Les nouveaux pères: le congé de paternité en Norvège

Après la naissance d'un enfant, la mère a droit à un congé de maternité, mais qu'en est-il du père? Ne devrait-il pas lui aussi bénéficier d'un peu de temps libre pour pouvoir s'adapter à la nouvelle situation? Sur ce plan, la Norvège figure en tête des nations européennes et, de surcroît, le gouvernement propose maintenant de porter de quatre à cinq semaines la durée du congé réservé exclusivement au père.

NORVÈGE - Dans les sociétés occidentales, les ménages qui tentent de concilier vie familiale et vie professionnelle sont de plus en plus nombreux. Par conséquent, la nécessité d'imaginer des mesures sociales adaptées et de revoir en profondeur la relation entre Etat providence, marché du travail et familles se fait de plus en plus pressante. Les pays scandinaves, dont certains ont institué le congé maternité rémunéré dès le 19e siècle, ont été les premiers à mettre en œuvre des idées aussi avant-gardistes que le droit garanti à la prise en charge des enfants, le congé parental partagé, le congé de paternité et l'allocation de garde d'enfants à domicile.

La plupart des pays de l'Union européenne (UE) accordent eux aussi un congé de paternité rémunéré, dont la durée varie de deux jours en Espagne à deux semaines en France, mais, avec quatre semaines complètes, la Norvège (qui n'est pas membre de l'UE) se situe au premier rang des pays soucieux du bien-être familial.

Encourager les pères

Selon l'étude publiée récemment par le BIT, "Gender Equality and Decent Work: Good practices at the workplace", c'est la Norvège qui octroie le plus long congé de paternité rémunéré, lequel s'ajoute aux onze mois de la mère.

Une loi adoptée par ce pays en 1993 fixe à quatre semaines le congé parental réservé au père ("quota paternel"), le but étant d'encourager davantage de pères à s'investir dans l'éducation de leur enfant au cours de la première année. Ces quatre semaines ne sont pas cessibles à la mère et sont perdues si le père ne fait pas valoir son droit.

En Norvège, les droits en matière de congé parental et de compensation salariale sont fixés par la loi. Les dispositions qui régissent le congé parental sont fondées sur le principe de l'égalité des chances, à la fois pour inciter les femmes à entrer ou à rester dans la vie active et pour encourager les hommes à passer davantage de temps à la maison pour s'occuper de leurs enfants. Tel est le cas d'Isak Berntsen, officier de la Marine royale norvégienne, qui, à 31 ans, se fait une joie de pouvoir consacrer plus de temps à sa fille Erle grâce au "quota paternel".

"Je suis heureux de pouvoir jouer mon rôle de père de manière plus active pendant que ma fille est encore petite. Nous avons décidé que ma femme resterait à la maison pendant les douze premiers mois, durant lesquels elle percevra une allocation équivalant à 80% de son salaire. Le quota paternel peut être utilisé à n'importe quel moment pendant la période de congé parental, mais il est perdu si le père ne le prend pas, c'est-à-dire que je dois le prendre maintenant ou jamais. J'ai de la chance de pouvoir me consacrer davantage à ma famille tout en continuant de percevoir l'intégralité de mon salaire. Je suis membre de la Force de réaction de l'OTAN, et je constate que la plupart de mes collègues étrangers ne bénéficient pas des mêmes droits".

La durée du congé parental a été prolongée pour tenir compte du "quota paternel" de sorte que les femmes n'ont pas été lésées. Le père a droit à ce quota, que la mère reste ou non à la maison après l'accouchement, c'est-à-dire que les deux parents peuvent rester à la maison pendant le congé du père. Toutefois, celui-ci ne peut pas prendre de congé pendant les six semaines qui suivent la naissance.

Une question d'égalité

Partant de la pratique et des résultats observés dans 25 pays, l'étude du BIT montre comment des gouvernements, des organisations d'employeurs et des syndicats de toutes les régions du monde intègrent le principe de l'égalité entre hommes et femmes dans leurs institutions, leurs grandes orientations, leurs programmes et leurs activités.

Le gouvernement norvégien mène une politique active de promotion de l'égalité entre les sexes depuis 1978. La mise en œuvre de cette politique est assurée par l'Unité de l'égalité entre femmes et hommes, qui fait partie du ministère de l'Enfance et de la Famille, par le Médiateur pour l'égalité entre les sexes et par le Centre pour l'égalité entre les sexes. Le ministère est également chargé de questions telles que les services de garde d'enfants, les congés parentaux et l'équilibre famille-travail.

En 1978, la Norvège a promulgué une loi sur l'égalité des sexes qui interdit la discrimination fondée sur le sexe dans tous les secteurs de la société et stipule que les institutions publiques sont tenues de veiller au respect de l'égalité entre hommes et femmes dans leurs domaines de compétence respectifs, dans le monde du travail, dans l'enseignement ou dans les services de santé, par exemple. Les dispositions de cette loi ont été renforcées en 2002 par un amendement en vertu duquel les employeurs des secteurs public et privé sont désormais tenus de présenter chaque année un rapport indiquant la proportion de femmes et de cadres féminins qu'ils emploient.

Résultat: Plus de pères utilisent leur quota

Grâce à cette formule, le nombre de pères qui prennent un congé de paternité a sensiblement augmenté.

De fait, entre 1978, année de l'introduction du congé parental, et 1994, très peu de pères ont fait usage du nouveau droit qui leur était accordé. Mais en 1997, le service du Médiateur pour l'égalité entre les sexes a indiqué que plus de 70 pour cent des pères ayant droit au congé rémunéré l'avaient pris cette année-là, ce qui représentait une formidable augmentation par rapport aux 2,4 pour cent enregistrés en 1992. Depuis lors, comme l'indique le tableau ci-dessous, les chiffres sont restés élevés.

Nombre de pères ayant utilisé le "quota paternel" en 1997 et 2004


      1997    2004
   Nombre total de femmes ayant bénéficié des prestations parentales (dossiers classés)    48,664    46,690
   Nombre estimatif de pères ayant droit au "quota paternel"    38,392    37,352
   Pères ayant droit au "quota paternel", en pourcentage du nombre de naissances ouvrant droit à des prestations parentales pour la mère    78%    80%
   Nombre total de pères ayant utilisé le "quota paternel" (dossiers classés)    29,238    33,164
   Pères ayant utilisé le "quota paternel", en pourcentage des ayants droit (estimation)    75%    89%

Prolongation du congé de paternité

Lors de la révision du budget national, le gouvernement norvégien a proposé de prolonger le congé de paternité d'une semaine, ce qui portera à plus d'un an la durée totale du congé parental ou d'adoption.

Cette mesure s'appliquera aux parents d'enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2005. Aux termes de la nouvelle proposition, le congé parental et d'adoption sera prolongé d'une semaine, réservée exclusivement aux pères. La durée totale du "quota paternel" sera donc de cinq semaines.

En finir avec la discrimination

  • Auparavant, les prestations de paternité et d'adoption de nombreux pères étaient réduites proportionnellement aux droits acquis par la mère. Les pères ne recevaient l'allocation maximale que si la mère de l'enfant avait travaillé au moins l'équivalent de 75 pour cent d'un poste à plein temps.
  • Les prestations des hommes dont l'épouse ou la compagne travaillait entre 50 et 75 pour cent étaient réduites en fonction du taux d'activité de la mère.
  • Les hommes étaient tellement défavorisés sur le plan financier que beaucoup d'entre eux devaient se contenter de deux semaines payées à 100 pour cent plutôt que de prendre quatre semaines payées à 50 pour cent. Cette pratique discriminatoire est désormais abolie, l'allocation du père étant aujourd'hui calculée en fonction de son propre revenu d'activité.

Bien des hommes apprécieront ce petit bonus puisqu'ils toucheront davantage pendant qu'ils sont à la maison avec leur enfant. En effet de nombreux pères percevront une allocation de paternité calculée sur la base de leur propre situation professionnelle. Jusqu'ici, ceux dont l'épouse travaillait à temps partiel subissaient une discrimination et étaient pénalisés sur le plan financier lorsqu'ils prenaient leur congé de paternité.

Ainsi, la durée totale du congé parental et d'adoption passera de 52 à 53 semaines payées 80 pour cent, ou de 42 à 43 semaines payées à 100 pour cent, à condition que ce soit le père qui prenne la semaine supplémentaire. Toutefois, si le père n'a pas droit au "quota paternel" ni à un congé de paternité, la semaine supplémentaire sera octroyée à la mère. Il en sera de même si la mère élève seule son enfant.

Dispositions relatives au congé parental

En Norvège, conformément à la loi de 1978 sur l'égalité entre les sexes, les dispositions qui régissent le congé parental s'appliquent aux deux parents en toute égalité. En outre, chacun des parents a droit à une année de congé sans solde par enfant, prolongeable jusqu'à deux ans pour les familles monoparentales.

Des prestations parentales qui permettent de concilier vie professionnelle et vie familiale

La durée réglementaire du congé parental est de 42 semaines rémunérées à 100 pour cent du salaire ou de 52 semaines rémunérées à 80% du salaire.

Les parents qui ont droit aux prestations peuvent se répartir entre eux la période de congé rémunéré. Cependant, l'utilisation de certaines semaines est réglementée:

  • Les 3 semaines qui précèdent l'accouchement sont réservées à la mère;
  • Les 6 semaines qui suivent l'accouchement sont réservées à la mère;
  • 4 semaines sont réservées au père ("quota paternel").

Cela laisse 29 semaines de congé parental qui peuvent être utilisées soit par la mère, soit par le père, soit par les deux.

Gender Equality and Decent Work: Good Practices at the Workplace

Publié par le Bureau pour l'égalité entre hommes et femmes

Partant des pratiques de 25 pays et des résultats obtenus, cet ouvrage montre comment des gouvernements, des organisations d'employeurs et des syndicats de toutes les régions du monde intègrent le principe de l'égalité des sexes dans leurs structures institutionnelles, leur ligne de conduite, leurs programmes et leurs activités.

Les exemples de bonnes pratiques sont classés en huit catégories parmi lesquelles la ventilation des données par sexe, la mise en place de partenariats stratégiques, l'adoption d'une approche plurisectorielle de la législation, des politiques et des stratégies et l'utilisation stratégique de l'expertise en matière d'égalité entre hommes et femmes. Destiné à faire naître des idées neuves et à encourager la transposition des bonnes pratiques, l'ouvrage décrit celles-ci phase par phase afin que le lecteur puisse en dégager chacun des éléments, les comparer et retenir les aspects les mieux adaptés à sa situation.

L'institution norvégienne du "quota paternel"

Les deux parents ont droit au congé parental ou d'adoption mais quatre semaines de cette période sont réservées au père, c'est le "quota paternel". Si le père n'utilise pas ces semaines, il les perd. La mère doit avoir travaillé au moins l'équivalent de 50 pour cent d'un emploi à plein temps.

En cas de partage du congé parental, la loi sur le milieu de travail prévoit que les périodes respectives des parents devront être prises sans interruption, d'abord par la mère puis par le père.

Le "quota paternel" ne peut être utilisé que six semaines au moins après la naissance de l'enfant. En cas d'adoption, les pères peuvent utiliser leur quota à n'importe quel moment du congé correspondant. Sur accord de l'employeur, le "quota paternel" peut être divisé en plusieurs périodes, mais il doit impérativement être utilisé pendant la période de congé parental ou d'adoption. Si l'employeur y consent, le père peut par exemple prendre un jour par semaine pendant 20 semaines. Il faut dans ce cas que la mère ait congé pendant les quatre autres jours de la semaine. Le père ne peut pas utiliser son quota dans le cadre d'un compte-épargne temps.

Rien n'oblige la mère à reprendre le travail lorsque le père utilise son quota. Si elle le souhaite, elle peut par exemple travailler à temps partiel (avec un compte-épargne temps). Cependant, elle n'a droit qu'à 50 pour cent des prestations parentales pendant cette période.