Nous faisons des affaires! De Better Factories à Better Work

Travailler avec le secteur privé n’est pas une nouveauté pour l’OIT. Mais ces dernières années, le soutien apporté par l’OIT aux activités de RSE menées dans les entreprises a connu une évolution intéressante. Travail se penche sur un projet par pays développé dans le cadre du Programme mondial Travailler Mieux et réalise une interview de Ros Harvey, directrice de ce programme mondial majeur.

GENÈVE – C’est à travers des chaînes d’approvisionnement mondiales que se font les affaires aujourd’hui. Elles sont à la fois porteuses de gains et de défis. Consommateurs, investisseurs, travailleurs, employeurs, militants et médias commencent à prêter plus d’attention à l’impact de ces processus de production sur les travailleurs et leur entourage.

On observe une demande mondiale croissante pour:

  • la protection des travailleurs par des normes du travail,
  • des produits plus sûrs et de meilleure qualité, et
  • des activités durables sur le plan environnemental.

Le Projet Better Factories au Cambodge en est maintenant à sa huitième année. Avec pour objectif d’améliorer les conditions de travail dans les secteurs du textile et de l’habillement, ce programme unique de l’OIT combine suivi, réhabilitation et formation dans un cycle vertueux de progrès. En travaillant avec le gouvernement du Cambodge, l’Association des fabricants textile du Cambodge (GMAC) et les syndicats, le projet étend ses bienfaits aux travailleurs, aux employeurs et à leurs organisations, ainsi qu’aux consommateurs des pays occidentaux. Cela contribue à réduire la pauvreté dans l’un des pays les plus pauvres du monde.

Les investisseurs internationaux qui représentent 70 pour cent des exportations cambodgiennes de vêtements contribuent activement au projet. Le gouvernement a décidé que la participation à ce programme serait une condition à l’exportation, et le pays a créé avec succès la «marque Cambodge» qui, à son tour, a accéléré la compétitivité de l’industrie du pays. Les exportations ont grimpé de 10 pour cent en volume et de 20 pour cent en valeur. Le dialogue entre les acteurs clés – gouvernement, employeurs, travailleurs, ainsi que bailleurs de fonds internationaux – a été la clé du succès: création de 30 000 emplois, taux de syndicalisation de 43 pour cent et recul du travail des enfants au-dessous de 1 pour cent.

Le succès du projet Better Factories a inspiré la création d’un nouveau programme mondial de premier plan: Travailler Mieux, qui est un partenariat entre l’OIT et la Société financière internationale (SFI), l’institution en charge du secteur privé dans le Groupe de la Banque mondiale. Travail s’est entretenu avec Ros Harvey, directrice du Programme mondial Travailler Mieux de l’OIT et de la SFI.

Travail: De quoi traite ce nouveau programme intitulé Travailler Mieux?

Ros Harvey: Le programme Travailler Mieux a trait à une mondialisation équitable et à la réduction de la pauvreté dans les pays en développement. Il est conçu pour améliorer les conditions de travail dans les processus de production mondiaux tout en faisant progresser la compétitivité et la situation des entreprises. Les investisseurs internationaux ont un rôle vital à jouer dans ce processus en soutenant les progrès dans leurs propres chaînes d’approvisionnement.

Travailler Mieux a élaboré des projets pilotes dans trois pays, en Jordanie, au Lesotho et au Viet Nam, qui devront être mis en place en 2008. Le projet combine des évaluations indépendantes de l’application des normes du travail au niveau de l’entreprise avec une formation et un renforcement des capacités. A eux seuls, ces projets pilotes bénéficieront directement à 800 000 travailleurs. Le projet jordanien a été lancé en février 2008. Pour la prochaine étape, nous nous concentrons sur l’agriculture en Afrique.

Imaginez…

… des investisseurs internationaux utilisant Internet pour voir comment les entreprises de leurs fournisseurs traitent leurs employés dans les pays en développement.

… les dirigeants des usines locales obtenant de l’information et de la formation pour les aider à améliorer leur respect des normes du travail et à augmenter leur productivité.

… la vie de millions de travailleurs et de leurs familles améliorée par l’élévation des normes du travail.

Travail: Quels sont les avantages et les défis soulevés par l’application des principes du travail dans les chaînes d’approvisionnement?

Ros Harvey: Alors que la compétition mondiale s’accroît, les pays ont besoin de trouver des moyens de conserver et développer leurs marchés. Ils doivent adopter une stratégie holistique qui améliore les conditions de travail et le respect des normes du travail, accroît la productivité et promeut le dialogue. Le Cambodge a réussi à attirer les investisseurs internationaux et à remplir ses carnets de commande; il a ainsi montré combien le respect des normes du travail était bon pour les affaires. Améliorer les normes du travail dans les chaînes d’approvisionnement est non seulement bon pour les affaires, mais aussi pour les travailleurs et leur entourage. Il partage les bénéfices du commerce avec certaines des populations les plus pauvres dans le monde en s’assurant qu’elles sont correctement rémunérées, qu’elles disposent de conditions de travail décentes et que leurs droits sont respectés.

Travail: Quel appui l’OIT et la SFI peuvent-elles donner aux entreprises et aux travailleurs?

Ros Harvey: La Déclaration de l’OIT sur les principes et les droits fondamentaux contient les «quatre libertés du travail»: des lieux de travail sans travail des enfants, sans travail forcé ni discriminations, qui favorisent la liberté d’association et de négociation collective.

Parmi les autres outils de l’OIT pour aider à promouvoir des lieux de travail décents figurent la Déclaration tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale qui a célébré son 30e anniversaire en novembre dernier, l’accord tripartite adopté lors de la Conférence internationale du Travail de juin 2007 sur les entreprises durables et leur promotion, et une série de programmes d’action organisés par secteur où les employeurs, les syndicats et les gouvernements travaillent ensemble, dans des secteurs tels que le tourisme ou le textile.

La SFI dispose d’indicateurs de performance qui fixent des normes de respect social et environnemental pour ses investissements. L’indicateur de performance 2 fixe des recommandations en matière de questions sociales pour les clients de la SFI. Cela inclut les normes fondamentales du travail de l’OIT, ainsi que toute une série d’autres normes du travail.

La SFI, le plus souvent en partenariat avec des organisations telles que l’OIT, a également développé des outils, des projets, des notes de bonnes pratiques et d’autres guides pour le secteur privé afin d’aller plus loin dans le respect des normes sociales de performance. Travailleur Mieux est l’un de ces outils.

Mesurer l’impact et améliorer la performance

Travailler Mieux mesure son impact sur les travailleurs, les entreprises, les secteurs d’activité et les économies. Un cadre global de suivi et d’évaluation mesure:

  • L’impact sur les travailleurs. Les travailleurs et leurs familles s’en sortent-ils mieux? Leur vie professionnelle, leur santé et l’accès à l’éducation de leurs enfants ont-ils progressé?
  • L’impact sur les entreprises. Les entreprises ont-elles amélioré leur productivité et la qualité de leur production? Font-elles des économies en fidélisant les travailleurs les plus qualifiés? Ont-elles accédé à de nouveaux marchés?
  • L’impact sur les secteurs d’activité et les économies. Le secteur se développe-t-il? Y a-t-il davantage d’employés? La quantité et la valeur des exportations ont-elles augmenté?

Travail: Il existe de nombreuses initiatives dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans le monde. Quel est l’avantage comparatif d’un programme tel que Travailler Mieux?

Ros Harvey: La grande variété des acteurs confère à ce programme un haut degré de crédibilité. Les outils et les programmes spécifiques aux pays de Travailler Mieux vont nous permettre de travailler avec les gouvernements, les investisseurs internationaux, les organisations syndicales et patronales, sur des modèles communs qui favorisent l’impact durable au niveau national. Travailler Mieux combine une évaluation indépendante des normes du travail avec le renforcement des capacités et la formation. Cerner le problème n’est pas suffisant. Nous devons aussi travailler ensemble pour identifier des solutions. L’avenir repose sur une coopération des partenaires au niveau national avec les bailleurs de fonds internationaux. Seul l’engagement le plus large nous permettra de trouver des outils et des solutions pratiques, fondés sur une expérience réelle. Nous devons évaluer ce que nous faisons, identifier ce qui marche et ce qui ne marche pas. A travers ce processus, nous pourrons construire les bases du changement.

Travail : Quels sont les points forts qu’apportent la SFI et l’OIT dans leur partenariat au sein de Travailler Mieux ?

Ros Harvey: La SFI et l’OIT apportent leur expertise dans la corbeille. Travailler Mieux se construit sur les atouts respectifs de la SFI et de l’OIT. La SFI est l’instrument financier de la Banque mondiale pour le secteur privé. Elle dispose de normes de performance pour ses clients investisseurs. L’OIT est l’agence des Nations Unies spécialiste du travail. Travailler Mieux allie l’expertise de l’OIT en matière de dialogue social, de normes du travail et de leur application à celle de la SFI dans le développement du secteur privé. En tant qu’organisations internationales, elles apportent une crédibilité et une expérience solides à ce programme.

Travail: Pendant le Sommet des dirigeants du Pacte mondial 2007, une session a été consacrée au travail. Comment la relation entre monde des affaires et principes du travail a-t-elle été évoquée ?

Ros Harvey: Les participants ont pu entendre des PDG et des représentants des travailleurs, des employeurs et de la société civile discuter de la relation entre monde des affaires et principes du travail. Animant un débat qui associait des représentants du secteur privé et des principales organisations internationales de syndicats et d’employeurs, le Directeur général du BIT Juan Somavia a mis l’accent sur le rôle des principes du travail dans les affaires. Selon M. Somavia, le respect des droits fondamentaux au travail, les relations professionnelles saines et la négociation collective font tous parties intégrantes de la réussite d’une entreprise durable.

Pour plus d’informations, merci de consulter www.betterwork.org.

Outils globaux - Solutions locales

  • Travailler Mieux a construit une base de ressources mondiale, consultable par langue, secteur d’activités ou pays. Parmi ces ressources, on trouve:
  • Un cadre pour évaluer le respect des principales normes internationales du travail et de la législation nationale du travail, permettant aux entreprises de suivre l’impact sur la qualité et la productivité.
  • STAR – un système d’information qui capture les données sur le respect des normes (voir encadré page 13).
  • Des communautés virtuelles pour partager les connaissances entre tous les acteurs des chaînes d’approvisionnement.
  • Des ressources en matière de formation sur la coopération au travail, l’assurance qualité, la sécurité et la santé, la productivité, les conditions de travail, la gestion des ressources humaines et d’autres priorités locales.
  • Des techniques médiatiques éprouvées pour sensibiliser les travailleurs à leurs droits et responsabilités, telles que des bandes dessinées ou des feuilletons diffusés par la radio et la télévision.
  • Des manuels pour résoudre les problèmes dans les petites et moyennes entreprises.
  • Des politiques modèles et des codes de bonnes pratiques pour relever les défis communs aux entreprises.

Travailler Mieux, ce qu’ils en disent…

«Travailler Mieux offre un appui à l’autonomisation des travailleurs dans quelques-uns des pays les plus pauvres du monde. En parvenant à une véritable liberté d’organisation, la vie des travailleurs et de leurs familles en sera améliorée.»

Sharan Burrow, président de la Confédération syndicale internationale

«Le respect des législations nationales du travail se trouve au cœur du progrès social et économique dans ce monde globalisé. Travailler Mieux offre de l’aide aux employeurs sur le terrain pour s’y conformer… Grâce à cela, les employeurs réussissent à améliorer leurs performances économiques et leur accès au marché mondial.»

Brent Wilton, vice-secrétaire général, Organisation internationale des employeurs

«Travailler Mieux représente une avancée significative pour élever les normes sociales… C’est un programme d’une valeur inestimable qui s’efforce d’améliorer les conditions de travail des personnes qui fabriquent nos produits.»

Michael Kobori, vice-président, chargé des bonnes pratiques en matière sociale et environnementale dans la chaîne d’approvisionnement, Levi Strauss & Co.

«Ici au Lesotho, Travailler Mieux a mis en évidence le fait que tous les partenaires sociaux sont interdépendants et que leurs buts se rejoignent. Cela nous aide à avancer vers une vision commune.»

Thabo Tshabalala, secrétaire régional africain, Association internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir

«Travailler Mieux – Jordanie a fondé un partenariat sur le principe selon lequel des conditions de travail décentes et la production de produits de qualité à des prix compétitifs peuvent aller de pair.»

Bassem Khalil Al-Salem, ministre du travail, Royaume hachémite de Jordanie

«Travailler Mieux est une excellente occasion pour les entreprises… Nous voulons lancer le programme dans le prêt-à-porter puis l’étendre à tous les autres secteurs…»

Farham A. Ifram, président de l’Association jordanienne des exportateurs d’accessoires de mode et de textiles

«Travailler Mieux est un instrument utile et efficace qui nous aide à développer les capacités des travailleurs et des gestionnaires dans les usines de nos fournisseurs.»

Ingrid Schullstrom, responsable RSE, H&M

«Travailler Mieux est une approche globale qui couvre l’administration du travail, le renforcement des capacités au sens le plus large et le dialogue social, et s’efforce de faire du respect des normes sociales un élément clé de la compétitivité mondiale.»

Neil Kearney, secrétaire général, Fédération internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir