Combattre le travail forcé grâce à l’inspection du travail: Reportage au Brésil

En juin prochain, la 100e session de la Conférence internationale du Travail à Genève ouvrira une discussion générale sur l’inspection du travail. Des inspections du travail efficaces ont le pouvoir de prévenir les accidents du travail, de protéger les travailleurs, d’améliorer leurs conditions de travail et d’augmenter la productivité en garantissant un environnement de travail décent.

En juin prochain, la 100e session de la Conférence internationale du Travail à Genève ouvrira une discussion générale sur l’inspection du travail. Des inspections du travail efficaces ont le pouvoir de prévenir les accidents du travail, de protéger les travailleurs, d’améliorer leurs conditions de travail et d’augmenter la productivité en garantissant un environnement de travail décent. Elles peuvent aussi contribuer à concrétiser un idéal de l’OIT: qu’aucun être humain ne passe une seule journée de sa vie à travailler sous la contrainte ni ne souffre de traitements dégradants ou inhumains.

Le Brésil est en pointe pour réaliser cet idéal. Grâce aux plans d’action nationaux successifs, adoptés en 2003 et 2008, les activités d’inspection du travail et les mesures de lutte contre l’impunité des employeurs ont permis de libérer des milliers de travailleurs. L’OIT, à travers son Programme d’action spécial pour combattre le travail forcé (SAP-FL), a soutenu ces efforts nationaux au cours des dix dernières années.

Parmi les mesures clés adoptées par le Brésil dans la lutte contre le travail forcé figure la création d’un Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM) en 1995, sous l’égide du ministère du Travail, unissant les efforts d’inspecteurs du travail spécialement formés et équipés, de procureurs du travail et d’officiers de police.

Depuis 2002, avec le soutien des gouvernements du Brésil, de la Norvège et des Etats-Unis, l’OIT a mis en œuvre plusieurs projets de coopération technique pour appuyer l’exécution des plans d’action nationaux et renforcer les capacités de gestion des fournisseurs et des acheteurs brésiliens, réduisant ainsi les risques de travail forcé au sein de leurs chaînes d’approvisionnement. Les projets se sont particulièrement employés à renforcer la capacité des agences nationales, y compris le GEFM, en coordination avec la CONATRAE (Commission nationale contre le travail forcé). Parmi les autres activités, la création d’une base de données pour le secrétariat de l’inspection du travail, la préparation de plans d’action au niveau étatique contre le travail forcé, et la formation des juges et des forces de l’ordre dans les régions du Brésil où la prévalence du travail forcé est la plus grave.

Plus de 39 000 «travailleurs esclaves» sauvés depuis 1995

Entre 1995 et 2010, plus de 39 000 travailleurs esclaves ont été secourus par le GEFM. En 2010, il a inspecté 305 fermes, libérant 2617 personnes. La compensation totale versée à ces travailleurs fut de 8,7 millions de reals (environ 5,2 millions de dollars E.-U.). Depuis 1995, le cumul des indemnisations payées aux travailleurs libérés dépasse 62 millions de reals (37,1 millions de dollars E.-U.), avec une hausse notable du montant annuel versé au cours de la période.

Le GEFM est un élément essentiel de la stratégie du gouvernement pour combattre le travail forcé. Utilisant des équipes composées d’inspecteurs du travail, de procureurs du travail et d’officiers de la police fédérale, le GEFM instruit les plaintes pour travail forcé sur le terrain, libère des travailleurs et poursuit les propriétaires des plantations ou d’autres entreprises où des travailleurs ont été découverts dans des situations analogues à l’esclavage.

Des plaintes pour travail forcé sont déposées par des travailleurs qui ont réussi à s’enfuir des propriétés et ont marché – parfois pendant de nombreuses journées – pour atteindre une ville, ou par ceux qui ont été libérés à la fin de leur service et ont dénoncé par la suite les mauvais traitements qu’ils ont subis. Les principaux organes qui aident les victimes du travail forcé à remplir leur dossier de plainte sont la Commission pastorale de la Terre, représentée par des prêtres et des missionnaires actifs au sein des paroisses locales, la police fédérale, les syndicats de travailleurs ruraux et les coopératives de travailleurs.

Des inspections surprises pour libérer des travailleurs

Les équipes du GEFM ont entrepris des inspections surprises des propriétés afin d’infliger des amendes et de libérer les travailleurs quand des irrégularités comme de graves formes d’exploitation, de travail forcé ou de travail des enfants sont mises à jour. Voici quelques-uns des abus que les équipes recherchent: endettement; présence de gardes armés; preuves de mauvais traitements ou de conditions de travail dégradantes, généralement associées avec un manque d’hygiène dans les quartiers réservés aux travailleurs; manque de sécurité au travail; très faibles rémunérations; et horaires de travail excessifs.

Les travailleurs contractent habituellement une première dette auprès de leur employeur lors de l’embauche. La dette est ensuite artificiellement entretenue, parce qu’ils doivent payer pour le transport vers la ferme et acheter tout le reste (vêtements, nourriture, médicaments et même les outils de travail) dans la boutique de la propriété, à des prix bien supérieurs à ceux du marché. On interdit aux travailleurs de quitter la ferme et ils sont régulièrement menacés pour décourager toute tentative en ce sens.

Si la situation découverte dans une propriété est particulièrement grave et que le propriétaire refuse de payer les amendes ou fait obstacle au travail du GEFM, le ministère du Travail peut demander que les comptes bancaires des membres de l’exploitation agricole inspectée soient gelés et peut procéder à l’arrestation des personnes impliquées.

Les activités du Groupe spécial d’inspection mobile ont favorisé d’importants changements de comportement parmi les propriétaires terriens, y compris dans leurs relations avec le personnel. La présence du GEFM a permis d’informer les victimes du travail forcé de leurs droits et les propriétaires de leurs obligations. Cela a contribué à améliorer les conditions de travail et à atténuer le climat d’impunité et d’argent facile que l’on trouve dans certaines régions du Brésil.