LA CONFERENCE DE L'OIT ADOPTE LA PREMIERE CONVENTION INTERNATIONALE SUR LE TRAVAIL A DOMICILE: LES DELEGATIONS TRIPARTITES SOUSCRIVENT A L'OBJECTIF DU PLEIN EMPLOI, LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS S'INTENSIFIE

GENEVE (Nouvelles du BIT) - La 83e Conférence internationale du Travail a conclu ses travaux aujourd'hui en adoptant une convention destinée à protéger les travailleurs à domicile ainsi qu'en invitant les Etats membres de l'OIT à redoubler d'efforts pour parvenir au plein emploi et à intensifier la lutte contre le travail des enfants.

Communiqué de presse | 20 juin 1996

GENEVE (Nouvelles du BIT) - La 83e Conférence internationale du Travail a conclu ses travaux aujourd'hui en adoptant une convention destinée à protéger les travailleurs à domicile ainsi qu'en invitant les Etats membres de l'OIT à redoubler d'efforts pour parvenir au plein emploi et à intensifier la lutte contre le travail des enfants.

Dans l'allocution qu'il a prononcée devant la 83e Conférence internationale du Travail, le Directeur général du BIT, M. Michel Hansenne, a appelé l'attention sur la nécessité d'accroître la coopération internationale afin d'humaniser la mondialisation en conciliant les exigences de la justice sociale et celles de la compétitivité. Il s'est félicité du fait que les délégués à la Conférence aient confirmé l'objectif du plein emploi, raillant «ceux qui prétendent que le progrès technique ne peut déboucher que sur une croissance sans emplois, ou qui estiment que la nature même du travail a changé au point que le concept de plein emploi est devenu caduc».

En ce qui concerne le lien existant entre le commerce et les normes du travail, le Directeur général a déclaré que «la libéralisation des échanges concerne l'OIT dans la mesure où elle est susceptible d'affecter à la fois la capacité et la volonté des Etats de poursuivre les objectifs sociaux énoncés dans sa Constitution». Il a rejeté comme étant «infondée» la crainte exprimée par certains pays que le respect des normes fondamentales exerce une influence négative sur la performance de leur économie: «Notre souci - je dirais même notre devoir - est d'assurer le respect des droits fondamentaux des travailleurs et de veiller à ce que progrès social et progrès économique aillent de pair.» Il a enjoint aux Etats membres de l'OIT «de ne pas maintenir artificiellement des conditions sociales inférieures» pour obtenir un avantage comparatif déloyal et d'envisager plutôt la création de mécanismes permettant de «redistribuer équitablement les fruits de la libéralisation des échanges».

Le Directeur général s'est prononcé en faveur d'un élargissement plus résolu de la coopération tripartite à l'échelle internationale, faisant sienne l'idée que le tripartisme est plus important que jamais non seulement pour maîtriser la dynamique des salaires, mais aussi pour maintenir la compétitivité des entreprises, ou promouvoir la flexibilité et la qualité des emplois. Il a déclaré que, pour réussir, le tripartisme exigeait une volonté de dialogue de la part de toutes les parties et un sens des responsabilités qui les incite à ne pas se limiter exclusivement à la défense de leurs intérêts propres.

Il a lancé un appel aux Etats membres pour qu'ils ratifient et appliquent les normes de l'OIT, en particulier les conventions fondamentales sur les droits de l'homme, et a déploré le fait qu'il «subsiste parfois un écart regrettable entre la ratification des conventions et leur traduction dans les faits». Il s'est félicité des résultats de la Réunion informelle en faveur des femmes qui «est devenue un des événements marquants de la Conférence». Cette année, la réunion avait pour thème «La promotion des travailleuses: plans nationaux de suivi de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes». Il a été demandé à l'Organisation d'intégrer le suivi de cette Conférence dans les programmes et activités qu'elle réalise dans le cadre de ses trois domaines d'action prioritaires: promotion de l'emploi productif et lutte contre la pauvreté, protection sociale et conditions de travail, normes internationales du travail.

Le Directeur général a fait observer que douze Etats avaient récemment ratifié les sept conventions fondamentales relatives aux droits de l'homme Note1 et que 60 étaient en passe de le faire.

Travail à domicile

La 83e Conférence internationale du Travail a adopté une convention et une recommandation sur le travail à domicile Note2. Ces instruments constituent les premières normes internationales en faveur des travailleurs à domicile, une main-d'oeuvre en augmentation et souvent invisible dont ni les statistiques ni la législation ne tiennent généralement compte.

Tout Etat membre qui ratifiera la convention sera tenu de: «adopter, mettre en oeuvre et revoir périodiquement une politique nationale sur le travail à domicile visant à améliorer la situation des travailleurs à domicile». Cette politique doit être élaborée en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs et toute autre organisation s'occupant des travailleurs à domicile. La politique nationale sur le travail à domicile doit «promouvoir l'égalité de traitement entre les travailleurs à domicile et les autres travailleurs salariés» dans des domaines tels que les droits syndicaux, la protection contre la discrimination, la rémunération, la sécurité et la santé au travail, la sécurité sociale et la protection de la maternité et l'accès à la formation.

Les délégués à la Conférence ont reconnu que le travail à domicile pouvait être une source d'avantages non négligeables pour les employeurs, les travailleurs et les économies nationales. Le travail à domicile offre à de nombreux travailleurs, en particulier aux femmes, la possibilité de percevoir un revenu tout en pourvoyant aux besoins du ménage. Pour certains professionnels, travailler à la maison peut même être une préférence.

Toutefois, le travail à domicile est une activité qui échappe largement au contrôle administratif. Les effectifs des travailleurs à domicile, main-d'oeuvre peu rémunérée et souvent clandestine, grossissent tant dans les pays en développement que dans les pays industrialisés. Cette catégorie de travailleurs est en majorité constituée de femmes (jusqu'à 95%) et le travail des enfants est souvent lié au travail à domicile. Aux termes de la convention, les Etats membres de l'OIT sont en outre tenus de faire en sorte que les statistiques du travail et les systèmes d'inspection couvrent le travail à domicile. Une fois ratifiées, les conventions de l'OIT ont force obligatoire.

La convention sur le travail à domicile est complétée par une recommandation qui énonce les dispositions internationalement reconnues destinées à guider les gouvernements dans l'application de la politique nationale relative au travail à domicile. Cette recommandation prévoit l'égalité de traitement et l'enregistrement des travailleurs à domicile. La collecte de données sur les travailleurs à domicile et leurs employeurs est surtout destinée à servir de base à la formulation de la politique nationale sur le travail à domicile. Enfin, les Etats membres sont appelés à mettre en oeuvre des programmes d'assistance aux travailleurs à domicile. La recommandation énumère toute une série de mesures envisageables pour améliorer la situation sociale et économique de cette catégorie de travailleurs.

Politique de plein emploi

La Commission tripartite des politiques de l'emploi, faisant sienne le concept de plein emploi, a insisté sur le fait que «la recherche d'un plein emploi productif et librement choisi grâce à une croissance économique plus forte et durable devrait demeurer l'un des principaux objectifs des politiques économiques, sociales et de l'emploi dans la mesure où les gouvernements et les organisations d'employeurs et de travaillleurs s'adaptent à un marché mondial en rapide mutation».

En dépit de la montée du chômage et de l'aggravation des problèmes de la pauvreté et de l'exclusion sociale, les membres de la Commission se sont déclarés d'avis que «le plein emploi demeure un objectif pouvant être atteint malgré l'inquiétude que suscitent les effets destructeurs pour l'emploi de l'évolution technologique rapide et de l'intensification de la concurrence internationale». Ils ont souligné la nécessité de créer «un cadre économique qui incite nettement les entreprises à investir et à créer des emplois». Au nombre des éléments qui sont de nature à créer un environnement favorable, la commission a relevé «la stabilité économique et financière et l'absence d'une inflation excessive et de variations brutales des taux de change».

Elle définit le plein emploi comme «reflétant un niveau d'activité qui permet à tous ceux qui sont disponibles, aptes et activement à la recherche de travail de pouvoir en trouver». Elle reconnaît que toute définition du plein emploi doit tenir compte de l'évolution de la structure de l'emploi et notamment «du taux de rotation plus élevé des effectifs et de la tendance de plus en plus marquée vers une réduction et un assouplissement de la durée du travail». Pour résoudre ces difficultés, elle estime qu'il convient d'encourager «la sécurité de l'employabilité» en offrant davantage de «possibilités de formation et de recyclage, de formation continue et de formations adaptées aux nouveaux débouchés».

La Commission a affirmé que la notion de plein emploi est applicable à tous les pays bien qu'il faille parfois «l'interpréter différemment pour les pays en développement». En ce qui concerne les pays en développement et les pays en transition, elle estime que promouvoir la création d'emplois dans les activités concurrentielles du nouveau secteur privé et du secteur public viable est «un volet très important des politiques de l'emploi». Elle propose en outre «d'élaborer un cadre juridique global qui permette aux petites et moyennes entreprises de fonctionner et d'aligner la législation du travail sur les normes de l'OIT».

Toute stratégie du plein emploi doit obligatoirement comprendre «la mise en oeuvre de politiques macroéconomiques visant à créer les conditions propices à une croissance accrue, l'équité fiscale, des investissements créateurs d'emplois et un équilibre plus stable entre l'offre et la demande». Cela suppose, dans la mesure du possible, «une baisse des taux d'intérêt réels, des déficits budgétaires, de la dette publique et du service de la dette».

La Commission invite l'OIT à analyser, en collaboration avec ses mandants et les institutions de Bretton Woods:

• l'incidence de la libéralisation commerciale et financière sur le niveau et la qualité de l'emploi;

• les formes appropriées d'appui gouvernemental au développement des infrastructures et à la formation;

• les formes d'appui au développement des petites et moyennes entreprises;

• l'établissement d'institutions et de réglementations du marché du travail qui peuvent satisfaire au mieux le double impératif d'une plus grande croissance de l'emploi et de la compétitivité.

La Commission a également souligné le fait que, à Copenhague, le Sommet mondial pour le développement social a réaffirmé l'objectif du plein emploi. Pour créer des emplois, l'instauration de formes tripartites de dialogue social entre les gouvernements et les organisations de travailleurs et d'employeurs devrait devenir une «préoccupation prioritaire des politiques nationales».

Résolution sur le travail des enfants

La Commission des résolutions s'est félicitée de la part plus importante prise par l'OIT au combat contre le travail des enfants, et notamment du lancement du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), de l'intensification de la coopération technique et des efforts déployés pour obtenir davantage de ratifications et une plus large application des conventions pertinentes de l'OIT.

La Commission invite les gouvernements et, le cas échéant, les organisations d'employeurs et de travailleurs à élaborer des politiques formelles et à fixer des priorités afin d'oeuvrer immédiatement à l'abolition des formes les plus intolérables du travail des enfants, à savoir la servitude et l'esclavage, les travaux dangereux, l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et l'exploitation des très jeunes enfants.

Elle encourage l'élaboration d'une législation nationale proscrivant l'exploitation des enfants au travail et la formulation de politiques de l'éducation comportant la création de garderies, d'écoles et de centres de formation de manière à promouvoir l'accès des filles et des garçons, de façon égalitaire, à l'enseignement de base, «éléments cruciaux pour le succès de tout effort visant à éliminer progressivement le travail des enfants».

Elle préconise en outre l'adoption de mesures destinées à «faire en sorte que l'opinion publique ait davantage conscience du coût économique et humain, ainsi que de la non-viabilité à long terme du recours au travail des enfants».

Le 12 juin, une réunion informelle au niveau ministériel, au cours de laquelle 60 ministres se sont prononcés contre le travail des enfants, a mis en évidence la détermination dont fait preuve l'OIT pour éradiquer ce fléau. Les travaux devant aboutir à l'élaboration d'une nouvelle convention qui portera sur les formes les plus intolérables du travail des enfants devraient commencer bientôt, la première discussion étant inscrite au programme de la Conférence de 1998.

Le Président de la Conférence était M. Saif Ali Al-Jarwan, ministre du Travail et des Affaires sociales des Emirats arabes unis. Les trois Vice-Présidents de la Conférence étaient M. David S. Boateng, ministre de l'Emploi et des Affaires sociales du Ghana (groupe gouvernemental), M. Jorge de Regil Gómez Muriel (groupe des employeurs, Mexique) et M. Madia Diop (groupe des travailleurs, Sénégal).

Note1

No 29 (1930) sur le travail forcé; no 87 (1948) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical; no 98 (1949) sur le droit d'organisation et de négociation collective; No. 100 (1951) sur l'égalité de rémunération; no 105 (1957) sur l'abolition du travail forcé; no 111(1958) concernant la discrimination (emploi et profession); et no 138 (1973) sur l'âge minimum d'admission à l'emploi.

Note2

Vote sur la convention: Oui - 246; Non - 14; abstentions - 152 (la plupart des délégués des employeurs se sont abstenus).

Vote sur la recommandation: Oui - 303; Non - 4; abstentions - 111.