Chapitre 8. Salaire minimum des travailleurs domestiques

8.10 Prestations en nature

Dans certaines circonstances, la convention n° 95 de l’OIT permet le paiement partiel du salaire en nature, notamment lorsque ce mode de paiement est de pratique courante, à condition que ces prestations en nature soient pour l'usage et l’intérêt personnels du travailleur et de sa famille, et que la valeur attribuée à ces prestations soit juste et raisonnable. Voir l’analyse à la Section 1.6.

En résumé:

  • les travailleurs domestiques ont droit à des conditions de travail qui ne sont pas moins favorables que pour les autres travailleurs;
  • le salaire minimum des travailleurs domestiques doit en principe être payé en espèces;
  • si un paiement partiel en nature est autorisé, les conditions ne doivent pas être moins favorables que pour les autres travailleurs; ces prestations en nature doivent uniquement servir à l'usage personnel du travailleur et de sa famille, et être conformes à leurs intérêts; elles doivent être évaluées équitablement et objectivement, et ne doivent pas réduire indûment la rémunération nécessaire pour subvenir aux besoins du travailleur et à ceux de sa famille;
  • si le travailleur domestique est tenu de loger chez l’employeur, ce dernier n’est pas autorisé à déduire le prix de l’hébergement de la rémunération, sauf accord du travailleur.

Impact des paiements en nature

Le paiement partiel du salaire en nature est une pratique relativement courante dans le secteur du travail domestique. C’est notamment le cas des travailleurs logés chez l’employeur, qui perçoivent une rémunération mensuelle en espèces inférieure à la moyenne parce qu’ils bénéficient d’un hébergement. Parfois, les employeurs fournissent également des repas, qui sont déduits du salaire, que le travailleur loge chez l’employeur ou non.

La fourniture du logement et des repas peut représenter un avantage pour les travailleurs domestiques, et est un coût pour l'employeur. Toutefois, ces prestations en nature dans le cadre du salaire minimum renforcent leur dépendance vis-à-vis de l'employeur. Elles peuvent également avoir des effets négatifs à long terme pour leur retraite, et pour les autres régimes contributifs de sécurité sociale fondés sur le revenu.

Un travailleur domestique hébergé par son employeur bénéficie certes d’un logement, mais cela signifie aussi qu’il risque de perdre à la fois son emploi et son logement si un différend insoluble survient. En outre, le travailleur domestique a besoin de percevoir une part suffisante de son salaire en espèces pour subvenir aux besoins de sa famille (logement, nourriture, etc.), et économiser pour assurer son avenir.

La CEACR a souligné que les prestations en nature ne bénéficient pas nécessairement au travailleur. Dans son Etude d'ensemble de 2003 sur les rapports concernant la convention (n° 95) sur la protection du salaire, 1949, et la recommandation (n° 85) sur la protection du salaire, 1949, elle a formulé l’observation suivante:
«Le paiement du salaire sous forme d’allocations en nature, c’est-à-dire de biens ou de services en lieu et place de monnaie ayant cours légal et librement échangeable, tend à restreindre la part de revenu financier du travailleur et constitue à ce titre une pratique critiquable. Même dans les branches ou professions dans lesquelles ce mode de paiement correspond à une pratique de longue date largement acceptée par les travailleurs, il reste nécessaire de poser certains garde-fous et de prévoir une protection de la législation par rapport aux risques d’abus.» (paragraphe 104).

Restrictions aux paiements en nature

Reconnaissant que le paiement en nature est une pratique courante dans le secteur du travail domestique, mais donne parfois lieu à des abus et expose les travailleurs à certains risques, la convention n° 189 dispose expressément que les travailleurs domestiques doivent être payés en espèces, comme les autres travailleurs. Lorsqu’un paiement partiel en nature est permis, la convention impose des limites strictes au pourcentage autorisé et en précise les modalités, à savoir des conditions non moins favorables que celles dont bénéficient généralement les autres catégories de travailleurs.

L’article 12 (2) de la convention dispose qu’un pourcentage limité de la rémunération peut être payée en nature, dans les conditions suivantes:
  • les paiements en nature ne doivent pas être moins favorables que ceux dont bénéficient généralement les autres catégories de travailleurs;
  • le travailleur doit donner son accord;
  • les paiements en nature doivent viser son usage et son intérêt personnels; et
  • la valeur monétaire attribuée à ces paiements en nature doit être juste et raisonnable.
Le paragraphe 14 de la recommandation (n° 201) sur les travailleurs domestiques, 2011, donne d'autres indications sur la manière d’éviter les abus liés aux paiements en nature. Ces dispositions sont conformes à celles de l’article 4 de la convention n° 95, qui vise aussi à protéger les travailleurs contre les paiements abusifs ou excessifs en nature, et s’applique également aux travailleurs domestiques.

Lorsqu’il est prévu qu’un pourcentage limité de la rémunération est versé en nature, les Membres devraient envisager:
a) de fixer le pourcentage maximal de la rémunération qui peut être payé en nature de façon à ne pas réduire indûment la rémunération nécessaire pour assurer l’entretien des travailleurs domestiques et de leur famille;
b) de calculer la valeur monétaire des paiements en nature en se référant à des critères objectifs tels que la valeur du marché, le prix de revient ou le prix fixé par les autorités publiques, selon le cas;
c) de limiter les paiements en nature à ceux qui répondent manifestement à l’usage et à l’intérêt personnels du travailleur domestique, comme la nourriture et le logement;
d) d’assurer que, s’il est exigé d’un travailleur domestique qu’il réside dans un logement fourni par le ménage, aucune déduction ne soit faite de sa rémunération au titre de ce logement, à moins qu’il n’y consente;
e) d’assurer que les biens directement liés à la réalisation du travail domestique comme les uniformes, les outils ou les équipements de protection, ainsi que leur nettoyage et leur entretien, ne soient pas considérés comme un paiement en nature et que leur coût ne soit pas déduit de la rémunération du travailleur domestique.» (paragraphe 14).
 
Bien que la convention et la recommandation ne fixent pas de seuil précis pour les prestations en nature, la commission d’experts a exprimé des doutes quant aux paiements excédant 50 pour cent du salaire (voir Section 1.6).

Ces mesures renforcent l'efficacité des protections entourant le salaire minimum. En veillant à ce que les travailleurs domestiques perçoivent une part suffisante de leur rémunération en espèces, les autorités les protègent effectivement contre les formes inacceptables de travail et les abus dont ils peuvent être victimes au domicile de l’employeur.

En pratique
  • Interdiction de la déduction des prestations en nature du salaire minimum
  • Calcul de la valeur des prestations en nature
  • Prise en compte de la valeur des prestations en nature dans les cotisations de sécurité sociale