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Intégrer les populations autochtones dans la réponse au COVID-19

La pandémie de COVID-19 a frappé de plein fouet une population déjà marginalisée au Népal.

Editorial | 20 juillet 2020
Pratima Gurung *
Au Népal, les populations autochtones ont été très durement touchées par la crise du COVID-19. Nous avons dû apprendre un nouveau vocabulaire et utiliser des mots comme quarantaine, auto-isolement, désinfectants pour les mains et distanciation sociale.

Nous avons aussi dû nous conformer à des règles qui, jusqu’ici, ne s’appliquaient pas à nos modes de vie. Nous n’avons pas l’habitude de nous laver les mains régulièrement parce que, de par notre culture, nous sommes beaucoup plus proches de la Terre Mère et que, la plupart du temps, nous ne disposons pas d’eau potable.

La situation a été encore plus difficile pour les personnes autochtones en situation de handicap, comme moi. Il m’est impossible de garder une distanciation sociale lorsque j’ai besoin de me faire aider. Je peux me débrouiller seule mais, comme je n’ai qu’une main, je ne peux pas toujours suivre à la lettre les recommandations sanitaires, ce qui m’angoisse terriblement. La pandémie m’a fait me sentir encore plus «handicapée» que jamais.

Telle est la situation à laquelle sont confrontées les personnes autochtones en situation de handicap. La plupart d’entre elles n’ont pas accès aux fournitures médicales essentielles, en particulier les personnes souffrant de lésions de la moelle épinière nécessitant un cathéter ou les personnes hémophiles ayant besoin de plasma.

Les femmes handicapées autochtones ont été victimes de discrimination, de violence et d’abus. Et l’on a également constaté une augmentation des taux de suicide durant la pandémie.

Les populations autochtones représentent environ un tiers de l’ensemble de la population népalaise, soit environ 11 millions sur les 30 millions d’habitants que compte le pays. Il convient de prendre en considération leurs besoins particuliers, tout en tenant compte de leurs spécificités culturelles.

Lorsque les autorités ont annoncé le confinement, les personnes handicapées et les populations autochtones n’ont pas eu accès à l’information sur le virus dans les langues indigènes, les langues locales ou la langue des signes, les campagnes sanitaires et publiques autour du COVID-19 ne prenant guère en considération les spécificités culturelles ou autochtones.

Si le gouvernement distribue des kits de protection à certains habitants, la plupart des personnes autochtones ne disposent pas des documents requis pour y avoir accès. Pour obtenir de l’aide, il faut soit être en possession d’une carte de citoyenneté ou d’invalidité, soit avoir son nom enregistré. La plupart du temps, les groupes vulnérables et marginalisés tels que les populations autochtones et les personnes en situation de handicap ne disposent pas de ces documents, de sorte qu’elles n’ont pas accès aux services. Et les gens meurent de faim.

Nous n’avons pas une vue d’ensemble de ce qu’il se passe réellement dans le pays. Le Népal a décrété le confinement sur tout le territoire en mars, mesure qui a été reconduite une demi-douzaine de fois depuis lors. Les cas de COVID-19 continuant d’augmenter, cette mesure sera prolongée jusqu’au 22 juillet.

Pour que les choses s’améliorent, nous devons tout d’abord évaluer convenablement la situation sur le terrain. Les personnes autochtones, et notamment les personnes handicapées, ont des besoins particuliers. Il n’est pas possible de les satisfaire si l’on ne dispose pas de données ventilées selon le sexe, l’âge, l’appartenance ethnique, le handicap, l’état de santé, le revenu et la situation géographique. Une approche généraliste ne fonctionne pas.

Prakash MATHEMA / AFP
Malgré toutes ces difficultés, les populations autochtones ont montré qu’elles étaient à la hauteur du défi. Certaines organisations, notamment l’Association nationale des femmes handicapées autochtones du Népal, diffusent des informations sur le COVID-19 et fournissent à certaines communautés nourriture et articles d’hygiène. La chaîne de télévision autochtone diffuse des informations à la fois en langue autochtone et dans la langue des signes, grâce au soutien de l’Association nationale des femmes handicapées autochtones du Népal.

J’espère que les mesures mises en place – qui visent à renforcer les systèmes de santé, à garantir la reprise de l’emploi et à renforcer l’accès à la protection sociale – ne nous laisseront pas de côté. Nous devons être associés à toute discussion portant sur ces problèmes, car nous sommes les mieux placés pour savoir comment la pandémie nous touche. C’est pourquoi la mise en œuvre de la convention n° 169 est aujourd’hui plus importante que jamais.

En tant qu’activiste, cette situation a constitué un véritable défi pour moi et pour l’organisation que je préside. Je suis confinée à Katmandou et ne peux me déplacer. J’ai le sentiment de ne pas pouvoir aider mon peuple autant que je le souhaiterais. Et je crains que lorsque nous saurons ce qui se passe réellement sur le terrain, nous ne soyons confrontés à une situation encore pire que celle que nous avons subie après le tremblement de terre qui a dévasté notre pays en 2015.



* Pratima Gurung, secrétaire générale du Réseau mondial des personnes handicapées autochtones et présidente de l’Association nationale des femmes handicapées autochtones du Népal.