Les effectifs de l'industrie du raffinage restent stables au niveau mondial, mais la pression sur l'emploi augmente
GENÈVE (Nouvelles du BIT) – L'âpreté de la concurrence, la surcapacité de raffinage et le coût croissant des investissements requis pour satisfaire à des normes environnementales de plus en plus strictes, voilà les trois facteurs qui, selon un nouveau rapport du BIT, menacent la rentabilité de l'industrie du raffinage du pétrole et assombrissent les perspectives d'emploi des travailleurs de ce secteur, notamment dans les pays de l'OCDE.
GENÈVE (Nouvelles du BIT) – L'âpreté de la concurrence, la surcapacité de raffinage et le coût croissant des investissements requis pour satisfaire à des normes environnementales de plus en plus strictes, voilà les trois facteurs qui, selon un nouveau rapport du BIT, menacent la rentabilité de l'industrie du raffinage du pétrole et assombrissent les perspectives d'emploi des travailleurs de ce secteur, notamment dans les pays de l'OCDE.
Ce rapport, préparé en vue d'une réunion tripartite d'experts de l'industrie du raffinage, signale que, en dépit des inquiétudes croissantes que suscitent les effets sur le climat de l'utilisation de combustibles à base d'hydrocarbures, la demande de produits de raffinage du pétrole connaît une croissance lente et régulière dans la plupart des pays. Par ailleurs, l'augmentation rapide de la demande de carburants pour les transports des pays en développement, en particulier en Asie, devrait être un facteur majeur de cette croissance. En revanche, note le rapport, les considérations écologiques liées au réchauffement de la planète et à la qualité de l'air en milieu urbain, ainsi que les mesures fiscales prises par les gouvernements, devraient contribuer à faire baisser la demande.
Les gouvernements de 19 pays se réuniront avec les représentants des organisations de travailleurs et d'employeurs du 23 au 27 février au siège du BIT à Genève, afin d'échanger leurs points de vue sur les différents défis auxquels est confrontée l'industrie du raffinage du pétrole. Cette réunion est la première réunion de l'OIT qui soit spécialement consacrée au secteur du raffinage de l'industrie pétrolière.
L'auteur du rapport, M. Jon McLin, spécialiste principal des activités industrielles du BIT, a déclaré que, bien que les salaires et les conditions de travail dans le secteur du raffinage du pétrole soient généralement meilleurs que dans de nombreux autres secteurs, "les relations professionnelles deviennent difficiles dans plusieurs pays, car, à mesure que les pressions s'accumulent, elles menacent les niveaux d'emploi et modifient la nature des emplois qui subsistent".
Selon le rapport, on peut, grosso modo, diviser en quatre groupes les questions qui dominent les relations professionnelles dans le secteur du raffinage: 1) la sécurité de l'emploi; 2) le travail en sous-traitance; 3) la santé et la sécurité; et 4) les rémunérations et les conditions de travail. Par ailleurs, le rapport signale les allégations fréquentes de non respect dans différentes régions du principe de la liberté syndicale et du droit à la négociation collective (conventions nos 87 et 98), ce qui constitue un sujet de vive controverse dans les industries pétrolières de nombreux pays. Malgré l'insistance du BIT "pour que l'industrie pétrolière ne constitue pas une exception en ce qui concerne le traitement de tous ces problèmes de relations professionnelles", de nombreux pays limitent les activités des syndicats indépendants et interdisent les actions syndicales dans le secteur pétrolier, sous prétexte que cette industrie constitue un "service essentiel" ou un "secteur stratégique".
Le rapport cite plusieurs cas concernant des travailleurs du secteur du raffinage ressortissants de pays situés dans des régions différentes et ayant des niveaux de développement économique différents, qui ont été soumis aux organes de contrôle de l'OIT, y compris le Comité de la liberté syndicale, ou ont attiré l'attention internationale par d'autres moyens. Ces pays incluent le Brésil, la République islamique d'Iran, le Nigéria et le Royaume-Uni. Parmi les autres pays ayant fait l'objet, par les organes de contrôle de l'OIT, d'un examen des dispositions légales limitant la grève ou imposant le recours à l'arbitrage obligatoire dans l'industrie pétrolière, on peut citer l'Indonésie, le Pakistan et le Pérou.
Les pays où le secteur du pétrole continue à être considéré comme un cas spécial justifiant certaines restrictions au droit de grève incluent le Mexique (la Constitution désigne l'industrie pétrolière comme étant une "industrie stratégique" et les procédures applicables à l'exercice du droit de grève sont extrêmement lourdes); l'Egypte (les grèves sont interdites dans l'industrie pétrolière qui est considérée comme un secteur sensible et relevant du secteur public); le Koweït (les grèves y sont illégales, mais il y en a eu); la Turquie (selon la législation en vigueur, tout différend dans le secteur du pétrole doit faire l'objet d'un arbitrage obligatoire); et Singapour (l'industrie pétrolière y est considérée comme un service essentiel, mais les grèves y sont autorisées sous certaines conditions).
Les autres pays suivants imposent des restrictions au droit de grève dans le secteur pétrolier: l'Azerbaïdjan, le Bélarus et le Costa Rica. En réalité, fait remarquer le rapport, les grèves dans le secteur du raffinage ont été rares, même dans les pays où le droit de grève est autorisé, la raison étant que les salaires et les conditions de travail y sont relativement bons.
Bien que la productivité de la main-d'oeuvre varie beaucoup d'un pays à un autre, indique le rapport, elle s'est néanmoins considérablement accrue au cours de la dernière décennie. A l'échelle mondiale, le niveau global de l'emploi dans le secteur du raffinage est resté stable autour du chiffre de un million de personnes. La plupart des réductions d'emplois se sont produites dans des pays de l'OCDE, où ce secteur est plus mature, ainsi qu'en Europe centrale et orientale, où, depuis 1989, les effectifs du secteur du raffinage ont diminué jusqu'au niveau actuel de 200.000 personnes, tendance qui devrait se poursuivre.
Parmi les grands pays industrialisés, l'Allemagne, les Etats-Unis, la France, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, tous ont enregistré une forte diminution du nombre des travailleurs employés dans les raffineries. La principale cause des réductions de l'emploi dans ces pays est l'accroissement de la productivité résultant du progrès des technologies, puisque pratiquement toutes les entreprises de raffinage installent des systèmes informatisés destinés à contrôler la production et réduisent le nombre des échelons hiérarchiques.
Entre-temps, l'emploi s'est accru en Afrique, en Asie, ainsi qu'au Moyen-Orient, où la capacité de raffinage a aussi augmenté. Cependant, précise le rapport, "les niveaux d'emploi dans ces régions restent modestes, ce qui est à la fois un reflet de la situation générale du marché du travail et une conséquence du caractère relativement moderne et fortement capitalistique des installations de raffinage".
La privatisation et les effets de la libéralisation commerciale se font également sentir dans un certain nombre de grands pays de raffinage, tels que l'Argentine, le Brésil, le Mexique et le Nigéria, où ils suscitent de plus en plus des craintes de licenciements. Sur un plan régional, les auteurs du rapport considèrent l'Amérique latine, où l'industrie pétrolière était fortement protégée, comme "se situant juste après l'Europe centrale et orientale quant à la vulnérabilité du personnel de ses raffineries aux variations de l'emploi liées à la privatisation et la libéralisation".
En Argentine, où le processus de restructuration est le plus avancé, le nombre d'employés de l'entreprise anciennement publique YPF a été réduit de 50.000 à moins de 6.000 entre 1991 et 1997. Au Brésil, l'entreprise d'Etat Petrobras ne jouit plus de la même protection que dans le passé et les effectifs du secteur du raffinage ont baissé de 23 pour cent depuis 1989. Selon le rapport, "le Mexique est peut-être le pays qui a les perspectives d'emploi les plus incertaines de la région". En effet, l'entreprise d'Etat Pemex, "a subi des réductions d'effectifs qui, en termes absolus, sont encore plus importantes que celles d'YPF en Argentine".
Hormis l'intensification de la pression commerciale, "la réglementation environnementale relative aux produits pétroliers est devenue de plus en plus stricte dans la plupart des régions du monde", signale le rapport, qui fait état d'une nette tendance à "un nivellement par le haut des normes environnementales au niveau mondial". Ceci veut dire que les raffineurs ne doivent pas seulement construire de nouvelles installations conformes à des normes qui sont plus sévères, mais aussi mettre les anciennes installations en conformité avec ces normes. Ces deux tâches supposent des investissements importants pour le raffineur qui veut rester sur le marché, mais, même pour celui qui veut cesser ses activités, cela revient cher, puisque, selon le rapport, "le coût de fermeture d'une raffinerie de taille moyenne dans un pays de l'OCDE peut atteindre 200 millions de dollars".
Les opérateurs sont également perturbés par le fameux "effet de cliquet" de nombreuses législations environnementales, ajoute le rapport. En effet, "les normes plus sévères, généralement applicables selon un calendrier qui permettrait d'introduire progressivement les améliorations voulues, sont modifiées avant même d'avoir pu prendre effet". Or, comme il s'écoule plusieurs années entre le moment où l'on décide de construire ou de modifier une raffinerie et la date d'achèvement des travaux, "les équipements destinés à satisfaire aux normes en vigueur à un moment donné risquent de ne pas être encore en place lorsqu'est promulguée, l'année suivante, une nouvelle loi au regard de laquelle ces équipements sont insuffisants".