99e Conférence internationale du Travail
Le Directeur général du BIT appelle à une réponse «équilibrée» face à la crise de la dette et promouvoir la reprise de l’emploi
Le Directeur général du Bureau international du Travail (BIT) a lancé un appel en faveur d’une stratégie politique «équilibrée» qui viserait à garantir une reprise économique «riche en emplois» face aux nouvelles menaces que font planer sur l’économie mondiale la dette de la crise souveraine et les restrictions budgétaires.
GENÈVE (Nouvelles du BIT) – Le Directeur général du Bureau international du Travail (BIT) a lancé un appel en faveur d’une stratégie politique «équilibrée» qui viserait à garantir une reprise économique «riche en emplois» face aux nouvelles menaces que font planer sur l’économie mondiale la dette de la crise souveraine et les restrictions budgétaires.
S’exprimant lors de la séance inaugurale de la 99e Conférence internationale du Travail de l’OIT, M. Somavia a averti que la récente crise de la dette et les mesures de réduction des déficits, qui touchent principalement les dépenses sociales, pourraient «affecter directement les emplois et les salaires» en cette période de reprise économique timide et de niveaux de chômage toujours élevés.
M. Somavia a plaidé pour une «stratégie de convergence politique équilibrée» fondée sur trois éléments: garantir une reprise créatrice d’emplois, s’orienter vers une croissance soutenue, durable et équilibrée, et traiter les déséquilibres structurels de l’économie mondiale qui existaient déjà avant la crise.
«Nous devons agir pour réaliser ces trois objectifs de manière concomitante et harmonieuse dans une perspective de court, moyen et long terme, a ajouté M. Somavia. Tout se tient. Nous n’avons donc pas d’options facultatives.»
«Le danger immédiat que représentent des coupes budgétaires simultanées dans un grand nombre de pays, c’est de ralentir encore une reprise européenne déjà faible», a précisé M. Somavia. «Cela pourrait mettre à mal de diverses manières les perspectives de croissance dans le monde. Un effet de contagion ne doit pas être écarté».
«Nul doute que les problèmes d’endettement public et de déficit budgétaire de nombreux pays sont bien réels et doivent être résolus: c’est à la fois un enjeu de stabilité national et mondial», a-t-il dit. «La question est de savoir comment et à quelle échéance».
M. Somavia a pris la parole à l’ouverture de la Conférence dans un contexte inquiétant lié à la crise mondiale de l’emploi qui se poursuit et qui a déjà porté le chômage mondial à plus de 210 millions de personnes, soit le plus fort chiffre jamais enregistré, selon son rapport «Placer la reprise et la croissance sous le signe du travail décent» (Note 1). M. Somavia a précisé que rien ne laissait augurer d’une possible baisse du taux mondial de chômage cette année, malgré les signes de reprise économique.
La Conférence doit discuter des progrès relatifs au Pacte mondial pour l’emploi adopté l’an dernier lors du Sommet mondial des chefs d’Etat et de gouvernement en réponse à la crise. Le Pacte, auquel a souscrit la communauté internationale, y compris le Sommet des dirigeants du G20 à Pittsburgh, a servi de base aux recommandations adoptées par les ministres du Travail et de l’Emploi du G20 à Washington en avril dernier.
«En tant qu’organisation tripartite, l’OIT a la responsabilité de prendre toute sa part pour trouver une issue. Nous apportons deux ingrédients essentiels à ce processus: l’équilibre et le dialogue».
Le Directeur général a exhorté les délégués gouvernementaux, travailleurs et employeurs des 183 Etats Membres de l’OIT à initier «un processus de long terme, coordonné, méthodique, équilibré et crédible pour résoudre la question de la dette et des déficits publics … en fonction de la situation de chaque pays au sein d’un modèle international convergent».
M. Somavia a prôné la prudence: «Aller trop loin, trop vite, serait préjudiciable aux perspectives d’emploi et à l’économie réelle, rendant plus difficile encore la stabilisation de finances publiques et risquant de provoquer une récession à double creux (avec une courbe en W)». Il a rappelé que, si davantage de personnes travaillent et voient leurs revenus augmenter, cela se traduira par davantage de recettes fiscales, moins de dépenses liées au chômage et donc par une réduction des déficits; il a donc plaidé pour une «croissance soutenue, durable et équilibrée, structurée autour de l’emploi».
«Cela suppose aussi de s’attaquer à un certain nombre de déséquilibres structurels profonds qui existent à l’intérieur et entre les pays et qui empêcheront le développement durable à plus long terme.»
«Les tensions sociales continuent d’augmenter, a-t-il poursuivi. Il y avait déjà beaucoup de colère et de frustration en raison du peu d’emplois créés par la reprise économique. Aujourd’hui, notre culture du dialogue social fondée sur le respect des droits des travailleurs est plus vitale que jamais.»
En plus du suivi du Pacte mondial pour l’emploi, la Conférence va débattre de la contribution des politiques d’emploi à la justice sociale pour une mondialisation équitable, dans le cadre d’une approche intégrée du travail décent. Les délégués s’efforceront d’identifier des priorités pour les activités futures de l’OIT.
«Dans la période critique qui nous attend, de nombreux choix stratégiques, publics et privés, vont impliquer d’arbitrer entre les valeurs humaines et celles du marché; entre les intérêts du secteur financier et ceux de l’économie productive; il faudra décider sur quelles catégories sociales faire peser le coût de la crise et comment mieux protéger et donner des moyens d’action aux plus vulnérables», a conclu M. Somavia.
Note 1: «Placer la reprise et la croissance sous le signe du travail décent», Rapport du Directeur général, Conférence internationale du Travail, 99e session, 2010, Rapport 1(C), Bureau international du Travail, Genève, ISBN 978-92-2-121916-2 (Print) ISBN 978-92-2-121917-9 (Web pdf) ISSN 0251-3218. Première édition 2010.