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REVUE
INTERNATIONALE
DU TRAVAIL

Vol. 135 (1996), no 6



NUMERO SPECIAL:
REGARDS CROISES SUR LE TRAVAIL ET SON DEVENIR



Le travail en perspectives: Introduction, par Alain SUPIOT

Les effets de la libéralisation économique obligent à repenser la question du travail. L'auteur prône un décloisonnement des sciences sociales et leur dialogue avec le droit pour pouvoir maîtriser les transformations du travail. C'est cet esprit qui a inspiré les contributions à ce numéro les unes donnant à cette question un éclairage historique, anthropologique et philosophique, les autres analysant les "nouvelles frontières du salariat", ou traçant des perspectives quant à l'avenir du droit du travail. Par son ambivalence, le travail participe aussi bien de notre vie matérielle que de notre vie sociale, et son statut ne saurait être réduit à un problème d'ingénierie de la ressource humaine.


Travail et utilité au monde, par Robert CASTEL

Il n'est pas possible de s'interroger sur le rôle que joue le travail - et particulièrement aujourd'hui le travail salarié - dans l'intégration sociale sans faire référence au droit. L'auteur montre, par un rappel historique, comment s'est formée la conception moderne du travail et comment, à chaque étape, le droit a conféré au travailleur sa dignité et la reconnaissance de son utilité sociale. Il en appelle à un redéploiement du droit du travail pour éviter que l'individualisation et la précarisation des relations d'emploi ne débouchent sur cette forme d'inutilité sociale que l'on appelle l'exclusion.


Le travail et l'identité en Inde, par Gérard HEUZE-BRIGANT

L'auteur aborde la question du travail et de l'identité en Inde d'un point de vue anthropologique, nous ouvrant quelques pistes. Durant des siècles, pour être fondateur d'identité, le travail devait s'insérer dans des castes, des sectes et des liens familiaux. Aujourd'hui, si le travail salarié est important, il est considéré cependant comme responsable des maux de l'économie. Le modèle salarial occupe donc une place relative dans les cultures où les idées d'emploi et d'employé sont apparues avec la colonisation et qui n'ont jamais placé le travail proprement dit au centre de leurs systèmes de valeurs ni fait du travail la source essentielle de l'utilité au monde.


Une mise en perspective de la valeur travail, par Dominique MEDA

La conception du travail et la place primordiale qu'il a prise dans les sociétés occidentales sont des constructions de l'histoire plus qu'une expression de l'essence de l'homme. Charger le seul travail - serait-ce sous l'appellation ambiguë d'activité - de créer et maintenir le lien social c'est se soumettre au type de lien social, fondé sur l'échange marchand, que promeut l'économie. C'est également reléguer au second plan la question qui doit d'abord occuper le philosophe comme le citoyen, celle de la bonne société, c'est-à-dire des finalités de la vie en société, de la nature de la richesse sociale et de la répartition des biens premiers (dont le travail) la plus susceptible de promouvoir la cohésion sociale.


Disparition et résurgence du travail à titre gratuit, par Raymond LE GUIDEC

La distinction entre travail à titre onéreux ou gratuit est typiquement juridique. Le travail à titre onéreux est la norme et de nombreuses formes de travail gratuit disparaissent à mesure que celui-ci est reconnu comme tel - dans l'exploitation familiale par exemple - et qu'il confère des droits. A contre-courant de ce mouvement apparaissent de nouvelles formes de gratuité du travail - du point de vue de l'employeur - dans le cadre des mesures de lutte contre le chômage. Toutefois, cette gratuité ne s'accompagne pas d'une perte de reconnaissance car elle est l'expression d'une solidarité collective.


Le travail et l'opposition public/privé, par Alain SUPIOT

L'opposition entre le public et le privé, l'Etat et la société civile, imprègne notre manière de penser la société. C'est ce qui amène l'auteur à réfléchir sur l'opposition public/privé, sur son incidence dans l'organisation des relations de travail. Il montre que la vision d'une sphère publique en recul face aux valeurs et aux méthodes du privé est trompeuse et que l'on assiste plutôt à une recomposition des rapports du privé et du public. L'enjeu étant la redéfinition des valeurs d'intérêt général commune à ces deux secteurs.


Travail et formation: une frontière qui s'estompe, par Françoise FAVENNEC-HERY

La question des liens entre travail et formation est au coeur des évolutions de la société postindustrielle, mais la notion de formation n'est pas clairement définie. Elle n'est pas simplement l'acquisition de connaissances et de techniques, elle est aussi un élément qui s'insère dans l'ensemble de l'activité de l'individu. La notion de travail n'est pas davantage cernée et est souvent ramenée au concept "d'emploi". Le cheminement qui conduit de l'une à l'autre connaît de profondes évolutions et la frontière entre formation et travail se brouille, ce qui affecte la teneur même du contrat de travail et éclaire d'un jour nouveau la question des modes de reconnaissance juridique de la qualification professionnelle.


Société postindustrielle et sécurité économique, par Jean-Baptiste de FOUCAULD

Partant de l'idée que le travail est devenu une valeur centrale de nos sociétés parce qu'il permet le progrès et que la relation entre travail et développement va se poursuivre, l'auteur en appelle à la construction d'un droit au travail dans le droit du travail. Cela implique une redéfinition des finalités de ce dernier qui doit tenir compte, dans le cadre d'un nouveau contrat social, de deux exigences: l'adaptation permanente des personnes et des structures d'une part et la sécurité économique des personnes d'autre part.


Réflexions pour une redéfinition des relations de travail, par Ulrich MÜCKENBERGER

L'évolution de l'économie induit un phénomène d'individualisation et une crise de représentation dans le monde du travail. Il y a là une menace pour l'intégration et la régulation sociales; mais aussi une chance de fonder une nouvelle éthique de la vie et du travail, ainsi que de nouvelles solidarités. A cette fin, l'auteur propose une "rerégulation", qui soit compatible avec l'efficacité de la production, qui institue une citoyenneté dans l'entreprise, qui prenne en compte la diversité des individus et leur besoin d'autonomie et qui établisse un nouveau type de dialogue et de communication dans les relations de travail.


En guise de conclusion: La transition d'une situation à une autre en droit du travail, par Gérard LYON-CAEN

Après avoir dressé le bilan du droit du travail, de ses gains et de ses pertes, l'auteur nous livre ses réflexions sur le travail lui-même, sur le terrain des idées et sur celui des faits, ainsi que sur les "oppositions": travail-formation; bénévolat-travail rémunéré; travail dans le secteur public et travail dans le secteur privé; travail pour soi-travail pour autrui. Il s'interroge sur la transition entre un ancien et un nouveau droit du travail et entre deux situations de travail.

Mise à jour par MCN. Approuvée par MFL. Dernière modification: 22 mai 1997.