Évaluation indépendante de haut niveau de la réponse de l'OIT à la pandémie COVID-19, 2020-22

Bien que l'OIT ait commencé à préparer sa réponse bien avant la déclaration officielle de la pandémie de COVID-19 par l'OMS le 11 mars 2020, aucune des politiques, plans d’action ou procédures en place n'était encore adaptée à l'ampleur et à l'impact de la crise sanitaire.

Ainsi, une équipe de gestion globale composée de cadres supérieurs a été mise en place pour renforcer l'équipe de gestion de crise existante. Des études de cas ont été menées dans plusieurs bureaux nationaux, et dans l'ensemble, les parties prenantes ont exprimé leur satisfaction quant à la réponse de l'OIT à la crise. Néanmoins, certains membres du personnel et mandants ont émis quelques réserves concernant cette réponse. 

Les structures de gouvernance de l’OIT, uniques dans le système des Nations Unies en raison de leur application des principes du dialogue social à travers la nature tripartite de l'Organisation (gouvernements et organisations d'employeurs et de travailleurs),  ont été confrontées à des défis sans précédent, exigeant rapidité, adaptabilité et l’adoption de nouveaux processus virtuels.

Au début de la pandémie, les processus de gouvernance habituels ont été en partie contournés, mais les hauts responsables de l'OIT ont souligné que le maintien du dialogue social et la poursuite du dialogue avec les mandants demeuraient des priorités absolues.

Les mandants ont estimé que les nouveaux processus de gouvernance et de gestion introduits pendant la pandémie, qui se sont avérés efficaces, devraient être maintenus dans le contexte postpandémique.  

La crise a contraint l'OIT à procéder à des ajustements rapides de ses dépenses prévues. Elle a rapidement mis en place des procédures pour adapter les fonds du budget ordinaire et de la coopération au développement aux nouvelles circonstances, tout en maintenant l'obligation de rendre des comptes.

L'Organisation a informé ses partenaires financiers des situations sur le terrain et a discuté de la manière dont les projets pouvaient être adaptés. Elle a également mobilisé de nouvelles contributions volontaires de la part de ses partenaires de développement. La gestion des ressources humaines a aidé l'Organisation à s'adapter rapidement, en mettant en place de nouveaux systèmes, en équipant le personnel pour qu'il puisse travailler à distance et en garantissant la sécurité sur le lieu de travail.

Malgré ces mesures, le manque de flexibilité budgétaire et le manque de rapidité ont parfois été signalés comme des obstacles à une réponse plus rapide. 

Lorsque la pandémie de COVID-19 a commencé, l'OIT a réagi rapidement pour identifier et relever les défis auxquels les mandants étaient confrontés.

Le Bureau des activités pour les employeurs (ACT/EMP) a aidé les organisations d'employeurs à relever les défis institutionnels liés au maintien des effectifs, à la communication avec les membres et à la fourniture de services à ces derniers, ainsi qu'à la défense de leurs intérêts.

Le Bureau des activités pour les travailleurs de l'OIT (ACTRAV) s'est mis en rapport avec des organisations de travailleurs du monde entier pour recueillir et diffuser les réponses des syndicats nationaux à la pandémie.

Le Centre international de formation de l'OIT (ITCILO) a joué un rôle central et beaucoup plus important dans le renforcement de la capacité des mandants à relever les nombreux nouveaux défis posés par la pandémie.

Grâce à son rôle normatif en matière de travail et d'emploi et à sa capacité à produire des données sur le marché du travail qui font autorité l'OIT est en mesure de fournir des informations précieuses pour orienter les réponses du système des Nations Unies à la pandémie aux niveaux national et international.

Toutefois, cette contribution positive n'a pas été accompagnée d'une augmentation du financement de l'ONU ne s'est pas traduite par une augmentation du financement de l'ONU, ce qui a mis à rude épreuve les ressources de l'Organisation ce qui a eu pour effet de mettre à rude épreuve les ressources de l'Organisation.

Dans le contexte de la réforme des Nations unies, qui met l'accent sur la collaboration interinstitutionnelle et la programmation conjointe, le principal défi pour l'avenir sera pour l'OIT de tenir ses nouveaux engagements substantiels, dans le cadre de la réponse globale des Nations unies au COVID-19.  

Lorsque la pandémie a commencé, l'OIT a dû trouver un moyen pour que ses systèmes de planification, de suivi et de rapport s'adaptent rapidement et suivent la réponse de l'Organisation au COVID-19.

L'évolution des systèmes visait à mieux aligner, dans le cadre du système de gestion axée sur les résultats, les dimensions programmatiques et financières de la réponse. En fin de compte, cependant, le suivi par l'OIT de sa réponse au COVID-19 dans le cadre de ce système s'est avéré insuffisant. Les détails des résultats étaient souvent imprécis ou mal rapportés.

Malgré cela, les résultats de l'évaluation externe ex post de la qualité des rapports d'évaluation de 2020-21 ont montré que les notes de qualité globales des rapports d’évaluations de 2021 étaient supérieures à celles de 2019.

Une enquête menée auprès des membres du personnel a évalué l'état de préparation général de la réponse institutionnelle de l'OIT à la pandémie de COVID-19 à 5,62 sur une échelle de 6 points. Il a également été demandé au personnel d'identifier les trois principaux succès et obstacles concernant la réponse de l'Organisation. Une enquête auprès des mandants et des partenaires a attribué à l'OIT une note de 5,9 pour l'état de préparation général.

Toutefois, la participation à cette dernière enquête était largement biaisée en faveur les organisations de travailleurs, qui représentaient 62,2% des réponses, tandis que les organisations d'employeurs ne représentaient que 27,7% et les agences gouvernementales seulement 8,4%. Cette enquête demandait également aux participants de citer les trois principaux succès et obstacles de l'Organisation. 

En 2020, durant les premières phases de la pandémie de COVID-19, la réponse initiale de l'OIT s’est appuyée sur sa politique des "quatre piliers" et la Déclaration du centenaire. L'étape suivante a consisté d’encourager une action mondiale par le biais d'un véritable accord tripartite.

Au cours des mois qui suivants, des consultations avec les mandants sur ces "éléments constitutifs" ont eu lieu, aboutissant à l'adoption par la Conférence internationale du travail de l'Appel global à l'action pour une sortie de la crise du COVID-19 centrée sur l'être humain, qui soit inclusive, durable et résiliente. Une enquête auprès du personnel donne un aperçu des perceptions de la pertinence des actions entreprises dans divers domaines politiques.

L'OIT a réagi rapidement à la crise du COVID-19 en fournissant des données, des statistiques et des produits informatifs à ses mandants. De mars 2020 à octobre 2021, elle a produit plus de 170 publications politiques liées à la COVID-19 et a lancé un centre d'information dédié à cette pandémie.

Ces publications étaient alignées sur le cadre politique des quatre piliers : (a) stimuler l'économie et l'emploi ; (b) soutenir les entreprises, l’emploi et le revenu ; (c) protéger les travailleuses et les travailleurs sur le lieu de travail ; et (d) s'appuyer sur le dialogue social pour trouver des solutions. La mise en œuvre de ces politiques a nécessité un haut un niveau d'innovation et d'efficacité. Dans l’ensemble, malgré quelques réserves, le personnel et les mandants ont eu une perception positive de la pertinence de ces produits informatifs.  

L'OIT est un leader mondial dans l'analyse et la communication des mesures favorisant la croissance économique inclusive et l'emploi, que ce soit dans la phase de réponse immédiate à la crise ou dans la phase de redressement à long terme.

L'Organisation a mené des évaluations rapides de l'impact économique de la COVID-19 dans plus de 47 pays et a développé un outil pour évaluer les besoins en requalification et en amélioration des compétences dans 14 pays.

L'appel mondial à l'action et le cadre politique à quatre piliers de l'OIT ont défini des domaines d'action politique visant à minimiser les dommages causés par la pandémie sur la quantité et la qualité de l’emploi, et à promouvoir une reprise généralisée et abondante en postes d’emploi.

Les domaines d'action définis dans l'appel à l'action et le cadre des quatre piliers visaient à protéger les droits fondamentaux des travailleurs, leur santé, leur sécurité et leurs conditions de travail face à l'impact du COVID-19.

L'OIT a adopté une approche qui comprenait : (a) le renforcement des normes internationales du travail ; (b) la prévention du travail des enfants et du travail forcé ; (c) la protection des salaires et des conditions de travail dans les postes d’emploi nouveaux et atypiques ; (d) la protection des travailleuses et des travailleurs dans l'économie informelle et d’autres groupes vulnérables ; (e) la protection des travailleuses et des travailleurs migrant-e-s et des réfugié-e-s ; (f) la coordination pour protection future des travailleuses et des travailleurs migrant-e-s ; et (g) les efforts  de protection pour l'égalité, de la diversité et de l'inclusion des femmes et des hommes.

La pandémie a mis en évidence et exacerbé les inégalités socio-économiques structurelles et sur le marché du travail préexistantes entre et au sein des pays, affectant de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables.

Afin de remédier à ce problème, l'OIT a mis en place diverses mesures, notamment : évaluer les lacunes et les besoins en matière de protection sociale ; élaborer des réponses en matière de protection sociale en impliquant les partenaires sociaux ; réorienter les projets de protection sociale et élaborer de nouvelles interventions ; mobiliser et fournir des transferts monétaires d'urgence ; formuler des réponses politiques à la crise du COVID-19 ; renforcer la gouvernance et la viabilité financière des systèmes de protection sociale ; augmenter les capacités d'intégration de la protection sociale dans des réponses politiques globales ; développer des capacités et des produits de connaissance ; cibler les groupes vulnérables, y compris les migrants et les travailleurs informels.

En 2015, l'Agenda 2030 pour le développement durable des Nations Unies a établi 17 objectifs de développement durable et 169 cibles pour promouvoir la paix et la prospérité dans le monde.

En raison de son rôle central en matière de travail et d'emploi, l'OIT est devenue un leader dans la réponse mondiale du système des Nations unies face aux pandémies. Dans ce cadre, l'Organisation a pris plusieurs mesures, notamment en contribuant à l'architecture financière de la réponse mondiale à la pandémie, en finançant le travail de l'OIT avec des partenaires onusiens et multilatéraux, en fournissant du personnel pour ce travail et en renforçant la collaboration et la coordination avec eux. 

La stratégie analytique mise en place pour évaluer les résultats des programmes par pays (CPO) s’articule en deux phases principales : la phase 1 consiste à analyser les données du tableau de bord des résultats du travail décent de l’OIT pour identifier les rapports relatifs au COVID-19, tandis que la phase 2 se concentre sur l’analyse financière des dépenses associées aux CPO et aux produits mondiaux sélectionnés qui ont rapporté des résultats liés à la pandémie.

Selon le rapport de mise en œuvre du programme 2020-21, l’OIT a dépassé son objectif de 3 % pour la période biennale, obtenant 896 résultats dans 151 États membres et 2 territoires.

D'après une enquête menée auprès du personnel, une majorité d'employés de l'OIT considère que l'organisation a pris les mesures nécessaires pour concevoir et mettre en œuvre des actions de redressement face à la COVID-19.

Les personnes interrogées estiment également que ces actions sont pertinentes par rapport à la mission principale de l'OIT et à ses principes transversaux. Cependant, ils sont moins favorables à l'évaluation de la cohérence et de la collaboration entre les domaines politiques, ainsi qu'à l'évaluation de l'efficacité du travail de l'OIT dans la mise en œuvre des projets et des programmes. 

Les mandants de l'OIT ont également évalué positivement les efforts de l'organisation, mais la taille réduite de l'échantillon des personnes interrogées invite à la prudence dans l'interprétation de ces résultats. En outre, un nombre élevé de réponses "ne sait pas" aux questions posées lors de l'enquête auprès des mandants doit être pris en compte.

La réponse globale de l'OIT face à l'incertitude et aux changements imprévisibles provoqués par la pandémie a été très pertinente. Bien que la direction de l'OIT ait dû prendre des décisions rapides, cela a permis à l'Organisation de s'adapter à un environnement opérationnel radicalement modifié, tout en maintenant l'engagement des mandants grâce au dialogue social.

Cependant, bien que l'OIT ait rehaussé son profil au sein du système des Nations unies, ses contributions au niveau national ont été quelque peu limitées. Pour continuer à jouer un rôle pertinent dans l'élaboration de l'avenir du travail, ses actions devront rester adaptées aux changements continus et imprévisibles, et pas seulement aux impacts de la pandémie.

La pandémie a joué un rôle de catalyseur dans l'amélioration de la collaboration et de la cohérence des politiques de l'OIT, en aidant l'organisation à sortir de ce qui était perçu comme une "mentalité de silo".

Toutefois, les murs des silos ne se sont pas complètement effondrés et pour y remédier, l'Organisation a mis en place des mécanismes structurés pour encourager et récompenser les interactions entre les départements, notamment par le biais d'un recours accru aux réunions virtuelles.

L'OIT s'est également attachée à ce que ces changements soient conformes à l'importance qu'elle accorde au dialogue social, à la déclaration du centenaire et à la place centrale des normes internationales du travail. Ainsi, de nouveaux mécanismes de cohérence et de collaboration avec d'autres agences des Nations unies et des partenaires multilatéraux ont été mis en place. 

L'OIT a réussi en partie à adapter sa planification opérationnelle et ses systèmes de rapport pour suivre et mesurer l'efficacité de sa réponse à la pandémie de COVID-19. Bien qu'elle ait procédé à un examen minutieux des rapports sur les résultats des programmes par pays, cette démarche a été sujette à une certaine subjectivité et certains détails importants ont pu être omis.

Malgré ces lacunes dans le suivi et le rapportage, ainsi que le contexte d'incertitude opérationnelle dans lequel les décisions ont été prises, le travail de l'OIT a permis de mieux comprendre les effets de la pandémie sur les marchés du travail nationaux et de soutenir la croissance économique inclusive et l'emploi.

Malgré des circonstances sans précédent, l'OIT a géré la crise de manière efficace et rapide en réinventant rapidement son modèle de prestation de services, en définissant un cadre politique cohérent et en affirmant sa position d'autorité mondiale en ce qui concerne les effets de la pandémie sur le monde du travail.

Au niveau de la gouvernance, l'Organisation a adapté ses mécanismes de prise de décision et d'engagement des mandants, établis de longue date, et a réalisé des gains d'efficacité au cours du processus. Elle a mis en place des procédures pour favoriser la flexibilité budgétaire tout en maintenant la responsabilité.

Cependant, malgré les résultats impressionnants de l'Organisation dans sa réponse à la pandémie, l'évaluation de haut niveau n'a pas permis d'évaluer avec précision son rapport coût-efficacité. 

La mesure de l'impact et de la durabilité des politiques de l'OIT nécessitera davantage de temps et d'engagement, mais de nombreux pays sont déjà conscients de la nécessité d'agir. La coopération entre l'OIT, les autres agences des Nations unies, les partenaires multilatéraux et les institutions financières internationales est en train de prendre un nouvel élan.

Au niveau institutionnel, l'OIT a surmonté la phase initiale de crise de la pandémie en ayant acquis l'expérience d'une adaptation rapide et radicale de ses opérations. L'Accélérateur mondial pour l'emploi et la protection sociale pour des transitions justes pourrait également avoir des effets transformateurs, mais cela nécessitera des partenariats solides et un financement substantiel.  

• De nouvelles pratiques de travail peuvent améliorer l'interaction entre le siège et le terrain. 
• La pandémie a forcé l'OIT à produire des réponses agiles et innovantes en matière de prestation de services.  
• La réponse à la crise a démontré que le leadership peut améliorer la cohérence organisationnelle.  
• La prestation numérique des services de l'OIT offre la possibilité d'étendre la portée et l'échelle, mais la fracture numérique persiste.  
• Le suivi et la communication des actions de réponse à la crise doivent être améliorés.  
• La pandémie aura un effet durable sur l'approche de la prestation de services de l'OIT, mais les missions en personne continuent d'apporter des avantages.  
• La pandémie a mis en lumière d'autres dimensions de la sécurité et de la santé au travail, telles que la santé mentale.