Promouvoir des emplois sûrs et sains: Programme de l’OIT sur la sécurité et la santé au travail et sur l’environnement (Safework)

L’adoption en 2006 de la convention de l’OIT n° 187 et de la recommandation n° 197 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail offre un outil essentiel pour tenter de relever les défis de la SST dans l’économie mondialisée et trépidante d’aujourd’hui. Dans cet article, le Dr Sameera Al-Tuwaijri, directrice au BIT du Programme Safework, décrit ces défis et la manière dont l’OIT y répond.

GENÈVE – L’OIT estime que 337 millions d’accidents surviennent au travail chaque année, alors que le nombre de personnes souffrant de maladies professionnelles est proche de 2 millions. Ces erreurs entraînent environ 2,3 millions de décès par an, dont 650 000 dus à des substances dangereuses – les chiffres ont doublé en quelques années.

Le fardeau économique de pratiques de SST médiocres est stupéfiant. Près de 1250 milliards de dollars sont absorbés chaque année par des coûts induits par le manque d’heures travaillées, l’indemnisation des travailleurs, l’interruption de la production, et les dépenses médicales. Au-delà des questions économiques, nous avons une obligation morale: le coût humain dépasse largement l’acceptable. Alors que le travail ne devrait pas être une entreprise risquée, il tue en réalité davantage que ne le font les guerres.

Pourquoi sommes-nous dans cette situation? Alors qu’il existe un volume sans précédent de recherches et de connaissances sur la gestion du risque et un grand nombre d’instruments juridiques, de normes techniques, directives, manuels de formation et informations pratiques à notre disposition?

En examinant de plus près les statistiques, on s’aperçoit que, si les pays industrialisés connaissent un recul régulier du nombre d’accidents et de maladies liés au travail, ce n’est pas le cas dans les pays qui connaissent actuellement une industrialisation rapide ou dans ceux qui sont trop pauvres pour gérer des systèmes de SST nationaux efficaces, y compris une application correcte de la législation.

Dans les pays en développement, normes et pratiques sont souvent bien loin des niveaux acceptables et le taux d’accidents est plutôt orienté à la hausse qu’à la baisse. La mondialisation rapide a conduit à des changements technologiques et des pressions concurrentielles dans la course au capital qui ont souvent incité les employeurs de ces régions à considérer la sécurité et la santé au travail comme accessoires. Pour inverser ces tendances, il faut réaliser le potentiel des institutions qui ont la capacité d’agir à l’échelle mondiale pour mobiliser les forces de la mondialisation en faveur d’un changement positif.

C’est là que l’OIT peut vraiment faire la différence. Sa structure d’organisation tripartite, qui réunit travailleurs, employeurs et gouvernements, est bien adaptée pour initier et faciliter des programmes de grande envergure. Elle possède aussi les ressources et le mandat global pour coordonner des échanges de connaissances et d’idées sur la SST. C’est pourquoi nous avons toutes les raisons d’être optimistes en plaidant en faveur du travail décent pour tous au XXIe siècle, à travers le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail de 2006 – qui fait partie de la stratégie globale de l’OIT pour la sécurité et la santé au travail (voir encadré).

Défis

Quatre défis principaux doivent être relevés si nous voulons réaliser la promesse de la stratégie globale de l’OIT pour la SST:

  • Le besoin d’une volonté politique renforcée pour améliorer les normes de SST. Si la législation existe souvent, de nombreuses nations échouent à donner « corps » à la loi en ne la dotant pas des mécanismes de mise en œuvre et d’application nécessaires. Il faut à la fois les ressources adéquates et la volonté de suivre les progrès réalisés pour qu’une mise en vigueur effective soit possible. Si la SST figure en bonne place dans les priorités politiques, elle devra être constamment examinée, révisée et affinée.
  • De meilleures opportunités pour l’éducation et la formation sur le tas. L’importance de l’éducation va augmenter au rythme de l’avancée technologique. La formation technique à la sécurité qui est exigée dans la plupart des activités peut être très complexe. Par exemple, un chauffeur de poids lourds doit savoir comment gérer son camion dans des situations et des conditions climatiques très variées. Mais la sécurité peut être aussi simple que de comprendre l’importance de porter des lunettes de protection ou d’éteindre les machines avant de les nettoyer. Les centres de formation professionnelle, les gouvernements et les entreprises elles-mêmes doivent tous prendre part à l’éducation des travailleurs pour éviter les accidents inutiles et les maladies.

    Pour le Programme Safework de l’OIT, la meilleure approche pour toucher autant de travailleurs que possible est de «former les formateurs». Cela signifie que nous réunissons le plus de fonctionnaires possible responsables de la SST dans divers secteurs et régions géographiques et que nous les formons aux dernières bonnes pratiques dans les domaines appropriés. Les centres de formation de l’OIT ont été particulièrement utiles dans ce but. Nous nous efforçons également d’appliquer cette approche à ceux qui ont le plus besoin d’une éducation à la SST, par exemple les travailleurs des pays en développement et/ou les travailleurs vulnérables de l’économie informelle. Un exemple nous est donné par le Programme pour l’amélioration du travail dans les petites entreprises (WISE) qui a été utilisé avec grand succès dans plusieurs pays, tels que la Mongolie. Il se concentre sur les défis particuliers que rencontrent les petites entreprises ou les affaires familiales.

  • Une meilleure sensibilisation aux questions de SST, étroitement liée au souci d’éducation. Une culture de prévention doit être établie sur le lieu de travail pour que les mesures de SST marquent un véritable progrès. Même si les gouvernements, les entreprises et les syndicats font tout correctement, des accidents continueront de se produire si les travailleurs font peu de cas de leur propre sécurité. Le processus de formation et d’éducation, ajouté à de réelles mesures disciplinaires, peut faire beaucoup pour avertir les travailleurs des menaces à leur bien-être. Si un changement notable concernant la sécurité est perceptible au niveau de la main-d’œuvre en général, il peut à son tour inciter les entreprises et les gouvernements à prendre des positions plus proactives.
  • Des partenariats plus approfondis qui intègrent de nombreuses couches de la société. Aucune entité ne saurait s’attaquer seule à tous les défis qui se posent. Les gouvernements peuvent légiférer, les entreprises peuvent éduquer et se conformer elles-mêmes aux règles. Les travailleurs peuvent faire valoir leurs droits et observer strictement toutes les réglementations de sécurité. Si toutes ces parties prenantes agissent en synergie, le potentiel de progression est illimité. Les organisations internationales comme l’OIT ont un vaste rôle à jouer pour coordonner et favoriser les partenariats indispensables pour atteindre ces objectifs. C’est dans cet état d’esprit que fut formulée la stratégie globale pour la sécurité et la santé au travail.

Une dimension importante du Plan d’action pour la stratégie globale de l’OIT pour la SST est l’assistance et la coopération techniques. Le projet OIT-Volkswagen-GTZ en est un bon exemple. GTZ est l’agence de coopération internationale allemande pour le développement durable; elle mène des opérations dans le monde entier. Volkswagen, dans la droite ligne de ses initiatives de responsabilité sociale des entreprises, voudrait aussi voir de meilleures normes du travail s’appliquer à ses fournisseurs, dont un grand nombre se trouvent en Afrique du Sud, au Mexique et au Brésil. VW et GTZ financent un projet de l’OIT à travers Safework pour renforcer les inspections du travail dans ces trois pays, en particulier en relation avec les fournisseurs de VW. Des inspections conjointes de la société et du gouvernement, mettant l’accent sur des initiatives facultatives pour aider les fournisseurs à rechercher des pratiques plus sûres, ont rencontré un grand succès. L’OIT, à travers des partenariats publics-privés tels que celui-ci, a la capacité d’encourager la croissance dans de nombreux domaines de la SST, en particulier dans l’éducation et l’établissement d’une culture préventive.

Une stratégie globale pour la sécurité et la santé au travail

L’OIT a développé un certain nombre d’instruments complets pour poursuivre son œuvre dans le domaine de la SST. Les plus récents d’entre eux sont la convention (n° 187) et la recommandation (n° 197) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006. On appréhende mieux ces instruments dans le contexte de la Stratégie globale sur la sécurité et la santé au travail adoptée par la Conférence internationale du Travail en 2003, qui confirme le rôle des instruments de l’OIT comme pierre angulaire de la promotion de la SST. Parallèlement, la stratégie plaide pour une action intégrée qui associe davantage les normes de l’OIT aux autres moyens d’action tels que le plaidoyer, la sensibilisation, le développement des connaissances, la gestion, la diffusion de l’information et la coopération technique.

Les instruments de l’OIT incluent 19 conventions, 26 recommandations, 2 protocoles et 37 recueils de directives pratiques (pour une description de quelques livres, voir page 31). Quelques-unes des conventions, telles que la convention (n° 167) sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988, ou la convention (n° 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995, sont très spécifiques à l’industrie. Cependant, leur portée peut aussi être assez large. L’une des plus remarquables est la convention (n° 155) sur la sécurité et la santé au travail, 1981, et le Protocole de 2002 qui l’accompagne. Elle se réfère au besoin de formuler et de mettre en application des politiques nationales de SST qui soient axées sur la prévention des lésions et des maladies professionnelles. Elle prône aussi une révision régulière des politiques et des programmes nationaux en reconnaissance du fait que les changements technologiques et sociaux interviennent à un rythme incroyablement rapide.

Deux autres conventions à mentionner sont la convention (n° 81) sur l’inspection du travail, 1947, l’une des conventions les plus largement ratifiées de tous les instruments de l’OIT, et la convention (n° 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969. Ces deux conventions donnent des repères pour le développement de corps d’inspecteurs du travail à travers le monde. L’OIT a aussi développé des outils de formation tels que le Système intégré de formation des inspecteurs du travail et a tenu des ateliers de formation d’inspecteurs dans de nombreux pays, tels que l’Afrique du Sud, la Croatie, Cuba, l’Egypte, l’Ethiopie, Fidji, la République démocratique populaire du Lao, l’ex-République yougoslave de Macédoine, le Mexique, la République de Moldavie, le Monténégro, l’Ouzbékistan, la Roumanie, l’Ukraine et le Viet Nam.

La pertinence de l’inspection continue d’augmenter parce que les pays en développement de différentes régions commencent à s’attaquer à leurs situations de SST. Des lois nationales proactives, en particulier relatives à la prévention des accidents et des maladies, sont un important premier pas dans le sens du progrès. Cependant, sans une application effective des conseillers au niveau de l’entreprise, et une mise en vigueur, cette législation risque de rester lettre morte. Les conventions concernant l’inspection du travail renforcent le droit des inspecteurs d’entrer sur les lieux de travail et de prendre les dispositions appropriées. De cette façon, l’inspection demeure une composante majeure de la Stratégie globale de l’OIT sur la SST. Le rôle important qu’elle joue pour la mise en œuvre et l’avancée au niveau pratique sur le terrain n’est pas exagéré.

Systèmes nationaux de SST

Au cours des dernières années, gouvernements, entreprises et organisations internationales ont tous porté une plus grande attention à la nécessité d’adopter des modèles systématiques de gestion de la SST. L’un des principaux buts de la stratégie globale de l’OIT sur la SST est le développement de politiques nationales de SST, de systèmes, de programmes et de profils, grâce à une approche systématique de la gestion. La SST est un sujet complexe, qui implique un grand nombre de disciplines spécifiques et un large éventail de dangers pour le lieu de travail et l’environnement. Les systèmes nationaux de SST ont d’une certaine manière besoin de maîtriser cette complexité s’ils veulent fonctionner de façon cohérente et efficace.

Alors que les politiques nationales varieront grandement selon les cultures régionales, les coutumes et les situations politiques, elles devraient toutes opérer dans le cadre relativement large fixé par la convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006, et en accord avec la convention (n° 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.

La convention no187 fixe les éléments essentiels d’un système national de SST :

  • Législation et tout autre instrument de SST pertinent
  • Une ou plusieurs autorités ou organes responsables de la SST
  • Des mécanismes régulateurs de conformité, y compris des systèmes d’inspection
  • Un mécanisme consultatif tripartite qui traite des questions de SST
  • Des accords pour promouvoir au niveau de l’entreprise la coopération entre employeurs et travailleurs
  • Informations et services de conseil en matière de SST
  • Systèmes pour délivrer de la formation en SST
  • Services de médecine du travail
  • Recherche sur la SST
  • Mécanisme de collecte et d’analyse des données sur les lésions et les maladies liées au travail
  • Dispositifs de collaboration avec les systèmes appropriés d’assurance ou de sécurité sociale qui couvrent les accidents du travail et les maladies professionnelles
  • Mécanismes de soutien pour une amélioration progressive des conditions de SST dans les micro-entreprises, les PME et l’économie informelle.

La préparation d’un profil national est une première étape essentielle pour construire un bon programme national de SST. Vingt-neuf pays ont développé des profils nationaux ou sont en train de le faire. Le profil est un résumé de la situation au regard de la SST et comprend des données sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et un inventaire de tous les outils et ressources disponibles dans un pays pour mettre en œuvre et gérer la SST. Une fois rempli, le profil peut être utilisé non seulement comme une base pour identifier les priorités d’action mais aussi comme un outil pour mesurer les progrès au fil du temps grâce à une mise à jour régulière.

Prévoir l’avenir

Au rythme où les statuts de l’emploi et les technologies ont changé au cours des dernières années, il est devenu encore plus important d’anticiper des risques différents et souvent nouveaux si l’on veut les gérer efficacement. De nombreuses préoccupations de longue date sont reconsidérées à la lumière de la modification des statuts de l’emploi et des technologies.

Les experts en SST prévoient une augmentation de différentes sortes de risques:

Les risques physiques, y compris le manque d’activité physique, une faible conscience du froid et du chaud (en particulier chez les travailleurs de l’agriculture et du bâtiment), l’exposition à des travaux physiques lourds, aux vibrations et aux radiations UV.

Les risques biologiques tels que le VIH/sida, l’hépatite, la tuberculose, le SRAS, la grippe aviaire, la fièvre dengue, etc. On estime que 320 000 travailleurs dans le monde meurent chaque jour de l’exposition à des risques viraux, bactériens ou biologiques liés à un insecte ou un animal. Le commerce mondialisé a accru les risques d’infection et la difficulté à mettre au point des réponses efficaces.

Les risques chimiques liés aux substances dangereuses comme les métaux lourds, les oxydes, les substances cancérigènes, les produits chimiques perturbant les fonctions endocriniennes tels que certains insecticides, et les poussières et les fumées toxiques lorsque les travailleurs y sont exposés pendant une longue période.

De nouvelles catégories d’expositions telles que les nuisances potentielles des nanomatériaux sur les lieux de travail. L’impact mondial des produits liés aux nanotechnologies devrait, selon les prévisions, excéder 1000 milliards de dollars d’ici à 2015. Une particule d’un nanomètre est plus petite qu’une cellule vivante et ne peut être vue qu’avec le plus puissant des microscopes. Un nanomètre est un milliardième de mètre, comparé à un cheveu humain, qui a un diamètre approximatif de 80 000 nanomètres. Au niveau des nanomètres, les matériaux commencent à démontrer des propriétés uniques qui affectent les comportements physique, chimique et biologique. Les matériaux de cette échelle sont de plus en plus utilisés dans les applications optoélectroniques, électroniques, magnétiques, d’imagerie médicale, pharmaceutiques, cosmétiques, catalytiques et matérielles. Les problèmes de santé potentiels, y compris les risques pour la santé au travail associés aux nanomatériaux, ne sont pas encore clairement compris.

Le stress. Les évolutions de la conception et de l’organisation du travail, et l’introduction de nouvelles technologies ou de nouvelles formes de contrats de travail (y compris les emplois précaires) peuvent tous déboucher sur des niveaux de stress plus élevés. Quand on ajoute le VIH/sida, l’abus d’alcool, de drogues et de tabac, la violence ou le harcèlement à ce mélange, une grave détérioration de la santé mentale et physique peut s’ensuivre.

Bâtir un système national de SST au Kazakhstan

ASTANA, République du Kazakhstan – Le Kazakhstan fut un pionnier dans les nouvelles approches en matière de sécurité et de santé au travail; il est devenu un modèle pour d’autres pays d’Asie centrale. La récente transformation économique a produit une croissance spectaculaire de 10 pour cent, mais le pays demeure confronté à de formidables défis hérités de l’époque soviétique. L’un d’eux était une législation de SST et un système de gestion obsolètes.

La situation est devenue sensible dans les années 1990, quand les conditions de travail se sont considérablement détériorées et que le nombre annuel de victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles s’est chiffré en milliers. Il était évident qu’une amélioration et une modernisation radicales du système de SST du pays étaient devenues indispensables.

Le Kazakhstan a commencé par adopter une série de nouvelles lois, tout d’abord une loi sur la SST, qui s’est ensuite transformée en un code du travail avec un chapitre consacré à la SST, ainsi qu’une loi sur le partenariat social.

Le Kazakhstan a ratifié les principales conventions sur la SST, telles que la convention (n° 181) sur l’inspection du travail et la convention (n° 167) sur la sécurité et la santé dans la construction, et envisage de ratifier la nouvelle convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la SST adoptée en 2006. Pour appliquer cette dernière, le pays élabore de manière systématique un système moderne de sécurité et de santé au travail grâce à un programme national de SST, en suivant les étapes logiques décrites dans la convention n° 187.

L’étape initiale consistait à préparer un profil national de SST qui contenait toutes les données de base relatives à la sécurité et à la santé au travail: cadre légal en vigueur; mécanismes d’application; informations et formation; entrée en vigueur et infrastructures; ressources humaines et financières disponibles; initiatives de SST au niveau de l’entreprise, etc.

Le profil a été élaboré avec le soutien d’un projet financé par la République de Corée qui couvre quatre pays d’Asie centrale. Le projet a aidé ces pays, y compris le Kazakhstan, non seulement à préparer des profils nationaux de SST mais aussi à poursuivre l’analyse de leurs conclusions afin de préparer les programmes nationaux de SST.

La seconde phase du projet coréen va aider ces pays à préparer leurs programmes nationaux de SST. Au Kazakhstan, le ministre du Travail et de la Protection sociale a demandé aux régions de préparer des programmes régionaux de SST qui formeront, à partir de 2008, la base du programme national de SST actualisé, en remplacement du précédent programme.

«Le Kazakhstan est certainement un bon exemple de l’application systématique et effective des exigences de SST au niveau national et au niveau de l’entreprise, avec une implication totale des partenaires sociaux», déclare Wiking Husberg, spécialiste principal des questions de SST au Bureau sous-régional de l’OIT pour l’Europe orientale et l’Asie centrale. «Certains problèmes doivent encore être traités; mais nous disposons maintenant d’un accord avec les syndicats pour établir des comités de sécurité au niveau de l’entreprise. La question de restrictions aux inspections du travail, qui a été relevée par un récent audit de l’inspection du travail, doit encore être résolue. Cependant, le plus important est qu’un processus permanent d’action, de révision et d’amélioration est en cours dans ce pays».

Une évolution importante fut l’adoption par le Kazakhstan d’une nouvelle norme inter-Etats GOST, identique aux Principes directeurs concernant les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail (ILO-OSH 2001), basée sur l’évaluation du risque, la participation des travailleurs et la prévention, avec pour but de parvenir à une culture de sécurité. L’introduction de systèmes méthodiques de gestion de la SST dans les entreprises a été massivement adoptée par les grandes entreprises lors d’un séminaire sur l’évaluation du risque en avril dernier.

Imstalkon, l’une des plus grandes sociétés de construction immobilière au Kazakhstan, a déjà mis en place un nouveau système de gestion de la SST dans les dizaines d’entreprises qu’elle possède à travers le pays. La société emploie actuellement plus de 9000 travailleurs. En plus de cinquante ans d’existence, elle a construit des centaines de projets, y compris la tour Kok Tjube TV de 372 m de haut, l’aéroport international d’Almaty, l’Hôtel Kazakhstan de 26 étages et de nombreuses entreprises industrielles.

«Les travaux de construction sont associés à de nombreux risques, c’est pourquoi nous faisons particulièrement attention à la sécurité au travail, déclare Mikhail Rezunov, ingénieur en chef d’Imstalkon. Notre mission était de créer un système de gestion complètement nouveau, orienté vers l’évaluation du risque et la prévention, s’attaquant aux risques professionnels à la source. Mais le principal changement devait intervenir dans les mentalités – il a fallu réaliser qu’il était beaucoup plus facile et moins onéreux de prévenir un accident que d’en gérer les conséquences. Maintenant, avec le nouveau système mis en place, nous pouvons dire que nos efforts sont payés en retour – pas seulement en termes financiers mais aussi en termes d’image de l’entreprise, ce qui est tout aussi important.»

Berdybek Saparbayev, ministre du Travail et de la Protection sociale du Kazakhstan, approuve: «En utilisant la méthodologie de l’OIT, nous avons comparé le coût de la prévention et celui des conséquences d’un accident dans deux de nos industries les plus dangereuses du pays – les mines et la construction. Nous avons constaté que la prévention coûte des dizaines de fois moins! Le système ILO-OSH 2001 s’est révélé un outil très efficace et nous devons l’introduire à travers tout le Kazakhstan. Bien sûr, beaucoup reste à faire, mais nous allons continuer à aller de l’avant.»

Une évolution des statuts de la main-d’œuvre

  • Migration. Les migrations internationales de travailleurs devraient probablement s’accélérer au XXIe siècle. Pourtant, les travailleurs migrants sont toujours vulnérables; ils ont tendance à être employés dans des travaux sales, dangereux et éprouvants, avec une grande amplitude horaire, une couverture sociale inappropriée et des barrières linguistiques et culturelles qui rendent la communication sur la SST difficile.
  • Le vieillissement, particulièrement dans les pays développés. Un nombre croissant de travailleurs âgés choisissent de rester au travail. En Europe, le groupe des 45-64 ans devrait représenter près de la moitié de la population active en 2020. Bien que le vieillissement soit un processus individuel lié aux gènes et au mode de vie, les travailleurs plus âgés souffrent fréquemment d’une ou plusieurs affections ou désordres médicaux chroniques. Les taux d’hypertension, les maladies pulmonaires chroniques ou cardiaques, le diabète, l’obésité, les cancers, les désordres neurologiques, les maladies des reins ou du foie sont en hausse. Mais d’un autre côté, ces travailleurs ont beaucoup à offrir à leurs employeurs en raison de leur expérience, de leur savoir et de leurs compétences; ils peuvent encore être de véritables atouts si l’on prend garde à leur sécurité et à leur santé.
  • L’égalité entre les sexes. La proportion grandissante de femmes dans la population active soulève une série de questions sur les différents effets des risques liés au travail pour les hommes et pour les femmes, y compris l’exposition à des substances dangereuses, les effets des agents biologiques sur la santé reproductive, les exigences physiques des travaux de force, la conception ergonomique des postes de travail et la longueur des journées de travail. L’émergence des nanotechnologies et les effets pour la santé d’une exposition prolongée aux nanoparticules, jamais explorés jusque-là, auront sans doute un impact sur la sécurité et la santé, mais ces effets sanitaires seront-ils les mêmes pour les femmes que pour les hommes à exposition égale?
  • L’économie informelle. A l’aube du XXIe siècle, la majeure partie de la population active mondiale gagne sa vie dans des conditions de vulnérabilité et d’insécurité propres à l’économie informelle. La résolution de l’OIT concernant le travail décent et l’économie informelle adoptée par la Conférence internationale du Travail en 2002 met en évidence le fait que les travailleurs du secteur informel font l’expérience des plus graves déficits de travail décent. Parmi eux figurent des conditions de travail insalubres et dangereuses. L’extension de la SST aux travailleurs et aux unités économiques du secteur informel est un défi majeur que les méthodes de formation participatives telles que les programmes WISE (amélioration du travail dans les petites entreprises) et WIND (amélioration du travail dans le cadre du développement local) ont parfaitement relevé en Asie, Afrique et Amérique latine.

Sensibiliser et partager les connaissances

Safework s’est engagé à jouer un rôle déterminant dans la sensibilisation aux questions de SST et aux bonnes pratiques sur le terrain. Pour beaucoup, tout cela relève directement de la diffusion de l’information disponible.

Le Centre international d’informations de sécurité et de santé au travail (CIS), une unité spécialisée au sein du Programme Safework, joue un rôle important dans la collecte, l’organisation et la diffusion d’informations de haute qualité sur la SST au niveau international. Il est assisté dans ses tâches par son réseau de centres régionaux, nationaux et associés, qui comprend tous les principaux centres d’informations sur la SST de par le monde. La base de données bibliographiques du CIS, avec 70 000 références, est le premier guide de la littérature mondiale dans le domaine de la SST, alors que le site Web du CIS est accessible gratuitement et comptabilise environ 1,2 million de pages lues par mois.

«La bibliothèque de Safework» est un CD-Rom (en anglais et en français) qui comprend l’Encyclopédie de sécurité et de santé au travail, ainsi que les fiches toxicologiques de l’IPCS. Les manuels, recueils de directives pratiques et matériels de formation sont disponibles en format imprimé et électronique.

En suivant le rythme de l’évolution du monde actuel, Safework est conçu pour être à la pointe du progrès. La collaboration avec d’autres organisations, en particulier les universités et les instituts de formation professionnelle, sur des projets de recherche à fort impact se poursuit.

Une collaboration fut particulièrement réussie, celle du Programme global OIT/OMS pour l’élimination de la silicose: en 2003, le Comité conjoint OIT/OMS sur la santé au travail a conclu que des décennies d’efforts avaient payé et a décidé de fixer l’élimination des maladies liées à la silicose et à l’amiante comme priorité. A cette fin, l’un des principaux outils est la classification par l’OIT des radiographies – qui existe maintenant depuis cinquante ans et reste la norme internationale pour la détection précoce de la silicose.

D’autres partenariats importants comprennent le Programme inter-organisations pour une gestion rationnelle des produits chimiques, l’Association internationale de l’inspection du travail, l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Organisation maritime internationale et le PNUE.

Les hommes et les femmes qui se lèvent chaque jour pour aller travailler et dont les efforts font tourner l’économie mondiale méritent le plus haut degré de sécurité et de santé qui puisse leur être donné; 2,3 millions de morts et près d’un demi-milliard d’accidents subis et de maladies contractées chaque année ne reflètent pas vraiment un degré de protection satisfaisant. La nouvelle déclaration sur la sécurité et la santé au travail adoptée en juillet à Séoul, en Corée, lors du XVIIIe Congrès mondial sur la sécurité et la santé (voir page 43) a fait naître de nouveaux espoirs d’une volonté politique ravivée, d’une prise de conscience plus forte, d’une éducation continue et la conclusion de partenariats à tous les niveaux de la société afin de renforcer et d’améliorer l’état de la sécurité et de la santé au travail localement, nationalement, régionalement et mondialement.

Étendre la sécurité et la santé au travail à l’économie informelle

Plus d’un milliard de personnes, plus de 60 pour cent de la main-d’œuvre d’Asie, continuent de travailler dans l’économie informelle, sans protection sociale ou presque. L’expérience montre que les travailleurs ou les petites entreprises de l’économie informelle sont généralement motivés pour améliorer les conditions de sécurité et de santé de leur propre initiative, mais ils ont quand même besoin d’un soutien pratique. Travail s’est entretenu avec Tsuyoshi Kawakami, expert des questions de sécurité et de santé au travail au Bureau de l’OIT à Bangkok.

Quelles sont les conditions de sécurité et de santé dont jouissent les travailleurs de l’économie informelle en Asie?

En Asie, l’économie informelle traverse tous les secteurs économiques – agriculture, industrie et services. Ils ont tous besoin des mesures de soutien pratiques pour résoudre les problèmes de sécurité et de santé qu’ils rencontrent. Employés et travailleurs indépendants travaillent souvent dans des conditions inférieures à la normale, exposés à différents dangers sur leur lieu de travail, sans bénéficier de la formation et de l’information sur la SST appropriées. En ce qui concerne la législation nationale du travail, elle ne couvre pas toujours l’économie informelle.

Quelles sont les priorités immédiates des programmes de sécurité et de santé au travail (SST)?

Nous avons besoin de mesures pratiques, faciles à appliquer et efficaces au niveau local. Juste pour vous citer un exemple: des approches à moindre coût fondées sur de bonnes pratiques ont dépassé les barrières financières dans les petits lieux de travail en Asie ; elles ont aussi permis la participation active de nombreux travailleurs et se sont traduites par des progrès concrets. Nous avons observé que des choses qui semblaient évidentes ont réellement contribué à donner le coup d’envoi de nos programmes: je pense à des outils de formation pratiques tels que des listes illustrées et des photos témoignant de bonnes pratiques de SST.

Pouvez-vous nous donner des exemples de programmes qui connaissent le succès?

Au Cambodge, quatre cours de formation de formateurs (FdF) se sont tenus dans quatre villes différentes pour couvrir toutes les régions. Ces réseaux participatifs à la formation SST ont constamment étendu la couverture à l’échelle nationale. Cette expansion fut possible grâce à l’orientation pratique des programmes de formation qui dotent les travailleurs de solutions peu coûteuses à leurs problèmes de SST. En avril 2008, plus de 3000 travailleurs de l’économie informelle ont été formés grâce aux réseaux participatifs de formateurs.

Ces approches de formation participatives feront partie du premier Plan cadre de sécurité et de santé au travail (2008-2012) du Cambodge qui sera lancé cette année. Les expériences et les résultats positifs ont été largement partagés avec d’autres pays de l’ASEAN et rendus publics dans des conférences et des revues internationales sur la SST.

Comment peut-on atteindre les employés et les travailleurs indépendants dans l’économie informelle?

Les lieux de travail et les communautés locales disposent de divers réseaux de personnes. Les propriétaires de petites entreprises locales ont l’habitude de former des associations pour échanger des idées et des informations afin de moderniser leurs entreprises. Les dirigeants et les membres des syndicats locaux ont souvent un accès privilégié aux couches populaires et savent comment soutenir les lieux de travail de l’économie informelle pour améliorer leurs conditions de travail. Les travailleurs indépendants ont souvent leur propre système de coopération pour améliorer leur environnement de travail.

Vous soulignez l’importance d’une approche locale de la SST dans l’économie informelle…

Les équipes d’intervention locale sont une bonne option, parce qu’elles sont constituées de personnes ressources locales, y compris des représentants gouvernementaux, des inspecteurs du travail, du personnel médical, des associations commerciales, des syndicats, des leaders communautaires et des ONG locales. Elles peuvent mener des évaluations rapides des groupes cibles dans une région donnée. Cela se fait grâce à des visites sur les lieux de travail en utilisant les listes de contrôle adaptées à l’action SST et des interviews directes des travailleurs et des employeurs.

La prochaine étape, ce sera de concevoir des programmes de formation participatifs adaptés aux besoins spécifiques des publics visés. Le Centre de formation de l’OIT à Turin nous aide à organiser des activités à tous les niveaux. Evidemment, l’appui au niveau de la politique nationale est aussi la clé du succès des programmes de SST dans l’économie informelle. La convention (no187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006, stipule la mise en place de mécanismes de soutien pour améliorer progressivement les conditions de SST dans l’économie informelle.