Le travail décent au service du développement de l'Afrique: Des raisons d'espérer

La moitié de la population africaine, soit plus 300 de millions de personnes, vit dans une extrême pauvreté avec l'équivalent de un dollar ou moins par jour. Il s'agit du niveau de vie le plus bas du monde à l'échelle de toute une région. En outre, l'écart entre les plus pauvres et les plus riches est, lui aussi, sans égal dans le monde. Les options stratégiques destinées à réduire cette pauvreté et à combler le fossé entre riches et pauvres grâce à une politique de développement fondée sur la création d'emplois seront au centre des débats de la Xe Réunion régionale africaine, qui se tiendra du 2 au 5 décembre à Addis-Abeba. Quels sont les problèmes clés auxquels se heurte aujourd'hui l'Afrique et comment peut-on les résoudre ?

Le principe du travail décent est d'une grande utilité pour l'Afrique. Aux prises avec une immense pauvreté et avec les barrières dressées par un système inéquitable de règles économiques internationales, elle a deux énormes tâches à accomplir: créer des emplois et réduire la pauvreté.

Il y a pourtant des raisons d'espérer. Les nations africaines sont engagées dans un processus de développement dynamique fondé sur leurs efforts collectifs. Des projets d'inspiration communautaire sont en train d'élever le niveau de qualification de la main-d'œuvre, de donner naissance à de petites entreprises, de développer la microassurance et la microfinance, de supprimer le travail des enfants et d'éliminer les diverses formes de discrimination, y compris la discrimination envers les femmes. Un nombre remarquablement élevé de pays africains ont ratifié les huit conventions fondamentales de l'OIT. Et dans l'industrie manufacturière, par exemple, le mur de discrimination qui laissait les femmes à la porte des entreprises est en train de se lézarder.

"Les mandants tripartites de l'OIT en Afrique se réunissent alors que les nations du continent mettent en place des institutions qui devraient enclencher un processus dynamique de développement basé sur leurs efforts collectifs", déclare le Directeur général du BIT, Juan Somavia dans un rapport préparé pour la réunion d'Addis-Abeba et intitulé Le travail décent au service du développement de l'Afrique (Note 1). "Nous devons nous assurer qu'un pas décisif est fait dans la lutte que mène l'Afrique pour prendre en main sa destinée, exploiter pleinement son potentiel humain et ses ressources naturelles et échapper au piège d'une pauvreté débilitante qui touche une large partie de la population."

La création de l'Union africaine (UA) en 2002 et du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) en 2001, s'inscrivent dans cette nouvelle dynamique. Le rapport du BIT fait observer que la décision des chefs d'Etat et de gouvernement de l'AU, réunis en juillet à Maputo, de tenir un Sommet extraordinaire sur l'emploi et la réduction de la pauvreté, en 2004 au Burkina Faso, porte en elle la promesse de relier les nouvelles initiatives régionales à l'expérience quotidienne des travailleurs du continent.

Les employeurs, les syndicats et les ministres du Travail africains qui se retrouveront à Addis-Abeba pour la Xe Réunion régionale africaine, connaissent mieux que quiconque la difficulté de la tâche à accomplir pour offrir à tous, hommes et femmes, un travail productif et un revenu décent. Quelle est la situation à ce jour ?

Sur la lancée du rapport du Directeur général "S'affranchir de la pauvreté par le travail"

Trois idées-forces dominent le rapport du Directeur général " S'affranchir de la pauvreté par le travail":

•  Les pauvres ne créent pas la pauvreté. Celle-ci résulte de défauts structurels et de systèmes économiques et sociaux inefficaces. Elle est le produit d'orientations politiques inadéquates, d'un manque total d'imagination politique et d'un soutien international insuffisant.

•  La pauvreté coûte cher. Elle freine la croissance, alimente l'instabilité et empêche les pays pauvres d'avancer sur la voie d'un développement durable.

•  Il existe une autre dimension de la pauvreté. Ceux qui vivent dans le dénuement matériel font preuve d'énormes réserves de courage, d'ingéniosité, d'endurance et de solidarité pour assurer, jour après jour, leur survie. Le combat qu'ils mènent contre la pauvreté met en évidence la capacité de résistance et la créativité de l'esprit humain. A maints égards, les travailleurs pauvres sont les meilleurs entrepreneurs.

L'éradication de la pauvreté est le plus grand défi social qui se pose à nous aujourd'hui, mais c'est aussi, d'un point de vue économique, une très grande occasion à saisir. Les employeurs, les travailleurs, les ministères du Travail et les responsables de communautés locales ont une conscience aiguë de l'ampleur de la tâche à entreprendre pour assurer à tous, hommes et femmes, un travail productif et un niveau de vie décent.

S'affranchir de la pauvreté par le travail , Rapport du Directeur général, Conférence internationale du Travail, 91e session, 2003, BIT, Genève, 2003, ISBN 92-2-212870-2.

Le visage de la pauvreté dans l'Afrique contemporaine

Contrairement à ce qui se passe dans d'autres parties du monde, la pauvreté est particulièrement grande en Afrique et la situation continue à se dégrader. Près de la moitié de la population du continent, soit quelque 300 millions de personnes, vit avec 1 dollar ou moins par jour. En Afrique subsaharienne, le pourcentage de pauvres est près de deux fois plus élevé que la moyenne mondiale, qui est de l'ordre de 24%. Et dans le nord du continent, 2,8% de la population, c'est-à-dire environ 6 millions de personnes, vivent en deçà de ce seuil (de 1 dollar ou moins par jour).

Le chômage dans le secteur formel est en augmentation: il est passé de 13,7% en 2000 à 14,4% en 2002. Ce secteur est depuis longtemps impuissant à créer des emplois durables, et ce problème va s'aggraver, car la population active, qui constitue déjà 34% de la population totale, devrait doubler dans les 25 prochaines années. L'Afrique subsaharienne est la deuxième région au monde pour la rapidité de croissance de sa population active (2,6% par an en moyenne). Ces données sont préoccupantes pour ce qui est de la sécurité de l'emploi, aussi faiblement rétribué soit-il, de la qualité des conditions de travail, etc.

Le rapport souligne que "le chômage est un grave problème dans la plupart des pays africains" mais ajoute: "L'ampleur du sous-emploi est tout aussi inquiétante sinon plus ; elle est responsable d'une faible productivité et de l'insuffisance des revenus. Dans la plupart des communautés, la pauvreté résulte moins du chômage que de l'impossibilité de tirer un revenu adéquat du travail. Cela est particulièrement vrai dans l'économie informelle, dans le secteur agricole et dans les économies rurales."

Le rapport souligne également que l'on ne peut sous-estimer l'intérêt qu'il y a à développer une activité productive dans les zones rurales et met en garde contre la propension à négliger l'emploi rural et les initiatives du marché du travail en se concentrant hâtivement sur les seules activités urbaines.

La pauvreté est particulièrement grave chez les femmes et les jeunes filles des zones rurales, qui travaillent souvent dans le secteur agricole. En Afrique subsaharienne, bien que le taux d'activité des femmes soit élevé - et même plus élevé que la moyenne internationale - la main-d'œuvre féminine est généralement confinée dans les emplois les moins rémunérés, les moins qualifiés et les plus précaires. En outre, malgré la progression des femmes dans l'emploi salarié du secteur non agricole - 28,6% en 2001 contre 18,9% en 1990 (ces taux sont plus bas dans le nord du continent), la discrimination fort enracinée à leur égard reste un obstacle majeur à la croissance et au développement. Dans l'ensemble de la région, les taux d'activité des hommes étaient, jusqu'à récemment, supérieurs à 80%.

Le chômage des jeunes est une autre cause de préoccupation. Il est très élevé, atteignant près de 80% du chômage total dans certains pays ; et chez les jeunes femmes, il est partout plus élevé. Pour les pays qui ont des statistiques, on estime que seuls 5 à 10% des jeunes qui entrent dans la vie active peuvent trouver du travail dans l'économie formelle, la majeure partie des nouveaux emplois étant générée par l'économie informelle. Au total, environ 55% de la population africaine ont moins de 18 ans.

L'épidémie de sida est sans nul doute l'un des plus sérieux problèmes auxquels sont confrontés aujourd'hui les dirigeants africains. Dans certains pays, les taux d'activité sont en nette régression. En Afrique du Sud, celui des hommes est tombé de 79,1% en 1995 à 57,7% en 1999. Au Lesotho, il a reculé de 85,2% en 1995 à 69,2% en 1997 et au Botswana de 83,5% en 1995 à 60,1% en 1999.

A la recherche de solutions

Pour réduire de moitié la pauvreté d'ici à 2015, conformément aux objectifs de développement des Nations Unies pour le Millénaire, les pays africains devraient atteindre un taux de croissance annuel de 7%, près du double du taux actuel. Selon la Commission économique de l'ONU pour l'Afrique, la croissance est passée de 3,2% en 2002 à environ 4,2% en 2003. Néanmoins, hormis dans une poignée de pays, il faudrait une beaucoup plus forte accélération de la croissance pour réduire le chômage, le sous-emploi et la pauvreté.

"Même si la pauvreté a de nombreuses facettes, c'est surtout l'impossibilité de percevoir un revenu qui explique la pauvreté et l'inégalité", affirment les auteurs du rapport, qui indiquent que des millions de ménages africains "pris au piège de la pauvreté", consacrent jusqu'à 70% de leurs revenus aux dépen-ses de première nécessité, c'est-à-dire à la nourriture.

En réponse, des décisions politiques récentes, comme la création de l'UA et du NEPAD, et certaines initiatives mondiales, ont ouvert la voie à une réorientation des stratégies de développement, qui met l'accent sur l'emploi productif et le travail décent.

"Ensemble, nous devons continuer à défendre notre principe de base, à savoir que le travail décent est la voie royale vers la suppression de la pauvreté", peut-on lire dans le rapport du BIT. "L'année prochaine, l'OIT et ses mandants auront l'occasion de contribuer à la préparation du Sommet spécial des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine sur l'emploi et la lutte contre la pauvreté."

"Les partenaires sociaux et les gouvernements africains devraient faire de l'emploi un axe prioritaire de leur programme de développement. Pour ce qui est de la lutte contre la pauvreté, ils devraient s'engager à prendre à l'avenir des mesures concertées à tous les niveaux, de telle sorte que la production augmente sans discontinuer. Il est indispensable de réunir au plus vite les conditions nécessaires à des stratégies de réduction de la pauvreté basées sur le travail décent. Les objectifs prioritaires sont l'aptitude à l'emploi, l'esprit d'entreprise, l'égalité des chances et la création d'emplois, et la concertation sur les décisions concernant les politiques nationales de développement est le meilleur moyen de les réaliser."

Des progrès dans la réalisation de quatre objectifs fondamentaux permettront de rompre le cycle de la pauvreté:

•  Mettre fin à la discrimination et à l'exclusion sociale qui marginalisent des millions de familles africaines et entravent le développement éco-nomique.

•  Accroître la productivité et les revenus du travail dans les exploitations agricoles et les petites entreprises qui sont le moteur du système de production de l'Afrique.

•  S'unir pour améliorer la position du continent dans les échanges internationaux et le système commercial et financier mondial.

•  Renforcer les mécanismes de dialogue social, de représentation et de transparence sur les lieux de travail, au niveau national et dans les nouvelles structures de coopération régionale pour le développement.

"L'emploi est au cœur du mandat de l'OIT", rappelle M. Somavia. "Le principal moyen d'acquérir un revenu reste, dans toutes les économies, l'emploi. C'est pourquoi l'emploi - son expansion et son amélioration selon les principes du travail décent - doit faire partie intégrante de toute stratégie de développement pour l'Afrique."

Le rôle du dialogue social dans le développement de l'Afrique

Le renforcement du dialogue social est l'un des objectifs stratégiques de l'OIT. Il contribue à la formulation, à l'application, au suivi et au recentrage des mesures concernant le monde du travail, y compris celles qui visent à mettre l'emploi au service du développement. Le dialogue social renforce l'aptitude des pays à choisir leur propre approche de la croissance et du développement. Certains gouvernements ont constaté que le dialogue social avec les organisations d'employeurs et les syndicats permettait de définir des aspirations communes en matière de développement économique. On trouvera ci-dessous la description de deux programmes de promotion du dialogue social en Afrique.

Depuis 1995, le BIT aide ses mandants sud-africains à obtenir la reconnaissance par la justice des torts subis dans le passé par des centaines de milliers de travailleurs sans défense. Dans la période qui a suivi la fin de l'apartheid, cette action a permis de mettre la démocratie au service de l'équité dans le monde du travail et de la stabilité des relations professionnelles.

Le BIT a appuyé la création de la Commission de conciliation, de médiation et d'arbitrage (CCMA), organe indépendant de règlement des conflits. Outre son impact sur l'existence des personnes qui ont directement bénéficié de ses services - domestiques, ouvriers agricoles et travailleurs occasionnels - la mise en place d'un système de règlement des conflits jouissant de la confiance du patronat et des syndicats a contribué à consolider le régime démocratique et la stabilité sociale, économique et politique de la nouvelle Afrique du Sud.

Avec les représentants du gouvernement, des entreprises et des travailleurs, le BIT a mis en place les structures institutionnelles (siège à Johannesburg et un bureau dans chacune des neuf provinces), formé des médiateurs et des arbitres (plus de 100 travaillent à temps plein et plus de 300 à temps partiel) et créé un système de gestion électronique des dossiers. La commission examine plus de 120 000 affaires par an. Au cours de sa première année d'existence, le nombre de grèves à l'appui de revendications salariales, par exemple, a diminué de 60%.

La CCMA sert maintenant de modèle pour la mise en place d'institutions similaires dans sept pays d'Afrique australe (Namibie, Botswana, Swaziland, Lesotho, Mozambique, Angola et Zimbabwe). Sur la base de l'expérience sud-africaine, le BIT aide les partenaires sociaux de ces pays à acquérir les moyens, les connaissances et les compétences nécessaires pour résoudre les conflits du travail et ainsi améliorer les perspectives de paix et de stabilité.

Le Programme régional de promotion du dialogue social en Afrique francophone (PRODIAF), financé par les gouvernements belge et français, a été lancé en 1998. Il aide de nombreux pays francophones à renforcer les structures de coopération tripartite aux échelons national et sous-régional. Les gouvernements et les partenaires sociaux sont ainsi amenés à évaluer leur système de dialogue social et de coopération tripartite en analysant ensemble les aspects qui devraient être améliorés, modifiés et consolidés.

En outre, le programme PRODIAF met l'accent sur les aspects institutionnels et organisationnels des mécanismes de négociation et de consultation tripartites en développant la recherche et en créant un réseau de praticiens/experts africains de la concertation sociale.

De 1998 à 2003, le programme PRODIAF a permis de réaliser dans 22 pays africains plus de 80 missions exploratoires, études nationales sur le dialogue social et la coopération tripartite et ateliers de sensibilisation et de formation. L'intérêt exprimé par des bailleurs de fonds aussi importants que l'Union européenne, dans le cadre de l'accord ACP-UE de Cotonou, augure bien de l'avenir du programme.

Inégalité hommes-femmes et pauvreté: Vers une solution

En Afrique aujourd'hui, les femmes et les filles - dont un grand nombre travaillent dans l'agriculture et dans les zones rurales - sont les premières victimes de la pauvreté. Bien que la proportion de femmes économiquement actives soit importante - plus élevée que la moyenne internationale - les femmes et les filles sont très souvent cantonnées dans les emplois les moins bien rétribués, les moins qualifiés et les plus précaires. La discrimination à leur endroit est profondément enracinée et constitue un obstacle à la croissance et au développement. La part de l'emploi salarié des femmes dans le secteur non agricole de l'Afrique subsaharienne a augmenté, passant de 18,9% en 1990 à 28,6% en 2001, mais il y a peu de temps encore le taux d'activité des hommes dépassait 80%.

Globalement, les femmes sont entrées en force sur le marché du travail à tel point que dans certains pays elles constituent désormais la moitié des personnes actives. Pourtant, le monde du travail se caractérise encore par une forte ségrégation qui enferme de très nombreuses femmes dans des emplois si peu valorisés et si précaires que peu d'hommes seraient disposés à les accepter. Et même pour un travail de nature similaire, le salaire des femmes est généralement de 20 à 30% inférieur à celui des hommes.

Existe-t-il des solutions ? La création d'emplois de qualité pour les femmes est un moyen fondamental de lutte contre la pauvreté. Le rapport Le travail décent au service du développement montre que l'émergence de petites entreprises génère de plus en plus de possibilités d'emploi réelles et durables - pour les femmes en particulier. En outre, la création d'institutions de microfinance ouvre l'accès au crédit et à l'épargne, en marge du système bancaire traditionnel.

L'un de ces programmes est le Programme d'appui aux structures mutualistes ou coopératives d'épargne et de crédit (PASMEC), exécuté conjointement par l'OIT et la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), qui encourage des institutions telles que les banques villageoises et les groupements féminins d'épargne. Dans son rapport intitulé S'affranchir de la pauvreté par le travail, le Directeur général du BIT constate que le secteur de la microfinance est aujourd'hui un secteur bien développé au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, au Mali, au Niger, au Sénégal et au Togo, où plus de 300 institutions offrent des services à 42 millions de membres, touchant un ménage sur cinq.

Le Programme de promotion de l'emploi par le développement des petites entreprises (IFP/SEED) et le Service du développement de l'esprit d'entreprise chez les femmes et des questions d'égalité de sexes dans les entreprises (WEDGE) soutient aussi des femmes entrepreneurs et œuvre en faveur de l'égalité entre les sexes à tous les niveaux - villes et villages. Une femme qui produit et vend des savons raconte: "Dans les foires commerciales, pendant que d'autres se font photographier aux côtés d'hommes influents, moi je vends mes savons et donne ma carte de visite à leurs femmes."

Le Réseau pour l'emploi des jeunes

Environ 55% de la population africaine a moins de 18 ans. Ces jeunes comptent parmi les principales victimes du chômage et de la pauvreté. Le chômage des jeunes, en règle générale plus répandu chez les femmes que chez les hommes, représente environ 60% du chômage total de l'Afrique. Le BIT estime que l'économie formelle peut absorber seulement 5 à 10% des nouveaux arrivants sur le marché du travail. C'est essentiellement dans l'économie informelle que s'offrent des possibilités d'emploi. De ce fait, l'"exode" des jeunes instruits et qualifiés du continent vers les pays du Nord prive l'Afrique de son capital humain et de l'espoir que les jeunes représentent pour l'avenir.

L'énergie, les aspirations et l'esprit créatif des jeunes sont des atouts auxquels aucune société ne peut se permettre de renoncer. La persistance du chômage des jeunes coûte cher sur le plan du développement économique et social, perpétue la transmission de la pauvreté d'une génération à l'autre et favorise la délinquance, la violence, la toxicomanie, l'alcoolisme et différentes formes d'extrémisme politique.

Au sein du Réseau pour l'emploi des jeunes, avec les Nations Unies et la Banque mondiale, l'OIT considère la création d'emplois pour les jeunes comme un moyen incontournable de réaliser les objectifs de développement du Millénaire. La population jeune de l'Afrique est si nombreuse que la lutte contre le chômage et la pauvreté de l'ensemble de la population passe nécessairement par la création d'emplois pour les jeunes.

L'OIT et ses partenaires du réseau, y compris les partenaires sociaux et les mouvements de jeunesse, recherchent des solutions novatrices pour aider les pays à se doter des plans d'action nationaux préconisés dans la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la promotion de l'emploi des jeunes.

L'Egypte, la Namibie et le Sénégal 2 sont les premiers pays africains à participer aux activités du réseau en Afrique, et de nombreux autres pays ont demandé au BIT de les aider à améliorer l'emploi des jeunes.

Le Sénégal est à l'origine de la résolution des Nations Unies sur la promotion de l'emploi des jeunes, qui a été adoptée en décembre 2002 avec le coparrainage de 106 pays. En Egypte, le BIT apporte au gouvernement une assistance technique en vue de l'élaboration de sa politique et de son programme national pour l'emploi des jeunes. Le gouvernement du Kenya a créé un groupe de réflexion sur l'emploi des jeunes, qui se compose de représentants des ministères concernés, des organisations de travailleurs et d'employeurs et d'associations de la société civile parmi lesquelles les mouvements de jeunesse. Ce groupe analyse les programmes existants en vue de l'harmonisation des politiques nationales et recherche des ressources et des appuis pour la mise en place de programmes de création d'entreprises à l'intention des jeunes femmes et des jeunes hommes.

Pendant la Xe Réunion régionale africaine, les participants à la séance plénière sur le thème "Un travail décent pour les jeunes" réfléchiront au rôle que peuvent jouer les partenaires sociaux en vue d'étendre les activités du Réseau pour l'emploi des jeunes à tout le continent. Ils examineront la question de l'emploi des jeunes dans le cadre général de l'Agenda global pour l'emploi de l'OIT, préparant la voie à la reconnaissance, au plus haut niveau politique, de la nécessité d'agir en faveur de l'emploi des jeunes en Afrique, lors du Sommet extraordinaire de l'UA sur l'emploi et la réduction de la pauvreté, qui se tiendra en 2004 à Ouagadougou.

Sécurité sociale: Lancement de la campagne mondiale en Afrique

La Campagne mondiale sur la sécurité sociale et la couverture pour tous sera présentée aux ministres et aux représentants des employeurs et des travailleurs africains lors de la Xe Réunion régionale africaine, qui se tiendra du 2 au 5 décembre à Addis-Abeba, en Ethiopie.

L'élargissement de la protection sociale sur un continent où le pourcentage des travailleurs employés dans l'économie informelle peut aller jusqu'à 90%, est à la fois une gageure et un instrument indispensable de lutte contre la pauvreté. Dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne, moins de 10% des travailleurs ont une couverture sociale. Qui plus est, le VIH/sida menace la viabilité financière de systèmes de sécurité sociale qui étaient déjà fragiles avant son apparition.

Des exemples concrets montrent que la situation peut être améliorée. De 1989 à 1999, la Tunisie a élargi la couverture santé et vieillesse de 60 à 84%. En Afrique du Sud, 1,9 million de personnes, soit environ 85% des ayants droit, sont désormais au bénéfice du régime de retraite financé par l'impôt, ce qui a réduit de 94% la surpauvreté des retraités. Et en Afrique de l'Ouest, les régimes de micro-assurance santé des mouvements mutualistes ou coopératifs offrent une couverture santé de base à un nombre croissant de personnes.

A la faveur de cette campagne, le BIT se propose de collaborer avec les gouvernements et les partenaires sociaux pour définir des plans d'action nationaux, appuyer les initiatives locales visant à élargir la couverture sociale, diffuser les bonnes pratiques et attirer l'attention sur le caractère prioritaire que doit revêtir l'extension de la sécurité sociale dans le Programme de développement de l'Afrique.


Note 1: "Le travail décent au service du développement de l'Afrique", Xe Réunion régionale africaine, Rapport du Directeur général. BIT, Genève, 2003, ISBN 92-2-214841-X. Pour se procurer un exemplaire de ce rapport, se rendre à l'adresse: www.ilo.org ou s'adresser au Département de la communication du BIT.

Note 2: Avec le Brésil, Sri Lanka, l'Indonésie, la Hongrie et l'Azerbaïdjan, ces pays sont les premiers à préparer des plans d'action nationaux sur l'emploi des jeunes.