Promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes au sein du Syndicat des travailleurs canadiens de l'Automobile

Le Bureau de l'égalité entre hommes et femmes du Bureau international du Travail a récemment publié une compilation de 25 bonnes pratiques intitulée "Egalité entre les genres et Emploi décent, Bonnes pratiques sur le lieu de travail" ( Note 1) qui fait notamment référence à l'action du Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile (TCA). Le TCA, principal syndicat de travailleurs du secteur privé canadien avec près de 260 000 membres, est connu depuis longtemps comme le promoteur avéré de l'égalité entre les genres, le défenseur des droits des femmes au travail et comme un catalyseur du militantisme féminin.

Article | 11 juillet 2005

OSHAWA, Canada (BIT en ligne) - Lorsque le géant de l'automobile General Motors (GM) a fermé son Département Découpe & Couture en 1968, ici à Oshawa, des centaines de travailleuses ont perdu leur emploi - certaines avaient pourtant davantage d'ancienneté que leurs collègues hommes.

A l'époque, l'Accord collectif qui régissait cette unité de production exigeait la tenue de listes d'ancienneté séparées pour les hommes et les femmes, non interchangeables. Ces listes d'ancienneté distinctes empêchaient les femmes qui travaillaient dans l'entreprise depuis plus longtemps que leurs collègues hommes de postuler à des emplois dans des conditions d'égalité.

Cela signifiait également que les femmes titulaires d'une plus grande ancienneté ne pouvaient pas être transférées vers d'autres ateliers de l'unité de production pour y exercer ce qui était alors considéré comme des "métiers d'hommes". Confronté à des pertes massives d'emplois, le Comité de femmes de la section locale 222 du TCA a alors décidé de se battre pour l'emploi et de faire valoir l'ancienneté des travailleuses, formulant à cette fin des propositions d'amendements à la loi canadienne ( Note 2).

Cette lutte a permis de faire avancer l'histoire. C'est ainsi qu'en 1970 un groupe de femmes du TCA élabore un texte qui va permettre d'amender la législation de la province canadienne de l'Ontario où la discrimination fondée sur le sexe est désormais proscrite.

Si le Comité de femmes 222 a permis d'améliorer la loi canadienne, il a également montré comment les femmes du TCA étaient capables de se mobiliser et de se battre pour l'égalité des genres. Quarante ans plus tard, le TCA était le premier syndicat canadien à négocier un service de garde d'enfants financé par l'entreprise. Pour M. Buzz Hargrove, Président du TCA, "L'implication et le militantisme énergique dont ont fait preuve tant de nos adhérentes ont permis d'améliorer et de fortifier notre organisation".

D'hier à aujourd'hui

Le Département de la condition féminine du TCA a alimenté en adhésions féminines, à hauteur d'un peu plus de 34 pour cent, une organisation qui était jusque-là à dominante masculine. "En travaillant étroitement avec les départements, le personnel et les équipes dirigeantes du syndicat, le Département de la condition féminine suscite une large adhésion à ses programmes et à ses politiques et peut, par conséquent, en assurer la mise en œuvre", déclare Julie White, Directrice du Programme des Femmes du TCA.

La stratégie du Département en matière d'égalité mêle des activités destinées à assurer la prise en compte de la dimension de genre et des mesures d'action positive au bénéfice des femmes. Le TCA s'est battu contre le sexisme en négociant des dispositions antidiscriminatoires comme les mesures relatives à l'équité dans l'emploi ou les plans relatifs à l'égalité des rémunérations. Il a en outre adopté un discours énergique contre le harcèlement, accordant aux femmes confrontées à une telle situation le droit de refuser de travailler.

Le syndicat a également négocié la création de postes de Défenseur des droits des femmes dans les sociétés les plus importantes du pays. Les femmes titulaires de ces postes reçoivent une formation spécifique et bénéficient de congés payés. Les autres femmes de l'entreprise peuvent se tourner vers ces défenseurs, en toute confidentialité, afin d'obtenir des informations sur des questions telles que le harcèlement sexuel ou la violence domestique. Chaque année, le TCA alloue plus de 100 000 dollars canadiens aux abris de femmes à travers le pays et plaide par ailleurs en faveur de l'octroi de logements à des prix abordables aux femmes victimes de violence.

Pour ce qui concerne la prise en compte de la dimension de genre, la stratégie du TCA repose sur des initiatives visant à intégrer l'égalité aux politiques, activités et structures du syndicat. Avec l'adoption en 2003 d'une politique contractuelle sur la diversité et l'égalité, le TCA poursuit la mise en œuvre de son document de 1991 relatif à l'action positive, au moyen d'une série de nouvelles initiatives concrètes en matière d'égalité comme l'équilibre de la représentation hommes-femmes, la recherche sur l'égalité entre les sexes et des accords collectifs attentifs aux différences entre les sexes.

Pour le TCA, parvenir à une représentation équilibrée des femmes et des hommes signifie que son personnel, sa direction et ses programmes doivent refléter la composition masculine et féminine de ses adhérents. La recherche en matière de parité des genres permet la collecte et l'exploitation de données ventilées par sexe et aide le TCA à évaluer les progrès qu'il réalise dans sa marche vers l'égalité.

En 2003, le TCA a mené sa première enquête ventilée par sexe auprès de ses adhérents et de sa direction. L'enquête a permis de souligner la nécessité de promouvoir la participation des femmes aux instances dirigeantes du TCA: alors que 50 pour cent des secrétaires rapporteuses et presque 35 pour cent de l'ensemble des secrétaires financières étaient des femmes, ces dernières ne représentaient qu'un peu plus de 20 pour cent de l'ensemble des présidents et vice-présidents de sections locales.

Le Département de la condition féminine du TCA s'efforce de répondre au défi de l'égalité par la mise en œuvre de mesures d'action positive. Cela signifie la création, au sein du syndicat, d'espaces exclusivement réservés aux femmes où elles peuvent développer leur propre militantisme et accroître leur influence. Au titre des mesures d'action positive, deux sièges sont réservés aux femmes au Conseil national d'administration ainsi qu'un siège au comité de négociation de chaque section locale, lorsque celle-ci est composée de 30pour cent de femmes au minimum.

La stratégie du syndicat sur les questions usuelles d'égalité et son combat en faveur du changement s'articulent autour de programmes d'éducation tels que le Programme de formation des militantes et le Programme de formation préparant les femmes aux postes de direction, le Comité de la condition féminine du Conseil des TCA, la Conférence annuelle des femmes et les Comités et Réseaux de femmes des TCA.

"Egalité, démocratie et solidarité vont de pair - porter atteinte à l'un de ces éléments c'est vider les autres de leur sens", déclare Peggy Nash, ancienne Directrice du Programme des femmes du TCA. Peggy Nash est actuellement assistante en chef du Président du TCA. Elle copréside par ailleurs le Comité de la condition féminine du Congrès du Travail du Canada.

Les défis à venir

Malgré les efforts inlassablement déployés par le TCA en matière d'égalité et de droits des femmes au travail, les défis du passé demeurent. Lorsqu'on lui demande quelles sont les principales entraves à l'action du syndicat sur les questions relatives à l'égalité des genres, Julie White souligne les récentes "fusions [entre le TCA et d'autres syndicats] et le travail accompli avec de nouveaux adhérents pour imposer l'ordre du jour du TCA relatif aux droits des femmes dans les accords collectifs".

En raison de l'expansion du secteur des services au Canada, les efforts d'organisation déployés par les syndicats visent de moins en moins le secteur de la fabrication pour se concentrer sur celui des services. Dans le cas du TCA, les efforts déployés depuis les années 1990 pour promouvoir l'organisation des travailleurs se sont progressivement détournés de l'industrie automobile pour concerner de manière croissante le secteur des services, puisqu'il génère des emplois parmi les plus mal payés, les moins sûrs et les moins avantageux.

Comme beaucoup de femmes travaillent dans le secteur des services, les militants du TCA ont été témoins de l'augmentation du nombre de femmes adhérentes, travailleuses à temps partiel dans le secteur des services. Toutefois, l'accroissement du nombre d'adhérentes n'a pas permis un accès égal et équitable aux bénéfices et aux services du syndicat. En raison de la précarité de l'emploi dans le secteur des services, les nouveaux affiliés au TCA limitent leur action à la négociation de salaires plus élevés et ne militent pas en faveur d'avantages syndicaux complémentaires comme la contribution de l'employeur aux congés de formation.

"Malgré les défis qu'il faut encore relever, le TCA demeure le fer de lance de la promotion de l'égalité des genres et du militantisme dans le monde du travail, et c'est la raison pour laquelle nous l'avons inclus dans notre compilation de bonnes pratiques sur le lieu de travail", déclare Evy Messell, coordonnatrice de la coopération technique au Bureau de l'égalité entre hommes et femmes du Bureau international du Travail.

Le Bureau de l'égalité entre hommes et femmes espère que les exemples de bonnes pratiques tirées de l'expérience du TCA et de celle de 24 autres membres de l'OIT, à savoir, des gouvernements et des organisations d'employeurs et de travailleurs, permettront aux praticiens de tirer les leçons des succès obtenus par les autres pour les appliquer dans le cadre de leur action.

"Le recueil détaille les bonnes pratiques par lesquelles le TCA, avec d'autres mandants de l'OIT, mène conformément aux objectifs d'action communs relatifs à l'égalité hommes-femmes, une action énergique en faveur de la promotion de l'égalité des sexes dans le monde du travail. Le recueil permet ainsi d'illustrer l'important travail accompli par les syndicats dans la mise en œuvre des conventions de l'OIT relatives à l'égalité hommes-femmes. Le Canada vient juste de ratifier deux des quatre instruments clés de l'OIT en matière d'égalité hommes-femmes (nos 100 et 111)", souligne Evy Messell.


Note 1

Note 2