La parole aux coopérateurs

Planeta Verde, la coopérative de travailleurs qui cherche à améliorer les conditions de vie des ramasseurs de déchets en Colombie

Dans le cadre de la série d’entretiens «La parole aux coopérateurs», qui réunit des témoignages recueillis par des fonctionnaires du BIT sur des coopératives du monde entier, nous avons rencontré Martha Elena Iglesias, dirigeante de la coopérative de travailleurs Planeta Verde spécialisée dans le ramassage et le recyclage des déchets en Colombie.

Article | 28 août 2018

1. Planeta Verde : qu’est-ce que c’est ?

Martha Elena Iglesias, Cheffe de "Planeta Verde" à la 107th session de la conférence internationale du travail à Genève, 2018.
Coopérative de travailleurs Planeta Verde est né il y a 18 ans à Rionegro, dans la partie orientale du département d’Antioquia (Colombie), à un moment où il fallait venir en aide à un groupe de personnes déplacées qui fuyaient le conflit armé dans la région et où la fermeture de la décharge de la ville était imminente. C’est dans ce contexte qu’un groupe d’étudiants en économie solidaire a eu l’idée, dans le cadre d’un projet universitaire, de transformer le problème des déchets en solution. Cette initiative nourrit aujourd’hui les espoirs de tous ceux qui ont trouvé dans le monde associatif les moyens de réaliser leurs rêves.

A l’origine, l’objectif était de créer des emplois pour une population vulnérable, de limiter les effets sur l’environnement d’une mauvaise gestion des déchets à éliminer ou à valoriser, de créer une entreprise coopérative durable et de devenir un modèle d’organisation pour les ramasseurs de déchets de la région. Depuis, la coopérative s’est imposée par les solutions qu’elle a su apporter, sur le plan environnemental, social, entrepreneurial et économique, en matière de gestion intégrée des déchets. Elle compte désormais 86 ramasseurs de déchets officiels dans la commune de Rionegro, parmi lesquels :
  • 65 pour cent d’hommes ;
  • 35 pour cent de femmes ;
  • 45 pour cent de personnes âgées ;
  • 14 pour cent de femmes chefs de famille.

Membres de "Planeta Verde"

2. Activités déployées et résultats obtenus par les membres

La coopérative a œuvré sans relâche à l’amélioration des conditions de vie des ramasseurs de déchets. Elle a compris qu’il faut être organisé pour peser sur les politiques publiques. En tant que membre de l’Association nationale des ramasseurs de déchets de Colombie (ANR), qui fait elle-même partie du Réseau des récupérateurs de déchets d’Amérique latine et des Caraïbes ainsi que de l’Alliance mondiale des récupérateurs de déchets, organisations auxquelles on doit la reconnaissance du travail des ramasseurs de déchets et de son utilité au service de l’intérêt général, elle joue un rôle actif aux niveaux national, continental et mondial.

La plus grande réalisation de ses membres est d’être parvenus, après des années de lutte, à obtenir une rémunération mensuelle financée par une taxe sur la propreté publique, grâce à une décision de la Cour constitutionnelle qui leur a reconnu la qualité de « prestataires du service public de recyclage ». La coopérative poursuit sa mission pour que davantage d’organisations de ramasseurs de déchets colombiennes puissent elles aussi rémunérer leurs membres et que les autorités locales appliquent la décision constitutionnelle adoptée en leur faveur. Entreprise modèle pour d’autres organisations de recyclage de déchets dans le pays, la coopérative défend les droits des ramasseurs de déchets en tant que groupe devant faire l’objet d’une protection spéciale de l’Etat colombien du fait de leur situation de pauvreté et de leur vulnérabilité.

En plus de donner au métier de ramasseur de déchets la dignité qu’il mérite et d’améliorer les conditions de vie de ceux qui l’exercent, la coopérative offre les prestations suivantes :
  • Enseignement de base et enseignement primaire : octroi de bourses d’études pour réduire le taux d’analphabétisme. Aujourd’hui, 98 pour cent des membres de la coopérative savent lire et écrire, 70 pour cent ont terminé avec succès le cycle primaire et 24 pour cent ont suivi un enseignement secondaire.
  • Programmes de formation : les membres de la coopérative ont accès à une formation continue sur des sujets concernant leur vie personnelle et leurs activités professionnelles : égalité hommes-femmes, finances personnelles, techniques de communication, gestion de la douleur, mode de vie sain, équipements de protection individuelle, gestion du temps, monde associatif, coopératives, service à la clientèle, gestion des déchets, etc.
  • Programmes de santé : la coopérative permet aux membres qui en ont besoin de bénéficier de soins dentaires (prothèses), ophtalmologiques (lunettes) et d’examens de dépistage (mammographies) (en collaboration avec des prestataires de santé).
  • Programme « Réaliser ses rêves » : l’augmentation du volume de déchets recyclés permet de distribuer des bons d’achat utilisables pour réaliser un rêve dans le domaine de la santé, du logement ou de l’enseignement.
  • Banque alimentaire : un panier contenant des aliments de première nécessité est remis à chaque membre tous les quinze jours.
  • « Bankomunal » : il s’agit d’un système informel d’épargne et de crédit destiné aux personnes qui empruntent des sommes trop petites et ne disposent pas de garanties suffisantes pour avoir accès aux banques traditionnelles. Cette banque est gérée par les ramasseurs de déchets, selon leur propre règlement, au moyen de l’achat et de la vente d’actions.
  • Assurance funéraire : les frais d’obsèques sont pris en charge pour tous les affiliés et les membres de leur famille (jusqu’à cinq personnes).
  • Service de transport pour la collecte des matières recyclables : des camions sont mis à la disposition des ramasseurs de déchets pour la collecte à la source des matières recyclables.

3. Difficultés, défis et menaces

Le principal défi que la coopérative s’efforce de relever consiste à traduire dans les actes le statut de « prestataire de service public » qui lui a été conféré, autrement dit de passer d’une situation d’informalité à celle d’une prestation de service rémunérée. Cette transition requiert de la discipline, car la concurrence sur le terrain est de plus en plus vive.

Face à ses concurrents, la coopérative sait qu’elle doit améliorer ses capacités et les services qu’elle fournit. La mécanisation des processus devrait lui permettre de devenir plus compétitive, mais cela ne sera possible que si ses membres acquièrent dans le même temps les compétences nécessaires pour garantir un service de qualité.

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Les entretiens réunis sous le titre « La parole aux coopérateurs » sont des témoignages de dirigeants de coopératives du monde entier que des fonctionnaires du BIT ont rencontrés au cours de leurs activités. Leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.