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Jugement n° 4551

Décision

1. La décision attaquée du 16 décembre 2019 est annulée.
2. Le communiqué du 31 mai 2013 est annulé dans la mesure indiquée au considérant 14 du jugement.
3. L’OEB versera collectivement aux requérants la somme de 900 euros à titre de dépens.
4. Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Synthèse

Les requérants contestent les modifications effectuées concernant l’utilisation des courriels de masse au sein de l’Office.

Mots-clés du jugement

Mots-clés

Requête admise; Liberté d'association; Activités syndicales; Courriel; Jugement en plénière

Considérant 3

Extrait:

Les requérants invoquent une violation de leurs droits à la liberté d’association, de communication et d’expression, qui sont reconnus à tout fonctionnaire de l’Office. Selon la jurisprudence du Tribunal, tous les membres du personnel d’une organisation internationale jouissent du droit à la liberté d’association et l’organisation a l’obligation de ne pas porter atteinte à ce droit. Ce droit découle nécessairement de leur emploi (voir le jugement 4194, au considérant 7, ainsi que le jugement 911, au considérant 3). Chacun d’eux peut entamer une procédure visant à défendre ce droit ou à contester sa prétendue violation (voir le jugement 4155, au considérant 2). Ainsi, il suffit pour le Tribunal que les requérants aient formé leurs requêtes en leur qualité de fonctionnaires [...].

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 911, 4155, 4194

Mots-clés

Intérêt à agir; Liberté d'association

Considérant 5

Extrait:

Les requérants contestent deux décisions de portée générale, la première annonçant la future adoption de règles relatives aux courriels de masse et la seconde fixant de nouvelles règles en la matière. Il est de jurisprudence qu’un fonctionnaire ne peut saisir le Tribunal pour attaquer une décision de portée générale à moins que, et jusqu’à ce que, une décision individuelle faisant personnellement grief au fonctionnaire concerné ait été adoptée sur la base de la décision de portée générale. Mais la jurisprudence du Tribunal prévoit une exception ou une restriction. Comme le Tribunal l’a déclaré dans le jugement 3761, au considérant 14: «En principe, une [...] décision [administrative de portée générale] ne peut être contestée qu’à partir du moment où une décision individuelle faisant grief au fonctionnaire concerné a été adoptée. Toutefois, des exceptions sont possibles lorsque la décision de portée générale ne nécessite aucune décision d’application et porte immédiatement atteinte à des droits individuels». Cela vaut également pour le droit à la liberté d’association (voir, par exemple, les jugements 496, au considérant 6, et 3414, au considérant 4). Comme le Tribunal l’a fait observer dans ce dernier jugement, les fonctionnaires d’une organisation internationale jouissent du droit d’association et il existe dans leur contrat d’engagement une clause implicite obligeant l’organisation concernée à respecter ce droit. Le Tribunal a alors conclu que le requérant pouvait invoquer la compétence du Tribunal pour soutenir que des décisions de portée générale avaient directement porté atteinte à ses droits. Dans la présente affaire, les requérants soutiennent que le communiqué du 31 mai 2013 a immédiatement et directement porté atteinte au droit des fonctionnaires à la liberté d’association en annonçant qu’à compter du 3 juin 2013 les courriels adressés à plus de 50 destinataires seraient subordonnés à l’obtention d’une autorisation et que, sinon, ils seraient automatiquement bloqués et ne seraient pas expédiés. Quant au communiqué no 26 du 13 mai 2013, il représentait la première étape du processus qui avait abouti à la publication du communiqué du 31 mai 2013; par conséquent, c’est à juste titre que les requérants l’ont contesté en même temps que le communiqué du 31 mai 2013 dans le cadre du recours interne et des présentes requêtes.

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 496, 3414, 3761

Mots-clés

Décision générale; Intérêt à agir

Considérants 9-10

Extrait:

[L]a jurisprudence du Tribunal reconnaît depuis longtemps que les membres du personnel des organisations internationales jouissent du droit général à la liberté d’association. Il ne fait aucun doute que la liberté d’association est un droit universel bien établi et reconnu, dont tous les travailleurs devraient jouir. Elle est reconnue en tant que droit par le Tribunal ainsi que par un grand nombre de conventions et de déclarations internationales (voir, par exemple, l’alinéa a) de l’article 2 de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée en 1998; l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966; l’article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté en 1996) et par le Conseil d’administration de l’OEB lui-même, qui a reconnu l’importance des droits de l’homme lorsqu’il a formulé les droits et obligations du personnel (voir le jugement 4482, aux considérants 12 et 13). L’article 30 du Statut des fonctionnaires, intitulé «Droit d’association», prévoit que «[l]es fonctionnaires jouissent du droit d’association; ils peuvent notamment être membres d’organisations syndicales ou professionnelles de fonctionnaires européens». Le rôle des associations ou syndicats du personnel est de représenter les intérêts de leurs membres principalement en débattant avec l’organisation qui les emploie des questions intéressant le personnel. Les associations ou syndicats du personnel devraient pouvoir agir ainsi sans que l’administration de leur organisation entrave leurs activités ou les influence. S’il en était autrement, leur rôle serait compromis (voir le jugement 4482, au considérant 8).
La liberté d’association implique nécessairement qu’il y ait liberté de discussion et de débat. Dans le jugement 274, au considérant 22, le Tribunal a déclaré que, «lorsque les sentiments s’échauffent, [...] cette liberté peut conduire à l’emploi de termes exagérés, voire regrettables». Il n’en demeure pas moins que le Tribunal a reconnu que la liberté de discussion et de débat n’est pas absolue et qu’il peut y avoir des cas où l’organisation peut intervenir, par exemple, s’il se produit des «abus manifestes du droit à la liberté d’expression» ou s’il s’agit de «[protéger les] intérêts individuels de personnes éventuellement mises en cause par des propos malveillants, diffamatoires ou relatifs à leur vie privée» (voir les jugements 2227, au considérant 7, et 3106, au considérant 8).
Selon la jurisprudence du Tribunal, les associations représentant le personnel doivent jouir d’une large liberté d’expression et ont le droit de critiquer les autorités des organisations dans lesquelles elles exercent leur activité, mais, comme toute liberté, celle-ci comporte des limites; c’est ainsi que ne peuvent être admis des procédés incompatibles avec la dignité de la fonction publique internationale et que les abus évidents dans l’exercice de la liberté d’expression ne sont pas tolérables. Encore faut-il que la prévention de tels abus ne donne pas à l’administration un pouvoir de censure a priori sur la communication des écrits des groupements et associations en cause (voir le jugement 911 et le jugement 2227, au considérant 7).
Dans le jugement 3156, le Tribunal a estimé que, dans des cas spécifiques, il pouvait être justifié de subordonner l’expédition de courriels de masse à une autorisation préalable: «Pour autant, la liberté d’expression comme, du reste, la liberté de communication [...] ne sont pas sans limite. Outre qu’une organisation est fondée à s’opposer à une utilisation détournée des moyens de diffusion accordés à son comité du personnel [...], il résulte de la jurisprudence [...] que le droit à la liberté d’expression ne saurait autoriser à user de procédés incompatibles avec la dignité de la fonction publique internationale ou à commettre des abus manifestes de ce droit et, en particulier, à porter atteinte aux intérêts individuels de certaines personnes en mettant en cause celles-ci par des allégations malveillantes, diffamatoires ou touchant à leur vie privée. [...] Eu égard à la nécessité pour les organisations de prévenir un tel usage abusif du droit à la liberté d’expression, la jurisprudence du Tribunal se refuse à prohiber, de façon absolue, l’institution d’un dispositif d’autorisation préalable des messages diffusés par les instances représentatives du personnel. Ce n’est que si les conditions de mise en œuvre concrète de ce dispositif conduisent à porter atteinte à cette liberté, du fait de l’éventuel refus injustifié d’autoriser la diffusion d’un message particulier, que l’organisation commettra une illégalité» (voir le jugement 3156, aux considérants 15 et 16).

Comme observé précédemment, le droit à la liberté d’association est un droit général qui consacre des droits plus spécifiques, lesquels sont nécessaires ou utiles pour garantir l’effectivité du droit à la liberté d’association. Il englobe les droits à la liberté de communication, d’information et d’expression sous toutes ses formes, notamment la liberté de discussion et de débat (voir le jugement 3106, aux considérants 7 et 8). Ces droits sont conférés non seulement à ceux qui les exercent (généralement les représentants du personnel), mais également à ceux qui en bénéficient. Le droit de tout membre du personnel de jouir de la liberté d’association comprend également son droit de recevoir librement des communications et des informations ainsi que son droit d’écouter autrui s’exprimer. Dans cette perspective, toute restriction du droit des représentants du personnel d’envoyer des courriels de masse aux membres du personnel constitue également une restriction du droit du personnel de recevoir des courriels de masse.
La liberté de communication, d’information et d’expression suppose également:
i) le droit à la confidentialité de la communication, de l’information et de l’expression; et
ii) le droit de pouvoir librement choisir les moyens par lesquels les communications sont envoyées, les informations sont fournies et l’expression prend forme.
Une organisation est en droit d’émettre des directives raisonnables pour régir l’utilisation de son système de courrier électronique par les membres du personnel et les représentants du personnel, ainsi que pour établir les utilisations autorisées et non autorisées. Dans la mesure où les conditions imposées à l’utilisation de courriels de masse répondent à des intérêts d’ordre général, tels que recensés dans le communiqué no 10 du 29 mars 2006, elles doivent être réputées légales puisqu’elles garantissent un équilibre raisonnable entre les intérêts de l’organisation et les droits fondamentaux à la liberté de communication, d’information et d’expression, dont jouissent les membres du personnel, leurs syndicats et leurs représentants. Cet équilibre général ne devrait pas autoriser l’organisation à exercer un contrôle préalable ou une censure préventive sur le contenu des communications, des informations et de l’expression (voir le jugement 2227, au considérant 7). Toutefois, selon la jurisprudence du Tribunal, un dispositif d’autorisation préalable mis en place dans des circonstances exceptionnelles n’est pas réputé illégal (voir le jugement 3156, aux considérants 15 et 16 cités in extenso au considérant 9 [...]).
Les membres du personnel et leurs représentants ne sont pas autorisés à exercer leurs droits à la liberté de communication, d’information et d’expression sans discernement et sans limite. Leur «liberté» doit être conforme aux devoirs des membres du personnel envers l’Organisation et envers leurs collègues. La liberté de communication, d’information et d’expression n’est pas la liberté d’insulter ou d’offenser autrui (voir le jugement 3106, aux considérants 7 et 8). La communication, l’information et l’expression relèvent de la responsabilité de leurs auteurs. Ceux qui outrepassent les limites de cette liberté et ne respectent pas les devoirs d’un membre du personnel, voire insultent ou offensent autrui, peuvent faire l’objet d’une procédure disciplinaire et de sanctions.
La question de savoir si une communication, une information ou une forme d’expression viole le devoir des membres du personnel ne peut être établie qu’au cas par cas et, normalement, après que la communication a été envoyée, l’information a été fournie et l’expression a pris forme.

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 274, 911, 2227, 2227, 3106, 3106, 3156, 4482

Mots-clés

Instrument international; Liberté d'expression; Liberté d'association; Représentant du personnel; Courriel

Considérant 12

Extrait:

Étant donné que la liberté de communication, d’information et d’expression comprend le droit de choisir les moyens appropriés de l’exercer, l’Organisation n’est pas autorisée à imposer certains moyens (tels que, en l’espèce, la page Intranet dédiée) plutôt que d’autres (les courriels de masse). Cela est particulièrement vrai lorsque les moyens proposés (ou imposés) sont plus compliqués et moins viables que les autres moyens techniquement disponibles, ou lorsqu’ils sont soumis au contrôle de l’Organisation elle-même. Dans la présente affaire, les autres moyens offerts par l’OEB consistaient en une page Intranet sur son site Web. Ce moyen de communication est manifestement moins viable et, qui plus est, il est soumis à l’autorité et au contrôle de l’Organisation et non des représentants du personnel qui n’en ont pas la libre disposition ni la pleine maîtrise. Il y a également lieu de rappeler que, selon la jurisprudence du Tribunal, la possibilité donnée à un organe représentatif du personnel de diffuser des courriels à l’ensemble des fonctionnaires n’est pas un «privilège». Le «bénéfice de cette facilité relève en effet, sauf motif justifié de le restreindre, des droits légitimes d’une telle instance» (voir le jugement 3156, au considérant 14).

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 3156

Mots-clés

Activités syndicales; Courriel; Page intranet

Considérant 15

Extrait:

Dans la mesure où les requérants demandent en substance au Tribunal d’ordonner à l’OEB de modifier ses règles relatives à l’utilisation des communications de masse, leurs conclusions sont irrecevables. Le Tribunal n’a en effet pas compétence pour prononcer des injonctions de cette nature (voir le jugement 2793, au considérant 21).

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 2793

Mots-clés

Compétence du Tribunal; Ordonner la modification de règles internes

Considérant 16

Extrait:

[L]es requérants réclament individuellement l’octroi d’une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour tort moral à raison de la «grave violation»* de leurs droits depuis 2013. Le Tribunal estime que l’annulation de la décision attaquée suffit en soi à réparer tout tort moral que les requérants auraient pu subir du fait de celle-ci.

Mots-clés

Représentant du personnel; Indemnité pour tort moral; Satisfaction



 
Last updated: 06.12.2022 ^ top