La jeunesse arabe aspire à la justice sociale et au travail décent

En 2011, le taux de chômage des jeunes dans le monde arabe a atteint une moyenne préoccupante de plus de 27,3 pour cent. Pour les jeunes femmes, le taux de chômage moyen de 41,1 pour cent est même pire...

En 2011, le taux de chômage des jeunes dans le monde arabe a atteint une moyenne préoccupante de plus de 27,3 pour cent. Pour les jeunes femmes, le taux de chômage moyen de 41,1 pour cent est même pire et s’ajoute au fait que leur participation au marché du travail est déjà beaucoup plus faible que partout ailleurs dans le monde. Même lorsque les jeunes ont un emploi, leurs conditions de travail sont souvent médiocres, déplore Mme Dorothea Schmidt, spécialiste de l’emploi en Afrique du Nord à l’OIT.

Selon cette spécialiste de l’OIT, dans le monde arabe, les salaires sont bas, la protection sociale réduite, les contrats de travail rares et les perspectives de carrière limitées. «Il ne faut donc pas s’étonner de la colère de nombreux jeunes», conclut Mme Schmidt.

Pour les jeunes de la région, il semble très souvent que la réalité n’est pas à la hauteur de leurs attentes. «Quel que soit leur niveau d’instruction ou de revenus, tous sont également affectés par le chômage. Qui plus est, la couverture de sécurité sociale, y compris les dispositifs relatifs au chômage et à la retraite, n’existe souvent qu’au bénéfice des fonctionnaires. Si vous vous retrouvez au chômage, vous sombrez très vite dans la pauvreté», précise l’experte de l’OIT.

Le sentiment de frustration est exacerbé chez les jeunes par le fait que leurs parents ont investi beaucoup d’argent dans l’éducation de leurs enfants dans l’espoir de leur garantir un meilleur avenir.

Si vous vous retrouvez au chômage, vous sombrez très vite dans la pauvreté».
Dorothea Schmidt, spécialiste à l'OIT
Selon Mme Schmidt, les problèmes du marché du travail dans la région sont comparables, même si les pays se différencient à certains égards. Par exemple, en Tunisie, les jeunes ont bénéficié d’une instruction bien meilleure qu’en Egypte. De la même manière, la Tunisie a beaucoup plus progressé dans la lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes sur le marché du travail que les autres pays de la région.

Mais la situation générale en Tunisie pose encore beaucoup de problèmes. «La révolution a peut-être renversé le régime, mais elle n’a pas débarrassé la Tunisie du chômage, en particulier chez les jeunes diplômés. Un jeune sur trois est au chômage ici; ce chiffre de 30 pour cent est élevé et choquant pour un pays qui dispose d’une main-d’œuvre bien éduquée», explique-t-elle.

Un marché de l’emploi incapable d’absorber les jeunes


Chaque année, la Tunisie compte 20 000 nouveaux arrivants sur un marché du travail qui ne peut pas les absorber. Paradoxalement, il est plus facile de trouver du travail si vous n’êtes pas diplômé du supérieur parce que la majorité des emplois sont créés par l’économie informelle, dans des secteurs à faibles qualifications comme l’agriculture ou le commerce. Mais ces emplois ne sont guère rémunérateurs et les conditions de travail peuvent s’avérer dangereuses.

Les personnes très instruites et hautement qualifiées ont des aspirations élevées lorsqu’elles sont diplômées de l’université – elles veulent un travail décent. Comme le précise Lassaad Labidi, directeur de l’Institut national du travail et des études sociales de Tunis, «Le grand défi, c’est de trouver du travail après avoir terminé ses études. Nos étudiants suivent les cours mais en ayant toujours à l’esprit une question lancinante: quels débouchés aurons-nous en fin de compte?»

En Egypte aussi, c’est l’économie informelle qui crée la plupart des nouveaux emplois.

«La création d’emplois est une priorité absolue pour les nouveaux gouvernements des deux pays mais tout ne se fera pas en un jour. Cependant, à moyen terme, on pourrait déjà beaucoup avancer si l’on axait davantage la formation des jeunes sur les besoins des employeurs et des entreprises. A leur tour, les employeurs devraient améliorer les conditions de travail faites aux jeunes et leur attitude à leur égard», déclare Mme Schmidt.

Un autre point important soulevé par la spécialiste de l’OIT est que les politiques du marché du travail devraient veiller à ce que l’offre et la demande s’équilibrent. A cet égard, les services d’emploi, publics ou privés, doivent être renforcés pour remplir leur mission et faire coïncider les personnes qui cherchent du travail avec les emplois disponibles.

Enfin, «il faut encourager les jeunes entrepreneurs à créer leur propre entreprise. Les PME créent l’essentiel des emplois dans le monde actuel», dit-elle, ajoutant que le soutien du secteur privé, surtout pour le développement des micro et petites entreprises qui ont un fort potentiel d’offre d’emplois pour les jeunes, est crucial.

Les programmes de l’OIT visant à promouvoir l’emploi des jeunes s’étendent à de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Ils cherchent à améliorer la transition entre l’école et l’emploi, y compris par la formulation et la mise en œuvre de panoplies complètes de politiques actives du marché du travail qui ciblent les jeunes défavorisés. L’OIT soutient par ailleurs des réformes institutionnelles en vue d’améliorer la gouvernance du marché du travail.

En Afrique du Nord, ces programmes sont actuellement financés par le Canada, l’Espagne, les Etats-Unis, l’Italie et l’Union européenne. «En raison de l’ampleur du défi que représente le chômage des jeunes dans la région, nous sommes en train de chercher à étendre nos programmes en bâtissant des partenariats élargis», conclut Gianni Rosas, coordinateur du Programme de l’OIT pour l’emploi des jeunes.

Les projets impliquant l’Australie, le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suisse sont sur le point d’être finalisés. Leur approche intégrée permettra de s’attaquer au défi de l’emploi sous tous les angles: du côté de l’offre par l’intermédiaire de la formation qualifiante, du côté de la demande par la création d’emplois et par un processus de rapprochement entre demandeurs d’emploi et employeurs. Dans le même temps, les projets renforceront le dialogue social et la protection sociale et feront la promotion des normes internationales du travail.