Peuples indigènes et tribaux

La Déclaration révisée sur les entreprises multinationales va contribuer à la promotion des droits des peuples indigènes

L’engagement des entreprises en faveur des peuples indigènes et tribaux conformément à la Déclaration sur les entreprises multinationales pourrait aboutir au renforcement des relations, à un recul des conflits et à de nouvelles perspectives de développement durable et inclusif pour tous.

Editorial | 31 mars 2017
Par Martin Oelz, spécialiste principal en matière d’égalité et de non-discrimination

Pour la première fois, la convention (n° 169) de l’OIT sur les peuples indigènes et tribaux, 1989 a été incluse dans le texte révisé de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale (Déclaration sur les entreprises multinationales) adopté par le Conseil d’administration en mars 2017. Son inclusion souligne la pertinence de la Déclaration sur les entreprises multinationales pour les gouvernements, les partenaires sociaux, les entreprises nationales et multinationales en abordant les questions liées aux peuples indigènes dans leurs politiques, leurs stratégies et dans leurs pratiques. Les peuples indigènes et tribaux représentent environ 5 pour cent de la population mondiale, soit près de 370 millions de personnes réparties sur plus de 70 pays.

Les peuples indigènes et tribaux – qui représentent près de 15 pour cent des pauvres dans le monde – sont particulièrement vulnérables à la discrimination et à l’exclusion. Ils sont confrontés à des difficultés spécifiques pour accéder à une éducation de qualité, à des possibilités de travail décent, à un appui aux activités génératrices de revenus et à la protection sociale. Ils comptent aussi parmi les plus affectés par les effets du changement climatique et l’expropriation des terres.

La convention n° 169 est le seul traité international ouvert à la ratification spécifiquement consacré aux droits des peuples indigènes, actuellement ratifié par 22 pays, dont 14 pays d’Amérique latine. Cette convention se base sur la reconnaissance des aspirations des peuples indigènes et tribaux dans le monde pour exercer le contrôle sur leurs propres institutions, leurs modes de vie et de développement, et pour maintenir et développer leurs identités, leurs langues et leurs religions, dans le cadre des Etats dans lesquels ils vivent. Insistant sur les principes d’égalité, de consultation, de participation et de coopération, la convention est un cadre pour la démocratie participative, la paix sociale et le développement durable.

La Déclaration sur les entreprises multinationales est le seul instrument mondial adopté de manière tripartite par les gouvernements, les employeurs et les travailleurs du monde qui vise à encourager une contribution positive des entreprises au développement socio-économique et à l’objectif global du travail décent, et à atténuer voire dissiper les éventuels effets néfastes des activités des entreprises. La version révisée de la Déclaration sur les entreprises multinationales répond à de nouvelles réalités économiques et à l’évolution depuis sa dernière mise à jour en 2006. Elle a été renforcée par de nouveaux principes traitant des priorités spécifiques du travail décent telles que l’égalité des chances et de traitement, le travail forcé, la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, la sécurité sociale, la sécurité et la santé au travail et les relations professionnelles. Les principes de la Déclaration sur les entreprises multinationales s’appuient sur les déclarations, normes, principes directeurs et recueils de directives pratiques de l’OIT considérés comme pertinents, y compris la convention n° 169.

La version révisée de la Déclaration sur les entreprises multinationales donne aux entreprises des orientations claires et un cadre sur la façon dont elles peuvent contribuer, à travers leurs activités, au travail décent. Elle appelle aussi les entreprises multinationales, au titre de la responsabilité sociale des entreprises, à respecter les droits de l’homme, à agir avec une diligence raisonnable pour éviter d’enfreindre les droits des autres et à mesurer les risques relatifs aux droits de l’homme en évaluant les incidences négatives pour les droits de l’homme de leurs activités ou de leurs relations commerciales. Elle stipule que ce processus devrait impliquer de véritables consultations des groupes susceptibles d’être touchés.

L’inclusion de la convention n° 169 dans la version révisée de la Déclaration sur les entreprises multinationales rappelle que les entreprises ont un intérêt direct à agir conformément aux principes de la convention, y compris dans le contexte de la diligence raisonnable appliquée aux droits de l’homme. Ces efforts contribueront à garantir leur légitimité, leurs partenariats et leur pérennité.

L’engagement positif auprès des peuples indigènes en conformité avec la promotion de l’emploi et les principes d’égalité inscrits dans la Déclaration sur les entreprises multinationales peut générer toute une série de bénéfices: des relations plus fortes avec les communautés qui permettent de réduire les conflits, de meilleures relations avec les gouvernements, des avantages en termes d’image, la mobilisation accrue des employés et l’aptitude à nouer des partenariats avec les peuples indigènes pour apprendre de leurs contributions et connaissances uniques.

Selon la convention n° 169, c’est à l’Etat qu’incombe la responsabilité de consulter les peuples autochtones en ce qui concerne les mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter directement. Cependant, l’un des défis essentiels reste l’absence de mécanismes solides pour procéder à ces consultations et le manque de réglementations et de politiques publiques qui soient propices à la fois aux activités économiques et aux droits et intérêts des peuples indigènes. L’inclusion de la convention n° 169 dans la liste des normes internationales du travail de l’OIT pertinentes au regard de la Déclaration sur les entreprises multinationales offre un levier supplémentaire aux gouvernements, aux entreprises, aux organisations d’employeurs et de travailleurs, et aux peuples indigènes et tribaux pour se rassembler afin de régler ces problèmes et envisager l’établissement des mécanismes et procédures de consultation prévus par la convention.

La Déclaration offre ainsi, dans les pays qui comptent des peuples indigènes et tribaux, de meilleures opportunités de croissance partagée et de développement économique local grâce à des lois et politiques appropriées, des pratiques d’entreprise responsables et des mécanismes de dialogue efficaces.