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87e session
Genève, juin 1999


Rapport de la Commission de l'application des normes

Discussion en plénière
Rapport général


Deuxième partie

OBSERVATIONS ET INFORMATIONS CONCERNANT CERTAINS PAYS

I. Observations et informations concernant les rapports sur les conventions ratifiées (article 22 de la Constitution)

  1. Observations générales et informations concernant certains pays
  2. Observations et informations sur l’application des conventions
  3. Tableau des rapports détaillés sur les conventions ratifiées
  4. Tableau statistique des rapports sur les conventions ratifiées reçu au 17 juin 1999 (article 22 de la Constitution)

II. Observations et informations concernant l’application des conventions dans les territoires non métropolitains (articles 22 et 35 de la Constitution)

  1. Informations concernant certains territoires
  2. Tableau des rapports sur les conventions ratifiées (territoires non métropolitains)

III. Soumission aux autorités compétentes des conventions et recommandations adoptées par la Conférence internationale du Travail (article 19 de la Constitution)

IV. Rapports sur les conventions non ratifiées et les recommandations (article 19 de la Constitution) – Etude d’ensemble des rapports sur la convention (no 97) et la recommandation (no 86) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et sur la convention (no 143) et la recommandation (no 151) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975

Rapports reçus au 17 juin 1999 concernant les convention nos 97 et 143 et les recommandations nos 86 et 151

Index par pays des observations et informations contenues dans le rapport

I. OBSERVATIONS ET INFORMATIONS CONCERNANT LES RAPPORTS SUR LES CONVENTIONS RATIFIEES
(ARTICLE 22 DE LA CONSTITUTION)

A. Observations générales et informations concernant certains pays

a) Manquements à l'envoi de rapports depuis deux ans ou plus sur l'application des conventions ratifiées

Les membres employeurs ont expliqué que l'utilisation de l'expression «cas automatiques» pouvait donner une fausse impression en les faisant apparaître comme étant sans importance. Cependant, l'accomplissement de l'obligation fondamentale des Etats Membres en vertu de la Constitution de l'OIT de soumettre un rapport n'est pas une question à prendre à la légère. L'accomplissement de cette obligation est la base de tous les travaux, non seulement de la Commission de la Conférence, mais de tout le système de contrôle dont chacun peut, à juste titre, être fier et qui est largement admiré. Beaucoup d'autres organisations internationales n'ont pas un système aussi efficace. Néanmoins, le mécanisme de contrôle ne peut marcher que si les Etats Membres se conforment à leur obligation de présenter un rapport. La procédure qui a été développée est très équitable puisque la base du contrôle quant au respect des obligations respectives est fournie par les Etats Membres eux-mêmes. Il est donc très important que tous les Etats Membres se conforment à cette obligation. En effet, si le nombre de pays qui remplissent leurs obligations de présenter des rapports n'augmente pas, le mécanisme de contrôle perdra une grande partie de son autorité. Une tâche importante de la commission est donc de demander à tout pays qui n'a pas respecté ses obligations d'en indiquer les raisons. Le paragraphe 186 du rapport énumère les pays qui n'ont pas fourni l'ensemble ou la plupart des rapports demandés sur les conventions ratifiées. Les membres employeurs ont noté à cet égard que le cycle des rapports a été modifié. Les Etats Membres devraient dès lors se trouver en mesure de remplir leurs obligations de présenter des rapports en temps utile.

Les membres travailleurs souscrivent aux propos des membres employeurs dans la mesure où le respect de l'obligation d'envoyer des rapports est l'élément clé sur lequel repose le système de contrôle de l'OIT. Les informations contenues dans ces rapports doivent être aussi détaillées que possible. Il est regrettable de constater que les changements intervenus ces dernières années dans la procédure de rapport afin de simplifier la tâche des gouvernements n'aient jusqu'à présent pas permis une amélioration de la situation. Il convient, à cet égard, de rappeler la remarque faite l'année dernière par la commission selon laquelle les pays qui n'ont pas rempli leur obligation d'envoyer un rapport disposent d'un avantage injustifié, dans la mesure où l'absence de rapport rend impossible l'examen de leurs législation et pratique nationales au regard des conventions ratifiées. La commission doit insister auprès des Etats pour qu'ils prennent les mesures nécessaires afin de respecter à l'avenir cette obligation.

Une représentante gouvernementale de la Bosnie-Herzégovine a déploré que son gouvernement n'ait pas été, jusqu'à présent, en mesure de soumettre les rapports. Cette situation résulte de la réorganisation que connaît actuellement l'Etat, ainsi que de la mise en fonctionnement des institutions actuellement en cours. Elle a assuré la commission que le ministère des Affaires étrangères et la mission permanente feraient tout leur possible pour obtenir les réponses pertinentes aux commentaires de la commission d'experts et les communiquer le plus tôt possible.

Un représentant gouvernemental du Burundi a déclaré qu'il prenait note des observations de la commission d'experts relatives au respect de l'obligation d'envoyer des rapports. L'absence de communication de ces rapports n'est pas liée à un manque de volonté mais à une situation de crise qui sévit depuis une certaine période ainsi qu'à l'embargo qui a isolé son pays. Le Burundi s'engage à communiquer ces rapports comme il le faisait par le passé.

Un représentant gouvernemental de la République démocratique du Congo a déclaré que, si son pays est mentionné deux fois dans le rapport de la commission d'experts – pour manquement à l'obligation d'envoyer des rapports et pour absence de réponse à des commentaires des organes de contrôle –, cette lacune tient évidemment aux difficultés que le pays traverse, et en particulier à la situation de conflit qu'il connaît depuis longtemps. Loin de chercher à se soustraire à ses obligations, la République démocratique du Congo a entrepris récemment des démarches tendant à la ratification de plusieurs conventions et il tient à assurer la commission de son intention de poursuivre ses efforts et de faire parvenir au BIT les rapports dus dans les meilleurs délais. Conscient de la nécessité de remplir ses obligations, notamment par l'envoi de rapports sur les conventions ratifiées, son gouvernement étudiera la possibilité de faire appel aux spécialistes des normes internationales du travail appartenant aux équipes multidisciplinaires.

Un représentant gouvernemental du Danemark, se référant aux commentaires qu'il avait faits à ce sujet l'année précédente, a regretté que les îles Féroé n'aient pas fourni les rapports dus sur les conventions ratifiées. Il a noté que la société des îles Féroé était une petite société avec une petite administration publique, et que celles-ci avaient donc des difficultés à remplir toutes leurs obligations. Le défaut de soumission des rapports n'est pas dû à un manquement de mise en œuvre des conventions ratifiées. A cet égard, il est également nécessaire de prendre en compte les relations entre le Danemark et les îles Féroé. Les îles Féroé jouissent de l'indépendance et de la souveraineté dans la plupart des domaines politiques, y compris la politique sociale. Le gouvernement du Danemark n'est donc pas en mesure de demander des rapports au gouvernement des îles Féroé dans le domaine de la politique sociale. Sa seule possibilité pour améliorer la situation est de faire des recommandations comme il l'a fait à plusieurs reprises et d'offrir une assistance technique. Cependant, il reconnaît le fait que, en vertu de la Constitution de l'OIT, le gouvernement du Danemark a la responsabilité d'assurer l'accomplissement de l'obligation de présenter un rapport sur les conventions ratifiées. Le Danemark fera donc son possible pour assurer que les différents rapports soient transmis au BIT avant la prochaine réunion de la commission d'experts.

Un représentant gouvernemental du Mali a déclaré que sa délégation avait pris note des observations de la commission d'experts concernant l'obligation d'envoyer des rapports et que son gouvernement reste animé de la volonté de s'acquitter de toutes ses obligations à l'égard de l'OIT, notamment de celle concernant l'envoi de rapports sur les conventions ratifiées et non ratifiées. Les difficultés éprouvées dans ce domaine tiennent essentiellement à l'insuffisance des ressources humaines et des compétences techniques. Restant attaché à la promotion des conventions fondamentales de l'OIT et au renforcement de son système de contrôle, le Mali s'engage à faire de son mieux pour surmonter ses problèmes administratifs et techniques. Quant au traitement des commentaires des organes de contrôle, un premier échange a suscité des demandes d'éclaircissements, auxquelles les communications prochaines du gouvernement devraient apporter une réponse satisfaisante. Sur le plan de l'assistance technique, le gouvernement souhaiterait que le BIT fournisse son concours pour la formation au siège et à Turin de responsables nationaux des questions relatives aux normes, l'organisation de séminaires à l'intention des agents des services du travail et des partenaires sociaux, la constitution d'un fonds de documentation sur les normes et l'assistance du spécialiste des normes de l'équipe multidisciplinaire de Dakar.

La représentante gouvernementale de la République-Unie de Tanzanie (Zanzibar), après avoir admis que son gouvernement n'avait pas soumis les rapports dus concernant Zanzibar ces deux dernières années, a toutefois rappelé que Zanzibar disposait d'une politique et d'une législation du travail propres et que les informations requises pour la préparation des rapports sur les conventions ratifiées devaient être fournies au gouvernement tanzanien par le gouvernement de Zanzibar. Néanmoins, le ministre du Travail a récemment convoqué une réunion tripartite, précédemment à la Conférence internationale du Travail, à laquelle une délégation tripartite complète de Zanzibar a assisté. Le problème y a été discuté en détail, et une promesse a été obtenue que toutes les informations nécessaires seraient communiquées. Elle peut donc assurer la commission que les rapports en question seront soumis en conséquence.

Elle a également informé la commission des efforts fournis par son pays pour ratifier les conventions de l'OIT depuis 1995. Le Parlement a approuvé la ratification des conventions nos 138, 154 et 170, ainsi que du Protocole de 1995 à la convention no 81. Son pays a aussi ratifié les conventions nos 29, 98 et 105 parmi les conventions fondamentales. La procédure de ratification de la convention no 87 a aussi atteint un stade avancé, tandis que les procédures de ratification pour les conventions nos 100 et 111 sont entamées.

Les membres travailleurs ont noté que seulement cinq pays se sont exprimés à propos de leur manquement à l'obligation d'envoyer des rapports, les autres pays invités à le faire étant absents ou non accrédités à la Conférence. Ces pays ont fait référence à plusieurs éléments expliquant leur manquement parmi lesquels les situations de crises ou de conflits constatées dans leur pays, le manque de personnel compétent ou le manque de ressources suffisantes. Néanmoins, il convient de relever, à cet égard, les engagements qui ont été pris ainsi que les promesses faites par les orateurs. La commission doit continuer à insister auprès des Etats pour qu'ils prennent toutes les mesures possibles afin de respecter cette obligation. La nécessité de renforcer le système de contrôle qui a été exprimée par plusieurs intervenants restera théorique si les gouvernements ne respectent pas l'obligation d'envoyer des rapports. Enfin, la commission doit rappeler la possibilité qu'ont les gouvernements de faire appel à l'assistance technique du Bureau.

Les membres employeurs ont approuvé les commentaires faits par les membres travailleurs et ont noté qu'un certain nombre de raisons étaient souvent évoquées pour justifier le manquement aux obligations, y compris des difficultés économiques et techniques, des insuffisances en ressources humaines ou en connaissances. Le BIT a offert une assistance technique pour l'accomplissement de ces obligations, en particulier par les spécialistes sur le terrain. Les pays qui ne parviennent pas à remplir leurs obligations devraient dès lors faire usage de cette assistance qui leur est offerte en temps utile, de manière à pouvoir soumettre leurs rapports rapidement. Les membres employeurs notent que, en dépit des changements apportés aux cycles des rapports, il n'y a pas eu d'amélioration significative dans le respect des obligations de soumettre les rapports. Cependant, ils soupçonnent que, si ces changements n'étaient pas intervenus, la situation se serait encore plus détériorée. Ils demeurent convaincus que ces changements apportés aux intervalles de soumission de rapports concernant diverses conventions étaient justifiés. Enfin, ils se joignent aux membres travailleurs dans leur requête aux pays en retard dans leurs obligations de soumission de rapports de rattraper ce retard dans les plus brefs délais. Ils encouragent également les autres pays à continuer de respecter le système de remise de rapports périodiques.

La commission a rappelé l'importance fondamentale de présenter les rapports sur l'application des conventions ratifiées et de le faire, en outre, dans les délais prescrits. Cette obligation est le fondement même du mécanisme de contrôle, et la commission a exprimé le ferme espoir que les gouvernements de l'Afghanistan, d'Antigua-et-Barbuda, de l'Arménie, de la Bosnie-Herzégovine, du Burundi, de la République démocratique du Congo, du Danemark: îles Féroé, de la Géorgie, de la Grenade, du Mali, de Sainte-Lucie, de la Sierra Leone, de la Somalie, de la République-Unie de Tanzanie (Zanzibar) et de l'Ouzbékistan, qui jusqu'à présent n'ont pas présenté de rapport sur l'application de conventions ratifiées, le feront dans les meilleurs délais. La commission a décidé de mentionner ces cas dans la section appropriée de son rapport général.

b) Manquements à l'envoi de premiers rapports sur l'application des conventions ratifiées

Les membres travailleurs ont souligné que plus d'un tiers des premiers rapports attendus n'avaient pas été reçus, ce qui représente une aggravation de la situation par rapport à l'année précédente. Les premiers rapports revêtent une importance particulière dans la mesure où c'est sur leur base que la commission d'experts établit une première évaluation de l'application des conventions ratifiées. Ils permettent en outre d'éviter que, dès le départ, certains malentendus ne s'installent dans la mise en œuvre des conventions. L'envoi de ces premiers rapports constitue un élément indispensable pour le système de contrôle.

Les membres employeurs ont exprimé leur accord avec les commentaires faits par les membres travailleurs et ont regretté que les pays concernés aient manqué à leur obligation de soumettre les premiers rapports sur l'application des conventions ratifiées. Cela étant la première exigence requise d'un pays ayant ratifié une convention particulière, il est quelque peu surprenant, quand un Etat Membre a pris les mesures nécessaires pour la ratification, en pleine conscience des exigences correspondantes, qu'il omette d'effectuer les démarches suivantes. La ratification est une décision prise en connaissance de cause qui implique normalement une décision par le Parlement national. Le premier rapport sur une convention ratifiée est particulièrement important, et les Etats Membres concernés doivent savoir si leurs législations et pratiques sont en conformité avec la convention, de l'avis des organes de contrôle. Les membres employeurs ont dès lors exhorté les Etats Membres à se conformer à leur obligation de soumettre le premier rapport sur l'application des conventions ratifiées.

Un représentant gouvernemental du Burundi a déclaré qu'il reconnaît les manquements de son pays mentionnés dans le rapport de la commission d'experts. Il rappelle que ces manquements ne résultent pas de la non-reconnaissance de l'importance de l'obligation d'envoyer des rapports mais de la situation socio-économique qui prévaut au Burundi depuis 1993 ainsi que de l'embargo qui a isolé son pays et renforcé la frustration des citoyens et de l'administration. Cet isolement s'est accompagné de la suspension de la coopération internationale dans la mesure où d'autres préoccupations prévalaient. L'absence d'envoi des rapports s'explique par la déstabilisation des services de l'administration du travail qui connaît une pénurie de cadres et agents administratifs. De nouveaux agents devront être recrutés et formés, notamment dans le domaine des normes internationales du travail; c'est la raison pour laquelle l'assistance technique du BIT a été sollicitée à plusieurs reprises. Cette assistance pourrait consister à assurer le financement de la formation de cadres et la tenue d'un séminaire de formation avec l'appui technique d'un spécialiste des normes d'une équipe multidisciplinaire. L'orateur tient à assurer la commission de l'engagement de son gouvernement à rattraper le retard et compte, à cet égard, sur le concours du BIT et l'envoi d'un spécialiste des normes internationales du travail dans le pays pour faciliter l'élaboration des rapports sur l'application des conventions de l'OIT ratifiées et ainsi respecter ses obligations constitutionnelles.

Un représentant gouvernemental de la Lettonie a noté que, bien qu'il y ait eu des retards dus à des problèmes techniques, les premiers rapports sur les conventions nos 111, 122, 129, 132, 135, 151, 154 et 158 avaient été soumis. Les seules exceptions étaient les conventions nos 81 et 155, pour lesquelles les rapports seront soumis pour le 1er septembre 1999, comme le BIT en a été informé par lettre du ministre des Affaires sociales. Il espère que les prochains rapports et réponses aux commentaires de la commission d'experts pourront être soumis en bonne et due forme et dans les délais.

Un représentant gouvernemental du Mali a indiqué que les explications qu'il avait fournies précédemment en ce qui concerne le manquement au respect de l'obligation d'envoyer des rapports étaient également valables pour le manquement à l'envoi des premiers rapports. Les conventions dont il s'agit ont été ratifiées en connaissance de cause. Toutefois, l'application de certaines d'entre elles concerne des groupes particuliers tels que les travailleurs ruraux ou les personnes handicapées pour lesquels les informations demandées requièrent des recherches effectuées actuellement par les services techniques. Son gouvernement s'engage à donner suite aux demandes de la commission à ce sujet.

Les membres employeurs ont observé que seulement le tiers des pays mentionnés avaient fourni des informations à la commission sur leur manquement aux obligations correspondantes. Souvent, les mêmes raisons sont évoquées une nouvelle fois et il est particulièrement inquiétant que des premiers rapports sur des conventions ratifiées soient dus depuis aussi longtemps que 1992. Il s'agit là de manquements très sérieux et les membres employeurs prient incessamment les Etats de se rappeler que l'obligation de soumettre des premiers rapports est aussi importante que toute autre obligation relative au système de contrôle.

Les membres travailleurs ont souscrit aux remarques formulées par les membres employeurs. Ils partagent leurs préoccupations et se rallient à leur appel.

La commission a pris note des informations données et des explications fournies par les représentants gouvernementaux qui ont pris la parole. Elle a rappelé l'importance cruciale de soumettre les premiers rapports sur l'application des conventions ratifiées.

La commission a décidé de mentionner les cas suivants: depuis 1992: Libéria (convention no 133); depuis 1995: Arménie (convention no 111), Burundi (conventions nos 87, 100 et 111), Kirghizistan (convention no 133); depuis 1996: Arménie (conventions nos 100, 122, 135 et 151), Grenade (conventions nos 87, 100 et 144), Lettonie (conventions nos 81 et 155), Ouzbékistan (conventions nos 47, 52, 103 et 122); et depuis 1997: Mali (conventions nos 135, 141, 151 et 159), dans la section appropriée de son rapport général.

c) Manquements à l'envoi d'informations en réponse aux commentaires de la commission d'experts

Les membres employeurs ont souligné que l'obligation de fournir des informations en réponse aux commentaires et aux questions formulées par la commission d'experts est une continuation logique de l'exigence de soumission de rapport des Etats Membres. Cependant, nombreux sont les rapports soumis qui sont soit incomplets, soit peu clairs, soit ne contiennent pas toutes les annexes. Lorsque les rapports sont examinés par les organes de contrôle, des questions peuvent émerger, qui exigent une réponse. Il est nécessaire de fournir les informations demandées pour permettre le contrôle de la conformité avec les conventions ratifiées. Le nombre important de cas énumérés au paragraphe 197 du rapport de la commission d'experts montre que de nombreux rapports transmis étaient inadéquats. Le respect de cette exigence est dès lors aussi urgent que l'obligation primaire de soumission de rapport elle-même. Il est nécessaire que les informations supplémentaires demandées par la commission d'experts soient fournies dans les limites de temps établies, de sorte que les mécanismes de contrôle puissent fonctionner convenablement.

Les membres travailleurs ont souscrit aux propos des membres employeurs sur ce sujet et partagent leurs préoccupations et constatations. La communication de rapports incomplets ou tardifs entrave la tâche de la commission d'experts ainsi que celle de la Commission de la Conférence. Les commentaires formulés par les experts doivent être pris au sérieux et les réponses que les gouvernements doivent fournir font partie de leur obligation d'envoyer des rapports.

Un représentant gouvernemental du Burkina Faso a déclaré que son gouvernement a donné suite aux commentaires de la commission d'experts à travers l'adoption de la loi no 13/AN du 28 avril 1998 portant régime juridique des agents publics et des fonctionnaires de l'Etat, qui a entraîné l'abrogation des dispositions antérieures critiquées par cette commission dans le cadre de la convention no 87. Le texte de cet instrument sera communiqué dans les meilleurs délais. En ce qui concerne la loi no 45-60/AN de 1960 relative au droit de grève, il sera rendu compte à la commission de l'issue des concertations engagées avec les partenaires sociaux de même que de tout progrès réalisé dans ce domaine.

Un représentant gouvernemental du Burundi a indiqué que les informations qu'il avait fournies relatives aux raisons du manquement à l'envoi des premiers rapports sur l'application des conventions ratifiées demeuraient valables pour le cas présent.

Un représentant gouvernemental du Danemark a rappelé ses commentaires antérieurs concernant les îles Féroé et déclaré que son gouvernement ferait de son mieux pour encourager les îles Féroé à soumettre les rapports dus.

Un représentant gouvernemental de Fidji a rappelé que son pays est devenu Membre de l'OIT en 1974 et reste profondément attaché aux valeurs, aux principes et aux objectifs de l'Organisation. Il a ratifié 19 conventions, dont 3 conventions fondamentales. L'adhésion de son pays aux objectifs de l'OIT est en outre illustrée par son attachement de longue date aux principes du tripartisme et de la protection sociale, comme en atteste le taux de syndicalisation dans le pays, aujourd'hui le plus élevé de la région Asie et Pacifique. L'intervenant a souligné que son gouvernement ne cherche pas à s'écarter délibérément des procédures de fixation des normes de l'OIT. Cependant, il ne lui a pas été possible de s'acquitter de ses obligations de faire rapport en raison de bouleversements constants dans la fonction publique, qui ont particulièrement touché le ministère du Travail. Ces changements tenaient notamment à des transferts de personnel et de responsabilités imposés par la politique de croissance zéro du précédent gouvernement et l'âge obligatoire de la retraite à 55 ans. Toutes les fonctions du ministère en ont pâti, y compris l'établissement des rapports. La situation ne s'est améliorée que récemment. Un fonctionnaire s'occupe désormais à plein temps des questions de l'OIT. Les réponses aux commentaires de la commission d'experts et les rapports sur les conventions non ratifiées ont été finalisés et seront transmis au BIT dans un proche avenir.

Un représentant gouvernemental de la France a indiqué que son pays a ratifié de nombreuses conventions, ce qui implique l'élaboration de multiples rapports et que l'administration française est pleinement consciente des responsabilités qui en découlent. La communication de rapports contenant des informations en réponse aux commentaires de la commission d'experts est la base du système de contrôle de l'Organisation, et son gouvernement s'efforce de donner de la consistance à ces rapports. Toutefois, les questions visées dans ce cas particulier concernent des territoires non métropolitains, dont les statuts sont divers et certains en cours de modification. Tout cela ne facilite par la fluidité du dialogue. L'orateur a néanmoins indiqué que la situation était perfectible et s'est engagé à rappeler aux services compétents dans ce domaine leurs obligations et l'importance que revêt le respect du calendrier.

Un représentant gouvernemental du Ghana a déclaré que son gouvernement a constitué un organe tripartite dans lequel siègent des représentants du gouvernement, des associations d'employeurs, du Ghana Trade Union Congress et d'autres organisations syndicales, ainsi que du Bureau du Procureur général, et que cet organe examine toute la législation nationale du travail et étudie sa codification. Cet examen s'effectue à la lumière des commentaires formulés par les organes de contrôle de l'OIT. Un texte qui a été établi lors d'une récente réunion et qui doit être soumis aux autorités devrait, lorsqu'il aura acquis force de loi, résoudre l'ensemble des questions qui se posent. Des progrès ont également été constatés en ce qui concerne les réponses aux commentaires de la commission d'experts. L'intervenant a exprimé l'espoir que le prochain rapport de son gouvernement contiendrait toutes les informations demandées.

Un représentant gouvernemental de la Guinée a indiqué que son gouvernement avait pris bonne note des commentaires formulés par la commission d'experts et a assuré la commission que l'adoption d'un projet de nouveau code du travail, élaboré avec l'assistance technique du BIT, permettra la conformité de la législation avec les conventions ratifiées. Il profite de son intervention pour demander l'assistance technique du BIT en vue de la formation d'un spécialiste en normes internationales du travail. Cela permettra de mieux répondre aux obligations constitutionnelles qui découlent de la qualité de Membre de l'OIT. L'orateur rappelle la totale collaboration de la Guinée avec l'OIT.

Une représentante gouvernementale de la Guinée-Bissau a indiqué que la guerre qui a sévi dans son pays a provoqué la paralysie de l'administration publique et, de ce fait, malgré la bonne volonté des fonctionnaires, il n'a pas été possible à son gouvernement d'honorer ses obligations vis-à-vis de l'OIT. Avec le retour de la paix, un processus de reconstruction a été entamé et la révision d'un certain nombre de lois, notamment la législation du travail, est envisagée. Son gouvernement s'engage à s'acquitter de ses obligations relatives à l'envoi des rapports, au titre des articles 19 et 22 de la Constitution, et acceptera l'assistance technique que le BIT pourra lui apporter, et notamment l'assistance du spécialiste en normes internationales du travail de l'équipe multidisciplinaire de Dakar.

Un représentant gouvernemental d'Haïti a affirmé que son pays avait beaucoup de problèmes à résoudre, tels que l'organisation d'élections, la fragilité du Parlement et la situation socio-économique ainsi que l'instabilité politique. En dépit de ces difficultés d'ordre administratif, technique ou économique, le gouvernement est tout à fait résolu à prendre les mesures nécessaires pour donner satisfaction aux observations de la commission d'experts et pour présenter régulièrement des rapports relatifs aux conventions ratifiées.

Un représentant gouvernemental de l'Iraq a informé la commission qu'un comité consultatif tripartite existait dans son pays, conformément aux exigences de la convention no 144. Celui-ci examine les commentaires de la commission d'experts. Les réponses à ces commentaires sont faites en application de la législation et la pratique nationales et sont transmises aux départements compétents du BIT. Des rapports ont été envoyés notamment au sujet des conventions nos 100, 105, 111, 136, 138, 142 et 167. Si ces rapports ne sont pas parvenus au Bureau, c'est peut-être en raison des difficultés résultant de l'embargo qui a été imposé à son pays depuis neuf ans. Il a noté que les réponses aux commentaires de la commission d'experts ont été formulées par le comité consultatif tripartite sur la base de la législation et de la pratique nationales, conformément à la section 151 du Code du travail de 1987. Il a aussi rappelé que, en l'absence de dispositions particulières dans le Code du travail, sur un sujet particulier, les dispositions des conventions internationales du travail et des conventions arabes du travail ratifiées par l'Iraq sont applicables.

Un représentant gouvernemental de Madagascar a assuré la commission de la volonté réelle de son pays de s'acquitter de ses obligations à l'égard de l'OIT. Ainsi, alors qu'il n'avait fait parvenir en 1995 que deux des treize rapports demandés, neuf ont été envoyés cette année. Une commission interministérielle a permis de résoudre le problème du cloisonnement entre les divers départements dans l'utilisation des informations. Le gouvernement a mis en place, en application de la convention no 144, le Conseil national de l'emploi. Cinq conventions (dont la convention no 138) ont été ratifiées au cours des deux dernières années. Le gouvernement tiendra la commission d'experts informée de la soumission des instruments aux autorités compétentes et il prend note des observations de la commission d'experts en ce qui concerne les conventions nos 29, 100, 111 et 118.

Un représentant gouvernemental du Mali a déclaré que les explications qu'il avait fournies précédemment au sujet des motifs du manquement à l'envoi des rapports demeuraient valables pour le cas présent. Il a regretté qu'il n'ait pu être donné satisfaction aux demandes de l'OIT. En effet, les dernières réponses fournies par le gouvernement ont donné lieu à de nouvelles observations de la commission d'experts qui nécessitent des recherches. Ces recherches sont en cours et le maximum sera fait pour y répondre. L'orateur renouvelle sa demande d'assistance et de coopération dans le domaine des normes internationales du travail.

Une représentante gouvernementale des Pays-Bas (Aruba) n'a pas souhaité justifier le non-respect par le gouvernement d'Aruba de ses obligations envers l'OIT, mais a voulu faire rapport sur les progrès qui avaient été réalisés. Aruba est maintenant dans la bonne voie et devrait se voir accorder du temps pour le prouver. Aruba est un pays autonome relativement jeune au sein du Royaume des Pays-Bas, avec son propre gouvernement et système parlementaire. Il a hérité d'un certain nombre de traités internationaux et se conformera aux obligations qui y sont contenues. Le gouvernement d'Aruba a sollicité et a reçu une assistance technique du BIT, des Pays-Bas et des Antilles néerlandaises. Il a demandé au BIT de continuer à fournir une assistance technique durant cette période de transition. Il a été demandé aux Pays-Bas de soumettre pas moins de 29 rapports sur l'application des conventions ratifiées en 1999. Son pays travaille donc très dur pour mettre ses obligations de faire rapport à jour et pour répondre aux commentaires de la commission d'experts. Les progrès significatifs réalisés à cet égard sont illustrés par la remise au BIT au début de cette semaine de 12 rapports, y compris des réponses aux questions soulevées par la commission d'experts. Enfin, l'oratrice a informé la commission que le gouvernement d'Aruba avait aussi réactivé le Comité consultatif national tripartite de l'OIT en mars 1999 et que ce comité avait tenu régulièrement des réunions depuis.

Un représentant gouvernemental du Niger a pris note des observations de la commission d'experts quant au manquement à l'envoi d'informations en réponse à ses commentaires. A cet égard, suite aux commentaires de la commission sur l'application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, des dispositions appropriées ont été prises. Toutefois, les événements politiques intervenus récemment au Niger n'ont pas permis de donner suite à ces mesures ni de communiquer un rapport sur l'application de cette convention. Le retour à la stabilité permettra à son gouvernement de s'acquitter de ses obligations internationales et par conséquent de soumettre les rapports dus lors de la prochaine session.

Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils avaient entendu les mêmes explications que par le passé relatives aux motifs pour lesquels les gouvernements ne sont pas capables de répondre aux commentaires de la commission d'experts. Plusieurs gouvernements ne se sont pas exprimés sur ce point malgré l'invitation qui leur a été faite. Compte tenu de l'importance de l'obligation d'envoyer un rapport, il est nécessaire d'insister auprès des gouvernements pour qu'ils prennent toutes les mesures nécessaires afin de répondre en temps voulu aux commentaires de la commission d'experts. Par ailleurs, parmi les pays qui n'ont pas rempli cette obligation, certains disposent ou devraient disposer des capacités techniques nécessaires et, à cette fin, renforcer leur administration du travail. A cet égard, s'agissant des Terres australes et antarctiques, on ne peut accepter les explications données par le membre gouvernemental de la France dans la mesure où c'est l'administration centrale qui est chargée de traiter les dossiers.

Les membres employeurs ont souligné le caractère insatisfaisant du nombre d'Etats Membres qui s'étaient présentés pour fournir des informations à la commission ainsi que du contenu des informations fournies. Ils ont rappelé que le respect de l'obligation de fournir des informations, en réponse aux commentaires de la commission d'experts, fait partie de la procédure normale de rapport. Des informations supplémentaires sont souvent demandées en raison du contenu inadéquat des rapports originaux. Bien que plusieurs gouvernements concernés aient indiqué que leur administration était trop petite, dans d'autres cas cependant les administrations nationales seraient trop grandes et il n'y aurait pas de claires délimitations des responsabilités pour répondre aux commentaires. Cela signifie que, dans certains cas, même dans des grands Etats industrialisés qui ont les ressources nécessaires, aucune mesure n'a été prise. Les membres employeurs ont donc appuyé les commentaires des membres travailleurs.

La commission a dûment pris note des diverses informations communiquées et des explications fournies par les représentants gouvernementaux ayant pris la parole. Elle a insisté sur la grande importance pour la poursuite d'un dialogue ouvert de la communication d'informations précises et complètes en réponse aux commentaires de la commission d'experts. Elle a réitéré qu'il s'agit d'un aspect de l'obligation constitutionnelle de soumettre des rapports. A cet égard, la commission a exprimé sa profonde préoccupation quant au nombre très élevé de cas dans lesquels il n'a pas été fourni d'informations en réponse aux commentaires de la commission d'experts. Elle a rappelé que l'assistance du BIT pouvait être sollicitée par les gouvernements pour résoudre les difficultés qu'ils peuvent rencontrer.

La commission a prié instamment les gouvernements concernés, à savoir: Afghanistan, Antigua-et-Barbuda, Australie: île Norfolk, Bosnie-Herzégovine, Burkina Faso, Burundi, Comores, République démocratique du Congo, Danemark (îles Féroé), Djibouti, Guinée équatoriale, Fidji, France (Polynésie française, Terres australes et antarctiques françaises, Guadeloupe), Ghana, Grenade, Guinée, Guinée-Bisau, Haïti, Iles Salomon, Iraq, Kirghizistan, Lettonie, Jamahiriya arabe libyenne, Madagascar, Mali, Malte, Mongolie, Pays-Bas (Aruba), Niger, Nigéria, Paraguay, Rwanda, Sainte-Lucie, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Somalie et Togo, de déployer tous leurs efforts afin de communiquer dans les meilleurs délais les informations demandées. La commission a décidé de mentionner ces cas dans la section appropriée de son rapport général.

d) Informations écrites reçues jusqu'à la fin de la réunion de la Commission de l'application des normes(1)

Belize. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à la majorité des commentaires de la commission.

Cap-Vert. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à tous les commentaires de la commission.

Chypre. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni le premier rapport concernant l'application de la convention no 147.

Congo. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à la majorité des commentaires de la commission.

Dominique. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à la majorité des commentaires de la commission.

Kenya. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à tous les commentaires de la commission.

Lettonie. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni tous les premiers rapports dus depuis 1994 sur l'application des conventions nos 111, 122, 135 et 151, ainsi que certains des premiers rapports dus depuis 1996 sur l'application des conventions nos 129, 132, 154 et 158.

Libéria. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni la majorité des rapports dus concernant l'application des conventions ratifiées, ainsi que des réponses à la majorité des commentaires de la commission.

Madagascar. La convention no 173, adoptée à la 79e session (1992) de la Conférence internationale du Travail, a été ratifiée.

Mauritanie. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à la majorité des commentaires de la commission.

République de Moldova. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni la majorité des rapports dus concernant l'application des conventions ratifiées, ainsi que le premier rapport concernant l'application de la convention no 105.

Népal. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à la majorité des commentaires de la commission.

Nigéria. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni la majorité des rapports dus concernant l'application des conventions ratifiées, ainsi que le premier rapport concernant l'application de la convention no 144.

Ouganda. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à tous les commentaires de la commission.

Philippines. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à la majorité des commentaires de la commission.

Sénégal. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à la majorité des commentaires de la commission.

Seychelles. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni le premier rapport concernant l'application de la convention no 149, ainsi que la majorité des rapports dus concernant l'application des conventions ratifiées.

Tadjikistan. Depuis la réunion de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des réponses à la majorité des commentaires de la commission.

République-Unie de Tanzanie. Le Protocole de 1995 relatif à la convention sur l'inspection du travail, 1947, adopté à la 82e session (1995) de la Conférence internationale du Travail, a été ratifié.


1. La liste des rapport reçus figure à la partie I, C du Rapport.


B. Observations et informations sur l'application des conventions

Convention no 26: Méthodes de fixation des salaires minima, 1928

Tchad (ratification: 1960). Une représentante gouvernementale du Tchad a indiqué que la réponse non satisfaisante de son gouvernement aux observations de la commission d'experts ne devait pas être interprétée comme une volonté délibérée de ne pas répondre à ladite commission mais était due aux difficultés liées aux problèmes techniques que rencontre actuellement son pays.

En ce qui concerne l'observation relative à l'article 3 de la convention, l'oratrice a expliqué que c'est aux fins de se conformer aux paragraphes 428 et 429 de l'étude d'ensemble de 1992 sur les salaires minima que le gouvernement a décidé en 1995 de relever le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), en dépit des mesures d'ajustement structurel auxquelles il est soumis. Le SMIG a été discuté dans le cadre du Haut comité pour le travail et la sécurité sociale. Il s'agit d'un organe tripartite comprenant cinq représentants du gouvernement, cinq représentants des employeurs et cinq représentants des travailleurs désignés par leurs organisations respectives. Si le gel des salaires a été décidé unilatéralement par le gouvernement, il est revenu sur sa décision par souci du maintien de la paix sociale. Au sujet de l'exclusion de la Confédération syndicale du Tchad (CST) des négociations, elle a rappelé que les discussions sur le SMIG avaient eu lieu avant la naissance de la CST. Les centrales qui ont pris part aux négociations sont l'Union des syndicats du Tchad (UST) et la Confédération libre des travailleurs du Tchad (CLTT). Le mandat du Haut comité pour le travail et la sécurité sociale étant venu à terme, le gouvernement, dans son projet d'arrêté de nomination des nouveaux membres, a inclus la CST. L'arrêté sera adressé au BIT dès sa signature. Sur les cinq sièges accordés aux travailleurs au sein du Haut comité, la répartition est faite en fonction de l'importance des organisations. La représentation est donc la suivante: UST: 2; CLTT: 2 et CST: 1. Les représentants ont été désignés par leurs centrales respectives. La représentante du gouvernement a prié d'excuser son gouvernement pour sa réponse tardive aux observations de la CST.

S'agissant des observations relatives à l'article 4, paragraphe 1, et à l'article 5 de la convention, l'oratrice a souligné que le SMIG est appliqué dans l'ensemble du secteur privé depuis 1995 et dans le secteur parapublic. Il n'est cependant pas appliqué dans le secteur public. Cette situation est due à l'engagement de l'Etat envers les institutions financières internationales.

En réponse à la demande d'informations sur les mesures prises à l'égard des employeurs du secteur privé qui contreviennent au SMIG, elle a indiqué que, conformément aux articles 249 et 250 du Code du travail, c'est l'inspection du travail qui est chargée du contrôle de l'application et, en cas de violation constatée, elle dresse un procès-verbal d'infraction qu'elle envoie au Procureur de la République. Celui-ci décide à son tour de l'opportunité de la poursuite de l'employeur défaillant. L'inspection du travail, malgré des moyens limités, a effectué des visites. Elle n'a pas relevé de violations dans le secteur privé.

Enfin, le gouvernement reconnaît la nécessité de respecter les objectifs fondamentaux et veillera à ce qu'ils soient pris en compte lors des prochaines discussions des partenaires sociaux, membres du Haut comité pour le travail et la sécurité sociale.

Les membres employeurs ont réaffirmé l'importance du respect des obligations concernant le mécanisme de fixation des salaires minima et ont noté que la représentante gouvernementale avait fourni des informations concernant certaines des questions soulevées par la commission d'experts à propos de la situation dans son pays. Il n'en est pas ressorti pour autant un tableau très clair. La commission d'experts faisait état du gel d'une proposition de relèvement des salaires minima tandis que la représentante gouvernementale déclare que ce gel a été levé récemment. Rien n'indique clairement que cet élément ait été porté à la connaissance de la commission d'experts. Ce qui est manifeste, cependant, c'est que la valeur du relèvement des salaires minima est faible. Or les salaires minima doivent être augmentés périodiquement pour maintenir le niveau de vie des travailleurs. La représentante gouvernementale a fourni certaines informations concernant la participation de la CST à la fixation des salaires minima dans le pays, mais il conviendrait de fournir d'autres informations en ce qui concerne la procédure de fixation de ces salaires minima et le degré de participation des organisations représentatives.

En réponse aux commentaires de la commission d'experts concernant l'importance des services d'inspection du travail, la représentante gouvernementale a déclaré que les activités dans ce domaine se poursuivaient. Cependant, il y a lieu de s'interroger sur le niveau et la fréquence des inspections réalisées. A cet égard, la représentante gouvernementale a mentionné des difficultés financières mais on ne peut savoir exactement quelle en est la gravité ni quel est le nombre de travailleurs touchés. Le gouvernement devrait donc être prié de fournir des informations détaillées dans les délais les plus opportuns et, en tout état de cause, avant la prochaine session de la commission d'experts.

Les membres travailleurs ont rappelé que ce cas concernant l'application, par le Tchad, de la convention a déjà été examiné en 1993. Depuis lors, les autorités compétentes ont modifié, en décembre 1996, le Code du travail afin que les organisations d'employeurs et de travailleurs soient associées à la fixation des salaires minima et les salaires minima ont été révisés.

Les observations de la commission d'experts et le cas no 1857 du Comité de la liberté syndicale révélaient la persistance de problèmes d'application. Le gouvernement n'ayant pas communiqué de rapport ni fourni de réponse aux questions soulevées, la commission d'experts a été conduite à renouveler sa précédente observation. Concrètement, les trois problèmes d'application en question concernent: i) la révision et l'application effective des salaires minima dans un contexte d'ajustement structurel, compte tenu du fait que l'objectif fondamental du salaire minimum est d'assurer aux travailleurs et à leurs familles un niveau de vie décent; ii) la désignation des membres de la commission paritaire, dont la CST était exclue jusque-là, ce qui l'empêchait de participer aux négociations collectives relatives à la fixation des taux de salaires minima. En la matière, il convient de souligner qu'un dialogue social fondé sur le respect intégral de la liberté syndicale et du tripartisme conformément aux conventions nos 87 et 98 constitue la clé du fonctionnement des mécanismes; iii) le non-respect des taux révisés de salaires minima dans les secteurs privés et publics, lacunes que le gouvernement reconnaît. La commission d'experts a rappelé à cet égard la nécessité d'un système de contrôle et d'inspection efficace.

Jugeant imprécise la réponse apportée par la représentante gouvernementale, les membres travailleurs ont souhaité que ce gouvernement soit à nouveau prié de fournir des informations détaillées sur la désignation des membres du comité chargé de fixer les taux de salaires minima ainsi que sur la participation de la CST aux activités de cet organe, conformément à l'article 3 de la convention. Ils ont également rappelé la nécessité, conformément à l'article 4, paragraphe 1, et à l'article 5 de la convention, de sanctions effectives à l'égard des employeurs des secteurs privés et publics qui enfreignent la réglementation sur les salaires minima et ont demandé que le gouvernement soit prié de fournir à la commission d'experts des informations sur les mesures prises à cet égard.

La représentante gouvernementale a déclaré avoir pris note des commentaires des représentants employeurs et travailleurs. Elle a rappelé, en ce qui concerne la représentation de la CST au sein du Haut comité pour le travail et la sécurité sociale, que ce comité avait engagé ses discussions avant la naissance de la CST et que ce n'était donc qu'à l'échéance de son mandat initial que la CST pouvait y être incorporée. Pour ce qui est des modalités selon lesquelles les trois organisations les plus représentatives siègent au sein de ce comité, le gouvernement se borne à donner la clé de répartition – deux sièges pour l'UST, deux sièges pour la CLTT et un seul pour la CST, centrale relativement moins importante –, ces organisations étant libres de désigner elles-mêmes leurs représentants. Il convient de noter incidemment que la CST siège au conseil d'administration de l'ONAP. De même, depuis les ajustements structurels survenus en 1995, les centrales précitées participent à toutes les négociations dans le cadre d'un déroulement normal du dialogue social.

En ce qui concerne l'inspection du travail, le gouvernement, sans nier l'existence des problèmes évoqués, a tenu à mentionner l'insuffisance des moyens dont il dispose. Les deux tournées d'inspection néanmoins réalisées au cours de l'année reflètent, compte tenu de ces éléments, la volonté et les efforts dont ces services ont su faire preuve.

En ce qui concerne la révision des taux du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), conformément à l'article 249 du Code du travail, ce sont les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs qui fixent ces taux par voie de négociation, le gouvernement n'intervenant qu'en cas de conflit. Quant à l'application effective du SMIG dans les différents secteurs, cette mission incombe elle aussi à l'inspection du travail. Il s'agit naturellement d'une tâche qui se révèle difficile, notamment dans le secteur informel, compte tenu surtout de la précarité des moyens dont cette administration dispose.

Pour conclure, la représentante gouvernementale a indiqué que le gouvernement communiquera dans les meilleurs délais à la commission d'experts l'ensemble des informations et documents dont il dispose pour permettre à celle-ci d'apprécier plus pleinement l'incidence des mesures prises. Elle a enfin réitéré les assurances de la volonté de coopération du gouvernement avec la commission.

La commission a pris note des informations présentées oralement par la représentante gouvernementale et de la discussion qui a fait suite. La commission réaffirme qu'un fonctionnement adéquat des mécanismes établis pour la fixation des salaires minima, à laquelle la participation des partenaires sociaux doit être garantie, est indispensable pour répondre aux exigences de la convention. Elle exprime donc l'espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires dans un proche avenir pour assurer que la législation et la pratique soient conformes aux dispositions de la convention et qu'il communiquera des informations détaillées à ce sujet à la commission d'experts dans son prochain rapport, dû pour cette année, notamment en ce qui concerne les mesures prises pour garantir la participation effective des organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs dans le mécanisme actuel de fixation des salaire minima, de même que sur les mesures pratiques prises pour garantir l'application effective des salaires minima qui ont été fixés. La commission souligne également l'importance de la participation des partenaires sociaux à l'analyse et à l'élaboration de solutions aux problèmes résultant de la situation économique du pays, notamment à la mise en œuvre des mesures décidées dans le cadre des programmes d'ajustement structurels.

Convention no 29: Travail forcé, 1930

Australie (ratification: 1932). Un représentant gouvernemental a fermement appuyé la convention, qui fait partie des normes fondamentales de l'OIT, et le travail de la commission d'experts. Son gouvernement estime qu'il s'acquitte pleinement de ses obligations en vertu de la convention et ne partage pas l'opinion selon laquelle le travail exécuté dans des prisons privées constitue du travail forcé, étant donné que l'Etat exerce un contrôle suffisant et que le travail pénitentiaire ne s'effectue pas dans une optique de profit. Tout en reconnaissant le droit de la commission d'examiner des questions qui la préoccupent, il s'est toutefois déclaré surpris que ce cas soit soumis devant la présente commission alors que le dialogue est dans une phase liminaire. Le gouvernement a répondu avec bonne volonté, de manière détaillée et dans les délais aux questions soulevées par la commission d'experts à la fin de 1998. Il traitera de ces points dans un rapport détaillé ultérieurement cette année.

Il faut comprendre le texte de la convention à la lumière des intentions de ses rédacteurs, conformément au droit international. Il convient d'examiner sous cet angle la façon dont elle s'applique aux pratiques modernes. Ce serait une erreur pour la commission d'interpréter la convention de manière étroite et textuelle, sans placer les termes mêmes de la convention dans le contexte des objectifs de cet instrument. Les travaux préparatoires démontrent que la convention est née des préoccupations internationales à l'encontre des pratiques d'esclavage et de «travail indigène» dans les colonies. Tout en reconnaissant que, dans certains cas, il est nécessaire d'imposer un travail obligatoire à des fins d'intérêt public, en raison des abus graves et de l'exploitation qui se sont produits, l'OIT a adopté l'opinion ferme selon laquelle un tel travail ne devrait pas être imposé au bénéfice de personnes privées. Les contributions des Etats Membres en la matière ont révélé que l'existence d'un bénéfice privé est le problème en cause. Les pratiques abusives, qui apparaissent souvent lorsque le travail forcé est imposé en faveur d'employeurs privés, constituent un autre thème récurrent.

Lors de l'élaboration de la convention, et en particulier de l'article 2, paragraphe 2 c), ses rédacteurs ont abordé la question spécifique du travail pénitentiaire et ils ont relevé le problème des pratiques abusives dans certains pays où des détenus étaient mis à la disposition de particuliers pour travailler dans des conditions d'esclavage ou de servitude pour dettes. L'idée des rédacteurs est clairement que le travail pénitentiaire constitue du travail forcé lorsqu'il s'effectue au bénéfice d'employeurs privés dans des conditions d'exploitation. Les travaux préparatoires montrent que cette mise à disposition en faveur d'employeurs privés a été considérée comme synonyme de travail ne s'effectuant pas sous la surveillance du gouvernement. Telle n'est cependant pas la situation dans les prisons modernes, qui sont gérées par des sociétés privées ayant conclu un accord avec le gouvernement. Ces sociétés privées ne tirent pas de bénéfice du travail des prisonniers.

En 1930, la commission qui avait discuté des instruments proposés a indiqué à la Conférence que les détenus exécutant une peine et devant travailler en application de cette peine n'étaient pas astreints au type de travail forcé envisagé et que ce travail devrait dès lors être exclu du champ d'application de la convention. Selon l'orateur, cette exception devrait s'appliquer de la même manière aux prisonniers détenus dans des prisons privées et à ceux détenus dans des prisons publiques. Dans ces deux cas, les détenus accomplissent une peine et doivent travailler pendant cette période.

Bien que la convention no 29 soit un instrument indépendant, son application a pour toile de fond le développement du droit international. Dans l'interprétation de la convention, il faut dès lors tenir compte des autres instruments importants en matière de droits de l'homme qui traitent des mêmes questions, afin d'assurer une jurisprudence internationale cohérente. Par exemple, l'article 8 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui est plus récent que la convention, dispose que n'est pas considéré comme «travail forcé ou obligatoire» tout travail ou service normalement requis d'un individu qui est détenu en vertu d'une décision de justice. L'ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus dispose que tous les prisonniers exécutant une peine devraient être obligés de travailler à des fins de réhabilitation et de préparation à la vie qui les attend après leur libération.

La convention, qui a été conçue dans un contexte économique et social très différent, doit également être appliquée au monde moderne, tout en conservant ses objectifs et ses principes. Les principes et la pratique de l'administration publique en Australie et dans d'autres pays se sont transformés au cours des dernières décennies. Cette transformation est dans une large mesure provoquée par les difficultés des finances publiques causées par les mutations économiques internationales, et notamment la mondialisation. Le mode d'exécution des services publics traditionnels a changé. L'accent est davantage mis sur la nécessité pour les gouvernements de veiller à ce que les services financés par des fonds publics soient exécutés efficacement que sur la prestation des services elle-même. Dans ce contexte, le gouvernement de Victoria a lancé en 1993 le Nouveau projet pour les prisons, qui vise à impliquer le secteur privé dans la construction et la gestion de trois nouvelles prisons.

Pour interpréter l'exception prévue par la convention pour certains types de travail pénitentiaire, il faut comprendre la nature de ce travail. L'article 10, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que le traitement des condamnés dans le régime pénitentiaire devrait avoir pour but essentiel leur amendement et leur reclassement social. En effet, le gouvernement de Victoria a reconnu l'existence d'une relation de cause à effet entre chômage et activité criminelle. Le travail dans les prisons s'est alors concentré sur le développement d'aptitudes au travail d'un groupe de personnes ayant connu de longues périodes de chômage ou de travail limité, l'objectif étant qu'à leur libération ils soient davantage en mesure de trouver un emploi et de s'intégrer plus efficacement dans la communauté. Les programmes de travail pénitentiaire mettent dès lors fortement l'accent sur la préparation au travail et le développement de capacités par le biais de l'intégration et de la formation professionnelles. Les responsables de prisons doivent fournir un enseignement reconnu et des programmes qui permettent aux prisonniers de poursuivre leur formation tout au long de leur parcours dans le système pénitentiaire. Ils doivent également permettre aux prisonniers de poursuivre auprès d'institutions d'enseignement extérieures des études à temps partiel reconnues.

Les conditions actuelles de détention devraient dès lors être perçues comme une privation de liberté pour une période déterminée, au cours de laquelle le travail effectué représente une possibilité de réadaptation et de réparation envers la communauté. Le travail pénitentiaire n'est pas effectué dans le contexte d'une relation d'emploi comparable à celles qui existent dans la communauté. Le travail pénitentiaire ne devrait donc pas être traité comme un problème de relations professionnelles.

Le travail pénitentiaire dans l'Etat de Victoria répond aux deux critères essentiels de l'exception prévue à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention, à savoir que le travail soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que les prisonniers ne soient pas concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Le mode de surveillance et de contrôle des prisons, y compris du travail pénitentiaire, établi par le Parlement de Victoria, comprend la protection des droits des détenus et l'institution d'un Correctional Services Commissioner, autorité publique chargée de la surveillance et du contrôle des prisons pour adultes, qu'elles soient privées ou publiques. Ce cadre législatif traduit l'attachement de l'Etat de Victoria à la protection des droits des prisonniers, conformément aux obligations juridiques de l'Australie. Ce cadre législatif est également renforcé par les accords sur les services pénitentiaires conclus entre le gouvernement de Victoria et les opérateurs privés. Le Correctional Services Commissionner est responsable et dispose de l'autorité générale sur le système pénitentiaire pour adultes. Il est chargé de surveiller le respect de ces dispositions dans tous les services pénitentiaires, en vue de garantir la sécurité et le bien-être des détenus. Il est également responsable de la classification et du placement des prisonniers dans le système ainsi que du contrôle du bien-être et de la gestion des prisonniers, conformément aux règlements applicables et aux dispositions du Corrections Act. Des garanties nombreuses et substantielles assurent que les contractants fournissent les meilleures prestations en termes d'installations pénitentiaires et de services.

Le gouvernement de Victoria n'a pas transféré à des opérateurs privés le pouvoir de surveillance sur les détenus. Ces derniers restent sous le contrôle de l'Etat qui garde toute responsabilité pour leur surveillance et leur bien-être. La surveillance et le contrôle des prisons, publiques ou privées, sont précisés dans les accords sur les services pénitentiaires conclus avec les opérateurs. Ces accords contiennent des dispositions relatives à l'évaluation des prestations des opérateurs, y compris des études conduites par la Sentence Management Unit, en ce qui concerne les plans de gestion des peines dans les différentes prisons. Le Commissioner surveille les prestations des opérateurs, tant publics que privés, par rapport à la politique criminelle et aux normes de gestion en matière pénitentiaire, qui sont applicables à tout le système. Le Commissioner est également chargé d'accorder des autorisations au personnel travaillant dans les prisons publiques et privées. Aucune personne employée par un opérateur privé ne peut surveiller ni exercer le contrôle sur des prisonniers sans l'autorisation expresse du Commissioner. Il est dès lors clair que ce dernier exerce le contrôle et la surveillance sur tous les aspects du fonctionnement des prisons dans l'Etat de Victoria.

La seconde exigence de l'article 2, paragraphe 2 c), est que les détenus ne soient pas concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Cela vise les situations dans lesquelles le détenu est obligé par l'opérateur d'une prison privée de travailler ou est obligé par l'opérateur de la prison de travailler au bénéfice d'une entité privée, que la prison soit privée ou publique. On ne peut considérer qu'un détenu est concédé ou mis à la disposition d'une compagnie privée que s'il est employé par cette compagnie, qui peut être soit l'opérateur de la prison, soit un tiers, ou s'il est en état de servitude à l'égard de la compagnie privée. Aucune de ces situations n'existe dans les prisons de Victoria. Les prisonniers ne sont pas engagés dans une relation d'emploi. L'exécution du travail n'est qu'une des conditions de détention imposées par l'Etat, à moins que les détenus ne soient excusés pour des motifs déterminés par le Correctional Services Commissioner.

Il ne faut en aucune manière considérer que le prisonnier est un esclave, ni de l'opérateur ni du tiers pour qui le travail est exécuté. Les opérateurs ne sont pas habilités à «concéder» le détenu à un tiers, parce qu'il reste en tout temps sous la supervision et le contrôle du Commissioner. L'opérateur n'est dès lors qu'un agent du Commissioner aux fins d'organisation du travail destiné à faciliter la réhabilitation des détenus. Dans l'Etat de Victoria, les entreprises privées ne tirent pas de bénéfices économiques importants du travail des prisonniers dans les prisons privées. Quel que soit l'argument utilisé, les prisonniers détenus dans des prisons privées de l'Etat de Victoria et obligés de travailler ne sont pas pour autant concédés ou mis à la disposition d'entités privées.

Aux termes des accords sur les services pénitentiaires, tous les bénéfices dégagés des activités professionnelles en milieu carcéral ne sont pas acquis aux opérateurs privés. Ces accords prescrivent que l'opérateur veille à ce que toute recette provenant de ces activités soit séparée des recettes de l'entrepreneur. Il doit également veiller à ce que tout bénéfice dégagé par ces activités soit réinvesti dans ces activités ou soit dépensé de telle autre manière que le directeur de la Chancellerie du département de la Justice jugera opportune.

Le travail exécuté dans les prisons australiennes ne relevant pas de la définition du travail forcé ou obligatoire au sens de la convention, aucun problème ne se pose en ce qui concerne les autres conditions qui, pour la commission d'experts, sont applicables au travail des prisonniers, telles que le paiement de salaires identiques aux salaires du marché. Ces questions pourraient être pertinentes si le travail était imposé à des prisonniers en faveur d'intérêts privés, afin de garantir que les détenus ne soient pas exploités au bénéfice d'un employeur privé. Cependant, elles ne sont pas pertinentes lorsque le travail en question n'est tout simplement pas compris dans les termes «travail forcé ou obligatoire», au sens de la convention.

En conclusion, tout en reconnaissant que la commission d'experts a soulevé des questions importantes, le représentant gouvernemental n'a pas estimé que ces questions étaient suffisamment graves pour justifier leur examen urgent par la Commission de la Conférence. Il a déclaré se réjouir de l'examen que la commission d'experts ferait du rapport détaillé à soumettre par le gouvernement, et s'est dit persuadé que ses préoccupations seraient pleinement prises en compte. En remerciant la commission pour son attention, il a indiqué que son pays a fourni un document substantiel au Secrétariat pour examen par la commission d'experts. Ce document reflète l'importance que son pays accorde au respect d'instruments fondamentaux tels que la convention no 29.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental des informations détaillées qu'il a présentées. Le travail des détenus dans les prisons privées pour le compte d'employeurs privés est devenu ces dernières années une question à l'ordre du jour, comme l'ont fait ressortir les commentaires des membres employeurs dans le cadre de la discussion générale. Aujourd'hui, cette question est examinée par la commission dans le contexte de l'Australie, non pas parce que l'application de la convention dans ce pays suscite des préoccupations particulièrement graves, mais pour pouvoir examiner de quelle manière cette question se rapporte à l'application des dispositions de la convention. La commission d'experts a constaté qu'il existe, dans l'Etat de Victoria, trois prisons privées dans lesquelles les détenus s'exposent à certains inconvénients s'ils refusent de travailler et ne perçoivent, pour leur travail, qu'une rémunération inférieure au salaire minimum. Le représentant gouvernemental a donné d'amples précisions à ce sujet, précisant que le travail dans les prisons privées reste sous la supervision de l'Etat et des autorités publiques. Cela veut dire que les détenus dans les prisons privées restent sous le contrôle de l'Etat et que la relation pénitentiaire est établie avec l'Etat et non avec une entreprise privée. Les autorités ont accès à tout moment à ces prisons privées et peuvent ainsi vérifier la situation et consulter éventuellement les pièces qui les intéressent. Les taux de rémunération sont fixés par l'Etat. Toute recette provenant du travail accompli par des détenus doit être réinvestie dans les équipements, toute autre affectation nécessitant l'autorisation préalable des autorités publiques.

Les membres employeurs ont rappelé que la commission d'experts s'est exprimée à plusieurs reprises sur la question de la relation entre le travail accompli par des détenus dans les prisons privées et les exigences de la convention. La commission d'experts a noté que les prisons privées existent dans plusieurs Etats de l'Australie et que les détenus de ces établissements qui refusent de travailler ne s'exposent pas directement à des désavantages ou à des sanctions. Ce refus est cependant considéré comme une non-participation aux activités de réinsertion. Il s'agit là d'une description impartiale de la situation. L'article 2, paragraphe 2 c), de la convention est assez clair sur ce point, puisqu'il exclut de la définition du travail forcé ou obligatoire «tout travail ou service exigé d'un individu comme conséquence d'une condamnation prononcée par une décision judiciaire, à la condition que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées».

Les membres employeurs ont souligné que le travail accompli par les détenus est effectivement basé sur une décision judiciaire et ne constitue donc pas du travail forcé. Ce travail correspond donc à l'une des dérogations admises de ce terme. Cependant, la supervision et le contrôle des autorités publiques doivent être garantis, ce qui est conforme aux intérêts de l'Etat lui-même. Les membres employeurs ont souligné à cet égard que l'apparition de plus en plus fréquente de la gestion privée des établissements pénitentiaires ne peut être comparée avec le processus de privatisation beaucoup plus radical qui se produit actuellement dans de nombreux pays, dans des domaines tels que les télécommunications, les chemins de fer et les transports aériens. Le problème qui se pose avec la convention tient au fait que celle ci ne comporte pas de dispositions détaillées concernant l'extension de la supervision et du contrôle que les autorités publiques doivent exercer. Il importe à cet égard de noter qu'il n'a pas été possible de parvenir à une interprétation juridique plus poussée des dispositions de la convention pour définir les modalités selon lesquelles une telle supervision est conforme aux prescriptions de la convention. La commission d'experts a évoqué la nécessité, éventuellement, que tous les détenus aient à donner librement leur consentement pour accomplir un travail dans les prisons privées. Cependant, il s'agit là d'une extension des dispositions contenues dans la convention. Une telle règle aurait pour effet de privilégier les détenus des prisons privées par rapport à ceux des prisons publiques, dans lesquelles ce consentement ne serait pas nécessaire.

En ce qui concerne la signification du travail pénitentiaire pour les détenus eux-mêmes, les membres employeurs espèrent qu'il n'existe aucun désaccord fondamental quant à la nécessité de prendre toutes les mesures possibles pour favoriser la réinsertion des détenus, notamment en leur donnant la possibilité de travailler. Pour les prisons privées, l'une des difficultés majeures à cet égard consiste à fournir aux détenus un travail intelligent et constructif plutôt que les simples tâches ancillaires qu'on leur attribue trop souvent dans les prisons publiques. Le travail constitue un volet déterminant du processus de réinsertion des détenus; il les aide en outre à conserver leurs qualifications professionnelles et à gagner un peu d'argent, ce qui peut leur permettre de subvenir dans une certaine mesure aux besoins de leurs familles et éventuellement d'assurer le dédommagement des actes pour lesquels ils ont été condamnés.

En ce qui concerne le niveau des rémunérations offertes aux détenus, les membres employeurs ont déclaré qu'il n'y a pas lieu de les comparer avec celles qui sont offertes dans le cadre d'un emploi libre. D'une manière générale, les entreprises privées qui donnent du travail dans les établissements pénitentiaires s'exposent à un certain nombre de risques. Elles assument des risques touchant à la responsabilité en cas de dommages et le niveau de productivité qu'elles obtiennent est généralement très bas.

Pour conclure, les membres employeurs ont déclaré que le président de la commission d'experts, dans son intervention devant la commission, était fondé à désigner cette question comme l'une de celles dont la Commission de la Conférence et la commission d'experts devraient débattre de manière plus approfondie à l'avenir. On ne dispose pas, cependant, pour l'heure, d'éléments suffisants pour procéder à une évaluation adéquate. Dans le cas spécifique de l'Australie, la commission d'experts n'a soulevé aucune préoccupation majeure non plus qu'elle n'a évoqué de violation majeure des dispositions de la convention. Ce cas est examiné par la Commission de la Conférence essentiellement pour aborder un phénomène nouveau. Dans ses conclusions, la commission devrait donc se borner à demander au gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la situation, comme il s'est d'ailleurs déjà engagé lui-même à le faire.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations qu'il avait fournies et ont noté avec intérêt qu'un rapport plus détaillé avait été transmis au Bureau. Ils ont rappelé que, l'année passée, la commission avait discuté du rapport spécial de la commission d'experts concernant la convention no 29. Dans ce rapport, la commission d'experts a dûment pris note des points de vue exprimés par les membres employeurs et travailleurs sur le problème du travail des prisonniers. Elle a affirmé être consciente des risques d'exploitation que le travail des prisonniers représente. Lors de la discussion générale qui a eu lieu cette année, le problème a été brièvement évoqué, la commission d'experts estimant que la question des prisonniers «concédé[s] ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées», selon les termes de la convention, mériterait à l'heure actuelle une attention renouvelée. C'est dans ce cadre que les commentaires de la commission sur l'application de la convention no 29 dans les prisons privatisées en Australie doivent se situer.

Ils ont rappelé que le travail en prison est exclu du champ d'application de la convention lorsque deux conditions sont réunies: il est «exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques» et si le prisonnier n'est pas «concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées». La commission d'experts a fait remarquer (paragr. 4 du rapport) que les deux conditions s'appliquent de manière indépendante et que donc la convention ne prévoit aucune exception à l'égard de la deuxième condition. L'interdiction est absolue et, comme indiqué dans l'étude d'ensemble de 1979 à ce sujet: cette interdiction «s'applique également au travail dans des ateliers que des entreprises privées font fonctionner à l'intérieur des prisons» et, à fortiori, à tout travail organisé dans les prisons privées.

En ce qui concerne le cas à l'examen, le Conseil australien des syndicats déclare que, dans toutes les prisons privées du Victoria, le travail est placé sous le contrôle d'opérateurs privés et les détenus doivent travailler pour une entreprise privée. Les conditions salariales et de travail dans les ateliers occupés par les prisonniers et gérés par les entreprises privées sont largement inférieures à celles des entreprises locales. Selon les informations dont disposent les membres travailleurs, les entreprises locales, souvent des petites et moyennes entreprises (PME), sont confrontées à une concurrence déloyale, les salaires dans les ateliers privés étant parfois dix fois plus bas que dans les entreprises normales. De plus, les autorités nationales dans la pratique n'ont plus aucune influence sur la nature des produits et services fabriqués dans les prisons privées. Ces produits et services entreraient de plus en plus en concurrence déloyale avec ceux fabriqués par les producteurs locaux. Les prisons privées et leurs ateliers sont gérés par quelques grandes entreprises qui opèrent au niveau mondial. Les membres travailleurs sont d'avis que cette relation entre les PME locales et les ateliers gérés par quelques grandes entreprises n'est pas conforme aux paragraphes 6 et 16, alinéa 2), de la recommandation (no 189) sur la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises, 1998; ce dernier paragraphe prévoyait que les autorités devraient prendre des mesures pour sauvegarder les intérêts légitimes des PME et de leurs travailleurs, dans le contexte de relations entre les PME et grandes entreprises. De plus, le contenu des contrats passés entre les autorités publiques et les grandes entreprises qui gèrent les ateliers et les prisons privées ne serait pas transparent; trop souvent, il ne serait pas accessible aux autorités financières et aux PME concurrentes.

Le gouvernement devrait fournir des informations détaillées sur la portée des contrats conclus entre les entreprises qui gèrent les ateliers dans les prisons ou les prisons en tant que telles et les autorités publiques afin que le BIT puisse vérifier que ces contrats n'ont pas une influence directe ou indirecte sur les conditions de travail et la nature volontaire du travail pénitentiaire. Les membres travailleurs estiment qu'il y a un manque de transparence qui risque de nuire à la nature volontaire du travail pénitentiaire, vu les normes de rentabilité auxquelles sont soumises les grandes entreprises qui gèrent ces ateliers et prisons. Dans le cadre de la question du travail pénitentiaire, le BIT devrait donc également tenir compte des dispositions de la recommandation no 189, qui mentionne dans son préambule la convention no 29, et plus particulièrement des paragraphes 6, alinéa 1 b), et 16, alinéa 2). Le gouvernement devrait fournir toutes les informations sur les mesures adoptées ou envisagées pour garantir le volontariat et la supervision par les autorités.

Le membre travailleur de l'Australie a déclaré, en premier lieu, que les travailleurs australiens souscrivent à la nécessité de programmes de réinsertion appropriés et créatifs pour les détenus. Cependant, la question du travail forcé, où qu'elle se pose, constitue une question grave. Cette convention couvre en outre des droits de l'homme fondamentaux.

Il a rappelé que depuis 1930, année de l'entrée en vigueur de la convention, et depuis 1979, date de la plus récente étude d'ensemble sur cette convention, de profonds changements sont intervenus dans le système pénitentiaire. Il s'est notamment produit une évolution rapide vers la privatisation de ce système, parallèlement à la mondialisation des entreprises, ce qui était difficilement prévisible en 1979 et encore moins en 1930. L'intervenant se félicite donc du fait que les organes de contrôle aient perçu l'existence de ce nouveau marché, sur lequel les droits fondamentaux du travail doivent également s'appliquer. En l'occurrence, il ne fait aucun doute que l'Australie ne satisfait pas à ses obligations en vertu de la convention.

L'intervenant a appelé l'attention de la commission sur les arrangements commerciaux complexes régissant les relations entre les entreprises privées et l'administration pénitentiaire australienne. Le processus de mondialisation ajoute à cette complexité. A titre d'exemple, on évoquera le cas de cette société britannique basée en Australie qui vient de remporter des marchés pour la gestion de prisons en Afrique du Sud. En outre, pour répondre à la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle tous les profits des activités professionnelles dans les prisons doivent être réinvestis soit dans ces mêmes activités soit dans des activités connexes, il convient de souligner que la situation est beaucoup plus complexe. Dans le cas des biens élaborés dans une prison pour un entrepreneur, ces biens sont revendus à un grossiste, puis à un détaillant avant de parvenir au consommateur. Il s'agit donc là d'une chaîne de distribution à quatre niveaux, avec une marge de profit à chacun d'eux, l'ensemble reposant sur le travail bon marché et forcé des détenus. Qui plus est, dans le cas d'espèce, les arrangements commerciaux entre le gouvernement et les entreprises privées présentent un manque de transparence flagrant. Le contrôleur aux comptes du Victoria a présenté récemment au Parlement un rapport sur la privatisation du système pénitentiaire et les arrangements commerciaux conclus dans ce cadre, en déclarant qu'il n'avait pas pu accomplir sa mission dans ce domaine. Des dispositions législatives instituant le secret ne lui ont pas permis de connaître les aspects financiers des contrats publics passés avec les opérateurs privés de prisons, au motif de la confidentialité commerciale. Il n'a donc pas pu examiner ou contrôler ces arrangements.

L'intervenant a également appelé l'attention sur d'autres questions relatives au travail des détenus dans les prisons privées. En premier lieu, pour ce qui est de leur protection sociale, ces détenus ne sont pas couverts par les dispositions protectrices de la même manière que les autres travailleurs. De plus, leur taux de rémunération est très faible, par comparaison avec les salaires versés en dehors du système pénitentiaire.

Bien que le représentant gouvernemental ait déclaré que les activités économiques dans les prisons restent sous le contrôle et la supervision des autorités publiques, il n'est pas nécessaire de s'interroger largement sur la capacité réelle de ces autorités de s'acquitter de leurs fonctions à cet égard. Le fait est que le contrôleur général a conclu que le cadre existant ne permet pas à l'autorité publique d'exercer son contrôle sur ces activités de manière efficace et indépendante. De son côté, la Commission catholique Justice et Paix a récemment signalé que le personnel pénitentiaire autant que la direction des établissements se heurtent à une surcharge de travail insurmontable.

Pour conclure, l'intervenant a exprimé l'espoir que les autres membres de la commission se prononceront, eux aussi, en faveur d'un examen, par le Conseil d'administration, de l'opportunité de mener une nouvelle étude d'ensemble sur l'application de cette convention. Se félicitant de l'attention qui a été consacrée à ce cas par la commission, il s'est rallié aux conclusions de la commission d'experts considérant que le gouvernement australien ne s'acquitte pas, à cet égard, de ses obligations au titre de la convention.

Le membre employeur de l'Australie a fait valoir que les conditions actuelles du travail des détenus n'existaient pas au moment de l'élaboration de la convention, il y a soixante-dix ans. Cet aspect a été reconnu explicitement par le membre travailleur de l'Australie et implicitement dans les commentaires formulés par le président de la commission d'experts et aux paragraphes 71 et 72 du rapport de la commission d'experts. La question mérite un examen attentif non seulement au regard du cas d'espèce, mais aussi dans un contexte plus général. L'intervenant a remercié le représentant gouvernemental des informations fournies et a déclaré appuyer ses propos. Il a également fait observer que la question de la concurrence entre les entreprises travaillant avec les prisons et d'autres établissements commerciaux ne relève pas des questions qui pourraient justifier un examen plus approfondi dans le cadre de celui du respect des dispositions de la convention.

Le membre gouvernemental de la Nouvelle-Zélande a souligné que cette convention, qui est l'une des conventions fondamentales, a pour objet les pires formes d'exploitation de la main-d'œuvre. Il est donc capital que son application reste pertinente, dans un environnement économique et social en mutation constante. Les commentaires formulés par la commission d'experts sur la situation dans les prisons du Victoria permettent de penser que la pertinence de la convention est remise en question dans le contexte de l'évolution des modalités de gestion des prisons, notamment par des opérateurs de prisons privées dans un nombre croissant de pays.

Bien que le rapport de la commission d'experts ne comporte aucun élément établissant que les abus contre lesquels la convention a été conçue auraient cours dans les prisons australiennes, il a néanmoins été conclu à tout hasard que l'Australie serait en infraction par rapport à la convention. Dans son rapport général, la commission d'experts estime que la situation des détenus dans les prisons à gestion privée mérite un nouvel examen. La dernière étude d'ensemble consacrée à cette matière a été réalisée en 1979. Il y aurait lieu de suggérer que le Conseil d'administration envisage la possibilité de programmer dans un proche avenir une nouvelle étude d'ensemble sur les conventions touchant à ce domaine. Les commentaires de la commission d'experts sur la situation dans les prisons australiennes tendent à renforcer cette conclusion.

Le membre travailleur des Etats-Unis a rappelé que le recours au travail pénitentiaire dans les prisons privées est une question relativement nouvelle pour la commission. Cette pratique se développe non seulement en Australie, mais également aux Etats-Unis et dans d'autres pays. En quelques années, elle est devenue un secteur d'activité global, générant plusieurs milliards de dollars. Aux Etats-Unis, d'ici à l'an 2000, les ventes effectuées par les prisons privées dépasseront les 9 milliards de dollars. De grandes multinationales, souvent basées aux Etats-Unis, gèrent des prisons privées dans un certain nombre de pays. Ces activités se sont développées rapidement parce qu'elles sont rentables et offrent un certain intérêt public. Effectivement, elles ne profitent pas seulement aux compagnies qui gèrent les prisons privées, mais également à celles qui ont recours au travail pénitentiaire pour produire des biens à destination du marché.

L'orateur a pris note de l'argument du représentant gouvernemental, selon lequel ces activités visent à ce que les détenus acquièrent des capacités et une expérience professionnelles dans le cadre du processus de réhabilitation destiné à faciliter l'intégration des détenus sur le marché du travail, après leur libération. Personne ne se dit opposé à un processus effectif de réhabilitation. Par ailleurs, la commission a également été informée qu'une partie des revenus générés par le travail pénitentiaire est réinvestie dans ces activités et profite dès lors aux contribuables. Il a aussi été dit que des économies étaient faites. Le travail couvre en effet de 60 à 80 pour cent des dépenses d'exploitation d'une prison. Aux Etats-Unis, dans un nombre croissant de prisons privées, les employés perçoivent des salaires inférieurs à ceux des personnes employées par l'Etat. Une grande partie d'entre eux sont membres de syndicats mais perçoivent des rémunérations inférieures et n'ont pas droit à une pension. Au contraire, les dirigeants et administrateurs gagnent beaucoup plus d'argent que dans le secteur public. La situation qui prévaut aux Etats-Unis démontre qu'une grande partie des économies faites par les compagnies gérant des prisons privées dérive de l'utilisation de travailleurs non syndiqués. L'immense majorité des prisons privées aux Etats-Unis se situe dans les Etats du Sud, hostiles aux syndicats.

Dans les commentaires qu'elle a formulés sur la situation en Australie, la commission d'experts semble envisager des circonstances dans lesquelles le recours au travail pénitentiaire dans les prisons privées serait compatible avec la convention. Un tel travail devrait s'exercer sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques. Il devrait être totalement volontaire, et le détenu ne devrait pas être mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. En outre, la rémunération devrait correspondre à un salaire normal. La préoccupation évidente de la commission d'experts, fondée sur les informations dont elle dispose au sujet de la situation en Australie, est que ces conditions ne sont pas remplies dans ce pays. Le membre travailleur de l'Australie a montré par un cas flagrant que cette préoccupation était justifiée.

En conclusion, l'orateur a appuyé l'opinion de la commission d'experts, selon laquelle le développement rapide du travail pénitentiaire dans les prisons privées mérite une attention renouvelée, tant en Australie que dans d'autres pays. Il a également appuyé la suggestion d'entreprendre une nouvelle étude d'ensemble sur la convention, qui accorderait une attention particulière à la question du travail pénitentiaire dans les prisons privées.

Le membre travailleur du Pakistan a manifesté son appui aux commentaires formulés par les orateurs précédents sur cette question. Il a également relevé que l'OIT mène une campagne pour la ratification de cette convention. Bien que l'on ne mette pas en doute les traditions démocratiques de l'Australie, les déclarations du représentant gouvernemental ont été réfutées par le membre travailleur de ce pays. La formulation de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention ne laisse aucun doute: les prisonniers ne peuvent pas être concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Cependant, environ 65 pour cent des prisonniers dans l'Etat de Victoria sont détenus dans des prisons privées. La commission d'experts a défini les conditions qui doivent être remplies pour que le travail des détenus soit conforme aux dispositions de la convention. Ces conditions comprennent le libre consentement des prisonniers concernés et le paiement de salaires minimums. Cependant, la rémunération que perçoivent les prisonniers dans l'Etat de Victoria est dix fois inférieure au salaire minimum. En outre, le membre travailleur de l'Australie a formulé un avertissement clair à l'encontre des dangers du secret légal et des affaires qui entravent la surveillance exercée par les autorités publiques sur la manière dont les entreprises privées gèrent les prisons. La convention consacre le droit fondamental des travailleurs de ne pas être soumis au travail forcé. Elle doit par conséquent être appliquée par tous les Etats Membres. Le gouvernement devrait donc procéder à un examen de sa législation et de sa pratique afin d'identifier les domaines dans lesquels les dispositions de la convention ne sont pas respectées.

Le membre gouvernemental du Royaume-Uni a confirmé que son gouvernement s'intéresse fortement à la question du travail pénitentiaire et se félicite des conseils de la commission d'experts sur l'application de la convention. Il a pris note des informations détaillées fournies par le représentant gouvernemental ainsi que des opinions claires exprimées par les membres travailleurs et employeurs.

Les gouvernements sont seuls responsables de l'administration des prisons. A cet égard, le Royaume-Uni, l'Australie et un certain nombre d'autres pays présentent de nombreux points communs dans leur tentative d'établir des régimes pénitentiaires décents et constructifs adaptés pour la réhabilitation des délinquants. La privatisation des prisons constitue un phénomène récent qui n'aurait pas pu être pris en compte au moment de l'élaboration de la convention en 1930. L'orateur a déclaré qu'il partage le souci de la commission d'experts que les prisonniers exécutant une peine ne fassent pas l'objet d'exploitation. Il est cependant difficile d'accepter l'idée que le travail et la formation effectués dans des prisons privatisées constituent par définition du travail forcé, en particulier lorsque la réglementation et les conditions sont identiques à celles prévalant dans les prisons publiques. Dans la discussion générale, l'orateur et plusieurs autres membres gouvernementaux ont souligné la nécessité d'adopter une interprétation réaliste et à jour de cette convention fondamentale. Dans le présent cas, il serait prématuré de tirer des conclusions définitives avant que les récents développements n'aient été examinés dans le cadre d'une étude d'ensemble sur le travail forcé. L'orateur a exprimé l'espoir que les conclusions de la commission reflètent pleinement cette opinion.

En outre, le membre gouvernemental des Etats-Unis a observé que ce cas est une bonne occasion d'examiner les aspects importants du travail pénitentiaire, un point clé de l'une des conventions fondamentales. La discussion au sein de cette commission ainsi que la réaction de la commission d'experts devraient permettre de donner un caractère actuel à l'interprétation de la convention. Celle-ci a été adoptée en 1930 et la dernière étude d'ensemble sur le sujet date de 1979. La situation a changé depuis, les prisons et le travail pénitentiaire également. Les prisons privées ainsi que les ateliers à l'intérieur des prisons sont d'un apport positif à la fois pour les prisonniers, en leur permettant de se réinsérer au moyen de la formation professionnelle, et pour le gouvernement, en allégeant le poids financier que représentent les prisons publiques. La commission d'experts a d'ailleurs demandé aux pays ayant ratifié la convention de faire part de leur position en droit et en pratique sur la question du travail pénitentiaire dans les prisons privées et au profit de partenaires privés. L'orateur a également estimé nécessaire l'élaboration d'une nouvelle étude d'ensemble sur le travail forcé et en particulier sur le travail pénitentiaire. D'une part, il est nécessaire de protéger les prisonniers contre les formes injustes de travail forcé et, d'autre part, il convient de mettre à leur disposition des programmes de réinsertion et de qualification professionnelles de manière à ce qu'ils puissent devenir des citoyens productifs à leur sortie de prison, et ce au meilleur rapport efficacité-coût. Le BIT ainsi que la commission d'experts devraient prêter une oreille attentive aux commentaires des travailleurs, des employeurs et du gouvernement sur ce cas et en prendre note.

Le membre travailleur de la France a relevé que le représentant gouvernemental de l'Australie ne semble pas convaincu que la convention doit s'appliquer au travail pénitentiaire tant dans les prisons privées que publiques. A cet égard, il a exprimé son désaccord et a insisté sur le fait que la convention est une convention fondamentale qui s'applique à tous; elle s'avère d'autant plus d'actualité que le système de prisons privées se développe. Il est dès lors abusif de prétendre qu'il s'agit d'un instrument désuet qui concerne les anciennes formes d'esclavage.

L'orateur a observé que la formation professionnelle et le travail sont des éléments reconnus pour la réinsertion des prisonniers. D'ailleurs, nombre de prisonniers ont eu des difficultés scolaires et ont besoin de formation et de qualification professionnelles. Toutefois, il a insisté sur le fait que ces prisonniers demeurent des êtres humains et doivent dès lors pouvoir jouir de certains droits, incluant ceux inscrits dans la Déclaration de Philadelphie et qui concernent un travail productif et librement choisi. Ils ont également droit à un salaire décent permettant la constitution d'un pécule en vue de leur sortie de prison ainsi qu'à la protection sociale et à une pension de retraite. Sinon comment leur est-il possible de se réinsérer à l'expiration de leur peine? L'orateur a noté que les maigres salaires versés aux prisonniers viennent en directe concurrence avec le travail libre; en outre, le développement des prisons privées entraîne avec lui une exploitation inquiétante du travail des prisonniers puisque nombre des sociétés œuvrant dans ce domaine sont en tout premier lieu à la recherche de profits.

L'orateur a insisté sur le fait que les conditions de travail des prisonniers doivent respecter les normes pertinentes fixées; il a affirmé ne pas partager l'opinion émise par les membres employeurs que la convention doit être interprétée de manière restrictive. Enfin, il a insisté sur l'importance qu'un rapport détaillé soit fourni par le gouvernement qui examine en profondeur la pratique actuelle et les conditions du travail pénitentiaire concédé à des entreprises privées.

Le membre gouvernemental de l'Allemagne a accueilli favorablement les commentaires de la commission d'experts selon lesquels le travail dans les prisons privées constitue un problème nouveau qui doit être examiné en tenant compte de la situation actuelle. Jusqu'à maintenant, les débats sur le travail dans les prisons ont mis l'accent sur son caractère punitif et sur les avantages que, de manière injustifiée, les employeurs privés peuvent en tirer lorsqu'ils occupent des détenus. A cet égard, l'orateur a rappelé que l'article XX e) des réglementations du GATT permet d'introduire des mesures visant à limiter le commerce des produits fabriqués dans des établissements pénitentiaires. Mais la situation a changé. Aujourd'hui, on considère que le travail facilite la réinsertion des détenus dans la société. A ce sujet, il a fait mention des nombreuses questions que la commission d'experts a énumérées dans son observation générale sur la convention relative au travail forcé. Il a exprimé son désaccord avec le représentant gouvernemental de l'Australie qui a estimé que le champ d'application de la convention ne comprend pas le travail dans les prisons privées. La question de savoir si ce type de travail est contraire ou non à la convention se pose aussi pour les prisons privées. En conclusion, il a indiqué que, vingt ans après la publication de la dernière étude d'ensemble sur le travail forcé, il faut réexaminer cette question sans réserve. Le gouvernement devrait donc fournir des informations complètes sur ce point.

Le membre gouvernemental du Canada a évoqué les nouveaux développements intervenus depuis la dernière étude d'ensemble de la commission d'experts de 1979 sur la convention. Son gouvernement appuie pleinement la position de l'Australie en faveur de la proposition de la commission d'experts pour l'élaboration d'une nouvelle étude d'ensemble sur la convention qui tienne compte des nouveaux développements, notamment dans le domaine du travail pénitentiaire. Une telle étude d'ensemble donnerait une vision actualisée de la pratique dans différents pays et des différents problèmes d'application et permettrait aux experts de fournir un nouvel éclairage sur la problématique. Une nouvelle étude contribuerait à réaliser l'objectif de pérennité de la pertinence des conventions de l'OIT et à diffuser l'information concernant leur application dans un contexte moderne.

Le membre gouvernemental du Japon a déclaré appuyer le point de vue du membre gouvernemental de l'Australie selon lequel la convention devrait être interprétée de manière plus souple et coller aux réalités modernes. Une nouvelle étude d'ensemble devrait être conduite aussi bien en ce qui concerne cette convention que d'autres instruments.

Le membre travailleur de l'Allemagne a exprimé son accord avec les commentaires de la commission d'experts concernant l'applicabilité de la convention au travail exécuté dans les prisons privées. Avec l'augmentation du nombre des prisons privées, il est crucial que les principes affirmés dans la convention leur soient appliqués. L'utilisation du travail pénitentiaire n'est compatible avec la convention que s'il a fait l'objet du consentement des prisonniers concernés et des garanties concernant la rémunération des salaires normaux, etc. Bien qu'une étude d'ensemble sur le sujet soit nécessaire, l'évaluation et l'appréhension de ce phénomène ne devraient pas être retardées par la publication de cette étude. Contrairement à la déclaration faite par le membre employeur de l'Australie, la concurrence déloyale résultant du niveau très bas des salaires affecte l'application de la convention. En conclusion, l'orateur a rappelé l'avis général selon lequel la convention doit empêcher la concurrence déloyale.

Le représentant gouvernemental a souligné que la question préliminaire concerne l'article 2, paragraphe 2 c), qui est une clause d'exclusion. Le fait qu'une prison soit privée n'implique pas automatiquement que les dispositions de la convention lui soient applicables. En d'autres termes, si les circonstances visées à l'article 2, paragraphe 2 c), sont réunies, la convention ne s'applique pas aux prisons privées. Il n'est en outre pas utile de tenir compte du niveau des salaires du travail obligatoire des prisonniers ni d'un quelconque autre élément puisque la convention ne s'applique tout simplement pas.

Certaines des questions soulevées comme par exemple les dispositions de la recommandation no 189 ou les questions liées à la concurrence, si elles présentent un intérêt légitime pour le BIT, ne présentent pas de pertinence dans le cadre de cette discussion. L'unique question débattue est celle du travail forcé. Selon le membre travailleur de l'Australie, l'Auditeur général de Victoria aurait exprimé des préoccupations quant aux contrats relatifs à l'intervention des prisons privées à Victoria. Il est nécessaire de bien comprendre de quel type de contrat il s'agit. Ce sont des contrats conclus entre l'Etat et l'opérateur privé de l'administration pénitentiaire. Selon le gouvernement de Victoria, l'unique problème
est celui du maintien de la confidentialité des prix pour des raisons commerciales. D'autres aspects tels que les critères de rentabilité, les conditions du contrôle des prisons ainsi que les questions administratives y relatives sont accessibles au public. Ces contrats comme les profits qu'ils génèrent pour les opérateurs privés doivent être distingués des profits retirés du travail des prisons dans lesquelles leur affectation est clairement connue. Le problème concernant les profits ou la répartition des profits entre le distributeur, le grossiste et le détaillant ne sont d'aucun intérêt pour cette commission.

L'orateur a déclaré appuyer la proposition d'une nouvelle étude d'ensemble de la commission d'experts sur cette question. Une telle étude pourrait mettre l'accent sur une nouvelle vision du travail pénitentiaire. L'application des conventions devrait être revue périodiquement afin que soit assurée leur capacité d'adaptation aux changements rapides de la société moderne. En l'espèce, la nécessité d'un nouvel examen se justifie en partie par les changements intervenus dans les pratiques de l'administration publique. Si une telle étude est nécessaire, il est également très clair que le travail pénitentiaire en Australie n'est pas du travail forcé même au regard de l'interprétation actuelle de la commission d'experts. Les faits exposés par le gouvernement de Victoria démontrent que le travail dans les prisons privées est exécuté sous le contrôle et la surveillance d'une autorité publique et dans le cadre d'une réglementation substantielle. En outre, les prisonniers ne sont pas recrutés ou mis à la disposition d'entités privées dans le but d'exploitation tel que celui que les rédacteurs de la convention voulaient proscrire.

En résumé, il est manifestement difficile d'appréhender la question des prisons privées. La solution serait que la commission d'experts élabore aussitôt que possible une nouvelle étude d'ensemble sur le travail forcé, qui porte l'attention sur les données existantes, et revoie leur interprétation à la lumière des conclusions de l'étude. Etant donné les incertitudes qui entourent cette matière comme cela ressort des déclarations d'un certain nombre de membres gouvernementaux, de membres employeurs et de quelques membres travailleurs, ce cas devrait être laissé de côté, et la commission devrait s'abstenir d'émettre des conclusions en l'espèce. Il conviendrait que le dialogue se poursuive dans le cadre du cycle normal des rapports de manière que tous développements mis en lumière par l'étude puissent être pris en considération.

Les membres employeurs ont noté la discussion animée, ce qui démontre l'importance de cette question. Bien que ce problème n'ait pas été envisagé au moment de l'adoption de la convention en 1930, il doit en être tenu compte lors de l'examen des dispositions de la convention. Ils ont noté que la commission d'experts n'avait pas encore fait une évaluation complète de cette question. A cet égard, les membres employeurs ont souscrit à la déclaration du président de la commission d'experts lors de la Commission de la Conférence ainsi qu'à la requête de la commission d'experts à l'effet que les gouvernements devraient fournir dans leur prochain rapport des informations concernant la position actuelle, en droit et en pratique, en ce qui a trait à cette question. Bien qu'une étude d'ensemble sur ce sujet apparaisse nécessaire, cette question devrait néanmoins être étudiée sans délai. En conclusion, les membres employeurs ont soutenu la demande de la commission d'experts pour obtenir des informations détaillées qui permettraient de donner un tableau plus complet sur cette question dans le monde entier. Puisque l'Australie n'est pas le seul pays concerné, cette commission devrait se limiter à demander des informations détaillées au gouvernement.

Les membres travailleurs ont souhaité attirer l'attention de la commission sur deux points. Premièrement, ils ont insisté pour que les gouvernements répondent à tous les points soulevés dans l'observation générale de la commission d'experts relative à la convention en tenant pleinement compte du tripartisme lors de l'envoi des réponses et de l'élaboration des rapports. Cette demande d'information devrait être reprise par la commission afin que la commission d'experts soit en mesure de mieux analyser les problèmes, tendances et nature des garanties instaurées au niveau de la gestion et du fonctionnement des ateliers dans les prisons. Dans le cadre de cet exercice, les gouvernements devraient tenir compte des paragraphes 70 à 72 du rapport général de la commission d'experts et des paragraphes 112 à 125 inclus dans la partie générale du rapport de la commission d'experts de 1998. Egalement, les membres travailleurs, se référant à la recommandation no 189, ont demandé aux gouvernements de tenir compte des répercussions du travail pénitentiaire et des services et marchandises qui y sont fabriqués sur les autres entreprises soumises à la législation du travail, plus particulièrement pour ce qui est des petites et moyennes entreprises. Les gouvernements devraient dès lors informer le BIT sur les mesures et procédures prises au niveau national pour tenir compte des conséquences sur l'emploi dans les PME et autres entreprises.

Deuxièmement, pour ce qui est des conditions de travail des prisonniers, les membres travailleurs ont insisté sur le fait que la position de la commission d'experts est claire et que les conditions de travail des prisonniers qui ne jouissent pas des droits des travailleurs libres soient établies afin de garantir que celles-ci soient convenables et se rapprochent de celles des autres travailleurs.

La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a fournies oralement et des discussions qui ont suivi. Elle a aussi constaté qu'un rapport détaillé avait été soumis à l'examen de la commission d'experts. A propos du travail de détenus dans les prisons privées, elle a pris note des préoccupations formulées par le Conseil australien des syndicats selon lesquelles la supervision du travail des détenus dans les prisons privées de l'Etat de Victoria a été entièrement déléguée à des opérateurs privés. Tout en prenant note des assurances données à cet égard par le gouvernement, la commission lui a demandé de fournir à la commission d'experts des informations détaillées sur la supervision du travail dans les prisons privées pour que celle-ci puisse poursuivre son examen de cette question. En outre, la commission a souligné que la convention interdit de concéder ou de mettre des prisonniers à la disposition d'entreprises privées ou de particuliers. De plus, elle a considéré que la commission d'experts devrait examiner plus avant la mesure dans laquelle cette disposition est respectée en Australie. La commission a exhorté le gouvernement à continuer de fournir à la commission d'experts des informations sur ce point. Par ailleurs, la commission a incité tous les gouvernements à donner suite à l'observation générale de la commission d'experts sur la question du travail dans les prisons privées.

Myanmar (ratification: 1955). Le gouvernement a communiqué par écrit les informations suivantes:

La mission permanente de l'Union du Myanmar auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève présente ses compliments au BIT et, se référant au rapport du Directeur général aux membres du Conseil d'administration sur les mesures prises par le gouvernement du Myanmar suite aux recommandations de la commission d'enquête instituée pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, en date du 21 mai 1999, a l'honneur de faire parvenir ci-joint un mémorandum en réponse au rapport susmentionné.

La mission permanente de l'Union du Myanmar demande que ce mémorandum soit considéré comme un document officiel en réponse au rapport du Directeur général pour être utilisé dans toute procédure devant le Conseil d'administration et d'autres réunions appropriées.

Le Myanmar est devenu Membre de l'OIT quelques mois après avoir accédé à l'indépendance, en 1948. Membre responsable, ce pays entretient de longue date des liens de coopération avec l'OIT et a réglé plusieurs questions dans le meilleur esprit de coopération.

Les gouvernements successifs du Myanmar ont eu, de manière constante, une politique de promotion du bien-être des travailleurs. Ce pays est déterminé à bâtir une société placée sous le signe de la paix et de la prospérité et assurant la promotion et la protection pleine et entière des droits des femmes et des enfants.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, des allégations tendent à faire croire que le Myanmar recourt au travail forcé. Le Myanmar est intimement convaincu que ces allégations sont essentiellement la conséquence de conceptions erronées et d'une incompréhension à l'égard de la situation de ce pays et de la mentalité de son peuple.

Comme une bonne infrastructure est essentielle pour le développement économique, le gouvernement du Myanmar a mis un accent particulier sur ce secteur. De là, un effort substantiel a été entrepris pour améliorer l'infrastructure de l'économie du pays par la construction de routes, ponts, barrages et retenues. Consciente des bienfaits que ces projets apportent au pays, la population fournit traditionnellement son travail à titre de contribution afin que ces projets puissent être menés à bien le plus rapidement possible. A cela s'ajoute que, dans la pensée de ce peuple, «chacun récolte ce qu'il a semé avant sa mort dans le monde d'ici-bas ou au cours des cycles à venir de son existence».

Il s'agit là du fond de la pensée de notre peuple, et celui qui ne comprend pas ces éléments est porté à formuler toutes sortes d'allégations erronées.

Les organisations internationales ne devraient pas servir de tribune pour soumettre des Etats Membres aux pressions de groupes puissants et influents animés par des objectifs politiques.

Or, comme il vient d'être dit, depuis les années quatre-vingt-dix, le Myanmar fait l'objet de pressions politiques de la part de certains groupes, qui ne comprennent pas la réalité du pays. Ceux-ci se fondent essentiellement sur des informations émanant d'éléments antigouvernementaux. Ils avancent ces allégations à motivation politique dans le but de ternir l'image du gouvernement, en exploitant chaque occasion de le faire, notamment dans diverses instances internationales.

Agissant dans le but d'exercer continuellement sur le Myanmar des pressions politiques, les éléments antigouvernementaux ont réussi, par des allégations mensongères, à persuader quelques membres du groupe des travailleurs à engager une procédure de plainte contre le Myanmar sur le fondement de l'article 26 de la Constitution de l'OIT. Cette initiative a entraîné la mise en place en 1996 d'une commission d'enquête. Mais le Myanmar a tenu bon face à ces allégations. Malgré cela, la commission, se fondant sur des rapports émanant de certaines organisations terroristes, opérant à l'intérieur comme à l'extérieur du Myanmar, ou sur des informations émanant de certaines autres sources, a formulé en juillet 1998 des recommandations tendant à ce que:

1) le Myanmar rende la loi de 1907 sur les villages et la loi de 1907 sur les villes conformes à la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. Certaines dispositions de cette loi devraient également être rendues conformes avec la convention;

2) des mesures soient prises pour mettre un terme aux pratiques en vigueur, par la voie d'instruments publics devant être rendus publics et non de directives secrètes;

3) des sanctions soient prises à l'égard de ceux qui se seront rendus coupables d'avoir imposé un travail forcé ou obligatoire.

Comme nous l'avons dit précédemment, le Myanmar bâtit une nation moderne et une société qui sera placée sous le signe de la paix et de la prospérité. Dans ce contexte, il était pleinement conscient que les recommandations qui précèdent étaient fondées sur des allégations erronées. Cependant, dans un esprit de coopération, de bonne volonté et de sincérité à l'égard de l'OIT, il n'a jamais rejeté ces recommandations. De plus, mû par son droit souverain et indépendant, il a entrepris de réviser les anciennes lois qui ne sont pas conformes avec la situation actuelle. Conformément au droit international public, le Myanmar est parfaitement fondé à mener cette tâche de son propre chef.

Le Myanmar a jugé qu'il ne lui serait pas trop difficile de faire droit à ces recommandations. Dans le même temps, il convient
de ne pas perdre de vue que le Myanmar compte non moins de 135 ethnies différentes et que son système économique est en voie de transformation.

Lorsque le Myanmar a reçu les recommandations et le rapport de la commission, il a adressé au BIT plusieurs communications démontrant que ces recommandations n'avaient pas été négligées. Ces communications sont, en l'occurrence, les lettres datées des
23 septembre 1998, 4 et 18 février 1999, 12 et 18 mai 1999.

Comme on peut le constater, au besoin, le ministère du Travail a déclaré dans sa lettre datée du 23 septembre 1998: «Nous ne voyons aucune difficulté à mettre en œuvre les recommandations contenues dans le paragraphe 539 du rapport...».

Fidèle à sa parole, le Myanmar a pris résolument ses dispositions, conformément à son système juridique, et a agi conformément au droit du pays.

Les recommandations de la commission tendaient à ce que, tout d'abord, la loi sur les villages et la loi sur les villes soient rendues conformes à la convention no 29. La teneur de la recommandation avec laquelle cette «conformité» doit s'opérer rentre dans le domaine de la convention no 29. En revanche, c'est dans le champ d'application de la législation nationale ou de la législation municipale que rentrent les modalités d'application des dispositions de la convention qui ne sont pas du domaine de la convention. A ce stade, il convient de souligner que, dans le monde, les systèmes juridiques diffèrent d'un Etat à l'autre. Un système juridique d'un Etat ne peut pas être identique à celui d'un autre. Le modus operandi selon lequel la teneur de la convention s'applique en droit national peut être différent d'un Etat à l'autre.

Sur la base de son propre système juridique, le Myanmar a dû, le 14 mai 1999, mettre un terme aux dispositions mises en cause des deux lois précitées par la voie d'une ordonnance du législatif enjoignant le ministère compétent de ne pas exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par lesdites dispositions de ces deux lois. Dans le système juridique du Myanmar, le Conseil d'Etat pour la paix et le développement est le législatif. Comme dans tous les autres pays où s'applique le droit constitutionnel, ce conseil est au-dessus de l'exécutif. L'exécutif englobe plusieurs ministères, dont celui des affaires intérieures, de la compétence duquel relève l'application de ces deux lois. Le 14 mai 1999, le Conseil d'Etat pour la paix et le développement a publié un mémorandum en application duquel le ministère des Affaires intérieures a pris, le même jour, l'ordonnance no 1/99 enjoignant toutes les autorités exécutives de ne pas exercer les pouvoirs que leur confèrent l'article 7, alinéa l) l) et m), l'article 9 et l'article 9A de la loi sur les villes. La même consigne s'applique en ce qui concerne l'article 8, alinéa 1) g), n) et o), l'article 11 d) et l'article 12 de la loi sur les villages. Cette ordonnance a force de loi pour empêcher toutes les autorités exécutives d'exercer les pouvoirs litigieux de ces dispositions.

Ainsi, selon notre système juridique, cette mesure est prise en conformité avec la recommandation y relative de la commission d'enquête.

La deuxième recommandation de la commission d'enquête stipule que la décision doit être rendue publique. L'ordonnance a été rendue publique et communiquée immédiatement à 16 autorités. En outre, elle sera publiée dans la Gazette officielle du Myanmar, comme le sont toutes les lois. Il existe une transparence absolue. Pour information, nous signalons que l'ordonnance a été communiquée pour action aux seize autorités suivantes:

1) Le bureau du président du Conseil d'Etat pour la paix et le développement.

2) Le bureau du Conseil d'Etat pour la paix et le développement.

3) Le bureau du gouvernement.

4) La Cour suprême.

5) Le bureau du Procureur général.

6) Le bureau du commissaire aux comptes.

7) Le Conseil de sélection et de formation des services publics.

8) Tous les ministères.

9) Le directeur général du département de l'administration générale (notifié pour information puis diffusion de cette ordonnance aux fonctionnaires de l'administration qui lui sont subordonnés aux niveaux de l'Etat, de la division, du district et de la localité urbaine).

10) Le commandant en chef de la police du Myanmar (notifié pour information puis diffusion de cette ordonnance aux départements et organismes compétents relevant de son autorité).

11) Le directeur général du Bureau of Special Investigation.

12) Le directeur général du département des prisons.

13) Les différents conseils pour la paix et le développement aux niveaux de l'Etat et des divisions.

14) Tous les conseils pour la paix et le développement du niveau du district.

15) Tous les conseils pour la paix et le développement du niveau de la localité urbaine (notifiés pour information puis diffusion de cette ordonnance aux chefs des conseils pour la paix et le développement du niveau des villages relevant de leur compétence).

16) Le directeur général de l'Office de l'impression et des publications (avec demande de publication dans la Gazette officielle du Myanmar).

Le Myanmar est donc intimement convaincu que la deuxième recommandation se trouve pleinement appliquée.

La troisième recommandation tend à ce que des sanctions soient prises contre les personnes reconnues coupables d'infraction à l'article 374 du Code pénal. Il y a lieu d'appeler l'attention sur le paragraphe 6 de l'ordonnance susmentionnée, qui dispose: «Toute personne qui ne se conforme pas à la présente ordonnance s'expose à ce que des sanctions soient prises à son égard sur la base de la législation en vigueur.». Cela veut dire sans aucune équivoque que les contrevenants seront punis conformément à l'article 374 du Code pénal, qui a la teneur suivante:

«Imposition illégale de travail obligatoire

374. Quiconque contraint illégalement une personne, quelle qu'elle soit, à travailler contre sa volonté sera puni d'une peine d'emprisonnement de l'une ou l'autre nature pour une durée pouvant atteindre un an, d'une amende, ou des deux peines.»

Malgré ces dispositions et mesures positives prises résolument et de manière effective par le gouvernement, le BIT déclare dans son «Rapport du Directeur général aux membres du Conseil d'administration sur les mesures prises par le gouvernement du Myanmar pour mettre en œuvre les recommandations de la commission d'enquête chargée d'examiner la plainte concernant l'exécution de de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930», en date du 21 mai 1999:

1) La loi sur les villages et la loi sur les villes n'ont pas été «modifiées».

2) Dans la pratique, le travail forcé ou obligatoire continue d'être imposé de manière généralisée.

3) Aucune mesure ne semble avoir été prise sur la base de l'article 374 du Code pénal pour punir ceux qui ont imposé du travail forcé.

Les éléments sur lesquels le rapport se fonde sont inexacts. Les faits allégués dans le rapport reposent sur les allégations visant des événements antérieurs au 14 mai 1999. Il n'est pas une seule allégation qui porte sur des éléments postérieurs à l'ordonnance du 14 mai 1999. Ainsi, en termes juridiques, on peut donc dire de cette situation que «les faits parlent d'eux-mêmes». Si l'un quelconque des faits allégués était censé être postérieur au 14 mai 1999, les autorités auraient dû en être directement informées.

Le Myanmar, au contraire, continue d'être à la fois objectif et résolu dans son processus de construction d'une nation moderne, placée sous le signe de la paix et de la prospérité, en tenant compte des circonstances telles qu'elles se présentent aujourd'hui. De plus, il est actuellement en train de se doter d'une nouvelle Constitution, qui permettra, une fois achevée, d'ajuster toutes les lois pour répondre aux nécessités d'une nation moderne.

Dans le même temps, le Myanmar se donne pour règle d'avoir «de la charité à l'égard de chacun et de la malice à l'égard de personne». Il existe, en droit, une maxime selon laquelle la justice doit non seulement être faite mais aussi être vue dans son accomplissement. La justice doit également être équitable. Le Myanmar appelle donc tous les Membres de l'OIT à comprendre les faits réels et leur demande leur soutien dans ses discussions au sein de la CIT.

Observations et conclusions

L'observation la plus pertinente qu'il convienne de faire au sujet du rapport du BIT daté du 21 mai 1999 concerne les trois points négatifs contenus dans le paragraphe 61.

Bien que ces trois points se trouvent abordés et contrefaits comme il convient par l'ordonnance no 1/99 du 14 mai 1999 prise par le ministère des Affaires intérieures du gouvernement de l'Union du Myanmar, c'est-à-dire l'ordonnance enjoignant de ne pas exercer les pouvoirs conférés par certaines dispositions de la loi de 1907 sur les villes et de la loi de 1907 sur les villages, le rapport du Directeur général reste muet quant aux explications que contient cette ordonnance, laquelle est simplement annexée audit rapport en tant qu'annexe III.

Il convient de rappeler que, dans une communication antérieure du Directeur général du BIT, plusieurs échéances ont été mentionnées en ce qui concerne la réponse attendue de la part du Myanmar. Il convient de noter que l'ordonnance no 1/99 a été publiée le 14 mai 1999, que ce texte contient notamment des dispositions explicites prévoyant que les paragraphes critiqués de la loi de 1907 sur les villes et de la loi de 1907 sur les villages ne doivent pas être appliquées; qu'il doit être mis un terme immédiatement à tout travail non rémunéré ou obligatoire; que toute personne qui ne s'y conformerait pas s'exposerait à ce que des mesures soient prises à son encontre; que cette ordonnance n'est pas une ordonnance secrète mais qu'elle est diffusée, entre autres, à tous les ministères; qu'elle sera publiée ouvertement et publiquement dans la Gazette officielle du Myanmar afin que chacun puisse en prendre connaissance et qu'enfin elle fait droit à toutes les recommandations de la commission d'enquête.

Par conséquent, on peut constater que le Myanmar a pris des mesures spécifiques et adéquates pour répondre et rectifier les dispositions de la loi sur les villes et de la loi sur les villages et qu'il a également pris les autres mesures préconisées dans les recommandations de la commission d'enquête. Toutes ces dispositions ont été prises en temps opportun.

Mais la question qui se pose est de savoir pourquoi les mesures prises par les autorités du Myanmar n'ont pas été mentionnées dans le rapport du Directeur général, lequel comporte en conséquence les trois observations négatives visées au paragraphe 61 du rapport.

La réponse à cette question réside apparemment dans le fait que l'ordonnance no 1/99 n'a été publiée que le 14 mai, soit cinq jours ouvrables seulement avant l'échéance du 21 mai. On peut conclure que des contraintes de temps se sont opposées à un examen de cette ordonnance et ont conduit les auteurs de ce rapport à se borner à y joindre cette ordonnance en tant qu'annexe III.

Néanmoins, cette contrainte de temps ne peut être invoquée comme un argument selon lequel le Myanmar n'aurait pas fait droit aux recommandations.

Le rapport en question contient les erreurs et omissions que nous venons de signaler.

En outre, il y a lieu de formuler les observations et conclusions suivantes: le rapport est tissé d'accusations infondées et partiales dirigées délibérément contre le Myanmar et son gouvernement.

Les faits allégués dans ce rapport sont à l'évidence des accusations mensongères concoctées dans l'intention maligne d'amener la destruction du Myanmar par des organismes d'expatriés du Myanmar à l'étranger et des groupes renégats qui sont opposés à toutes les mesures prises par le gouvernement du Myanmar. Ces allégations reposent également sur des accusations manifestement mensongères, formulées oralement, par écrit et sous la forme d'annonces par la Ligue nationale pour la démocratie (LND), dont le seul objectif est de susciter des difficultés au gouvernement pour le mettre dans une position intenable.

Aujourd'hui, le gouvernement mène à bien des projets d'équipement en procédant à une planification systématique et à des allocations budgétaires appropriées. De plus, l'essentiel des travaux accomplis dans le cadre de ces projets l'est en ayant recours à des moyens et équipements mécanisés. Tout projet dans le cadre duquel de la main-d'œuvre doit nécessairement être employée comporte un volet budgétaire consacré au paiement des salaires des ouvriers. Tout ouvrier ainsi employé perçoit un salaire équitable et il n'existe pas un seul cas ni le moindre commencement de preuve que du travail forcé serait pratiqué dans le cadre de ces projets.

Le travail nécessité par la construction des grands axes routiers dans diverses régions, notamment de l'axe routier dans l'Etat de Shan, ainsi que par la construction des voies ferrées, est accompli par des membres des forces armées. Pas un seul civil n'est employé dans ce cadre.

Les seuls travaux auxquels la population soit associée se limitent au creusement de petits canaux d'irrigation destinés à acheminer l'eau jusqu'à leurs lopins privés. Les grands projets poursuivis par l'Etat pour la réalisation de canaux d'irrigation et de barrages ne font pas appel à des civils qui seraient soumis à un travail forcé ou qui seraient réquisitionnés. Comme indiqué, lorsque des personnes travaillent, elles le font dans leur propre intérêt et conformément à leurs intentions et à leurs horaires propres, sur leurs lopins de terre particuliers.

Les projets d'équipement de l'Etat ne font appel qu'à des membres des forces armées. Ainsi, l'accusation selon laquelle le gouvernement aurait recours au travail forcé dans le cadre de ces projets est à la fois sans fondement et manifestement erronée. Comme seuls des membres des forces armées sont employés dans le cadre de la réalisation des axes ferroviaires et routiers, prétendre que l'on a recours au travail forcé est absolument insensé.

Les autres projets en cours, tels que ceux concernant la bonification des terres incultes ainsi que la construction de logements et d'hôtels, correspondent tous à des opérations réalisées par des entreprises privées, qui y ont investi leurs capitaux. Le recours à du travail forcé dans ces cas est absolument exclu. En fait, lorsque des conflits du travail surviennent, le gouvernement prend fermement position en faveur des travailleurs en vue du règlement de ces conflits.

Pour ce qui est de l'accusation selon laquelle l'armée réquisitionne des porteurs dans le cadre de ses opérations militaires, on peut dire que telle était autrefois la pratique, lorsque les mouvements de rébellion étaient chroniques. Mais le fait demeure que ces porteurs étaient toujours rémunérés et que le budget de la défense a toujours comporté une imputation de crédits pour le paiement de ces salaires. Ces porteurs jouissaient des mêmes droits que les soldats. Ils percevaient les mêmes rations ainsi que la même solde. En outre, un porteur victime d'une blessure obtenait une indemnisation égale à celle d'un soldat en service et avait droit aux mêmes indemnités de compensation pour la dureté de la mission. Mais cette question des porteurs servant l'armée n'a plus lieu d'être et ne se pose plus depuis que les opérations militaires ne constituent plus une nécessité impérieuse.

Le gouvernement du Myanmar rejette toutes les informations mensongères délibérément fabriquées par la LND.

Une organisation respectée telle que l'OIT ne devrait aucunement ajouter foi aux fausses nouvelles et mensonges fabriqués de toutes pièces par ceux qui n'ont qu'hostilité et ressentiments pour le Myanmar et son gouvernement actuel et qui ne sont animés que par la volonté de détruire ce pays et mettre à mal son gouvernement.

Enfin, il y a lieu de répéter que le Myanmar, en tant que Membre responsable de l'OIT, entretient de longue date des relations de coopération avec cette organisation et a, par le passé, réglé les questions dans un esprit de coopération. Cet esprit de coopération demeurera à l'avenir.

Le nombre considérable de conventions – notamment de conventions fondamentales de l'OIT – que le Myanmar a ratifiées atteste de cette coopération.

Aujourd'hui, l'OIT s'emploie à inciter et persuader les pays qui ne l'ont pas encore fait à ratifier ou autrement accéder aux conventions auxquelles ils ne sont pas encore devenus parties.

Dans ce climat favorable qui a été créé par les Membres de l'OIT, il serait assurément malencontreux, voire contre-productif, qu'un nombre croissant de Membres de l'Organisation deviennent parties aux conventions fondamentales alors qu'un Membre, en l'occurrence l'Union du Myanmar, ayant ratifié une convention fondamentale, se trouve injustement désigné et critiqué.

Cette attitude contribuera assurément à inciter ceux qui n'ont pas encore signé de conventions fondamentales à laisser les choses en l'état et même à les dissuader de signer de telles conventions, au détriment de l'ensemble des Membres de l'OIT.

En outre, un représentant gouvernemental a réitéré devant la commission l'information écrite complète fournie par son gouvernement sur le cas figurant ci-dessous.

Les membres travailleurs ont rappelé qu'au cours de la discussion générale le membre gouvernemental indien a indiqué que la procédure constitutionnelle basée sur l'article 26 constitue une mesure extrême, conçue pour des situations extrêmes qui n'existent que lorsqu'un Etat Membre omet sciemment et délibérément de prendre des mesures pour faire droit aux suggestions et recommandations des organes de contrôle. Il a conclu que l'article 26 ne devrait être appliqué qu'en dernier recours. De ce fait, le gouvernement du Myanmar justifie expressément les mesures les plus fortes dont disposent les organes de contrôle, en raison de son refus persistant de satisfaire à ses obligations en vertu de la convention.

Depuis plus de trente-cinq ans, la commission d'experts dénonce les méfaits du travail forcé en Birmanie. Cependant, aucune mesure quelle qu'elle soit n'a été prise par le gouvernement pour mettre un terme à cette pratique. Au contraire, ces dernières années, ce fléau s'est aggravé. Aujourd'hui, pour la quatrième fois en huit ans, la Commission de la Conférence examine ce cas. Dans le même temps, une réclamation sur la base de l'article 24 a été déclarée recevable par le Conseil d'administration; ce dernier a adopté de manière tripartite, en 1994, des conclusions confirmant que le Myanmar est en situation de violation fondamentale de la convention et a appelé celui-ci à procéder aux changements nécessaires de sa législation, à faire respecter la loi et à punir ceux qui se sont rendus coupables d'une exploitation continuelle du travail forcé dans l'ensemble du pays. A nouveau, aucune mesure n'a été prise par le gouvernement, que ce soit en droit ou dans la pratique.

La Commission de la Conférence s'est déclarée profondément préoccupée par la gravité de la situation du pays en 1995 et en 1996. Elle a repris dans des termes encore plus vifs son exhortation au gouvernement d'abolir toute les dispositions juridiques et de renoncer immédiatement à toutes les pratiques contraires à la convention. Pour souligner ses préoccupations, elle a fait mention de ses conclusions dans un paragraphe spécial de son rapport et a cité, en 1996, ce cas comme un cas de défaillance persistante dans la mise en œuvre d'une convention ratifiée. Il n'en est toujours résulté aucune réaction de la part du gouvernement, si ce ne sont de nouvelles dénégations, de nouvelles temporisations et de nouveaux faux-fuyants. Enfin, après que l'on eut tenté, pendant de nombreuses années, de persuader le gouvernement de satisfaire à ses obligations contractuelles et mettre un terme au calvaire de centaines de milliers de victimes de ces pratiques innommables, une plainte a été présentée, sur le fondement de l'article 26 de la Constitution, puis rapidement déclarée recevable par le Conseil d'administration. En mars 1997, une commission d'enquête a été constituée, qui a siégé à huis clos en novembre 1997 avant d'effectuer une mission dans la région au début de 1998. Le régime militaire aurait pu participer aux audiences et présenter ses propres témoins. Il aurait pu coopérer avec la commission d'enquête lorsque celle-ci s'est rendue dans la région. Mais il a choisi de ne pas le faire et a même empêché la commission d'enquête de pénétrer sur le territoire.

Malgré cette absence totale de coopération, la commission d'enquête a mené ses travaux à bien et constitué un dossier de près de 400 pages. Elle a conclu que les faits démontrent amplement le recours généralisé au travail forcé imposé à la population civile dans l'ensemble du Myanmar par les autorités et les forces armées dans un grand nombre de domaines: portage, travaux d'infrastructure, entretien et services auxiliaires de camps militaires, autres tâches d'appui de l'armée, travaux agricoles et autres opérations de production dirigés par les autorités ou par l'armée, parfois pour le compte de particuliers, ou encore construction et entretien d'axes routiers, de voies ferrées, de ponts ou autres ouvrages d'infrastructure. La commission d'enquête a également conclu que le travail forcé dans le pays est largement accompli par des femmes, des enfants et des personnes âgées, le fardeau de cette tâche pesant plus particulièrement sur les groupes ethniques non birmans, notamment dans les zones marquées par une forte présence militaire.

Les recommandations de la commission d'enquête ont été reprises par la commission d'experts. Ces recommandations appelaient instamment le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les textes législatifs pertinents, notamment la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient rendus conformes à la convention, comme le gouvernement promet de le faire depuis plus de 30 ans. La commission d'enquête a également insisté pour qu'il ne soit plus imposé de travail forcé par les autorités, en particulier par l'armée. Enfin, la commission d'enquête a insisté sur le fait que la faculté d'imposer du travail obligatoire serait réputée persister tant que des sanctions pénales n'auraient pas été prises à l'égard des responsables. Des informations étaient donc demandées quant à savoir si d'éventuels coupables avaient effectivement été sanctionnés.

A sa session de mars 1999, les membres du Conseil d'administration, organe tripartite, ont appelé le gouvernement à procéder aux modifications nécessaires de sa législation afin de la rendre conforme à la convention avant le 1er mai 1999. Ils ont également prié le Directeur général d'établir, pour le 21 mai 1999, un rapport concernant les mesures prises par le gouvernement pour faire suite aux recommandations de la commission d'enquête. Il y a lieu de féliciter le Directeur général du Bureau d'avoir pu établir dans un délai aussi court un rapport aussi exhaustif et aussi bien documenté.

Le Directeur général avait invité le gouvernement à lui faire connaître de manière détaillée pour le 3 mai 1999 au plus tard toutes mesures prises en réponse à chacune des recommandations de la commission d'enquête. Il avait également invité les Etats Membres et les organisations de travailleurs et d'employeurs à fournir des informations. Quatorze gouvernements, ainsi que la FAO, le HCR, l'ONUDI, le FMI et la Banque mondiale, de nombreuses organisations de travailleurs et d'employeurs, de nombreuses organisations s'occupant des droits de l'homme, ainsi que la Fédération en exil des syndicats de la Birmanie ont répondu à cet appel. Le rapport du Directeur général contenait de nouveaux éléments étayant les conclusions de la commission d'enquête en démontrant que diverses formes de travail forcé continuent de sévir dans l'ensemble du pays. Il apportait en outre des éléments démontrant le recours persistant au travail forcé dans pratiquement chacun des Etats à composante ethnique du pays comme moyen de réprimer les aspirations de ces minorités. Il contenait enfin des éléments concernant la persistance du recours au travail forcé dans les zones birmanes. La portée et l'étendue des informations contenues dans le rapport de la commission d'enquête et dans celui du Directeur général sont impressionnantes.

Les informations qui précèdent mettent en perspective les éléments fournis par le gouvernement. Celui-ci indique dans une lettre du 18 mai 1999 adressée au Directeur général que l'ordonnance no 1/99 enjoint aux autorités compétentes de ne pas se prévaloir des pouvoirs que leur confèrent la loi sur les villes et la loi sur les villages. Cette lettre est la reconnaissance implicite par le gouvernement qu'il n'avait pas modifié sa législation au 1er mai 1999, comme le Conseil d'administration lui avait demandé de le faire. Le fait est que le Directeur général constate dans son rapport que cette ordonnance ne correspond pas à une modification de ces deux lois, comme la commission d'enquête l'avait recommandé. Il s'ajoute à cela que cette ordonnance est susceptible d'être annulée à tout moment.

Le représentant gouvernemental n'a pas fourni non plus d'information nouvelle permettant de penser que les autres recommandations auraient été appliquées. Le seul élément nouveau avancé par le représentant du gouvernement est d'avoir suggéré que tous les éléments précédemment constatés sont antérieurs au 14 mai 1999 et que l'entrée en vigueur de la nouvelle ordonnance aurait radicalement changé la situation.

Les membres travailleurs rappellent que, pas plus tard que le 1er mai 1999, le général Than Shwe, président du Conseil d'Etat pour la paix et le développement, a incité les travailleurs à se défier des nouveaux colonialistes qui s'ingèrent dans les organisations internationales et les manipulent sous couvert d'œuvrer pour la sauvegarde des droits de l'homme et des droits des travailleurs. Deux semaines plus tard, lors d'une conférence de presse tenue dans le cadre de la treizième réunion des ministres du travail de l'ANASE, le régime militaire a encore réitéré son déni total de l'existence de travail forcé en Birmanie, arguant à nouveau que c'est l'une des plus nobles traditions du peuple birman que de faire don librement de son travail, dans la conviction que ce travail bénévole vaut à chacun des bienfaits, ici bas comme dans une existence future. Ces commentaires démontrent la véritable nature de la coopération du régime avec l'OIT.

Pour conclure, les membres travailleurs ont cité les conclusions de la commission d'enquête, laquelle a considéré que «l'impunité avec laquelle les fonctionnaires du gouvernement, et en particulier les membres des forces armées, traitent la population civile comme une réserve illimitée de travailleurs forcés non rémunérés et de serviteurs à leur disposition fait partie d'un système politique fondé sur l'utilisation de la force et de l'intimidation pour dénier au peuple du Myanmar la démocratie et le respect du droit. L'expérience de ces dernières années tend à prouver que l'établissement d'un gouvernement librement choisi par le peuple et la soumission de toute autorité publique au droit sont, en pratique, des conditions indispensables à l'élimination du travail forcé au Myanmar.» La commission d'enquête exprimait l'espoir que, dans un proche avenir, l'ordre ancien ferait place à une ère nouvelle, dans laquelle toute personne aurait la possibilité de vivre dans la dignité et de s'épanouir pleinement et en toute liberté et où nul ne serait asservi. Elle concluait que cela ne pourrait advenir que si la démocratie était rétablie et que si le peuple dans son ensemble pouvait exercer le pouvoir pour le bien de tous. Les membres travailleurs réaffirment que, à moins que des changements fondamentaux ne se produisent, il restera illusoire de penser délivrer le pays de plusieurs décennies de travail forcé.

Les membres employeurs ont noté que la commission d'experts a commencé à formuler des observations à ce sujet au début des années quatre-vingt-dix et que ce cas n'est pas nouveau pour la Commission de la Conférence, ce qui a été indiqué par le passé dans des paragraphes spéciaux. Entre-temps, une procédure de réclamation a été entreprise sur la base de l'article 24 de la Constitution, de même qu'une procédure de plainte sur la base de l'article 26. Les membres employeurs ont fait ressortir que l'ensemble des informations portées à leur connaissance ne font que confirmer les appréhensions quant à la gravité de la situation au Myanmar. Ils constatent que cette situation est hélas fort simple et que, conformément à ce que fait ressortir le rapport de la commission d'enquête: «De très nombreux éléments montrent que les autorités civiles et militaires recourent de manière généralisée au travail forcé, y soumettant la population civile dans tout le Myanmar, pour des missions telles que le portage, les travaux d'infrastructure, l'entretien et les services auxiliaires des camps militaires, d'autres missions d'appui de l'armée, des travaux agricoles et forestiers, et d'autres opérations de production menées sous la direction des autorités civiles ou militaires, parfois pour le compte de particuliers, de même que dans le cadre de la construction et de l'entretien de routes, voies ferrées ou ponts, pour d'autres travaux d'infrastructure ou pour toute une série d'autres tâches... Le travail forcé au Myanmar est fréquemment accompli par des femmes, des enfants et des personnes âgées, ainsi que par des personnes qui seraient normalement inaptes au travail... Toutes les informations et tous les éléments dont la commission a été saisie démontrent le mépris total des autorités pour la sécurité, la santé ainsi que les besoins essentiels des personnes accomplissant un travail forcé ou obligatoire... De nombreuses personnes sont ainsi blessées ou y laissent la vie...». Les membres employeurs ont rappelé que les préoccupations soulevées découlent de certaines dispositions de la loi sur les villages et de la loi sur les villes et, plus spécifiquement, sur les problèmes de pratique. S'il existe une législation prévoyant des sanctions à l'encontre de ceux qui auront imposé du travail à autrui contre sa volonté (article 374 du Code pénal), cette disposition, convient-il de souligner, n'a pas été appliquée et ce sont les autorités qui ordonnent et organisent le travail forcé.

Les membres employeurs ont souligné qu'une commission d'enquête emploie rarement des termes aussi vifs que ceux du rapport sur le travail forcé au Myanmar, lequel fait état d'un recours «généralisé et systématique» au travail forcé ou obligatoire «dans un mépris total de la dignité humaine, de la sécurité, de la santé et des besoins essentiels de la population du Myanmar». Ils ont souligné les trois principales recommandations de la commission d'enquête: i) que les textes législatifs pertinents soient modifiés comme le demande la commission d'experts et comme le gouvernement le promet depuis plus de trente ans; ii) que, dans la pratique, il ne soit effectivement plus fait recours, par les autorités, notamment par l'armée, au travail forcé ou obligatoire; iii) que les sanctions pouvant être prises en vertu du Code pénal soient strictement appliquées, étant donné que la faculté d'imposer du travail obligatoire sera réputée n'avoir pas cessé tant que ceux qui y recourent n'auront pas fait l'objet d'une procédure pénale. De l'avis des membres employeurs, du fait que, pour le gouvernement, la distinction entre travail ordinaire et travail forcé soit devenue si floue, comme en atteste la déclaration du représentant gouvernemental, selon laquelle la population fait traditionnellement don de son travail afin que l'amélioration des infrastructures du pays puisse s'accomplir plus rapidement, des efforts considérables devront être entrepris pour changer les comportements et faire connaître les changements de pratique à la population. Ils ont ensuite évoqué les déclarations du représentant gouvernemental selon lesquelles le rapport de la commission d'enquête serait un tissu d'accusations infondées et partiales et les faits allégués constitueraient des accusations manifestement erronées, à motivation politique.

Les membres employeurs ont estimé que cela illustrait l'attitude du gouvernement pour qui aucun changement n'était nécessaire ni ne serait entrepris. Cependant, le gouvernement a également fait part de son intention de coopérer avec l'OIT en vue de se conformer aux recommandations. La réponse du gouvernement illustre une fois de plus son attitude contradictoire et son manque de crédibilité. Se référant à l'ordonnance no 1/99 du 14 mai 1999, les membres employeurs se sont demandé si un tel instrument pouvait modifier une loi et si le gouvernement avait vraiment l'intention de se conformer aux recommandations. L'ordonnance dispose que toute loi en vigueur doit être appliquée si les dispositions de l'ordonnance elle-même ne sont pas exécutées. Cela démontre clairement que le gouvernement n'a pas l'intention d'abroger ni d'amender la législation en question.

En ce qui concerne la recommandation que des mesures concrètes soient prises pour mettre un terme aux pratiques en vigueur par des actes publics du pouvoir exécutif promulgués et diffusés à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et dans l'ensemble de la population, le représentant gouvernemental a indiqué que la nouvelle ordonnance avait été communiquée à 16 autorités et qu'il s'était donc conformé à cette exigence. Le représentant gouvernemental a également déclaré que toute personne ne respectant pas la nouvelle ordonnance s'exposerait à des sanctions. Toutefois, de telles déclarations prouvent le refus persistant du gouvernement d'amender la législation et d'imposer des sanctions en application des lois existantes.

Les membres employeurs ont exprimé le regret que la déclaration du représentant gouvernemental n'indique pas clairement une volonté politique de modifier la législation et la pratique nationales. Ils ont invité la commission à prendre note avec un profond regret du recours persistant au travail forcé au Myanmar et à exhorter le gouvernement de la manière la plus ferme possible à respecter ses obligations.

Le membre gouvernemental de la Chine a déclaré souhaiter que la commission prenne note des nouveaux progrès accom-
plis par le gouvernement dans le sens de l'application de la convention, comme fait état par le représentant gouvernemental de ce pays.

S'exprimant également au nom des membres gouvernementaux de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, du Canada, du Danemark, de l'Espagne, de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal et de la Suède, le membre gouvernemental du Royaume-Uni a déclaré que le rapport de la commission d'experts apporte une fois de plus des preuves accablantes du recours au travail forcé et d'autres violations des droits de l'homme en Birmanie. A de nombreuses reprises, tant au sein de la Commission de la Conférence que dans d'autres enceintes, les gouvernements au nom desquels il s'est exprimé ont fait part de leur sérieuse préoccupation face à cette situation déplorable.

La commission d'enquête a conclu que le régime militaire de Birmanie a le pouvoir absolu d'exploiter le travail forcé sous la menace de torture, de viols et de meurtres et que la charge du travail forcé dans le pays est supportée de manière disproportionnée par les minorités ethniques et d'autres groupes vulnérables, y compris les femmes, les enfants et les personnes âgées. La commission d'enquête a recommandé que le recours au travail forcé cesse immédiatement et que les autorités mettent leur législation en conformité avec la convention et appliquent les sanctions pénales existantes. En dépit des assurances répétées du représentant gouvernemental selon lesquelles le régime prend des mesures en vue de mettre fin au travail forcé, le rapport récent du Directeur général démontre, une fois de plus, que les recommandations de la commission d'enquête n'ont pas été suivies d'effet et que le peuple birman continue à être victime de violations des droits de l'homme graves et systématiques.

En adoptant la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, les 174 Etats Membres de l'OIT ont réaffirmé leur engagement envers les principes essentiels de l'Organisation relatifs aux droits de l'homme, y compris l'abolition du travail forcé. L'Organisation tout entière et son système de contrôle risquent d'être discrédités si des mesures décisives ne sont pas prises pour assurer que les autorités birmanes respectent sans délai leurs obligations vis-à-vis de l'OIT. Il convient d'examiner toutes les options existantes pour garantir le respect par les autorités de Birmanie de leurs obligations envers l'Organisation, et la Commission de la Conférence devrait donner un mandat le plus clair possible pour l'adoption de telles mesures.

Le membre gouvernemental du Canada a noté une fois de plus que la situation en Birmanie reste inchangée. La liberté d'association n'est pas respectée, le recours au travail forcé et au travail des enfants est largement répandu. La Birmanie viole de la manière la plus continue et la plus grave les droits fondamentaux des travailleurs et les normes internationales du travail et continue à manifester son plus profond mépris à l'égard des procédures de l'OIT et de l'opinion de la communauté internationale, comme le démontre la totale absence de sincérité et de fondement de la déclaration du représentant gouvernemental.

Ce cas a été discuté au sein de l'OIT depuis 1987, mais les autorités birmanes n'ont pris aucune mesure concrète afin de se conformer aux recommandations de la commission d'enquête. Les autorités birmanes sont par conséquent instamment priées de prendre des mesures concrètes et immédiates afin de mettre un terme à la situation inacceptable qui prévaut dans le pays. L'oratrice a partagé l'opinion du membre gouvernemental du Royaume-Uni selon laquelle l'Organisation tout entière et son système de contrôle risquent d'être discrédités si des mesures décisives ne sont pas prises pour assurer que les autorités birmanes respectent sans délai leurs obligations vis-à-vis de l'OIT. Il convient d'examiner toutes les options existantes pour garantir le respect par les autorités de Birmanie de leurs obligations envers l'Organisation.

Le membre travailleur de la Colombie a déclaré qu'il paraît incroyable qu'à la fin du XXe siècle il existe encore, au Myanmar, des conditions de travail forcé et d'esclavage. L'intervenant a rappelé que, depuis des années, la commission d'experts, la commission d'enquête et les membres de la Commission de l'application des normes de la Conférence insistent sur la nécessité impérieuse d'une solution au problème, le gouvernement de ce pays se bornant constamment à formuler des promesses qui restent sans suite. Il a rappelé que la commission d'enquête a conclu que, malgré les dénégations du gouvernement, le travail forcé existe au Myanmar et que ce travail s'étend aussi bien aux femmes et aux enfants qu'aux hommes. A son avis, il conviendrait de demander au représentant du gouvernement du Myanmar quel est le type de société qu'il entend bâtir en bafouant comme il le fait la dignité de l'être humain et jusqu'à quand les membres de la présente commission devront entendre des justifications qui n'apportent aucune solution. Pour conclure, il a invité instamment le gouvernement à renoncer à ses prises de position purement rhétoriques consistant notamment à évoquer des instruments juridiques pour prendre enfin des mesures concrètes tendant à mettre un terme au travail forcé.

Le membre travailleur de l'Irlande a déclaré que l'attitude adoptée par les autorités birmanes à l'égard de la communauté internationale en général et de l'OIT en particulier se caractérise par le subterfuge et le double langage, comme le démontre sans l'ombre d'un doute la question du travail forcé et de la non-application de la convention. La situation a été amplement décrite dans les rapports de la commission d'enquête et de la commission d'experts. La persistance du travail forcé sur une grande échelle a été largement démontrée, comme l'ont été les responsabilités personnelles et individuelles de ceux qui se sont rendus coupables de ce crime contre l'humanité. La commission d'enquête avait demandé que la loi sur les villes et la loi sur les villages soient modifiées, qu'il soit mis un terme au recours au travail forcé ou obligatoire et que des sanctions pénales soient prises en application de l'article 374 du Code pénal à l'encontre de ceux qui ont imposé du travail forcé. Comme il ressort du rapport adressé par le Directeur général au Conseil d'administration en mai 1999, ces conditions n'ont pas été satisfaites et les autorités ont une fois de plus recouru à des faux-fuyants. Dans une lettre adressée au Directeur général, elles ont déclaré que les dispositions mises en cause des deux lois susmentionnées avaient été suspendues, comme demandé par le BIT, et que cette mesure avait été largement annoncée. Or, il s'est avéré, comme l'a fait apparaître le rapport suivant du BIT, que cette mesure n'entraînait aucune conséquence pratique et qu'en outre l'annonce de ces changements avait été passée sous silence par la radio, la télévision et la presse du pays. Il ne s'agissait, donc, à l'évidence, de rien d'autre qu'un effet d'apparence, conçu pour abuser l'OIT et la communauté internationale.

L'intervenante a déclaré que ni le mouvement international des travailleurs, ni la communauté internationale ne se laisseront cependant abuser par une autre promesse. Le problème du travail forcé ne se résume pas à celui que posent la loi sur les villes et la loi sur les villages, mais au contraire ses causes profondes résultent du fait que c'est le régime lui-même qui y a recours. Le régime serait donc à même, s'il le voulait, de mettre immédiatement un terme à cette pratique.

Pour conclure, l'intervenante a déclaré que toutes les mesures possibles devront être prises par l'OIT pour que disparaisse cette pratique inqualifiable. Les constatations et conclusions de la commission d'enquête devront être largement diffusées dans l'ensemble du système des Nations Unies et, notamment, auprès des institutions actives en Birmanie. Il appartiendra à l'OIT de continuer à exercer un contrôle étroit sur cette situation tant qu'elle persistera. A cela s'ajoute que les éléments rassemblés par le BIT pourraient un jour être transmis au Tribunal pénal international. Bien au-delà de la pure violation de la convention, le travail forcé et l'esclavage constituent des crimes contre l'humanité qui doivent être condamnés en tant que tels. De plus, l'OIT devrait envisager l'annulation ou la restriction des privilèges que lui confère la qualité de Membre de l'Organisation jusqu'à ce que ce pays fasse droit aux recommandations de la commission d'enquête et respecte les normes internationales fondamentales de bienséance et de respect de l'humanité.

Le membre travailleur du Pakistan s'est rallié aux déclarations des orateurs précédents selon lesquelles la situation dans ce pays était très préoccupante. La différence ente la liberté et l'esclavage repose sur le droit de choisir librement un emploi rémunéré et productif. L'esclavage consiste à imposer un travail aux personnes concernées contre leur volonté. Tous ceux qui croient en la dignité humaine et au respect des hommes condamnent le travail forcé et l'esclavage. L'un des objectifs fondamentaux du mouvement des travailleurs dans son ensemble est justement de combattre ces fléaux qui anéantissent la dignité de l'humanité dans tous les pays. Ces principes sont à juste titre fixés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, la Déclaration adoptée lors du Sommet social et la Déclaration de l'OIT relative aux principes fondamentaux et droits au travail. Le travail forcé est un crime contre l'humanité et doit être éliminé là où il sévit. La commission d'enquête a conclu, sans le moindre doute, que la population du Myanmar, y compris les femmes, les enfants, les personnes malades ou blessées, est forcée à exécuter un travail contre sa volonté, sous la menace de mauvais traitements, de tortures et de viols.

Bien que la commission d'enquête ait clairement indiqué que la législation devait être amendée, les autorités se sont contentées d'adopter une ordonnance qui n'a pas l'autorité juridique pour suspendre les deux lois en question. De même, aucune information n'a été fournie sur le nombre de personnes ayant été condamnées pour avoir imposé le travail forcé ni sur les autres mesures adoptées. La commission devrait exprimer sa grande préoccupation face à cette situation et demander à ce pays de prendre des mesures concrètes en vue de respecter ses obligations vis-à-vis de la communauté internationale et de donner effet aux recommandations de la commission d'enquête plutôt que de se contenter de belles paroles sur les principes en question.

Le membre travailleur du Canada a déclaré avec force que les éléments démontrent le caractère criminel d'une situation inqualifiable. Les travailleurs du Canada sont profondément indignés par l'absence de coopération du gouvernement à l'égard de l'OIT et par la persistance du travail forcé dans le pays. Dans ses informations écrites, le gouvernement a affirmé que des courants hostiles sont parvenus, par des accusations mensongères, à persuader certains membres du groupe des travailleurs d'engager une procédure de plainte sur le fondement de l'article 26 de la Constitution de l'OIT. En réalité, la plainte a été présentée à la 83e session de la CIT par 25 délégués travailleurs ayant tous été membres ou membres suppléants du Conseil d'administration. Le Conseil d'administration, organe tripartite, a quant à lui décidé à l'unanimité de déclarer la plainte recevable et d'instituer une commission d'enquête.

Conformément aux conclusions et recommandations de la commission d'enquête, le Conseil d'administration avait demandé au gouvernement de modifier la législation mise en cause avant le 1er mai 1999. Le gouvernement non seulement n'a rien fait de tel mais, selon ce qu'il ressort de ses informations écrites, semble traiter ces recommandations par le mépris. L'intervenant s'est déclaré favorable à ce que la commission adopte, pour ce cas, qui se présente comme le pire de tous, des conclusions dans les termes les
plus vifs.

Le membre travailleur du Zimbabwe a rappelé que les conclusions de la commission d'enquête démontrent amplement que les autorités gouvernementales et les forces armées soumettent largement la population civile au travail forcé. Cette forme d'exploitation est utilisée à des fins diverses – activités forestières, travaux agricoles, travaux d'infrastructure, entretien des voies ferrées, des axes routiers et des ponts –, parfois pour le compte de particuliers. Le pire, c'est que ce travail forcé est accompli par des femmes, des enfants, des personnes âgées, y compris des personnes normalement inaptes au travail. Cette situation est absolument inacceptable, de quelque point de vue que ce soit. La commission d'enquête a également conclu que le gouvernement n'a absolument aucun égard pour la sécurité, la santé et les besoins élémentaires des personnes soumises au travail forcé. A cela s'ajoute que certaines de ces victimes du travail forcé sont en outre l'objet de sévices corporels. Contrairement aux assertions du représentant gouvernemental selon lesquelles la dénonciation de cette situation reposerait sur des allégations mensongères à motivation politique, force est de reconnaître que ce cas constitue incontestablement un cas extrême de sévices, de tortures et d'esclavage auquel le gouvernement soumet ses propres ressortissants.

L'intervenant a appelé instamment le gouvernement à prendre sans délai les mesures nécessaires pour faire droit à l'ensemble des recommandations formulées par la commission d'enquête. Il a appelé la commission à formuler ses conclusions dans les termes les plus vifs, dans l'espoir que le gouvernement finira par satisfaire à ses obligations.

Le membre travailleur de la Grèce a rappelé que tout près de Genève sévit une guerre dans laquelle la communauté internationale a décidé de défendre une minorité ethnique dont les droits étaient bafoués. Après avoir lu l'observation de la commission d'experts, il convient de s'interroger sur l'action que doit mener la communauté internationale pour défendre les ethnies dont les droits sont bafoués au Myanmar et dont la vie dépend d'une oligarchie. La commission doit-elle s'en tenir aux changements annoncés ou prendre des mesures concrètes pour que le calvaire du peuple birman cesse? Tout en soulignant que la commission n'est pas un tribunal, il a indiqué que, si elle l'était, le gouvernement serait condamné à la peine maximale. Le peuple birman a déjà souffert trop longtemps et il doit être mis fin à ces souffrances.

L'orateur a interrogé le représentant gouvernemental du Myanmar sur la situation de deux syndicalistes en lui demandant de confirmer si, et pour quels motifs, Myo Aung Thant et Khin Kyaw avaient été condamnés le 13 juin 1997 respectivement à la prison à vie plus 7 ans et à 17 années d'emprisonnement.

Le membre gouvernemental de l'Indonésie a déclaré qu'il avait suivi avec grand intérêt l'examen de ce cas devant le Conseil d'administration et la Commission de la Conférence et qu'il partageait les préoccupations exprimées par les membres employeurs et travailleurs et certains membres gouvernementaux. En mars 1999, sa délégation s'est jointe à celle de nombreux autres gouvernements pour demander au Conseil d'administration de donner du temps au gouvernement afin qu'il puisse répondre aux conclusions de la commission d'enquête. Il déclare que les préoccupations du Conseil d'administration seront également transmises au gouvernement. En mai 1999, lors d'une visite au Myanmar, il a rencontré les représentants du gouvernement et a ainsi été informé de la constitution de deux équipes nationales, l'une constituée de hauts fonctionnaires et l'autre constituée au niveau ministériel, qui sont chargées de préparer les réponses et communications relatives à ce cas, adressées à l'OIT. Ces deux équipes ont pris de nombreuses mesures en rapport avec les conclusions du Conseil d'administration et de la commission d'enquête. Avant que l'orateur ne quitte le pays, le gouvernement a pris l'ordonnance no 1/99 interdisant aux autorités exécutives d'exercer les pouvoirs conférés par certaines dispositions de la loi sur les villes et la loi sur les villages. Cette mesure importante semble montrer que le gouvernement prend la voie d'une action concrète. D'après les discussions informelles qu'il a eues avec les fonctionnaires du gouvernement et d'après la déclaration faite par le représentant gouvernemental, il semble que le gouvernement s'engage à revoir ces deux lois.

L'orateur est convaincu qu'après l'écoulement d'un certain laps de temps le gouvernement devrait être capable de respecter les recommandations de la commission d'enquête ainsi que la convention. Il convient toutefois de signaler que l'amendement d'une législation requiert plusieurs années. La commission devrait, en conséquence, apporter son assistance au gouvernement afin qu'il puisse poursuivre les mesures qu'il a prises.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis s'est rallié sans réserve aux déclarations des membres gouvernementaux du Royaume-Uni et du Canada et a rappelé que la commission formule depuis un certain nombre d'années des commentaires particulièrement énergiques sur cette violation flagrante de la convention par le Myanmar. Les accusations de recours généralisé, par les autorités et par les forces armées, au travail forcé imposé à la population civile sont étayées par plusieurs milliers de pages de dossiers. Ce sont des femmes, des enfants et des personnes âgées qui sont soumis à des sévices, à des viols ou qui sont assassinés.

A chacune des sessions de la Commission de la Conférence et du Conseil d'administration, les autorités promettent des changements, sans que rien ne se produise. La commission d'enquête a demandé, dans ses recommandations, qu'il soit mis immédiatement un terme à ces pratiques inavouables et elle avait fixé comme échéance pour modifier la législation le 1er mai 1999. Pour faire suite à une demande du Conseil d'administration, le Directeur général a fait paraître un rapport sur les suites données aux recommandations de la commission d'enquête. Non moins de 10 organisations internationales et 14 Etats Membres ont apporté des informations pour l'établissement de ce rapport. Le Directeur général a conclu que, malgré la promulgation de l'ordonnance du 14 mai 1999, rien n'indique que les recommandations de la commission d'enquête aient été suivies. La loi sur les villages et la loi sur les villes n'ont pas été modifiées; la pratique du travail forcé et du travail obligataire reste généralisée; aucune sanction ne semble avoir été prise sur la base de l'article 374 du Code pénal à l'encontre de ceux qui ont imposé du travail forcé. L'existence de milliers de personnes reste en péril. Les réserves de patience sont épuisées. L'heure est venue, pour l'Organisation, d'entreprendre les mesures les plus énergiques pour obtenir le respect des obligations que le gouvernement a acceptées de lui-même en ratifiant la convention.

Le membre travailleur de l'Allemagne a déclaré que, s'il fallait d'autres éléments pour prouver le manque de volonté politique du gouvernement du Myanmar pour améliorer la situation, la réaction de ce dernier face aux recommandations formulées par la commission d'enquête en avait fourni en abondance. Les informations écrites communiquées par le gouvernement montrent qu'il considère avoir donné déjà effet à la deuxième recommandation de la commission d'enquête en prenant l'ordonnance no 1/99 du 14 mai 1999. La commission d'enquête avait exhorté le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour s'assurer qu'aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités. Le gouvernement semble croire qu'il a résolu le problème en procédant à l'adoption d'un texte et en le transmettant à 16 autorités officielles. L'orateur se rallie à l'opinion des précédents intervenants selon laquelle la commission devrait dans ses conclusions sur ce cas recommander l'adoption des mesures les plus fermes.

En réponse, le représentant gouvernemental a déclaré qu'il avait écouté très patiemment tous les orateurs. Il faut garder à l'esprit la situation particulière des différents pays ainsi que les caractéristiques de leurs systèmes législatifs respectifs. Une convention est un traité international relevant du droit international. Cependant, chaque pays dispose de son propre système juridique national ou local par l'intermédiaire duquel sont mises en œuvre les dispositions de la convention. Il n'existe par conséquent pas de pratique uniforme en ce qui concerne l'exécution de traités au niveau national. Le Myanmar a son propre système d'application et d'amendement de la législation. Si une volonté politique n'avait pas existé, aucune mesure n'aurait été prise.

Selon le point de vue des juristes internationaux, il n'existe pas de pratique uniforme concernant l'application au niveau local, chaque pas ayant ses propres particularités en matière de publication des traités, de reconnaissance des traités, etc. Quant à la manière dont les lois locales sont élaborées, il s'agit là d'une question interne relevant du pouvoir discrétionnaire de l'Etat et dans laquelle aucun autre Etat n'a le droit d'interférer dans la mesure où il est fait porter effet à toutes les obligations internationales de l'Etat. Le point de vue des juristes internationaux, ainsi que la pratique internationale en la matière, constituent une source du droit international.

L'arrêté 1/99 est une mesure législative d'ordre strictement interne adoptée conformément à la pratique susmentionnée: dans le système législatif du Myanmar, l'autorité législative est autorisée à amender les lois par voie d'arrêté. Elle transmet ensuite l'arrêté au ministère de l'Intérieur dans un mémorandum en vue de l'adoption d'un arrêté tendant à faire cesser l'application de la disposition incriminée contenue dans la loi sur les villages et dans la loi sur les villes. Les dispositions non conformes à la convention no 29 sont abrogées de cette manière. En vertu du modus operandi du Myanmar, certaines lois peuvent être abrogées par voie d'arrêté afin
d'en assurer la conformité avec la convention. Ce droit est reconnu par la législation internationale et le Myanmar en a respecté les conditions.

Comme cela a déjà été indiqué, le Myanmar, en vertu de ses droits souverains, ainsi que du droit international, a abrogé les dispositions non conformes d'une manière admise par le droit international. L'autorité législative en a donné l'instruction et l'autorité exécutive a pris l'arrêté approprié.

Cependant, l'adoption de l'ordonnance no 1/99 constitue un progrès. L'instruction a été donnée par le pouvoir législatif et l'ordonnance a été adoptée par le pouvoir exécutif. Elle a pour effet de supprimer les dispositions litigieuses de la loi sur les villages et de la loi sur les villes. A cet égard, lors d'une conférence de presse tenue le 15 mai 1999 à l'occasion de la réunion des ministres du Travail de l'ASEAN, il a été dit que des mesures avaient été prises pour faire cesser l'application des dispositions litigieuses, en application du système juridique national. Chaque Etat est libre de donner effet aux mesures nécessaires conformément à son propre système.

En réponse aux questions du membre travailleur de la Grèce, l'orateur a affirmé que, s'il était prouvé qu'une personne a violé la loi, cette personne se verrait imposer les sanctions correspondantes. Il a déclaré qu'au Myanmar nul n'est au-dessus de la loi. Toute personne qui viole celle-ci encourt une sanction. Les personnes visées par la loi pénale sont sanctionnées en raison de la violation de celle-ci et non en tant que travailleur. Au cas où, après l'adoption de la loi, une quelconque personne aurait violé la loi sur le travail forcé, quand bien même cela ne se serait produit qu'une seule fois, les autorités du Myanmar dûment informées prendront des sanctions légales. Il a souligné que la paix règne actuellement dans le pays et que celui-ci ne mène aucune guerre, situation sans précédent depuis l'Indépendance. Si une demande officielle est faite par écrit en vue d'obtenir des informations sur ces cas, elle sera traitée avec toute l'attention requise.

L'orateur a souligné, une fois encore, les différences existant entre les systèmes juridiques et les circonstances propres à chaque pays et a réaffirmé que, en l'absence de volonté politique, l'ordonnance no 1/99 n'aurait pas été adoptée. Le Myanmar a entamé un processus d'élaboration d'une nouvelle Constitution. Après l'adoption de la Constitution, toutes les lois seront réexaminées. Les membres de la commission doivent faire preuve de compréhension face à la situation du pays. Le respect des conclusions de la commission d'enquête nécessite des modifications législatives. A cet égard, l'ordonnance no 1/99 a été rendue publique.

Au vu des mesures prises par le gouvernement pour modifier la législation, le membre gouvernemental de Sri Lanka a proposé à la commission de considérer la possibilité de fixer un délai au gouvernement pour qu'il donne effet aux recommandations de la commission d'enquête.

Le membre travailleur de la Grèce a déclaré que le représentant gouvernemental du Myanmar n'avait pas donné de réponse aux questions concernant la condamnation des deux personnes précédemment mentionnées et a souhaité que cet élément soit consigné au procès-verbal. Il s'est par ailleurs interrogé sur la nature de la paix que le gouvernement affirme vouloir instaurer dans le pays.

La commission a pris note des informations écrites et orales communiquées par le gouvernement ainsi que de la discussion qui a suivi. En particulier, elle a pris note de l'opinion du gouvernement selon laquelle les conclusions de la commission d'enquête et de la commission d'experts sont dénuées de fondement, et le rapport du Directeur général aux membres du Conseil d'administration sur les mesures prises par le gouvernement du Myanmar suite aux recommandations de la commission d'enquête, daté du 21 mai 1999, est fondé sur des allégations erronées. La commission a également pris note de l'adoption de l'ordonnance no 1/99 du 14 mai 1999, laquelle enjoint les autorités compétentes de ne pas exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi sur les villes et la loi sur les villages
de 1907.

La commission a rappelé la longue histoire de ce cas et l'ensemble des mesures prises par les organes de contrôle de l'OIT, y compris les recommandations de la commission d'enquête établie par le Conseil d'administration. Elle a estimé que les explications fournies par le gouvernement ne répondaient pas aux conclusions et recommandations détaillées et étayées par des preuves de la commission d'enquête et de la commission d'experts. Elle a noté avec une profonde préoccupation les conclusions de la commission d'enquête selon lesquelles des informations fiables révèlent que le travail forcé et obligatoire est toujours utilisé à une très large échelle au Myanmar. La commission a exprimé le regret que le gouvernement n'ait pas permis à la commission d'enquête de pénétrer sur son territoire afin de vérifier la situation par elle-même. Cela aurait permis au gouvernement d'exposer son point de vue d'une manière très objective et impartiale devant la commission. Elle a exprimé le regret que le gouvernement n'ait pas fait preuve de sa volonté de coopérer avec l'OIT à cet égard.

Elle a prié le Conseil d'administration, la commission d'experts et le Bureau de continuer à prendre toutes les mesures possibles afin de veiller au respect par le Myanmar des recommandations de la commission d'enquête, qui confirment et élargissent les conclusions précédentes de la commission d'experts.

Les membres travailleurs, tenant compte du défaut continu de mise en œuvre des conclusions de la commission d'enquête par le gouvernement, ont souhaité que ce cas soit mentionné dans un paragraphe spécial du rapport de la commission comme un cas de défaut continu d'application d'une convention ratifiée.

Les membres employeurs ont indiqué que ce cas était particulièrement grave, que la commission l'avait déjà traité à plusieurs reprises dans le passé et qu'elle avait exprimé sa profonde préoccupation dans un paragraphe spécial de son rapport. Par conséquent, il serait cohérent et approprié de mentionner à nouveau ce cas dans un paragraphe spécial comme un cas de défaut continu d'application d'une convention ratifiée.

La commission a décidé d'inclure ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport et de le mentionner comme un cas de défaut continu d'application d'une convention ratifiée.

Pakistan (ratification: 1957). Un représentant gouvernemental du Pakistan a indiqué que l'accord gouvernemental sur l'élimination du travail des enfants dans l'industrie du tapis a été signé le 22 octobre 1998 entre le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) de l'OIT et l'Association pakistanaise des exportateurs et fabricants de tapis (PCMEA). Cet accord tend à la mise en place d'un projet prévoyant initialement de retirer de cette industrie 8.000 enfants dans un délai de 36 mois. Cet accord a été conclu notamment dans le but de satisfaire aux échéances fixées par la Déclaration de MALE (Maldives) de l'Association pour la coopération régionale en Asie du Sud-Est (SAARC) tendant à l'élimination du travail des enfants d'ici à 2010. Les autres objectifs seront de continuer à retirer les autres enfants encore occupés dans cette industrie et d'éviter que d'autres ne prennent leur place.

L'attachement du gouvernement à l'élimination du travail en servitude est attesté par le fait que, le 21 mai 1997, un accord a été signé avec la Commission européenne et l'Organisation internationale du Travail pour mettre en place un programme d'élimination du travail des enfants en servitude au Pakistan. Ce programme est conçu pour sensibiliser l'opinion sur les pratiques exploitatrices et néfastes du travail en servitude et du travail des enfants; pour développer les moyens dont disposent l'administration publique, les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs ainsi que les ONG pour retirer les enfants de leur servitude et empêcher que d'autres n'y entrent. Le programme vise un petit groupe de travailleurs et d'enfants en servitude ainsi que leur famille. Il est centré sur des activités de réinsertion.

Il n'a pas été procédé, à ce jour, à une étude sur le travail des enfants et des adultes en servitude selon les orientations de l'étude du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC). Cette étude est cependant considérée comme incluant toutes les formes de travail des enfants, y compris le travail en servitude. Mis à part le gouvernement, le seul organe du Pakistan qui soit en mesure de fournir des chiffres sur le nombre des travailleurs en servitude est la Commission des droits de l'homme. Le problème se pose presque exclusivement dans la province du Sindh et dans certaines régions du Pendjab. Les efforts déployés dans ce domaine se heurtent aux problèmes de visibilité: étant donné que le travail en servitude est interdit par la loi, ceux qui y recourent ne reculent devant aucun artifice pour le cacher. Des opérations de police sont menées pour révéler au grand jour des situations de travail en servitude. Comme le problème de la visibilité constitue un obstacle à l'application pleine et entière de la loi de 1992 sur l'abolition du travail en servitude, l'orateur a confirmé que ces cas, lorsqu'ils sont révélés, font immédiatement l'objet d'investigations.

Le gouvernement a fourni des statistiques sur les poursuites et les condamnations sur la base de la loi de 1991 sur l'emploi d'enfants. Il a indiqué cependant que les chiffres de 1998 ne sont pas complets et que les chiffres définitifs de cette année se révéleront probablement beaucoup plus élevés que les chiffres précités. Le nombre des inspections devrait lui aussi être beaucoup plus élevé, de même que celui des inspections et des poursuites exercées sur la base d'autres instruments ayant une incidence sur l'emploi des enfants. Les données concernant les inspections menées en application de la loi de 1992 sur l'abolition du système de travail en servitude sont elles aussi en cours de compilation et seront communiquées à la commission d'experts dans le prochain rapport du gouvernement.

Le gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation sur le problème du travail des enfants et du travail en servitude, qui associe la presse écrite, la radio et la télévision. Le ministère du Travail (Département de l'éducation des travailleurs) a publié un certain nombre de documents, affiches et autocollants, et a diffusé un documentaire télévisé en 13 épisodes qui a suscité un grand intérêt pour la question du travail des enfants. Le ministère du Travail a également publié un bulletin sur le travail des enfants intitulé The Future dont il a communiqué copie au bureau de l'OIT à Islamabad.

Le ministère, en réponse à l'observation de la commission d'experts, qui demande si les sentences du tribunal fédéral de la charia peuvent avoir une incidence sur l'application de la loi de 1992 sur l'abolition du travail en servitude et si le gouvernement est disposé à défendre cette loi devant ledit tribunal, déclare que le gouvernement est assurément disposé à le faire mais qu'en tout état de cause l'application de cette loi ne peut aucunement être affectée par les sentences de ce tribunal. Quant à la commission consultative sur le travail des enfants, elle est chargée de contrôler la mise en œuvre du plan d'action et de la stratégie établie par le groupe de travail sur le travail des enfants. Ce groupe a formulé un projet et un plan d'action sur la politique du travail des enfants. Les gouvernements provinciaux élaborent des plans d'action pour donner effet à cette stratégie dans leur juridiction. La stratégie et le plan d'action seront finalisés dès que tous les plans d'action des gouvernements provinciaux auront été communiqués. La commission consultative commencera alors sa tâche. Le gouvernement communiquera tous les documents qui auront été adoptés par cette commission consultative à la commission d'experts dès qu'ils seront disponibles. L'orateur a fait observer que la Commission des droits de l'homme du Pakistan est une ONG n'ayant aucun lien avec le gouvernement. Son rapport annuel est un document public, en vente au Pakistan. Le deuxième rapport périodique du Pakistan à la Commission des droits de l'enfant des Nations Unies a été établi par la Commission nationale sur le bien-être et le développement des enfants (NCCWD). Il en sera communiqué copie à la commission d'experts dès son achèvement. En ce qui concerne la composition des comités de vigilance de district, ces comités, présidés par le vice-commissaire du district, accueillent des représentants de la police, de la magistrature, du barreau, des municipalités, des syndicats, des organisations d'employeurs et des ONG. L'administration du district est elle aussi représentée. Il en résulte que les plaintes dont cette dernière est saisie sont automatiquement transmises au comité de vigilance. Des précisions quant au nombre et à la nature des affaires traitées et des infractions jugées par des magistrats de district seront établies et communiquées dès que possible à la commission d'experts. Les équipes de surveillance constituées en 1997 ont achevé leurs visites au siège de l'administration de la province par des contacts directs avec les autorités du district et les comités de vigilance. Cette année, le secrétaire d'Etat au Travail s'est rendu dans les provinces du Pendjab, du Sindh et du Baloutchistan pour tenir des réunions avec des autorités provinciales sur l'application de la loi portant abolition du travail en servitude. De plus, des organisations de travailleurs et d'employeurs participent aux comités de vigilance établis au niveau du district en application de la loi de 1992 et du règlement de 1995.

Le gouvernement s'est efforcé de limiter progressivement le champ d'application de la loi de 1952 sur les services essentiels, dont le nombre est désormais limité à cinq. En outre, la réforme de cette loi va être étudiée par la nouvelle commission tripartite chargée de la consolidation, de la simplification et de la rationalisation de la législation du travail. Le rapport de cette commission sera disponible en temps utile. Pour conclure, le représentant gouvernemental a souligné que son gouvernement est animé de la volonté de faire disparaître le travail en servitude et le travail des enfants. Il a demandé que la commission note que le gouvernement a répondu pratiquement sur tous les points soulevés, en s'engageant à fournir une réponse sur les autres. Il a mentionné également la contribution financière du gouvernement, par le biais du Bait-ul-Mal, aux programmes concernant l'abolition du travail des enfants. Il a également fait observer que les employeurs et le gouvernement du Pakistan consacrent des sommes importantes à la mise en œuvre de ce programme, comme le font les organisations de travailleurs du Pakistan, malgré les difficultés financières qu'elles connaissent. Pour conclure, il a réaffirmé la volonté du Pakistan de résoudre le problème du travail des enfants et du travail en servitude et a exprimé l'espoir que la commission en prendrait dûment note.

Les membres employeurs ont remercié le gouvernement pour les informations communiquées à la commission et noté que le gouvernement a fourni des informations complètes en réponse à neuf demandes sur les douze formulées par la commission d'experts. Les informations sont vraiment très utiles, mais le champ couvert par les demandes illustre l'ampleur du problème. Le cas a fait l'objet de discussions à douze reprises depuis 1982 et a été cité à trois reprises dans un paragraphe spécial. Il concerne le problème crucial du travail en servitude des adultes et des enfants. Ainsi que le gouvernement l'a déjà souligné, le travail en servitude est, par nature, caché; il est difficile d'obtenir des chiffres précis; toutefois, il y a lieu d'observer que les chiffres cités par le gouvernement ne reflètent pas l'ampleur du phénomène. Le problème est très difficile à cerner et requiert une vigilance permanente.

En ce qui concerne le travail des enfants, les indications fournies par le gouvernement montrent qu'il a pris un certain nombre de mesures positives, y compris à travers des programmes tels que le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), les initiatives de la Commission européenne et du Fonds des Nations Unies pour les enfants ainsi que l'adoption de la réglementation visant à mettre en application les dispositions de la loi de 1992 sur le Système du travail en servitude (abolition) et de la loi de 1991 sur le travail des enfants. Par suite de ces mesures, des cas ont été déférés devant les comités de vigilance, qui ont été renforcés. Ces derniers avaient tardé à montrer leur efficacité. Les membres employeurs ont salué la création par le gouvernement de quatre équipes de contrôle pour veiller à l'efficacité de ces comités.

En ce qui concerne le travail en servitude des adultes, la commission d'experts a demandé des informations précises quant au rôle des magistrats de district en vertu de la loi de 1992 sur le travail obligatoire (abolition) en matière d'identification, d'affranchissement et de réinsertion des travailleurs soumis au travail obligatoire. Une des faiblesses de la loi réside dans l'inefficacité des règles applicables en matière de réinsertion ou d'affranchissement de ces travailleurs.

S'agissant du problème des restrictions au droit des travailleurs de mettre fin à la relation de travail sans le consentement de leurs employeurs, faisant encourir l'emprisonnement pour une période pouvant aller jusqu'à une année, cela ne concerne que les services essentiels. Le droit accordé aux travailleurs de démissionner sans préavis est un problème particulièrement épineux. Il est regrettable que le gouvernement n'ait pas communiqué d'informations récentes à cet égard.

En conclusion, tout en saluant les actions accomplies par le gouvernement, les membres employeurs ont appelé ce dernier à prendre des mesures à tous les niveaux en vue de remédier au problème que pose le travail en servitude et souligné que, au regard de l'ampleur du problème, il reste beaucoup à faire.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations qu'il avait fournies. Ils ont rappelé que le cas du Pakistan avait été discuté cinq fois dans les années quatre-vingt-dix et que la dernière fois – en 1997 – la discussion avait été particulièrement approfondie. La commission a toujours insisté auprès du gouvernement pour qu'il renforce considérablement son action afin d'éliminer le travail en servitude des enfants et des adultes dans la pratique. La législation de base est conforme à la convention depuis quelques années mais le problème réside dans l'application.

Les commentaires de la commission d'experts sont basés, outre le rapport du gouvernement, sur les informations obtenues dans le cadre de programmes comme l'IPEC et sur des commentaires de la Fédération des syndicats du Pakistan. Les commentaires de la commission d'experts portent sur le travail d'enfants en servitude, le travail en servitude en général et les restrictions à la liberté de quitter son emploi. En ce qui concerne le travail d'enfants en servitude et le travail en servitude en général, la commission d'experts a rappelé la gravité des problèmes qui ont été soulevés. Sur la base de chiffres qui lui ont été communiqués par le gouvernement et de statistiques disponibles, la commission d'experts estime que le pays compte entre 2,9 et 3,6 millions d'enfants au travail (de l'âge de 5 à 14 ans). De plus, selon la commission d'experts, le travail en servitude des adultes semble persister dans de vastes proportions. Le gouvernement n'a jamais avancé de chiffres détaillés sur le travail d'enfants en servitude. Il reconnaît depuis quelques années l'ampleur du problème, mais il se limite à critiquer les estimations. Il est d'avis que les chiffres sont exagérés. Les membres travailleurs craignent cependant que les chiffres avancés par l'OIT soient proches de la réalité.

Les membres travailleurs insistent depuis des années pour que le gouvernement élabore des programmes d'action crédibles au niveau notamment de la sensibilisation, de la détection, de la punition, de la prévention des cas et de l'accompagnement des enfants libérés. Le représentant gouvernemental a indiqué que des données sur les inspections et autres actions entreprises seront communiquées au Bureau. Celles-ci devront être examinées par la commission d'experts.

La commission d'experts a noté avec intérêt que le gouvernement a pris à présent des mesures en coopération notamment avec l'IPEC, l'UNICEF et l'Union européenne. L'accord conclu entre le gouvernement, d'une part, et l'IPEC, d'autre part, tendant à l'élimination du travail des enfants dans la manufacture des tapis doit également être relevé. Ces mesures représentent indéniablement une petite avancée, mais il faut les juger par rapport à l'ampleur du problème et par rapport à l'impact réel au niveau des provinces, des municipalités, des secteurs comme la briqueterie, les tapis tissés, la construction et l'agriculture. De plus, il ne faut pas oublier que certains mouvements sociaux et associations au Pakistan ont fait des efforts considérables de mobilisation contre le travail en servitude. Après 1992, le Front pour la libération des travailleurs en servitude a lancé une campagne pour la libération des enfants dans le sec-
teur des tapis. Il a réussi à libérer 30.000 enfants et il a pu orienter 10.000 enfants vers l'école. Parmi ces 30.000 enfants libérés, se trouvait le jeune Iqbal Masih, qui a été tué entre-temps en raison de son action pour la libération. Ce cas est devenu célèbre. Malheureusement, ces organisations n'ont pas toujours eu le soutien des autorités publiques. Certaines autorités au niveau des provinces et au niveau fédéral ont été parfois plus attentives à neutraliser les actions des organisations sociales qu'à la lutte pour la libération des enfants et des adultes. Le fondateur du Front pour la libération des travailleurs en servitude, Ehsan Ullah Khan, est poursuivi par les autorités pour haute trahison.

Selon les informations dont disposent les membres travailleurs, l'efficacité et le nombre de comités de vigilance opérationnels seraient très limités. Pourtant, l'action des comités de vigilance est indispensable pour entamer les procédures et les plaintes visant à libérer des enfants. Les tribunaux rendent effectivement des jugements et des ordonnances afin de libérer des enfants, mais la police et l'administration ne font pas diligence pour leur mise en œuvre.

Les membres travailleurs estiment, tout comme la commission d'experts, qu'il faut renforcer considérablement la sensibilisation et les différents mécanismes et procédures. La commission d'experts a insisté pour obtenir davantage de données de la part du gouvernement. Celles-ci devraient porter sur les domaines suivants: les modalités de coopération entre les comités de vigilance et les magistrats; les moyens dont disposent les comités de vigilance; les procédures de fonctionnement des comités de vigilance, y compris des données et chiffres sur la composition effective des comités existants: selon les règles en vigueur, 18 catégories de personnes peuvent en faire partie et les organisations de travailleurs ne disposent que d'un siège; les procédures prévues pour libérer effectivement les enfants concernés: selon les informations des membres travailleurs, le règlement d'application de la loi de 1995 ne semble pas contenir d'indications sur les procédures à suivre pour libérer les enfants en servitude; les budgets et programmes prévus pour réinsérer les enfants et les adultes afin d'éviter qu'ils ne retombent dans la servitude.

L'arrêt célèbre de la Cour suprême du Pakistan prononcé en 1988, déclarant inconstitutionnel le travail en servitude, a suscité des espoirs réels parmi les travailleurs concernés. Deux lois ont été adoptées: en 1991, la loi sur l'emploi des enfants et, en 1992, la loi portant abolition du travail en servitude. Depuis lors, le travail en servitude persiste, notamment dans le secteur informel et l'agriculture, puisque la sensibilisation d'une partie importante de la population et des fonctionnaires locaux n'est pas encore à la hauteur des attentes.

Le gouvernement fait mention dans son rapport d'une opposition contre la loi portant abolition du travail en servitude, sur la base de la charia. Le gouvernement devrait informer la commission d'experts sur les répercussions négatives de cette opposition pour l'application de la loi de 1992 et la mise en œuvre de la libération des travailleurs concernés. Le gouvernement devrait également indiquer les mesures prises pour passer outre à cette opposition. Les membres travailleurs demandent qu'il soit tenu compte dans les conclusions de la commission de leur demande et de celle de la commission d'experts pour que des informations détaillées indispensables pour connaître l'impact réel des mesures, actions et programmes annoncés par le gouvernement soient fournies. Ces mesures, actions et programmes devraient être adoptés à la hauteur de la gravité de la situation.

En ce qui concerne les restrictions à la liberté de quitter son emploi, la commission d'experts a à nouveau rappelé que des dispositions des lois fédérales et provinciales sur les services essentiels prévoient des peines d'emprisonnement pour des travailleurs qui mettent fin à leur emploi sans le consentement de l'employeur. Le gouvernement semble avoir réduit la liste des emplois concernés à cinq catégories depuis la dernière discussion au sein de la commission. Pourtant, ces lois n'ont pas encore été modifiées. Le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises son intention de modifier les dispositions de la loi mais n'a pas encore concrétisé ses promesses. La commission d'experts a signalé que le gouvernement avait mentionné dans son rapport de 1996 qu'un rapport avait été établi par un groupe de travail tripartite et qu'il en étudierait les recommandations. Aucune information à ce sujet n'a été donnée, ni lors de la Conférence de 1997 ni dans le dernier rapport du gouvernement.

Les membres travailleurs ont conclu en soulignant qu'imposer des sanctions pénales afin de lier le travailleur à un employeur revient au travail forcé et qu'en conséquence les conclusions de la commission doivent insister sur le fait que le gouvernement doit honorer ses promesses.

Le membre travailleur du Pakistan a rappelé l'importance de ce pays, avec ses 140 millions d'habitants. Il a fait observer que, au moment de la déclaration d'indépendance, il était question de le bâtir sur des bases démocratiques et égalitaires, et de garantir les droits des travailleurs. Quant aux services essentiels, si le gouvernement déclare aujourd'hui que leur nombre est actuellement ramené à cinq, ils sont en vérité encore plus étendus qu'auparavant. En 1998, le gouvernement s'est engagé à modifier la loi sur les services essentiels à l'issue de consultations tripartites. Mais, depuis lors, comme la commission d'experts le fait observer, aucune information n'a été fournie quant aux mesures prises ou envisagées pour modifier cette loi afin de la rendre conforme à la convention.

Il a abordé la question de la suspension des droits syndicaux des quelque 130.000 travailleurs employés par le plus grand établissement public du pays, l'Autorité pakistanaise du développement de l'eau et de l'énergie (WAPDA), par effet de la dispense accordée à cet organisme d'appliquer l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail et l'ordonnance de 1968 sur les emplois industriels et commerciaux pendant deux ans. En tant que service essentiel, ce secteur restreint considérablement le droit, pour les travailleurs, de mettre fin à leur emploi et leur refuse tout droit à une enquête indépendante. Ces travailleurs ont vu leurs horaires de travail allongés. Ils se sont en outre vu attribuer des tâches difficiles, dans des conditions non moins difficiles. Cette situation constitue non seulement une violation de la convention, mais aussi de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. L'orateur a mentionné que le Comité de la liberté syndicale et la Cour suprême ont été saisis d'une plainte concernant la WAPDA. Il a également indiqué que ces restrictions n'ont pas seulement été étendues par le gouvernement au WAPDA, mais également au KESC, dont les droits syndicaux ont été suspendus. Ceux-ci se sont vu dénier la sécurité de l'emploi, en comparaison avec d'autres travailleurs dans le pays, du fait de l'autorisation donnée à la direction de se dispenser des services d'un travailleur sans avoir à fournir de motif, ce en violation des conventions de l'OIT nos 111, 87, 29, 105, ratifiées par le gouvernement du Pakistan. Ces restrictions ont été incluses dans la récente ordonnance. Il s'est également référé aux commentaires de la commission d'experts sur les conventions nos 87, 98, 105, qui déclarent que les restrictions apportées aux droits des travailleurs du secteur bancaire, des chemins de fer et dans les ZFE sont contraires aux conventions ratifiées et recommandent incessamment au gouvernement de retirer ces restrictions injustifiées. Il a demandé au représentant du gouvernement de faire savoir à la commission si les restrictions susmentionnées doivent être levées et s'il entend s'acquitter de ses obligations en vertu des conventions pertinentes et de la Constitution nationale.

L'orateur a déclaré que le travail en servitude et le travail des enfants sont à la fois un fléau et un crime contre l'humanité. Comme le gouvernement reconnaît que ces pratiques perdurent, l'intervenant en appelle à sa volonté politique pour remédier à la situation. Il a souligné que les enfants nés en servitude n'ont pas la moindre chance de s'épanouir, ce qui est une violation de leur droit à l'égalité de chances. Il a invité le gouvernement à consacrer plus de ressources à l'éducation et à la formation des déshérités et à prendre des sanctions effectives contre ceux qui recourent au travail en servitude, notamment en prononçant des peines de prison plutôt que de simples peines d'amende. Il a aussi cité l'exemple de son syndicat, qui a ouvert un centre de formation gratuit et a commencé à distribuer, à une échelle modeste, des livres gratuits, édités par l'un des principaux syndicats, aux enfants des travailleurs décédés ou handicapés afin de promouvoir l'éducation des enfants des pauvres. Il a exprimé son soutien total pour l'élimination de ce fléau du travail des enfants et son appréciation pour le rôlé joué par l'OIT/IPEC au Pakistan dans les industries du football, chirurgicale et de la tapisserie dans ses campagnes de sensibilisation sur la nécessité d'éliminer le travail des enfants. En ce qui concerne les comités de vigilance, il a déclaré qu'il serait plus efficace de permettre aux syndicats d'exercer des actions en justice. Il a appelé le gouvernement à ratifier et mettre en œuvre la convention sur le travail des enfants, à laquelle la présente session de la Conférence consacre ses discussions.

Le membre travailleur de l'Irlande a déclaré que les commentaires très détaillés et exhaustifs exprimés par la commission d'experts étaient une indication claire de la gravité du problème persistant du travail des enfants et des adultes en servitude dans le pays. Bien que dix années se soient écoulées depuis que la Cour suprême ait qualifié le travail des enfants en servitude d'inconstitutionnel, la commission d'experts note que l'on compte encore entre 2,9 et 3,6 millions d'enfants au travail (de l'âge de 5 ans à celui de 14 ans). Quant au travail en servitude des adultes, la commission d'experts a observé qu'il semble encore exister en grand nombre.

La loi portant abolition du travail en servitude a été adoptée en 1992 et son règlement d'application en 1995. Un système administratif élaboré a également été mis en place, avec le double objectif présumé de maintenir et de renforcer la conformité avec cette législation. La commission d'experts a fait référence à une série d'organes tels que la Commission nationale pour l'enfance et le développement, le Comité consultatif sur le travail des enfants et le travail en servitude, les comités de vigilance constitués aux niveaux des provinces et des départements, ainsi que les quatre équipes de contrôle constituées par le ministère du Travail. Ces institutions et structures forment un réseau élaboré de mécanismes de contrôle et de mise en conformité. Il est alors très difficile de comprendre pourquoi le travail des enfants et des adultes en servitude se maintient en tant que phénomène persistant et répandu dans l'infrastructure économique du pays. Le rapport de la commission d'experts fournit un élément de réponse dans ses commentaires sur le manque de transparence dans le fonctionnement de ces institutions et la manière dont elles interagissent. En effet, elle a prié le gouvernement de lui expliquer les modalités selon lesquelles les comités de vigilance et les magistrats de district coopèrent. Elle avait également noté l'absence d'informations sur le nombre et la nature des procédures engagées et traitées par les magistrats de district. La commission d'experts a demandé des précisions sur le mandat et le fonctionnement du Comité consultatif sur le travail des enfants et le travail en servitude, et la fourniture de quelque rapport ou recommandation.

Devant l'amplitude du problème des enfants en servitude au Pakistan, de sérieuses questions doivent être posées par la commission sur l'échec des mécanismes officiels, à savoir un quelconque impact significatif sur le problème. Cette situation soulève des doutes quant à la volonté des autorités de trouver une solution effective et sérieuse au problème. De larges éléments de preuve existent selon lesquels les efforts pour assurer la libération des travailleurs en servitude ont été entravés par un manque de coopération de la part de fonctionnaires locaux. Les travailleurs en servitude eux-mêmes se sont trouvés face à d'énormes difficultés quand la police refusait, de manière régulière, d'enregistrer leurs plaintes concernant des problèmes allant de la servitude pour dettes à l'agression physique et à l'enlèvement. Il est dès lors clair que, à moins que et jusqu'à ce que les autorités à tous les niveaux, et en particulier au niveau local, n'appliquent de manière active et permanente la loi sur l'abolition du travail forcé, la pratique du travail des enfants en servitude continuera à prospérer au Pakistan devant l'inertie de la bureaucratie officielle, son inefficacité et son manque de volonté.

Enfin, l'oratrice a exprimé ses préoccupations quant au harcèlement exercé par les autorités envers les dirigeants et activistes de l'organisation non gouvernementale du Front de libération du travail en servitude (BLLF). L'arrestation avec tortures de Zafar Yab, le trésorier du BLLF, est déplorable. L'accusation, montée de toutes pièces, de haute trahison faite à l'encontre de Ehsan Ullah Khan, le fondateur du BLLF, est un discrédit pour le système judiciaire et légal du pays.

Le membre travailleur de l'Inde a félicité la commission d'experts pour la manière dont elle a traité ce cas et appuyé ses conclusions. Le nombre d'enfants travailleurs dans le pays est trois à quatre fois plus élevé que les chiffres – de 2,9 à 3,6 millions – reconnus par le gouvernement. Bien que le gouvernement ait déclaré que les chiffres avancés par la commission d'experts en ce qui concerne le travail forcé d'enfants étaient exagérés, il n'a pas fourni ses propres chiffres. Il n'a pas non plus fourni de statistiques sur les visites d'inspection qui sont menées, sur les affaires pendantes devant les tribunaux ni sur le nombre de condamnations et la nature des peines imposées en cas de violation des dispositions légales relatives au travail des enfants. Même s'il existe des dispositions constitutionnelles et légales interdisant le travail forcé d'enfants, ce problème est difficile à surmonter parce qu'il est étroitement lié à l'important trafic de drogue qui sévit dans le pays. Il a appelé le gouvernement à appliquer la convention, ce qui nécessite en premier lieu de développer la volonté politique d'éliminer le travail forcé. L'exploitation des filles au travail requiert spécialement des mesures immédiates et sérieuses. Des lois seules ne sont pas suffisantes. L'orateur a prié instamment le gouvernement de coopérer avec les partenaires sociaux dans ce domaine, ceux-ci ayant clairement manifesté leur volonté de soutenir ces efforts. L'orateur a également appelé le gouvernement à suivre l'exemple de l'Inde qui est en voie de fixer à 14 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi. Une telle mesure entraînera une diminution du nombre de cas de travail forcé et de travail des enfants.

Le membre travailleur des Etats-Unis a constaté avec satisfaction et surprise que le membre travailleur du Pakistan avait pu se joindre à la discussion étant donné la crise à laquelle étaient confrontés les syndicats dans ce pays, et en particulier la récente suspension des droits syndicaux des travailleurs de l'Autorité pakistanaise du développement de l'eau et de l'énergie.

La situation du Pakistan est un cas sérieux et persistant de travail forcé et de travail des enfants. Tout en notant que le gouvernement a pris certaines mesures face à ce problème, il est clair que la commission d'experts continue à être préoccupée par le fait que cette pratique demeure généralisée et que le gouvernement ne semble pas capable ou disposé à saisir la dimension du problème. L'attitude du gouvernement, qui a déclaré que les estimations basées sur l'étude du travail des enfants réalisée avec l'assistance technique du Programme international pour l'abolition du travail des enfants étaient exagérées sans avancer de chiffres lui-même, est révélatrice. La commission d'experts a demandé au gouvernement de communiquer, dans les plus brefs délais, des chiffres fiables, collectés au niveau du district, de la province et au niveau fédéral, sur les inspections réalisées, les procédures ouvertes et les condamnations prononcées. En conclusion, l'orateur a indiqué que les travailleurs se sentaient de plus en plus préoccupés par le fait que l'évolution de la situation politique au Pakistan ne semble pas s'orienter vers un combat sérieux et déterminé du gouvernement contre la diffusion continue de l'usage du travail forcé.

Le membre travailleur de l'Italie s'est joint aux propos des membres travailleurs et du membre travailleur du Pakistan quant à la complexité de la situation au Pakistan. Ce pays a une législation adéquate mais la situation pratique est encore grave, comme les chiffres en témoignent. Il conviendrait d'agir à deux niveaux. En premier lieu, il faudrait procéder au renforcement des institutions au niveau local en associant des organisations d'employeurs et des syndicats. Un travail de sensibilisation pour promouvoir des initiatives positives dans la société devrait être effectué. A cet égard, le gouvernement ne doit pas faire obstacle à des organisations non gouvernementales telles que le Front de libération du travail en servitude. En deuxième lieu, le marché du travail devrait être renforcé. Le chômage et la faim amènent parfois les individus à accepter le travail en servitude. La coopération économique internationale devrait être accrue et les ressources nationales devraient être allouées aux secteurs qui peuvent aider au développement économique et à celui de l'éducation.

Le représentant gouvernemental a indiqué que son gouvernement partageait pleinement les préoccupations exprimées par la commission d'experts et les membres de cette commission. Il a informé la commission que la question du travail était du ressort à la fois des juridictions provinciales et des juridictions fédérales, les gouvernements provinciaux devant adopter des lois pour mettre en œuvre les lois fédérales. Bien qu'au niveau fédéral des mesures aient été prises pour coopérer avec les organes de contrôle, des retards ont résulté du fait qu'il y a 106 districts, chacun ayant son propre comité de vigilance, chaque comité faisant rapport aux différents niveaux. Il a indiqué que son gouvernement s'engageait à recueillir les informations concernées et qu'il espérait que de meilleures statistiques seraient fournies dans le prochain rapport à la commission d'experts.

En ce qui concerne les questions soulevées sur l'estimation du gouvernement de la dimension du travail des enfants, il a indiqué que les chiffres étaient basés sur une étude indépendante et représentaient une évaluation réaliste de la situation. Il a noté qu'en raison du succès des programmes de sensibilisation le travail en servitude était caché. Cependant, lorsque de telles pratiques se font jour, les tribunaux et les magistrats de district prennent des mesures efficaces. Son gouvernement s'engage à mettre fin au travail en servitude et concentre ses efforts depuis peu au niveau de la communauté, y compris en s'attachant un groupe de journalistes pour faire rapport sur le travail d'enfants en servitude. Cela a permis de réaliser quelques progrès.

Sur la question de la charia, il a indiqué que celle-ci n'admettait pas le travail en servitude, mais plutôt le caractère sacré des relations contractuelles et des engagements financiers. Le travail en servitude et les engagements financiers qui en résultent relèvent de la juridiction des tribunaux ordinaires, et la loi est claire dans son interdiction du travail en servitude.

Il a souligné que le travail des enfants ne peut pas être éliminé du jour au lendemain, particulièrement parce qu'il y a un certain nombre de difficultés à surmonter. Son gouvernement demande l'assistance et l'appui du BIT à cet égard et s'engage à honorer ses obligations en vertu de la convention. La nécessité d'impliquer des acteurs autres que le ministère du Travail a été reconnue par le BIT dans une publication récente, et son gouvernement cherche effectivement à impliquer un certain nombre de groupes en vue de traiter les problèmes d'application de la convention. Il a exprimé l'espoir que le gouvernement dans son prochain rapport serait en mesure de montrer des progrès significatifs.

En réponse à une autre question soulevée par le membre travailleur du Pakistan, au sujet de la loi sur les services essentiels, le représentant gouvernemental a indiqué que le gouvernement n'était pas fier de cette législation et qu'elle était utilisée seulement lorsque le gouvernement considérait que les situations avaient atteint un stade extrême. Sur les questions particulières soulevées à propos du conflit au «Pakistan Water and Power Development Authority» (WAPDA), il n'est pas en mesure de faire des commentaires; cependant, il a indiqué que, généralement, le gouvernement visait à établir des limites dans les conflits industriels et à s'éloigner de l'approche destructrice et de confrontation qui a caractérisé les conflits dans le passé. Il a souligné le besoin de dialogue avant que des mesures extrêmes soient prises. Les restrictions ne sont en place que pour une courte période de temps, à savoir quatre mois, bien qu'il admette qu'une ordonnance ait déjà été renouvelée. Du point de vue de son gouvernement, c'est une courte période pour désamorcer une situation difficile et trouver une solution à travers le dialogue social.

Le membre travailleur du Pakistan a répondu qu'il ne peut y avoir de dialogue social sans syndicats libres et indépendants. Le gouvernement doit être appelé à supprimer les restrictions aux droits des travailleurs de l'Autorité pakistanaise du développement de l'eau et de l'énergie; ce n'est qu'à ce moment qu'un véritable dialogue social pourra voir le jour.

Le représentant gouvernemental a déclaré que le point soulevé par le membre travailleur du Pakistan a trait à la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui n'est pas l'objet de la présente discussion. En ce qui concerne la convention examinée, le gouvernement a remédié de façon définitive à la situation et vaincu les difficultés d'application avec l'aide de la commission. Les leçons apprises dans le cadre de l'application de cette convention ne manqueront certainement pas de produire un impact sur l'application d'autres conventions dans le pays.

La commission a pris note des informations détaillées présentées par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle rappelle qu'elle a déjà examiné ce cas plusieurs fois. En ce qui concerne le travail en servitude des enfants, elle prend note avec intérêt de l'accord conclu récemment avec le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) tendant à l'élimination du travail des enfants dans l'industrie du tapis, ainsi que des autres mesures tendant à l'abolition du travail des enfants et du travail en servitude signalées par le gouvernement. Elle note néanmoins avec préoccupation l'absence persistante de mesures pratiques qui permettraient de recueillir des statistiques fiables sur le nombre d'enfants en servitude dans le pays et des informations concernant le fonctionnement des mécanismes de suivi dans le pays, notamment des comités de vigilance. Elle appelle le gouvernement à fournir des informations sur les mesures prises à l'encontre de certaines personnes œuvrant pour la libération des travailleurs en servitude. Prenant note des indications selon lesquelles il existe un très grand nombre d'enfants en servitude dans le pays, elle exprime à nouveau le ferme espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures supplémentaires possibles pour déterminer l'ampleur de ce phénomène au Pakistan et pour l'éliminer. La commission a également noté qu'il reste encore un grand nombre de travailleurs adultes en servitude. Elle a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées, comme demandé par la commission d'experts, sur les mesures prises pour assurer l'identification, la libération et la réinsertion de ces travailleurs. Enfin, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de modifier la loi sur les services essentiels afin de la rendre conforme à la convention pour ce qui est du droit des travailleurs de quitter leur emploi moyennant un préavis raisonnable.

Pérou (ratification: 1960). Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

S'agissant de la servitude pour dettes touchant les communautés Ashaninka et Ucayali, bien que les Ashaninka aient été dans le passé soumis à la servitude pour dettes dans le cadre des pratiques des «enganche o habilitación», la lutte pour leur émancipation et leurs droits sur la terre a porté ses fruits dans la création de l'Organisation indigène de la région d'Atalaya (OIRA). Celle-ci aura lutté jusqu'à l'obtention de la possession des terres de la part des Ashaninka, en établissant des liens entre les indigènes et leur territoire.

Les Ashaninka propriétaires de leurs terres se sont libérés de la domination de leur employeur et c'est ainsi que la Constitution reconnaît que la terre indigène et les droits y affectés sont plus forts que ceux inhérents à toute propriété privée, et qu'il y a eu des titres sur les terres des Ashaninka. L'enregistrement des terres a initié un processus d'autodéveloppement.

L'émancipation des esclaves en Atalaya constitue un exemple important de la libération des indigènes. L'expérience Ashaninka démontre que le droit d'autodétermination constitue l'antithèse de l'esclavage et que la base de cette liberté se reflète dans la reconnaissance des droits territoriaux.

S'agissant des actions envisagées par le gouvernement pour l'application de la convention – en particulier celle consistant à veiller à ce que la servitude pour dettes ne soit pas appliquée en Atalaya et Ucayali –, des visites ont été effectuées en Atalaya auprès des communautés autochtones, des paysans et des éleveurs qui constituent la masse laborieuse des bûcherons. A cette occasion, des discussions sur les questions de travail ont été organisées de manière à sensibiliser les travailleurs sur leurs droits. Ces visites ont été coordonnées par le ESSALUD et l'Agence agraire d'Atalaya.

De juin à décembre 1999, la Zone de travail et de promotion sociale d'Atalaya (Région d'Ucayali) prévoit des visites d'inspection dans tous les centres de travail, aussi bien en zone urbaine qu'en zone rurale.

En particulier, il y a lieu de signaler trois dénonciations auprès de l'Autorité du travail concernant la pratique du travail forcé des autochtones sans identification et analphabètes, entraînant ainsi une sanction des employeurs conformément à la loi.

Parallèlement, l'OIRA organise des campagnes d'enregistrement et d'éducation à l'intention de toutes les communautés autochtones.

S'agissant des travailleurs de Madre de Dios, il convient de préciser que le travail des adolescents – notamment celui des enfants dans les installations aurifères de Madre de Dios – diminue sensiblement pour diverses raisons parmi lesquelles:

S'agissant des actions entreprises par le ministère du Travail, il est important de noter qu'une grande opération a été réalisée en 1996 dans tout le département de Madre de Dios, avec la visite de 328 centres pour mineurs impliquant 1.614 travailleurs. Cette inspection a révélé 54 cas d'adolescents dont 40 garçons et 14 filles âgés de 10 à 18 ans. Les employeurs ont été alors priés de régulariser l'autorisation de travail des adolescents et de payer les dettes. Dans un cas particulier, le transfert d'un mineur à un centre d'assistance a été effectué en raison de son grave état de santé.

Pendant les vacances, les jeunes âgés de 16 à 18 ans, et en particulier ceux de la zone rurale et des provinces montagneuses des départements de Cuzco, Apurímac et Puno, émigrent jusqu'au département de Madre de Dios à la recherche de travail pour financer leurs frais d'études.

De même, les jeunes âgés de 16 à 18 ans se font souvent embaucher comme aide-cuisiniers dans les campements miniers. En 1996, certains d'entre eux ont été victimes d'agressions sexuelles de la part de leurs camarades et de leur employeur. La situation s'est améliorée à la suite des dispositions prises à cet égard.

En réalité, le travail des adolescents dans le département de Madre de Dios, notamment dans les centres aurifères, s'est développé de manière alarmante dans les années soixante-dix à quatre-vingt où l'exploitation minière était artisanale avec une quantité importante de main-d'œuvre. Depuis les années quatre-vingt-dix, les problèmes susmentionnés ainsi que les effets de la crise économique mondiale sur le plan national ont éliminé l'emploi des adolescents dans ce secteur. Enfin, à Huaypetue, les fonctionnaires du ministère du Travail assurent le contrôle de l'application des normes du travail, tout en orientant les mineurs dans leurs droits.

Tout cela confirme que le gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour l'application de la convention, notamment avec le renforcement du système d'inspection dans les zones concernées.

S'agissant du travail du condamné, le droit positif national comprend les dispositions suivantes:

i) Constitution

ii) Code de procédure pénale

Il convient de préciser que le travail constitue la base du bien-être social en améliorant le niveau de vie et de progrès de la société.

S'agissant des condamnés, la législation nationale mentionne que le travail pénitentiaire ne présente pas de caractère affligeant, qu'il n'est pas utilisé comme mesure disciplinaire, de même qu'il ne constitue pas une atteinte à la dignité du condamné. Au contraire, un des principes du Code de procédure pénale se réfère à la remise de peine au moyen du travail et de l'éducation comme un avantage pénitentiaire non obligatoire. Dans le cas contraire, une rémunération s'imposerait.

En outre, le gouvernement favorise l'éducation des détenus, notamment par le biais d'une convention entre l'Institut national pénitentiaire (INPE) et la Faculté d'administration de l'Université Inca Garcilaso De La Vega. Ainsi, les condamnés ont la possibilité de suivre un cours par correspondance en sciences administratives.

En conclusion, le gouvernement respecte rigoureusement l'application de la convention et il n'existe pas de travail forcé dans le pays.

Une représentante gouvernementale a évoqué devant la commission d'abord la question de la servitude pour dettes dans les communautés Ashaninkas d'Atalaya et Ucayali. A ce sujet, elle a réitéré les informations que le gouvernement avait communiquées par écrit et a ajouté que le gouvernement avait mis en œuvre des actions pour vérifier les conditions de travail et le respect des autres droits du travail. Elle a ajouté que les activités réalisées en collaboration avec l'organisme de sécurité sociale et de santé (ESSALUD), organisme relevant du ministère du Travail et de la Promotion sociale, ont permis de dispenser périodiquement des soins de santé aux membres de ces communautés et d'améliorer la santé et l'hygiène dans cette région.

S'agissant du travail des enfants dans la région d'Atalaya, elle s'est reportée aux informations écrites du gouvernement et a précisé que les sanctions infligées aux employeurs ont représenté, par entreprise, une somme de 10 à 15.000 dollars des Etats-Unis. Toutefois, le nombre de personnes mineures concernées n'a pas dépassé 50 par entreprise. L'oratrice est consciente que la réalité dépasse largement les trois cas qui ont fait l'objet de plaintes, et le ministère du Travail et de la Promotion sociale a donc décidé de procéder à une supervision constante de la région en question, afin de disposer des informations nécessaires pour pouvoir dresser un bilan actualisé de la situation du travail dans la région. Ces informations seront transmises en temps opportun au Bureau.

En ce qui concerne les travailleurs des zones de Madre de Dios, Kosñipata, Lares et autres, elle a repris les informations écrites du gouvernement et indiqué que, préoccupé par ce problème, il a prévu, en concertation avec l'OIT, d'installer un centre pour l'élimination du travail des enfants dans les mines. Elle a signalé aussi que, malgré les difficultés géographiques, le ministère du Travail et de la Promotion sociale a mené à bien en 1996, 1997 et 1998 différentes activités dans le département de Madre de Dios. Le gouvernement a communiqué par écrit les résultats de ces activités. Par ailleurs, en 1997, une opération du même ordre a été menée, et trois enfants qui travaillaient dans des exploitations minières ont été trouvés. Enfin, en 1998, 412 visites ont été effectuées, programmées ou non, dans tous les secteurs économiques, en particulier l'industrie minière. Dans ce dernier secteur, quatre enfants seulement ont été recensés. Pour cette année deux opérations dites de «balayage» sont prévues en zone rurale. L'objectif est d'inspecter les lieux d'exploitation forestière, dans le cas des bûcherons, ainsi que les exploitations d'élevage et d'agriculture, de façon à prendre les mesures nécessaires pour la protection des travailleurs. Le ministère de l'Agriculture devrait apporter son concours à ces inspections. Il fournira les informations nécessaires sur les autorisations et concessions qu'il accordera aux exploitations forestières. L'oratrice a reconnu qu'actuellement le gouvernement n'est pas en mesure de répondre aux questions de la commission d'experts. Toutefois, les résultats des mesures prises cette année permettront d'adresser, ces prochains mois, des statistiques et des informations relatives à chaque cas en question.

Enfin, à propos du travail pénitentiaire, elle s'est reportée aux informations communiquées par écrit. Elle a mentionné l'exemple de la participation d'un groupe de détenus des prisons de Chorrillos et de Castro Castro à l'un des programmes d'emploi du ministère du Travail et de la Promotion sociale, à savoir le Programme féminin d'emploi et de formation (PROFECE). Sur la base du volontariat, les détenus ont formé des groupes de travail, appelés GOOL, suivant leur capacité manuelle respective. Les produits de ces groupes sont vendus au bénéfice des détenus dans les différents centres du PROFECE et, parfois, exportés avec le concours du gouvernement. Ainsi, une aide économique est apportée aux détenus et à leur famille en vue de leur réinsertion. Elle a souligné qu'il existe un projet pour la mise en œuvre d'un programme d'éducation à distance dans d'autres centres pénitentiaires. Enfin, elle a indiqué que
son gouvernement s'engage à envoyer les informations détaillées requises.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour l'information orale et écrite transmise. Rappelant que ce cas a été examiné par la commission d'experts, étant entendu que la commission estimait que le gouvernement n'avait pas répondu aux questions soulevées, ils ont noté que le gouvernement s'est limité à répéter des faits et des situations déjà connus mais qu'il n'a pas fourni d'informations concernant les évolutions et les problèmes nouveaux d'application. Ils ont rappelé que la commission a déjà examiné la situation concernant la convention en 1992 et 1993, époque à laquelle de graves violations avaient été constatées. D'ailleurs, en 1993, les conclusions de la commission ont inclus un paragraphe spécial. Les membres travailleurs ont rappelé que l'observation de la commission d'experts porte sur trois situations spécifiques de non-conformité avec les termes de la convention. En premier lieu, la situation de travail forcé (esclavage, servitude pour dettes ou servitude en tant que telle) dont sont victimes des peuples indigènes; deuxièmement, l'exploitation des mineurs, y compris des enfants et des adolescents, dans les mines de Madre de Dios. Ces deux situations ont déjà été discutées en 1993. Enfin, la troisième situation concerne le travail des prisonniers.

Pour ce qui est de la situation des peuples indigènes, les membres travailleurs ont rappelé qu'en 1997 la Confédération mondiale du travail a communiqué une série de commentaires concernant des formes de travail forcé et d'esclavage touchant des populations indigènes des régions d'Atalaya et Ucayali. Or le gouvernement n'a toujours pas répondu aux commentaires formulés. Dans ce contexte, la forme la plus courante de travail forcé consiste en une servitude pour dettes qui s'instaure à travers un système appelé «enganche o habilitación» consistant à fournir aux travailleurs indigènes les biens nécessaires à leur subsistance et à leur travail, créant ainsi une dette qu'ils doivent rembourser par la production de biens ou de services. Dans ses observations précédentes, la commission d'experts a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éradiquer les différentes pratiques relevant du travail forcé, notamment la servitude pour dettes, mais également certaines formes dolosives ou violentes de recrutement de main-d'œuvre et les conditions de travail et d'exploitation indignes de l'être humain auxquelles sont soumis les travailleurs des communautés indigènes d'Atalaya, y compris des enfants. La commission d'experts a également souligné le problème, au regard du travail forcé tel que défini par la convention, que pose le paiement du salaire en biens de consommation par des employeurs désignés par le vocable «bûcherons». Ces employeurs, surtout dans le secteur de l'exploitation du bois, se livrent en outre à des irrégularités sur la législation du travail concernant les horaires de travail, le repos hebdomadaire et les congés. Cette année, la commission d'experts constate que, bien que certaines mesures aient été prises, il subsiste des problèmes qui appellent une action énergique et soutenue de la part des autorités et elle exprime une fois de plus l'espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour mettre un terme aux pratiques par lesquelles de nombreux travailleurs, dont des enfants et des adolescents, sont soumis à un travail forcé au sens de la convention.

Les membres travailleurs ont observé que le gouvernement a communiqué des informations écrites dans lesquelles il rapporte de façon très succincte une série de faits qui auraient contribué à l'amélioration du sort des populations indigènes, à savoir notamment l'enregistrement des terres qui aurait initié un processus d'autodéveloppement; des visites auprès des communautés autochtones afin que la servitude pour dettes ne soit pas appliquée et des actions de sensibilisation concernant leurs droits auprès des travailleurs. Les membres travailleurs ont reconnu que la création de l'Organisation indigène de la région d'Atalaya (OIRA) et l'action de l'Association interethnique pour le développement (AIDEPS) ont largement contribué à la conception et la mise en œuvre d'une politique d'enregistrement des terres et forêts et à l'obtention de la possession des terres par les peuples indigènes. Pourtant, ils ont observé qu'il ne s'agit pas d'initiatives prises par les autorités péruviennes. C'est par des actions tant extérieures – incluant l'OIT – que nationales que des programmes ont été développés et certaines lois mises en œuvre pour protéger les peuples indigènes contre l'esclavage. Ces initiatives ont stimulé l'autodéveloppement des peuples indigènes et ont contribué à diminuer la dépendance et la servitude. Les membres travailleurs ont observé que le gouvernement a fait également mention de façon très lapidaire de quelques poursuites et dénonciations concernant la pratique du travail forcé ayant entraîné une sanction des employeurs conformément à la loi. Ils ont noté l'information fournie oralement par le représentant gouvernemental, information qui sera minutieusement examinée par la commission d'experts.

Pour ce qui est du travail des mineurs, les membres travailleurs ont observé que la commission d'experts s'y réfère, y compris au travail exécuté par des enfants et des adolescents, dans les mines de Madre de Dios. Ils ont rappelé que l'organisation syndicale, la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou, a notamment dénoncé les procédés frauduleux d'embauche par des contrats de quatre-vingt-dix jours. Les contrats offerts sont de durée limitée afin d'éviter la subvention du retour aux travailleurs, empêchant ainsi le travailleur de rentrer chez lui. Mention est faite également de salaires dérisoires, d'horaires excessifs et d'une assistance médicale inexistante. Dans ses informations écrites, le gouvernement a reconnu que des enfants et des adolescents sont impliqués. Il s'est référé également aux enfants et adolescents qui travaillent comme aide–cuisiniers dans les campements miniers, reconnaissant que certains ont été victimes d'agressions sexuelles. Les membres travailleurs ont relevé que le gouvernement estime que le travail forcé par des enfants et des adolescents a diminué, notamment à cause de la dégradation de la situation économique ainsi que de nouvelles méthodes d'exploitation. Ces évolutions auraient entraîné une diminution «naturelle» du travail des adolescents et notamment des enfants dans les installations de Madre de Dios. Le gouvernement mentionne également quelques poursuites judiciaires et des inspections réalisées entre 1996 et 1998 qui auraient découragé les employeurs, engageant moins d'adolescents par crainte de sanctions légales.

En ce qui concerne le travail des prisonniers, les membres travailleurs ont rappelé que la commission d'experts a demandé des informations sur les mesures prises ou envisagées afin d'établir le caractère volontaire du travail des condamnés étant donné que la législation en vigueur ne donne pas de précisions à cet égard. Reprenant les informations écrites mentionnées, les membres travailleurs ont relevé que le gouvernement ne fournit pas de réponses claires et suffisantes.

Enfin les membres travailleurs ont déploré que les informations complémentaires sur le travail forcé et la lutte contre le travail forcé dont sont victimes les peuples indigènes soient si succinctes et limitées. Ils ont insisté sur le fait que des affirmations détaillées devaient être fournies à la commission d'experts afin qu'elle puisse suivre la situation et les développements de près. Une politique plus active de prévention et de suppression du travail forcé devrait être mise en œuvre afin que cessent toutes les pratiques de servitude pour dettes. Pour ce qui est du travail forcé dans les mines effectué par les travailleurs des peuples indigènes, y compris par des enfants et des adolescents, les membres travailleurs ont considéré que, bien que les informations reçues montrent une amélioration de la situation, cet état de fait est principalement dû à des facteurs extérieurs qui n'ont rien à voir avec une politique active mise en œuvre par le gouvernement. Dans ce contexte, des informations détaillées devraient être fournies à la commission d'experts et une politique énergique contre le travail forcé dont sont victimes les enfants et les adolescents devrait être développée. En ce qui concerne le travail pénitentiaire, les membres travailleurs ont demandé avec insistance que le gouvernement fournisse dans les délais des informations précises sur les mesures prises pour donner pleinement effet à la convention. Le consentement nécessaire des détenus doit être garanti en vue de l'accomplissement de travaux pour le compte d'intérêts privés. Le gouvernement doit également fournir des informations détaillées sur les conditions de travail.

Les membres employeurs ont rappelé que ce cas a été discuté par la commission en 1992 et 1993 lorsqu'avaient été observées de sérieuses violations de la convention. Depuis lors, peu de changements ont été notés et de nouvelles allégations ont été présentées à la commission d'experts par la Confédération mondiale du travail (CMT). Le travail en servitude semble être une forme très répandue de travail forcé dans le pays, qui affecte principalement les populations indigènes d'Atalaya et Ucayali. La forme la plus courante de travail forcé est la servitude pour dettes aux termes de laquelle les travailleurs indigènes se voient offrir des moyens de subsistance et de travail mais contractent en même temps une dette qu'ils doivent rembourser en fournissant des biens ou des services. Toutefois, ces travailleurs vivent sans avoir jamais les moyens de rembourser totalement leurs dettes.

Les membres employeurs ont noté que le représentant gouvernemental n'a fourni aucune information détaillée en ce qui a trait à ces allégations. Ils ont de plus rappelé les discussions qui ont eu lieu en 1993 et qui ont mis en exergue l'existence du travail des enfants d'Atalaya. Toutefois, aucune information n'a été fournie sur le nombre de cas dans lesquels les autorités compétentes sont intervenues. Bien que le représentant gouvernemental ait fait mention de programmes d'inspection, il n'a donné aucune information sur les résultats de ces inspections.

Les membres employeurs ont de plus noté les commentaires formulés par la Fédération nationale des mineurs, des travailleurs de l'acier, de la sidérurgie et de la métallurgie du Pérou (FNTMMSP) concernant des pratiques déloyales d'embauche qui ont cours principalement à Puno et à Cuzco. Les contrats offerts ont une durée limitée de quelques jours, à l'expiration desquels les employeurs doivent couvrir les coûts de retour des travailleurs. Comme les employeurs ne le font pas, les travailleurs sont dans l'impossibilité de rentrer chez eux. A cet égard, les membres employeurs ont observé les mauvaises conditions de travail alléguées dans ce secteur, telles que salaires insuffisants, longues heures de travail et inexistence de soins médicaux. Bien que le gouvernement ait indiqué, en 1996, certains progrès en ce qui concerne les procédures judiciaires intentées contre des entrepreneurs pour cause de violation du droit à la liberté de certains travailleurs, ils ont prié instamment le gouvernement d'intensifier ces types de procédure. Ils ont souscrit à la déclaration des membres travailleurs selon laquelle certains progrès ont été accomplis dans ce domaine.

En ce qui concerne le travail pénitentiaire, les membres employeurs ont rappelé que cette pratique constitue un problème relativement nouveau pour la commission. Il existe de bonnes raisons pour obliger les prisonniers à travailler. Toutefois, un cadre juridique et des dispositions spécifiques sont nécessaires à cet égard.

En ce qui concerne les problèmes récurrents, le gouvernement devrait être instamment prié de fournir des informations détaillées sur les questions soulevées par la commission d'experts. De plus, le gouvernement devrait indiquer le plus rapidement possible les résultats de l'évaluation des mesures d'inspection.

Le membre travailleur du Pérou a déclaré que le gouvernement reconnaît les difficultés qu'il rencontre dans l'application de la convention, en particulier en ce qui concerne les Ashaninkas et la zone de Madre de Dios. Cependant, le problème de fond auquel sont confrontées ces populations, ainsi que d'autres, réside dans la centralisation du système administratif qui place ces populations dans une situation d'abandon total. Il importe d'effectuer les changements demandés par la commission d'experts. Par son action, le gouvernement devra apporter rapidement une solution à cette situation. En ce qui concerne le travail pénitentiaire, nombre de difficultés sont provoquées par l'importante surpopulation dont souffrent les détenus, ce qui a pour conséquence que leur travail effectué ne l'est pas sur une base volontaire.

Le membre travailleur de la Roumanie a souscrit pleinement aux déclarations des membres travailleurs. Il a rappelé que la commission d'experts avait estimé que les mesures prises par le gouvernement pour mettre fin aux pratiques de travail forcé étaient insuffisantes. Le travail forcé, qui vise particulièrement les peuples indigènes, touche les domaines de l'agriculture, de l'élevage et de l'exploitation forestière et prend la forme de servitude pour dettes. L'orateur déclare que, selon certaines informations, ce problème touche environ 10 millions de personnes, y compris des enfants. Il se réfère également aux observations de la commission d'experts concernant le travail inhumain des mineurs et souligne que les employeurs de ces mineurs, en refusant de prendre en charge leurs frais de retour, les empêchent de rentrer chez eux. Il insiste pour que le gouvernement soit prié de prendre des mesures afin de mettre un terme aux pratiques de travail forcé au regard des dispositions de la convention.

Le membre travailleur de la Colombie a exprimé sa préoccupation à l'égard des travailleurs en servitude au Pérou. En dépit des engagements pris par les différents gouvernements de ce pays, la situation ne semble pas avoir trouvé de solution définitive. Il en résulte le maintien inacceptable de situations aberrantes comme celles mentionnées dans le rapport de la commission d'experts concernant le travail en servitude qui affecte les indigènes, les enfants et les détenus. Les membres de la commission gardent en mémoire la situation des enfants qui travaillent pour rembourser des dettes dans les installations aurifères de Madre de Dios, ainsi que l'ignorance de la situation affichée par les différents gouvernements du Pérou. Enfin, l'orateur a prié le représentant gouvernemental d'indiquer le nombre d'inspecteurs du travail surveillant l'application de la législation; la périodicité des visites d'inspection dans les installations aurifères de Madre de Dios; et les mesures prises en vue d'améliorer les conditions de détention au Pérou.

La représentante gouvernementale a indiqué que «Madre de Dios» n'est pas une entreprise mais une région de la forêt dont l'accès est difficile, qui dispose de peu d'infrastructures et est peu sûre. De plus, elle a été touchée par «El Niño» et «La Niña». Il a donc été difficile de faire un bilan des cas de travail forcé et de travail des enfants, en particulier dans les exploitations minières, et de prendre des mesures pour faire mieux appliquer la convention. Toutefois, le gouvernement a demandé l'assistance du BIT pour résoudre ces problèmes qui le préoccupent, et des réunions et autres activités, également en collaboration avec l'OIT, sont organisées pour convaincre les patrons des mines de ne pas engager des enfants. L'inspection du travail se heurte à des difficultés, en particulier du fait que, très souvent, ce sont des entreprises du secteur informel qui ont recours au travail forcé, notamment les entreprises d'orpaillage. Or, ces entreprises sont éphémères. Toutefois, l'inspection du travail visite périodiquement les autres entreprises. A propos du travail des personnes qui purgent une peine ou se trouvent en détention provisoire, ceux qui participent à un programme d'emploi ne le font pas pour un employeur privé. Au contraire, ils peuvent devenir des microentrepreneurs. Il s'agit donc d'un travail volontaire qui leur bénéficie et qui débouche sur des réductions de peine, en vertu du système «deux pour un». Le ministère du Travail se borne à placer leurs produits sur le marché national ou international. De même, le ministère de la Justice et l'Institut national pénitentiaire s'occupent de la question du surpeuplement des prisons et font le nécessaire pour les rendre plus humaines. En réponse au membre travailleur du Pérou, l'orateur a indiqué que le cadre administratif n'empêche pas les directeurs régionaux du travail de disposer de leurs propres inspecteurs et médiateurs. De plus, dans le cas d'Atalaya, à la suite des plaintes soumises à l'OIT, a été créée une sous-direction du travail qui s'occupe de la question des orpailleurs et des travailleurs des communautés autochtones. Elle effectue périodiquement des inspections. L'orateur a rappelé que l'inspection du travail fait l'objet d'une profonde et positive réforme depuis 1996. Il a indiqué que, actuellement, on compte 100 inspecteurs à Lima et 300 dans le pays. De plus, fréquemment, des séminaires sont organisés, avec la collaboration de l'OIT, sur l'inspection du travail.

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par la représentante gouvernementale et de la discussion qui a suivi devant la commission. Elle a rappelé qu'elle a déjà examiné ce cas dans le passé, en particulier en 1993. En ce qui concerne le travail forcé, imposé en particulier aux peuples indigènes dans l'agriculture et l'exploitation forestière, la commission prend note des explications du gouvernement selon lesquelles les pratiques de travail forcé à travers le système de «enganche o habilitación», qui existaient dans le passé, ont aujourd'hui largement disparu grâce à la reconnaissance des droits sur les terres en faveur de ces peuples. Elle a également pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il est envisagé d'accroître le nombre de visites d'inspection dans les régions où ils vivent. Elle a aussi pris note de la déclaration selon laquelle le travail, y compris le travail forcé des enfants dans le secteur minier, a diminué en raison d'une combinaison de facteurs tels que le déclin économique, la modification des pratiques de travail, les activités de l'inspection du travail, ainsi que l'assistance du BIT. La commission a pris note des informations succinctes qui ont été communiquées. Elle a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées à la commission d'experts sur les efforts qu'il a entrepris en vue d'éliminer le travail forcé et de prévenir sa réapparition à l'avenir, au moyen, en particulier, des visites d'inspection, les infractions constatées et les sanctions imposées. En ce qui concerne le travail pénitentiaire, la commission a pris note de l'information fournie pendant la discussion, mais a exprimé le regret que le gouvernement n'ait pas fourni toutes les informations demandées par la commission d'experts sur le consentement des détenus à travailler pour des employeurs privés, ainsi que sur la nature volontaire du travail des personnes maintenues en détention préventive. Elle a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir l'application de la convention à cet égard et de communiquer à la commission d'experts des informations détaillées sur les mesures prises.

Convention no 81: Inspection du travail, 1947 [et Protocole, 1995]

Sri Lanka (ratification: 1956). Un représentant gouvernemental de Sri Lanka a déclaré, concernant l'article 1 de la convention, qu'un système d'inspection du travail a été maintenu aux fins de donner effet aux dispositions de la convention. Ces inspections du travail couvrent un grand nombre de domaines au nombre desquels figurent l'inspection des salaires, de la sécurité et l'hygiène au travail, de la sécurité sociale, des termes et conditions de travail, etc. Il a souligné, par la suite, que plusieurs lois ont été adoptées avant la ratification de la convention. S'agissant des observations de la commission d'experts au titre de l'article 3, paragraphe 1 a), de la convention, il a déclaré que le gouvernement applique les dispositions de la loi no 47 de 1956 sur l'emploi des femmes, des adolescents et des enfants non seulement dans les zones franches d'exportation, mais également dans d'autres secteurs nationaux. Il a mentionné qu'il y a 31 bureaux au niveau des districts et 24 sous-bureaux en plus du bureau principal de l'inspecteur général du travail basé à Colombo. Les trois zones franches d'exportation qui occupent une main-d'œuvre évaluée à approximativement 100.000 travailleurs sont couvertes par quatre bureaux de district. Il a insisté sur le fait qu'il n'y a pas de travail d'enfants dans ces zones. Il a poursuivi en déclarant qu'une procédure spéciale d'investigation a été mise en place au cours du deuxième semestre 1998 en collaboration avec les trois départements suivants: le département du travail, le département de la surveillance et de la protection de l'enfance, et le département de la police. Les investigations ont été menées conjointement et ont démontré que les crimes et délits contre les enfants sont de natures diverses, allant du travail des enfants à la cruauté contre les enfants et des actes relevant de délits de garde d'enfant. Lorsque le système d'inspection évoqué ci-dessus a été mis en place, une campagne d'information et de sensibilisation nationale sur le travail des enfants et la cruauté envers eux a été développée. Par ailleurs, vers la fin de l'année 1998, des bureaux pour les femmes et enfants ont été créés dans les postes de police à Sri Lanka. Dès réception de plaintes, les enquêtes et les poursuites ont été menées lorsque cela s'avérait nécessaire. Le représentant gouvernemental a fourni ensuite quelques statistiques qui démontrent la progression croissante du nombre de plaintes et d'enquêtes conduites en 1998. Il a souligné que des amendes sont infligées et des peines d'emprisonnement prononcées. Il a réitéré qu'il n'y a pas de travail d'enfants dans les zones franches d'exportation et qu'il n'y a pas eu de plaintes déposées en ce domaine. Il a assuré la commission que, si un syndicat fournissait l'adresse exacte d'une entreprise recourant au travail des enfants, des mesures seraient immédiatement prises. Il a également attiré l'attention sur certaines difficultés rencontrées par le département du travail dans le cadre des poursuites judiciaires basées sur la loi sur l'emploi des femmes, des adolescents et des enfants. Les parents de l'enfant concerné ne sont pas, par exemple, toujours très coopératifs avec le magistrat chargé de l'affaire. C'est la raison pour laquelle le département du travail ne fait suivre que les dossiers qui pourront être prouvés devant le tribunal.

En ce qui concerne le manquement du gouvernement à fournir un rapport annuel sur les activités des services de l'inspection du travail, il a exprimé le souhait de recevoir un exemplaire du formulaire du rapport afin de remplir ses obligations à l'avenir. S'agissant de la demande de la commission d'experts relative au pouvoir coercitif des fonctionnaires du département du travail, il a souligné que le pouvoir exécutoire et notamment de poursuite relève du directeur du travail. Les fonctionnaires chargés du contrôle sont habilités par la loi à mener des enquêtes mais ne peuvent poursuivre. Cependant, ils peuvent toujours obtenir une autorisation du directeur du travail afin de mener des poursuites dans une affaire. L'orateur a exprimé ensuite les préoccupations de son gouvernement face au problème du travail domestique des enfants, étant donné que le travail des enfants ne se pratique pas couramment dans le secteur organisé. Selon les règlements d'application de 1957, pris en vertu de la loi de 1956 susmentionnée, aucun enfant au-dessous de 12 ans ne peut travailler comme domestique. De ce fait, le problème concerne les enfants de plus de 12 ans. A cet égard, le gouvernement a entrepris de réviser la législation afin de régler le problème des enfants de plus de 12 ans qui sont travailleurs domestiques. Il a également souligné que son gouvernement est conscient de l'importance de l'article 10 de la convention et de ce que le nombre d'inspecteurs du travail doit être accru, tout en évoquant les contraintes financières de son pays. Il a fourni des chiffres indiquant que leur nombre s'accroît, plusieurs recrutements ayant été réalisés.

En ce qui concerne l'inspection du travail selon l'article 21, il a donné des statistiques détaillées démontrant que la division de santé et sécurité au travail du département du travail a réalisé un nombre important de visites d'inspection. De plus, des visites d'inspection ont été réalisées suite à des plaintes relatives à des accidents mortels. Il a également fourni des statistiques relatives au nombre d'inspections d'usines dans le pays. Plusieurs de ces inspections ont concerné des industries chimiques à risque. Il n'a malheureusement pas pu donner de chiffres complets sur le nombre de travailleurs concernés par les visites d'inspection en 1998. Il a cependant assuré la commission que de telles données seront fournies au BIT dans un proche avenir. Il a aussi reconnu le fait que le nombre d'ingénieurs dans le département du travail est inadéquat, tout en invoquant à nouveau les contraintes financières auxquelles fait face son gouvernement. Le département du travail doit revoir son système de rapport des accidents mortels et des maladies professionnelles. En complément des inspections, il a souligné le travail de prévention des accidents industriels et des maladies professionnelles accompli par les inspecteurs. Ils informent et forment les entrepreneurs et les cadres dirigeants sur les mesures préventives qui peuvent être prises afin d'éviter des accidents industriels. La division des ingénieurs a également mis en œuvre des programmes de formation en sécurité et santé au travail à l'adresse des responsables. S'agissant de l'article 6 de la convention, il a indiqué que l'inspection du travail est composée de fonctionnaires qui sont, à l'exception de 200 d'entre eux, des fonctionnaires permanents. C'est la raison pour laquelle le département peut compter sur une inspection du travail stable qui poursuit ses tâches quand bien même le gouvernement viendrait à changer. Pour conclure, il a sollicité l'assistance technique du BIT pour remplir les obligations périodiques de rapport concernant cettte convention.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations détaillées fournies mais ont aussi regretté qu'elles n'aient pas été communiquées avant. Ils ont rappelé que le cas a déjà été discuté en 1997. Dans ce cas, la commission d'experts a, pour sa part, formulé des observations et des demandes directes depuis 1959. Ils ont noté que le gouvernement a envoyé des informations dans son rapport au BIT mais qu'il n'a toutefois pas envoyé son rapport annuel sur les activités des services d'inspection, tel que requis par la convention. Sur le premier point soulevé par la commission d'experts dans son observation et qui se réfère à la protection des enfants et des jeunes, ils ont rappelé que, en 1997, le représentant gouvernemental avait déclaré que le travail des enfants était inexistant dans le secteur formel mais avait reconnu l'existence de ce type de travail dans le secteur informel, en particulier dans le secteur domestique, précisant que 21 cas de travail domestique impliquant des enfants avaient été enregistrés en 1996 et 1997. Les membres travailleurs ont relevé les indications du gouvernement sur les inspections effectuées par le département de tutelle et de la protection de l'enfance. A cet égard, ils se sont interrogés sur les moyens et les compétences dont ces inspecteurs sont investis. En outre, ils se sont demandé si les inspecteurs du ministère du Travail maintenaient leur compétence d'inspection dans les matières couvertes par le département de la protection de l'enfance et de quelle manière la collaboration entre les deux services était organisée. Enfin, ils ont demandé au gouvernement d'indiquer les mesures spécifiques prises ou envisagées pour détecter, prévenir et éradiquer le travail des enfants dans le secteur informel et en particulier dans le travail domestique.

Pour ce qui est du deuxième point de l'observation de la commission d'experts, les membres travailleurs ont noté les déclarations du gouvernement selon lesquelles la législation du travail s'applique à tous les établissements dans les zones franches d'exportation. Toutefois, les membres travailleurs ont relevé une déclaration contraire récente de la part du ministre du Travail, aux termes de laquelle il a avoué qu'il y a encore des problèmes d'application de la législation du travail dans les zones franches, en se référant notamment aux horaires de travail dus aux contraintes des commandes et aux envois des marchandises. Ils ont noté le manque d'information fournie par le gouvernement à cet égard, ce qui a empêché la commission d'experts d'évaluer complètement la situation. Se référant à la partie générale du rapport de la commission d'experts relative à l'application des conventions dans les zones franches d'exportation et aux conclusions et directives de la réunion tripartite des pays dotés de zones franches destinées à y améliorer les conditions sociales et de travail, ils ont insisté pour que référence à cette partie dudit rapport soit faite dans les conclusions de la commission. En outre, ils ont requis le gouvernement de fournir des informations détaillées sur le fonctionnement des inspections dans les zones franches et sur les inspections relatives à la santé et à la sécurité, notamment en relation avec l'utilisation des produits ou machines dangereux.

Enfin, en ce qui concerne le troisième point de l'observation, l'effectif des inspecteurs du travail et la fréquence des visites d'inspection, les membres travailleurs ont relevé que, selon l'Association des fonctionnaires du travail, le système d'administration du travail du pays souffre d'une insuffisance de personnel d'inspection. A cet égard, le gouvernement a répondu qu'il envisage d'accroître d'une façon significative l'effectif des fonctionnaires du travail. Les membres travailleurs ont dès lors demandé au gouvernement de fournir des informations précisant l'accroissement réel des effectifs ainsi que la fréquence des inspections.

En conclusion, les membres travailleurs ont rappelé que le système d'inspection du travail préconisé par la convention est un élément prioritaire pour le BIT. L'importance de l'application des normes dans la pratique est reconnue par la commission tout entière et la convention est classée par le BIT parmi les conventions prioritaires. En outre, la protection des enfants et des jeunes est une matière primordiale. La lutte contre le travail des enfants est un des objectifs et principes fondamentaux de l'OIT confirmés dans la Déclaration de 1998. Sri Lanka a légiféré en la matière, mais l'absence de données ne permet pas de vérifier ce qui prévaut dans la pratique. L'application des normes nationales et internationales dans les zones franches est également une priorité pour le BIT. Sans système d'inspection de travail efficace, l'action récente du BIT concernant les zones franches d'exportation est affectée. Ils ont rappelé que le gouvernement peut également recourir à l'assistance technique du BIT mais doit, dans tous les cas, rédiger et envoyer au BIT son rapport annuel sur les activités des services d'inspection.

Les membres employeurs ont remercié le gouvernement des informations qu'il a fournies. Toutefois, ils ont convenu avec les membres travailleurs que ces informations auraient dû être communiquées suffisamment tôt pour que la commission puisse évaluer l'application de la convention. Ils ont fait observer que la commission d'experts était surtout préoccupée par l'efficacité du système de l'inspection du travail au Sri Lanka. La commission a demandé des renseignements sur les inspections qui sont effectuées pour garantir l'application de la législation du travail visant à protéger les enfants et les adolescents et sur les activités de l'inspection du travail dans les zones franches d'exportation. La commission d'experts a également fait mention du manque d'effectifs dans l'inspection du travail au Sri Lanka. A cet égard, les membres employeurs ont pris note de l'indication du responsable gouvernemental selon laquelle environ 20 pour cent des postes disponibles ne sont pas pourvus. Il est impossible pour la commission de déterminer, à partir des informations fournies, si, au Sri Lanka, la convention est appliquée dans tous les lieux de travail, comme le prévoit l'article 2 de la convention. A propos de l'article 5 b), ils ont fait observer qu'aucune information n'indique quel est le degré de collaboration entre l'inspection du travail et les dirigeants des organisations de travailleurs et d'employeurs. Ils ont également estimé que la réponse du gouvernement à propos de l'article 6 n'est pas claire. Le gouvernement a fourni des informations sur l'article 7 mais la commission manque d'éléments en ce qui concerne les qualifications des inspecteurs et leur formation. Au sujet de l'obligation, en vertu de l'article 20, de présenter un rapport chaque année, ils ont souligné qu'elle est non seulement utile pour l'OIT mais aussi pour le pays, et qu'il faut donc y satisfaire. Enfin, ils ont noté que, faute de statistiques complètes, statistiques que prévoit l'article 21, la commission ne peut pas évaluer les initiatives que prend le gouvernement pour rendre plus efficace l'inspection du travail dans les zones franches d'exportation. Les membres employeurs ont demandé au gouvernement de fournir à l'OIT copie de son rapport. Par ailleurs, le gouvernement devrait recourir dans les plus brefs délais à l'assistance technique du BIT.

Le membre travailleur du Pakistan a pris note des déclarations du représentant gouvernemental du Sri Lanka à propos de la situation des services de l'inspection du travail et des mesures prises dans ce pays. Tout en notant que le représentant gouvernemental avait reconnu que l'inspection du travail avait constaté des cas d'enfants au travail au Sri Lanka, il a rappelé qu'il incombe à chaque pays d'élaborer un système efficace pour protéger les droits des travailleurs, en particulier ceux des enfants. L'orateur a souligné l'utilité de la convention pour permettre aux pays d'identifier des cas de violation des droits des enfants et des femmes au travail. Il a pris note de la faible proportion, qu'a évoquée le représentant gouvernemental, de condamnations prononcées à la suite d'inspections. Le gouvernement doit élaborer un système efficace d'inspection du travail et l'orateur l'a exhorté à éliminer les retards des procédures d'application des lois. Il a indiqué que le gouvernement devrait recourir à l'assistance technique du BIT, communiquer au BIT son rapport annuel et améliorer ses mécanismes d'application des lois. En outre, comme l'a noté la commission d'experts, le gouvernement devrait accroître le nombre des inspecteurs du travail dans le pays. Les inspecteurs devraient bénéficier d'une plus grande sécurité de l'emploi afin de pouvoir s'acquitter plus efficacement de leurs fonctions. En conclusion, l'orateur a prié instamment le gouvernement d'améliorer la situation de l'inspection du travail au Sri Lanka.

Le représentant gouvernemental a remercié tous les orateurs pour leurs commentaires. En ce qui concerne le travail des enfants, il a insisté sur le fait que ce problème existe surtout dans le secteur informel et qu'il était extrêmement rare de le rencontrer dans le secteur formel. En ce qui concerne la formation des officiers du département de police, des contrôleurs judiciaires, ainsi que des services de soins des enfants, sur le problème du travail des enfants, il a indiqué que ceux-ci étaient formés par le Département du travail. Il a mentionné que, pour la période 1998-99, 150 officiers avaient déjà été formés et qu'un autre groupe de 150 allait suivre une formation prochainement. Il a également indiqué que des programmes de formation spéciaux pour les ingénieurs avaient été exécutés. Il a réaffirmé que les lois sur les relations professionnelles étaient pleinement appliquées dans les zones franches d'exportation, tout comme elles l'étaient dans le reste du pays. Il a de plus mentionné que des consultations tripartites avaient eu lieu dans les zones franches d'exportation. Le représentant gouvernemental a par la suite fermement insisté sur le fait que le travail des enfants n'existait pas dans les zones franches d'exportation et que, dans le cas contraire, des équipes d'inspection spéciales seraient immédiatement intervenues. Il a de plus réaffirmé que tous les inspecteurs du Département du travail, à l'exception de 200 œuvrant sur le terrain, occupaient des postes permanents. En ce qui concerne l'obligation annuelle de soumettre des rapports, il a indiqué que toutes les informations et données statistiques se trouvaient dans le rapport du Commissaire du travail et que ce rapport serait envoyé au BIT. Le rapport qu'il a présenté aujourd'hui, y compris toutes les données statistiques, sera également communiqué au BIT. Néanmoins, il a exprimé le souhait d'obtenir l'assistance technique du BIT en ce qui concerne l'obligation annuelle de son gouvernement de fournir des rapports concernant l'application de cette convention. Enfin, en ce qui concerne les actions en justice, il a indiqué que des fonctionnaires principaux s'occupaient des poursuites mais il a admis qu'il existait plusieurs problèmes techniques qui pouvaient compliquer les procédures judiciaires.

La commission a noté les informations orales détaillées fournies par le représentant gouvernemental et les discussions qui ont eu lieu par la suite. La commission a noté que le rapport annuel sur les activités de l'inspection du travail n'a pas été envoyé au BIT. La commission a estimé qu'il est essentiel pour l'application de la convention qu'un système opérationnel d'inspection du travail soit mis en place, cela étant aussi valable pour l'application des lois nationales relatives, notamment, au travail des enfants, à l'emploi des femmes, aux jeunes personnes et aux enfants. Elle a prié instamment le gouvernement de garantir que l'inspection du travail soit menée efficacement de manière à détecter le travail des enfants dans le secteur informel, et ce particulièrement pour ce qui est des services domestiques. La commission a insisté sur l'importance que des experts techniques dûment qualifiés ainsi que des spécialistes soient associés à l'inspection, de manière à assurer un système efficace d'inspection du travail dans les zones franches d'exportation où sont utilisés équipements sophistiqués et produits chimiques dangereux. La commission a rappelé qu'un nombre suffisant d'inspecteurs était un des éléments principaux qui garantissent que les inspections soient menées aussi fréquemment et aussi efficacement que nécessaire en vue d'assurer que la protection des travailleurs soit une réalité. La commission a insisté sur l'importance de la collaboration entre les inspecteurs, travailleurs et employeurs ou leurs organisations. La commission a également insisté sur l'importance essentielle de la convention et a rappelé qu'un système efficace d'inspection du travail est la meilleure garantie pour assurer, dans la pratique, le respect des normes du travail. A cet égard, la commission a encouragé le gouvernement à avoir recours à l'assistance technique du BIT. Enfin, la commission a exprimé l'espoir que le gouvernement fournisse un rapport détaillé à la prochaine session de la commission d'experts sur les mesures concrètes qui ont été prises en vue d'assurer le plein respect de la convention dans la pratique.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.