L'après-AMF Le commerce mondial du textile à l'aube d'une nouvelle ère

Pendant les six mois qui ont suivi la disparition du système de quotas qui avait été maintenu en vigueur après l'abolition de l'Accord multifibres (AMF), les interrogations concernant l'impact social et économique des nouvelles règles du jeu ainsi que leurs conséquences pour l'emploi dans le secteur du textile ont suscité bien des débats. La nouvelle donne va-t-elle créer ou supprimer des emplois dans les pays en transition, les pays en développement et les pays développés? Telle est la question à laquelle l'OIT s'efforcera de répondre en octobre 2005, dans le cadre d'une réunion où des délégués tripartites, attachés à la mise en œuvre d'une mondialisation équitable, essaieront de déceler les perspectives qui se profilent pour l'avenir.

GENÈVE - Au cours des mois qui ont précédé le 1er janvier 2005 - date à laquelle le système de quotas qui régissait depuis 40 ans le commerce du textile et de l'habillement devait définitivement prendre fin - les spéculations sur " l'après-AMF " sont allées bon train. Ce changement aurait-il un impact social et économique? Des conséquences pour l'emploi? Allait-on assister à la disparition d'emplois et, si tel devait être le cas, quels seraient les pays touchés? Sur l'échiquier du commerce international du textile, quels pays allaient-ils sortir vainqueurs, ou affaiblis?

Ces questions, et bien d'autres, sont encore sans réponse. Cependant, alertée par les inquiétudes des pays producteurs, des travailleurs et des entreprises du monde entier, l'OIT a décidé d'organiser une réunion tripartite afin d'examiner les premières conséquences économiques et sociales de l'expiration du système de quotas mis en œuvre dans le cadre de l'AMF.

Cette réunion se déroulera du 24 au 26 octobre prochains, au siège de l'OIT à Genève. Elle sera animée par la volonté de promouvoir une mondialisation équitable dans le secteur du textile et de l'habillement. Deux grands thèmes seront au cœur des débats: l'élaboration de stratégies en faveur du travail décent dans le monde entier, ainsi que la promotion du dialogue social sur les conséquences de la disparition du système de quotas et les perspectives ouvertes par un tel changement. En outre, les participants témoigneront de leur propre expérience et expliqueront de quelle manière ils aident - et continueront d'aider - leurs mandants à s'adapter à cette évolution. Au terme de la réunion, les conclusions des participants et leurs éventuelles recommandations seront soumises au Conseil d'administration du BIT.

Les gouvernements des pays suivants ont été invités: Bangladesh, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Chine, Egypte, Etats-Unis, France, Haïti, Inde, Italie, Kenya, Lesotho, Madagascar, Maroc, Mexique, Philippines, République dominicaine, Roumanie, Sri Lanka, Turquie et Viet Nam. Les employeurs et les travailleurs seront représentés respectivement par quinze délégués. Des observateurs de la Banque mondiale, de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l'Union européenne, de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), du Centre du commerce international, du Bureau international des textiles et des vêtements ont également été invités.

Un rapport du BIT, actuellement en cours de préparation en vue de la réunion, proposera une évaluation des premiers effets de la suppression des quotas sur le monde du travail, examinera également les principaux changements survenus pendant le premier trimestre 2005 et passera en revue les initiatives prises dans le monde avec l'appui de l'OIT en vue de promouvoir la compétitivité des entreprises tout en maintenant des conditions de travail décentes.

Un équilibre précaire

Depuis plus de quarante ans, le secteur du textile et de la confection ne cesse de se mondialiser et ses circuits deviennent de ce fait de plus en plus interdépendants; dans un tel contexte, l'AMF contribuait, par bien des aspects, au maintien d'un certain équilibre. Mis en place en 1974, l'AMF régissait les échanges mondiaux de textiles et de vêtements par le biais d'un système complexe de quotas, établi par des pays industrialisés soucieux de protéger leur production contre la concurrence étrangère. Les exportateurs de vêtements ont donc sillonné la planète à la recherche de pays qui n'avaient pas encore épuisé leurs quotas, ce qui a contribué à la création de millions d'emplois dans des pays où l'exportation de textiles était encore peu développée, voire inexistante.

L'AMF ne constituait toutefois qu'une solution temporaire, l'objectif étant d'intégrer le secteur dans le régime de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) au bout de dix ans en supprimant le système des quotas en quatre étapes, ce qui fut chose faite le 1er janvier 2005.

Evaluer les possibilités

Le document de travail intitulé Labour implications of the textiles and clothing quota phase-out, publié en janvier 2005 par le BIT, constitue la première tentative d'appréciation de l'impact de la suppression des quotas de l'AMF. Il montre comment les pays exportateurs (Bangladesh, Chine, Etats-Unis, Inde, Pakistan, Philippines, République dominicaine, Roumanie, Union européenne) se sont préparés au changement avant le 1er janvier 2005.

Il ressort de ce document que les pays d'Asie du Sud pourraient s'en sortir mieux que d'autres grâce à leurs atouts en termes de capacité de production, de main-d'œuvre et de rentabilité. En outre, les choses pourraient commencer à changer dans les pays dont l'industrie du textile et de la confection n'était pas des plus modernes et était fortement tributaire des quotas. Ces pays s'en remettent désormais à leur ingéniosité pour compenser leur déficit d'infrastructure et gérer cette transition avec souplesse, tout en restant aussi compétitifs que possible. C'est ainsi, par exemple, que la Thaïlande s'efforce de faire de Bangkok un des hauts lieux de la mode en Asie, et que le Cambodge s'emploie avec détermination à améliorer les conditions de travail.

Selon les auteurs, la disparition des quotas pourrait entraîner un recul de l'emploi, en particulier dans les pays qui les appliquaient - le BIT s'attend à une baisse comprise entre 1 et 2,5 pour cent d'ici à 2018. Cependant, la prolifération des filières internationales d'approvisionnement pourrait renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs des entreprises concernées et, par voie de conséquence, améliorer les conditions d'emploi des travailleurs de l'ensemble du secteur.

Ces conclusions restent toutefois hypothétiques, et seul le temps révélera le véritable impact de la suppression des quotas sur le commerce mondial du textile. L'OIT estime cependant que des stratégies économiques et sociales cohérentes seront nécessaires aux échelons national et international, pour faire face aux conséquences sociales de cette nouvelle situation et, surtout, d'une aussi intense concurrence internationale. La réunion d'octobre offrira aux représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs de toutes les régions du monde une occasion idéale de collaborer à l'édification d'une mondialisation équitable.

Pour tout renseignement concernant cette réunion, consulter le site: www.ilo.org/public/english/dialogue/sector/sectors/textile/iloact.htm

Sources: www.ilo.org/public/english/dialogue/sector/papers/textile/wp224.pdf et www.ilo.org/public/french/standards/relm/gb/docs/gb293/pdf/gb-5.pdf