Chapitre 7 - Suivi des effets du salaire minimum

7.7 Effet mixte salaire minimum/négociation collective

L’impact du salaire minimum, et son ampleur, dépendent de l’interaction avec les autres politiques et institutions du marché du travail, notamment la négociation collective. En effet, les effets du salaire minimum diffèrent dans les pays ayant une forte tradition de négociation collective, par rapport à ceux où les salaires sont fixés unilatéralement par les entreprises dans le cadre d’une négociation individuelle.

Qu'est-ce que la négociation collective?

La négociation collective désigne la négociation des salaires et des conditions de travail entre les organisations de travailleurs et les employeurs ou leurs organisations. Les négociations collectives ont un caractère bilatéral, le gouvernement n'intervenant que pour établir le cadre juridique général et promouvoir son développement.

La négociation collective peut se dérouler à différents niveaux. Dans les systèmes dits de «négociation d’entreprise», chaque employeur négocie individuellement; dans les systèmes de «négociation sectorielle», les employeurs se constituent en association pour négocier.

Ce dernier type de négociation est parfois considéré comme plus complet parce qu’il donne davantage de pouvoir de négociation aux parties, réduit les coûts du processus de négociation et déplace le sujet potentiellement conflictuel des augmentations salariales à un niveau plus élevé. Ce type de négociation multi-employeurs fixe aussi des règles uniformes de concurrence entre les entreprises qui sont parties à l'accord. Cependant, il peut restreindre l'indépendance des entreprises, et ne tient pas toujours compte des différences entre les entreprises d’un secteur donné. En outre, de nombreux accords collectifs autorisent maintenant l’individualisation de certaines clauses au niveau de l'entreprise (négociation mixte) et des dérogations conditionnelles selon sa taille.

Il est également possible de recourir au mécanisme d’extension des conventions collectives à toutes les entreprises en vertu de la législation et de la pratique nationales1, afin d’assurer une concurrence équitable en établissant des règles uniformes, et en étendant le champ d’application de la loi à tous les travailleurs.

Données empiriques

Dans de nombreux pays, le salaire minimum et la négociation collective coexistent et se complètent. En principe, le système de salaire minimum devrait cibler les employés les moins rémunérés, alors que la négociation collective permet de fixer des taux planchers, mais également d’augmenter la rémunération des travailleurs qui gagnent plus que le salaire minimum, compte tenu des gains de productivité. Toutefois, si le salaire minimum est trop élevé ou si le système de salaire minimum est trop complexe (p. ex. s’il comporte trop de taux, y compris pour les travailleurs ayant une profession ou des niveaux de qualification très différents), le salaire minimum risque «d’évincer» la négociation collective, en ce sens qu’il empiète sur son domaine et ne lui laisse pas suffisamment d'espace pour se développer.

Lorsqu’il n’existe pas de forte tradition de négociation collective, le salaire de nombreux travailleurs tend à se rapprocher du salaire minimum, ce qui tire le salaire médian ou moyen vers le bas.

Effet mixte du salaire minimum et de la négociation collective

En France, le salaire minimum influe sur le taux de base fixé dans les conventions collectives, qui, en retour, a un effet sur tous les salaires convenus collectivement au-dessus du taux plancher. Le champ d’application de la plupart des conventions collectives s’étendant à tous les secteurs concernés, l’effet d'entraînement est «institutionnalisé» dans toute l'économie, et est donc relativement fort et extensif. Par exemple, selon certaines études, l'effet d'entraînement se fait pleinement sentir sur les salaires situés jusqu'à 10 pour cent au-dessus du salaire minimum, et se prolonge jusqu’à un niveau équivalant à deux fois le salaire minimum, soit un salaire supérieur au 50e centile.

Aux Etats-Unis, en revanche, la faiblesse relative des syndicats et les taux inférieurs de couverture de la négociation collective expliquent que l'effet d'entraînement y est moins marqué. Certaines études menées au Royaume-Uni font état d’un effet d'entraînement encore plus faible, voire quasi-inexistant. De fait, pour les travailleurs rémunérés légèrement au-dessus du salaire minimum, certaines études concluent même à un effet salarial négatif, ce qui donne à penser que certains employeurs «transfèrent» le coût des augmentations du salaire minimum sur d'autres travailleurs faiblement rémunérés, en réduisant préventivement les écarts de salaire.

Source: adapté de Grimshaw, Bosch et Rubery: Minimum wages and collective bargaining: What types of pay bargaining can foster positive pay equity outcomes? 2014, British Journal of Industrial Relations, vol. 52, n° 3, pp. 470-98.


1 Une procédure d'extension est un mécanisme juridique employé dans de nombreux pays, qui permet au gouvernement d'étendre le champ d’application d'un accord sectoriel à tous les travailleurs du secteur concerné ‒ même aux entreprises qui ne l’ont pas signé.