Nouvelle initiative sur le SIDA: solidarité grandissante dans le monde du travail

Avec 25 millions ou plus de travailleurs infectés par le SIDA, une priorité absolue s'impose: trouver les moyens d'aider les malades et leurs employeurs à faire face aux conséquences de l'épidémie. Grands patrons, employeurs, travailleurs et autres parties intéressées se sont récemment concertés au BIT – dans le cadre du Pacte mondial des Nations Unies – pour envisager une action à même de faire face à ce défi.

Article | 22 septembre 2003

GENÈVE (BIT-en-ligne) – Les temps ont bien changé depuis la première apparition du SIDA. La découverte de leur mal mettait alors les travailleurs devant un avenir tout à fait incertain. Aujourd'hui, nombre de multinationales et employeurs de taille plus modeste innovent dans les moyens de protéger leurs salariés des conséquences sociales et économiques de leur maladie.

C'était là le thème d'une récente réunion qui a mis face à face, deux jours durant, grands chefs d'entreprise, directeurs et représentants d'organisations patronales et ouvrières, appelés à envisager la meilleure manière de faire face au SIDA sur les lieux de travail. Elle inaugurait une série de débats prévus dans le contexte du Pacte mondial des Nations Unies et du Programme de l'OIT sur le SIDA et le monde du travail (OIT-SIDA), en collaboration avec l'ONU-SIDA (Programme commun des Nations Unies sur la maladie).

Un des points marquants de ces assises a été l'annonce concertée par la Confédération internationale des Syndicats libres (CISL) et l'Organisation internationale des Employeurs (OIE) qu'ils joindraient leurs forces dans le combat contre le SIDA. Dans leur déclaration intitulée «Combattre le SIDA ensemble: un programme de notre engagement futur», ces organisations ont demandé à leurs membres et affiliés, où qu'ils se trouvent, de donner au problème une priorité absolue.

«Nous pensons que les entreprises et les syndicats, œuvrant de concert, peuvent apporter une contribution essentielle et crédible à la lutte contre le SIDA sur les lieux de travail et, plus largement, dans la communauté» souligne la déclaration. Première application pratique de ce partenariat: l'atelier monté par la CISL à Nairobi, qui a réuni employeurs et syndicalistes venus de tous les points d'Afrique.

Ce type de collaboration entre travailleurs et employeurs, englobant aussi bien les gouvernements, les agences internationales et les communautés locales, est emblématique de l'évolution des attitudes à l'égard du SIDA sur les lieux de travail ces dernières années. Il montre à l'évidence que le succès des entreprises, la croissance économique et un développement durable en de nombreux points du globe dépendront de plus en plus de la réponse apportée à la propagation de la maladie: cela suppose l'élaboration de politiques nationales, une planification intégrée, des opérations et projets au niveau de la communauté.

La Fondation Coca Cola a, par exemple, annoncé le 30 mars que les 40 unités indépendantes chargées de la mise en bouteille dans 54 pays africains avaient adopté un programme complet de lutte contre le SIDA, donnant aux salariés et à leurs familles accès au traitement, aux moyens de prévention ainsi qu'à l'épreuve volontaire des tests et à l'assistance de conseillers. Les salariés ont également été invités à adopter et mettre en application une charte sur le SIDA, fondé sur le Recueil des pratiques de l'OIT consacré au SIDA et au monde du travail.

Un nombre croissant de compagnies multinationales opérant dans la région, dont DaimlerChrysler, Ford Motor Co, Shell et la Standard Chartered Bank, ont lancé leurs propres programmes de prévention et de traitement de la maladie pour leurs salariés.

Travailleurs et employeurs ensemble contre le SIDA

En 2000, les syndicats africains et la CISL ont adopté la «Déclaration de Gaborone» signifiant leur engagement à porter le combat contre l'épidémie de SIDA sur les lieux de travail. Leur programme comporte des clauses contre toute discrimination dans la négociation collective et prévoit une action de prévention, par le biais de l'éducation et de la formation sur les lieux de travail, et le lancement de campagnes pour faire baisser les prix du traitement. Une action-pilote a été entreprise dans trois régions avec l'appui du Bureau des activités pour les employeurs de l'OIT. Le SIDA ne doit pas seulement être considéré comme un problème de santé. Il est aussi «un problème lié aux droits de l'homme, un problème social, un problème économique et un problème de développement général» souligne la Déclaration.

Avec l'aide de divers organismes, et notamment ceux dépendant de l'OIT, les organisations d'employeurs africains ont adopté en 2000 pour l'Afrique francophone et en 2001 pour l'Afrique anglophone un plan d'action contre le SIDA sur les lieux de travail.

Le lieu de travail: un point d'accès essentiel à une action en profondeur

Il est apparu clairement au cours de la récente réunion qu'entreprises et syndicats à l'avant-garde de la lutte contre le SIDA ont conscience que le succès repose sur un partenariat permettant une intervention efficace et moins coûteuse à même de limiter la propagation du mal et d'en réduire l'impact. Les entreprises elles-mêmes ont compris la nécessité d'œuvrer en coopération avec la communauté au sens le plus large – familles, sous-traitants, fournisseurs et autres – si elles veulent relever efficacement ce défi.

Développer les soins et l'assistance au sein d'une communauté coûte cher, et les participants à la réunion ont reconnu que la responsabilité première n'en incombait pas aux entreprises, qui fournissent, elles, ces services à leurs salariés. Pour faire face à cette situation, le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, qui subventionne aujourd'hui plus de 100 programmes dans le monde, a opté pour une approche fondée sur le principe d'un partage des investissements afin d'aider les communautés locales dans les zones où les sociétés ont engagé une action similaire en faveur de leurs salariés.

Une coopération entre les chefs d'entreprise tient aussi du bon sens commercial. Une étude réalisée par la Fédération kenyane des employeurs révèle que le SIDA coûte à de petites sociétés l'équivalent de 50 dollars par an et par employé. A l'échelle des multinationales, cela peut se chiffrer à des milliers de dollars par salarié. Même si les entreprises qui participent de cet effort ne peuvent quantifier, de manière précise, les avantages financiers qu'elles en retirent, il est clair que l'action anti-SIDA menée sur les lieux de travail contribue à réaliser des économies substantielles en matière de formation, de productivité et d'absentéisme, sans parler de l'impact positif sur le moral. Les participants à ces assises sont également convenus de la nécessité d'impliquer de manière plus profonde les petites et moyennes entreprises dans la campagne mondiale contre la maladie.