National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Un représentant gouvernemental a indiqué que le gouvernement a adopté des politiques avisées en collaboration avec les organisations régionales et internationales dans le but de promouvoir le respect et la protection des droits des travailleurs. Le gouvernement déploie tous les efforts pour protéger les droits des travailleurs migrants, comme prévu dans la Constitution et la législation nationale. La commission d’experts a exprimé l’espoir que la nouvelle législation applicable aux travailleurs migrants serait adoptée prochainement et qu’elle serait rédigée de manière à leur assurer la pleine jouissance de leurs droits au travail et à les protéger contre toute forme d’exploitation relevant du travail forcé. Elle a en outre espéré que, pour atteindre cet objectif, la législation permettrait de supprimer les restrictions et les obstacles qui limitent la liberté de mouvement de ces travailleurs et les empêchent de mettre fin à leur relation de travail en cas d’abus; d’autoriser les travailleurs à quitter leur emploi à certains intervalles ou après avoir respecté un préavis raisonnable; de revoir la procédure de délivrance des visas de sortie; et de garantir l’accès à des mécanismes de plaintes rapides et efficaces pour permettre aux travailleurs migrants de faire valoir leurs droits sur tout le territoire. Des recommandations correspondantes ont été faites par le comité tripartite qui avait été établi pour examiner la réclamation présentée par la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB). Le gouvernement en a tenu compte en élaborant un projet de loi sur la suppression du système de parrainage (système de kafala) et son remplacement par un système de contrats de travail. Le projet de loi autorise le transfert de travailleurs migrants auprès d’autres employeurs à la fin de leur contrat à durée déterminée ou après une période de cinq ans si leur contrat est à durée indéterminée. Des modifications seront également apportées afin de permettre aux travailleurs de quitter leur employeur après avoir obtenu l’autorisation de l’autorité publique compétente, sans autorisation préalable de l’employeur. Un mécanisme nouveau et efficace, facilement accessible, de gestion des plaintes des travailleurs migrants a été établi. Le ministère du Travail et des Affaires sociales a traité des plaintes en réunissant employeurs et travailleurs et en leur fournissant des explications sur la législation, ce qui a permis de parvenir à des règlements à l’amiable. Ce mécanisme a contribué à traiter un plus grand nombre de plaintes sans recourir aux tribunaux. Les travailleurs ont également le droit de porter plainte auprès des entités compétentes installées dans les bureaux régionaux du Département des relations du travail du ministère. Ces plaintes peuvent être déposées en arabe et en anglais, ainsi que dans sept autres langues, grâce à l’assistance d’interprètes. Le ministère du Travail a également créé une nouvelle permanence téléphonique et une adresse électronique spécifique, ainsi que des comptes sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter) afin de recevoir les plaintes des travailleurs et de les traiter rapidement. Le ministère a également tenu des symposiums d’information à l’intention des employeurs et des travailleurs afin de les sensibiliser quant à leurs droits et à leurs obligations, tout en diffusant des brochures, notamment un guide sur les travailleurs migrants, aux ambassades des pays d’origine de la main-d’œuvre. Une équipe spécialisée a également été constituée au sein du ministère, qui a effectué plus de 150 visites de terrain auprès de grandes entreprises afin de fournir des orientations et des conseils sur les droits des travailleurs et les obligations des employeurs et de recevoir des plaintes. Un guichet unique permettant de déposer plainte auprès de différentes autorités a été créé au sein des départements du travail spécialisés du ministère. En outre, des bureaux ont été établis dans les tribunaux pour aider gratuitement les travailleurs dans les procédures judiciaires. Ces bureaux sont dotés des moyens techniques nécessaires, et le personnel qualifié maîtrise les langues les plus couramment parlées par les travailleurs. S’agissant des mesures prises pour protéger efficacement les travailleurs domestiques, le gouvernement a mené une étude en vue d’adopter des réglementations sur leurs conditions de travail adaptées à leurs besoins spécifiques, compte tenu de la convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011. Quant à l’inspection du travail et à l’application de la loi, le nombre d’inspecteurs du travail est passé de 150 à 294. De plus, les inspecteurs du travail possèdent des dispositifs électroniques portables (tablettes) qui leur permettent de saisir électroniquement les informations et de gagner du temps car ils n’ont plus besoin d’attendre d’être retournés au bureau pour rédiger leur rapport. Des inspecteurs du travail ont également été formés tant au Centre de formation de l’OIT qu’au niveau national. L’orateur a insisté sur le fait que la décision d’inclure ce cas sur la liste des cas individuels examinés par la commission n’est pas justifiée et que les progrès réalisés et les conclusions du rapport de la mission de haut niveau de février 2015 n’ont pas été pris en compte. Il faut allouer suffisamment de temps à la réalisation des mesures visant à renforcer la protection des travailleurs migrants. Des informations sur ce point figureront dans le rapport qui sera soumis à la session de novembre 2015 du Conseil d’administration.
Les membres travailleurs ont déclaré que de nombreux travailleurs migrants continuent d’être soumis au travail forcé au Qatar, comme en attestent les rapports émanant de différentes sources, et notamment celles des Nations Unies. Ceci en raison de pratiques dont sont victimes les travailleurs telles que: l’obligation d’obtenir un permis de sortie pour pouvoir quitter le pays; l’impossibilité de changer d’employeur en vertu du système de kafala; les frais de recrutement exorbitants qui sont imposés pour l’obtention du visa dans leur pays d’origine; les fausses promesses au sujet des salaires et des conditions de travail; la rétention de passeports; les obstacles considérables rencontrés pour recourir à la justice en cas de violations de leurs droits; et la négation du droit à la liberté syndicale. En 2013, une réclamation a été déposée contre le Qatar pour violation de la convention, au titre de l’article 24 de la Constitution de l’OIT. Le comité tripartite chargé par le Conseil d’administration de l’examiner a conclu que le Qatar avait effectivement violé la convention, considérant que certains travailleurs migrants présents dans le pays pourraient se trouver dans des situations interdites par la convention. Le comité tripartite a estimé que le gouvernement devait prendre d’autres mesures pour supprimer le recours au travail forcé sous toutes ses formes. En l’absence de mesures prises par le gouvernement, en juin 2014, plusieurs délégués travailleurs ont déposé une plainte, au titre de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, pour demander l’établissement d’une commission d’enquête. Un an plus tard, les promesses faites – bien qu’insuffisantes – n’ont pas été concrétisées. Des inspecteurs du travail supplémentaires ont été engagés et un système de paiement électronique mis en place, mais rien ne permet encore d’attester de l’impact réel de ces mesures. Au contraire, des rapports et témoignages récents de travailleurs fournissent des preuves accablantes de la persistance à grande échelle de pratiques de travail forcé. Dans le même temps, des journalistes étrangers enquêtant sur cette situation ont été détenus, ce qui s’apparente à des mesures d’intimidation de la part du gouvernement. S’agissant du système de kafala qui empêche les travailleurs de changer d’employeur ou de quitter le pays, le gouvernement annonce depuis longtemps la possibilité de le révoquer, mais les progrès tardent à se concrétiser et aucun calendrier n’est établi. Par ailleurs, selon les informations fournies par le gouvernement, les modifications prévues ne permettraient aux travailleurs de quitter leur employeur qu’après une période de cinq ans. Une autre proposition prévoit la possibilité pour un travailleur d’obtenir un visa de sortie du pays dans les 72 heures, mais l’employeur peut toujours s’y opposer. A cet égard, il y a lieu de remarquer que, malgré les circonstances tragiques qu’a connues le Népal suite au séisme, nombre d’employeurs ont refusé d’accorder aux travailleurs népalais la permission de quitter le Qatar pour être présents aux funérailles de leurs proches ou assister les survivants.
Quant à l’accès à la justice, le nombre d’inspecteurs du travail a augmenté de 200 à 294 mais, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, ce nombre demeure insuffisant compte tenu du grand nombre de lieux de travail à inspecter de manière efficace. Le gouvernement doit redoubler d’efforts à cet égard pour garantir la formation et les ressources appropriées en vue d’un système d’inspection efficace. Dans un rapport récent, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats émet une série de critiques concernant l’accès à la justice des travailleurs migrants au Qatar et fait part de son inquiétude face aux obstacles pratiquement insurmontables que rencontrent des secteurs vulnérables de la population, tels que les travailleurs migrants dans l’industrie de la construction ou les travailleurs domestiques. Le manque d’information, la langue, la crainte de la police, des institutions et des représailles de leurs employeurs, les frais de justice prohibitifs sont au nombre de ces obstacles. S’agissant de l’application des sanctions, le gouvernement ne fournit pas d’informations concrètes sur l’état d’avancement du projet de réforme visant à augmenter les sanctions pour violation de la législation du travail. De même, il ne fournit toujours pas d’informations sur le nombre d’amendes imposées aux employeurs. Ces données sont essentielles pour évaluer si la loi est effectivement appliquée compte tenu des innombrables plaintes reçues des travailleurs. Le gouvernement reconnaît la gravité du problème de la confiscation des passeports. Or les informations fournies en mars 2015 ne se réfèrent qu’à une seule plainte déposée en la matière alors que les travailleurs continuent à se plaindre de l’existence de cette pratique. Aucune information ne permet non plus d’attester que les dispositions de la législation permettant de criminaliser les pratiques de travail forcé sont appliquées. Or, comme l’a souligné la commission d’experts, l’absence de sanctions infligées aux personnes qui imposent du travail forcé crée un climat d’impunité propice à la perpétuation de ces pratiques. Il est en outre essentiel que le gouvernement s’assure que les autorités de police et de poursuite agissent «d’office», indépendamment de toute action des victimes. En ce qui concerne les frais de recrutement, il ressort d’un rapport préparé par la Qatar Foundation en 2014 que les agences de placement qataries répercutent les frais de recrutement sur les travailleurs. Ce problème ne relève donc pas uniquement des pays d’origine de la main-d’œuvre, et le gouvernement doit également être appelé à agir dans ce domaine. Le gouvernement avait affiché son soutien à une mission tripartite de haut niveau lors des discussions au sein du Conseil d’administration en mars 2015, mais aucune suite n’a été donnée à cette proposition. Le gouvernement fait part depuis longtemps de son intention de mener une série de réformes mais celles-ci tardent à se matérialiser. La commission doit clairement lui indiquer qu’il n’y a plus de temps à perdre.
Les membres employeurs ont indiqué que la situation au Qatar est très complexe et que le pays fait l’objet d’un examen accru de la part de la communauté internationale s’agissant de ses pratiques en matière de droits de l’homme et de droits du travail. Outre l’examen du cas dans le cadre des procédures de contrôle de l’OIT, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants s’est penché sur le cas, en plus d’autres organisations non gouvernementales, telles qu’Amnistie internationale et Human Rights Watch. Rappelant que la commission a examiné en 2014 l’application de la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947, il est regrettable qu’aucune conclusion n’ait été adoptée. La présentation d’une plainte en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT concernant les conventions nos 29 et 81 a donné lieu à une mission de haut niveau en février 2015. Le rapport de la mission a été examiné en mars 2015 par le Conseil d’administration qui a décidé de reporter toute nouvelle action jusqu’à la prochaine session du Conseil d’administration en novembre 2015. Le gouvernement semble penser que la commission d’experts et cette commission n’ont pas tenu compte des informations du rapport de mission de février 2015, tel n’est pas le cas. Les membres employeurs l’ont lu avec attention et s’associent à ses conclusions et recommandations. Même si le cas du Qatar est examiné au titre de l’article 26 de la Constitution, il est néanmoins approprié que cette commission s’en saisisse et il convient de rappeler qu’il s’agit de deux mécanismes distincts. Sans vouloir minimiser la gravité du cas, sa couverture médiatique est souvent unidirectionnelle et ne prend pas en compte la complexité et le contexte du cas. Les raisons de l’attention toute particulière que suscite ce cas sont aussi liées à la croissance exceptionnelle du pays depuis son indépendance en 1971, qui a aussi été stimulée par les travailleurs migrants qui constituent la grande majorité de la population du pays. Depuis la ratification de la convention, la population du pays est passée de quelque 100 000 personnes à 2 millions, dont 1,7 million sont des travailleurs migrants. Les travailleurs migrants sont aujourd’hui représentés dans tous les secteurs de l’économie et de la société et sont aussi bien dirigeants d’entreprises qu’employés de maisons, les travailleurs migrants n’étant pas uniquement des travailleurs non qualifiés.
Si les questions examinées dans le cadre de la plainte déposée au titre de l’article 26 servent de toile de fond à la discussion, l’examen de la commission doit se limiter en principe aux observations de la commission d’experts. Ces observations traitent du système de kafala, de l’accès à la justice et de l’application de sanctions appropriée pour les violations de la législation. Dans ce contexte, tant la législation que son application dans la pratique doivent être examinées. Le gouvernement a en outre chargé un cabinet privé d’avocats de préparer un rapport qui propose des conclusions intéressantes, dont certaines de nature critique. S’agissant du système de kafala, le gouvernement doit accélérer la procédure visant à modifier la législation pertinente. Il n’est pas acceptable que la législation dispose que: chaque travailleur migrant doit avoir un parrain (généralement son employeur) pour s’acquitter des formalités pour obtenir le permis de séjour, ce qui suppose que le travailleur remet son passeport au parrain, même si ce dernier doit lui rendre dès que possible; il est interdit aux travailleurs de changer d’employeur sauf si une action en justice est pendante; et les travailleurs ne peuvent pas quitter le pays à moins d’être en possession d’un visa de sortie délivré par l’employeur. Les problèmes rencontrés dans la pratique concernent la confiscation du passeport du travailleur et la condition supplémentaire d’être en possession d’un visa de sortie. A cet égard, selon les propositions faites par le cabinet privé d’avocats à propos du système de kafala, le système de visa existant doit être réformé, et la législation modifiée pour accorder aux travailleurs migrants le droit de demander au ministère compétent l’autorisation de quitter le pays. Ces propositions devraient être mises en œuvre rapidement. Concernant l’accès à la justice, de nouvelles mesures doivent être prises dans la pratique. La barrière de la langue demeure un problème, même si les mesures prises par le gouvernement sont louables, notamment la possibilité de déposer des plaintes dans sept langues, au moyen d’un guichet unique, et la possibilité de déposer directement de l’argent sur un compte en banque. S’agissant de l’application des sanctions, si la loi prévoit des sanctions adaptées, peu d’informations sont disponibles sur leur application en pratique. Les membres employeurs ont exprimé leur accord avec les membres travailleurs sur le fait que le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires concernant les questions susmentionnées. Le gouvernement a certes fait beaucoup de chemin et les mesures prises sont louables mais beaucoup reste à faire et il n’y a plus de temps à perdre.
Le membre employeur du Qatar a souligné que la modernité et la rapidité de la croissance économique du Qatar ont attiré de nombreux travailleurs migrants souhaitant bénéficier des bonnes conditions d’accueil et de travail que ce pays offre. La présence de nombreux travailleurs migrants a amené les autorités à faire évoluer la législation règlementant la migration de manière à s’assurer que leurs droits au travail soient garantis et qu’ils soient protégés contre les abus. Les employeurs du Qatar sont conscients des efforts déployés par le gouvernement à cette fin. Néanmoins, certains problèmes se posent dans les pays d’origine des travailleurs migrants, notamment en ce qui concerne les frais importants que les agences d’emploi mettent à leur charge. Cette pratique illégale est inacceptable mais il est difficile pour les employeurs et les autorités nationales d’agir à cet égard. Dans la mesure où le Conseil d’administration a examiné la situation en mars 2015 sur la base des informations du rapport de la mission qui a visité le pays en février 2015, il n’était pas opportun de discuter ce cas lors de cette session de la Conférence. Néanmoins, les employeurs du Qatar n’épargneront aucun effort pour continuer de coopérer avec les autorités pour protéger les droits des travailleurs migrants.
Le membre travailleur de l’Afrique du Sud a indiqué que les travailleurs migrants représentent 90 pour cent de la main-d’œuvre au Qatar, qui est d’environ 1,5 million de personnes et qui continue de s’accroître. Ces travailleurs sont piégés dans un système d’exploitation intense qui facilite l’exaction de travail forcé par les employeurs. La loi no 4 de 2009 sur le système de kafala est l’une des plus restrictives du Golfe et empêche pratiquement les travailleurs migrants de se soustraire aux employeurs malveillants, lesquels exercent un contrôle presque total sur la liberté de mouvement des travailleurs. Souvent, les travailleurs craignent de dénoncer les pratiques abusives dont ils sont victimes, percevant une rémunération inférieure à celle qui leur a été promise ou n’étant pas du tout payés. En outre, ils vivent souvent dans des conditions épouvantables. En particulier, les travailleurs migrants ne peuvent pas rechercher librement ailleurs de meilleures conditions d’emploi sans le consentement de leur employeur, qui le donne rarement. Les personnes qui quittent néanmoins leur emploi sans autorisation doivent être déclarées aux autorités comme fugitives. Selon la loi sur le système de kafala, le fait qu’un employeur ait commis des abus ou n’ait pas payé le salaire ne constitue pas un argument que le travailleur peut invoquer pour s’enfuir. En outre, il est interdit aux travailleurs migrants de quitter le pays sans le consentement de l’employeur, même s’ils en ont les moyens. En l’absence de mesures prises à cet égard, la commission d’experts et le comité tripartite ont exprimé leurs préoccupations au sujet de ce système et ont demandé instamment au gouvernement de le modifier sans délai. Même si le gouvernement a proposé de supprimer le système de kafala et de le remplacer par un système de contrats, il semble que les travailleurs resteront liés à l’employeur pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans. En outre, bien que le gouvernement ait promis d’adopter un «permis de quitter l’emploi», il n’a pas expliqué les conditions dans lesquelles il pourrait être obtenu. La possibilité pour les travailleurs d’obtenir un visa de sortie et de quitter le pays dans les soixante-douze heures a aussi été mentionnée mais les modalités d’application n’ont pas été précisées. Selon la teneur des dispositions de la nouvelle législation, il se pourrait que la situation des travailleurs ne soit pas meilleure qu’elle ne l’est dans le cadre du système de kafala. Enfin, étant donné que les syndicats ne sont pas autorisés, les négociations tripartites sur ces questions avec les représentants des travailleurs sont impossibles.
La membre gouvernementale de la Lettonie, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’Albanie, de l’Arménie, de la Bosnie-Herzégovine, de la République de Moldova, du Monténégro et de la Serbie, a déclaré que l’UE appuie la ratification et l’application universelles des huit conventions fondamentales dans le cadre de sa stratégie pour les droits de l’homme. L’UE attache beaucoup d’importance aux droits de l’homme, notamment à l’abolition du travail forcé, et est consciente du rôle majeur joué par l’OIT dans l’élaboration, la promotion et le contrôle de l’application des normes internationales du travail. Le respect des conventions fondamentales est essentiel pour la stabilité sociale et économique de quelque pays que ce soit, et un environnement propice au dialogue et à la confiance entre les employeurs, les travailleurs et les gouvernements contribue à créer les fondements d’une croissance robuste et durable et de sociétés inclusives. L’UE est prête à collaborer aux efforts du gouvernement pour la mise en œuvre des conventions de l’OIT. La commission d’experts a invité instamment le gouvernement à prendre des mesures pour renforcer la capacité des travailleurs migrants afin qu’ils puissent s’adresser aux autorités compétentes et obtenir réparation en cas de violation de leurs droits ou d’abus, sans crainte de représailles; et à renforcer le contrôle des conditions de travail des travailleurs migrants. L’UE partage le point de vue de la commission d’experts selon lequel l’application de sanctions efficaces et dissuasives aux personnes qui imposent du travail forcé est nécessaire pour empêcher un climat d’impunité. Se félicitant de l’engagement pris par le gouvernement de remplacer en 2015 le système de kafala par des contrats de travail, l’UE veut croire que le projet de loi sera adopté et qu’il contiendra des dispositions permettant d’assurer une protection efficace aux travailleurs migrants. Un complément d’information sur les mesures prises, tant sur le plan de la législation que sur celui de sa mise en application, serait bienvenu à cet égard. Le nombre des visites d’inspection ayant augmenté ces dernières années, le gouvernement est invité à continuer à renforcer l’inspection du travail. L’annonce par le gouvernement de la mise en place d’un dispositif de paiement électronique à partir du mois d’août 2015 est elle aussi bienvenue. L’UE veut croire que le gouvernement poursuivra ses efforts pour garantir les droits fondamentaux des travailleurs migrants et la pleine application de la convention. Il convient d’encourager le gouvernement à coopérer avec le Bureau à cet égard.
Le membre employeur des Emirats arabes unis a félicité le gouvernement pour son engagement à poursuivre le dialogue constructif et la coopération avec l’OIT et les différentes parties concernées. Cette approche positive annonce la possibilité de parvenir à une solution. Le gouvernement ne ménage pas ses efforts pour renforcer la promotion et la protection des droits des travailleurs migrants. Le rapport de la mission qui a visité le pays en février 2015, dans le cadre de l’examen de la plainte déposée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT contre le Qatar, a confirmé cette approche positive. Dans ces conditions, le Conseil d’administration a décidé de reporter l’examen de cette question à novembre 2015 afin de donner du temps au gouvernement pour mettre en œuvre les modifications législatives nécessaires. Il est donc trop tôt pour évaluer l’impact des mesures prises. La commission doit donc tenir compte des progrès réalisés par le gouvernement et de la discussion qui a eu lieu au sein du Conseil d’administration en mars 2015. Les employeurs des Emirats arabes unis s’engagent à continuer à soutenir tous les efforts visant à garantir des conditions de travail adéquates aux travailleurs migrants mais les agences de placement doivent également agir de manière juste et transparente pour garantir la migration dans de bonnes conditions.
La membre gouvernementale du Swaziland a noté que le gouvernement a introduit un certain nombre de mesures importantes pour améliorer les droits des travailleurs dans le pays. Ces mesures incluent la possibilité pour les travailleurs de changer d’employeur; la mise en service d’une ligne téléphonique au sein du ministère du Travail pour traiter les plaintes; l’organisation de séminaires pour informer les travailleurs de leurs droits; la distribution de manuels à l’intention des travailleurs migrants; la création d’une équipe d’orientation et de conseil et l’organisation de visites sur le terrain; et l’augmentation du nombre d’inspecteurs du travail, qui passe de 150 à 294. La commission doit prendre bonne note de ces mesures et accorder davantage de temps au gouvernement pour lui permettre de respecter pleinement les prescriptions de la convention.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a indiqué que, malgré l’existence de plusieurs mécanismes de plainte, dans la pratique les travailleurs au Qatar sont loin de pouvoir faire parvenir toutes leurs plaintes aux autorités compétentes et de les voir dûment examinées. Il existe de nombreux obstacles à la justice, notamment, par exemple, l’obligation faite à la victime de soumettre un rapport d’expert, qui coûte généralement quelque 600 riyals. Les décisions ne sont souvent rendues qu’au bout d’une année, parfois plus, période pendant laquelle le travailleur concerné peut être victime de représailles de la part de son employeur, n’est pas payé ou peut être expulsé de son logement sans pouvoir travailler ailleurs à cause des restrictions imposées par le système de kafala. Des rapports indépendants montrent que certains travailleurs sont contraints d’emprunter de l’argent, de dépendre de l’aide de l’ambassade de leur pays d’origine pour pouvoir survivre pendant la durée de la procédure ou de travailler dans l’illégalité. De plus, dans la mesure où de nombreuses plaintes concernent le non-paiement systématique des salaires, un fardeau intolérable pèse sur ceux qui demandent réparation. Les différents départements et organisations impliqués dans la gestion des recours présentés par les victimes de travail forcé, ainsi que le tribunal du travail, manquent clairement de ressources au vu du nombre de différends. De telle sorte que non seulement les travailleurs concernés risquent de continuer à être exploités mais les autres victimes peuvent également être dissuadées de porter plainte. Même si le gouvernement a montré une certaine volonté d’améliorer l’accès à la justice en apportant les ressources nécessaires à cette fin, plusieurs problèmes n’ont pas été résolus, comme le cabinet privé d’avocats mandaté par le gouvernement l’a établi dans son rapport, publié en 2014. Il s’agit principalement des accusations proférées en représailles par les parrains à l’encontre en particulier des travailleurs qui ont quitté leur travail – acte passible de peine de prison, voire d’expulsion –, accusations que les autorités ne vérifient pas suffisamment avec d’autres éléments pour pouvoir établir éventuellement le lien avec le dépôt d’une plainte par le travailleur. A cela s’ajoute la possibilité pour les parrains de pouvoir utiliser les «certifications de non-objection» et les visas de sortie comme moyen de pression pour que les travailleurs retirent leur plainte, ce qui contribue à un déséquilibre de pouvoir que le système judiciaire n’arrive fondamentalement pas à rétablir. Il semble également que le gouvernement n’ait pas réellement agi pour corriger l’évaluation négative contenue dans le rapport du cabinet privé d’avocats en ce qui concerne la mise à disposition des travailleurs d’informations concernant leurs droits. Le refus du gouvernement de permettre aux travailleurs migrants d’adhérer aux syndicats les empêche de façon évidente de se familiariser avec leurs droits. Par conséquent, davantage doit être fait pour que ceux qui ont besoin d’être protégés par la législation connaissent les droits que cette dernière leur garantit.
Le membre gouvernemental de la Mauritanie a souligné que cette discussion offre l’occasion d’examiner objectivement les améliorations de la législation qui sont nécessaires au Qatar et de constater les efforts déployés par le gouvernement, à cet égard, pour améliorer la situation des travailleurs migrants et la loi sur le système de kafala. Les progrès réalisés sont notables et il y a lieu de féliciter les autorités pour les mesures prises pour renforcer les droits de ces travailleurs, améliorer leurs conditions de vie et de travail et leur permettre d’accéder à des mécanismes de plainte. Il existe un engagement et une bonne volonté du gouvernement dont la commission doit tenir compte.
Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande a rappelé que, même si l’article 25 de la convention prévoit que les pays ayant ratifié la convention doivent s’assurer que les sanctions prononcées pour imposition de travail forcé sont efficaces et strictement appliquées, les travailleurs migrants au Qatar ont encore aujourd’hui à surmonter de sérieux obstacles pour accéder à la justice. S’il y a lieu de saluer les mesures prises par le gouvernement en vue de renforcer l’inspection du travail, bien d’autres mesures doivent encore être prises, en particulier pour continuer de recruter et de former des inspecteurs du travail et assurer les services d’interprètes. Comme l’a souligné la commission d’experts dans ses derniers commentaires sur l’application de la convention no 81, l’absence de sanctions appropriées a créé un climat d’impunité, propice à la perpétuation du travail forcé. Il est donc profondément préoccupant que le Qatar n’ait pas fourni d’informations sur les poursuites judiciaires engagées pour imposition de travail forcé, comme le prévoit la loi de 2009 qui interdit la traite des personnes. A l’instar de la commission d’experts, il convient de prier le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que des sanctions efficaces et dissuasives soient réellement appliquées, et que la police et les autorités chargées des poursuites agissent de leur propre initiative, indépendamment de toute action de la part des victimes. A la lumière des commentaires formulés en 2014 par la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, il convient de signaler que le système judicaire du Qatar constitue peut-être bien la principale faiblesse du système de contrôle de l’application des lois. Ce pouvoir est sous l’influence de personnes haut placées et d’entreprises puissantes et s’exerce de manière arbitraire notamment en ce qui concerne l’opportunité d’entamer des poursuites. Les allégations exprimées portent également sur le manque d’impartialité, les préjugés et le comportement inapproprié des juges, en particulier les allégations concernant la discrimination que subiraient des migrants en faveur de ressortissants qatariens. Le gouvernement doit donc être prié de mettre en œuvre une réforme du système judiciaire, telle que recommandée par la Rapporteure spéciale des Nations Unies. Enfin, le fait de nommer publiquement les employeurs condamnés pour travail forcé pourrait aider à dissiper un climat d’impunité, comme le fait observer le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants en ce qui concerne l’initiative du gouvernement visant à établir une liste noire des employeurs ayant violé à de multiples reprises les droits des travailleurs.
Le membre gouvernemental de la Thaïlande s’est félicité des efforts du gouvernement pour promouvoir et protéger les droits des travailleurs expatriés et a apprécié sa volonté d’agir et de coopérer de manière constructive avec l’OIT et les parties prenantes à ce sujet. Les progrès réalisés et les mesures prises pour réviser la législation et adopter de nouveaux textes doivent être salués. Le gouvernement doit être encouragé à continuer d’œuvrer étroitement avec les partenaires sociaux pour promouvoir davantage et garantir les droits des travailleurs migrants. Etant donné que le Conseil d’administration examinera ce cas en novembre 2015, il convient de laisser assez de temps au gouvernement pour qu’il poursuive ses efforts et en rende compte à cette occasion.
La membre travailleuse de la Norvège, s’exprimant au nom des syndicats des pays nordiques, de l’Estonie et de la Pologne, a regretté qu’un grand nombre de travailleurs migrants soient exploités dans le pays, beaucoup d’entre eux étant victimes de travail forcé au sens de la convention. Parfois, on offre aux travailleurs lorsqu’ils arrivent dans le pays des conditions contractuelles inférieures à celles qui leur avaient été promises dans leur pays d’origine, et le gouvernement n’a pris aucune mesure à cet égard. De plus, tout en reconnaissant que la législation nationale interdit aux agences de recrutement enregistrées et en place dans le pays de mettre à la charge des travailleurs les frais de recrutement, l’oratrice a déploré que les entreprises étrangères qui utilisent les services de ces agences n’aient pas à rendre des comptes sur cette pratique. A cet égard, l’oratrice a cité les conclusions du rapport de 2014 de la Qatar Foundation. Elle regrette que le gouvernement considère que ce problème ne concerne que les pays d’origine. Elle a également déploré que le gouvernement n’ait pas augmenté le montant de l’amende infligée aux personnes qui confisquent leurs passeports à des travailleurs migrants, problème grave et répandu dans le pays, et elle s’est déclarée préoccupée par les entraves à la liberté de mouvement des travailleurs migrants, certains employeurs refusant de fournir des visas de résidence. L’oratrice a noté que la Confédération des syndicats de Norvège (LO-Norvège) et l’Association norvégienne de football ont demandé instamment à la Fédération internationale de football association (FIFA) de coopérer avec le mouvement syndical international pour améliorer les conditions de travail sur les chantiers de construction pour la Coupe du monde de 2022. A ce sujet, l’oratrice a mentionné l’accord passé entre la LO-Norvège et les associations sportives de Norvège qui porte sur les Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Oslo. L’oratrice a finalement demandé instamment au gouvernement de collaborer avec l’OIT, la CSI et les syndicats à l’échelle mondiale pour garantir des inspections du travail appropriées et effectives.
Le membre gouvernemental de Sri Lanka a salué les efforts considérables consentis par le gouvernement pour protéger les droits des travailleurs. Par conséquent, ce cas n’aurait pas dû être discuté une nouvelle fois par la commission. Il a conclu en invitant le gouvernement à renforcer les droits des travailleurs migrants dans le pays.
La membre travailleuse de la Libye a dénoncé les conditions auxquelles sont soumises les travailleuses domestiques au Qatar. Etant exclues du champ d’application de la législation du travail, aucune règle ne les protège en matière de temps de travail ou de salaire minimum. Privées de passeport et de liberté de mouvement, souvent victimes d’agressions physiques et verbales, nombreuses sont celles qui sont soumises au travail forcé et à l’esclavage. A cet égard, le Comité pour l’élimination de la discrimination contre les femmes a exprimé sa profonde préoccupation à propos des cas de violence physique et sexuelle frappant des travailleuses domestiques. De fait, cinq à dix travailleuses domestiques viennent chaque jour chercher refuge à l’ambassade d’Indonésie au Qatar. Malgré les promesses du gouvernement formulées les années précédentes, aucun projet de loi n’a encore été adopté en la matière. Face à ces conditions, le gouvernement doit réformer sa législation pour fournir un cadre juridique à tous les aspects de la relation de travail des travailleuses domestiques et leur permettre d’avoir accès à des voies de recours efficaces, tous ces points étant d’ailleurs contenus dans la convention no 189. Le vide juridique décrit concerne également les chauffeurs, les jardiniers, les cuisiniers et d’autres catégories d’emploi qui se retrouvent ainsi soumises à une grande vulnérabilité. Il est donc grand temps que le gouvernement passe du stade des promesses à celui des véritables réformes.
La membre gouvernementale de la République bolivarienne du Venezuela s’est félicitée de l’engagement exprimé par le gouvernement à l’égard de la mise en œuvre des normes internationales du travail, y compris la convention. Le gouvernement a signalé qu’il était en train de modifier sa législation et d’améliorer le système d’inspection du travail. La commission d’experts s’est prononcée concernant certaines initiatives législatives en cours. Le gouvernement a mentionné l’élaboration d’un projet de loi qui abrogerait le système de kafala et remplacerait ce système par des contrats de travail. Compte tenu des bonnes dispositions et des efforts dont fait preuve le gouvernement pour protéger les droits et les intérêts des travailleurs, l’oratrice a estimé que la commission devrait garder à l’esprit les aspects positifs qui se sont dégagés des explications fournies par le gouvernement. Elle a considéré que les conclusions de la commission, fruit du débat, seront objectives et équilibrées, ce qui permettra sans nul doute au gouvernement de les considérer et de les apprécier dans le cadre de la mise en œuvre de la convention.
La membre travailleuse de la France, s’exprimant également au nom des syndicats des Pays-Bas et de la Fédération internationale des ouvriers du transport, a déclaré que, bien que la responsabilité de respecter les conventions ratifiées incombe aux gouvernements, les entreprises ont également le devoir de respecter les normes acceptées au niveau international. Ce devoir constitue l’un des trois piliers des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme – les «principes Ruggie» – et des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales. Par ailleurs, cette responsabilité ne pèse pas uniquement sur les sociétés mères, mais sur toutes les parties impliquées dans les chaînes mondiales d’approvisionnement, y compris les filiales, les sous-traitants, les partenaires commerciaux et les institutions financières. Outre le gouvernement du Qatar, il est donc possible que les entreprises qui prennent part aux projets d’infrastructures pour la Coupe du monde de football de 2022 aient également recours à des pratiques de travail forcé à l’encontre des travailleurs migrants sur les sites de construction. Une ONG française a par exemple déposé plainte auprès des juridictions françaises contre une entreprise française de construction et sa filiale qatarie pour infractions relatives au travail forcé perpétrées à l’encontre des travailleurs migrants employés sur leurs sites de construction. La plainte porte également sur le caractère indécent des conditions de travail, des logements et des salaires. Il ne s’agit que d’un exemple parmi de nombreux délits commis par les entreprises. Il importe que les sociétés mères comprennent qu’elles sont, en vertu de plusieurs instruments juridiques nationaux et internationaux, responsables non seulement de leurs propres agissements, mais également du comportement de leurs filiales à l’étranger. A cet égard, les Etats contraignent de plus en plus les entreprises à rendre des comptes sur les questions extra-financières, et la France a adopté une loi sur la responsabilité extraterritoriale des entreprises multinationales. Par ailleurs, la résolution adoptée le 21 novembre 2013 par le Parlement européen sur le Qatar et la situation des travailleurs migrants «en appelle à la responsabilité des entreprises européennes de construction des stades ou autres projets d’infrastructures au Qatar pour qu’elles offrent des conditions de travail qui respectent les normes internationales en matière de droits de l’homme». Les syndicats et les organisations de la société civile ont pris note de ces évolutions. L’industrie qatarie de la construction, au sein de laquelle des milliers de travailleurs migrants sont employés, notamment par de grandes entreprises d’Etat jouissant d’un prestige international, a eu maintes opportunités d’utiliser ces outils afin que les entreprises répondent de leurs actes. L’oratrice a conclu en rappelant que les organes de contrôle de l’OIT ont également souligné dans leurs commentaires les violations des principes de la liberté syndicale et d’autres conventions au Qatar.
La membre gouvernementale de la Namibie a rappelé qu’à sa 323e session (mars 2015) le Conseil d’administration du BIT a demandé au gouvernement de lui soumettre des informations sur les mesures qu’il a prises pour traiter toutes les questions soulevées dans la plainte relative au non-respect de la convention qu’il examinera à sa 325e session (novembre 2015). Notant que les informations fournies par le gouvernement démontrent que des progrès ont été effectivement réalisés, y compris dans le domaine de la réforme législative, elle a demandé avec insistance que le Bureau et le gouvernement poursuivent leur engagement sur ces questions.
Le membre travailleur de la Suisse a déclaré que le cas du Qatar n’est pas complexe mais tragique. Sur les chantiers de construction de stades, les conditions de travail sont catastrophiques. Les travailleurs de la construction et les employés d’autres secteurs sont privés des droits au travail les plus élémentaires. Les décès sur les chantiers sont monnaie courante. La situation a empiré avec la décision qu’a prise la FIFA d’attribuer au Qatar la Coupe du monde. Cela montre qu’il faut modifier les modalités d’attribution de l’organisation des championnats internationaux. Le gouvernement a affirmé qu’il réforme actuellement le système de kafala, mais cela ne suffit pas. Il faut renforcer les droits des travailleurs dans ce domaine, par exemple pour garantir l’autonomie totale des travailleurs migrants. L’obligation de rester lié cinq ans au même employeur est inacceptable. L’orateur a demandé que le gouvernement présente un calendrier de la réforme qu’il mène. L’enseignement qui peut être tiré de ce cas historique, c’est que la liste des critères pour choisir les pays organisateurs de manifestations internationales doit comprendre la situation des droits de l’homme et des droits au travail, conformément aux normes de l’OIT.
La membre gouvernementale de la Norvège, s’exprimant au nom des pays nordiques, a rappelé le caractère universel des droits de l’homme et a encouragé la ratification universelle et la mise en œuvre de huit conventions fondamentales de l’OIT. Elle a exprimé sa profonde préoccupation face aux nombreux cas avérés de travailleurs migrants soumis à des conditions de travail et de vie inacceptables dans le pays, en particulier l’exploitation et le travail forcé qu’engendre le système de kafala. Elle a déploré les pratiques consistant à remplacer les contrats de travail, à restreindre la possibilité de démissionner, au non-paiement des salaires, à la menace de représailles, et elle a insisté sur la situation difficile des travailleuses domestiques. Elle a rappelé que, à l’occasion de la discussion tenue en mars 2015 à la 323e session du Conseil d’administration dans le cadre de la plainte présentée contre le gouvernement du Qatar, son gouvernement s’est dit favorable à l’établissement d’une commission d’enquête, étant donné la gravité et l’urgence de la situation. Elle a fait observer que la présente discussion concernant ce cas à la Commission de la Conférence en juin 2015 a hélas confirmé la persistance de ce problème. Elle a appelé le gouvernement à garantir le respect des principes et droits fondamentaux au travail des travailleurs recrutés pour préparer la Coupe du monde 2022. Tout en reconnaissant l’existence d’un projet de loi visant à abolir le système de kafala, elle a demandé instamment au gouvernement d’adopter cette nouvelle loi dans un proche avenir, de manière à protéger les travailleurs contre toute forme d’exploitation et de leur garantir le plein exercice de leurs droits au travail, en particulier l’accès à la justice, la liberté syndicale et la négociation collective des travailleurs migrants. Elle a également appelé le gouvernement à coopérer avec les agences de placement et les pays d’origine des migrants pour garantir un processus migratoire fondé sur les droits. Enfin, elle a vivement encouragé le gouvernement à coopérer avec le BIT.
Le membre employeur de l’Egypte, s’exprimant au nom des employeurs arabes, a indiqué qu’il convient de prendre en considération la nature particulière de la situation de la main-d’œuvre étrangère des pays du golfe, soumise pour la plupart au système de kafala. Les employeurs qui ont généralement recours à des agences d’emploi privées doivent s’acquitter d’un certain nombre de dépenses afférentes au recrutement de leurs travailleurs, ce qui peut entraîner des difficultés lorsque le travailleur pour lequel l’employeur a engagé des frais désire changer d’emploi. Il s’agit donc de trouver une solution équilibrée à cette situation qui permette d’assurer que tant les droits des travailleurs que ceux des employeurs soient protégés. A la différence de l’Egypte où le nombre de travailleurs migrants est beaucoup moins élevé, 70 à 80 pour cent des travailleurs étrangers présents dans les pays du golfe ne disposent pas du droit de se syndiquer. L’orateur a toutefois indiqué que, alors qu’il existe de 350 000 à 500 000 travailleurs égyptiens au Qatar, il n’a pas eu connaissance de plaintes exprimées par ces derniers, démontrant qu’il n’existe pas de problèmes particuliers en la matière. L’orateur a par ailleurs indiqué que la plupart des très grands projets de construction liés à la Coupe du monde 2022 de football ont été attribués par le Qatar à des entreprises étrangères. De nombreuses entreprises de construction égyptiennes sont de ce fait présentes au Qatar et n’ont jamais rencontré de problèmes particuliers. Il a finalement indiqué que, dans la mesure où le Conseil d’administration a décidé de donner au gouvernement suffisamment de temps pour prendre les mesures nécessaires, il est approprié d’attendre la prochaine réunion du Conseil d’administration afin de pouvoir observer les actions prises en la matière.
La membre gouvernementale des Etats-Unis a observé que les travailleurs migrants, principalement ceux originaires d’Asie et du Pacifique, représentent presque 94 pour cent des travailleurs actifs au Qatar. Bon nombre d’entre eux travaillent dans des conditions de travail forcé, situation que facilite le cadre juridique qui gouverne actuellement le travail des migrants dans le pays. Selon la commission d’experts, les pratiques abusives auxquelles sont soumis les travailleurs migrants consistent notamment à remplacer les contrats de travail, à demander aux migrants de verser une commission à des tarifs élevés, à restreindre leur liberté ou à mettre un terme à leur relation de travail. Bien que le gouvernement ait pris l’engagement de traiter ces problèmes, aucun progrès significatif n’a été réalisé, de sorte que le gouvernement est instamment prié de redoubler d’efforts pour procéder aux réformes nécessaires à cet égard. La confiscation des passeports des travailleurs étant interdite par la loi de 2009 sur le parrainage, on constate que cette dernière n’est pas appliquée de façon significative. Selon des études menées récemment par l’Institut de recherche économique et sociale de l’Université du Qatar, entre 86 et 90 pour cent des passeports des travailleurs sont entre les mains de leurs employeurs. En ce qui concerne le système de kafala, qui régit actuellement la migration de la main-d’œuvre au Qatar, il convient de rappeler l’indication du gouvernement selon laquelle il travaille actuellement sur le remplacement de ce système par un cadre de gouvernance basée sur des contrats. Il est à espérer que ce système sera prochainement instauré et qu’il accordera, entre autres, aux travailleurs migrants la pleine liberté de mouvement et la mobilité dans le travail, en particulier lorsqu’ils sont soumis à des abus au travail ou à des menaces de représailles.
Le gouvernement est instamment prié de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour lutter contre le travail forcé, énumérées dans les commentaires de la commission d’experts et d’autres organes de contrôle, notamment l’adoption de la nouvelle législation; l’imposition de sanctions dissuasives pour pratiques de travail forcé; l’organisation de campagnes de sensibilisation du public sur le travail forcé; et le lancement de partenariats avec les gouvernements des pays d’où proviennent les travailleurs migrants afin de prévenir l’application de pratiques d’exploitation dans le processus de recrutement de la main-d’œuvre. L’oratrice a souligné que, jusqu’à ce que des changements suffisants soient constatés dans la loi comme dans la pratique au Qatar, ce cas doit continuer à recevoir toute l’attention de la commission et des autres organes de contrôle de l’OIT.
Le membre travailleur du Soudan, s’exprimant au nom des travailleurs du Soudan, de Bahreïn et du Koweït, a déclaré qu’au cours du débat ont été examinées des mesures positives adoptées par le gouvernement, comme l’instauration de contrats de travail modernes, la mise en place d’un système moderne de protection des salaires, qui prévoit le versement des salaires par la voie bancaire, la création de mécanismes qui facilitent le dépôt, par les travailleurs, de plaintes au ministère du Travail sans frais supplémentaires, et le renforcement du système d’inspection du travail, notamment par l’imposition de sanctions aux auteurs de délits contre des travailleurs. Le gouvernement s’est conformé aux recommandations de la mission de haut niveau et il y a donc lieu de retirer ce cas de la liste des cas à examiner et de laisser au gouvernement le temps de mettre en pratique les nouvelles mesures qu’il a adoptées.
Le membre gouvernemental du Pakistan a déclaré que son gouvernement s’associe à la déclaration du membre gouvernemental du Koweït. En outre, sur la base des informations communiquées par le gouvernement, il s’est dit pleinement convaincu que le pays fait tout son possible pour répondre aux demandes de la commission d’experts, et a exprimé l’espoir que le Conseil d’administration reconnaîtrait ces efforts, lors de sa 325e session qui se tiendra en novembre 2015.
Le membre employeur de l’Algérie a indiqué que ce cas, qui a déjà été examiné à la réunion du Conseil d’administration de mars 2015, a donné lieu à des avancées très importantes. Le gouvernement a apporté des réponses à certaines interrogations et est en train de consolider et améliorer sa législation du travail. Il convient à cet égard de suivre la décision du Conseil d’administration qui attendra le mois de novembre 2015 avant de se prononcer sur ce cas.
Le membre gouvernemental de la République islamique d’Iran s’est félicité des informations fournies par le gouvernement quant aux progrès réalisés, qui témoignent de la volonté d’améliorer les conditions de travail dans le pays. En mars 2015, le Conseil d’administration a décidé de reporter à sa session de novembre 2015 l’examen de la plainte relative à la convention déposée contre le gouvernement afin de lui laisser le temps de mettre en application les mesures et les modifications de la législation adoptées à ce jour. A cet égard, il a insisté sur la nécessité d’accorder un délai suffisant au gouvernement et il a invité celui-ci à poursuivre ses efforts et le Bureau à lui apporter son assistance technique.
Le membre gouvernemental de la Suisse a encouragé le gouvernement à continuer d’augmenter le nombre d’inspecteurs du travail, à les former à identifier les pratiques abusives exposant les travailleurs migrants au travail forcé et à porter les cas d’abus devant les tribunaux. Le gouvernement suisse soutient un large programme de l’OIT visant à protéger les travailleurs migrants vulnérables, comprenant des échanges d’informations sur les bonnes pratiques à adopter entre les pays d’origine et les pays de destination. Les travailleurs migrants, y compris les travailleurs domestiques, doivent bénéficier d’une protection égale à celle de tous les autres travailleurs. Leurs conditions d’emploi doivent être améliorées et leur liberté de mouvement garantie. L’orateur a souligné la volonté du gouvernement de prendre des mesures en ce sens et l’a encouragé à poursuivre la mise en œuvre de celles qui ont déjà été adoptées. Il est également important, comme le souligne la commission d’experts, de sensibiliser l’ensemble de la société à cette problématique. Accueillant favorablement la décision d’abolir progressivement le système de kafala, l’orateur a demandé au gouvernement de faire preuve de détermination dans la poursuite de cet objectif et a déclaré que la mise en œuvre de la nouvelle législation à cet égard ferait l’objet d’un examen attentif.
Le membre gouvernemental de Cuba a indiqué que son gouvernement rejette le travail forcé sous toutes ses formes et qu’il encourage son élimination. Le comité tripartite qui a examiné la réclamation présentée contre le gouvernement a conclu que des mesures supplémentaires devaient être adoptées. En ce sens, le gouvernement a indiqué qu’il avait élaboré un projet de loi destiné à abroger la loi no 4 de 2009, dont les solutions devraient répondre aux questions soulevées par ledit comité tripartite. Le membre gouvernemental a exprimé l’espoir que le gouvernement continuera de faire des efforts pour adopter les mesures appropriées.
La membre gouvernementale du Soudan a déclaré que le Qatar fait face à un afflux important de travailleurs migrants qui bénéficient de possibilités d’emploi attrayantes qu’offre l’économie du Qatar en expansion constante. Cette situation met le gouvernement au défi d’assurer des conditions de travail décentes. A cet égard, le gouvernement bénéficie de l’assistance technique du BIT pour la mise en place de capacités liées à l’application des principes et droits fondamentaux au travail. Il est surprenant que la discussion de la commission s’ouvre sur ce cas alors que le Conseil d’administration a demandé au gouvernement de présenter des informations, à sa session de novembre 2015, sur les mesures adoptées en ce qui concerne la plainte relative à l’application de la convention. Il existe une réelle volonté politique de renforcer les mécanismes de présentation de plaintes par les travailleurs, de sensibiliser davantage les travailleurs et les employeurs à leurs droits et à leurs obligations et de promouvoir une plus grande efficacité de l’inspection du travail. Toutes ces mesures contribuent de manière significative à la promotion des normes internationales du travail en vue d’offrir des conditions de travail décentes à tous les résidents du pays sans discrimination.
Le membre gouvernemental du Koweït, s’exprimant également au nom des gouvernements de l’Arabie saoudite, du Bahreïn, du Bangladesh, de la Chine, de la République de Corée, de l’Inde, de République islamique d’Iran, de l’Iraq, du Japon, de la Jordanie, de la République démocratique populaire lao, du Liban, de la République des Maldives, d’Oman, du Pakistan, de Singapour et des Emirats arabes unis, a salué les progrès réalisés et les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la situation du travail forcé, ainsi que le niveau de coopération élevé dont il a fait preuve dans ses relations avec l’OIT et avec d’autres parties concernées. Rappelant que le Conseil d’administration a reporté à sa 325e session (novembre 2015) l’examen de la plainte déposée contre le Qatar pour donner le temps au gouvernement d’appliquer les mesures recommandées par la commission d’experts, il a estimé que ce délai est trop court pour réaliser des progrès significatifs. Il a exprimé l’espoir que les efforts que le gouvernement a entrepris jusqu’à présent seront pris en considération par la commission et les autres organes de contrôle de l’OIT, et a invité le gouvernement à poursuivre son engagement vis-à-vis de l’OIT pour remédier au problème du travail forcé au Qatar.
Le membre gouvernemental du Maroc s’est félicité du fait que la commission traite des droits des travailleurs migrants. Il a exprimé sa satisfaction face aux améliorations de la législation du travail et aux différentes réformes menées par le gouvernement en matière de relations de travail qui permettront bientôt aux travailleurs qui le souhaitent de quitter le pays sans difficultés. Le gouvernement prodigue ses efforts afin que les travailleurs migrants conservent leur passeport et des sanctions sont prévues pour les employeurs qui dérogent à cette règle. L’orateur a finalement considéré que la coopération technique permettra d’aboutir à des réformes qui satisferont l’ensemble des acteurs du monde du travail.
Le membre gouvernemental de la Fédération de Russie a indiqué que, en dépit des informations fournies par le gouvernement sur son intention de protéger les droits des travailleurs, il reste préoccupé par les modalités et le calendrier fixés pour la mise en œuvre des réformes nécessaires dans certains domaines, tels que l’augmentation du nombre des inspections du travail, l’accès à la justice et la possibilité pour les travailleurs de changer d’emploi et d’employeur. L’orateur a exprimé l’espoir que le gouvernement respecte les normes internationales du travail et continue de fournir des informations sur l’application de la convention.
Le membre gouvernemental du Canada s’est dit préoccupé par la situation des droits des travailleurs au Qatar, en particulier par celle des travailleurs migrants à faible revenu. Bien que le gouvernement envisage de modifier sa législation du travail pour réprimer les violations des droits des travailleurs migrants, ces modifications doivent encore être mises en application. En outre, bien que d’autres textes fournissent une protection, comme la loi no 14 de 2004 sur la durée maximale du travail, le congé annuel rémunéré et les normes de santé et de sécurité, d’autres mesures s’imposent à l’évidence au vu des dénonciations d’abus qui ne cessent de se multiplier. Une réforme du système de kafala en vigueur au Qatar s’impose en particulier, du fait qu’il lie le statut de résident légal du travailleur migrant à son employeur. Ce système est au cœur de nombreux abus dont les travailleurs migrants sont victimes, notamment des retards dans le paiement, voire le non-paiement de leurs salaires, des entraves à leur liberté de déplacement, des prêts usuraires et des conditions de travail et de vie inhumaines. L’orateur a prié instamment le gouvernement de mettre en œuvre les réformes envisagées afin de mettre en place un cadre légal assorti de protections fortes pour les travailleurs migrants et faire en sorte que les particuliers et les entreprises qui violent la loi rendent compte de leurs actes.
Le membre gouvernemental du Bangladesh a noté que le gouvernement a accompli d’importants progrès en ce qui concerne l’élaboration de modifications à la législation régissant les travailleurs migrants. Il a invité le gouvernement à poursuivre ses efforts pour combattre le travail forcé et invité le BIT à apporter une assistance technique à cette fin.
Le membre gouvernemental de l’Algérie s’est félicité de l’imminent remplacement définitif du système de kafala par un mécanisme contractuel. Le gouvernement s’efforce d’améliorer les possibilités de recours des travailleurs migrants en cas de litiges et d’assurer que les conflits sont résolus de manière transparente et ouverte. De plus, des initiatives ont été prises pour que les travailleurs migrants aient plus facilement accès aux informations concernant leurs droits. Ces différents éléments démontrent la bonne foi du gouvernement dans l’application de la convention. Ces progrès devraient être notés par la commission qui devrait laisser au gouvernement le temps nécessaire pour que les réformes mises en œuvre portent leurs fruits.
Le représentant gouvernemental s’est dit convaincu que les observations exprimées pendant la discussion visent sans aucun doute à promouvoir la relation entre les partenaires sociaux et à aider le gouvernement à protéger les droits de tous les travailleurs du pays. Il a indiqué que la décision de devenir membre de l’OIT a pour objet de développer le marché du travail et d’entretenir une relation équilibrée entre les partenaires sociaux, contrairement à ce que l’on veut faire croire. Certaines pratiques ne sont pas appropriées et doivent être corrigées, mais il est inutile de s’arrêter à cela. Au contraire, il faut souligner les progrès accomplis, lesquels ont été confirmés par la mission de haut niveau qui s’est rendue dans le pays cette année. En ce qui concerne les allégations formulées dans le cadre de la plainte présentée contre le gouvernement, les points soulevés ont été sérieusement pris en compte et des mesures ont été prises pour mettre en place un système de protection des salaires et abroger le système de kafala pour le remplacer par des contrats de travail modernes. Il a demandé aux membres de la commission de tenir compte des progrès accomplis en peu de temps, au lieu de se concentrer sur des incidents ponctuels que l’on veut faire passer pour une règle générale. Les allégations contenues dans la plainte ne tiennent pas compte des conclusions du rapport de la mission de haut niveau qui sont essentiellement les mêmes que celles de la commission d’experts. L’orateur a enfin réaffirmé l’engagement de son gouvernement à présenter un rapport détaillé sur ce sujet au Conseil d’administration en novembre prochain.
Les membres employeurs ont apprécié la discussion intense qui a eu lieu. S’il est vrai qu’il peut être désagréable pour le gouvernement de faire face à deux procédures concernant, pour l’essentiel, le même cas, la Constitution de l’OIT rend ce cas de figure possible. Les mesures concrètes prises par le gouvernement pour remédier à plusieurs problèmes sont louables. Pour autant, adopter une législation ne suffit pas et l’application de la loi reste source de préoccupation. A cet égard, l’orateur a mentionné les aspects du rapport de la mission réalisée par le BIT en février 2015 concernant l’amendement du code du travail, les mécanismes de traitement des plaintes relatives au travail et la mise en œuvre effective des lois du travail. Tout en félicitant le gouvernement pour les initiatives prises jusqu’à présent, notamment la réforme de la législation nationale, il a demandé au gouvernement d’accroître ses efforts sans attendre. Les améliorations apportées à la législation et à la pratique devraient se traduire par le progrès social et le développement économique du pays.
Les membres travailleurs ont noté que la situation du travail forcé au Qatar est généralement reconnue comme étant un sérieux problème, non seulement par les organes de contrôle de l’OIT, mais également par le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme des migrants et par diverses organisations des droits de l’homme. Le travail forcé au Qatar est par ailleurs issu d’un système qui prive les migrants de leurs droits fondamentaux et de l’accès à la justice. Le gouvernement ne peut se prévaloir d’un manque de ressources ou de l’absence d’accès à l’assistance technique dans la résolution de ce problème. Des mesures pour traiter cette situation auraient pu être adoptées il y a bien longtemps. En effet, le Qatar avait, et a toujours, le potentiel nécessaire pour devenir un modèle de gestion humaine des migrations de main-d’œuvre. Au contraire, il constitue encore un mauvais et déplorable exemple de prise en charge de ce phénomène. Les membres travailleurs ont salué les engagements du gouvernement à gérer les facteurs qui contribuent au travail forcé, mais ont insisté sur l’urgence de les mettre en œuvre. Le gouvernement a agi beaucoup trop peu et beaucoup trop lentement, en particulier au regard de l’ampleur du travail forcé, phénomène qui persiste. Le système de kafala n’a par exemple pas encore été éliminé, malgré les promesses faites en ce sens par le gouvernement l’année dernière.
En ce qui concerne le système de contrats proposé pour remplacer le système de kafala, il est à craindre qu’il soit insuffisant pour lutter contre le travail forcé dans la pratique. Les employeurs conserveraient le pouvoir d’empêcher les travailleurs de changer de travail pour une durée allant jusqu’à cinq ans, et le visa de sortie envisagé pose la question de savoir si les travailleurs pourraient réellement partir, étant donné que les employeurs conserveraient la possibilité de formuler des objections à leur départ pour des motifs imprécis et peu clairs. De plus, les travailleurs migrants restent en dehors du périmètre de la législation du travail, en dépit des promesses selon lesquelles une loi serait bientôt votée pour les y inclure. Les frais de recrutement élevés demeurent un problème grave très répandu, tout comme la confiscation des passeports et la substitution des contrats. Il existe peu de données sur le renforcement des mesures d’application, que ce soit une hausse des arrestations effectuées ou des poursuites engagées, ou l’alourdissement des amendes imposées. Des obstacles importants continuent de s’opposer à l’accès des travailleurs migrants à l’aide juridictionnelle et au système judiciaire, notamment la lenteur de la procédure, les frais de justice et la langue. A cet égard, même si un système électronique de plainte a apparemment été introduit, aucun travailleur ne semble en avoir eu connaissance. Même s’il a été décidé d’établir un système électronique de paiement des salaires pour protéger les salaires, il doit être mis en place le plus rapidement possible. Une fois qu’il le sera, il faudra en examiner les résultats afin d’observer s’il permet de résoudre la question du non-paiement des salaires. Nombre des problèmes notés auraient pu être traités par les travailleurs migrants eux-mêmes si la législation en vigueur les autorisait à constituer des syndicats. Insistant de nouveau sur le fait que le travail forcé demeure un problème grave au Qatar et que le gouvernement doit encore concrétiser la plupart des engagements qu’il a pris, les membres travailleurs ont instamment prié le gouvernement d’adopter immédiatement la plupart des mesures précédemment recommandées par les organes de contrôle, notamment l’abolition du système de kafala et son remplacement par un marché du travail ouvert et réglementé, l’abolition du système de permis de sortie, l’application de la législation sur la confiscation des passeports, la fin de la substitution des contrats et de l’imposition de frais illégaux de recrutement, la facilitation de l’accès des travailleurs migrants au système judiciaire, le renforcement des enquêtes et poursuites pénales concernant les auteurs présumés de pratiques de travail abusives, la révision des peines applicables en cas d’exploitation grave des travailleurs, notamment en cas de travail forcé, incriminé dans le Code pénal, afin de garantir leur adéquation aux actes commis, et l’adoption des modifications nécessaires pour que les travailleurs domestiques jouissent des droits au travail garantis par la loi.
Les membres travailleurs ont demandé au gouvernement d’accepter la visite d’une mission tripartite de haut niveau chargée d’examiner la situation actuelle en matière de travail forcé et d’ouvrir les débats sur le meilleur moyen de donner effet aux recommandations de la commission.
Conclusions
La commission a pris note des informations présentées oralement par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi concernant la vulnérabilité des travailleurs migrants face au travail forcé.
La commission a noté les questions en suspens soulevées par la commission d’experts concernant la nécessité de réviser sans délai la loi no 4 de 2009 sur le système de parrainage, qui limite actuellement la possibilité pour les travailleurs migrants de quitter le pays ou de changer d’employeur, et place les travailleurs concernés dans une situation de vulnérabilité accrue, notamment lorsqu’ils sont soumis à des pratiques telles que confiscation des passeports, restrictions à la liberté de mouvement, substitution de contrat et absence de paiement, sous-paiement ou retard du paiement des salaires. Les questions soulevées par la commission d’experts ont également trait à la nécessité d’assurer aux travailleurs migrants un accès à des mécanismes rapides et efficaces de traitement des plaintes et à des dispositifs de protection et d’assistance en cas de violation de leurs droits, et à la nécessité d’infliger des sanctions appropriées en cas de violation du Code du travail et de la loi sur le système de parrainage, et en cas de violation des dispositions du Code pénal relatives au travail forcé.
La commission a noté les informations fournies par le représentant gouvernemental soulignant les mesures récentes adoptées pour protéger les travailleurs migrants, notamment la rédaction d’un projet de loi qui abroge le système de parrainage et le remplace par un système de contrats de travail. Ce projet autoriserait les travailleurs à changer d’employeur lorsque leur contrat à durée déterminée expire ou après cinq ans pour les contrats à durée indéterminée. Des amendements sont également en cours pour permettre aux travailleurs de demander un permis de quitter un emploi à l’organisme public compétent sans avoir à s’adresser à leur employeur.
Le gouvernement a en outre déclaré qu’il a instauré un mécanisme de traitement des plaintes nouveau et efficace pour les travailleurs migrants, en vertu duquel les plaintes sont traitées directement entre employeurs et travailleurs par l’intermédiaire du ministère du Travail et des Affaires sociales. Les travailleurs peuvent par ailleurs déposer leurs plaintes en arabe et en anglais, ainsi que dans sept autres langues, et une permanence téléphonique a été mise en place au ministère pour recevoir les plaintes par téléphone et courrier électronique, afin de répondre aux demandes sans délai. De plus, le ministère du Travail a organisé des colloques d’information pour sensibiliser les employeurs et les travailleurs à leurs droits et obligations. En outre, un bureau représentant le ministère a également été mis en place au sein du système judiciaire. Ce bureau collabore avec les travailleurs qui ont engagé des procédures judiciaires à l’encontre de leur employeur, leur fournit une aide juridictionnelle et met gratuitement à leur disposition des interprètes maîtrisant la plupart des langues qu’ils utilisent.
En ce qui concerne les mesures adoptées pour protéger les travailleurs domestiques, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle un projet de loi sur les travailleurs domestiques est actuellement en cours d’examen.
La commission a enfin noté les informations fournies par le gouvernement sur les mesures adoptées pour renforcer les services de l’inspection du travail, en particulier par l’extension de sa couverture géographique, l’augmentation du nombre d’inspecteurs du travail et la mise à disposition de matériel informatique moderne.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a demandé instamment au gouvernement:
- de supprimer le système de parrainage et le remplacer par un permis de travail permettant au travailleur de changer d’employeur; ce qui inclut également la suppression du certificat de «non-objection»;
- d’œuvrer en faveur de la suppression du système de visa de sortie dans les plus brefs délais; dans l’intervalle, octroyer les visas de plein droit;
- de veiller à l’application rigoureuse des dispositions législatives relatives à la confiscation des passeports;
- de collaborer avec les pays d’origine des travailleurs pour s’assurer que les frais de recrutement ne sont pas imputés aux travailleurs;
- de s’assurer que les contrats signés dans les pays d’origine ne sont pas modifiés au Qatar, et que les personnes s’étant livrées à des manœuvres trompeuses sur les salaires et les conditions de travail sont poursuivies;
- de faciliter l’accès des travailleurs migrants à la justice, y compris, sans s’y limiter, à travers une aide à la traduction, la suppression des redevances et des frais associés au dépôt de plainte, et la diffusion d’informations sur le ministère du Travail et des Affaires sociales; garantir que les travailleurs sont en mesure d’accéder à ces dispositifs sans craindre les représailles, que ces cas sont traités de manière diligente et que les décisions sont appliquées;
- de poursuivre l’embauche d’inspecteurs du travail supplémentaires et accroitre les ressources matérielles qui leur sont nécessaires pour effectuer des inspections du travail, en particulier dans les établissements où travaillent des migrants;
- de garantir que les personnes suspectées d’exploitation font l’objet d’enquêtes et de poursuites, et empêcher les coupables de recommencer à recruter des travailleurs;
- de garantir le caractère approprié des sanctions applicables en vertu de la législation en cas d’exploitation caractérisée de travailleurs, y compris de crime de travail forcé tel que défini par le Code pénal; garantir des sanctions adéquates pour violation de la législation du travail; et garantir l’application effective de ces lois;
- de garantir aux travailleurs domestiques l’égalité des droits.
Répétition Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Liberté des fonctionnaires de quitter leur emploi. La commission avait noté précédemment que, en vertu des articles 161 et 162 de la loi no 8 de 2009 sur la gestion des ressources humaines, un fonctionnaire peut présenter une demande de démission qui devra être acceptée dans un délai de trente jours. Toutefois, la décision peut être reportée pour une autre période de trente jours et le fonctionnaire doit continuer à travailler. Le gouvernement avait déclaré précédemment à cet égard que ces dispositions sont inhérentes à la nature de la fonction publique et qu’elles ont pour vocation de garantir la continuité du fonctionnement du service. La commission avait également pris note de l’information fournie par le gouvernement sur les mesures qu’il était en train de prendre pour assurer la modification de l’article 161 de la loi no 8 de 2009 sur la gestion des ressources humaines afin de le mettre en conformité avec les articles 1 et 2 de la convention. La commission a pris note de l’information figurant dans le rapport du gouvernement selon laquelle la modification de l’article 161 de la loi no 8 de 2009 sur la gestion des ressources humaines en est encore au stade de la procédure législative étant donné qu’il doit concilier l’intérêt général et la liberté des fonctionnaires de quitter leur emploi. De plus, un nouveau ministère a été institué en vertu du décret no 4 de 2016 qui porte supervision de la mise en œuvre de la loi no 8 de 2009. Le gouvernement a ajouté que l’ensemble des informations relatives aux fonctionnaires sont actualisées et que des informations portant sur l’application des articles 161 et 162 de la loi no 8 de 2009 seront communiquées dès que le processus d’actualisation aura été achevé. La commission a pris note de cette information et a rappelé une nouvelle fois que les dispositions légales empêchant un travailleur engagé pour une durée indéterminée de mettre fin à son emploi moyennant un préavis raisonnable ont pour effet de transformer une relation contractuelle fondée sur la volonté des parties en un service imposé par la loi et sont, à ce titre, incompatibles avec la convention. La commission espère par conséquent que les mesures nécessaires seront prises pour assurer la modification de l’article 161 de la loi no 8 de 2009 sur la gestion des ressources humaines afin de mettre la législation en conformité avec la convention. En attendant l’adoption de ces mesures, la commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 161 et 162 en indiquant le nombre de cas dans lesquels les demandes de démission ont été refusées, les motifs de ces refus et la période totale pendant laquelle les demandes de démission ont été refusées.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 2, de la convention. Liberté des fonctionnaires de quitter leur emploi. Dans ses précédents commentaires, la commission se référait à certaines dispositions de la loi no 1 de 2001 sur la fonction publique en vertu desquelles les fonctionnaires ne peuvent quitter leurs fonctions tant que leur démission n’a pas été acceptée par les autorités compétentes, celles-ci devant statuer dans un délai de trente jours à compter de la date où la demande est présentée, après quoi elle est acceptée tacitement.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que la loi de 2001 sur la fonction publique a été abrogée et remplacée par la loi no 8 de 2009 sur les ressources humaines, qui contient des dispositions régissant la fonction publique et, notamment la démission des fonctionnaires (art. 161 et 162). Le gouvernement indique que ces articles 161 et 162 reprennent les mêmes dispositions en ce qui concerne la démission que celles de la loi de 2001 aujourd’hui abrogée.
La commission observe qu’en vertu de ces dispositions une demande de démission peut être soit acceptée soit refusée, si bien que l’engagement du fonctionnaire ne prend pas automatiquement fin à l’expiration d’une période de préavis. Tout en prenant dûment note des déclarations du gouvernement selon lesquelles les dispositions régissant la démission sont restées inchangées en raison de la nature de la fonction publique, et que ces dispositions visent à en garantir la continuité du fonctionnement, la commission attire à nouveau l’attention du gouvernement sur les paragraphes 96-97 de son étude d’ensemble de 2007 Eradiquer le travail forcé, où il est expliqué que des dispositions légales qui empêchent un travailleur sous contrat à durée indéterminée de mettre fin à son emploi moyennant un préavis d’une durée raisonnable ont pour effet de transformer une relation contractuelle fondée sur la volonté des parties en un service imposé par la loi et sont à ce titre incompatibles avec la convention.
La commission exprime donc l’espoir que les mesures nécessaires seront prises pour rendre la législation conforme à la convention, par exemple en éliminant la possibilité de rejeter une demande de démission une fois échu le préavis prévu ou en limitant aux seules circonstances de force majeure le cas dans lequel les travailleurs ne peuvent mettre fin à leur emploi. En attente de l’adoption de telles mesures, la commission demande à nouveau au gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 161 et 162 en indiquant les critères appliqués dans l’acceptation ou le rejet des demandes de démission, de même que le nombre de cas dans lesquels la démission a été refusée et les motifs de ce refus. Elle le prie également de communiquer copie de la loi sur les ressources humaines (no 8 de 2009).
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25. Traite des personnes. Sanctions pénales punissant l’imposition illégale de travail forcé. La commission prend note avec intérêt des informations concernant les diverses mesures prises afin de prévenir et réprimer la traite des êtres humains, exposées dans le document joint intitulé «Qatar’s efforts in combating human trafficking», publié par la Qatar’s Foundation to Combat Human Trafficking. Elle prend également note des explications du gouvernement concernant l’application des articles 297, 321 et 322 du Code pénal, qui font de l’esclavage, du travail forcé et de la prostitution forcée des infractions pénales.
La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises pour assurer que tout fait de traite des êtres humains soit puni par la loi, notamment des informations sur toute procédure mise en œuvre dans ce domaine, en indiquant les sanctions prises à l’égard des auteurs des infractions.
Articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la convention. Droit des fonctionnaires de démissionner. Dans ses précédents commentaires, la commission se référait aux articles 109 et 110 de la loi (no 1 de 2001) sur la fonction publique, en vertu desquels les fonctionnaires ne peuvent quitter le service tant que leur démission n’a pas été acceptée par les autorités compétentes, celles-ci devant statuer sur une telle demande dans un délai de trente jours à compter de la date où elle est présentée, après quoi la démission est acceptée tacitement dès lors que les autorités ne l’ont pas expressément rejetée. La commission avait souligné que des dispositions réglementaires qui empêchent de mettre fin à une relation d’emploi de durée indéterminée moyennant un préavis d’une durée raisonnable sont incompatibles avec la convention. Elle avait également rappelé à cet égard que des dispositions qui permettent de retenir des travailleurs dans leur emploi ne pourraient être considérées comme compatibles avec la convention que dans la mesure où une telle contrainte serait dictée par la nécessité de faire face à des situations de force majeure, au sens de l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention.
La commission avait pris note des indications données par le gouvernement dans son rapport de 2005 faisant valoir que l’acceptation de la démission par l’autorité compétente est une simple formalité qui, le cas échéant, permet d’assurer la continuité du service. Elle note également les statistiques communiquées par le gouvernement dans son plus récent rapport, concernant les démissions qui ont été acceptées en 2007 dans la fonction publique. Se référant aux explications développées aux paragraphes 96 et 97 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, la commission exprime à nouveau l’espoir qu’à l’occasion d’une future révision de la législation sur la fonction publique, les mesures nécessaires seront prises pour mettre les articles 109 et 110 en conformité avec la convention. En attendant l’adoption de telles mesures, la commission demande à nouveau que le gouvernement communique des informations sur l’application de ces dispositions dans la pratique, en indiquant non seulement le nombre de démissions acceptées mais aussi le nombre de démissions refusées, avec les motifs du refus. Prière de communiquer copie de toute décision rendue contre de tels refus en application de l’article 93 de la loi sur les recours.
Articles 1, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 25. Traite des personnes. Sanctions pénales en cas d'imposition de travail forcé. Se référant à son observation générale de 2000 concernant la traite des personnes, ainsi qu’au rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la traite des personnes (A/HRC/Y/23/Add. 2) publié le 25 avril 2007, la commission demande que le gouvernement fournisse dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées, tant au niveau législatif que dans la pratique, pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes. Prière également de fournir des informations sur les procédures légales qui auraient été engagées sur la base des articles 321, 322 et 297 du Code pénal, lesquels érigent en infraction pénale les faits d’esclavage, de travail forcé et de contrainte à la prostitution, et de préciser les sanctions imposées dans ce cadre.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Droit de démission des fonctionnaires. La commission s’était référée aux articles 109 et 110 de la loi no 1 de 2001 sur la fonction publique qui a abrogé la loi no 9 de 1967, et avait noté que la nouvelle loi contient des dispositions similaires à celles de la loi abrogée: un fonctionnaire ne peut quitter ses fonctions avant que sa démission n’ai été acceptée par l’autorité compétente. La décision relative à la demande de démission doit être prise dans un délai de trente jours à partir de la date de la demande; la démission est considérée comme étant acceptée si l’autorité ne prend pas de décision de refus ou d’acceptation pendant le délai prévu.
La commission avait attiré l’attention du gouvernement sur les paragraphes 67 et 68 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé où elle a estimé que les dispositions légales empêchant un travailleur engagé pour une durée indéterminée de mettre fin à son emploi moyennant un préavis raisonnable ont pour effet de transformer une relation contractuelle fondée sur la volonté des parties en un service imposé par la loi et sont incompatibles avec la convention. La commission avait rappelé à cet égard que les dispositions susmentionnées qui permettent de retenir les travailleurs ne sont compatibles avec la convention que si elles sont nécessaires pour faire face à des situations de force majeure au sens de l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention.
Tout en notant l’indication du gouvernement selon laquelle l’acceptation de la démission par l’autorité compétente est une simple formalité qui, le cas échéant, permet d’assurer la continuité du service et rappelant que, d’après le gouvernement, cette procédure s’apparente à un préavis, la commission exprime à nouveau l’espoir que, lors d’une prochaine révision de la législation sur la fonction publique, les mesures nécessaires seront prises pour mettre les articles 109 et 110 en conformité avec la convention. En attendant l’adoption de ces mesures et rappelant que, selon des indications données précédemment par le gouvernement, il est très rare que l’administration rejette une demande de démission d’un fonctionnaire, la commission prie à nouveau le gouvernement de transmettre des informations sur l’application de ces dispositions en pratique en indiquant le nombre de démissions acceptées et rejetées et les motifs de rejet. Prière également de communiquer copies de décisions rendues en application de l’article 93 de la loi sur l’appel.
La commission a pris note de la réponse du gouvernement à ses précédents commentaires.
1. Droit de démission des fonctionnaires publics. La commission s’était précédemment référée aux articles 78 et 79 de la loi no 9 de 1967 sur la fonction publique aux termes desquels le fonctionnaire ne pouvait pas quitter son travail avant l’acceptation de sa démission par l’autorité compétente. D’après le rapport du gouvernement, la commission a relevé que la législation susmentionnée a été abrogée par la loi no 1 de 2001 sur la fonction publique. Elle a toutefois noté que les articles 109 et 110 de la nouvelle loi contiennent des dispositions similaires à celles des articles 78 et 79 abrogés: un fonctionnaire ne peut quitter son travail jusqu’à ce que sa démission ait été acceptée par l’autorité compétente. La décision relative à la demande de démission devrait être prise dans un délai de trente jours à partir de la date de la demande; on considère que la démission est acceptée si l’autorité ne prend pas de décision de refus ou d’acceptation pendant le délai prévu.
La commission attire une nouvelle fois l’attention du gouvernement sur les paragraphes 67 et 68 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, où elle a estimé que les dispositions légales empêchant un travailleur engagé pour une durée indéterminée de mettre fin à son emploi moyennant un préavis raisonnable ont pour effet de transformer une relation contractuelle fondée sur la volonté des parties en un service imposé par la loi et sont incompatibles avec la convention. A cet égard, la commission rappelle que les dispositions susmentionnées, qui permettent de retenir les travailleurs dans leur emploi, n’affectent pas l’application de la convention que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face à des situations de force majeure au sens de l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention.
Tout en prenant note des indications données par le gouvernement dans le rapport selon lesquelles il est extrêmement rare que l’administration refuse la démission d’un fonctionnaire, et l’article 93 de la loi permet de faire appel d’une décision ministérielle de refus d’une démission, la commission espère que les mesure nécessaires seront prises en vue de rendre les articles 109 et 110 de la loi no 1 de 2001 sur la fonction publique conformes à la convention. En attendant que de telles mesures soient adoptées, la commission prie le gouvernement de transmettre des informations sur l’application pratique de ces dispositions, en précisant le nombre de démissions acceptées et rejetées, et de fournir copie des décisions rendues en application de l’article 93 (appel d’une décision de refus).
2. La commission a pris note des textes législatifs communiqués par le gouvernement avec son rapport, et de l’indication du gouvernement selon laquelle il n’existe pas de loi sur le service militaire. Se référant à la précédente indication du gouvernement concernant l’élaboration d’un nouveau Code pénal, la commission espère qu’une copie de ce texte sera transmise au BIT dès son adoption.
Traite d’enfants à des fins d’exploitation comme jockeys de chameaux. Dans ses précédents commentaires, la commission avait exprimé sa préoccupation face à la situation des enfants participant à des courses de chameaux: ces enfants sont exploités et placés dans une situation dans laquelle ils ne peuvent pas donner librement leur consentement, et que leurs parents ne peuvent pas non plus donner un consentement valable à leur place. Elle avait prié le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, en coopération avec les autres gouvernements concernés, afin d’éliminer la traite des enfants en vue de leur utilisation comme jockeys de chameaux, et de punir les responsables par une application stricte des sanctions pénales appropriées.
La commission a pris note de la réponse du gouvernement à sa précédente observation sur cette question. Elle rappelle que le gouvernement a ratifié la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et qu’il a déjà envoyé ses premier et deuxième rapports sur l’application de cette convention. Etant donné qu’aux termes de l’article 3 a) de la convention no 182, l’expression «les pires formes de travail des enfants» comprend «toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servageainsi que le travail forcé ou obligatoire», la commission estime que le problème de la traite des enfants en vue de l’exploitation de leur travail pourrait être examiné plus spécifiquement dans le cadre de la convention no 182. La protection des enfants se trouve renforcée par le fait que la convention no 182 fait obligation à tout Etat qui la ratifie de prendre de toute urgence des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants. La commission prie donc le gouvernement de se référer aux commentaires qu’elle a faits à propos de l’application de la convention no 182.
La commission adresse également une demande directe au gouvernement sur certains autres points.
Se référant également à son observation, la commission prend note des rapports du gouvernement et le prie de communiquer des informations sur les points suivants.
1. Droit de démission des fonctionnaires publics. La commission prend note des articles 78 et 79 de la loi no 9 de 1967 sur la fonction publique(communiquée par le gouvernement avec son premier rapport)qui réglementent la démission des fonctionnaires. En vertu de l’article 79, le fonctionnaire ne peut pas quitter son travail jusqu’à l’acceptation de sa démission par l’autorité compétente. Elle prend également note de l’article 78, en vertu duquel la démission est réputée acceptée si l’autorité ne statue pas sur son refus ou son acceptation dans un délai de 30 jours. A cet égard, la commission note que l’autorité peut décider de reporter la démission lorsque l’intérêt du travail l’exige ou lorsque le fonctionnaire fait l’objet d’une procédure disciplinaire. La commission note également que le fonctionnaire qui viole ses devoirs, notamment si ce dernier cesse de travailler sans avoir reçu acceptation de sa démission, peut faire l’objet de sanctions disciplinaires prévues aux articles 62 et 64 de la loi no 9 de 1967.
La commission attire l’attention du gouvernement sur les paragraphes 67 et 68 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé dans lesquels la commission a rappelé que les lois empêchant un travailleur engagé pour une durée indéterminée de mettre fin à son emploi moyennant un préavis raisonnable ont pour effet de transformer une relation contractuelle fondée sur la volonté des parties en un service imposé par la loi et sont incompatibles avec la convention. A cet égard, la commission rappelle que lesdites lois permettant de retenir les travailleurs dans leur emploi ne sont conformes à la convention que si elles permettent de faire face à des situations de force majeure au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la convention.
La commission prie le gouvernement de fournir des informations plus précises sur les raisons motivant le report d’une démission, ainsi que de fournir copie des décisions judiciaires prises au titre de l’article 79 de la loi sur la fonction publique.
La commission prend note également de l’information contenue dans le dernier rapport du gouvernement selon laquelle la loi no 1 de 2001 sur la fonction publique a été promulguée avec son règlement d’application no 13 de 2001. Cette législation établit le droit d’un employé lié par un contrat à l’administration de mettre fin à son contrat sans être tenu d’en donner les raisons, à condition que l’administration en soit informée au moins 30 jours à l’avance (art. 4 du contrat type annexéà la loi). La commission prie le gouvernement de communiquer une copie de la loi et de son règlement d’application.
2. La commission prie le gouvernement de fournir copie des textes législatifs relatifs à la défense de la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat (notamment les dispositions concernant le service militaire), à l’état d’urgence, ainsi que les dispositions d’application du règlement pénitentiaire, le Code de procédure pénale et les textes législatifs réglementant la mendicité et le vagabondage.
3. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement en réponse à son observation générale de 2000. Elle note en particulier:
- les dispositions des articles 193 à 196 du Code pénal no 14 de 1971 qui punissent de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans toute personne soit qui impose à une autre du travail forcé, soit qui importe, exporte, vend ou possède une personne en se comportant comme un propriétaire, soit qui exploite une personne à des fins de prostitution;
- les dispositions des articles 204 à 207 qui répriment l’exploitation d’autrui à des fins de prostitution;
- les dispositions des articles 183 et 184 du Code pénal destinées à protéger les victimes et les témoins contre d’éventuelles menaces;
- l’accord du Conseil des ministres lors de sa réunion du 17 juillet 2002 sur le principe de l’établissement d’une Commission nationale des droits de l’homme, qui aurait notamment pour objectif de collaborer avec les organisations régionales et internationales, ainsi qu’avec les organisations nationales travaillant sur la question des droits et libertés de l’homme. La commission note à cet égard que la décision établissant cette commission sera communiquée au BIT dès sa promulgation.
4. La commission note par ailleurs l’information contenue dans le dernier rapport du gouvernement selon laquelle un nouveau Code du travail et un nouveau Code pénal sont en cours de préparation. Elle espère que des copies de ces codes seront communiquées au Bureau dès leur promulgation.
La commission exprime sa préoccupation à l’égard de la situation des enfants utilisés dans les courses de chameaux: ces enfants sont exploités et sont placés dans une situation telle qu’ils ne peuvent pas donner librement leur consentement ni leurs parents valablement à leur place.
Traite d’enfants à des fins d’exploitation comme jockeys de chameaux. La commission prend note des informations contenues dans les observations finales du Comité des droits de l’enfant (CRC/C/15/Add.163 du 6 novembre 2001), selon lesquelles des enfants très jeunes, en provenance de pays d’Afrique et d’Asie du Sud, sont victimes d’un trafic à des fins d’exploitation comme jockeys lors de courses de chameaux. Elle note également les propos du comité selon lesquels ces courses nuisent gravement à l’éducation et à la santé des enfants, notamment en raison des risques de graves blessures encourus par les jockeys.
La commission prend également note du rapport d’Antislavery international soumis à la Commission des droits de l’homme lors de sa vingt-sixième session. Ce rapport souligne les dangers que les courses de chameaux font courir aux enfants et mentionne également une étude menée au Bangladesh selon laquelle plus de 1 600 garçons ont été victimes de trafic pendant les années quatre-vingt-dix. L’étude relève que la plupart de ces garçons étaient âgés de moins de 10 ans et qu’ils étaient certainement utilisés comme jockeys dans les pays du Golfe.
A cet égard, la commission note les indications fournies par les représentants du gouvernement lors de la vingt-huitième session du Comité des droits de l’enfant (CRC/C/SR.734), selon lesquelles le problème de la participation des enfants à des courses de chameaux est considéré comme un dossier prioritaire du gouvernement. Elle note également les informations du gouvernement selon lesquelles certaines lois protégeant les enfants jockeys ont été adoptées et que des mesures devraient être prises pour augmenter l’âge minimum des jockeys.
La commission prie le gouvernement de fournir copie des lois adoptées en vue de protéger les enfants jockeys de l’imposition de travail forcé ainsi que copie, dès leur adoption, des textes législatifs visant à augmenter l’âge minimum des jockeys.
La commission rappelle son observation générale publiée en 2001 au titre de la convention, où elle a demandé aux gouvernements de fournir des informations, entre autres, sur les dispositions prises pour renforcer l’investigation active du crime organisé en matière de trafic de personnes, y compris la coopération internationale entre organes de la force publique en vue de prévenir et combattre la traite des personnes.
La commission prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, en coopération avec les autres gouvernements concernés, en vue d’éliminer la traite des enfants pour leur utilisation comme jockeys de chameaux et de punir tous les responsables par une stricte application de sanctions pénales appropriées. Elle espère que le gouvernement fournira des informations complètes sur les mesures prises, notamment sur les procédures légales instituées contre les personnes impliquées dans le trafic, et sur les sanctions qui leur auront été imposées.
La commission adresse également une demande directe au gouvernement concernant d’autres points.