Danger en mer – Le travail dans le secteur de la pêche

Les poissons et crustacés devenant de plus en plus importants en tant que source de protéines, l'industrie halieutique s'est considérablement développée. Toutefois, ce développement a coûté cher, en termes de conditions de travail et de sécurité au travail, aux 35 millions de travailleurs à temps plein ou à temps partiel répertoriés dans le secteur de la pêche. Pour régler ce problème, les délégués à la 92e session de la Conférence internationale du Travail, cette année, ont pris les premières mesures menant à l'adoption de nouvelles normes internationales du travail pour l'une des professions les plus dangereuses au monde. Voici, sous forme de questions-réponses, quelques faits essentiels sur le secteur de la pêche et sur ce que l'OIT peut faire pour améliorer les conditions de travail dans ce secteur.

Article | 2 juillet 2004

Combien de personnes travaillent dans le secteur de la pêche et où travaillent-elles?

L'industrie halieutique emploie près de 35 millions de personnes un peu partout dans le monde, dont un nombre estimé à 27 millions de personnes dans la pêche de capture (y compris des pêcheurs à temps plein ou à temps partiel et des pêcheurs occasionnels). La grande majorité vit dans les pays en développement (Asie: 83 pour cent, Afrique: 9 pour cent, et Amérique: 2,5 pour cent), le reste se répartissant entre les pays exportateurs de poissons d'Amérique du Nord, d'Europe et de l'ex-Union soviétique. L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime la flottille de pêche mondiale à environ 1,3 million de navires pontés et 2,8 millions de navires non pontés, 65 pour cent de ces derniers n'étant pas équipés de systèmes de propulsion mécaniques.

Pourquoi la pêche est-elle si importante?

La pêche est une source importante de protéines pour de nombreuses communautés, dont certaines sont tributaires du poisson pour leur sécurité alimentaire. De plus, le secteur de la pêche forme une partie importante du commerce mondial.

Selon la FAO, la production totale de la pêche de capture aurait dépassé les 94,8 millions de tonnes en 2000, un niveau jamais atteint jusque-là. Les pêches marines ont représenté 76 milliards de dollars des Etats-Unis (valeur de première vente). Le commerce du poisson a dépassé les 50 milliards de dollars, la part des pays en développement représentant 50 pour cent du total.

Quels sont les pays qui ont la plus grosse production de pêche?

En 2000, c'est la Chine qui avait la plus grosse production de pêches de capture marines et intérieures, avec plus de 17 millions de tonnes. Venait en seconde position le Pérou, avec 10,7 millions de tonnes, suivi du Japon (plus de 5 millions de tonnes), des Etats-Unis, du Chili, de l'Indonésie, de la Fédération de Russie, de l'Inde, de la Thaïlande, de la Norvège, de l'Islande et des Philippines.

Quels sont les principaux exportateurs de poisson?

En 2000, la Thaïlande aurait été, selon la FAO, le principal bénéficiaire, en valeur, des exportations de produits de la pêche, suivie de la Chine, de la Norvège, des Etats-Unis, du Canada, du Danemark, du Chili, de Taïwan (Chine), de l'Espagne, de l'Indonésie, du Viet Nam et de l'Inde. Dans certains pays – Gröenland, les Seychelles, les îles Faroe et l'Islande – le poisson a représenté les deux-tiers de la valeur totale des produits commercialisés.

Et quels sont les principaux pays importateurs?

Pour 2000, la FAO cite comme principaux pays importateurs le Japon, les Etats-Unis, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, Hong-Kong (Chine), le Danemark, la Chine, le Canada et la République de Corée.

Pourquoi l'OIT travaille-t-elle à de nouvelles normes pour le secteur de la pêche?

Beaucoup de choses ont changé dans ce secteur depuis que les dernières normes de l'OIT ont été adoptées il y a une quarantaine d'années – et la nouvelle série de normes en préparation devrait permettre de tenir compte de tous ces changements. Ces nouvelles normes assureront également une protection à un plus grand nombre de personnes rattachées à ce secteur qui ne cesse de se développer – en particulier ceux qui travaillent sur de petites embarcations – tout en répondant à certaines questions comme la sécurité et la santé au travail et la sécurité sociale. L'OIT sait parfaitement que les travailleurs du secteur de la pêche travaillent souvent dans des conditions très pénibles et difficiles, avec parfois de longues périodes en mer où ils se retrouvent souvent dans des situations imprévisibles et dangereuses. Dans un certain nombre de pays, les taux de décès des personnes travaillant dans le secteur de la pêche sont nettement supérieurs à la moyenne nationale, et en particulier à ceux des services de lutte contre l'incendie et des forces de police. Ils peuvent dépasser 150 à 180 pour 100 000 travailleurs, et seuls des métiers à risque comme les métiers de la forêt et ceux de l'extraction de houille peuvent atteindre de tels taux.

Quelles sont les dispositions existantes qui protègent ceux qui travaillent dans le secteur de la pêche?

Il existe actuellement sept instruments de l'OIT qui traitent des conditions de travail dans ce secteur: cinq conventions (âge minimum, examen médical, contrats d'engagement, logement et brevets d'aptitude) et deux recommandations (formation professionnelle et durée du travail). Ils ont été adoptés en 1920, 1956 et 1966, et sont devenus obsolètes sur bien des points. L'OIT a aussi des normes qui concernent les gens de mer en général, mais qui, souvent, visent essentiellement des personnes travaillant sur des navires de charge ou de passagers, et leur application au secteur de la pêche a été laissée au bon vouloir des Etats membres (de plus, elles seront bientôt regroupées dans un seul instrument qui ne s'appliquera pas aux pêcheurs). Enfin, du fait du caractère particulier des activités de pêche, certaines normes de l'OIT applicables à tous les travailleurs, comme celles qui concernent la sécurité et la santé au travail, ont souvent prévu la possibilité d'exclure le secteur de la pêche de leur champ d'application. Un des objectifs du nouvel instrument à l'examen est de combler les lacunes du système de protection prévu pour les pêcheurs.

A qui profiteront les nouvelles normes?

Avec les nouvelles normes du travail, ce sont plus de 90 pour cent des pêcheurs du monde entier qui devraient être couverts, contre à peine 10 pour cent avec les conventions actuelles. Ces nouvelles normes tiendraient également compte des conditions de travail difficiles du secteur dans son ensemble, des pêcheurs travaillant sur de petites embarcations dans les eaux côtières et de ceux qui travaillent sur de gros navires opérant en mer sur des périodes plus longues. Le nouvel instrument aura notamment pour objectif d'assurer à ces personnes une protection sociale appropriée, conformément à l'objectif de l'OIT en matière de travail décent, qui peut se résumer ainsi: un travail décent pour tous.

Comment le respect des nouvelles normes sera-t-il assuré?

C'est à l'Etat de pavillon qu'incombera encore la principale responsabilité de l'application de la norme par le biais des lois et réglementations nationales. L'instrument proposé contient par ailleurs des dispositions spécifiques qui précisent le rôle à jouer par les propriétaires des bateaux de pêche et les capitaines dans le respect de ces obligations. Il est prévu d'apporter une innovation avec une disposition qui encourage l'intervention des Etats du port lorsqu'il s'avère que les conditions de travail à bord des navires de pêche qui mouillent dans leurs ports sont de toute évidence dangereuses ou insalubres. Cette nouvelle mesure doit également s'intégrer dans l'agenda du travail décent de l'OIT, qui vise à promouvoir les possibilités pour les hommes et les femmes d'obtenir un travail décent et productif dans la liberté, l'équité, la sécurité et la dignité humaine.