Jugement n° 2892
Décision
1. La décision du Secrétaire général du 13 décembre 2007 est annulée, de même que la décision antérieure du 16 mars 2007 par laquelle le Vice-secrétaire général a suspendu le requérant de ses fonctions. 2. La décision du Vice-secrétaire général du 4 septembre 2007 est annulée. 3. L'UIT versera au requérant l'intégralité des traitement et indemnités, y compris l'avancement d'échelon dû au 1er août 2007, qu'il aurait perçus si son contrat avait pris fin le 21 mars 2008, ainsi que toutes les allocations qui lui auraient été dues à cette date. Toutes ces sommes porteront intérêts au taux de 8 pour cent l'an à compter des dates d'échéance jusqu'à la date du paiement. Le requérant devra rendre compte de tous traitement et/ou allocations connexes perçus entre le 7 septembre 2007 et le 21 mars 2008. 4. L'UIT versera au requérant des dommages-intérêts équivalant à une année de traitement et indemnités pour le tort matériel qu'il a subi du fait de sa révocation. 5. Elle lui versera également des dommages-intérêts pour tort moral d'un montant de 25 000 francs suisses. 6. Tout document ou autre rapport d'évaluation du requérant pour l'année 2006 sera retiré de son dossier personnel. 7. L'UIT versera au requérant la somme de 12 000 francs à titre de dépens. 8. Toutes autres conclusions sont rejetées.
Considérants 6-8
Extrait:
"L'UIT soutient que la [...] requête concernant la révocation du requérant est [...] irrecevable dans la mesure où celui-ci n'a pas poursuivi son recours interne après la demande de réexamen définitif de la décision de le révoquer [...]. [I]l reste à savoir si les Statut et Règlement du personnel permettent à une personne qui a cessé d'être fonctionnaire de former un recours interne. Si tel n'est pas le cas, les mesures prises par le requérant pour introduire un recours interne étaient sans effet. En l'occurrence, aucune voie de recours interne ne lui était ouverte." "Le chapitre XI des Statut et Règlement du personnel de l'UIT régit les recours formés par les fonctionnaires. [...] Rien dans le chapitre XI des Statut et Règlement du personnel n'indique qu'un ancien fonctionnaire peut former un recours comme prévu dans ce chapitre. [...] Dans ces conditions, le terme «fonctionnaire» figurant dans le chapitre XI doit être interprété de manière restrictive comme désignant uniquement les fonctionnaires en exercice." "Dans le jugement 2840, qui porte également sur une affaire dans laquelle les dispositions statutaires et réglementaires régissant la procédure de recours interne ne faisaient référence qu'au «membre du personnel» et non à l'«ancien membre du personnel», le Tribunal a estimé qu'«un fonctionnaire auquel une décision n'a été communiquée qu'après qu'il a cessé d'être au service de l'Organisation n'a pas accès à la procédure de recours interne». Il en va de même d'un fonctionnaire qui a été soit licencié sans préavis soit licencié avec un préavis si court qu'il lui était impossible d'engager une procédure de recours interne avant que son licenciement prenne effet."
Référence(s)
Jugement(s) TAOIT: 2582, 2840
Mots-clés
Statut du requérant; Recevabilité de la requête; Saisine directe du Tribunal; Epuisement des recours internes; Requête abusive; Statut et Règlement du personnel; Définition; Fonctionnaire
Considérant 11
Extrait:
"Le premier argument avancé par le requérant concernant la décision de le suspendre de ses fonctions est que le Vice-secrétaire général n'était pas compétent pour prendre une telle décision et que, le Secrétaire général étant partie au différend, la question de la suspension aurait dû être déférée devant le Conseil de l'UIT [...]. Il est exact que le Secrétaire général devait s'abstenir de toute décision concernant les incidents qui s'étaient produits dans son bureau [...]. Comme indiqué dans le jugement 179, «son impartialité peut être mise en doute pour des motifs objectifs». Bien que dans la disposition 10.1.3 du Règlement il ne soit fait référence qu'à une suspension décidée par le Secrétaire général, l'état de nécessité permet, en cas de conflit d'intérêts, une délégation de pouvoir à une autre personne compétente. Toutefois, cela ne signifie pas que la question aurait dû être déférée au Conseil. Cet organe a certains pouvoirs à l'égard des fonctionnaires élus, mais pas à l'égard des fonctionnaires non élus. En sa qualité de fonctionnaire élu et de fonctionnaire du niveau le plus élevé après le Secrétaire général, le Vice-secrétaire général était la personne la plus compétente pour examiner les incidents qui se sont produits [...], même si la disposition pertinente ne le prévoyait pas."
Référence(s)
Jugement(s) TAOIT: 179
Mots-clés
Décision; Récusation; Compétence; Absence de texte; Organe exécutif; Partialité
Considérant 25
Extrait:
"Ce n'est pas parce que l'administration n'a pas prouvé l'existence d'une faute que l'accusation de faute grave était «fallacieuse» ou faisait partie d'une campagne de brimades et d'intimidation, comme le soutient le requérant. Sur cette question, la charge de la preuve incombe à celui-ci et, comme les éléments de preuve [...] ne sont pas concluants, ses prétentions à cet égard doivent être rejetées."
Mots-clés
Preuve; Charge de la preuve; Faute; Faute grave
Considérant 29
Extrait:
"[L]a demande [...] tendant à ce que le rapport d'évaluation établi par le Secrétaire général «soit annulé et retiré de son dossier personnel» est recevable. On ne sait pas exactement si un tel rapport a effectivement été placé dans le dossier de l'intéressé. Ce que l'on sait en revanche, c'est que les procédures d'évaluation pertinentes n'ont jamais été menées à bien. Dans ces conditions, le Tribunal ordonnera que tout rapport d'évaluation pour l'année 2006 qui aurait été placé dans le dossier du requérant en soit retiré."
Mots-clés
Statut du requérant; Saisine directe du Tribunal; Epuisement des recours internes
Considérant 26
Extrait:
[L]a demande de réparation formulée dans la deuxième requête est recevable dans la mesure où elle se rapporte à la manière dont le requérant a été traité le soir du 15 mars 2007. De l’aveu même du Secrétaire général, les instructions qu’il a données aux officiers de sécurité pour qu’ils escortent le requérant hors de son bureau, puis hors du bâtiment de l’UIT, étaient disproportionnées et ont porté atteinte à la dignité de l’intéressé. Rien ne permet de penser que le requérant a eu un comportement violent, ou même qu’il en a simplement brandi la menace. Le Secrétaire général déclare qu’il lui a demandé de «se calmer» et qu’il lui a rappelé que leur discussion devait rester sur un plan intellectuel. Toutefois, il n’a pas invité l’intéressé à quitter son bureau ni ne l’a averti qu’il serait prié de le faire s’il ne changeait pas d’attitude — mesures qui seraient prises en temps normal avant de demander à des officiers de sécurité d’escorter un fonctionnaire hors de son bureau. Qui plus est, on ne sait pas pourquoi, quelque cinq minutes plus tard, le Secrétaire général a jugé bon de demander aux officiers de sécurité d’escorter le requérant hors du bâtiment en insistant pour qu’il n’emporte rien avec lui. On peut supposer que c’est à la suite de ces instructions que le requérant s’est vu obligé de rendre son badge en quittant le bâtiment. Pour la façon dont il a été traité, le Tribunal octroie à l’intéressé la somme de 15 000 francs suisses à titre de dommages-intérêts pour tort moral.
Mots-clés
Mesures coercitives
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