Crise financière: la dimension hommes-femmes

Alors que les premiers secteurs à subir le pire de la crise financière mondiale furent les secteurs dominés par les travailleurs masculins – la finance, l’assurance et l’immobilier, la construction et l’industrie –, la crise frappe maintenant les secteurs des services et du commerce de gros et de détail qui, dans de nombreuses économies industrialisées, sont dominés par les femmes. L’inquiétude concerne aussi les femmes des pays en développement qui n’ont aucune protection sociale. Ce numéro de Planète Travail s’intéresse à ce que la presse relate des effets de la crise sur les disparités hommes-femmes.

En Asie, ce sont le plus souvent les femmes qui sont employées dans les activités orientées à l’export, l’emploi non régulier, les emplois peu qualifiés et à bas salaires. Si l’on en juge par la crise financière asiatique de 1997 et les tendances qui émergent de la crise mondiale actuelle, les travailleurs irréguliers, mal rémunérés et peu qualifiés seront parmi les premiers à perdre leur emploi. Aux Philippines, en Thaïlande et au Viet Nam, les industries les plus touchées sont le textile, l’électronique, le tourisme, le cuir, l’automobile et les pièces détachées, et le bâtiment. Les trois premiers secteurs représentent des pourcentages substantiels dans l’emploi total des femmes dans les trois pays. De même, l’emploi des hommes va considérablement reculer en raison du déclin de la construction. En période de difficultés financières et en particulier parmi les familles pauvres ou à bas salaires, les femmes sont souvent obligées de fournir un filet de sécurité grâce au travail informel rémunéré et au travail non rémunéré. (The Manila Times International, 22 février 2009)

Mais selon le Chartered Institute of Personnel and Development du Royaume-Uni, les femmes ne souffrent «définitivement pas» davantage que les hommes des suppressions d’emploi et du chômage croissant. «C’est un truisme de dire que davantage de femmes vont perdre leur emploi dans cette récession par rapport aux précédentes – il y a tout simplement beaucoup plus de femmes dans la population active», indique John Philpott, l’économiste en chef du groupe. «Pourtant, si l’on ne peut totalement exclure que les femmes auront plus à perdre que les hommes en termes d’emplois avec la récession qui s’amplifie, ce n’est absolument pas le cas en ce qui concerne le ralentissement de l’emploi jusqu’à présent.» Il a reconnu que les femmes qui ont perdu leur emploi peuvent avoir besoin d’une aide sur mesure pour leur permettre de faire face au chômage et de retourner au travail – y compris faire face à la pression sur le revenu des parents isolés ou aux questions de garde d’enfants. Mais, pour le moment, ce sont les hommes qui sont les plus nombreux à avoir perdu leur emploi durant la récession. (www.bbc.uk, 6 mars 2009)

Cependant, un mois plus tard à peine, la presse britannique relatait un point de vue bien différent: «La récession actuelle menace l’emploi des femmes plus que jamais auparavant. Au cours des récessions qu’ont connues les Etats-Unis et le Royaume-Uni par le passé, les revenus des femmes avaient protégé leurs familles puisque c’étaient les industries dominées par la main-d’œuvre masculine qui étaient le plus durement touchées, mais pas cette fois: des secteurs comme le commerce de détail, qui emploie essentiellement des femmes, sont en première ligne. Il est également probable qu’une seconde vague de suppressions d’emplois se produira dans le secteur public – un gros employeur de main-d’œuvre féminine – un peu plus tard, quand l’Etat et les collectivités locales seront contraints de réduire leurs coûts.» (The Observer, 5 avril 2009)

La Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton s’est exprimée lors du Forum des femmes dirigeantes à Pékin, en Chine, sur l’urgence d’agir pour parvenir à l’égalité entre hommes et femmes. S’adressant à un public composé d’universitaires et de dirigeants dans les domaines des affaires, du droit, des médias et du secteur non lucratif, elle a déclaré: «Si les femmes ne participent pas pleinement à la société, la société ne progresse pas autant qu’elle le devrait.» Les défis posés par la crise financière offrent également des possibilités aux femmes sur le lieu de travail, explique Feng Cui, Vice-présidente de l’Association chinoise des femmes entrepreneurs. Prenant en compte le fait que 20 pour cent des entrepreneurs en Chine sont des femmes, Feng a également souligné l’importance pour les femmes de se montrer solidaires pendant la crise financière. (China Daily, 23 février 2009)

Ernst & Young a mis en évidence dans un rapport les contributions significatives et démontrées que les femmes apportent au monde des affaires et à la croissance économique. Le rapport, publié à l’occasion du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, et présenté par Beth Brooke, Vice-présidente Monde de Ernst & Young, fait la promotion du rôle que les femmes peuvent jouer pendant cette période de turbulences économiques. Ernst & Young a conduit des entretiens en profondeur et a recueilli les avis d’éminents penseurs du monde de l’entreprise, des gouvernements ou de l’université. La recherche montre que la participation accrue des femmes dans l’économie mondiale pourrait améliorer de façon significative la croissance mondiale. (Accountancy Age, 30 janvier 2009)

Après que les banques islandaises eurent fait faillite en même temps que le cours des devises à l’automne dernier, le FMI a été appelé à la rescousse pour apporter des crédits et le gouvernement a démissionné en janvier. Les femmes islandaises ont conquis des positions de pouvoir afin de juguler la pire crise économique qu’un pays ait connue en temps de paix. La culture des banques et des affaires d’Islande, largement dominée par les hommes, a été réorientée pour mieux refléter les valeurs «féminines», afin de construire une économie plus équilibrée et de mettre l’accent sur une croissance durable. Le nouveau Premier Ministre d’Islande, Johanna Sigurdardóttir, a promis de diriger un gouvernement qui travaille avec le peuple en cette période de tourmente. Autres éminentes femmes de pouvoir, Halla Tómasdóttir et Kristin Petursdóttir, les fondatrices d’Audur Capital, ont fait équipe avec la chanteuse Björk pour créer un fonds d’investissement afin de relancer l’économie ravagée en investissant dans les technologies vertes. (The Observer, 22 février 2009)

Le journal The Guardian a organisé une table ronde avec des femmes du monde des affaires et de la finance pour débattre et savoir si la crise aurait pu être évitée s’il y avait eu un meilleur équilibre entre hommes et femmes à la direction des banques. Le Dr Ros Altmann, une experte indépendante en matière de banques d’investissement et de fonds de pension, administratrice et membre du Conseil d’administration de la London School of Economics, a exprimé le point de vue selon lequel le machisme, qui veut que vous deviez toujours battre vos rivaux, était un facteur important. Elle a déclaré: «Il n’y avait pas l’esprit de coopération qu’il y aurait eu dans un univers féminin.» Cependant, d’autres femmes, comme Cary Marsch, Directrice générale de Mydeo.com, et Emma Howard Boyd, Directrice de Jupiter Asset Management, pensent que ce n’est pas une question de sexe, mais une question de diversité d’attitudes au plus haut niveau dans les banques. (The Guardian, The Observer, 15 février 2009)

Le Groupe Choice Credit, une société de la région de Détroit aux Etats-Unis, a lancé un programme exclusif de «Sauvetage des femmes» qui aide les femmes à réduire ou éliminer leur dette financière en l’échelonnant. Comme le plan de relance économique du Président Obama pour aider les Américains frappés par la crise financière, le «Sauvetage des femmes» est conçu pour aider les femmes propriétaires de leur maison et qui se battent pour rembourser leur hypothèque, les mères célibataires qui ne reçoivent pas d’allocation enfant et des milliers d’autres femmes, à solder ou alléger leur dette. (MSNBCMicrosoft et NBC, 24 février 2009)