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Regarder le passé pour envisager l’avenir: A quoi ressemble la nouvelle normalité?

Les crises, comme celle causée par le COVID-19, sont porteuses de changements. Que peuvent nous enseigner les crises précédentes sur la façon dont ces changements sont susceptibles de se manifester?

Editorial | 27 août 2020
Gary Rynhart, spécialiste des activités pour les employeurs, EAT/BP-Pretoria
Au cours des cent dernières années, sept crises ont eu un impact véritablement mondial. Deux guerres mondiales (1914-1918 & 1939-1945); deux pandémies mondiales, la grippe espagnole (1918) et le VIH/SIDA (à partir des années 1980); une crise politique majeure (1989 – la fin de la Guerre froide); et deux crises financières (1929 et 2008).

Toutes ces crises sont apparues dans des circonstances uniques, avec des causes multiples. Toutefois, nous pouvons tirer quelques conclusions provisoires qui valent pour notre situation actuelle.

Premièrement – ce n’est pas vraiment une grande révélation – les crises sanitaires obligent à innover dans le domaine des soins de santé. La pénicilline a été découverte en 1926, dans une décennie marquée par les avancées médicales. Les bases de l’industrie pharmaceutique moderne ont été jetées au cours de cette décennie. L’accent mis sur l’hygiène a permis l’émergence de nouvelles sociétés comme Unilever ou Procter&Gamble.

De manière générale, l’innovation suit les crises sanitaires, politiques et (surtout) militaires. Les périodes qui ont suivi les deux guerres mondiales ont été remplies d’innovations basées sur les technologies utilisées en temps de guerre. Cependant, l’innovation stagne après une période de crise économique. Si l’on prend comme indicateur les brevets déposés aux Etats-Unis, on peut retracer des ralentissements importants après les crises de 1929 et 2008. Ces deux crises financières ont aussi été suivies par des périodes d’instabilité politique, dans les années 1930 en particulier, qui ont vu un nationalisme violent déboucher sur une guerre mondiale.

Le progrès social suit généralement une crise. N’importe quelle crise. Les années 1920 et 1930 ont vu la création d’une grande partie du droit international du travail (28 conventions de l’OIT adoptées dans les années 20, et 39 dans les années 30). Le droit de vote des femmes s’est développé après la Première Guerre mondiale. Le système des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme ont vu le jour après la Seconde Guerre mondiale. Le VIH/SIDA a déclenché des discussions sur la sexualité qui, beaucoup le pensent, ont préparé le terrain pour l’égalité du mariage dans les années 2000.

Alors, en se basant sur l’expérience des crises précédentes, que pouvons-nous attendre pour les années 2020?

Birzeit Pharmaceutical Company © World Bank
Commençons par le plus évident: en raison de la nature de cette crise, nous pouvons probablement attendre de l’innovation dans les secteurs pharmaceutique et de la santé.

Plus généralement, les économies vont changer. De nouveaux secteurs et de nouvelles entreprises vont apparaître ou se développer et les plus anciennes disparaître. Dans les années 1920, l’aviation a décollé et le conseil en gestion s’est imposé comme une activité courante (McKinsey fut fondée en 1926); dans les années 1930, ce fut la santé et le secteur pharmaceutique moderne; le tourisme moderne dans les années 1950 (les hôtels Best Western furent fondés en 1946 et Holiday Inn suivit en 1952).

Au moment de la crise financière mondiale de 2008, les cinq plus grandes sociétés étaient Exxon, General Electric, Microsoft, AT&T et Procter&Gamble. Seules deux figurent encore dans le classement des 10 premières sociétés. Les cinq plus grandes sociétés mondiales sont aujourd’hui Apple, Google, Facebook, Microsoft et Amazon.

Quoi d’autre? Les gens aiment se vider la tête après une crise. Le jazz et le rock’n’roll ont émergé après les deux guerres mondiales. De nouveaux mouvements artistiques ont vu le jour (Bauhaus et Art Déco) dans les années 1920. Attendez-vous donc à des explosions de créativité dans les secteurs des arts et du divertissement.

La perturbation mondiale des chaînes d’approvisionnement causée par la pandémie semble encourager les entreprises à limiter leur exposition aux risques. Cela va probablement se traduire par une utilisation plus répandue de l’automatisation et de l’intelligence artificielle, notamment parce que ces technologies peuvent faciliter la production de biens plus près des consommateurs qui veulent les acheter. Cela aura des répercussions majeures sur l’emploi.

Nous avons aussi vu que de grandes décisions politiques ont été prises rapidement et ont été couronnées de succès.

Prenez l’exemple du travail à domicile. Sans les trajets quotidiens, il n’est pas difficile de deviner les gains de productivité et les bénéfices financiers. Attendez-vous à une baisse de la demande de grands bureaux coûteux en centre ville. Ce n’est peut-être pas la fin des bureaux mais la fin d’une ancienne conception du bureau.

© Thomas Hawk
Cela a des implications plus larges. Si les cols blancs (peut-être la moitié d’entre eux) n’ont plus besoin de venir s’asseoir dans un bureau tous les jours, ils n’ont pas besoin d’habiter dans de grandes villes chères. Ainsi, si les grandes villes ne vont pas se vider des immeubles de bureaux de standing, elles en auront moins besoin. Cela ouvre aux villes la perspective de réinventer leur modèle de gestion. Elles peuvent devenir des centres de création, des espaces de vie et des pôles de divertissement.

Mais il manque peut-être une chose qui fait la grandeur des grandes villes. Les migrants.

Le COVID-19 a pratiquement stoppé toutes les migrations. Certains dirigeants politiques vont voir dans les restrictions actuelles aux migrations une occasion de renforcer leurs programmes globaux à long terme, surfant sur une opinion publique qui allait déjà dans ce sens. Ce qui veut dire que les villes pourraient perdre cet ingrédient essentiel qui, quoique souvent sous-estimé, leur confère leur grandeur.

Une crise et la réaction qu’elle entraîne sont favorables à l’éclosion des grandes idées – politiques, économiques, sociales et scientifiques. Certaines d’entre elles ont conduit à des innovations qui ont amélioré la vie de millions de gens, d’autres au conflit et à la guerre.

Quoi que nous puissions attendre de la décennie qui vient, nous pouvons indubitablement attendre une chose. Du changement.

Par Gary Rynhart, spécialiste des activités pour les employeurs, EAT/BP-Pretoria