats du Bélarus ont déposé une plainte auprès de l’OIT. L’intervenant a remercié les organisations syndicales internationales et nationales de leur appui.
    38. Un certain nombre d’orateurs ont appuyé le délégué des travailleurs du Bélarus et déclaré que, selon eux, le gouvernement de ce pays n’avait pas consenti des efforts suffisants pour résoudre les problèmes d’ingérence dans les affaires syndicales.
    39. Le représentant de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a souligné l’interdépendance de la mondialisation et du processus d’intégration européenne. Il est essentiel que l’OIT encourage et contrôle le respect des conventions fondamentales du travail et entraîne d’autres organisations internationales, comme la Banque mondiale, ou des traités internationaux sur cette voie. Cette remarque est particulièrement importante à la lumière des tendances visant à saper la négociation collective et les droits des travailleurs dans la région de même que du problème encore en suspens des salaires non réglés.
    40. La représentante de la Confédération mondiale du travail a dit que l’influence des TIC sur le monde du travail est devenue évidente. Désormais les Etats ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs ont pour rôle et pour objectif de s’assurer que chaque personne a la possibilité de participer à la société de l’information. Les nouvelles technologies transforment les types de travail, les types de contrats et les relations avec les employeurs. L’oratrice a déclaré que la CMT attache une grande importance aux principes fondamentaux de la négociation collective et des relations collectives dans le monde du travail, et notamment aux accords-cadres, y compris la négociation collective interprofessionnelle au niveau européen. Elle a également attiré l’attention sur les problèmes qui existent en Europe centrale et orientale, tels que la dégradation des conditions de travail, le non-paiement des salaires, les bas niveaux de protection sociale et la discrimination. Elle a rappelé qu’il est primordial d’appliquer strictement la convention no 95 de l’OIT et qu’il faut promouvoir la participation des femmes au dialogue social. Enfin, elle a demandé aux gouvernements de la région de ratifier les conventions nos 143, 144, 175 et 177.
    41. Un représentant de la Confédération européenne des syndicats (CES) a souligné la nécessité de trouver un juste équilibre entre la promotion de la croissance économique et la modernisation de l’économie, d’une part, et le renforcement de la dimension sociale, d’autre part. Le modèle social européen est crucial pour que les travailleurs et les citoyens soient les bénéficiaires et non les victimes de la mondialisation en cours et de l’évolution technologique rapide. Le rôle des partenaires sociaux augmentera au niveau de l’entreprise, au niveau national et au niveau européen, et les droits des travailleurs à l’information, à la consultation et à la participation vont devenir des éléments clés, au même titre que la formation et l’apprentissage continu. La CES s’est engagée à jeter les bases sociales de la paix et de la prospérité économique, notamment en Europe du Sud-Est, et œuvre à la réussite de l’Initiative de cohésion sociale.
    42. Enfin, les représentants des gouvernements de la Bulgarie, de la Fédération de Russie et de la Slovaquie ont remercié la CEET de Budapest et le bureau de l’OIT à Moscou pour leur assistance technique et leur coopération dans l’élaboration de la législation du travail et d’autres activités.
    43. Les représentants des gouvernements de la Bulgarie, de la Fédération de Russie, de la Slovaquie et de la Turquie ont annoncé des réformes importantes de leur législation du travail.
    44. Un certain nombre d’autres représentants gouvernementaux ont également annoncé qu’ils ratifieraient bientôt de nouvelles conventions fondamentales et prioritaires de l’OIT.
    45. Le travail décent dans l’économie de l’information

    46. M. Phil Jennings, Secrétaire général d’Union Network International (UNI), a présenté l’exposé principal à la séance spéciale sur les technologies de l’information et de la communication (TIC). Il a estimé que la bulle de la nouvelle économie avait éclaté et que la folie d’Internet s’était calmée, mais que la révolution de l’informatique était là pour rester. Il a ensuite soulevé cinq questions relatives aux technologies de l’information et de la communication:
    47. i) La pénurie de personnel qualifié dans le secteur des TIC. Globalement, dans les Etats membres de l’Union européenne, en Norvège et en Suisse, la pénurie d’informaticiens par rapport aux besoins pourrait se chiffrer à 1,6 million de spécialistes en 2002 et 1,7 million en 2003. Cette pénurie de professionnels de l’informatique peut être imputée aux compressions d’effectifs effectuées par les grandes entreprises au début des années quatre-vingt-dix, au cours desquelles des milliers de spécialistes très qualifiés ont été licenciés et d’autres travailleurs plus jeunes et moins expérimentés – autrement dit meilleur marché – ont été engagés pour les remplacer. Pour y remédier, le secteur de l’informatique pourrait utiliser les ressources inexploitées de la main-d’œuvre féminine; il faudrait pour cela reconnaître les inégalités actuelles entre les hommes et les femmes et mettre en place des mesures pour les combattre. Une autre solution serait d’accorder une plus grande attention à la formation permanente afin de maintenir en fonction les travailleurs âgés. Concrètement, l’UNI lance un appel pour que soit mis en place au niveau européen un système de formation et de recyclage professionnel des travailleurs du secteur des TIC. L’UNI aimerait créer une bourse des talents, c’est-à-dire un centre d’échange entre employeurs au niveau européen qui mettrait en relation les compétences dont un employeur n’a plus besoin et celles qui sont demandées ailleurs. L’UNI aimerait aussi créer un réseau transeuropéen d’employeurs et de syndicats qui faciliterait la diffusion des bonnes pratiques pour le recrutement et le maintien en fonction des informaticiens.

      ii) Le travail par voie électronique. Il faut trouver de nouvelles façons de travailler qui optimisent la possibilité pour les travailleurs d’utiliser leurs connaissances. Les employeurs comme les travailleurs peuvent trouver des avantages dans un assouplissement du travail, mais cette flexibilité peut aussi comporter des risques pour les individus. Il est donc fondamental que les nouvelles méthodes de travail ne soient pas imposées aux travailleurs mais mises au point dans le cadre d’un partenariat et à la faveur d’une négociation. A mesure que de nouvelles méthodes de travail apparaissent, le travail indépendant se développe. L’UNI s’ouvre de plus en plus aux travailleurs indépendants. On note cependant que les situations de fausse activité indépendante, dans lesquelles l’employeur essaie de se soustraire à ses obligations au regard de l’emploi et de la sécurité sociale, se multiplient. L’OIT doit prêter attention à ce phénomène.

      iii) Des droits en ligne pour les travailleurs en ligne. Pour que règnent de bonnes relations professionnelles sur le lieu de travail électronique, il faut que l’accès aux puissants nouveaux moyens électroniques soit assuré. Les travailleurs doivent avoir librement accès au système de courrier électronique et au réseau Internet de l’entreprise afin de pouvoir se mettre en relation avec leur syndicat. Le développement de la surveillance du courrier électronique est à cet égard une source de préoccupation, car il mine les activités des syndicats. Le droit des individus au respect de leur vie privée au travail est battu en brèche.

      iv) Des droits d’auteur pour tous. Il est nécessaire d’élargir l’ordre du jour traditionnel des relations professionnelles aux droits d’auteur et aux droits de propriété intellectuelle. C’est une question qui devrait être traitée par l’OIT, l’idée de la valeur étant moins fondée aujourd’hui sur les biens concrets que sur la propriété intellectuelle.

      v) La santé et la sécurité des travailleurs en ligne. Le stress lié aux nouvelles technologies sur le lieu de travail est une question importante relative au travail qui devrait être traitée collectivement.

    48. M. Jennings a conclu en indiquant que l’Europe avait toutes les chances de tirer parti des avantages de l’ère de l’information, pourvu que la révolution se fasse dans le contexte d’une Europe sociale. Cela signifie qu’il faut affronter la fracture numérique. Il est très important de ne pas laisser se développer de nouvelles inégalités, tant à l’intérieur d’un même pays qu’entre les différents pays. Le partenariat social est tout aussi important. Il importe d’avancer par la négociation et par l’entente. Enfin, il est fondamental que l’OIT établisse son propre ordre du jour électronique. La Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail doit aussi être respectée dans le monde de l’informatique. En conséquence, l’OIT devrait, dans le cadre de ses activités, défendre les droits des travailleurs en ligne, mettre en exergue les meilleures pratiques dans le domaine de l’apprentissage et de la formation, étendre son programme d’activités sectorielles à la nouvelle économie, et étudier les problèmes connexes liés à la mobilité.
    49. M. Neuve-Eglise, président du Comité consultatif du Fonds commun de placement I-Source et deuxième conférencier de la séance spéciale, a souligné les profonds changements entraînés par les TIC dans le monde du travail. Ces changements, a-t-il déclaré, il faut les maîtriser et non les subir. Les TIC ont un impact sur le monde du travail à cinq niveaux:
    50. i) Métiers/emplois. Les TIC génèrent de nouveaux métiers et de nouveaux emplois du fait de l’apparition de nouvelles activités, notamment dans le secteur des services. Elles transforment aussi la nature des métiers et emplois actuels, notamment parce qu’elles modifient la relation à l’espace et au temps.

      ii) Besoin de compétences. Dans le secteur bancaire, par exemple, on assiste actuellement à des licenciements massifs du fait de la fermeture de beaucoup d’agences mais aussi au recrutement d’un grand nombre de personnes plus spécialisées, notamment en marketing ou en gestion des systèmes d’information. Pour exploiter l’immense potentiel offert par les TIC et répondre à la demande de nouvelles compétences, l’Europe doit accroître le nombre de jeunes diplômés qualifiés, assurer la conversion de jeunes diplômés formés initialement à d’autres disciplines ainsi que la formation continue et la reconversion de personnes déjà employées, permettre l’immigration de spécialistes hautement qualifiés, investir et sous-traiter dans des pays étrangers.

      iii) Inclusion sociale. Les TIC profitent surtout aux travailleurs déjà en place. Il est beaucoup plus difficile à ceux qui sont exclus du marché du travail de tirer profit des possibilités qu’elles offrent (par exemple, le télétravail). Il existe le risque d’un clivage de plus en plus marqué entre les travailleurs initiés aux TIC et les autres travailleurs. Il faut donc un accompagnement en matière d’information, de formation et d’apprentissage. Il faut éviter les conflits entre générations, et le coût de la formation doit être réparti entre les entreprises et les pouvoirs publics.

      iv) Organisation du travail. Les TIC ont donné naissance à un nouveau paradigme productif. Elles facilitent la réallocation du travail. Mais la liberté qu’elles offrent pose aussi le problème de la mesure et de la juste rétribution du travail. Il faut s’attendre au développement de nouveaux modes de rémunération qui ne seraient plus fondés sur la présence sur les lieux de travail mais sur la réalisation de tâches ou d’objectifs.

      v) Management. Le développement des TIC peut être une véritable opportunité pour l’entreprise mais aussi un écueil difficile à franchir. Les entreprises doivent donc agir avec prudence. Les responsables doivent expliquer clairement le projet d’entreprise, acquérir eux-mêmes une culture numérique, éviter les risques d’exclusion, maîtriser les risques d’usage et préciser le rôle du management intermédiaire.

    51. Les délégués des travailleurs, par l’intermédiaire de leur porte-parole, se sont déclarés d’accord avec la quasi-totalité de l’intervention du Secrétaire général de l’UNI. Ils ont toutefois souligné le lien entre le clivage numérique et l’âge: les personnes âgées ont plus de mal à utiliser ces technologies que les jeunes. En ce qui concerne l’impact des TIC sur les secteurs traditionnels, ils ont cité le cas du commerce de détail. Aujourd’hui, les caissiers passent les marchandises sous un scanner qui enregistre automatiquement le code-barres. Autrefois, il leur fallait avoir un minimum de notions de calcul pour faire leur travail. Dans ce secteur traditionnel, les TIC se sont donc soldées par une déqualification. Les délégués des travailleurs ont indiqué qu’un effort majeur doit être fait pour surmonter le clivage numérique, lequel doit être envisagé dans le contexte du développement durable. Même en Europe, certains syndicats ne possèdent pas d’ordinateurs, d’où l’impossibilité pour eux de travailler efficacement en réseau. Les délégués des travailleurs ont suggéré au BIT de fournir une assistance technique aux syndicats dans ce domaine.
    52. Les délégués des employeurs, par l’intermédiaire de leur porte-parole, ont remis en cause l’idée qu’il y ait un clivage croissant entre pays riches et pays pauvres en Europe et, plus encore, que cela soit dû dans une large mesure au développement des TIC. Il est clair qu’il y a et qu’il y aura à la fois destruction d’emplois et création d’emplois dans l’économie de l’information. Les perspectives n’en sont pas moins bonnes. L’Europe doit accepter que des emplois émigrent vers les pays en développement car c’est son intérêt à long terme. Les délégués des employeurs ont ensuite souligné que le secteur privé doit participer à l’effort d’éducation, outil indispensable pour exploiter le potentiel offert par les TIC. Ces technologies pourraient aider les groupes défavorisés à prendre pied dans le monde du travail et améliorer la qualité des services offerts, le BIT ne faisant pas exception.
    53. La représentante de la Commission européenne a pleinement approuvé l’importance accordée par le rapport au dialogue social. Elle a souligné que, dans moins de dix ans, la moitié des emplois seront des emplois à forte intensité de TIC. D’où l’importance de promouvoir les qualifications nécessaires. Par ailleurs, il faudrait s’attacher à accroître le taux d’activité des femmes, en particulier dans les emplois faisant appel aux TIC. L’oratrice a ensuite évoqué les fossés qui se creusent en Europe entre le nord et le sud, entre les tranches de revenus, entre les groupes d’âge, entre les groupes vulnérables et les catégories mieux loties. Pour bâtir une société fondée sur les TIC et qui évite l’exclusion, il faut répondre aux besoins sociaux particuliers de différents groupes. Par exemple, il est essentiel que les gens qui ne possèdent pas d’ordinateur puissent avoir un accès public à Internet. De même, tout le monde devrait pouvoir accéder à des services publics par voie informatique. En conclusion, l’oratrice a demandé au BIT de s’intéresser plus particulièrement au clivage entre pays.
    54. Au cours du débat qui a suivi les présentations des deux conférenciers, beaucoup de questions critiques pour la politique sociale ont été soulevées. Plusieurs orateurs ont souligné que les TIC peuvent permettre de contribuer à régler les problèmes d’emploi en Europe. Lorsqu’on crée un poste de spécialiste informaticien, quatre ou cinq autres postes sont aussi créés. L’effet multiplicateur est très important. Mais on peut se demander si l’Europe sera capable d’orienter ce potentiel de création d’emplois pour en exploiter tous les avantages sans en subir les inconvénients. Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord examiner les obstacles.
    55. Beaucoup d’orateurs ont indiqué que la pénurie de qualifications est le principal problème qui se pose à l’Europe dans l’économie de l’information. Le rythme du changement est tel qu’il n’y a pas assez de personnes qualifiées pour pourvoir tous les postes vacants. Cette pénurie, a-t-on souligné, pourrait entraîner un ralentissement de la croissance économique en Europe.
    56. Beaucoup de solutions ont été proposées pour remédier à ce problème. On a souligné plusieurs fois la nécessité d’adapter l’enseignement, de mieux former les jeunes générations, de prévoir des programmes de recyclage pour les travailleurs d’un certain âge et, ce qui est plus important encore, d’apprentissage tout au long de la vie. Différents orateurs ont aussi déclaré qu’il faudrait porter une attention spéciale à l’éducation et à la formation des femmes, lesquelles, actuellement, ne bénéficient pas pleinement des nouvelles opportunités qu’offrent les TIC et qui pourraient, si elles se présentaient sur le marché du travail avec une préparation plus solide, résoudre en grande partie le problème du déficit de compétences. C’est unie que l’Europe doit s’atteler à cette tâche et s’engager dans une véritable politique de promotion des ressources humaines.
    57. Plusieurs orateurs ont indiqué que l’immigration a été envisagée comme une solution à la pénurie de qualifications en Europe. Un certain nombre de délégués des employeurs ont considéré que l’immigration est un élément nécessaire de la mondialisation et que l’Europe ne saurait, dans ce domaine, appliquer une politique restrictive. Mais il importe que soit respecté le principe de l’égalité des chances. Les pays qui risquent de subir une fuite des cerveaux devraient envisager des moyens de retenir leurs ressortissants qualifiés, et par exemple accroître la coopération dans le domaine de la science, offrir des incitations aux investisseurs étrangers, appuyer des programmes d’échange d’étudiants. D’autres orateurs ont jugé que l’immigration ne sera pas la solution pour l’Europe et qu’il vaut mieux mettre l’accent sur l’apprentissage tout au long de la vie, exprimant leur crainte que ne se produise un exode des compétences, lequel creuserait le clivage entre pays.
    58. Cette question est revenue plusieurs fois au cours des débats, qu’il s’agisse du clivage à l’intérieur des pays ou entre les pays d’Europe. Plusieurs délégués des travailleurs ont déclaré qu’il faut éviter que ne s’élargisse l’écart entre une minorité de travailleurs hautement qualifiés et très bien payés et une majorité de travailleurs précaires. Des délégués des employeurs ont souligné que la fracture passe davantage entre les générations qu’entre les riches et les pauvres. Un délégué a ajouté qu’il importe de veiller à ce que les TIC ne renforcent pas la dualité existant sur le marché du travail. Les groupes vulnérables, les chômeurs et les travailleurs d’un certain âge risquent en effet d’être exclus de la révolution informatique, avec le risque que cela représente pour la cohésion sociale. Plusieurs catégories de travailleurs pourraient être laissées pour compte dans l’économie du savoir. Il pourrait aussi se produire une segmentation accrue du marché du travail. Pour éviter la marginalisation de certains groupes, les pouvoirs publics devraient donc axer leur action sur la formation et l’apprentissage tout au long de la vie. Le risque d’exclusion n’est pas qu’une considération théorique. Il a été souligné que le gouvernement tchèque a décidé d’intervenir sur trois fronts: connecter toutes les écoles primaires d’ici à 2002, renforcer les programmes d’apprentissage tout au long de la vie et encourager la reconversion. Aucun pays ne peut se permettre de voir l’un quelconque des acteurs du marché du travail rester en marge de la révolution de l’information. Les conséquences économiques et sociales pourraient en effet être désastreuses.
    59. Plusieurs orateurs ont abordé la question des conditions de travail dans l’économie de l’information. Le porte-parole des délégués des travailleurs a décrit la situation des travailleurs des médias, des relations publiques et des TIC qui, pour ainsi dire, vivent au bureau 24 heures sur 24, sept jours sur sept. A l’opposé, dans d’autres cas, le travail est exécuté en dehors de l’entreprise – à domicile par exemple – et les collègues ne se connaissent pas. Les entreprises se déplacent au-delà des frontières au détriment des conditions de travail et de la rémunération des travailleurs. De telles situations doivent être régies par la législation et les accords et, à cet égard, les conventions de l’OIT sont très importantes, en particulier la convention (nº 177) sur le travail à domicile, 1996. Les orateurs ont indiqué qu’ils souhaiteraient voir plus de références à ces conventions et aux autres conventions pertinentes en la matière dans les rapports du BIT, qui se doit de mieux les faire connaître et de promouvoir leur ratification et leur mise en œuvre. Certains orateurs ont aussi souligné la nécessité de revoir la législation relative aux contrats d’emploi et la législation du travail en général, dans les cas où elles ne sont plus pertinentes. Enfin, un intervenant a déclaré que le Comité de dialogue sectoriel au niveau européen pour les TIC s’emploie à obtenir un consensus sur des directives relatives au télétravail, qui seraient adoptées par voie de conventions collectives par toutes les entreprises de télécommunication en Europe. Le BIT pourrait utilement orienter le travail de ce comité.
    60. Pour ce qui est des conditions de travail, le porte-parole des délégués des travailleurs a encore souligné que les changements structurels suscités par les TIC ont favorisé l’externalisation du travail qui se traduit souvent par la précarité de l’emploi, une flexibilité imposée et la médiocrité des conditions de travail. Or la compétitivité n’est pas incompatible avec des conditions de travail convenables et avec un degré élevé de protection sociale. La compétitivité dépend en particulier des systèmes d’éducation et de formation, de l’apprentissage tout au long de la vie, ainsi que de la recherche et du développement. Les syndicats ne sont pas hostiles aux TIC; bien au contraire, ils sont les premiers à les utiliser pour leur propre développement.
    61. La protection sociale est aussi une question qui a été soulevée par plusieurs orateurs. Les délégués des employeurs ont fait observer que, la tendance actuelle étant aux changements fréquents d’emploi pendant la durée de la vie active, le système de protection sociale doit être adapté. En particulier, des règles et des critères sont nécessaires pour déterminer clairement qui est salarié et qui travaille à son propre compte. D’autres orateurs ont aussi insisté sur la nécessité de mettre en place des systèmes de protection sociale pour faire face à l’évolution rapide de l’environnement de travail. Il faut ajuster la protection sociale pour tenir compte de la mobilité accrue des travailleurs.
    62. Nombre d’orateurs ont abordé la question des principes et droits fondamentaux au travail. Les délégués des travailleurs ont déclaré que, faute d’une dimension sociale et du respect des droits fondamentaux des travailleurs, l’utilisation des TIC et le télétravail ne seraient guère différents du travail à domicile au XVIIIe ou au XIXe siècle. Dans la nouvelle économie, tous les travailleurs doivent jouir de leurs droits fondamentaux au travail, et par exemple de la liberté d’association. La liberté croissante de localisation du travail risque de nuire aux droits collectifs des travailleurs. Les activités normatives de l’OIT ont un rôle à jouer à cet égard vu que les normes internationales du travail sont plus pertinentes que jamais. De plus, un orateur a déclaré que, malgré la solidité actuelle des économies et la croissance rapide de la productivité, les pays européens connaissent des déficits d’emplois décents. Il faut que les avantages d’une croissance économique plus rapide se traduisent par des emplois bien rémunérés, productifs et sûrs pour tous.
    63. La représentante de la Fédération internationale des femmes diplômées des universités a mis en relief les inégalités entre hommes et femmes dans le domaine des TIC, telles que la ségrégation selon les stéréotypes masculins et féminins dans les nouveaux emplois. Les avantages comparatifs que recherchent les sociétés transnationales qui investissent en Europe centrale et orientale résident souvent dans l’utilisation d’une main-d’œuvre féminine abondante et bon marché et sont souvent associés à l’emploi précaire, aux bas salaires et à des conditions de travail insatisfaisantes. Les conventions nos 175 et 177 de l’OIT revêtent une importance particulière pour les femmes qui occupent des emplois dans les technologies de l’information et de la communication. Il conviendrait d’étudier plus à fond les causes de la ségrégation fondée sur le sexe et de procéder à une refonte de la Classification internationale type des professions (CITP) afin qu’elle reflète les formes et la nature nouvelles du travail dans ce secteur. Le travail lié aux TIC devrait viser à éviter les pièges actuels de la discrimination fondée sur l’âge et le sexe. L’éducation, l’apprentissage permanent et l’apprentissage à distance devraient prendre en compte les contraintes des travailleurs – et notamment celles des travailleuses – touchant aux responsabilités familiales. La cyber-entreprise pourrait faire office d’égaliseur entre hommes et femmes, mais les travailleurs et travailleuses pourraient être confrontés à des difficultés inédites en ce qui concerne la protection de leurs droits de propriété intellectuelle. Un effort conjoint de l’OIT, de l’OMPI et de l’UNESCO serait nécessaire pour s’attaquer à ce problème.
    64. Enfin, plusieurs délégués ont examiné le rôle que l’OIT devrait jouer dans l’économie de l’information. Quelques orateurs ont indiqué que le rythme du changement est inégal d’un pays européen à l’autre. C’est pourquoi l’OIT a un rôle à jouer dans le domaine de la coopération technique en veillant à ce que le fossé entre les pays ne se creuse pas. D’autres orateurs ont déclaré que l’OIT devrait créer et gérer un réseau consultatif international sur l’application des TIC, qui serait mis à la disposition de tous les acteurs sur le marché du travail et des gouvernements. D’autres encore ont fait observer que l’OIT ne doit pas se contenter de remplir une fonction intermédiaire qui consiste à rassembler des informations puis à les diffuser dans des rapports. L’Organisation doit aller plus loin et mettre sur pied un site Web interactif sur lequel toutes les parties intéressées pourraient échanger en permanence leurs vues. Le groupe des travailleurs et celui des employeurs le font déjà, de sorte que l’OIT devrait également envisager cette éventualité. L’OIT devrait aussi établir un relevé des expériences et des meilleures pratiques dans le domaine des TIC. Autrement dit, la valeur ajoutée de l’OIT ne consiste pas nécessairement à entreprendre de nouveaux travaux de recherche mais à offrir aux mandants les moyens d’avoir accès aux meilleures pratiques partout dans le monde. Peut-être le Directeur général devrait-il considérer sérieusement la proposition avancée par M. Philip Jennings, tendant à ce que l’OIT crée sa propre université électronique ou tout au moins élabore une stratégie électronique pour aider ses mandants plus efficacement? Le Centre de Turin qui ne dispose pas d’un module sur les TIC devrait peut-être en mettre un sur pied. L’OIT devrait jouer un rôle actif allant au-delà de ses actuelles fonctions d’observation et de prévision pour influer concrètement sur le processus de changement. Elle pourrait également contribuer à l’apprentissage tout au long de la vie en Europe centrale et orientale. Au moyen de ses EMD, l’OIT devrait donner la priorité aux pays de la région qui ont le niveau de développement le plus bas et qui sont en proie aux difficultés les plus graves pour assurer la transition vers l’économie de marché et pour relever le défi de la mondialisation.
    65. Activités de l’OIT

    66. Le porte-parole des délégués des travailleurs a souligné à nouveau que les disparités dans la région devraient être le facteur déterminant de la planification des activités de l’OIT. L’ordre du jour du travail décent et ses quatre objectifs stratégiques demeurent pertinents partout – en dépit des différences régionales – et constituent une composante essentielle de l’"Europe sociale". La liberté syndicale et le droit de grève ne sont pas suffisamment protégés dans la région. Il faudra promouvoir davantage les conventions autres que les conventions fondamentales. Compte tenu du déclin de la protection sociale dans certains pays de la région, notamment à l’égard des travailleuses, l’OIT devrait lancer une campagne sur la promotion et la ratification de la convention (nº 183) sur la protection de la maternité, 2000. Les travailleurs félicitent l’Italie et la Slovaquie, qui ont été les premiers pays à la ratifier. La discussion sur l’impact des technologies de l’information et de la communication sur le monde du travail a montré à l’évidence la nécessité de ratifier et d’appliquer effectivement un certain nombre de conventions de l’OIT, notamment la convention (nº 175) sur le travail à temps partiel, 1994, et la convention (nº 177) sur le travail à domicile, 1996. Parmi les autres problèmes exigeant des solutions politiques plus rapides et plus efficaces, et qui pourraient bénéficier de l’assistance de l’OIT, on peut citer la discrimination, fondée notamment sur le sexe et la race, le trafic des femmes, l’augmentation du travail des enfants et la protection sociale des réfugiés politiques et des travailleurs migrants. Toute assistance et tout investissement devraient contribuer à concrétiser l’objectif du développement durable, et à renforcer les principes du dialogue social et du tripartisme en tant que piliers de la démocratie.
    67. Pour ce qui est de la situation au Bélarus, M. Brett a indiqué les grandes lignes d’une déclaration écrite soumise par le groupe des travailleurs sur la violation des droits syndicaux au Bélarus. La situation est grave et il faut y remédier, même si ce n’est pas la seule qui mérite de l’attention dans la région. Les délégués des travailleurs estiment que l’OIT doit être consciente du fait qu’il n’y a pas une harmonie totale entre les réglementations de l’Union européenne et l’ordre du jour du travail décent.
    68. Les délégués des employeurs, par l’intermédiaire de leur porte-parole, ont reconnu le rôle positif que l’OIT a joué en Europe, notamment grâce aux équipes consultatives multidisciplinaires et aux spécialistes des questions des employeurs à Budapest et à Moscou. Ces travaux demandent davantage de soutien et de ressources financières, car ils portent sur une région géographique très vaste. A cet égard, le soutien des pays d’Europe occidentale est apprécié. Etant donné que les objectifs de l’OIT et de l’Union européenne sont largement identiques, même s’ils sont concrétisés par des moyens différents, il serait souhaitable d’intensifier la coordination entre les deux organisations. L’OIT dispose d’avantages comparatifs très nets en termes de compétences, mais non pas en termes financiers. Le renforcement des institutions du dialogue social, en particulier les organisations d’employeurs, qui sont actuellement les éléments les plus faibles du système, revêt une grande importance. Les employeurs ont fait observer que la question de la stabilité financière des organisations d’employeurs n’a pas été résolue, non plus que la question de la déductibilité fiscale des cotisations des Membres. Un dialogue social authentique ne peut avoir lieu qu’entre des partenaires forts, libres et indépendants. Quant à la situation qui prévaut au Bélarus, les délégués des employeurs ont indiqué leur soutien à la déclaration, puisque les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs sont également touchées.
    69. La déléguée gouvernementale de la France, s’exprimant au nom des pays membres de l’Union européenne et d’un certain nombre de pays (Bulgarie, Chypre, Estonie, Hongrie, Islande, Lettonie, Lituanie, Malte, Norvège, Pologne, Roumanie, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suisse, République tchèque et Turquie), a souscrit à la déclaration du groupe des travailleurs. Elle a réitéré l’importance des principes de la liberté syndicale et des droits à la négociation collective tels qu’inscrits dans les conventions de l’OIT, en particulier les conventions nos 87 et 98 ainsi que de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, et a lancé un appel pressant pour que le gouvernement du Bélarus envisage des mesures spécifiques et significatives.
    70. Le délégué gouvernemental de la République du Bélarus s’est référé à la déclaration du groupe des travailleurs et a fait remarquer que la procédure d’enregistrement introduite dans la République était: premièrement, en stricte conformité avec la législation nationale, deuxièmement, bien connue de l’ensemble des parties concernées, y compris les syndicats, et, enfin, bien connue de l’OSCE. On pourra constater que toutes les mesures prises en rapport avec la procédure d’enregistrement sont légales. Les autres mesures telles que le gel des comptes bancaires de la Fédération des syndicats du Bélarus ont été exécutées en conformité avec la législation nationale. S’agissant des pressions exercées sur les syndicats, la nouvelle loi sur les syndicats qui prévoit des droits syndicaux et garanties plus étendues a été adoptée le 14 janvier 2000. Les différends du travail peuvent être examinés par les tribunaux nationaux compétents. L’orateur a souligné que le gouvernement était ouvert au dialogue et intéressé par une coopération constructive avec les partenaires sociaux. La visite en octobre 2000 au Bélarus de la délégation de haut niveau de l’OIT est la preuve de cette attitude.
    71. Le délégué des travailleurs de l’Ukraine a fait remarquer que les mesures prises par le gouvernement du Bélarus contre les syndicats avaient des précédents. Il a rappelé que les personnes qui avaient participé à la grève du métro de la capitale bélarussienne en 1995 ont subi des représailles et n’ont toujours pas obtenu réparation; il a aussi déclaré que les actes en cours contre les syndicats étaient délibérés et planifiés. Il a exprimé son soutien à la déclaration du groupe des travailleurs.
    72. Le délégué gouvernemental de la Fédération de Russie a fait remarquer que la réunion en cours avait pour objet de discuter des problèmes existant dans les pays de la région et non pas de débattre de sujets relatifs à un pays en particulier. L’OIT dispose d’un mécanisme approprié pour examiner ces cas, à savoir le Comité de la liberté syndicale et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations. Il a proposé que la question du Bélarus soit transmise aux organes de contrôle compétents par la procédure régulière.
    73. Un délégué des travailleurs du Kazakhstan a déclaré que les événements au Bélarus reflétaient la situation dans divers pays de la région de la CEI. Il a rappelé le cas no 1834 soumis au Comité de la liberté syndicale (plainte contre le gouvernement du Kazakhstan présentée par la Centrale syndicale indépendante du Kazakhstan (ITUCK)) en 1995. Les recommandations du Comité de la liberté syndicale au gouvernement du Kazakhstan sur ce cas n’ont pas été appliquées. L’ingérence dans les affaires syndicales est une pratique courante dans ce pays. Il a exprimé son soutien à la déclaration du groupe des travailleurs.
    74. Le porte-parole des délégués des travailleurs a réitéré l’engagement du groupe des travailleurs d’utiliser les mécanismes et les procédures établis au sein de l’OIT. Le groupe des travailleurs partage aussi les points de vue de ceux qui souhaitent trouver des solutions aux problèmes du Bélarus par l’intermédiaire des conseils et de l’assistance technique de l’OIT. Etant donné que la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail crée des obligations pour tous les Etats Membres de l’OIT, cette réunion offre une occasion unique de présenter une position commune sur la situation préoccupante du Bélarus, telle que présentée dans la déclaration soumise et adoptée par le groupe des employeurs et la grande majorité des Etats Membres présents. L’orateur a encouragé les délégations qui ne l’ont pas encore fait à souscrire à la déclaration du groupe des travailleurs.
    75. Pour conclure, le président de la réunion a relevé que la déclaration présentée (qui est annexée aux conclusions) avait été appuyée par le groupe des employeurs ainsi que par un grand nombre de gouvernements présents.
    76. Le délégué des travailleurs de la Hongrie a souligné le caractère souvent formel du dialogue social et le manque de consultation effective des partenaires sociaux qui en résulte. L’OIT devrait préparer des directives sur la mise en œuvre effective des droits fondamentaux des partenaires sociaux en matière d’information et de consultation à tous les niveaux appropriés. Ces droits s’appliqueraient aussi aux organisations d’employeurs. L’orateur a suggéré que l’OIT devrait prêter attention au fait qu’il n’y a pas de définition claire de la "représentativité" des organisations de travailleurs et d’employeurs. Il faudrait déterminer tant les critères de la représentativité elle-même que le pouvoir de décider de ces critères. Une nouvelle convention de l’OIT serait nécessaire pour traiter de la discrimination dans les nouvelles formes de travail telles que celles qui sont créées par les TIC. Les instruments existants, comme les conventions nos 111, 175 et 177, ne traitent pas de façon adéquate de la discrimination et de la protection sociale des travailleurs dans ces formes de travail.
    77. Le délégué des employeurs de la Roumanie a souligné que le BIT, grâce à ses connaissances spécialisées, pourrait appuyer le développement des PME dans les pays d’Europe centrale et orientale. Il a déclaré que les employeurs et les travailleurs roumains ont l’impression que la Roumanie n’a pas reçu de la communauté internationale un soutien économique concret, mais seulement des félicitations pour les positions qu’elle a prises sur les questions internationales.
    78. Le délégué gouvernemental de la Belgique estime que l’OIT devrait jouer un rôle de premier plan dans les relations entre l’Est et l’Ouest en ce qui concerne les nouvelles technologies. L’Organisation devrait développer ses connaissances spécialisées dans ces domaines et faire appel au soutien de son bureau régional pour l’Europe et l’Asie centrale. L’orateur a informé la réunion de l’intention de son gouvernement d’intensifier la coopération multi-bilatérale avec l’OIT par l’intermédiaire des équipes multidisciplinaires en Europe centrale et orientale. Il s’est déclaré préoccupé du fait que, malgré les efforts de son gouvernement et de l’OIT, le dialogue social reste difficile dans plusieurs pays.
    79. Le représentant des travailleurs de la Suède a souligné le fait qu’il n’y a pas de présence de l’OIT dans les cinq pays nordiques, ce qui a une incidence négative sur la conscience que l’opinion publique a de l’existence de l’OIT et de ses valeurs. Il estime que l’existence d’un conflit de compétence non résolu entre l’Union européenne et l’OIT a un effet négatif sur le taux de ratification des conventions de l’OIT dans les pays d’Europe. Il pense aussi que l’OIT devrait fournir davantage de soutien et d’assistance technique aux pays en transition. Il a souligné que les gouvernements ont l’obligation de promouvoir activement la négociation collective, ainsi qu’en dispose expressément la convention no 98 de l’OIT.
    80. Le délégué des employeurs de la Norvège a déploré que les travaux de la réunion aient un caractère trop général et a suggéré un ordre du jour déterminé avec des groupes de travail pour la prochaine réunion régionale, qui serait ainsi mieux en mesure de fournir des orientations claires en vue d’une action. Les priorités futures de l’OIT devraient inclure le développement des petites et moyennes entreprises en tant que moteur de la création d’emplois. Les activités de l’OIT de développement des capacités devraient être axées sur la santé et la sécurité et la négociation collective, ainsi que sur les statistiques des salaires comme base pour la négociation collective. Les bénéficiaires de l’aide de l’Organisation devraient se voir donner davantage de possibilités de se rendre dans les pays d’Europe et d’y acquérir de l’expérience. L’orateur a également lancé un appel aux pays qui sont très engagés dans le domaine de l’assistance technique pour qu’ils réexaminent la possibilité d’allouer des ressources supplémentaires aux projets en Europe centrale et orientale.
    81. Un délégué des travailleurs de la Pologne a soutenu la déclaration sur le Bélarus. Il a souligné l’utilité de l’expérience en Europe et la nécessité de permettre aux autres régions de profiter de l’expérience d’autres pays. Il a indiqué qu’un accord de coopération tripartite avait été signé la veille avec le BIT. L’OIT devrait soutenir la réforme de la législation en vue d’éviter l’exclusion sociale dans le processus de transition.
    82. Le représentant de la Confédération générale des syndicats s’est déclaré satisfait de la référence à la "fuite des cerveaux" des pays de la CEI dans le rapport du Directeur général L’Europe à l’heure de la mondialisation. Il a rappelé que la Confédération générale des syndicats a élaboré un code du travail modèle, fondé sur les normes internationales du travail, à l’intention des pays de la région, et il a demandé aux pays de la CEI de continuer de ratifier les conventions fondamentales de l’OIT. L’aide fournie par certaines organisations syndicales internationales (CISL, CMT, CES) aux syndicats nationaux a été très appréciée. L’orateur a conclu en exprimant son soutien à la déclaration du groupe des travailleurs sur le Bélarus.
    83. Le représentant du gouvernement de l’Allemagne a mis l’OIT en garde contre une focalisation à courte vue sur les pays en transition dans la région européenne. En cette ère de mondialisation, les principes et les droits au travail doivent partout faire l’objet d’une attention. Les études par pays concernant l’Europe occidentale, ainsi que les travaux de l’Organisation sur les systèmes d’information du marché du travail, sur la création d’entreprises par les chômeurs, la sécurité et la santé au travail et la protection sociale, continuent de bénéficier également à l’Europe occidentale. Au nom du gouvernement de l’Allemagne, l’orateur a remercié le directeur régional, M. Scharrenbroich, pour le travail qu’il a accompli au cours des cinq dernières années.
    84. La représentante du gouvernement de la Roumanie a informé la réunion des réformes institutionnelles qui, dans son pays, sont conçues pour améliorer le dialogue social et la participation des partenaires sociaux au processus de prise de décision. La réforme du système d’assurance sociale et l’expansion des prestations et des services sociaux visant à prévenir l’exclusion sociale demeurent une priorité pour le gouvernement. En ratifiant récemment la convention no 182 de l’OIT, la Roumanie a rejoint les pays qui ont ratifié toutes les conventions fondamentales. Le programme de coopération entre la Roumanie et l’OIT pour 2000-01 constitue une nouvelle étape de la consolidation d’un partenariat actif avec l’Organisation.
    85. Le délégué des employeurs de l’Ukraine a fait observer qu’il est difficile de surestimer l’importance du dialogue social dans les pays dotés de systèmes économiques de transition, car il leur permet de résoudre conflits et problèmes. A cet égard, le rôle de l’OIT est très important. Grâce au dialogue social, les organisations d’employeurs en Ukraine exercent une influence croissante sur toutes les décisions du gouvernement concernant l’emploi, l’amélioration du système de paiement des salaires, la sécurité et la santé au travail et la protection sociale des travailleurs. Elles participent aussi activement au Conseil national du partenariat social ainsi qu’à d’autres organes tripartites et à l’élaboration de la nouvelle législation, y compris le projet de loi sur les organisations d’employeurs, qui a été soumis au Parlement ukrainien. L’orateur s’est dit satisfait des activités menées à bien dans le cadre du Programme de partenariat actif entre l’OIT et l’Ukraine.
    86. Le délégué des travailleurs du Kazakhstan a fait observer que son pays attache une grande importance à la coopération avec l’OIT et à la participation aux divers séminaires, colloques et ateliers. Ces activités ont facilité la conception de politiques susceptibles de traiter les problèmes de l’abaissement du niveau de vie, du chômage massif et du non-versement des salaires, qui ont été autant de fléaux pour le pays par le passé. Les syndicats ont fait preuve d’ouverture pour débattre avec le gouvernement des voies et moyens de résoudre ces problèmes, mais leur contribution a été négligée. Ce n’est que par la grève et la manifestation qu’ils ont pu entamer des pourparlers avec le gouvernement, lesquels ont abouti à la signature d’un Accord général. Le tripartisme n’est pas encore enraciné au Kazakhstan.
    87. Le ministre de la Santé et de la Politique sociale de la République fédérale de la Yougoslavie a exprimé la satisfaction de son gouvernement car la Yougoslavie est récemment devenue un Etat Membre de l’OIT. Le pays attache la plus haute importance à l’Organisation et à ses principes et valeurs fondamentaux. Actuellement, il est confronté à de nombreux problèmes, tels qu’un taux de chômage extrêmement élevé, un secteur privé et une économie de marché sous-développés et des fonds de pension et de soins de santé presque à sec. On a déjà lancé de nombreuses initiatives multilatérales et bilatérales afin de trouver des solutions à long terme à tous ces problèmes. Le gouvernement de la Yougoslavie a d’ailleurs l’intention de lancer d’autres activités de coopération multilatérale avec l’OIT, l’OMS et l’OIM.
    88. Le représentant du gouvernement de la Fédération de Russie a noté le dynamisme de l’économie de l’information en Russie, ainsi que le fossé considérable qui sépare ce pays des pays les plus avancés dans ce domaine. Il a déclaré que son gouvernement mène à bien un certain nombre d’activités en matière de travail, y compris la préparation d’un nouveau code du travail en consultation avec les partenaires sociaux et la mise au point d’un service d’assistance sociale plus efficace, de politiques du marché du travail conçues pour stimuler l’emploi, et d’activités de formation pour encourager la création de nouveaux lieux de travail. L’orateur a souligné le rôle croissant de l’assistance de l’OIT et de l’aide spécifique fournie par le bureau de l’OIT à Moscou pour mettre en œuvre l’ordre du jour de travail décent. Pour conclure, il a proposé que l’on ajoute deux spécialistes à l’EECAT afin de renforcer les travaux du bureau de l’OIT à Moscou.
    89. La représentante du gouvernement de l’Italie a dit qu’elle soutient les priorités de l’OIT en Europe et en Asie centrale en ce qui concerne le dialogue social, la politique de l’emploi, la réforme de la sécurité sociale, l’égalité de chances et la protection des travailleurs migrants. A travers l’OIT et son Centre de formation à Turin, l’Italie a appuyé plusieurs programmes conçus à l’intention des pays d’Europe orientale et d’Asie centrale, et en particulier les pays des Balkans.
    90. Le représentant du gouvernement de la Hongrie a exprimé sa sincère gratitude au directeur du bureau régional pour l’Europe et l’Asie centrale et à l’Equipe consultative multidisciplinaire de Budapest pour l’aide qu’ils ont fournie à son pays. Il s’est également déclaré très satisfait du rôle dynamique qu’assume l’OIT en aidant les pays candidats à préparer leur accession à l’Union européenne. Il a souligné les progrès considérables que la Hongrie a accomplis sur la voie de l’intégration européenne. Cependant, comme la Commission européenne l’a fait remarquer dans un rapport récent, de nouveaux efforts sont nécessaires pour renforcer le dialogue social et, à cet égard, le gouvernement de la Hongrie souhaiterait pouvoir compter sur l’aide de l’OIT.
    91. Le représentant du gouvernement de la Lituanie a fait remarquer que la promotion de l’emploi et le développement de la sécurité sociale constituent deux importants domaines d’activités pour l’OIT dans le contexte de la mondialisation. Le gouvernement lituanien s’occupe actuellement de ces questions en élaborant un certain nombre de programmes dans divers domaines: stratégie de lutte contre la pauvreté, réforme des pensions, plan d’action national pour l’emploi et nouveau code du travail.
    92. Le délégué des travailleurs de l’Albanie a fait un exposé de la situation dans son pays, caractérisé par un taux élevé de chômage de longue durée et par la pauvreté. Il a fait savoir qu’un certain nombre de structures tripartites ont été établies et a souligné l’importance de l’aide de l’OIT dans l’accélération des processus de réforme dans son pays. Il a conclu en exprimant sa solidarité avec le mouvement syndical au Bélarus.
    93. Le représentant du gouvernement du Bélarus a fait remarquer que les futures activités de coopération avec son pays devraient porter sur divers domaines: réforme de la législation nationale du travail, mise au point d’un dialogue social effectif, amélioration de la sécurité au travail et des systèmes de santé, réformes des systèmes salariaux, enfin, élaboration de nouvelles approches pour la création d’emplois.
    94. Le délégué des travailleurs de la République tchèque a déploré la colonisation des systèmes de pension dans les pays d’Europe centrale et orientale par certains pays occidentaux et groupes financiers transnationaux avec l’assistance d’institutions financières internationales qui cherchent à encourager les régimes privés portés sur le profit. Il a remercié l’OIT pour son action en faveur des démocraties émergentes et des nouveaux syndicats dans la région et a souligné que l’OIT était la seule organisation tripartite respectée dans ces pays. L’orateur a souscrit à la déclaration du groupe des travailleurs sur la situation au Bélarus.
    95. Le délégué des travailleurs de la Grèce a estimé que la montée du chômage dans la région était due aux politiques néolibérales et a demandé un changement dans les forces politiques et sociales à l’échelon européen. Il espère que l’OIT renforcera ses mécanismes de contrôle en vue de promouvoir l’application des normes internationales du travail.
    96. La déléguée des travailleurs de l’Italie a souligné que, tout en tenant compte des spécificités et des besoins des différents pays, l’OIT devrait promouvoir toutes les normes internationales du travail et ne pas se concentrer exclusivement sur les normes fondamentales. Deux questions appellent l’attention d’urgence à savoir le développement du travail des enfants et la violation des droits des femmes en particulier par l’intermédiaire du trafic des femmes. L’oratrice est préoccupée par la situation au Bélarus et exprime son soutien aux organisations syndicales du pays.
    97. Un représentant du gouvernement de la République tchèque s’est associé aux orateurs précédents pour féliciter l’OIT pour les efforts déployés dans la région au cours des cinq dernières années. Il remercie particulièrement l’OIT pour son assistance fournie dans divers domaines: dialogue social, sécurité et santé au travail, inspection du travail, services de l’emploi public et élimination de la discrimination notamment entre les sexes, réforme des pensions et ouverture d’un dialogue sur les travailleurs migrants. Une aide de l’OIT serait encore nécessaire prochainement pour la ratification de la convention no 138, la réforme des régimes des pensions, la loi sur l’inspection du travail et l’élaboration d’un nouveau code du travail.
    98. Le délégué des travailleurs de la Belgique a insisté sur la nécessité d’assurer une meilleure coordination des politiques des différentes organisations nationales et internationales, y compris les politiques macroéconomiques, les politiques commerciales et leurs liens réciproques avec les principes sociaux et les normes. Lors de la prochaine réunion de ce type, les autres acteurs du développement social de la région tels que le Conseil de l’Europe, les institutions de Bretton Woods, l’OMC et d’autres devraient intervenir davantage.
    99. Le délégué des employeurs de la Pologne a déclaré que les restrictions formelles contre la libre circulation des experts en TIC n’étaient pas justifiées. Il conviendrait, dans les programmes publics de migration d’experts, de trouver des mécanismes de compensation pour les pays qui perdent des travailleurs qualifiés. L’orateur a également vivement insisté sur la nécessité d’aborder la réforme de la compensation des accidents du travail.
    100. Le représentant de la Commission européenne a souligné le degré élevé de compatibilité entre les activités de l’OIT relatives au travail décent et les programmes de l’Union européenne dans les pays d’Europe centrale, orientale, de l’Europe du Sud-Est et de la CEI à savoir les programmes Phare et Tacis. Les objectifs des deux organisations se soutiennent mutuellement. La Commission européenne a apporté un soutien ferme à l’initiative pour la cohésion sociale, dans le cadre du Pacte de stabilité au sein duquel l’OIT joue un rôle d’avant-garde, et elle attend avec intérêt le renforcement de la coopération avec l’OIT dans la région européenne.
    101. Un délégué des employeurs de la Hongrie a insisté sur l’importance centrale des connaissances dans la nouvelle économie et sur les possibilités qu’elles offrent aux pays démunis d’autres ressources. L’OIT devrait être particulièrement active dans l’élaboration des stratégies visant à répondre à ces défis.
    102. Le délégué des employeurs du Bélarus a fait remarquer que les employeurs bélarussiens prennent une part active au dialogue social. Ce dernier se déroule dans le cadre d’une structure prévue par une série d’accords conclus à différents niveaux ainsi que dans différents conseils tripartites, y compris le Conseil national sur les questions sociales et du travail. L’orateur a également appelé l’attention sur l’assistance technique précieuse offerte par l’OIT, et en particulier par le bureau de l’OIT à Moscou, à la Confédération des entrepreneurs et des employeurs du Bélarus.
    103. III. Adoption du rapport et des conclusions
      de la réunion

    104. La sixième Réunion régionale européenne a adopté ses conclusions et son rapport par consensus et a pris note des réserves suivantes exprimées par le groupe des employeurs et par le gouvernement du Bélarus.
    105. Le groupe des employeurs a déclaré qu’il ne pouvait ignorer l’existence de la convention (nº 177) sur le travail à domicile, 1996. Cependant, il y reste fondamentalement opposé. C’est pourquoi il souhaite qu’il soit pris acte de sa forte réserve quant à l’adoption du paragraphe 39 des conclusions et à la mention de la convention no 177 dans les conclusions.
    106. Le groupe des travailleurs a relevé que la convention no 177 a été dûment adoptée par la Conférence et que, ayant fait l’objet du nombre de ratifications requis, elle est déjà en vigueur. La référence à cette convention dans les conclusions est une indication de leur pertinence pour le secteur des technologies de l’information et de la communication.
    107. Le gouvernement du Bélarus, appuyé par le gouvernement de la Fédération de Russie, a exprimé de fortes réserves quant au contenu du paragraphe 20.
    108. Le gouvernement du Royaume-Uni a souhaité préciser que, en ce qui concerne le paragraphe 24 des conclusions, il approuve le contenu de la Résolution visant à assurer l’indépendance et à faciliter le financement des organisations d’employeurs et de travailleurs, adoptée à la Conférence régionale de Varsovie (septembre 1995), ni plus, ni moins.
    109. Le Directeur régional, M. Scharrenbroich, s’adressant aux participants à la réunion, a fait observer qu’elle a été productive. La région de l’Europe et de l’Asie centrale est très diverse, mais les pays de cette région sont confrontés à un certain nombre de problèmes communs. Afin de les résoudre, l’OIT s’efforcera d’apporter une aide à ses mandants dans la région en matière de création d’emplois, de renforcement du dialogue social et de la sécurité sociale, et de développement des technologies de l’information. Pour donner suite aux idées qui ont été exprimées lors de la réunion, l’OIT s’efforcera également de renforcer sa coopération avec les institutions européennes et d’autres organisations internationales.
    110. La réunion s’est terminée sur les remerciements que les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, ainsi que le Directeur général, ont adressés à M. Scharrenbroich pour les services rendus à l’OIT et pour la précieuse contribution qu’il a apportée aux travaux de l’Organisation en sa qualité de Directeur régional pour l’Europe et l’Asie centrale.
    111. Le Conseil d’administration voudra sans doute prier le Directeur général:

a) d’appeler l’attention des gouvernements des Etats Membres de la région européenne et, par leur intermédiaire, celle des organisations nationales d’employeurs et de travailleurs, sur les conclusions adoptées par la réunion;

b) de garder ces conclusions à l’esprit lors de l’exécution des programmes en cours et de la préparation des futures propositions de programme et de budget;

c) de communiquer le texte des conclusions:

i) aux gouvernements de tous les Etats Membres et, par leur intermédiaire, aux organisations nationales d’employeurs et de travailleurs;

ii) aux organisations internationales concernées, y compris les organisations internationales non gouvernementales dotées d’un statut consultatif.

 

Genève, le 31 janvier 2001.

 

Point appelant une décision:

paragraphe 104.



Annexe

Conclusions

1. Les délégués à la sixième Réunion régionale européenne de l’OIT accueillent avec satisfaction le contenu des rapports du Directeur général intitulés L’Europe à l’heure de la mondialisation – Le travail décent dans l’économie de l’information (volume I), et Le travail décent en Europe et en Asie centrale: Activités de l’OIT 1995-2000 (volume II). Ils ont adopté ces conclusions par consensus ainsi que le rapport de la réunion qui reflète la discussion qui a eu lieu avant l’adoption des conclusions.

2. Les participants à cette réunion réaffirment leur adhésion au programme sur le travail décent qui englobe les quatre objectifs stratégiques de l’Organisation internationale du Travail, tels qu’approuvés à la Conférence internationale du Travail en 1999:

n Promouvoir et renforcer les principes et droits fondamentaux au travail et les normes internationales du travail.

n Accroître les possibilités pour les femmes et pour les hommes d’obtenir un emploi et un revenu convenables.

n Faciliter l’accès à la protection sociale pour tous.

n Renforcer le tripartisme et le dialogue social.

3. Les participants recommandent de mettre au point, aux niveaux national, sous-régional et régional, des politiques et des activités se rapportant aux quatre objectifs stratégiques de l’Organisation, et notamment aux composantes axées sur l’égalité entre hommes et femmes et sur le développement.

Tendances du développement dans la région

4. L’Europe et l’Asie centrale constituent une région vaste et diversifiée. Les niveaux de développement, qui y sont très variés, diffèrent beaucoup d’un pays à l’autre de la région, et ces disparités pourraient même s’accentuer.

5. La réunion reconnaît la diversité des situations qui existent dans toute la région Europe et Asie centrale pour ce qui est de l’emploi, du dialogue social et des systèmes de protection sociale. Il existe cependant un large éventail de stratégies communes pouvant aider les pays les plus touchés par les changements économiques et sociaux. Il faudrait mettre ces stratégies en évidence et en faire bénéficier tous les pays de la région.

Défis et possibilités pour l’OIT

6. La réunion réitère l’importance des normes internationales du travail et de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui sont des références et des outils pour concrétiser le progrès social et économique.

7. La création de deux équipes multidisciplinaires en Europe et en Asie centrale, chacune correspondant à un bureau de zone, ainsi que le renforcement du réseau des correspondants nationaux, ont rapproché les experts du BIT des mandants. Les principales interventions dans les pays dépendant des équipes consistent en services consultatifs et en activités de coopération technique. De nouvelles mesures doivent être prises pour accroître l’efficacité de ces équipes et il faudra pour cela que leur composition réponde plus précisément aux besoins des mandants. Les normes du travail sont considérées comme un domaine technique particulièrement important.

8. La réunion invite également le Conseil d’administration à proposer, lors de la discussion et de l’adoption du Programme et budget pour la prochaine période biennale, des ressources humaines et financières qui soient adaptées au bon fonctionnement du bureau régional de l’OIT pour l’Europe et l’Asie centrale, et notamment de ses services extérieurs et du réseau des correspondants nationaux, tout en prenant pleinement en considération les besoins croissants des mandants dans les pays concernés. En vue de renforcer la capacité des mandants tripartites, le Bureau est aussi invité à allouer des ressources suffisantes pour développer ses services de recherche et de consultation dans les secteurs économique et social.

Contribution de l’OIT aux pays candidats à l’adhésion

9. L’OIT devrait continuer d’aider les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne à moderniser leurs systèmes sociaux et à intégrer l’"acquis communautaire" dans les domaines social et du travail.

Contribution de l’OIT au Pacte de stabilité

10. Le bon fonctionnement du tripartisme et un dialogue social bipartite dans la région de l’Europe du Sud-Est avec la participation des représentants des partenaires sociaux de chaque pays et par la voie des institutions compétentes constituent des outils essentiels pour une politique stable de développement économique et social. Toutes les activités visant à accroître la participation des partenaires sociaux aux travaux du Pacte de stabilité et aux consultations tripartites au niveau régional sont encouragées.

Contribution de l’OIT à la consolidation
de la démocratie

11. La bonne gestion des affaires publiques joue un rôle fondamental dans le processus de consolidation de la transition économique pour les pays d’Europe centrale et orientale, ainsi que pour ceux d’Asie centrale. La lutte contre la corruption, qui est une composante de la bonne gestion des affaires publiques, doit être menée sans relâche partout où cela est nécessaire. Pour traiter ces problèmes, l’OIT devrait demander aux Etats Membres de l’aider à coordonner ses efforts avec ceux des autres organisations internationales et régionales intéressées ayant également des activités dans ce domaine.

12. Certains pays de la région sont en proie à des conflits, qui mettent en péril la cohésion sociale et économique. L’OIT est invitée à poursuivre ses activités liées aux programmes de reconstruction dans les pays affectés par des crises et à contribuer, pendant et après le conflit, à protéger les personnes déplacées, y compris bien entendu les travailleurs et leurs familles. La réunion reconnaît aussi que, pour porter leurs fruits, les efforts de reconstruction devraient faire une très large place à l’établissement de mécanismes tripartites et d’institutions de dialogue social solides et efficaces.

Relations de l’OIT avec l’UE, la CEI
et d’autres institutions régionales

13. Une approche paneuropéenne suivant laquelle les pays de la région et les républiques d’Asie centrale mettront en commun leurs ressources humaines et techniques et leurs compétences avec celles de l’OIT, du système des Nations Unies et d’autres organisations internationales est indispensable pour examiner les questions relatives au processus d’adhésion ainsi que les progrès accomplis dans les pays de la CEI et d’Europe du Sud-Est et favorisera la consolidation de la démocratie dans la région.

14. L’OIT et l’UE sont invitées à élaborer une approche concertée sur les sujets sociaux internationaux comme il est prévu dans les conclusions du Sommet européen de Nice. L’OIT et l’UE pourraient intensifier leur collaboration dans la recherche et dans leurs activités conjointes d’intérêt commun.

Activités de l’OIT

Priorités de l’assistance technique en Europe

Promouvoir l’accès à des emplois et des revenus décents

15. La croissance économique a été irrégulière dans beaucoup de pays d’Europe pendant une grande partie de la décennie et trop lente pour régler les problèmes de longue date du chômage. Plusieurs pays en transition qui ont connu une certaine amélioration de leur croissance continuent de se heurter à différents problèmes: bas salaires, non-versement des salaires, fort taux de chômage et de sous-emploi. Pour réduire au minimum les effets néfastes du risque persistant de chômage, le BIT doit réagir avec force en s’appuyant sur la coopération technique et les services consultatifs. Il doit axer ses efforts sur la formation et le redéploiement des travailleurs déplacés, ainsi que sur la protection des femmes, des migrants et autres groupes susceptibles d’être particulièrement touchés. Il faut promouvoir l’emploi en encourageant un dialogue social qui débouche sur l’adoption de stratégies pertinentes de développement de l’entreprise, favoriser l’investissement dans les ressources humaines et un environnement propice à la compétitivité durable des entreprises dans une économie qui doit de plus en plus tenir compte de la mondialisation et de la révolution de l’information.

16. La réunion a réaffirmé l’importance de la résolution relative à la formation et à la mise en valeur des ressources humaines, adoptée par la Conférence internationale du Travail, à sa 88e session, particulièrement pertinente à cet égard.

Promouvoir les principes et droits fondamentaux au travail
ainsi que les normes internationales du travail

17. Les Etats Membres de l’Europe et de l’Asie centrale ont certes un très bon taux de ratification des conventions fondamentales de l’OIT, mais des problèmes persistent dans la région en ce qui concerne leur application. Tous les Membres devraient continuer de poursuivre une politique active de ratification des conventions de l’OIT, qui ne doivent pas être considérées comme faisant double emploi avec les instruments régionaux existants ou à venir.

18. Dans la ligne de la campagne universelle de ratification lancée en 1995, il faut poursuivre les efforts visant à assurer l’application des huit conventions fondamentales et leur respect effectif. Il faut veiller tout spécialement à garantir que les employeurs et les travailleurs jouissent des droits fondamentaux d’association et de libre négociation collective, tels que définis dans les conventions nos 87 et 98.

19. La liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective sont des principes essentiels des relations professionnelles. Des cas de violations de ces principes fondamentaux continuent d’être signalés dans plusieurs pays de la région. La réunion exhorte donc les gouvernements à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à ces situations ou éviter qu’elles ne se produisent, en se fondant sur les dispositions de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et sur les conventions et recommandations pertinentes.

20. A la lumière de ce qui précède, référence est faite spécialement à ce que la grande majorité des participants à la réunion ont considéré comme une grave violation des droits syndicaux au Bélarus. La déclaration du groupe des travailleurs figure en annexe aux présentes conclusions. Le groupe des employeurs s’est associé à cette déclaration, de même que 32 délégations gouvernementales.

21. Les gouvernements, les employeurs et les travailleurs doivent affronter avec détermination le problème de la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale. Il faut s’attacher tout spécialement à lutter contre la discrimination dont peuvent être victimes les groupes de travailleurs les plus vulnérables, en particulier ceux, tels que les populations déplacées et les minorités ethniques, qui y sont exposés pour de multiples motifs.

Renforcer le tripartisme et le dialogue social

22. La ratification de la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, et sa mise en œuvre appropriée devraient avoir un degré élevé de priorité, en particulier comme moyen d’encourager les mécanismes tripartites. Des échanges de vues tripartites à l’échelon sous-régional et régional sur les questions sociales et du travail pourraient aussi renforcer le tripartisme, tout en fournissant des orientations équilibrées sur les questions de politique générale.

23. La réforme de la législation du travail devrait être poursuivie en tant que de besoin dans les économies en transition, afin que les éléments fondamentaux et pragmatiques d’un dialogue social bipartite et tripartite constructif soient pleinement reconnus et mis en œuvre. La contribution de l’OIT à ce processus est jugée d’une importance fondamentale dans les pays en question et devrait être maintenue et renforcée.

24. A la lumière de la résolution adoptée à la Conférence régionale de Varsovie (septembre 1995), il est rappelé aux gouvernements qui n’ont pas encore pris les mesures nécessaires qu’ils devraient faciliter par tous les moyens (y compris des déductions fiscales) les mesures qui favorisent l’expansion des effectifs des organisations d’employeurs et de travailleurs.

Assurer une protection sociale pour tous

25. Chaque année, de très nombreux travailleurs en Europe et en Asie centrale sont tués, blessés ou tombent malades au travail. A cet égard, il reste à beaucoup à faire en matière de prévention et de protection. Des mesures doivent être prises pour introduire des méthodes favorables à l’apprentissage et à l’innovation sur le lieu de travail, conjointement à une législation appropriée et à une inspection efficace.

26. L’avenir de la protection sociale fait l’objet de débats dans tous les pays de la région. L’OIT devrait poursuivre ses efforts en vue d’aider à opérer une réforme des systèmes de sécurité sociale dans le respect des droits fondamentaux des assurés et des bénéficiaires, en préservant la viabilité financière de ces systèmes et dans le cadre d’un solide consensus social. La discussion générale à la Conférence internationale du Travail en 2001 devrait fournir à la région de précieuses indications.

27. Il est probable que les migrations de main-d’œuvre augmenteront du fait des flux intraeuropéens, qu’il y ait ou non augmentation du nombre des membres de l’Union européenne. Ces mouvements s’accompagnent souvent d’effets indésirables: migrations clandestines et illégales, mauvaises conditions de travail, protection insuffisante pour les travailleurs migrants, voire parfois des formes de migration intolérables d’êtres humains, en particulier la traite des femmes. Des politiques sont nécessaires tant dans les pays d’origine que dans les pays de destination pour régler efficacement la question de la protection des droits des travailleurs migrants en situation légale conformément aux conventions pertinentes de l’OIT.

28. Ayant examiné les questions relatives aux technologies de l’information et de la communication (TIC), la réunion a abouti aux conclusions ci-après.

Politiques pour une société de l’information
qui évite l’exclusion

29. La capacité des TIC de favoriser la croissance de l’économie et de l’emploi est reconnue, et l’augmentation de la productivité grâce à leur utilisation peut concorder avec une croissance nette de l’emploi. Néanmoins, de la diffusion des TIC découlent de nouveaux modes de destruction et de création d’emplois et, de ce fait, il y a des gagnants et des perdants. Une orientation très claire vers l’éducation et l’apprentissage continu doit faire partie intégrante des stratégies des pays en ce qui concerne les TIC afin que le fossé numérique entre les pays ne se creuse pas davantage. La nécessité d’améliorer l’accès à l’éducation et à la formation tout au long de la vie, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies afin d’éviter les déficits de qualifications, a été largement reconnue.

30. Afin d’offrir des possibilités accrues et diversifiées d’acquérir des qualifications professionnelles dans le domaine de l’introduction et de l’adoption des technologies de l’information et de la communication, les gouvernements ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs devraient collaborer à la formulation de politiques d’éducation et de formation, ainsi qu’à l’amélioration de tous les types de formation professionnelle. C’est dès l’école primaire qu’il faut familiariser les enfants avec les moyens de communication modernes, et pour cela l’Etat doit établir des programmes adaptés et s’appliquer à déterminer les moyens requis à cet effet.

31. Cela doit être une priorité pour les partenaires sociaux, car l’éducation et les qualifications déterminent de plus en plus la croissance économique, et le rythme de l’évolution technique suscite l’obsolescence rapide des compétences, d’où la difficulté pour les travailleurs et les organismes de formation de ne pas se laisser dépasser. Le déficit de l’offre de qualifications et le manque d’accès à l’apprentissage continu sont parmi les facteurs qui contribuent le plus à creuser le fossé numérique.

Migration de la main-d’œuvre ou transfert du travail?

32. Il importe de veiller particulièrement à ce que les migrations de travailleurs hautement qualifiés ne se soldent pas, pour les pays d’origine, par l’exode de précieuses ressources humaines, ni ne découragent les pays de destination d’investir davantage dans la formation et le recyclage de leurs propres citoyens, en particulier les chômeurs.

Adaptation du management aux nouvelles technologies
et organisation du travail

33. La création de nouvelles possibilités d’emplois, notamment par le biais de la diffusion des TIC dépend en grande partie des entreprises privées, et en particulier des petites et moyennes entreprises. Les TIC ont permis d’accroître les échanges de services, et les pays européens ont aujourd’hui plus d’opportunités d’exporter des produits "intangibles" tels que les logiciels. Ces technologies favorisent aussi l’esprit d’entreprise et l’emploi indépendant, car elles éliminent beaucoup d’obstacles à l’entrée et reposent davantage sur la créativité et l’innovation que sur les ressources matérielles ou l’investissement en capital. Il y a lieu d’aider les entrepreneurs à relever le défi de la mondialisation et de l’intégration de l’Union européenne en encourageant les programmes de formation et d’amélioration de la productivité en vue d’accroître l’efficacité managériale et de promouvoir l’esprit d’entreprise chez les femmes comme chez les hommes.

Inclusion des groupes vulnérables
dans la société de l’information

34. Les facteurs apparents qui déterminent le clivage numérique sont le revenu, le niveau d’instruction, le sexe et le lieu. Mais l’écart qui se creuse entre travailleurs en fonction de l’âge est tout aussi préoccupant. Il faut multiplier les efforts visant à doter les travailleurs d’un certain âge des qualifications relatives aux nouvelles technologies.

35. Les femmes sont moins nombreuses que les hommes à travailler dans le secteur des TIC. Celles-ci peuvent être un instrument de création d’emplois pour les femmes et d’élimination de la discrimination. Cependant, les politiques et les institutions doivent aussi veiller à ce que l’utilisation de ces technologies n’engendre pas une polarisation sexospécifique des compétences, et ne renforce par les schémas existants de segmentation du marché du travail en fonction du sexe. Par ailleurs, il faut consentir un effort particulier pour encourager les filles à étudier les disciplines liées aux technologies de l’information et de la communication à l’école.

36. Sur le marché du travail, l’essor du commerce sur Internet peut être un puissant moyen de surmonter les obstacles liés à la discrimination, ceux notamment que subissent les personnes handicapées. Toutefois, l’utilisation généralisée des TIC dans le monde du travail peut aussi avoir pour effet d’isoler les travailleurs dans le cas du télétravail et de renforcer la surveillance qui s’exerce sur eux.

Adaptation des institutions du marché du travail
à la société de l’information

37. Les TIC peuvent avoir avec le temps des répercussions majeures sur les relations humaines et professionnelles. De ce fait, l’OIT doit examiner les conséquences éventuellement préjudiciables pour les travailleurs et pour la société et les meilleurs moyens d’y faire face.

38. Il conviendrait de tenir dûment compte des effets que les technologies de l’information et des communications (TIC) auront sur les travailleurs et leurs familles, et notamment du déficit de protection sociale qui se crée sur un marché du travail plus diversifié. Si le travailleur indépendant ou le travailleur sous contrat, qui se situe au plus haut niveau de l’échelle des compétences, est souvent très demandé et peut toucher un salaire très élevé, pour d’autres, les contrats d’emploi traditionnels issus de la négociation collective offrent, d’une manière générale, une meilleure protection que les divers contrats individuels de travail et d’emploi indépendant. Il importe de réexaminer la pertinence des lois en vigueur. L’OIT tout comme les Etats Membres doivent examiner de plus près la question de la distinction entre vrai et faux emploi indépendant.

39. Plusieurs conventions de l’OIT peuvent être considérées comme se rapportant tout particulièrement à la question des répercussions sur le marché du travail de la diffusion des TIC. On peut citer notamment la convention nº 156 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, la convention nº 175 sur le travail à temps partiel, la convention nº 177 sur le travail à domicile, et la convention nº 181 sur les agences d’emploi privées.

Adaptation des organisations d’employeurs
et de travailleurs à la société de l’information

40. La liberté de localisation du travail et la capacité de contrôler le comportement du travailleur en temps réel peuvent déboucher sur un affaiblissement relatif des procédures collectives de travail; il est donc d’autant plus important que les conventions de l’OIT soient pleinement respectées dans le secteur des TIC et que l’OIT continue d’accorder une grande attention aux questions qui se posent dans ce domaine dans la région de l’Europe et de l’Asie centrale.

41. Par ailleurs, les TIC peuvent avoir des effets certes positifs sur la qualité de la vie et de l’emploi, mais elles peuvent aussi s’accompagner d’effets négatifs. De nouveaux défis pourraient apparaître en matière de sécurité et de santé, et notamment le surmenage et l’augmentation du stress au travail. La participation des partenaires sociaux sera déterminante pour minimiser ce risque. Ce n’est pas à la technologie qu’il revient de déterminer le cours des choses, mais à l’humanité. Nous devons négocier la façon de répartir plus largement les gains et de réduire au minimum les coûts et les risques sociaux.

42. L’économie du savoir lance de nouveaux défis et, pour relever l’un d’eux, il faudrait garantir la force des organisations d’employeurs et de travailleurs. L’organisation de la nouvelle population active de la technologie de l’information et de la communication et l’attraction des nouvelles entreprises dans ce domaine en qualité de membres dans les organisations d’employeurs permettraient à la fois aux syndicats et aux organisations d’employeurs d’améliorer leur efficacité et celle des services qu’ils offrent, de mieux atteindre leurs membres et les non-membres et d’encourager le progrès économique et social.

Adaptation de l’OIT à la société de l’information

43. La coopération technique de l’OIT devrait lui permettre d’aider ses mandants à s’adapter à la société de l’information, par le recueil et la diffusion des meilleures pratiques, en prenant en compte tout particulièrement ceux de ses Etats Membres qui sont le plus en retard dans ce domaine. Il est recommandé que le Centre international de formation de l’OIT à Turin devienne un centre d’excellence pour la formation aux technologies de l’information et de la communication. En temps opportun, on en viendra sans doute à envisager la création d’une "université électronique" à travers laquelle la base des connaissances du Bureau deviendra plus largement accessible. L’OIT devrait réexaminer sas propres capacités en technologies de l’information et de la communication et, le cas échéant, perfectionner ses compétences.

 

Appendice

Violation des droits syndicaux au Bélarus

Déclaration à la sixième Réunion régionale européenne
(Genève, 12-15 décembre 2000)

1. Le groupe des travailleurs tient à appeler l’attention de la sixième Réunion régionale européenne sur les graves violations des droits syndicaux qui ont cours au Bélarus. Le groupe des travailleurs rappelle la plainte soumise à l’OIT en juin par les syndicats bélarussiens concernant des violations des conventions nos 87 et 98 par l’Etat du Bélarus. Une documentation abondante a été fournie à l’appui de la plainte, qui fait état en particulier d’actes d’ingérence de l’Etat dans les affaires internes des syndicats et de procédures restrictives appliquées à l’enregistrement des syndicats.

2. Il n’a été mis fin à aucune des pratiques dénoncées par les syndicats bélarussiens. Au contraire, depuis le mois de juin les syndicats bélarussiens ont fourni d’autres éléments attestant les pressions continuelles qui sont exercées par les pouvoirs publics, les tentatives faites pour remplacer des dirigeants syndicaux par le biais d’une ingérence directe ou indirecte dans les procédures des assemblées, et les mesures d’intimidation qui ont été prises, en particulier le blocage des comptes bancaires de syndicats. Des pressions ont également été exercées sur des administrateurs d’entreprises en vue de s’assurer leur coopération dans ce processus et d’établir des syndicats d’entreprise contrôlés par la direction. De nombreuses organisations syndicales locales ayant déposé une demande d’enregistrement ont vu leur demande rejetée, moyennant quoi elles ne peuvent par la suite fonctionner normalement ni représenter convenablement leurs membres.

3. Les autorités publiques se sont désintéressées des tentatives des partenaires sociaux d’engager un dialogue social sur les questions de fond.

4. Nous demandons aux pouvoirs publics du Bélarus de régler de façon constructive cette grave situation afin d’assurer l’observation intégrale des dispositions des conventions nos 87 et 98, qui ont été ratifiées par le gouvernement du Bélarus, et de respecter pleinement la liberté syndicale, dans la loi comme dans la pratique.

5. Nous demandons au Directeur général de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect par les pouvoirs publics du Bélarus des dispositions des conventions nos 87 et 98 et pour promouvoir la négociation collective et un dialogue social effectif.



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Mise à jour par FQ. Aprouvée par OH. Dernière modification: 24 janvier 2001.